Senteurs complémentaires

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dans le sillage des Parfums de Philippe Claudel

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senteurs complémentaires


[Lathyrus odoratus]


dans le sillage des Parfums de Philippe Claudel

Avec les contributions de Mohammed Ahdoudi

Lara Baert Abdelmajid Riad Baho Eline Engelen Aline Jacobs Ena K apata Nina Knuyt Isha Lal Joshua Lindeboom Jessica Maes Manon Paredis Hanna Struyf Anke Van Eeckhoven Janne Vermeulen Marie Wens

Textes édités et présentés par Isa Van Acker


couverture : Jan Moninckx, Lathyrus odoratus L. (ca. 1699) Moninckx Atlas · catalog in the form of a painted herbarium of the plants in the Hortus Medicus of the City of Amsterdam Allard Pierson · The Collections of the University of Amsterdam · OTM: hs. VI G 4, fo 30r


Un jour, un collègue me donne à lire Parfums de Philippe Claudel. Fascinée par la puissance évocatrice des odeurs, je tombe aussitôt sous le charme de ces textes qui, tout en relatant des souvenirs personnels, laissent largement place à l’imaginaire des lecteurs. Je décide d’introduire le recueil dans l’un de mes cours de maîtrise de la langue, y voyant le prétexte idéal à un exercice d’écriture créative. Je demande à mes étudiants, dont le français n’est pas la langue maternelle, de lire un échantillon au choix, en les incitant à être attentifs aux caractéristiques de l'écriture de Claudel. Ensuite, ce sera à eux de rédiger leur propre variante, de décrire une odeur qui évoque pour eux des souvenirs précieux ou prégnants. Je les défie de composer des morceaux qui s’inscrivent tellement bien dans le modèle élaboré par l'auteur que l’on pourrait les insérer dans son recueil sans qu’un lecteur soit en mesure de détecter les intrus. Ils se prêtent au jeu avec un remarquable dévouement. En corrigeant les textes, je suis profondément émue, au point de renoncer à attribuer une note à leurs copies, me contentant d’ajouter par-ci par-là des suggestions pour adapter une phrase, préciser une expression, augmenter la puissance d’un passage. Ce n’est pas la première fois que mes étudiants me procurent un sentiment de bonheur, mais cette fois-ci je me sens véritablement privilégiée. Chacun à sa façon consent à donner accès à une partie de sa vie intime, à partager des émotions éminemment personnelles. À défaut de pouvoir réellement les glisser dans le recueil qui a été notre source d’inspiration, j’ai rassemblé leurs textes dans ce petit volume pour remercier mes étudiants de leur générosité et pour prolonger la possibilité du partage.

I sa Van Acker décembre 2021

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jessica maes

Angleterre Nous venons d’entrer dans la ruelle de ma grand-mère après un long voyage en voiture. Il est nécessaire de traverser la Manche pour visiter ma personne préférée du monde. J’ai vu passer presque tous les kilomètres sur l’écran du gps depuis le départ de la maison. De 540 à zéro. Et maintenant nous sommes finalement arrivés à Woodcote, un petit village en Angleterre. Après les nombreux bisous et câlins devant la maison, nous entrons. Je suis la dernière à entrer, après ma grand-mère, ma mère et Dylan, mon petit frère. Le couloir étroit est plein de photos d’oncles, de tantes et de cousins que je ne connais que de nom. Les enfants de ma grand-mère sont tous partis vivre autre part au monde, ma mère ayant choisi la Belgique. Le sol du couloir est recouvert de tapis gris. Le tapis est très doux sous mes pieds et je ne peux pas résister à la tentation de me laisser tomber dessus. Je suis fatiguée après le voyage et je ferme les yeux. Je respire. Pour la première fois le parfum familier de la maison entre dans mes narines. Un mélange de toutes sortes de choses qui me réconfortent. L’odeur la plus persistante est celle venant de la cuisine. Ma grand-mère annonce que le fameux rôti du ­dimanche est déjà au four. Le repas consiste en un poulet entier, des pommes de terre et des petits pois. Même si ma mère essaie de préparer le même repas en Belgique, elle n’arrive jamais à faire mieux que ma grand-mère. Ce que je discerne aussi dans ce mélange d’odeurs dans la maison, c’est son parfum. Elle me dit souvent qu’elle ne changera jamais de parfum, que l’odeur de Gucci sera toujours la sienne aussi. L’odeur est devenue pour moi l’équivalent olfactif d’un jour ensoleillé. Peut-être parce que nous allons la voir seulement en été, peut-être parce que ma grand-mère a un caractère chaleureux, je ne sais pas. La dernière odeur discernable est celle du chat Homer. Le chat dont je suis jalouse au moment où nous devons partir car il peut rester avec elle. Les odeurs du rôti, de Gucci et de la litière contrastent énormément mais font toutes les trois partie de la réunion annuelle en entrant dans la maison de ma grand-mère.

