Argon & Co_No Chain Planning - Pour en finir avec l'effet coup de fouet

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Pour en finir avec l’effet coup de fouet

La littérature regorge de publications sur l’effet coup de fouet. Bête noire de tous les directeurs Supply Chain depuis des décennies, il compte toujours en 2024 parmi les sujets récurrents faisant l’objet de nombreuses recherches et innovations (méthodologiques et technologiques) visant à le faire disparaître, car le match n’est pas encore gagné…

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Théorisé dans les années 60 par Jay Forrester, professeur au MIT, l’effet coup de fouet (également appelé « bullwhip » en anglais) décrit l’amplification des variations de la demande dans une chaîne d’approvisionnement. De petites variations dans la demande des clients entraînent des fluctuations de plus en plus grandes à chaque étape en amont de la chaîne. Elles sont à l’origine de surstocks ou de ruptures temporaires (car la production est insuffisamment synchronisée avec la demande réelle). Pour se protéger contre les incertitudes et les risques de rupture de stock, les entreprises ont tendance à surcommander à leurs fournisseurs en amont. « Lorsque je fais jouer des candidats au serious game du jeu de la bière (s’appuyant sur un réseau constitué d’un magasin, un entrepôt primaire, un entrepôt secondaire et une usine), avec des règles du jeu favorisant l’effet coup de fouet, on peut avoir un rapport de 1 à 20 entre la variation de la demande perçue par le magasin et celle perçue par l’usine », observe Jeremy Catteloin, directeur chez BearingPoint. L’effet coup de fouet impacte aussi la production, les ajustements fréquents occasionnant surcoûts et inefficacité.

Plusieurs causes racines

Pour Jeremy Catteloin, les facteurs humains (irrationnels et rationnels) constituent une des causes de ce phénomène : « N’ayant pas été livré les fois précédentes par son fournisseur en quantités requises, un opérateur peut commander trois fois plus que nécessaire. Il modifie alors le calcul de la commande réalisé par son SI en tenant compte de sa perception du taux de service moyen du fournisseur. Un autre élément irrationnel concerne les reliquats de com-

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« Ceux qui feront le choix de Supply Chain relocalisées et resserrées observeront une nette diminution de l’effet bullwhip. »

Jeremy Catteloin, directeur chez b earingPoint

mandes. L’approvisionneur présuppose qu’ils ne seront jamais reçus et passe ses commandes suivantes sans en tenir compte alors qu’à un moment donné, le fournisseur risque toujours de les livrer. Un système de validation auprès des fournisseurs prévoyant la purge régulière des reliquats est donc nécessaire. » À propos des éléments rationnels, il ajoute : « Les politiques de taille des lots (quantités minimums, multiples à atteindre…), minimisant les coûts de transport et de commande, contribuent aussi à aggraver l’effet coup de fouet en désynchronisant la demande et l’approvisionnement. » À cela s’ajoutent aussi les délais de production et de livraison. Plus ces derniers sont longs, plus les entreprises ont tendance à surcommander pour compenser cette incertitude. « Les progrès colossaux des trente dernières années en matière de réduction de délais de passation de commandes ont été largement annulés par l’augmentation des délais de transport liés à l’internationalisation des Supply Chain. Ce phénomène va s’amplifier pour les Supply Chain qui resteront très internationales mais devront ralentir leurs flux de transport pour des questions écologiques dans les prochaines années. À l’inverse, je suis convaincu que ceux qui feront le choix de Supply Chain relocalisées et resserrées observeront une nette diminution de l’effet

bullwhip qui contrebalancera en partie les surcoûts liés à la main-d’œuvre. Le MRP fonctionnera mieux car il y aura moins d’erreurs de prévisions sur des horizons plus courts et l’applicabilité du DDMRP y sera également meilleure », commente Jeremy Catteloin.

