Florian Bourlet - Projet de fin d'étude - Plaquette informative

40-50 Myangat - Un coeur de ville

Atelier International d’Architecture Oulan-Bator, Mongolie Soutenu par un partenariat entre L’ENSA Paris La Villette, l’Atelier Parisien d’Urbanisme, l’Institut d’Urbanisme Mongole et la Municipalité d’Oulan-Bator.

Enseignants Christiane Blancot, Olvier Boucheron et Camille Rouaud _

Deuxième année de Master 2018 Florian Bourlet

Introduction

Chapitre 1 40-50 Myangat : Les origines d’un quartier central d’Oulan-Bator Construire en temps de paix Organiser la vie en collectivité

Chapitre 2 Habiter la planification Des logements modernes et équipés Apparitions des commerces individuels

Chapitre 3 Ateliers et commerces : particularité des 40-50 Myangat Peace Avenue: ses commerces et centres commerciaux Des sous sols habités Urt Tsagaan : un symbole historique

Chapitre 4 Un centre saturé ?

Tours de logement, un pari financier sur l’immobilier Des passages modifiés et des espaces communs en danger

Chapitre 5 Le devenir des 40-50 Myangat : un quartier d’artisans et de marchands

Introduction

Ce projet de fin d’étude s’inscrit dans le cadre du cinquième Atelier International en Mongolie proposé par l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-La Villette en partenariat avec l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR), la Municipalité d’Oulan-Bator et la Faculté d’Architecture de l’Université des Sciences et des Technologies de Mongolie (MUST).

Cette année nous avons travaillé autour du thème « loger le peuple, habiter la ville ». Pour ce faire nous avons effectué quotidiennement un travail de terrain en septembre 2017. Nous avons utilisé pour outils de compréhension de la ville, différents moyens à notre disposition comme les relevés habités ou des entretiens avec les habitants réalisés avec l’aide des étudiants de MUST.

La Mongolie est un pays enclavé entre la Russie et la Chine qui s’étend sur un territoire de plus d’un million de km2 pour une population d’environ 2,8 millions habitants dont la moitié vivent dans la capitale. Sous influence chinoise puis soviétique, la Mongolie retrouve une certaine autonomie étatique dans les années 1990. Ces influences extérieures ont marqué la ville d’Oulan-Bator dans sa construction.

Aujourd’hui, la croissance économique du pays due à la présence d’un sol riche en ressources minières (charbon, cuivre, or, uranium..), semble galvaniser une course à la modernité. De nouveaux plans directeurs de la ville d’Oulan-Bator prévoient une densification toujours plus forte, à travers la construction de nouvelles tours de logements dans les espaces non-bâtis et les quartiers de yourtes considérés comme insalubres.

Le quartier des 40-50 Myangat, situé dans l’ultra-centre d’Oulan-Bator, est aujourd’hui constitué d’ensembles d’habitations datant du milieu du XXème siècle construits durant la période socialiste et de nouvelles tours de logements construites très récemment. L’ensemble s’articule le long d’une des avenues principales de la ville où se côtoient un fort trafic routier ainsi qu’une activité commerçante importante.

Son nom signifiant 40-50 mille, renvoie symboliquement au nombre de mètres carré sur lesquels s’étend le quartier du quartier.

Les origines d’un quartier central d’Oulan-Bator

Construire en temps de paix

Situé entre la place Sukhbaatar à l’est – qui est la première zone de la ville à être construite en dur durant la première partie du XXème siècle et qui concentre les lieux principaux du pouvoir (parlement, municipalité) – et le quartier de yourtes de Gandan à l’ouest – qui tire son nom du temple bouddhiste autour duquel sont organisés les enclos d’habitations – le quartier des 40-50 Myangat fut bâti en faisant table rase d’une partie de la ville de feutre.

Seule la « ville chinoise des neuf routes », témoin des échanges commerciaux entre la Mongolie et la Chine à cette époque, située dans la partie nord du quartier, résistera jusqu’au début des années 70 à la destruction des plans directeurs.

La proximité du quartier des 40-50 avec les lieux de pouvoir et sa topographie relativement plate en ont fait l’un des premiers quartiers planifiés et aménagés par la ville en 1954. Cette planification avait pour ambition de créer du logement de masse pour anticiper une augmentation de population, prévue à cette époque de 130 000 habitants sur une période de 20 à 25 ans, qui correspond également au boom industriel de l’économie mondiale.