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hanna struyf

Chat 8

C’est la fin de juin 2014, je reviens de mon dernier voyage scolaire en tant qu’élève de l’école primaire. Je ne pense qu’à celui qui m’attend à la maison : le nouveau membre de notre petite famille. Pas de petit frère ni de petite sœur, mais ma nouvelle meilleure amie à fourrure : une petite chatte. Nous l’adoptons de mon copain Gust. C’est le résultat d’une négociation entre deux enfants de douze ans. J’ai déjà choisi son prénom, Colette, je l’ai appelée d’après ma souris favorite des livres de Théa Stilton. Dès que je la vois, je trouve qu’elle est parfaite dans tous les sens du terme. J’adore ses pattes blanches et duveteuses, ses coussinets roses, sa fourrure qui a l’air noire, mais qui est en fait brune quand les rayons de soleil l’illuminent. J’aime ses yeux verts qui grossissent à la vue d’un papillon ou d’un mouvement rapide de ma main, et qui se transforment en deux lignes fines quand elle se sent en sécurité auprès de moi. J’apprécie le mouvement de ses oreilles pointues quand un son se dégage. Presque huit ans plus tard, elle me manque tout au long de la semaine, quand j’étudie à Anvers, et je me sens à nouveau chez moi lorsque je peux la caresser pendant le week-end. Quand elle s’allonge près de moi, je sens le parfum de sa fourrure qui raconte les histoires de sa vie. En hiver je sens l’odeur du charbon, au printemps celle des fleurs et en été celle du gazon fraîchement coupé. Souvent elle ramène de l’extérieur des souvenirs comme de petites branches, des feuilles des arbres ou de la terre encore attachés à ses petites pattes. Quand elle s’endort sur une couverture fraîchement lavée, le parfum du produit de lessive flotte dans son doux pelage. Elle traverse la vie avec des souvenirs comme eau de toilette.

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eline engelen

Crépuscule J’ouvre la porte de la terrasse pour laisser entrer mon chat. L’air froid de l’extérieur pénètre dans mon nez, pendant que le chat se frotte contre mes jambes. Il y a un parfum dans l’air, que je ne peux pas spécifier, mais que je reconnais bien. C’est le parfum du crépuscule du soir en hiver. L’odeur de l’air qui s’élève de la terre froide se mélange avec le parfum des feuilles en décomposition. C’est un parfum léger de noisette, qui nous dit que les arbres ont froid. En même temps, je sens le dîner sur la cuisinière dans les maisons des voisins. L’odeur se mélange avec celle du dîner que ma mère est en train de préparer. Je ressens que la nuit va bientôt arriver. Je le sens dans le parfum du crépuscule. Il me prédit que plus tard cette nuit-là, je me collerai contre mon petit ami, grelottant de froid, parce que je ne suis pas assez couverte dans ma petite robe. De plus, il me rappelle les nuits où j’attendais le dernier bus, engourdie par le froid, essayant de me réchauffer en fumant une cigarette. Mais le parfum ne me paralyse pas, car il me rappelle aussi le plaisir que nous avons eu, buvant du genièvre pour nous réchauffer. Il me dit que la nuit amènera de la vie. Cinq mois plus tard, j’ouvre la fenêtre parce qu’il fait trop chaud dans ma chambre à coucher. Un parfum sensuel me chatouille les narines et je sens la vie qu’il contient. Les abeilles font un dernier tour dans le jardin, pendant qu’une sauterelle solitaire s’imagine à la campagne. Je sens les fleurs en sueur qui peuvent respirer à nouveau, enfin. Je respire profondément et je sens des herbes fraîchement coupées. Quelqu’un allume le barbecue. Je laisse la fenêtre grande ouverte, parce que je veux que l’odeur remplisse ma chambre. C’est le parfum du crépuscule du soir en été, qui est encore plus qu’en hiver le prélude d’une vie nocturne trépidante. Je sens déjà le doux parfum des jeunes filles qui occupent les terrasses des cafés. J’entends presque les tubes de l’été, qui nous rappelleront cette période pour toujours. Mais ce ne sont pas seulement les fêtards qui restent éveillés pendant la nuit. Il n’y a rien qui dort pendant les nuits d’été. Ceux qui essaient de dormir se tournent et se retournent dans leurs lits, soupirant dans les chambres trop chaudes. Dehors, la nature trouve un second souffle. Les nuits d’été semblent interminables, comme si le parfum inoubliable du crépuscule était le gage de leur éternité.