Collaborer pour maîtriser ce phénomène

Selon Sébastien Champetier de Ribes, Consultant Sénior & Associé chez Suppleo, la communication est un élément clé pour enrayer l’effet bullwhip : « L’enjeu consiste à collaborer autour de la prévision et à trouver un équilibre entre les outils qui produisent une prévision statistique et l’ajustement de celle-ci sur la base d’éléments communiqués (par les magasins, les personnes en charge de l’offre…). Le lien en interne entre l’offre (chef de produit…) et la Supply (prévisionniste, data analyste…) dans les entreprises de distribution par exemple est essentiel pour distinguer un potentiel d’une prévision et intégrer un certain nombre de paramètres. Par exemple, le prévisionniste doit établir des liens entre des ventes passées et des phénomènes météorologiques atypiques (canicule…), des évènements extraordinaires (grande braderie, match de sport…) ou des opérations marketing (promotion, lancement nouveau produit…) de façon à ce que le système auto-apprenne, établisse les liens de cause à effet et soit en mesure à l’avenir d’ajuster automatiquement sa prévision de ventes en fonction d’évènements particuliers. Nous pensons chez Suppleo que les APS façon “boîte noire” sont moins plébiscités et qu’à l’inverse il est préférable que les approvisionneurs comprennent le détail des calculs pour avoir confiance dans l’outil. » Sébastien Champetier de Ribes insiste également sur la collaboration au-delà des murs de l’entreprise : « En l’absence de collaboration, les entreprises ont beau avoir les meilleurs outils du monde, ça ne marche pas. Il est nécessaire de sortir de la spirale des pénalités entre fournisseurs et distributeurs et de s’inscrire dans un mode collaboratif, en communiquant par exemple un plan d’approvisionnement à ses fournisseurs pour les 12 prochaines semaines ne correspondant pas à des commandes fermes mais les aidant néanmoins à anticiper leur production. » Sébastien Champetier de Ribes évoque aussi le nouveau contexte actuel de « monde pénurique » : « Gérer de façon maîtrisée la pénurie est un enjeu majeur des entreprises du retail qui peut minimiser l’effet coup de fouet. Il s’agit d’être en mesure de gérer la répartition optimale des stocks par

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© SUPPLEO « Il est nécessaire de sortir de la spirale des pénalités entre fournisseurs et distributeurs et de s’inscrire dans un mode collaboratif. » Sébastien Champetier de Ribes, Consultant Sénior & Associé chez Suppleob earingPoint

magasin et de doser délicatement les allocations de stocks selon les probabilités de ventes, sur le même modèle que l’ouverture et la fermeture d’un robinet d’eau. Selon nous, les outils d’approvisionnement et de prévision ne gèrent pas encore suffisamment bien les rétentions et priorisations des stocks dans un monde contraint et pénurique, surtout dans un contexte multi niveaux. »

Au-delà de l’amélioration de la qualité des prévisions… La mise en place de techniques de prévisions avancées est toujours susceptible de palier l’effet coup de fouet. Le recours à l’intelligence artificielle et au machine learning ces dernières années a permis de booster les algorithmes de prévisions et de gagner en qualité. Mais le monde VUCA (volatilité, incertitude, complexité et ambiguïté) dans lequel évoluent désormais les Supply Chain complexifie grandement la réalisation des prévisions. « Le MRP classique a mis beaucoup d’énergie pour améliorer la qualité des prévisions tout en conservant la même logique de calcul qui fonctionne très bien lorsque les prévisions sont justes. Mais pratiquement tous les secteurs d’activité ont élargi leurs gammes de produits, et la vente moyenne au SKU a mécaniquement baissé. Or plus les ventes d’une référence sont faibles, moins la qualité de sa prévision est bonne. La prévisibilité moyenne a donc décru. En parallèle, les Supply Chain se sont considérablement complexifiées et ont perdu en stabilité. Ainsi la fiabilité du MRP ne s’est pas vraiment améliorée » , explique Jeremy Catteloin.

Le DDMRP, un des éléments de réponse pour endiguer le problème « Permettant de piloter la Supply Chain par rapport à la demande réelle, le DDMRP (Demand Driven MRP) est particulièrement précieux dans un environnement en flux tiré. Même s’il n’est pas la bonne réponse à tous les cas de figure (comme le secteur du fashion qui fonctionne essentiellement en flux poussé), il a néanmoins le mérite de

