Revue de la France Libre n°67 - supplement FNFL

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Supplément détachable

Sur

les Traces des Marins de la France Libre

Voyage mémoriel de la Fondation en Grande-Bretagne (10 au 17 septembre 2017) Seconde partie : l’Angleterre Après l’Ecosse, le voyage organisé par la délégation au souvenir des marins de la Fondation de la France Libre s’est poursuivi en Angleterre, en commençant par Londres où se trouvait le quartier général de la France Libre à Carlton Gardens. Après une

visite du Lycée Français, le groupe des 45 participants s’est rendu au cimetière de Brookwood, dans le carré français, puis il a mis le cap sur la côte Sud : à Dartmouth pour la visite du Britannia Royal Naval College, à Kingswear sur les traces des

vedettes lance-torpilles de la 23e flottille de MTB, dans l’Ile de Wight à Cowes, base des chasseurs de sous-marins et enfin à Portsmouth, véritable « berceau des FNFL », où était basé le cuirassé Le Courbet, qui servait de dépôt des équipages FNFL.

Le groupe au pied de la statue du Général de Gaulle à Carlton Gardens (de g. à d.) : Nicole Guillamet, Jacques Omnès, Roger Guillamet, Denis Zang, Cdt Luc Raynal, Patrick Dieulangard, Etienne Jacheet, Gérard Robert, Jeanne Guilcher-Dieulangard, Brigitte Williams, Marie-José Coturel-Tiffou, Yann Lapicque, Michel Leblond, Anne-Marie Balannec-Le Bourhis, Marie-Claude Santarelli, Christophe Bayard, Michel Bouchi-Lamontagne, Jean-Pierre Tiffou, Isabelle Savary-de Billy, Françoise de Cherisey, Jérôme de Bigault de Cazanove, Louis Briens, Michel Pérot, Henry Frajder, Anne-Marie et Alain Bonneau, Laïe Giret, Michèle Santarelli-Delouya, Marie-France Baffert, Claudie Saliou et Annick Santarelli.

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Londres, capitale de la France Libre 13 septembre 2017 : Londres

s’éteindre et ne s’éteindra pas ». Revenant à la charge le lendemain 19 juin sur les mêmes À Londres, nous retrouvons Christophe antennes, il ajoutait : « Tout Français qui Bayard, vice-président de la Fondation et porte encore des armes a le devoir absolu de Brigitte Williams, déléguée de la Fondation continuer la résistance ». pour la Grande-Bretagne, auxquels vient A l’été 1940, les militaires et civils français qui se joindre le CV Luc Raynal, attaché de se trouvaient en Grande-Bretagne y étaient défense adjoint-Marine à l’ambassade de arrivés dans le désordre, isolément, en unités organisées comme les troupes embarquées France. Après le dépôt de gerbe, nous avons le à Dunkerque ou rescapées de Narvik… privilège de pénétrer dans l’immeuble Parmi ces dernières, le libre choix ayant été laissé aux hommes qu’occupait le général de de rentrer en France ou Gaulle à Carlton Gardens de continuer la lutte sur et son état-major. Ce lieu place, une minorité avait est occupé aujourd’hui choisi de suivre le général par le groupe Edmond de de Gaulle. Pour tous ces Rotschild, et c’est à titre soldats, leurs chefs et exceptionnel que nous toute l’infrastructure des avons pu le visiter par services indispensables, il petits groupes. fallait trouver rapidement Il est impossible de un hébergement, tâche transcrire l’émotion que beaucoup d’entre nous Christophe Bayard, Brigitte Williams et le difficile compte-tenu du ont éprouvée à entrer CV Luc Raynal déposent une gerbe au pied contexte, ce qui explique les tâtonnements sucdans cet espace sobre où de la statue du Général. cessifs. figurent au mur quelques photographies et surtout cette imposante A Londres, le général de Gaulle s’inshorloge que l’on voit distinctement sur tallait d’abord au premier étage d’une les photos d’époque, et devant laquelle maison confortable, 7-8 Seamore Grove, (aujourd’hui 7 Curzon Place), à côté de chacun, tient à se faire photographier. Hyde Park. C’est là que dès le 18 juin, arrivaient les premiers volontaires. Mais très vite, le 23 juin, le Comité National Français Provisoire, fort de l’appui officiel du Gouvernement britannique, s’installait un peu plus au large, dans quatre pièces puis douze, à St-Stephens House, Victoria Embankment sur la rive de la Tamise, là où

L’Olympia Hall Les volontaires français se recrutaient d’abord au sein des unités arrivées de Norvège ou de Dunkerque, qui se trouvaient en juin 1940 cantonnées près des ports, notamment sur les côtes de la Manche et de la mer du Nord et dans la région de Liverpool. Les fantassins stationnaient dans les camps de Trentham Park, près de Stoke-on-Trent, et de Arrowe Park, près de Liverpool ; les aviateurs, sur la base de Saint-Athan et les

Les engagements dans les FNFL Dans la salle de l’Horloge, le général de Gaulle, l’amiral Emile Muselier et le professeur René Cassin (ECPAD).

place ombragée donnant sur le Mall près de St-James Park. Jusqu’en 1943, Carlton Gardens abrita le noyau politique de la France libre, avec des antennes qui essaimèrent progressivement dans les rues et les quartiers proches, notamment Mayfair et Victoria Station. Ensuite, c’était le siège de l’ambassade du CFLN à Londres, avant que la Libération permette de reprendre possession de l’ancienne ambassade de France à Knightsbridge. L’administration de la Marine s’installait à l’Institut français, puis à Stafford Mansions ; l’Intérieur, avec en particulier les services de la propagande, au 17-19 de Hill Street, le BCRA au 10 Duke Street, près d’Oxford Street, avec une cinquantaine de bureaux début 1942, et sept fois plus dans environ 25 immeubles londoniens, à la fin de 1943. En effet, si la direction politique de

Salle de l’Horloge, de g. à d. : Michel Leblond, Brigitte Williams, Véronique Marin, Laïe Giret, Gérard Robert, Joëlle Robert-Colmay, Jean Yves Salmon et Jean-Pierre Tiffou.

A la station Olympia-Kensington en 1940 (l’Olympia Hall se situe à droite) : évacuation du personnel de l’ambassade de France (coll. Disused Stations).

marins sur les champs de courses, devenus rapidement des bourbiers, à Haydock et Aintree. A partir de là, ceux qui, en très petit nombre, choisissaient de ne pas rentrer en France et de continuer le combat, étaient regroupés. Ils retrouvaient les volontaires arrivés isolément depuis la métropole ou les colonies, qui tous étaient soumis, pendant quelques jours au préalable, à l’enquête de la « Patriotic School » lieu où les policiers britanniques vérifiaient, pointilleusement mais courtoisement, leur identité et leur motivation, pour limiter le danger d’espionnage. Le centre d’accueil et de recrutement des Français Libres se trouvait à Londres à l’Olympia Hall, vaste bâtiment accueillant des expositions et des concours hippiques. Dès leur sortie de la gare, marchant par des rues où le bon peuple de Londres vaquait à ses occupations, ils furent applaudis malgré leurs allures de clochards et de

L’installation à Carlton Gardens Tout avait commencé le 18 juin 1940 par le célèbre appel : « Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas

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Aujourd’hui, la façade de l’immeuble du 4 Carlton Gardens a toujours le même aspect (ECPAD).

sir Edward Spears qui avait accompagné en avion le Général depuis Bordeaux, avait ses propres bureaux. La France Libre n’y restait qu’un mois jusqu’au 22 juillet, date de son installation dans ses bureaux définitifs au centre de Londres, au 4 Carlton Gardens,

fantômes, avec émotion. L’Olympia était un hall d’expositions où l’empire britannique présentait naguère ses gloires et ses richesses. D’où son autre nom : Empire Hall. C’était, dans le quartier de Hammersmith, une carcasse de béton vide, restée longtemps fermée. Il y flottait des relents de moisi et des lueurs glauques s’accrochaient aux sols, parois, piliers et plafonds de ciment râpeux ou maculé de vieilles flaques de cambouis.

la France combattante s’installait à Alger à partir de juin 1943, la plupart des services administratifs continuèrent à fonctionner efficacement à Londres, compte-tenu de la proximité du continent.

Premiers volontaires s’engageant dans les Forces Françaises Libres (DR).

Les FNFL ne comprenaient que des volontaires, ils devaient avoir au moins 17 ans et être aptes physiquement, ils signaient un acte d’engagement qui se réfèrait au statut des Forces Françaises Libres. C’était un engagement inconditionnel pour la durée de la guerre, plus trois mois. Le volontaire pouvait exprimer une préférence mais n’avait pas le choix de son arme. En aucun cas il ne serait appelé à prendre les armes contre ses compatriotes. Il s’engageait à servir n’importe où il serait envoyé. Les clauses ne furent pas entièrement respectées. Dès le 26 août 1940, l’amiral Muselier décidait que des formules spéciales d’engagement seraient utilisées par les volontaires des FNFL. Il réclamait à cor et à cri que les marins et anciens marins soient incorporés en priorité dans la marine, mais les bureaux de recrutement hors Grande-Bretagne agirent longtemps selon les impératifs locaux, en général favorables à l’armée de terre. Il fallut attendre fin 1941 pour que la satisfaction des besoins spécifiques des FNFL soit enfin reconnue. Le recrutement des FNFL était très hétéroclite : • Une importante proportion de jeunes civils originaires des départements frontières ou des zones côtières animés par un ardent patriotisme, le goût de l’aventure et la volonté de se battre au plus vite. • Une minorité de marins de la marine nationale. D’une façon générale, les équipages et les états majors suivaient spontanément leur commandant. Quand celui-ci choisissait de poursuivre la lutte, – cas du Rubis et du Narval – c’est l’unité presque toute entière qui ralliait la France Libre. Malheureusement, la quasi-totalité des commandants avait préféré obéir aux ordres de l’amiral Darlan et les équipages avaient fait de même.

