Fugues avril 2012

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Actualités 1_Layout 1 15/03/12 9:24 AM Page 14

L’ACTUALITÉ_RENCONTRE

Dr Réjean Thomas

L’ACTUALITÉ EN CINQ QUESTIONS

Le docteur Réjean Thomas, président fondateur de la clinique l’Actuel, spécialisée dans les traitements du sida et des infections transmises sexuellement (ITS), et de la Clinique A Rue McGill, se disait récemment inquiet de constater que de plus en plus de jeunes adultes contractent le VIH/sida, ce qui contribue notamment à faire diminuer la moyenne d'âge des personnes infectées. Nous lui avons posé cinq questions…

1)

ON SOULIGNAIT RÉCEMMENT, LES 30 ANS DE L'APPARITION DU VIH/SIDA DANS NOS VIES. EST-CE QUE LA BANALISATION ACTUELLE QU’ON SEMBLE OBSERVER, EN PARTICULIER CHEZ LES PLUS JEUNES, POURRAIT ENTRAÎNER UNE NOUVELLE «VAGUE» DE CONTAMINATIONS?

Absolument, les plus récentes données compilées par l'Actuel, indiquent que 34 pour cent des nouveaux séropositifs n'étaient pas dans la trentaine en 2011, comparativement à 20 pour cent l'année précédente. C’est très inquiétant de constater ça et je me dis que si une épidémie aussi grave touchait dans la même proportion des jeunes hommes hétérosexuels ou des jeunes femmes, la réponse du gouvernement et de la santé publique serait beaucoup plus agressive.

2) SELON TOI, EST-CE QUE LES JEUNES HOMMES GAIS RÉALISENT LA

PLEINE AMPLEUR DE CE QUE CELA SIGNIFIE QU’ÊTRE SÉROPOSITIF EN 2012?

Non et c’est un peu normal. Ils n’ont pas vécu le sida cette maladie mortelle qui décimait nos amis. De plus, comme il n’a pas eu d’éducation sexuelle digne de ce nom dans les écoles depuis 2003, les jeunes en général sont très mal informés sur le VIH et les autres ITS.

3)

N'EST-IL PAS DIFFICILE DE CONVAINCRE LES HOMMES GAIS ET BISEXUELS (JEUNES OU MOINS JEUNES) DES RISQUES PRIS ET DE FAIRE DE LA PRÉVENTION ALORS QUE L'ON A PRESQUE CATÉGORISÉ LE VIH EN TANT QUE «MALADIE CHRONIQUE» ET QUE BIEN DES PATIENTS VIVENT EN PLEINE FORME AVEC LES THÉRAPIES DISPONIBLES ? CERTAINS POURRAIENT VOIR LÀ UNE CONTRADICTION DANS LES MESSAGES...

Ce n’est pas contradictoire, mais c’est la réalité. Le VIH est une maladie que l’on peut traiter et qui devient comme une maladie chronique. Il n’en demeure pas moins que c’est une maladie grave, que l’on peut éviter de contracter, que l’on peut prévenir. Il vaut mieux tout faire pour prévenir les transmissions que de vivre avec le VIH avec une thérapie à prendre pour la vie avec des conséquences sociales et une stigmatisation sociale importante qui bouleversera votre vie.

4)

EST-IL RÉALISTE D’ESPÉRER, ENCORE AUJOURD'HUI, UN VACCIN PRÉVENTIF OU CURATIF OU CETTE IDÉE EST-ELLE DU DOMAINE DE LA SCIENCE-FICTION?

L’avenir est difficile à prévoir en science, mais un vaccin préventif semble actuellement difficile à se concrétiser pour différentes raisons, dont la mutation facile du VIH, qui rend compliqué la conception d’un vaccin préventif. Cela dit, on ne peut pas dire non plus que c’est une impossibilité. Il existe aussi de nombreuses études pour un vaccin thérapeutique, c’est-à-dire un vaccin pour les patients vivant avec le VIH, un vaccin qui stimulerait l’immunité et pourrait faire en sorte que les patients pourraient cesser leurs traitements temporairement. Un tel vaccin n’existe pas encore, mais beaucoup de recherches se font en ce sens.

5)

TU PARLES DE REFAIRE DES CAMPAGNES DE PRÉVENTION ADRESSÉE AUX JEUNES, SELON TON EXPÉRIENCE, À QUOI DEVRAIT RESSEMBLER CETTE CAMPAGNE, QUELS MESSAGES DEVRAIT-ELLE LANCER ET À QUELLE FRÉQUENCE DEVRAIT-ON LES PASSER?

En matière de prévention, il n’y a pas de recette miracle. Il faut toujours recommencer l’éducation, surtout — mais pas uniquement — pour les jeunes qui n’ont pas été directement confrontés aux sida, dans les années 80 et 90, alors que c’était une maladie mortelle sans thérapie. Il faut répéter, éduquer, conscientiser et recommencer encore avec différents types de campagnes : certains visant les jeunes, d’autres les plus vieux, d’autres les femmes, etc. Comme n’importe quoi d’ailleurs. Coca Cola et Apple font toujours de la publicité, même si leurs produits sont connus du public et ce n’est pas pour rien… En matière de prévention, il faut aussi répéter les messages et investir pour que les messages passent et soient compris. Malheureusement, les budgets du Québec sont les mêmes depuis 25 ans. Ce n’est pas normal, alors que l’on paie cher les traitements contre le VIH. Les budgets de prévention représentent environ 2% des budgets de santé, c’est totalement insuffisant. Il y a moins de deux ans, le gouvernement du Québec a investi plus de 200 millions de dollars pour prévenir la grippe H1N1, alors qu’on investi environ 25 millions dans la lutte au VIH et aux ITSS par an, depuis 25 ans, et de cette somme environ 1 million seulement est consacré aux campagnes de prévention. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il y a un déséquilibre. Pourquoi ? Est-ce que parce que c’est une maladie qui touche plus particulièrement une population marginale? À vous de juger… Les gais doivent se mobiliser pour forcer les gouvernements à faire du VIH sida une priorité de santé publique et pas juste autour de la journée mondiale du VIH. 6 PROPOS RECUEILLIS PAR YVES LAFONTAINE ET ANDRÉ C. PASSIOUR ///////////////// 014 FUGUES.COM AVRIL 2012


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