réinterroger les fondamentaux de sa Supply Chain : comment découpler les maillons de la chaîne, comment amortir les variabilités, quels leviers pour stabiliser les fonctionnements et limiter les surcoûts, etc. », juge Jeremy Catteloin qui en profite pour tordre le cou à une idée préconçue à propos du DDMRP : « Alors que le pilotage de flux / des stocks, qui concerne le quotidien, s’appuie sur la demande réelle (à la différence du MRP dont le calcul se base sur des prévisions) pour prendre des décisions en matière d’approvisionnement, les prévisions sont évidemment toujours nécessaires pour réaliser la planification (6-12-18 mois) sous contrainte (industrielle et logistique). » Et de développer à propos de la principale différence avec le MRP classique : « C’est l’approche du PDP (plan directeur de production) qui évolue le plus. En DDMRP, on l’appelle le DDS&OP, à ne surtout pas confondre avec le S&OP (dont l’équivalent dans la démarche DDMRP est l’adaptive S&OP). Déterminé essentiellement à partir de prévisions, le résultat du PDP est un tableau, sur un horizon de trois mois, avec les quantités à la référence par semaine. Il ne donne qu’un seul chiffre pour chacune alors que les prévisions à un tel niveau de détails s’avèrent souvent fausses. Le calcul du MRP est ensuite réalisé sur la base de ces chiffres peu robustes pour bâtir le plan de production et l’ordonnancement. Cette lacune du MRP contribue fortement à l’effet coup de fouet. À l’inverse, dans une démarche Demand Driven, le résultat du DDS&OP fournit des indications de variations de buffer à prendre en compte dans l’horizon opérationnel. Cette mécanique absorbe la variabilité et permet donc de lutter contre l’effet bullwhip. » Améliorer la communication et le partage d’informations, réduire la taille des lots, améliorer la précision des prévisions, réduire les délais de production et de livraison, instaurer des systèmes de réapprovisionnement basés sur la demande réelle… Vous l’aurez compris, le champ des possibles pour lutter contre ce phénomène est large !

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Une

même

vision partagée par tous » défendue par Kinaxis

Selon Fathi Benazza, responsable industrie chez Kinaxis, les approches classiques MRP / DRP amplifient le phénomène de l’effet coup de fouet. « Très utilisé par les fonctions d’approvisionnement et de production, le MRP est souvent déconnecté du reste de l’entreprise, notamment de la demande finale du client. Les différents maillons de la Supply Chain ne sont pas alignés sur le même signal, à cause d’une planification réalisée de manière silotée. En conséquence, les articles commandés et produits, et les stocks ne sont pas en adéquation avec la demande finale du marché », expliquet-il. Il évoque aussi les difficultés occasionnées par l’approche modulaire des APS historiques. « L’architecture modulaire pose des problèmes en matière de communication en raison notamment d’un nombre grandissant d’interfaces et des données rafraîchies de façon asynchrone. Il y a, dans les APS historiques, une grande déconnexion entre les différents modules : prévisions, distribution, production, approvisionnements, S&OP. » Fabienne Cetre, EVP EMEA

© KINAXIS

« La collaboration est le maître-mot de notre solution avec une dimension clé de simulation.

»

Fathi Benazza, responsable industrie chez Kinaxis

© KINAXIS

« Les organisations en France s’appuient sur des métiers par processus (DRP planner, MPS planner, approvisionneur…).

» Fabienne Cetre, E v P EMEA Sales chez Kinaxis

Sales chez Kinaxis, remarque à ce propos : « Contrairement à ce que l’on observe chez nos clients étrangers où l’on voit des fonctions de “E2E network planners”, les organisations en France s’appuient sur des métiers par processus (DRP planner, MPS planner, approvisionneur…). » À l’inverse, Kinaxis défend le concept de planification intégrée dite de bout en bout. « Alors que sur ces deux-trois dernières décennies, les responsables SC en France se sont focalisés essentiellement sur l’amélioration de la qualité des prévisions, avec à la clé des résultats variables, la tendance est désormais à rechercher l’agilité afin de réagir rapidement à n’importe quelle fluctuation », constate Fathi Benazza qui résume les points structurants du concurrent planning de la façon suivante : « Une seule solution couvrant l’ensemble des processus (prévisions, appros, S&OP, ordonnancement…) et offrant une visibilité de bout en bout. En cas d’aléas (nouvelle commande client, changement de commande fournisseur…), l’information est immédiatement cascadée.