• Une majorité de marins issus de la marine marchande : dans ce cas encore, quand le capitaine faisait un choix, il entraînait avec lui la majeure partie de son équipage, exception faite des « indigènes » qui ralliaient toujours en grand nombre les FNFL.

Des volontaires féminines Dès l’appel de juin 1940, de nombreuses femmes venues de France ou de l’empire avaient exprimé le souhait de s’engager. En novembre 1940, le général de Gaulle approuvait la création d’un « corps auxiliaire féminin ». Les volontaires étaient formées dans un centre britannique d’instruction. Ce corps avait pour objet de libérer les combattants dont les emplois pouvaient être tenus par des femmes et de doter les services militaires d’un personnel d’employés exclusivement militaires. Il était ouvert aux Françaises âgées de 18 à 43 ans, la hiérarchie allait jusqu’au grade de capitaine. Plus de la moitié d’entre elles étaient originaires de Saint-Pierre et Miquelon. Leurs spécialités étaient variées : conductrices, secrétaires dactylos, chiffre, couturières, serveuses, cuisinières, télégraphistes, comptables, plantons… En 1941, les premières femmes avaient rejoint les FNFL dans un « Service Féminin de la Flotte » (SFF) commandé par Methilde

Les marinettes du Service Féminin de la Flotte (ECPAD).

Bravery qui avait été principale collaboratrice de l’amiral Muselier et dirigé le service des télégrammes. Le SFF n’a eu d’existence légale qu’à partir de septembre 1943, après la fusion avec les Forces Maritimes d’Afrique. La Grande-Bretagne a fait figure de pionnière dans l’intégration des femmes dans les forces armées avec la création du Women of the Royal Navy (WREN), dont les effectifs passèrent de 1 500 en septembre 1939 à 40 300 à la fin de 1942. Michèle Delouya-Santarelli

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Londres et cimetière de Brookwood Réception au Royal Naval Club Le 13 septembre nous sommes attendus pour un cocktail au Naval Club de Mayfair, à l’invitation de l’ambassade de France. C’est le CV Luc Raynal, attaché naval qui nous reçoit en évoquant les liens étroits qui se sont tissés entre la Royal Navy et notre Marine nationale.

L’atmosphère de ce club, sa décoration intérieure, illustrent combien les Britanniques sont restés attachés à leurs traditions, comme le souligne un participant à notre voyage, Henry Frajder, membre du Royal Naval Volunteer Reserve de Paris, pour qui il n’existe pas d’équivalent en France.

De g. à d. : Henry Frajder, Véronique Marin, Michel Balannec, Brigitte Williams, Christophe Bayard, Jacqueline Poittevin, Michel Leblond et Michel Bouchi-Lamontagne.

Hommage à Arsène Lepoittevin Brigitte Williams nous rappelle que c’est un marin FNFL, Arsène Lepoittevin, connu en Angleterre sous le nom de « French Georges », qui l’avait convaincue de devenir déléguée de la Fondation pour la Grande-Bretagne. Décédé le 30 Juillet 2017, il était l’un des derniers marins FNFL vivant outre Manche. Sa fille Jacqueline que nous avions conviée à la réception, est très émue d’écouter un membre de notre groupe, Michel Leblond, délégué de la Fondation de la France Libre pour la Manche, évoquer la mémoire de son père qui était natif de Valognes (Manche). Orphelin de l’hôpital-hospice de Valognes, Arsène-Georges était enrôlé dans les fermes avant 13 ans comme tâcheron agricole. En

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1939, alors agé de 17 ans, il s’engage dans la marine nationale et, devenu radiotélégraphiste de l’école des Radios de Lorient, tente de rejoindre la France Libre en 1941 à Dakar, mais il sera arrêté et condamné à 3 ans de prison dans les geôles vichistes à Kénitra (Casablanca). Libéré par un groupe de résistants, à la suite du débarquement anglo-américain le 8 novembre 1942 en Afrique du Nord, il se cache, mais sera remis en prison par un lieutenant vichyste. Et ce n’est que sur l’intervention des Britanniques, qu’il sera extrait de sa prison le 28 décembre 1942, mais le commandant du dépôt de Casablanca lui signifia qu’il était indésirable dans la marine et qu’il était versé dans l’armée de terre par mesure disciplinaire, il refusa de porter l’uniforme de « biffin » et fut affecté à la station d’écoute radio des Oudaïas à titre civil, avec toujours le désir de rejoindre la France Libre. Ce qu’il fit à la mi-février 1943 en compagnie de Guy Raoulx, originaire de Papeete, en rejoignant Gibraltar en barque et c’est le 1er avril 1943 qu’il arrivait à Londres pour s’engager dans les FNFL. Il sera affecté sur le sous-marin Junon puis sur la frégate Surprise qui participa au Débarquement. Sa biographie intitulée « Un péquenot normand chez la Reine », est paru en 2008 aux éditions Ouest-France.

Au lycée français Charles de Gaulle

1980, afin de rendre hommage au général de Gaulle, que le lycée sera baptisé à son nom, en témoignage de l’histoire partagée entre la France et la Grande-Bretagne, au moment où Londres était la capitale de la France Libre. En 1940, le lycée sera évacué dans le Cumberland et dans ses locaux s’installeront plusieurs services de la France Libre, notamment l’administration des FNFL.

Françoise de Cherisey et Alain Bonneau lisent le poème de Georges Lapicque « Face au vent », à droite notre porte-drapeau, Richard Nerrand.

Au cimetière de Brookwood Dans l’après-midi du 13 septembre, nous partons pour le cimetière militaire de Brookwood, situé à 48 km de Londres. Nous y retrouvons Noël Rabouhans, fils de Raymond, FNFL. C’est le plus grand des cimetières militaires du Royaume-Uni : il comporte plus de 5 000 tombes du Commonwealth (guerres 14-18 et 39-45) et plus de 700 d’autres pays. Parmi ces dernières, les 244 tombes du carré français sont celles de combattants français de la seconde guerre mondiale, dont 42 tombes de marins des Forces Navales Françaises Libres, 24 tombes de la Marine (dont 1 matelot inconnu), 32 de la Marine marchande (dont un officier inconnu). Nous nous recueillons sur les deux stèles, situées côte à côte qui rendent hommage aux aviateurs des Forces Aériennes Françaises Libres (FAFL) et aux marins FNFL. Puis, Françoise de Cherisey (fille du FNFL Henri Aguillon) et Alain Bonneau (fils du FNFL Robert Bonneau) nous lisent à deux voix un poème de Georges Lapicque intitulé « Face au Vent ». Ensuite, le VAE (h) Jean-Pierre Tiffou, mari de Marie-José Tiffou-Coturel (fille du FNFL Joseph Coturel) les rejoint pour déposer la gerbe de notre délégation au Souvenir des Marins.

Dans le car qui nous conduit jusqu’au Lycée, Brigitte Williams, déléguée de la Fondation de la France Libre pour la Grande-Bretagne, nous propose une petite visite guidée de South Kensington. Nous sommes accueillis par Olivier Rauch, proviseur du lycée français Cherles de Gaulle de Londres, dans le hall d’entrée où ont été installées en 2010 deux vitrines et deux bornes interactives dédiées à l’histoire de la France libre, préparées avec soin par Brigitte Williams et offertes au Lycée Charles de Gaulle par la Fondation. Inauguré en 1915, c’est en Vitrine au Lycée français de Londres, préparée par la déléguée de la Fondation.

Le carré français du cimetière de Brookwood : 244 tombes de combattants français de la seconde guerre mondiale.

Face au vent

Les ombres de Brookwood

Amis, malgré le glas de trois centenaires Nous sommes face au vent, Ensemble, pour fêter, héros imaginaires, La mer toujours ! culte de nos idées Scintille sous nos yeux, Mêlant dans son miroir nos amours éclatées A l’infini des cieux. Près de tant de grandeur, qu’est-ce donc que la gloire ? Un fugitif éclair ? Un nom sur une tombe ? Un nom parmi l’histoire ? L’or d’un clairon de l’air ? Dieu seul connait cela : Nous écoutons ; il pense ; Lui seul voit l’avenir. Nous suivons le chemin ; l’unique récompense Est dans le souvenir. Pour nous, ce sont des jours, des nuits, des ombres vagues, Des ordres, des convois ; Des regards de jeunesse entraînés sous les vagues, Des sourires, des voix. Il était donc écrit quelque part dans un livre Que nous reviendrions, Désignés par en haut, sans doute, pour survivre Dans les obscurs rayons ; Que tous les cinquante ans, par quelque heureux voyage Dans un monde enchanté, Nous saurions à nouveau fleurir l’appareillage Où dort la Liberté !

Cimetière militaire de Brookwood. Carré français. Dans le bruissement des feuilles agitées par le vent nous avions déposé les gerbes, rendu «Aux morts» l’hommage de notre silence, chanté la Marseillaise. Je cheminais, pensif, le long d’un alignement de petites croix blanches. Croix anonymes dans le soleil déjà déclinant, mais dont la lumière encore éblouissante masquait les inscriptions. Mais voici que mon ombre, projetée sur les croix, dévoilait sur chacune une date et ... un nom. Ainsi, mon ombre qui passait, nos ombres qui passaient, réveillaient-elles les ombres endormies des combattants de la Liberté, comme si, un à un, ils répondaient : « Présent ! » Nous sommes des ombres de passage, unies aux ombres du passé, encore tellement présentes, par nos valeurs d’humanité. Dans le silence de Brookwood, mais aussi à Greenock, à Dundee, à Spean Bridge et à Cowes, ces ombres nous parlent encore. Et pour toujours...

(Par rues et jardins, 1-5 avril 1993) Georges Lapicque, officier des FNFL (dit Jean Lost de Pic) Nous demeurerons ensuite un long moment dans les allées et le soleil couchant étend nos ombres sur les stèles, ce qui inspire à Jacques Omnès, participant à notre voyage, un poème que voici.