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janne vermeulen

Feuilles 10

Je me promène parmi les troncs d’arbres anciens, au-dessous de leur dais de feuillage couleur d’automne, si dense que je ne peux plus voir le ciel. Parfois, un rayon de soleil réussit à trouver son chemin à travers les centaines de feuilles et éclaire la forêt pour un instant. Je suis dans les Ardennes pendant quelques jours, dans un village tout près de Bouillon, au milieu des forêts du Tombeau du Géant. Weekends d’automne. Entourée de ma famille, je me sens détendue et à l’abri de leur chaleur. La promenade est longue, mais je peux me réjouir du thé chaud qui nous attend à l’arrivée. Les jumeaux Nette et Pepijn folâtrent devant moi, mes cousins Hanne, Sam et Tomas font de grands gestes en pleine discussion et les adultes, mon oncle Herman, ma tante Goedele et mon père Ivo, parlent à voix basse de leur travail et de leurs collègues. Au sein de toutes ces agitations, j’observe un silence total, appréciant la beauté de la nature autour de moi. Paix. Je suis consciente de tous les petits bruits faits par les insectes minuscules, les souris pelucheux, les oiseaux colorés, les écureuils joueurs qui font chanter les feuilles. Mes pieds trouvent leur chemin sur des feuilles tombées par terre pendant que leurs consœurs sont encore en train de tourbillonner et de tournoyer, portées par le vent. L’odeur des feuilles mortes pend dans l’air, le parfum de l’automne, le messager de l’hiver, des soirées noires mais conviviales. Je suis heureuse, en pleine nature, protégée du monde extérieur par la forêt. Les feuilles. Des indicateurs des saisons, les enfants de l’arbre qui n’ont qu’un seul moment de liberté, avant de tomber et de se décomposer, fertilisant le sol et nourrissant les futures générations d’arbres et de fleurs. C’est là que nous pouvons retrouver nos racines, réprimées dans l’agitation de la vie quotidienne. Nous y renouons avec notre provenance, nos pieds reprennent contact avec la terre d’autrefois. Est-ce que nous sommes tous comme les feuilles d’automne ? Chacun suit son propre chemin, avec des obstacles, avec des virages, mais à la fin, nous trouvons tous notre route et après avoir accompli un trajet tourbillonnant, nous rejoignons la terre pour enfin nous reposer.

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mohammed ahdoudi

Forêt Nous sommes en septembre. La rentrée. Un mois qui n’indique pas seulement le début de l’année scolaire mais aussi le début de l’automne. C’est la saison où les professeurs organisent des excursions dans la forêt. Où on ­apprend plus des animaux qui y vivent, des arbres qu’on y trouve, des oiseaux qui y chantent. Je suis assis à côté de mon copain Jean, dans le bus qui nous amène à l’entrée de la forêt. Quand le bus arrive, les élèves se mettent à applaudir. Sauf moi. Je n’aime pas le bruit. En sortant je dis merci au chauffeur. Il s’appelle Max. Les élèves descendent du bus un par un. Les maitresses vérifient si tous les élèves sont présents. Quand tout le monde est descendu du bus, Max s’en va. Je respire profondément. L’air pur. Je sens l’irrésistible odeur de la forêt. C’est un mélange de fleurs douces, de mousse avec son odeur unique, de sol après qu’il a beaucoup plu. Avec mademoiselle Nancy devant et mademoiselle Charlotte derrière, nous marchons dans la forêt. J’entends le craquement des feuilles sèches sous mes bottes. J’entends les oiseaux chanter, un hibou au loin. Je me sens à l’aise. Dans ma main, je tiens une feuille. Je mets une croix pour chaque nouveau champignon que je vois. Après une explication de mademoiselle Charlotte, nous sommes autorisés à jouer librement pendant une demi-heure. Moi et les garçons jouons à cache-cache. Je disparais derrière un arbre tombé. Je ferme les yeux et sens le sol sous mes pieds. J’apprécie l’absence de voitures, la présence d’animaux. Je n’entends aucun camion, aucune sirène. Je ne sens ni tabac, ni gaz d’échappement. Je sens que plus je respire, plus j’ai d’énergie et plus je suis heureux.