Tous les acteurs de la chaîne de valeur sont alignés sur ce plan et les signaux sont identiques de bout en bout, ce qui contribue à réduire l’effet coup de fouet. Les approvisionneurs savent précisément ce qui se passe côté marché et vice versa. La collaboration est le maîtremot de notre solution avec une dimension clé de simulation proposée par la solution Maestro de Kinaxis. Elle permet de comprendre les impacts sur l’ensemble des niveaux (amont et aval) de toute modification du signal, de choisir un scénario (après simulation) et de prendre des décisions de façon transparente. » Et d’ajouter : « Nous parlons désormais d’orchestration de la chaîne de valeur car Maestro de Kinaxis se positionne sur l’ensemble des horizons de planification, du très court terme jusqu’au niveau stratégique. Après la mise en place de notre solution au sein d’une entreprise, l’objectif est d’embarquer ensuite un maximum d’acteurs de la chaîne : les clients et les fournisseurs en particulier dans les cas de réseaux très intégrés (pharmaceutique, automobile, luxe). » JF

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« S’inspirer des modèles empiriques, mais avec une approche probabiliste »

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La solution permettant de contrer l’effet coup de fouet est le partage d’informations et la visibilité sur les opérations externes à la chaîne. Mais cela n’est pas sans poser des difficultés. Chaque maillon de la chaîne a en effet tendance à se concentrer sur son optimisation locale sans forcément partager ses informations avec ses fournisseurs et ses clients. En outre les efforts à fournir pour atteindre ce partage d’informations et mettre en œuvre un co-planning sont souvent extrêmement complexes. Afin de contrebalancer l’effet coup de fouet, notre idée d’origine chez Flowlity (plateforme de planification SC et d’optimisation des approvisionnements et de la gestion des stocks, ndlr) consiste à récupérer via un algorithme toutes les informations sur l’ensemble des échelons de la chaîne puis à générer des préconisations à chacun de façon synchronisée. En interne des organisations, le coup de fouet s’amplifie traditionnellement au moment du calcul de besoin net (un calcul purement déterministe qui remonte la chaîne et qui va en tirer des besoins d’approvisionnement de matière). Les erreurs se cumulent et rendent alors les prévisions d’approvisionnements peu fiables. Chez Flowlity, nous nous inspirons de différents modèles empiriques (TOC, Lean, DDMRP…), associés à des modèles mathématiques plus aboutis. Nous ne nous contentons pas de déterminer la quantité qui sera consommée mais toutes les probabilités de consommer une certaine quantité (méthode probabiliste). Notre approche consiste à décorréler l’approvisionnement des composants du plan de production (socle de la théorie MRP). Il s’agit d’un véritable changement de paradigme pouvant parfois déstabiliser. Nous utilisons l’IA pour réaliser une prévision de consommation pour les composants sur un site (équivalent point de découplage) basée sur les historiques de consommation et sur la demande issue des points en aval de la chaîne (par calcul déter-

« Nous nous inspirons de différents modèles empiriques (TOC, Lean, DDMRP…), associés à des modèles mathématiques plus aboutis. »

Jean-Baptiste Clouard, PDG et cofondateur de Flowlity

ministe type CBN). Les gains sont substantiels dans les industries où les étapes de production et d’assemblage sont nombreuses et les BOM complexes. Outre la prévision probabiliste de la demande, nous proposons également, toujours via des modèles mathématiques probabilistes, des suggestions de stratégies de couverture de risques (buffers stocks, buffers temps…). Celles-ci sont ensuite remontées dans la chaîne et serviront pour la prévision du site en amont. Ainsi l’ensemble des sites sont synchronisés de façon probabiliste stochastique. S’agissant de l’extérieur (des clients et des fournisseurs/ acteurs externes à la chaîne), nous avançons progressivement. Nous déployons un portail permettant de partager en temps réel des informations (prévisions, plans, des commandes…) avec les fournisseurs et clients. Nous aspirons à long terme à aller au-delà de cette visibilité en signant avec les fournisseurs de nos clients de façon à les inclure dans un réseau global. Nous serons alors en mesure d’émettre des recommandations visant à optimiser la chaîne de façon globale. » ProPos recueillis Par Julia Fustier