Jacques Omnès Ce poème a été traduit en polonais pour être lu la semaine suivante en Pologne, à Gross-Born (Borne Sulinowo), lors d’une cérémonie organisée par un membre de notre groupe : Etienne Jacheet, délégué de la

Fondation pour le Loiret et aussi secrétaire général de l’Amicale de l’Oflag IID-IIB-XXIB où furent détenus des futurs Français Libres. En Pologne, Etienne Jacheet a pu évoquer notre passage à Dundee ou Cowes, où les marins polonais et français se sont cotoyés. Il a aussi rappelé les exploits de ces officiers français évadés. Le 31 janvier 1941, ce fut le cas d’un premier trio composé de Pierre Billote (2e DB et 10e DI), Jean de Person (2e DB) et Jean Richemond, dit Bozel (QG Londres). Puis un deuxième trio s’évadait le 28 mars 1941 : Jacques Branet (2e DB), Alain de Boissieu (2e DB) et Aloïs Klein (1re DFL). Du Stalag IID, s’évadèrent Jean-Louis Crémieux-Brilhac (QG Londres), Raymond Meyer ((2e DB) et René Millet (1re DFL). Ces neuf évadés se retrouvèrent en Union Soviétique et rejoignirent l’Ecosse sur l’Empress of Canada et s’engagèrent dans la France Libre.

Mémorial FNFL à la mémoire des disparus des navires de guerre : torpilleur La Combattante, corvettes Alysse et Mimosa ; sous-marins Surcouf, Narval ; patrouilleurs Poulmic et Vikings ; Chasseurs 5 (Carentan) et 8 (Rennes) ; et des bâtiments de commerce : paquebots Cuba, Touareg et Président Doumer ; cargos Anadyr, Djudjura, Forbin, Charles L.D., Casamance, Celte, Daphné, Fort Médine, Ile de Batz, Morlaix, P.L.M. 27, P.L.M. 22, Ville de Tamatave et Myson.

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Dartmouth : Britannia Royal Naval College 15 septembre : Dartmouth A notre arrivée devant l’entrée principale du prestigieux collège, nous retrouvons le CC Cyril Chabrier, officier de liaison avec le Britannia Royal Naval College (BRNC) ainsi que Paul et Oriole Arnisson-Newgass, sympathisants des FNFL, qui ont œuvré pour le souvenir de la 23e flottille de MTB à Kingswear avec notamment la pose d’une plaque commémorative le 13 novembre 2016 et l’installation d’un petit musée dédié. En entrant dans ce lieu prestigieux, nous passons sous le blason du porche orné de la devise en français « Dieu et mon droit » (lointain héritage de la conquête par les Normands, devenu devise de la monarchie britannique depuis Henri V, au 15e siècle). Puis nous gravissons l’escalier intérieur dominé par les portraits de la Reine Elisabeth et du Prince Philippe, duc d’Edimbourg. Le

Le Great Dining Hall (en haut)et le Quarter Deck Room du Britannia Royal Naval College où nous sommes reçus.

Les Frobishers français de la 1re session étaient malicieusement dénommés « Frobbies » par les Britanniques selon les mémoires de Jean Saliou, assis à droite (coll. famille Saliou).

Carter, Saliou Jean alias Dickenson, Théry Roland alias O’Kelly. A leur sortie du BRNC, tous ces élèves avaient d’abord servi dans la Royal Navy, avant de rejoindre des unités FNFL.

Les « Frobishers » français du BRNC

La délégation de la Fondation remet au commandant du Collège un panneau à la mémoire des élèves officiers FNFL qui ont suivi les sessions du BRNC de 1940 à 1943.

Captain Jolyon Woodard, commandant le collège, accueille notre délégation en rappellant les fortes relations établies de longue date entre nos écoles navales. Il se félicite du développement permanent des relations entre notre Marine Nationale et la Royal Navy et nous convie à une visite du collège chargée d’histoire que nous effectuons sous la conduite de deux guides.

D’août 1940 à avril 1943, 36 jeunes engagés dans les FNFL ont pu suivre la formation d’officier au BRNC. Précédemment en classe préparatoire pour entrer à l’Ecole Navale ou dans les écoles de la marine marchande, ils avaient un bon niveau de pratique de la langue anglaise. Aux côtés des cadets britanniques de la branche Frobischer (qui sont l’équivalent de nos officiers-mariniers ayant réussi le concours d’entrée à l’Ecole Navale), ils ont suivi avec succès le cursus, se classant souvent dans les premiers. A la sortie du BRNC, ils avaient rejoint d’autres officiers des FNFL qui avaient suivi les cours de l’Ecole Navale de la France Libre à Portsmouth, à bord du Courbet, ou du Président Théodore Tissier et de leurs annexes. Que ce soit à Dartmouth ou à Portsmouth, les élèves officiers avaient acquis un solide entrainement qui explique les performances des unités FNFL tout au long de la guerre. Voici la liste des élèves qui avaient été reçus à l’examen de sortie du BRNC. 1 session (SE 52) août- déc 1940 Demay Raymond alias Farner, Léandri alias Fitzgerald, Le Ni alias Milner, Passemard Louis alias Thompson, Petit Jean alias re

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2e session (SE 53) janvier-août 1941 de Bigault de Cazanove Paul, Delouche Jean, Descombes Bernard, Flohic François, Lapicque Georges, Leroux André, Schloesing Jean, Sergeant Pierre. Tous ces élèves, comme ceux de la 3e session, avaient initialement suivi le cours d’élève-officier sur le Courbet et une école d’application embarquée. 3e Session (SE 54) mai-décembre 1941 Chaline Emile, Faucher Pierre, Gautier Philippe, Gourvil René, Le Gall Léonce, Morin Roland, de Poulpiquet Gonzague. 4e Session (SE 55) sept. 1941-avril 1942 Boncenne Henri-Paul, Fréjavise Michel Hippolyte, Gangloff André, Herbout Cyrille, Pillet Jean. Ces élèves, comme ceux des sessions suivantes, avaient été nommés élèves aspirant à la sortie du BRNC. 5e Session (SE 56) janvier-septembre 1942 Alleaume Philippe, Desmarais Georges, de Kerros Tanguy, Ligot André, Trebucq JeanClaude.

Les volontaires de Carteret Michel Leblond, délégué de la Fondation pour la Manche, raconte au commandant de l’école les exploits de trois jeunes français partis de Carteret qui sont arrivés le 28 août 1940 dans la baie de Dartmouth avant d’être accueillis au collège. En juin 1940, bénéficiant de la complicité courageuse du pêcheur Émile Valmy, patron de la Marie-Georges, quatre hommes décidés à répondre à l’Appel du général de Gaulle vont s’échapper du Port de Carteret pour rejoindre Jersey, malgré la présence des Allemands sur les quais. Dans la nuit du 25 juin, le CC Thierry d’Argenlieu, futur amiral de la France-Libre, profita de la première navette de la Marie-Georges pour s’embarquer aussitôt sur l’un des derniers bateaux en partance pour l’Angleterre. Alors que la surveillance de l’ennemi s’était considérablement renforcée, l’opération était renouvelée dans la nuit du 27 au 28 juin pour emmener deux mécaniciens de l’Arsenal de Cherbourg et un canonnier dénommés André Courval, Henri Letourneur et Clément Milet. Mais il était trop tard pour rejoindre les îles britanniques car les Allemands débarquaient sur l’île le 29 juin. Déterminés, avec le soutien d’une personnalité, M. Richardson, avocat à la Cour Royale, les trois jeunes gens allaient préparer une nouvelle évasion qui se concrétisera deux mois plus tard. Cachés et embauchés dans une ferme qui leur assurait le clos et le couvert, ils repérèrent très vite une barque baptisée La Suzanne dans le port du Rozel. Après bien des repérages, ils allèrent l’explorer de nuit malgré la surveillance allemande toute proche. Afin de dissuader d’éventuels emprunteurs, le propriétaire avait démonté quelques pièces sur l’alimentation électrique du moteur, mais ce n’était pas un obstacle pour les deux mécaniciens de l’équipe. L’approvisionnement en essence posait davantage de difficultés. Il fallait réunir 100 litres à répartir dans des contenants hermétiques et trouver les meilleures sources de matière première. Par siphonage, de nuit, les réservoirs des voitures allemandes ou requises firent office de station-service. Après avoir récupéré une petite boussole, une carte et un indicateur

des courants et marées près d’un père jésuite, professeur dans le collège voisin, les trois normands fixèrent leur départ pour la nuit du 26 au 27 août. Alors que les allemands surveillaient le port du Rozel depuis un petit fortin, l’heure venue, il fallut approcher La Suzanne du quai pour embarquer l’essence et quelques petits matériels. A la godille,

Les volontaires de g. à d. : André Courval, Clément Milet et Henri Letourneur et en août 1940 (coll. famille Milet).