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joshua lindeboom

Internat 12

Grandissant dans une famille chaleureuse mais troublée par la présence d’une fille de tempérament colérique, je vais à l’internat dès l’âge de sept ans. Je me sens plus à l’aise, là. C’est un endroit calme. Les jours y défilent l’un après l’autre sans bruit ni spectacle. Ça me plaît. Je n’aime pas le bruit. Il tourmente mes oreilles, mes nerfs même, tremblant dans mon front et envoyant des chocs d’électricité à travers mon corps entier. Les cris, les klaxons de voiture, les foules de gens au centre commercial, les groupes de petits enfants qui jouent, les travaux routiers … Non, je leur préfère l'eau ruisselante d’ une petite rivière dans la forêt, une guitare douce, des pièces de k’nex qui se connectent avec ce « clic » tellement satisfaisant … Les k’nex sont ma jeunesse. C’est ce avec quoi mes amis et moi jouons tous les jours, construisant des bâtiments intriqués, des animaux connus ou imaginaires, des trains et des grands 8 qui fonctionnent vraiment. Bien souvent, les pièces de k’nex recouvrent le sol empoussiéré de ma chambre. Elles s'éparpillent jusque sous le vieux lit. Près de celui-ci, il y a le lavabo sans eau chaude où je me lave chaque matin, l’armoire moche et usée et la veilleuse verte en forme de bête à bon Dieu. C’est mon chez-moi cinq jours par semaine. Dans la pièce commune en bas, ce n’est guère mieux. Là, il y a ce même vieux sol rouge, devenu gris et rugueux à cause de la poussière qui y est collée depuis des décennies. La lumière provient soit des petites lampes installées sur les bureaux ou parmi les casiers qui contiennent les jouets, soit de ces grandes lampes blanches qui m’éblouissent et qui rappellent la lumière blanche des hôpitaux. Il y a deux canapés inconfortables autour de la télé, dans lesquels nous regardons des films avant d'aller dormir et la grande table où nous nous rassemblons trois fois par jour pour prendre des repas d’une qualité lamentable. Mais le souvenir le plus vif que je garde de cet internat, c’est l’odeur inqualifiable qui y planait, qu’on retrouve aussi dans les vieilles écoles et les maisons de repos. Ce parfum de poussière ancienne, d’années sans fin et de générations successives. Ce parfum indifférent et invariable qui sent le renfermé, qui n’a pas de caractère. Il n’appartient à personne. Il est vide, vieux et monotone. Tout juste bon pour assurer la sérénité pendant quelques jours, mais pas pour constituer un véritable chez-soi.

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anke van eeckhoven

Lavande La lavande est à la fois mon odeur et ma plante préférées. J’essaie de l’insérer partout dans ma vie. Savon pour les mains, shampooing, bougie parfumée, huile essentielle, parfum. Tout sent la lavande. Mais pourquoi ? Pourquoi cette odeur parmi tant d’autres ? La raison est simple : la lavande offre le calme et la tranquillité. Cela est bien connu. C’est l’odeur qui me fait penser à la maison, au passé, aux vacances d’été. Elle me fait penser aux vacances que je passe en France avec mes parents. Nous partons en voiture pendant la nuit. Je suis très fatiguée donc je m’endors pendant le trajet. Quand je me réveille, nous sommes presque là. Le paysage a changé. Les rues de Belgique ont fait place aux champs français. Nous sommes à quelques centaines de kilomètres de la Belgique et le monde semble complètement différent. Les animaux sont les mêmes : chèvres, chevaux, moutons, vaches. Mais tout le reste est différent. La langue, les paysages, la nourriture, le peuple, les souvenirs. Puis, je vois les champs de lavande. J’aime les couleurs et la structure des petites fleurs, mais rien n’égale l’odeur. Nous sommes à Saint-Rémy-deProvence, un petit village agréable avec ses petits magasins et ses marchés. Quand je visite l’asile Saint-Paul de Mausole, je vois que je ne suis pas la seule qui a remarqué les paysages particuliers de la Provence. Vincent van Gogh les aime aussi. Dans ses peintures, il les a représentés à plusieurs reprises dans toutes sortes de formes différentes. Aurait-il également remarqué les champs de lavande ? Aurait-il ainsi aimé l’odeur de la lavande ? La lavande est l’odeur de la Provence. En Belgique, chaque fois que je passe devant un jardin qui contient de la lavande, je ralentis et pense à la France. La chaleur, les vacances, la langue. Ce n’est que bien plus tard que je découvre que la lavande a la propriété de me calmer. Je commence à l’utiliser lors des examens, quand j’ai des exposés à faire, pour surmonter des moments de stress en général. L’odeur ne me laisse jamais tomber. C’est pourquoi j’ai toujours sur moi un flacon d’huile essentielle de lavande. C’est peut-être à cause de la lavande que j’aime la couleur pourpre. C’est une couleur qui est à la fois chaude et froide, sombre et claire, une couleur de l’hiver, comme de l’été. Quand j’aurai ma propre maison, je planterai de nombreuses fleurs mauves dans mon jardin. Mais tout d’abord, je planterai de la lavande. Puisque la lavande est essentielle. La lavande est irremplaçable. La lavande fait partie de moi.