L’optimisation linéaire : la clé de voûte de Relex

L’éditeur Relex rappelle que dans le monde VUCA (volatile, incertain, complexe, ambigu) dans lequel nous vivons désormais, les signaux sont de plus en plus erratiques et difficiles à capter. De surcroît, les contraintes inhérentes aux produits, aux matières premières et à la production sont de plus en plus complexes. « Un pic de demande client en magasin ne se reflète pas nécessairement en temps réel aux niveaux de l’entrepôt et de l’usine, c’est notamment ce qui explique l’effet coup de fouet. La propagation de l’information entre les maillons de la chaîne faisant défaut, en particulier dans les Supply Chain non intégrées, les réactions ne sont pas synchronisées. De nombreuses entreprises réagissent en mode réactif plutôt que proactif », analyse Jean Boilloz, expert Supply Chain en IA et Machine Learning chez Relex Solutions. « Avec Relex, nous proposons d’augmenter la visibilité de ces données pour gagner en proactivité », ajoute-t-il. Selon l’éditeur finlandais, la démarche de construction d’une Supply Chain performante permettant de maîtriser l’effet coup de fouet se décline en quatre étapes : « cerner les variables, quantifier leur impact, puis décider et enfin mettre en place des routines d’amélioration continue », résume Jean Boilloz. La première question consiste donc à identifier les éléments à détecter (signaux de demande et de supply).

La deuxième étape de cette approche évalue les impacts. « Nous chiffrons des scénarios en mesurant les coût-bénéfices, afin d’anticiper ou répondre à ces impacts. » Ces scénarios sont réalisés à une fréquence pertinente pour agir selon les situations. « La solution qui apporte le plus d’impacts est souvent celle qui se traite sur l’horizon le plus long : par exemple la sécurisation pérenne des futures livraisons fournisseur à un horizon de 8 semaines, et à l’inverse la repriorisation d’un stock entrepôt vers un magasin dans un horizon de 1-2 jours. Avec Relex, les clients peuvent par exemple évaluer le coût de perte de ventes en cas de rupture par rapport à celui d’accélérer un transport en basculant sur de l’aérien (surcoûts et bénéfices en matière de ventes gagnées et impacts CO2) pour arbitrer de façon rationnelle », détaille Jean Boilloz. Relex fait appel à de nombreuses techniques dopées à l’IA. « Les méthodes traditionnelles comme le MRP et ses déclinaisons sont parfois insuffisantes

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dans des contextes très contraints. Je crois qu’il faut appliquer la bonne méthode au bon problème. Avec Relex, nous permettons de résoudre les problèmes dans des contextes très proches du réel. Par exemple, pour les problèmes très complexes, nous utilisons un mélange de machine learning et d’optimisation linéaire. Cela permet de trouver la meilleure solution parmi l’ensemble des possibles, sur des horizons variés, sans effectuer d’approximation c’est-à-dire en restant à un niveau granulaire », développe Jean Boilloz qui illustre concrètement son propos : « Un exemple est la fabrication journalière de produits laitiers où la collecte de lait est limitée en quantité et qualité, la demande volatile et les contraintes de production sont multiples. Grâce à notre technologie, les industriels du lait réduisent drastiquement le gaspillage et optimisent leurs coûts de production ; tout en servant mieux la demande client des distributeurs et en réduisant l’effet coup de fouet. » JF

« Pour les problèmes très complexes, nous utilisons un mélange de machine learning et d’optimisation linéaire »

Jean Boilloz , expert Supply Chain en IA et Machine Learning chez relex Solutions.

Interview

No Chain Planning : l’alternative au MRP et au DDMRP

C’est dans un contexte Supply Chain de plus en plus tendu, où les méthodes traditionnelles de planification atteignent parfois leurs limites, qu’Argon & Co a lancé officiellement il y a un an No Chain Planning : un tout nouveau concept de planification industrielle.

Supply Chain Magazine : De quelle façon le MRP contribue-t-il à générer l’effet coup de fouet ?