Henri Letourneur allait éloigner la barque du port et de la côte. Il s’épuisait rapidement et le moteur devait être mis en marche. Celui-ci démarrait bien mais, dans l’obscurité, personne n’avait vu que son volant baignait dans l’eau du fond de cale et, à pleine allure, cela provoquait une véritable inondation et son arrêt immédiat ! Les rôles étaient vite partagés entre reprendre la godille, écoper avec une casserole et assécher le moteur le mieux possible. Les efforts de tous étaient enfin récompensés par un moteur qui tournait bien et un bateau qui avançait vite. Dans les courants violents des environs de l’île de Sercq, les évadés doutaient du cap à suivre et décidaient de naviguer plein Nord jusqu’à la tombée de la nuit du 27 au 28 août alors que la terre se montrait très loin à l’horizon. C’était le moment choisi par le vent pour se lever et provoquer un « coup de tabac » qui s’abatit sur la petite embarcation dont le moteur était vite noyé par les vagues ! La mer calmée, les évadés décidaient de mouiller l’ancre pour faire le point et éviter une trop grande dérive. Henri Letourneur s’exécutait pour réaliser à la dernière seconde que le cordage de l’ancre n’était pas fixé au fond du bateau… Nettoyé soigneusement, le moteur ne voulait plus redémarrer et La Suzanne dérivait. Affamés et

épuisés les trois jeunes gens s’efforçaient de dormir un peu à l’abri du « Roof ». Le jour venu, ils réalisaient que la côte anglaise était là toute proche à quelques kilomètres ! C’était la joie à bord et on s’embrassait ! Il n’y avait pas de doute possible, les vigies anglaises les voyaient. Clément Milet fixait alors le drapeau tricolore au bout d’une rame pour attirer l’attention mais personne ne se manifestait sur la mer. La raison était bientôt connue, La Suzanne se trouvait tout simplement au milieu du champ de mines de protection de la côte anglaise ! Au moment où le moteur décidait de repartir, une petite fumée s’élèvait à l’horizon. Elle appartenait à un dragueur de mines qui s’empressait de les prendre en remorque pour accoster dans le port de Dartmouth. Après un premier interrogatoire, ils étaient conduits au Britannia Royal Naval College pour être présentés à son Commandant, le Captain Robert L. B. Cunliffe, qui les interrogeait à nouveau. Convaincu de la sincérité de ces jeunes normands dans leur intention de continuer la guerre, le commandant les présentait à ses élèves officiers, rassemblés avec leur encadrement, dans la grande salle d’honneur de l’Ecole. Cités en exemple pour leur patriotisme, leur courage et leur détermination, les futurs Free French étaient tellement impressionnés qu’ils oubliaient leur immense fatigue. Après force « congratulations and shake-hands », ils prirent le train pour Londres dès le lendemain matin. Mobilisés en 1939 pour servir dans la marine, André Courval, Henri Letourneur et Clément Milet, étaient invités à se reconvertir comme mécaniciens navigants dans les Forces Aériennes Françaises Libres (FAFL) qui manquaient cruellement de techniciens. Affectés au Tchad pour participer à la formation des groupes de bombardement Bretagne et Lorraine, ils survivèrent à la guerre. André Courval était grièvement blessé au cours d’une mission de reconnaissance sur la Libye en 1942 et Henri Letourneur était réintégré dans la marine en novembre 1941 pour être affecté à l’escorte des convois et survivra au naufrage de La Combattante devant Anvers le 23 février 1945. Michel Leblond

6e session (SE 57) mai-décembre 1942 Fest Claude, Jammet Michel, Mear Yves. 7e session (SE 58) sept. 1942-avril 1943 Victor Philippe. Claudie Saliou

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Kingswear : la 23e flottille de vedettes MTB des FNFL

défensives ou de repêchage d’aviateurs. Entraînements à la mer et sorties opérationnelles ont ainsi forgé une unité cohérente prête à armer les futures vedettes lance-torpilles. C’est ainsi qu’avec les mêmes officiers et le meilleur de ses équipages fut créée, au début du mois d’août 1942, la 23e flottille de vedettes lance-torpilles des FNFL, dite 23e flottille de MTB pour Motor-Torpedo Boat.

15 septembre : Kingswear Après avoir traversé la Dart en ferry pour rejoindre le charmant petit port de Kingswear, où Mme Jan Henshall, Councillor de la ville et Paul Arnisson-Newgass nous conduisent devant la plaque commémorative de la 23e flottille de MTB des FNFL. Claudie Saliou dont le père, Jean Saliou, était diplômé du BRNC et Jérôme de Bigault de Cazanove, fils de Paul, également diplômé du BRNC, qui commandait la MTB 227, déposent une gerbe.

La 23e flottille de MTB

Lors de la cérémonie religieuse, le drapeau de la France Libre est présenté devant l’autel.

Les vedettes de la France Libre

C’est ici sur la rivière Dart, que les MTB étaient basés à Kingswear, en face de Dartmouth où se trouve le BRNC.

And never know who will come home Sans jamais savoir qui rentrera C’est l’heure enchantée, l’heure dorée Le soir, les seringas en fleur, Comme dans un conte, le château noir Se découpe sur la mer

Nous sommes ensuite chaleureusement accueillis par plusieurs habitants de la ville qui nous conduisent dans un petit musée. Nous leur remettons une série de panneaux sur l’histoire des FNFL et de la 23e MTB, préparés avec l’aide d’Adrien Abraham petit-fils de Robert Abraham, commandant de la MTB 239. C’est à ce moment que nous sommes photographiés par le journal local. Puis, en l’église Saint Thomas de Canterbury, le révérend John Gay organise en l’honneur des « Free French » une prière au cours de laquelle Mithé Dufeil, fille du FNFL Michel Dufeil, lit le poème de Moyra Charlton, officier WREN dédié à la 23e flottille de MTB en 1943. Ce poème témoigne combien les marins français ont été encouragés, attendus et aimés pendant cette guerre.

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Bretagne à bord de barques de pêche. Certains se trouvaient déjà en Angleterre où ils poursuivaient leurs études au moment de la guerre. En dépit d’une formation souvent hâtive, tous sont bien des « officiers de Marine » et, à la fin de 1942, ils ont déjà l’expérience irremplaçable de la guerre. Quant aux équipages, ils ont connus des odyssées du même ordre et certains matelots viennent tout droit de Madagascar ou de Syrie.

Les collines entourent, fraîches et vertes La rivière tranquille qui coule au creux Plus tranquille qu’un souffle Sage comme des larmes, Un port aimé des marins A cette heure étrange, entre chien et loup, Les bateaux défilent un par un. Un par un, ils partent en mer Equipages alignés, cérémonieux, Avec l’élégance vive et précise D’un autre âge, héritiers d’une tradition de mer. Mais au-delà du barrage flottant Avec un rugissement jubilatoire Ils s’ouvrent la route des côtes de Bretagne

Puis dans la splendeur du matin nous entendrons Le ronronnement des moteurs faible mais clair Et nous verrons s’avancer les fils d’écume Les MTB rentrent de France Et nous fouillerons le brouillard pour voir Si chacun est à sa place Nous savons que les garçons, épuisés, les yeux rougis Ont rassemblé tout leur courage à l’aube pour les ramener Vacarme des accélérations, pavillons flottants Résolus et fiers Un soir, dans longtemps, Lors d’ autres heures dorées et enchantées Aux fleurs de seringa Un par un et en silence Comme de petits fantômes Repartiront en mer.

(Traduction Laïe Giret, fille de Maurice Giret, FNFL)

Et nous, depuis les baies grandes ouvertes Les regardons bondir rencontrer le flot Nous restons là, à suivre la boucle de l’écume brillante Sans jamais savoir qui rentrera Nous restons là, à entendre s’évanouir le bruit du moteur Sous la lune et le parfum des seringas

De g. à d. : M. Bouchi-Lamontagne, CC C. Chabrier, M. Balannec, Mme Jan Henshall et Paul Arnisson-Newgass.

Lorsque les FNFL décidèrent au début de l’été 1942 d’armer une flottille de vedettes lance-torpilles, elles reprenaient une idée qui n’avait connu dans la Marine Nationale qu’un début de réalisation. A la déclaration de la guerre la France disposait de quelques vedettes, rapides, spectaculaires et fort coûteuses mais sans grandes qualités marines et militaires. Trois de ces vedettes, arrivées à Portsmouth en juin 1940 provoquèrent l’admiration des Anglais par leurs belles performances (60 nœuds) mais furent finalement abandonnées à cause des difficultés techniques qu’elles soulevaient. Au début de l’année 1941, les FNFL, ayant réarmé parmi les bâtiments français qui avaient rallié l’Angleterre à peu près tous ceux qui en valaient la peine, sollicitèrent et obtinrent de l’Amirauté britannique la livraison de navires neufs.

Novembre 1942, le dieu de la guerre cesse de sourire aux forces de l’axe. Avec Stalingrad, El Alamein, le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, le reflux commence. C’est à ce moment décisif que deux cent jeunes Français, officiers et marins, se retrouvent à Portsmouth pour armer les huit vedettes de la 23e flottille. Ces hommes sont d’origine et de formation diverses mais ils se connaissent bien. Sur une vingtaine d’officiers, trois sont issus de la Marine d’avant-guerre : le commandant de la flottille sorti de l’Ecole Navale et deux officiers des équipages. Deux ou trois autres

Les moyens et les missions La mission de la 23e MTB est essentiellement offensive, ce qui d’ailleurs convient bien à ces jeunes équipages. Il s’agit d’intercepter et d’attaquer les convois et les patrouilles ennemis passant par la Manche et la mer du Nord. Plus précisément les vedettes opèrent, seules ou en liaison avec les vedettes type MGB (armées uniquement de canons) sur les côtes de Bretagne, du Finistère au Cotentin avec comme terrain de chasse privilégié le secteur des îles anglo-normandes, zone difficile, truffée de hauts fonds, d’écueils et

La MTB 94 sur la rivière Dart, l’équipage est « à la bande » pour saluer un navire (coll. L. Chaillet).