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marie wens

Mandarine 14

C’est le 6 décembre 2010. J’ai huit ans et le jour que j’ai attendu toute l’année est enfin arrivé. J’ai à peine dormi la nuit précédente, mais cela n’a pas d’importance car je suis trop excitée pour me sentir fatiguée. Sur mon petit réveil, l’heure sonne six-cinq-neuf, et cela semble prendre une éternité avant que sept-zéro-zéro apparaisse enfin. Quand ce moment arrive finalement, je saute du lit et je cours vers la chambre de mes parents, où je trouve mes petits frères, qui étaient clairement trop impatients pour attendre jusqu’à sept heures, comme l’avaient dit mes parents, et qui sont déjà en train de spéculer sur ce que Saint-Nicolas leur aura apporté cette année. Pol, mon frère cadet, veut le commissariat de police en Lego. Theo, mon frère aîné, cependant, veut la caserne de pompiers en Lego. Ils discutent de ce qui est le plus amusant. Mes parents se sourient. Alors, nous commençons notre tradition annuelle : mes parents, mes frères et moi allons d’abord à la salle de bains, où nous allons tous aux toilettes et nous brossons les dents. Puis nous nous tenons devant l’escalier dans l’ordre, comme il se doit, du plus jeune au plus vieux : Pol, Theo, moi, maman et papa. À ce moment-là, mes parents disent que nous pouvons y aller et nous descendons les escaliers aussi vite que possible et nous entrons finalement dans le salon. Notre patience est enfin récompensée. Tout le salon est jonché de toutes sortes de friandises et nous ne savons pas où regarder en premier. Du chocolat. Du massepain. Pain d’épice. Des livres. Des jouets. Les mandarines ne manquent pas bien sûr. Nous passons toute la matinée en famille, à jouer et à grignoter, le tout en pyjama. Pendant le reste du mois, la maison continuera à sentir la mandarine et jusqu’à ce jour, ce parfum me ramène toujours à ces nombreux 6 décembres que nous avons passés ensemble en famille.

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aline jacobs

Mer Il est huit heures du soir. Le soleil costaricien qui le jour allume la beauté du pays est remplacé par la lune et un magnifique ciel étoilé. Mon maître de yoga et moi nous frayons un chemin par le bois qui sépare le village de la plage. Je l’ai rencontré il y a trois semaines. Après le stage de yoga, plusieurs d’entre nous avaient décidé de profiter encore un peu plus du pays tropical, et par coïncidence le moine Greg et moi avions la même idée d’aller profiter de l’atmosphère du village costal Santa Teresa. Ce soir-là, il me demande d’être son cobaye pour sa nouvelle technique de méditation. Bien sûr que j’accepte ; cet homme a passé six ans dans un monastère donc toute opportunité d’apprendre de lui est une occasion précieuse qu’il ne faut pas laisser passer. On s’installe dans le sable, le visage tourné vers les vagues qui déferlent en permanence. Il me demande de nommer dix choses que je perçois. Je nomme le sable que je sens frotter gentiment contre la peau de mes mollets dans le sable. J’entends le trottinement des petits crabes sortis de leur cachette. Le bruit des vagues résonne dans mes oreilles. Il fait si noir que seules les crêtes blanches des vagues sont visibles. Au loin, j’entends de la musique et parfois des voix. J’ai l’intention de décrire le parfum de la mer et de la plage. Je sais que la mer est un mélange de l’air iodé du grand large, des algues etc., mais je constate que je ne le perçois plus. Cela fait trop longtemps que je suis ici et je n’arrive plus à le discerner. Ça me rend un peu triste parce que j’aime le parfum de la mer. Une longue pause tombe et c’est le signe pour le moine Greg de commencer la phase suivante de la méditation. Je considère maintenant toutes ces perceptions sensorielles sans impliquer la source. J’oublie que le rugissement et le grondement viennent des vagues roulant sur la plage. J’oublie que les voix joyeuses viennent des personnes et que le trottinement presque inaudible est celui d’un crabe. J’oublie le sable contre mes jambes. Je me fonds dans un monde où tout ce qui compte, c’est « être ».

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nina knuyt

Mer 16

J’ai dix ans et mes parents et moi passons un week-end à la côte belge. L’après-midi, nous nous promenons sur la plage le long de la mer du Nord à Ostende. Nous sommes à la fin du mois de septembre et c’est une superbe journée d’automne. Le soleil brille sur nos visages, mais le vent froid nous annonce que l’hiver arrivera bientôt. Chaque fois que je fais un pas, le sable humide crisse sous mes bottes. Des dizaines de grands goélands nous encerclent depuis quelque temps, en poussant sans cesse de grands cris. Qu’est-ce qu’ils veulent ? Ils nous entourent comme des prédateurs à l’affût de leur prochaine proie; de leur regard acéré ils cherchent diligemment des passants imprudents qui ont une glace ou une gaufre à la main, prêts à les attaquer. Alors que le vent froid du nord augmente, les vagues de la mer deviennent de plus en plus féroces jusqu’à ce que quelques gouttes d’eau m’éclaboussent le visage. En les léchant, je sens et goûte la salinité de la mer sur ma langue. Je perçois un mélange frais et salé, mais également acide, d’eau de mer, d’algues, de moules et même un soupçon de crevettes. Soudain, le groupe de goélands se dirige vers quelques pêcheurs qui débarquent sur le rivage. Ils ont, ainsi que les passants, remarqué l’odeur âcre et salée du poisson fraîchement pêché. Sole, plie, turbot, maquereau, bar, barbue et carrelet ; la prise du jour est un succès et le choix de poissons est diversifié. Ne voulons-nous pas acheter du poisson frais ? Je peux déjà imaginer la saveur et le goût délicieux d’un morceau de cabillaud frais grillé avec des frites maison. Bien sûr, nous voudrions en avoir pour le dîner. Étant la fille d’un pêcheur amateur, je suis tellement habituée à manger du poisson frais au dîner que je ne le refuse jamais. Après une promenade d’environ deux heures, nous sommes fatigués et décidons de nous reposer dans l’un des nombreux cafés de la digue offrant une vue sur la mer. Un arôme doux, sucré et invitant nous parvient de loin. Gâteaux. Crêpes, avec ou sans crème chantilly, ou peut-être avec du sucre ou de la sauce au chocolat. Gaufres, de Bruxelles ou de Liège. D’innombrables parfums de glace, en pot ou en cône. J’en ai déjà l’eau à la bouche, mais il est tout simplement impossible de choisir parmi toutes ces friandises. Lorsque nous nous installons à une table, la mer déchaînée s’est quasiment transformée en tempête. En respirant le doux parfum de ma crêpe chaude, je me dis que lorsque je visite la mer, la fréquentation du café après une promenade est en réalité le meilleur moment de la journée.