Florian Saucias : Nous avons initié notre démarche par la compréhension fine des causes racines de l’effet coup de fouet engendrée par la mécanique MRP / MRP2. La logique du MRP s’appuie sur un rétroplanning des tâches et un éclatement des besoins grâce aux nomenclatures. Sa première lacune est d’être on/off c’est-à-dire que chaque mouvement d’ordre amène une alerte sans que l’on puisse en identifier ni les conséquences ni la gravité. Ce phénomène rend l’organisation instable avec une absence de visibilité sur les priorités. Par ailleurs, le MRP n’a qu’un seul signal et oblige à un arbitrage impossible entre « construire un plan réaliste au détriment des priorités » ou « garder les priorités mais ne pas savoir quand seront livrés les produits ». Lorsque tous les niveaux de nomenclature interagissent les uns avec les autres, cela occasionne des vibrations importantes et plus personne ne sait où il est. En outre, comme le MRP est séquentiel, les informations arrivent trop tard : un mouvement de demande à la hausse ou à la baisse peut mettre des semaines à être perçu à l’autre bout de la chaîne et rendre impossible toute réaction et forme d’agilité. Enfin, le couplage des décisions amont/aval dans le MRP rend ininterprétable le signal et occasionne aussi des vibrations importantes. Par exemple, un retard de la production entraînant un changement de mode de transport (du maritime à l’aérien) donne ensuite l’impression à la production que la demande a changé. Ces quatre aspects sont source d’effet bullwhip.

SCM : En quoi consiste No Chain Planning ?

F.S. : Je précise que notre réponse est diamétralement opposée à celle proposée par le DDMRP. Développée par nos équipes, No Chain Planning est une nouvelle approche de planification industrielle. Elle n’est pas antagoniste avec le S&OP puisqu’elle concerne l’horizon court-moyen terme (équivalent MPS, voire ordonnancement). Le premier principe fondateur de cette méthodologie est de connecter tous les acteurs de la Supply Chain (peu importe leur niveau de nomenclature ou leur niveau dans le réseau) directement à la « vraie demande client » (pas simplement celle du maillon aval, ndlr). « No Chain » signifie que nous coupons les chaînes pour être connecté à la demande client. Tout le monde suit la même « étoile polaire ». Chaque maillon est planifié sur la base du signal « doit-faire » (la demande client). Ce « doitfaire » permet de connaître les actions à mener sur chaque ordre pour satisfaire la demande client. Il ne subit aucune contrainte. Nous déterminons en réalité deux « doit-faire » : un « doit-faire » idéal (pour répondre intégralement à la demande client et reconstituer les sécurités multi-niveau) et un « doit-faire » en rupture (pour répondre à la demande

© ARGON & CO

« No Chain Planning est une nouvelle approche de planification industrielle. »

Florian Saucias, Associate partner chez Argon & Co

client sans marge en juste à temps et en ayant asséché les sécurités multi-niveau). Le deuxième principe consiste à donner à tout moment de la visibilité sur le signal « sait-faire » correspondant à ce que, à date, chacun est réellement capable de faire. Il intègre les contraintes capacitaires et fournisseurs. À tous les niveaux de la chaîne, tout le monde doit disposer en permanence du « doit-faire » et du « sait-faire » sans que l’un ne se substitue à l’autre. C’est la propagation simultanée de ces deux signaux qui est au cœur du concept No Chain Planning. L’amont et l’aval sont découplés.

SCM : Comment cela se traduit-il en matière de bénéfices par rapport au MRP ?

F.S. : À l’inverse du MRP « on/off », le doit-faire, déclinée en deux dates (idéal, rupture), permet de focaliser l’ensemble des acteurs sur les bonnes priorités compte tenu de l’impact client et d’éviter les surréactions. La disponibilité de ces deux signaux permet de s’affranchir des arbitrages « entre réalisme du plan et urgence » inhérents au fonctionnement du MRP. De plus, toute modification de la demande client est propagée instantanément à tous les acteurs. Aussi, le « doit-faire » rupture se décline en deux informations : la rupture bateau et la rupture avion (rupture des ruptures). Ainsi les décisions de Supply Chain aval (de déploiement) ne font plus vibrer le signal amont (industriel). Le niveau de risque pris et les décisions prévisionnellement prises par la Supply Chain aval sont connus. Les vibrations du choix des routes aval sont complètement découplées du signal industriel. En résumé, No Chain Planning permet d’éliminer les vibrations inutiles (les plans intermédiaires, les décisions de couplage amont / aval), les surstocks et de ne pas surréagir à un léger mouvement de demande.

SCM : Ce processus est-il outillé ?

F.S. : Nous avons développé un outil (No Chain) en soutien de cette méthode. Il est déjà déployé dans certaines entreprises du CAC40. Cette solution est sur SAP HANA qui nous semble être la technologie la plus utilisée par les clients industriels. À cela j’ajouterai que le sujet de la qualité des données est, comme toujours, un élément essentiel.

ProPos recueillis Par Julia Fustier

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