Les vedettes Motor Launches (ML) Parmi ceux-ci figuraient des MotorLaunches, ou ML, petits bâtiments en bois de 70 tonnes, longs de 40 mètres et filant 18 à 20 nœuds. Les quatre premiers ML furent armés en mai/juillet 1941 (ML 123-Saint-Ronan, ML 245-Saint-Guénolé, ML 246-Saint-Yves et ML 247-Saint-Alain) et incorporés dans une flottille anglaise. Pendant l’hiver 1941-1942, ils escortèrent les convois du Pas-de-Calais. Au début de 1942, quatre nouveaux ML étant armés progressivement : ML 205-Ouessant, ML 182-Sein, ML 269-Béniguet et ML 305Molène. La flottille, classée sous le nom de 20e flottille de ML devint une unité entièrement française, basée à Weymouth, et s’occupa de convois côtiers, de patrouilles

sont officiers de réserve. On compte aussi un commissaire d’origine espagnole. Mais la plupart, et notamment tous les jeunes ont été formés en Angleterre, à l’Ecole Navale de la France Libre à Portsmouth ou au BRNC à Dartmouth. Quant aux ralliements, ils se sont effectués par les cheminements les plus variés. Le lieutenant de vaisseau Iehlé, qui succédera au CC Meurville comme Senior Officer à la tête de la flottille au cours de l’été 1943, se trouvait sur un bâtiment de la force X à Alexandrie avant de rejoindre les fusiliers marins et de participer à la campagne de Libye et à la bataille de Bir Hakeim. Les autres sont arrivés à Londres après Dunkerque, ou bien ont rejoint la GrandeBretagne depuis Saint-Jean de Luz avec les troupes polonaises, ou à partir de la

aux conditions atmosphériques particulièrement capricieuses. Pour assurer ces missions, la 23e MTB comprenait 8 vedettes lance-torpilles. Ces bâtiments faisaient partie du programme 1940-1941 de l’Amirauté britannique. Elles furent construites pour la plupart dans

Le général de Gaulle et l’amiral Auboyneau à bord de la MTB 94, le 18 janvier 1943 (coll. L. Chaillet).

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des chantiers privés. Elles furent armées et reçurent leur matériel à la base anglaise de HMS Hornet à Gosport (Portsmouth) entre novembre 1942 et janvier 1943. Ces vedettes étaient des engins de 55 tonnes, longs de 21,50 m, larges de 5,50 m et dotés de trois moteurs Packard de 1 200 CH assurant par mer belle des vitesses de pointe supérieures à 40 nœuds. Les 12 000 litres d’essence contenus dans les réservoirs leur assuraient un rayon d’action de 420 milles.

A la barre, l’EV Paul de Bigault de Cazanove, commandant la MTB 227, à ses côtés, Jean marin, porte-parole de la France Libre (coll. Famille de Bigault de Cazanove).

L’armement comprenait un canon de 20 mm Oerlikon à tir rapide sur la plage avant, une tourelle de mitrailleuses lourdes type Vickers 12,7 mm à l’arrière, deux affûts doubles de mitrailleuses légères type Vickers de 7,5 mm de chaque bord, deux grenades sous-marines de 200 kg, deux appareils lance-fusées éclairantes montés sur chaque tube lance-torpilles et un appareil fumigène. L’armement essentiel consistait en deux tubes lance-torpilles de 550 mm. Quant à l’effectif, il comprenait 14 hommes : le commandant (le plus souvent un enseigne de vaisseau), un officier en second, un second maître de manœuvre (le patron), un timonier, deux canonniers, un torpilleur, deux radaristes, trois mécaniciens et enfin deux radios britanniques.

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Cowes : la base des Chasseurs de sous-marins

Les sorties nocturnes des MTB En plus de ces équipages, certains embarquaient pour une ou plusieurs missions. C’est ainsi que Jean Marin, porte-parole de la France Libre à la BBC, a été affecté, sur sa demande, à la flottille de septembre 1943 à mai 1944 et a participé alors à toutes les sorties des vedettes. Il en a retracé l’atmosphère dans le texte ci-dessous. « Nous étions des oiseaux nocturnes : la nuit nous protégeait et, à l’heure de la chasse, elle nous donnait l’atout de la surprise. L’hiver, nous partions en patrouille à petite vitesse tôt dans l’après-midi : une heure ou deux avant le coucher du soleil afin d’arriver à la nuit tombée dans les parages de la Bretagne du Nord. Comme les oiseaux nocturnes, nous dormions le jour et puis tout recommençait avec de temps en temps des accalmies selon les mouvements de l’ennemi. Alors, nous partions au couchant sur la mer d’opale, le grondement des moteurs muselé par les silencieux jusqu’à la moitié de la Manche. Là, commençait la navigation de chasse, en route vers le rendez-vous ignoré de l’ennemi : le plus souvent un convoi côtier transportant des troupes, du matériel ou des munitions dont l’aviation d’observation nous avait signalé l’importance, la route et la vitesse. La nuit était tombée ; on guettait ; on mettait en panne ; on reprenait la route ; les jumelles fouillaient les ténèbres… Et soudain, dans un souffle, la voix du patron, penché vers le commandant sur la passerelle sans abri : « Ennemi à 800 mètres droit devant » ! Fini le guet, fini le silence, finie la nuit : c’était d’un seul coup l’emballement des 4 000 CV des moteurs lancés à toute puissance, les sillages

La MTB 227 a effectué 72 sorties dont 7 combats (FNFL).

dressés en arche, les saccades des canons Oerlikon et des mitrailleuses lourdes et, comme pour une fête insolite, le lent embrasement du ciel sous l’ondée de feu des fusées éclairantes ; parfois aussi, au milieu du tintement des éclats sur les tôles, la sourde explosion de notre torpille qui avait atteint l’ennemi par le travers … Au retour, le soleil déjà haut inondait la campagne et le ciel pommelé du Devon, mettant un peu d’or dans les cheveux de nos constantes Wrens. C’était le temps de la jeunesse, de l’espérance et du combat… » (Jean Marin in numéro spécial des Forces sous-marines N° 6/7 de 1972). La 23e flottille de MTB, composée des vedettes rapides MTB 90, 91, 92, 94, 96, 98, 227 et 239, sous les ordres du LV Pierre Iehlé n’a cessé de mars 1943, date de l’entrée en service actif des premières vedettes jusqu’au 8 mai 1945, de manifester une activité ininterrompue sur les côtes de Bretagne. La flottille a effectué 451 sorties en 128 opérations de guerre, a livré 15 combats à l’ennemi et coulé 5 bâtiments allemands totalisant 7 200 tonnes. Jérôme de Bigault de Cazanove

La MTB 239 à Brest en 1945, commandée par Robert Abraham, elle aura effectué 58 patrouilles (coll. A. Abraham).

Disposant d’une coque en bois plus appropriée aux fortes chaleurs, le Chasseur 43 Lavandou fut envoyé en septembre 1942 pour mener des patrouilles le long des côtes de l’AEF (Coll FNFL).

16 septembre : Cowes (Ile de Wight) Notre journée débute par la traversée en ferry de Portsmouth à l’Ile de Wight, sur le bras de mer Solent pour aller à la découverte de la base des chasseurs FNFL

Les chasseurs de sous-marins

En juin 1940, il y avait en Angleterre quinze chasseurs de sous-marins de la Marine française : quatre à Plymouth et onze à Portsmouth. Mais, seulement quatre de leurs commandants rallièrent la France Libre : LV Détroyat, EV Desmoutis, EV Touchaleaume et PM Vibert. Ce dernier recevait le commandement du patrouilleur Poulmic, cependant que les trois autres formaient les premiers cadres du 1er Bataillon de Fusiliers Marins (1er BFM). Le LV Joseph Kolb-Bernard réussit à convaincre l’amiral Muselier, qui à l’époque pensait au réarmement en priorité des vedettes rapides, que celui des chasseurs serait plus facile. Nommé commandant Sur le chantier Marvin’s Yard nous rencontrons une rivedu groupe des chasseurs, il fut chargé de raine, Mrs Ruby Raggett, qui nous explique avec préciconstituer, non sans mal, les premiers sion et émotion, la vie des Free French sur la base. équipages. Dans un premier temps ces à Marvin’s Yard. Ce lieu abrite aujourd’hui bateaux furent armés par des équipages un chantier de bateaux de plaisance dont anglais, puis progressivement rétrocédés le propriétaire nous raconte que son père aux FNFL. Mi-octobre les anglais perdirent travaillait à l’entretien des bateaux français. les Chasseurs 6 et 7 dans un affrontement Une autre riveraine nous conduit dans une avec des torpilleurs allemands, ce qui refroidit leur ardeur baraque où les marins FNFL et les conduisit à avaient installé leurs moyens limiter leur rôle à des de transmission à l’abri des patrouilles ou à l’acreagrds. Ensuite, se déroule compagnement de notre cérémonie au Mémorial convois. où se trouve une plaque en Les premiers à arborer hommage aux FNFL. A côté le pavillon des FNFL de celle-ci, Etienne Jacheet furent les chasseurs remarque celle dédiée au dessortis des chantiers troyer polonais Blyskawicka, Delmas & Vieljeux de à laquelle il fera référence la La Rochelle, habitués semaine suivante, lors d’une de la construction des cérémonie en Pologne, à coques en bois : en Gross-Born, en hommage notamment aux officiers Le dépôt de la gerbe à la mémoire des équi- 1940, le 9 septembre français prisonniers de guerre pages des chasseurs est effectué par Mithé le CH 41 (Audierne) et Dufeil Howell entourée de Robert Sclaminec internés dans les Oflag IID- et Jean-Pierre Beyer, tous trois enfants de le CH 42 (Larmor) ; le marins FNFL ayant servi dans cette unité. 16 septembre le CH 43 IIB-XXIB.

(Lavandou). Puis ce fut le tour de ceux à coque en acier : le 22 octobre 1940, le CH 10 (Bayonne) ; en 1941 le 5 février le CH 11 (Boulogne), le 6 février le CH 15 (Paimpol) et le 21 avril le CH 8 (Rennes). En 1942, deux chasseurs étaient armés : le CH 13 (Calais) le 16 décembre et le CH 14 (Dielette) le 19 décembre ; et enfin en 1943 le CH 5 (Carentan) le 15 avril et le CH 12 (Bénodet) le 7 mai. En tout, il y eut donc onze chasseurs de sousmarins FNFL. En octobre 1941, le groupe de Cowes comprenait un effectif embarqué et à terre de plus de 200 personnes. Leur mission consistait à éventuellement détecter les signes qui pourraient laisser craindre une invasion allemande. Les patrouilles se faisaient aussi de nuit, ils suivaient alors le feu arrière d’un chalutier. Durant la fin de l’année 1940, qui vit sévir un hiver particulièrement rude, les chasseurs furent basés à Portsmouth soit à couple du Courbet soit amarrés dans la rade de ce port. Les bombardements étaient fréquents, ce qui ne favorisait pas le repos des équipages après les éprouvantes sorties en mer.