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isha lal

Miel Une chaude soirée d’été. Des oiseaux qui chantent. Des abeilles qui bourdonnent. Le soleil qui brille. Le vent qui souffle. Un jardin. Une fête d’anniversaire dans le jardin. Tout le monde est présent. Père, mère, frère, sœur, cousins, oncles, tantes, grands-mères, grands-pères, amis, connaissances, camarades de classe, chien, chat. J’ai douze ans. L’âge de l’adolescence, le signe de la puberté, le début de l’âge adulte ; les années de sensibilité, du changement, des boutons ; l’âge où on commence à regarder les filles, à s’enfermer dans sa chambre, à s’isoler de ses parents, à prétendre tout savoir, tout comprendre, tout faire. Mais c’est aussi l’âge où on peut savourer les choses simples dans la vie comme le parfum doux, tendre, chaud, satiné et délicat qui pénètre mes narines en ce moment. Je tourne la tête et je vois un gâteau majestueux. Trois couches de biscuit au chocolat séparées par deux couches de crème pâtissière jaune miel, les côtés décorés de monticules blancs comme neige de crème Chantilly et de fraises et de cerises parfaitement formées sur le sommet. Je saisis le manche du couteau à côté du gâteau et je sens la lame glacée contre mes doigts bien chauds. Quand je coupe la surface soyeuse, de l’or liquide sort du gâteau. Miel. L’odeur prononcée du miel onctueux, sirupeux et sucré est un souvenir qui ne disparaît pas, qui reste avec moi même quand tout le reste a disparu, qui m’accompagne jusqu’à la mort, qui représente l’un de mes plus beaux moments, rempli de famille et d’amis, de beau temps, de joie et de bonheur. Tout le monde reçoit une part du gâteau. Je mets dans ma bouche un petit morceau, qui se transforme immédiatement en une explosion de saveurs sur ma langue. Le gâteau léger fond et se mélange avec la crème pâtissière et le miel dense. Mon palais semble être touché par le ciel et ma bouche est comme la soie. Je regarde autour de moi et je constate que tout le monde apprécie cette divinité. C’est le moment où je réalise que la vie ne peut pas être meilleure que maintenant. Tout le monde est heureux. Je suis heureuse. L’odeur de l’anniversaire, de l’été et de la joie se répand dans le jardin et je ne peux rien faire d’autre que vivre dans le moment et être reconnaissante pour la vie.

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lara baert

Oreilles de chien 18

Au rez-de-chaussée de notre maison – un bel-étage des années soixante – un bureau ample en bois occupe la pièce avec une fenêtre qui donne sur le jardinet anversois mal entretenu. Je m’y suis installée, dans ce refuge où je peux me verrouiller, où l’accès Internet me permet de suivre attentivement les cours – contrairement à ma chambre à coucher – où je suis entourée des bibliothèques qui hébergent des centaines de livres épais, obsolètes, savants, marron, prenant la poussière et étalant une connaissance dépassée. Leur odeur de feuilles reliées. Je m’y sens à l’aise. À huis clos, je feuillette mes livres scolaires qui contrastent avec leurs pendants plus délabrés, je suis mes cours, je prends des notes, je laisse mes doigts défiler, je les laisse glisser sur le clavier, je laisse mon esprit vagabonder. Ma vue donne sur mon ordinateur, avec en toile de fond une porte en bois de chêne, ornée de rayures qui ne possèdent presque aucune texture. Un arrière-plan fiable. Un avertisseur. Un garde qui se trouvera toujours dans la ligne de tir. Comme si c’était la relève de la garde, la porte s’ouvre sans que la poignée de porte ne bouge, et sans qu’il n’y ait le moindre courant d’air. Son ­museau comme un pied-de-biche, elle ouvre la porte fermée, elle envahit mon monde clôturé avec sa tête taquine, têtue, touchante, elle se fraie un chemin vers l’intérieur. J’aime sa puanteur pénétrante, j’aime qu’elle pénètre dans l’univers que j’ai construit. Elle entre, à pas de loup, accompagnée d’une odeur que dégagent seulement les chiens. Une puanteur indispensable qui ne pue pas vraiment. Noa, chienne d’une sorte de noir : assez noir pour l’étiqueter ainsi, mais augmenté de nuances blanches et grises qui atténuent son intensité. Son museau est d’un brun foncé embrouillé. Il y a plus de trois ans, ma mère propose qu’un chien rejoigne notre famille. Un labradoodle, mélange d’un labrador et d’un caniche, comme les allergies d’Eliot n’endurent que les chiens hypoallergéniques. Je choisis son nom, avant de savoir le sexe ; Fé, huit ans, choisit la chienne noire qui mord dans mes lacets blanchâtres. Le chenil à Kalmthout pue les chiots, et tout ce qui va avec.