La base se trouvait le long de la Medina, aujourd’hui très prisée par les bateaux de plaisance.

Marvin’s Yard Il fut donc décidé de trouver un lieu moins exposé et c’est le chantier naval de Marvin’s Yard, à Cowes sur l’Ile de Wight qui fut choisi comme base des chasseurs en mai 1941. Construit en 1885 par Georges Henry Marvin, ce chantier était spécialisé à l’origine dans la construction de yachts. Au moment de la guerre, il était occupé par l’entreprise Cole’s Yard, mais le nom de Marvin’s Yard lui était resté. Il se situait un peu en amont de Cowes au bord de la Médina, rivière qui sépare Cowes de East Cowes, au-delà des chantiers de Samuel White et de leur fameuse grue the Hammer Crane. Les chantiers de Marvin’s Yard avaient la particularité de posséder une cale sèche équipée d’un treuil électrique (slipway) qui était actionné par un moteur à vapeur dont il reste encore aujourd’hui la cheminée.

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L’organisation de la base Il fallut mettre en place toute la logistique : salaires, indemnités, nourriture, vêtements, couchages, correspondances, etc. Pour loger le personnel et par exemple disposer d’un mess des officiers, une ancienne canonnière la Diligente était utilisée. Basée à East Cowes au premier semestre 1941, elle était, dès juillet, amarrée sur la droite de la cale sèche de Marvin’s Yard à Cowes. Il n’y avait pas de commodités sur place et les douches se prenaient le jeudi aux bains publics.

dont l’équipage fut consigné pendant une semaine. Le temps libre dont disposaient les équipages était consacré à des excursions ou des parties de pêche qui apportaient un peu de variété aux menus habituels. Les soirées se passaient dans les pubs comme le Folly Inn qui était tenu par un ancien de la Royal Navy ou le Prince of Wales. Les marins étaient aussi de temps en temps invités dans les familles locales, comme chez Mrs Burton, épouse d’un commerçant de Newport, qui avait organisé un bal le 29 décembre 1941 auquel s’étaient rendus une cinquantaine de marins dont une dizaine d’officiers et sous-officiers (source archives de Léon Simon, FNFL).

Quelques itinéraires de marins

En avril 1942, l’infirmerie de la base de Cowes était installée sur le Chasseur 106 (ECPAD).

Par la suite, en avril 1942, le Chasseur 106 venait complèter cette base, en tant qu’infirmerie et ce n’est qu’après les bombardements de mai 1942 et la destruction des constructions de la base proches de la rivière, que furent construits de nouveaux

Né en 1914, Henri Sclaminec s’était engagé dans la marine nationale de 1932 à 1938 avant d’être rappelé lors de la mobilisation. En mai 1940, il participait à l’opération d’exfiltration de l’amiral Platon de Dunkerque à Cherbourg qui échoua. Mi-juillet 1940, peu après Mers-el-Khébir, il s’engageait dans la Royal Navy avant de rejoindre les FNFL en décembre 1940, pour être affecté au Chasseur 10 jusqu’en août 1942 avant de descendre sur le Chasseur 42 en AEF. Pierre l’Hours né en 1921 à Nantes, avait reçu une formation technique au collège et avait été engagé dans l’équipage du

l’Angleterre en septembre 1940 et s’engager dans les FNFL comme mécanicien sur le Chasseur 10. Après la guerre il a vécu sur l’Ile de Wight non loin de Marvin’s Yard. Louis Dulac, né en 1920 à Blacé (Rhône), se trouvait à Alexandrie affecté au sous-marin Protée, lorqu’il décida, malgré l’opposition de sa hiérarchie, de rejoindre les FNFL en Angleterre en septembre 1940. Il le fit en compagnie d’Alfred Hunziger, né en 1918 à Mulhouse (68), qui était lui aussi à Alexandrie lors de l’armistice. Le premier était affecté comme mécanicien sur le CH 42 puis sur le CH 10, et le second comme radio-télégraphiste sur le CH 10. Pierre Beyer, né en 1923 à Guipavas (Finistère), travaillait à l’arsenal de Brest, quand il partit de Roscoff le 19 juin 1940. Avec une douzaine de personnes ils réquisitionnèrent un cargo lituanien pour rejoindre Falmouth. Après un passage au Cristal Palace et à l’Olympia Hall, il rejoignit un camp de scouts au Pays de Galles car trop jeune pour combattre. Quelques jours plus tard il était affecté sur le Courbet avant de rejoindre le CH 10, le 20 octobre 1940. Quartier-maître détecteur, il rejoignait la Combattante qui sera coulée par une mine en février 1945. Il fera partie des rescapés mais sera grièvement blessé, perdant un poumon.

Actions menées par les chasseurs

Raid sur Bruneval En février 1942, eut lieu l’opération Biting consistant à effectuer un raid sur le site d’un radar installé à Bruneval pas très loin d’Étretat. Les commandos parachutés à proximité du radar, devaient s’emparer de certaines pièces et saboter le reste. Il Le groupe sur le site de la base des chasseurs à Cowes, la cheminée de la cale sèche est toujours là, comme on peut le voir sur la photo de droite prise s’agissait de vérifier à l’occasion d’une cérémonie à la mémoire du Chasseur 5 (Carentan) disparu le 21 décembre 1943 (ECPAD). l’état d’avancement de bâtiments équipés de douches, dortoirs et Normandie. Aux Etats-Unis au moment la technologie allemande dans ce domaine. ateliers nécessaires. de l’armistice, il embarquait sur un navire les commandos devaient ensuite s’échapper de commerce hollandais pour rejoindre par mer. C’est dans cette dernière phase que les chasseurs furent utilisés, pour venir en protection des troupes pour le trajet retour. La discipline et les loisirs L’opération se déroula comme prévue sans pertes excessives du côté des commandos. Les règlements en vigueur dans la Marine nationale avaient du mal à s’appliquer Le raid sur Dieppe aux équipages des chasseurs. Composés Le 19 août 1942 un raid fut déclenché sur le de jeunes volontaires venant d’horizon port de Dieppe. L’objectif était de détruire le divers ou de la marine marchande, ils maximum d’infrastructures en débarquant s’engageaient pour se battre et n’étaient Sclaminec et Pierre Lhours (en haut). Louis Dudes milliers d’hommes et des armements pas toujours enclin à saluer les supérieurs, Henri lac, Pierre Beyer, Alfred Hunziger et Léonard Joly en 1941 puis de revenir en Angleterre. Les chasseurs comme ce fut le cas avec le Chasseur 10 (Coll. famille Sclaminec).

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devaient débarquer des Royal Marines Commandos sur la jetée du port et attendre leur retour, tout en usant de leurs armements pour les protéger. Le Chasseur 10 fut le plus exposé durant ce raid, car après avoir débarqué les Commandos, il restait au niveau de la jetée pour permettre le réembarquement de soldats. Les chasseurs quittèrent le port sous un intense bombardement et rentrèrent sans trop de dommages. Du fait de leur implication, plusieurs marins du CH 10, firent l’objet de citations. Le raid par lui-même fut un échec cuisant pour les forces alliées, principalement des Canadiens.

Chasseurs 41 et 15 en 1942 (image colorisée - Sclaminec).

La descente en AEF Peu après Dieppe, les Chasseurs 42 et 43 se préparèrent à descendre en AEF pour y marquer la présence française et y patrouiller. En septembre 1942, les sous-marins allemands faisaient la loi dans l’Atlantique et le voyage n’était pas sans risque. Le départ eut lieu le 14, non pas comme prévu en remorque d’un autre navire, mais par leurs

propres moyens, les tentatives de prise en remorque ayant échoué. Le convoi peu à peu laissa les navires rejoindre leur destination. Le livre de bord du CH 42 fait état du passage d’une torpille à l’avant du bateau le 30 octobre à 6h27, puis de l’apparition d’un kiosque de sous-marin. L’attaque suivante eut lieu le 1er novembre à 20h04 et le cargo américain George Thatcher (7 000 t) fut touché au large du Gabon par l’U126 : 18 personnes périrent dans ce naufrage, les rescapés furent Le 24 octobre 1942 à Cowes, le général de Gaulle remettait la croix de la Libérécupérés, 29 par le CH 42 et ration au LV Paul Vibert, qui commandait le CH 15 Paimpol après avoir été 19 par le CH 43. grièvement blessé sur le Poulmic et servi sur le sous-marin Minerve (ECPAD). Les chasseurs continuèrent leurs missions de patrouilles au large des mer le 21 décembre 1943 au large de St Alban. côtes africaines. Mi-1943, devant les progrès 17 marins (ou 18 suivant les sources) français considérables des moyens techniques mis seront portés disparus ainsi que le personnel en oeuvre pour contrer les sous-marins britannique. Il ne faut pas non plus oublier les Chasseurs 6 et 7 perdus en octobre 1940 allemands, ils quittèrent l’Atlantique. sous pavillon anglais. Le lourd tribut des chasseurs Alors qu’il s’apprétait à escorter le sous-marin Robert Sclaminec Rubis de retour d’une mission, le Chasseur 8 fut coulé le 13 juillet 1942 par une bombe (Archives Pierre L’Hours, d’avion près du Cap Lizard avec 26 hommes Henri Sclaminec, Léon Simon à bord, seul l’officier de liaison britannique et Historique des FNFL) sera sauvé. Le Chasseur 5 périt par fortune de