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Je prends son corps velu sur mes genoux, en laissant mon menton reposer sur sa tête noire, brune, grise, blanche. Je la sens, je renifle son odeur. Ses oreilles tombantes sont la source principale de sa puanteur, que j’aime tant. Je soulève son oreille gauche. Je hume. J’arrête. Je l’embrasse. Une chaleur bienfaisante. Depuis ce jour-là, elle sait comment ouvrir les portes ­verrouillées. Elle ne me quitte plus jamais quand je m’enferme dans ce bureau-là. Les gens qui n’aiment pas les chiens n’aiment pas les gens. Un adage de ma regrettée grand-mère. Je pense à elle et à sa chienne, et aussi à la mienne. Surtout dans un monde qui nous cloisonne des autres, son adage n'a rien perdu de sa vérité.

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abdelmajid riad baho

Pêcherie 20

Des barques viennent du large bleu, sous un soleil brulant haut dans le ciel. 15 heures; un mois de septembre où la plupart des émigrés ont déjà quitté les lieux, laissant derrière eux une vie paisible dans cette magnifique baie. Tout au long des quais, les cris des mouettes gardent la ville portuaire éveillée. Les Arabes l’appellent Wahrane. Les déchets sur les pavés et leur relent mordant le nez témoignent du marché de poissons qui vient de s’achever: restes de sardines, de dorades, de rougets, de bonites et de soles … mais aussi de l’espadon: spécialité locale. Cet espadon grillé qu’on peut manger sur la Place de la République, dans des restos ayant comme nom Le Corsaire, La Mouette ii ou encore Miami. Quotidiennement des gens se rassemblent à la pêcherie ; il y en a qui partent, et d’autres qui reviennent … un croisement de destins continuel. Certains attendent le ferry toujours en retard. Un gosse désire le retour de ce pêcheur qui flotte malgré lui infiniment sur la marée sans jamais s’enrichir. Père absent, mari d’une épouse qui espère juste qu’il se dépêche. Ou cette vieille dame pauvre d’un fils en Espagne (en plus il dépense les moindres sous qu’elle gagne). Les larmes de la vieille se mêlent aux supplications pour que Dieu épargne son enfant. Une jeunesse en quête de papiers européens ; des jeunes dérobés à cette ville pleine de rêves, mais où les gens sont en manque de moyens. Ce sont aussi les pensées de cet étudiant, matant l’horizon, s’abandonnant à la rêverie et soupirant vouloir moins de malchance. Dettes. Incontournables pour ceux songeant à émigrer vers la France. Et que dire de ce vieillard aux traits très fins ? Fumant sa pipe et soufflant la plainte de partir bientôt pour son dernier voyage. En route à cause de son vieil âge, il navigue dans la fumée du tabac vers la mort sur cette colline. Un cimetière jonché de coquillages. Quant à moi, je leur fais comprendre que moi aussi, je suis ici seulement de passage, reprenant mon souffle dans une crèmerie ; le temps d’un café pour oublier la fatigue du décalage … Car de la puanteur de l’espadon et d’autres poissons méditerranéens émergent dans mon esprit le visage de cette épouse manquée il y a bien des années et le profil du jeune homme fiancé qui attend la rupture. Oui, on attend toujours quelque chose à Oran, ville de transit.