Hommage à la Marine Marchande de la France Libre Début septembre 1939, la flotte marchande française (commerce et pêche), la 8e du monde (4,3 % du tonnage mondial) offrait un tonnage brut de 3 millions de tonneaux. Cette flotte composée de bâtiments assez anciens chauffés au charbon, comptait des paquebots (un tiers), des cargos et mixtes desservant les lignes régulières et présents à peu près sur toutes les mers du monde. Navires de pêche exclus, la flotte de commerce comptait environ 660 navires de plus de 200 tonneaux. L’ensemble des navires marchands spontanément ralliés ou saisis par les Britanniques et qui avaient donc échappé au contrôle de Vichy et des puissances de l’Axe constituaient la Flotte française de la Liberté. Intégrée à l’état-major des FNFL-FAFL jusqu’en septembre 1941, la marine marchande de la France Libre fut ensuite directement rattachée au commissariat général à la Marine, formant un service séparé. Les équipages des navires de commerce ne constituaient pas, à proprement parler, des unités combattantes, mais ils ont participé activement à plusieurs batailles, telles que l’opération Menace (septembre 1940) ou l’évacuation de Singapour (février 1942). En 1941-1942, quatre cargos furent torpillés par l’ennemi (le Gravelines, le Djudjura, le PLM 22 et l’Île-de-Batz). Au total, 29 navires marchands furent détruits par les sous-marins, les bombardiers, les vedettes ou les mines ; pour la seule année 1942, 157 marins de commerce disparurent dans l’Atlantique. Comme le rappellait Pierre de Malglaive, directeur de la marine marchande et des pêches de la France Libre : « la marine marchande est habituée à servir sans éclats ni fanfares ; les services vitaux qu’elle rend ne se prêtent pas à l’admiration des foules, ni aux honneurs du communiqué. Mais je dois dire hautement que nos marins de 1940 ont été les dignes continuateurs de nos plus belles traditions maritimes et que ceux du Celte, du Félix-Roussel, du Doumer, ont su, au moment du sacrifice et de l’action, s’élever à la Le 16 septembre, en revenant de l’Ile de Wight, Louis Briens (doyen du groupe) et Richard Nerrand (le benhauteur sublime de nos ancêtres. Il est juste qu’à l’occasion de ces réminiscences, la France jamin) lancent une gerbe de fleurs depuis le ferry, à la donne une pensée reconnaissante à ses enfants qui ont si bien mérité d’elle au jour du mémoire de tous les marins de la France Libre disparus en mer et notamment de ceux de la marine Marchande. sacrifice et leur ancien directeur les salue avec émotion. »

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Portsmouth : le berceau des FNFL 17 septembre : Portsmouth Nous découvrons la ville de Portsmouth, considéré comme le foyer de la Royal Navy car il abrite les deux tiers de la flotte de surface du Royaume-Uni. Dans l’Historic Dockyard, nous passons devant des navires célèbres comme le HMS Warrior, le HMS Victory de l’amiral Nelson… et aussi le porteavions Queen Elizabeth, nouveau fleuron de la Royal Navy. Dans le car, Jean-François Santarelli nous raconte l’histoire du Courbet. Le Courbet, première base des FNFL La base de Portsmouth fut la première en date des bases et en quelque sorte le « berceau des FNFL », selon les termes de l’Hstorique des FNFL (Emile Chaline, Pierre Santarelli, ed. SHD). Elle a d’abord été installée sur le cuirassé Courbet qui a servi de dépôt des équipages et a été le premier navire de guerre de la France Libre.

transformé en dépôt de matériel. Au fil du temps, de nouveaux bâtiments s’ajoutèrent à ce qui n’était pas formellement une base, mais l’ensemble, sous le commandement du CF Gayral, assisté d’un adjoint, d’un commissaire et d’un médecin finit par comprendre, outre le Courbet : l’Ouragan et l’Arras, dépôts des équipages ; l’Amiens et l’Epinal, école des mécaniciens, électriciens et chauffeurs ; le Président Théodore Tissier et les goélettes Etoile et Belle Poule, Ecole navale. Cependant, le Courbet qui nécessitait 80 personnes pour son fonctionnement et dont les chaudières étaient devenues inutilisables, était de ce fait inhabitable et la place manquait sur l’Arras et l’Ouragan. Aussi, en août 1942, le dépôt fut transféré dans un camp mis à disposition par les anglais, situé à une dizaine de kilomètres de Portsmouth, à Emsworth-Havent, et le Courbet fut remorqué à Plymouth. Ce camp, qui reçut ensuite le nom de Caserne Bir Hakeim devint le dépôt des équipages FNFL.

La formation des spécialistes Lorsque les spécialités n’étaient pas enseignées par les écoles FNFL (mécaniciens, électriciens et chauffeurs), ils étaient détachés pour l’instruction dans les écoles anglaises de la région, dont les instructeurs français relevaient de l’autorité du commandant de la base, à savoir : cours de torpilleurs (HMS Vincent et Vernon), cours des canonniers (HMS Excellent), école des armes sous-marines (HMS Vincent), école ASDIC (HMS Osprey) à Dunoon et HMS Nimrod Campbeltown (en Ecosse), école des fusiliers et de timonerie (HMS Royal Arthur)

La formation des officiers

Le cuirassé Courbet en 1938 (coll. FNFL).

Entré en service en 1913, ce premier cuirassé français de type dreadnought, était le navire amiral de l’armée navale en 1914. Long de 165 m, déplaçant 23 000 t, il était armé par 1 100 hommes d’équipage et pouvait filer 20 noeuds. Le 20 juin 1940, alors affecté à la défense antiaérienne de la rade et du port de Cherbourg, il reçut l’ordre de rallier Portsmouth, où il resta jusqu’à l’armistice. Après la saisie du navire par les anglais (opération Catapult) ceux-ci armèrent la batterie anti-aérienne pour la protection de Portsmouth. Les premiers ralliés furent dirigés sur lui et tous les marins qui de mois en mois, rejoignaient la France Libre, étaient embarqués à son bord. Il constituait un vaste dépôt et son artillerie anti-aérienne a participé à la défense de Portsmouth. Il abattra 5 avions allemands, jusqu’en mars 1941, ses munitions de DCA étant alors épuisées. C’est à bord du Courbet, que les pêcheurs de l’île de Sein notamment, furent embarqués. Il servait également de dépôt pour la plus grande partie des marins de la marine marchande. Désarmé en avril 1941, il était

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La création d’une Ecole navale de la France Libre s’était imposée dès l’origine, pour remédier à la pénurie de cadres qualifiés. Elle rassemblait au début une soixantaine d’élèves aspirants : les élèves de l’Ecole navale et des écoles d’hydrographie engagés dans la France Libre, dont le concours d’admission avait été interrompu par la progression des troupes allemandes. Installée dès le 18 juillet sur le Courbet, deux cycles d’instruction s’y déroulèrent

La Caserne Bir Hakeim inspectée par Louis Jacquinot, ministre de la Marine en 1944 (coll. famille Gervais).

jusqu’en octobre 1940, date à laquelle elle était transférée sur le Président Théodore Tissier pour devenir réellement l’Ecole navale de la France Libre. Quatre sessions eurent lieu sur ce navire et une cinquième et dernière était effectuée à bord de l’Amiens. Au total, 131 officiers étaient ainsi formés jusqu’à la fusion des FNFL avec les FMA.

Durant toute la durée de la présence du Courbet à Portsmouth, le drapeau à croix de Lorraine flotta au sommet de son mât tripode à 30 m au-dessus de la rade, tandis que le pavillon tricolore battait à la corne du mât arrière.

à Skegness dans le Lincolnshire), école RDF (nom anglais du RADAR) aux Royal Barracks de Portsmouth et base des chasseurs à Cowes sur l’ile de Wight. Il faut noter que les personnels de tous grades qui suivirent les cours des écoles anglaises, sortirent presque toujours dans les premiers. De surcroît, lors de la fusion d’août 1943, les officiers et officiers mariniers instructeurs et dépanneurs ASDIC et RDF (RADAR), rendirent des services appréciables à leurs camarades de la Marine française d’Afrique du Nord, qui ignoraient ces spécialités.

Le Courbet et le débarquement Lors du débarquement de Normandie, Le Courbet était remorqué de Plymouth vers le Cotentin, avec un équipage réduit d’une cinquantaine d’hommes, sous le commandement du CV Roger Wietzel, qui avait été son commandant en second en juin 1940, pour être sabordé à l’ouest de la

ville d’Ouistreham devant la plage d’Hermanville, afin de servir de brise-lame, en compagnie de deux autres navires de guerre et de six cargos, qui devaient former une digue à 1 300 m de la côte, pour permettre le ravitaillement de la plage de débarquement britannique Sword beach. Tiré par deux remorqueurs il était conduit sur le point de sabordage au milieu de la ligne des autres vieilles coques et coulé parfaitement droit par 11 mètres de fond, à l’étale de pleine mer du 9 juin 1944. Même alors, il continuait de participer au combat, car il avait été doté d’une plateforme d’artillerie de DCA. L’action de notre vieux cuirassé gênait particulièrement les aviateurs ennemis, qui au surplus devaient être excités par l’immense pavillon tricolore et le pavillon de beaupré à croix de Lorraine que son commandant FNFL avait fait arborer à ses mâts avant de le saborder. Dans la nuit du 16 au 17 août 1944 il était touché par deux Marder allemands (torpilles humaines) venus du Havre, qui seront sans effet notable, ne modifiant en rien son assiette, mais ces attaques montrèrent qu’il était redevenu une unité combattante, toujours considéré comme un adversaire par les allemands. Ses pavillons continuèrent de flotter en tête de ses mâts jusqu’au départ des artilleurs qui les emportèrent avec eux, et ils seront remis après la guerre, au musée d’Arromanches et à la mairie d’Hermanville. Jean-François Santarelli (source : Historique des FNFL)

L’épopée de la Combattante Au moment où notre groupe entre dans Portsmouth Historic Dockyard, nous passons devant la chapelle où se trouve une plaque commémorative de la Combattante, l’occasion pour Denis Zang, fils de Jacques Zang, FNFL, d’évoquer l’épopée de ce torpilleur. C’est le 15 décembre 1942 que les FNFL armèrent un nouveau torpilleur de la classe Hunt (type 3), le Haldon, sorti des chantiers de Glasgow, le 27 avril 1942. Baptisé La Combattante par les FNFL, ce navire a eu une vie brève mais il a connu une carrière fulgurante, notamment dans les combats en surface au canon. Déplaçant 1 500 tonnes, dépassant les 27 nœuds, armée de deux tourelles doubles de 102 mm chacune, de canons automatiques de 40 mm, de tubes lance-torpilles, de grenadeurs, de mortiers lance-grenades, équipée de trois radars et d’un « asdic », avec un équipage de 185 hommes, La Combattante a été un remarquable bâtiment de combat.

La Combattante, torpilleur armé par les FNFL en décembre 1942 a connu une carrière fulgurante jusqu’en février 1945.

Après un entraînement à Tobermory d’un mois jusqu’au 12 février 1943, et un second à Scapa-Flow, base de la Home Fleet, jusqu’au 23 mars 1943, le torpilleur a été affecté à la 1re flottille de destroyers de Portsmouth sous le commandement du CC André Patou qui avait remplacé le CF Marcel Bourgine. Ses missions ont été partagées entre des escortes de convois de l’ouverture de la Manche jusqu’au Pas-de-Calais, des patrouilles offensives à la rencontre de vedettes et de destroyers ennemis et la garde au mouillage en rade foraine, en étant toujours prêt à intervenir pour intercepter l’ennemi ou sauver des aviateurs tombés à la mer. De septembre à décembre 1943, elle a été 113 jours à la mer (y compris les mois de garde au barrage à l’entrée de Portsmouth) et a pris part à l’escorte de 24 convois. De février 1943 à novembre 1944, La Combattante a connu une activité intense, avec de multiples escortes de convois côtiers et des patrouilles défensives et offensives en Manche et au sud de la Mer du Nord. Dans la nuit du 25 au 26 avril 1944, elle a coulé une vedette ennemie (S 147) ; le 13 mai, elle a réédité cet exploit en coulant la vedette (S 141) qui avait à son bord le fils de l’Amiral Donitz et en a endommagé deux autres. Dans la nuit du 27 au 28 août 1944, La Combattante vivait deux nuits chaudes, coulant ou endommageant une demi douzaine d’unités allemandes serrant les falaises de Haute-Normandie. Le soir du 5 juin 1944, alors au mouillage en rade du Solent, le commandant annonce à ses hommes : « Le seul bâtiment français faisant partie des opérations rapprochées sera le nôtre. Nous serons le premier à faire flotter le pavillon à Croix de Lorraine à toucher nos côtes. » Le 6 juin, après l’escorte des transports d’assaut du convoi J9 qui mouillaient loin de la côte, La Combattante avançait à 3 km de Courseulles-sur-Mer pour former, avec trois Fleet destroyers et son sistership Stevenstone, un groupe de cinq navires assurant le soutien artillerie de la 7e brigade canadienne sur le flanc ouest des forces Juno.

Le 14 juin 1944, au retour d’une patrouille de nuit, les hommes de La Combattante eurent la surprise de voir monter à bord le général de Gaulle, accompagné d’une quinzaine de personnalités. En débarquant à Courseulles, le chef du GPRF déclara : « Votre bateau est désormais un bateau historique ; vous entrez dans l’Histoire avec lui. » Le lendemain matin, au lever du jour, après avoir passé la nuit à bord, à l’ancre devant Courseulles, La Combattante levait sa pioche pour le ramener à Portsmouth.

Le 14 juin 1944, le général de Gaulle remet au CC André Patou la croix de guerre avec palme (coll. FNFL).

Placé sous le commandement du CC Jacques Pépin-Lehalleur le 6 octobre 1944, La Combattante a effectué de nouvelles escortes de convois, notamment vers Anvers, devenu en novembre 1944 le principal port de ravitaillement des armées, et des patrouilles en mer du Nord. Le 23 février 1945, alors en patrouille au large de l’Humber, grand estuaire de la côte est de l’Angleterre, elle sautait sur une mine ennemie ; coupée en deux à mi-longueur, elle disparaissait avec un tiers de son équipage, soit 67 hommes sur 180. De la date de son entrée en service jusqu’au 1er janvier 1945, La Combattante a connu très peu de périodes d’indisponibilité, de l’ordre d’une semaine tous les deux mois. Elle aura parcouru près de 54 000 milles en 2 ans à 10 nœuds de moyenne, soit 5 300 heures à la mer. Denis Zang (Archives Jacques Zang et Historique des FNFL)

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Quelques parcours de FNFL Dans le car, Joëlle Robert-Colmay, nous lit quelques strophes du poème du fusilier marin André Jean Ragot, dédié à ses camarades, les « Forbans magnifiques » et évoque le souvenir de son père Constant Colmay, compagnon de la Libération. Né à St Pierre et Miquelon en 1903, il rallie la France Libre le 1er juillet 1940 pour être affecté au 1er Bataillon de Fusiliers Marins qui prit corps, le 17 juillet 1940, à bord du Courbet à Portsmouth sous les ordres du LV Robert Détroyat. Il sera de toutes les campagnes et de tous les combats du 1er BFM, puis du 1er RFM qui étaient intégrés au sein de la 1re Division de la France Libre. Depuis Dakar où il fait partie de l’équipe des transmissions à bord du Westerland, en passant par Bir Hakeim, à la tête de sa section de DCA, jusqu’en Italie et en France comme officier en second du 2e escadron du 1er RFM, adjoint du LV Alain Savary. Il se distingue pendant la campagne d’Italie et participe brillamment à la libération de Colmar en enlevant le pont de Marckolsheim. Blessé trois fois au combat, il termine la guerre sur le front des Alpes. Joëlle Robert-Colmay

Le 28 avril 1944, le 1er RFM débarque à Naples en tant qu’éclaireur de la 1re DFL, puis il aide à rompre la ligne Gustav, ouvre la voie sur Rome et poursuit l’ennemi plus au nord. La division débarque mi-août 44 à Cavalaire (débarquement de Provence) : libération de Toulon, puis remontée de la rive droite du Rhône, prise de Lyon le 3 septembre, réduction des défenses allemandes d’Autun par l’escadron Savary le 8 septembre et jonction, le 12 septembre à Châtillon-sur-Seine, avec les spahis de la 2e DB débarquée en Normandie. Puis c’est la remontée vers l’Alsace. En octobre 1944, sur ordre de l’amiral Thierry d’Argenlieu, chancelier de l’Ordre, Alain Savary devient le représentant des compagnons de la Libération à l’Assemblée consultative provisoire. Ceci ouvre la voie d’une longue carrière politique de 1946 à 1988, date de sa mort : secrétaire d’Etat aux Affaires marocaines et tunisiennes, député socialiste de St Pierre et Miquelon (51-59), refondateur du Parti Socialiste, (1er secrétaire, 69-71), député de la Haute-Garonne (73-81), président de Région Midi-Pyrénées (74-81), ministre de l’Education Nationale (81-84). Alain Savary demeure un exemple de patriotisme, d’indépendance et de courage, fidèle à la devise de la France Libre : « Honneur et patrie ». Isabelle Savary-de Billy

Le Portsmouth Naval Memorial répertorie les 25 000 marins britanniques ayant péri en mer au cours des deux guerres mondiales, dont 15 000 durant la seconde.

Dernière page Puisque vous êtes là sur la dernière page De l’époque héroïque où finit le recueil ; Ou dorment tant de morts, partis sans équipage ; Puisque vous êtes là pour qu’un jour l’Avenir, Lisant notre épopée y rêve d’une fête Où dansera sur l’eau la fleur d’une corvette Dans le livre du temps où vit le souvenir ;

Royal Naval Memorial

Alain Savary, le CF Birot et l’amiral Muselier lors de l’opération pour le ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon (FNFL).

Puis, Isabelle Savary-de Billy évoque le parcours de son père, Alain Savary. Né à Alger en 1918, diplômé en Droit et Sciences politiques, il se destine à la carrière diplomatique. Reçu au concours du Commissariat de la Marine en 1939, il participe à des opérations en mer du Nord (expédition de Narvik, évacuation de Dunkerque). Il rallie la France Libre le l9 juin 1940 à Portsmouth, et en août 1940, l’Amiral Muselier le nomme chef de son cabinet. En février 1941, il accompagne Thierry d’Argenlieu en Amérique du Nord à la rencontre des figures de la France Libre et des Comités français. En décembre 1941, il participe aux côtés de Muselier au ralliement de St Pierre et Miquelon à la France Libre. Nommé gouverneur de l’archipel par de Gaulle, âgé seulement de 23 ans, il entame la réorganisation de l’archipel. En avril 1943, il rejoint le 1er RFM et obtient le commandement du 2e escadron de ce régiment.

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Après le DD Memorial, nous nous rendons au Portsmouth Naval Memorial, qui répertorie les marins de la Royal Navy disparus au cours des deux dernières guerres. Nous y déposons une gerbe et récitons ensemble un dernier poème de Georges Lapicque, celui qu’il avait lu le 18 juin 2000 lors de la cérémonie de sublimation de l’association des FNFL.

Puisque vous êtes là, que la croix de Lorraine Flotte vers le grand large une dernière fois, Et que le vent saura trop bien souffler vos voix Dans le silence de l’oubli qui nous entraîne ; Puisque vous êtes là, l’idéal sur vos fronts Reflétés par la mer, cet immense écritoire Où nous avons jeté notre nom transitoire, Je vous salue amis, loin de l’or des clairons ! (La mer, 30 avril 2000) Georges Lapicque, officier des FNFL (dit Jean Lost de Pic)

La délégation au souvenir des marins de la Fondation Si vous souhaitez participer aux réunions et aux événements de la délégation au Souvenir des marins de la France Libre, n’hésitez pas à contacter son délégué : Michel Bouchi-Lamontagne marins.france.libre@gmail.com Vous pouvez aussi déposer à la Fondation toutes archives concernant les marins de la France Libre. Le DD Memorial, stèle du débarquement.


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