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manon paredis

Pluie Avant qu’il pleuve, le monde sent la fraîcheur et l’humidité, il y a une légèreté dans l’air que l’on respire. Une goutte froide, sur le bout du nez. Puis une sur le front, le menton, encore une sur le nez. La main tendue, comme pour attraper la pluie. Quand il pleut, le ciel pleure. Les nuages sont ses yeux, les gouttes sont ses larmes, qui abandonnent leurs maisons une par une. Lorsque les gouttes de pluie atteignent la fenêtre, ce qui les empêche de pénétrer dans nos maisons chaudes, elles composent un vrai fleuve, qui, chaque fois qu’il rencontre une autre petite goutte, l’absorbe et répète ce procès, pour se rendre plus puissant, plus vigoureux. On essaye de le guider et de le faire dévier avec le doigt, jusqu’à ce que la fenêtre cesse d’exister. Le bout du doigt froid et humide. De temps en temps, la pluie est trop envahissante, elle se met en colère. Elle frappe aux portes des gens avec impatience, empressement. Inondations. Je crois toujours que la pluie se sent seule, que la pluie est solitaire, car tout le monde se réfugie à l’intérieur ou sous un parapluie dès qu’elle se montre. Les gens se retirent dans leurs maisons chauffées, les lapins et les souris rampent dans leurs trous, seuls les vers se joignent à la fête. C’est pourquoi j’ai l’habitude de sortir, quand ciel pleure, pour le consoler, pour lui donner au moins quelqu’un qui l’aime de tout cœur, pour l’accompagner dans la courageuse mission de fournir de l’eau et de la vie au monde entier. Après que les anges aient pleuré dans le ciel, il y a une odeur approfondie et humide, qui est fraîche, néanmoins. C’est l’odeur du vert foncé. Les plantes sentent le bonheur. Heureuses. J’ai encore à l’esprit le moment où j’ai découvert que, lorsqu'on les regarde de très près, le nez collé à la vitre, on voit que chacune des gouttes reflète le monde, sens dessus dessous. Depuis ce moment-là, je me dis que la vie sur terre est belle; depuis ce moment-là, je reconnais la beauté que mon père m’avait promise. Et je me sens calme, enfin.

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ena kapata

Vicks 22

C’est pendant l’hiver que ma mère utilise cette pommade bien connue à l’odeur typique. Mon frère et ma sœur aînée tombent malades dès que le temps se refroidit. Ils finissent par contaminer toute la famille sauf moi. Ma mère met une cuillère de Vicks dans de l’eau chaude et inhale cette vapeur forte et médicale. Le reste de ma famille fait de même. Cet arôme perçant débouche leur nez et les fait de nouveau respirer. Ensuite c’est l’heure de boire le thé. Soit à la menthe, soit au citron. Le choix favori est le thé au citron. Ma mère y ajoute du gingembre et du miel. Je ne suis pas malade mais je dois aussi en boire. L’arôme citronné parfume tout le salon. On boit tous le thé mais je suis la seule à le savourer vraiment. Je souffle dans ma tasse et la fragrance qui s’en échappe fait danser mes narines. L’odeur la plus présente est celle du citron mais à la deuxième inhalation, l’odeur du gingembre picote, puis je perçois la douce essence du miel. Il est l’heure d’aller se coucher. C ­ hacun à son tour on se lave. Ma mère vient dans notre chambre et, du bout des doigts, prend un peu de pommade qu’elle étend sur la poitrine de mes sœurs et de mon frère. L’odeur pénétrante d’eucalyptus envahit toute la chambre. Une semaine après, tout le monde guérit mais maintenant c’est moi qui suis malade. Ma mère répète le même processus. Mes narines bouchées inhalent cette vapeur aromatique. Mon nez se débouche et pour un instant je sens cet arôme qui me picote le nez. Je bois le thé au citron et malheureusement je ne le goute qu’à moitié. La nuit tombe et ma mère vient me mettre du Vicks sur la poitrine. Je lui demande d’en mettre aussi sous mon nez et elle le fait. Je sens le parfum toute la nuit. Ma guérison s’accompagne d’une pointe de nostalgie: je renifle mon oreiller aromatisé à l’eucalyptus une dernière fois avant de mettre la taie dans le panier à linge.

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colophon

Senteurs complémentaires est un projet conçu par Isa Van Acker, professeur de français à l’Université d’Anvers. 23

Cette plaquette est publiée par la Onderwijscommissie Langues et Lettres de la Faculté des Lettres. Achevé d’imprimer à un tirage limité de 100 exemplaires sur les presses digitales de Universitas à Schoten. Graphisme & mise en pages par Frederik Hulstaert, Anvers. Composé en Le Monde Livre par Jean François Porchez et Verdigris & Solitaire par Mark van Bronkhorst, sur Bio Top 3 next 90 & 300 grammes, papier tcf certifié fsc.

© 2021

Universiteit Antwerpen & les auteurs. Toute reproduction, en tout ou en partie, sous quelque forme et par quelque procédé que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite préalable de l’éditeur.

Dépôt légal: d /2021/12.293/47 Éditeur responsable: Dieter Vermandere Président Onderwijscommissie Langues et Lettres Prinsstraat 13 be 2000 Antwerpen www.uantwerpen.be




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Un jour, un collègue me donne à lire Parfums de Philippe Claudel. Fascinée par la puissance évocatrice des odeurs, je tombe aussitôt sous le charme de ces textes qui, tout en relatant des souvenirs personnels, laissent largement place à l’imaginaire des lecteurs. Je décide d’introduire le recueil dans l’un de mes cours de maîtrise de la langue, y voyant le prétexte idéal à un exercice d’écriture créative.

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