Les travaux ont été réalisés par des ouvriers chinois et des prisonniers de guerre japonais. Cette planification de grande ampleur s’accompagne également d’infrastructures qui viennent répondre aux nouvelles normes d’habitations modernes. C’est à cette période qu’une seconde centrale à charbon et la prolongation du réseau existant permettra de relier ces nouveaux logements au système de chauffage centralisé.

Construction des logements des 40-50 et de Peace Avenue - 1958

Organiser la vie en collectivité

Le quartier des 40-50 est dessiné par des ingénieurs russes. Ils y appliquent les codes du système urbain soviétique des kvartal. Les flux automobile, qui à l’origine se limitent à quelques voitures individuelles et quelques autobus, sont canalisés sur des grands axes en dehors des ensembles d’habitations. Les trottoirs des larges avenues sont plantés pour mettre à distance les logements des nuisances que peuvent provoquer la circulation. Ces façades sur rue sont uniformes et sont ornées de bandeaux décoratifs discrets sous la limite des toitures. De ce coté des immeubles, il n’y a pas d’activité, ni d’entrée pour accéder aux logements. La rue se limite uniquement à un lieu fonctionnel de passage.

Les logements sont organisés dans des grands blocs ouverts, délimités par le tracé des avenues (200 mètres de long pour 200 mètres de large dans le cas du bloc dit du « Ard Kino »). Ces derniers sont construits en brique et s’élèvent sur trois à quatre niveaux. De larges passages, destinés uniquement aux piétons, permettent l’accès depuis la rue vers les grands espaces libres formés par l’agencement des immeubles. Ces espaces, appelés courées, sont pensés pour des usages domestiques et pour partager un lieu de vie en collectivité pour l’ensemble des habitations donnant sur ce lieu généralement planté. C’est également de ce coté, côté courée, que les accès aux logements sont situés Ce système de kvartal prévoit également une certaine autonomie du quartier en incluant les équipements de proximité (écoles, services administratifs de quartier...).

Les espaces de commerces sont quant à eux concentrés dans les magasins d’états. Ce sont généralement de grands bâtiments pensés comme des monuments à l’instar du National Department Store de Peace Avenue, vitrine commerciale du gouvernement socialiste, ou encore du Zanabazar au nord-est aujourd’hui transformé en musée.

Courée à l’intérieur d’un ensemble de logements

Habiter la planification

Des logements modernes et équipés

Les logements construits durant l’époque socialiste s’appuient sur une critique des conditions de vie dans les quartiers de yourtes. L’état accompagne donc la construction de ces nouveaux immeubles d’un réseau de chauffage centralisé relié aux deux centrales à charbon de l’époque. La deuxième centrale fut construite dans le cadre du plan directeur de 1954.

Il en est de même pour le réseaux d’eau courante et d’évacuation des eaux usées.

Cette centralisation du chauffage crée une dépendance des habitants vis à vis du réseau. Le système de chauffage traditionnel au poêle est considéré aujourd’hui, et déjà à l’époque, comme trop polluant et dangereux en ville.

Aujourd’hui encore la construction de nouvelles centrales reste à l’ordre du jour pour fournir un chauffage toujours centralisé, y compris pour les immeubles les plus récents (comme en témoigne le projet de centrale à charbon construite et exploitée par Engie-2014). Cependant certains habitants réinstallent des poêles dans leur appartement pour gagner en autonomie. Poêles qu’ils utilisent également comme moyen de cuisson.

Durant la période socialiste, les logements, propriétés de l’état, sont attribués par le gouvernement. Les familles ne possèdent donc pas leur appartement. Celles travaillant directement pour le gouvernement sont logées en priorité. C’est le cas de la famille ENKHTAIVAN, que j’ai pu rencontrer grâce à Munkhjin ENKHTAIVAN (étudiant en architecture à l’université de MUST). Ses deux grands-parents vivent toujours dans l’appartement qui leur a été confié en 1964 pour « service rendu à la nation », son grand-père étant général dans l’armé mongole. Depuis les années 90 et la fin du régime socialiste, ils sont devenus officiellement propriétaires de leur appartement. Ils hébergent aujourd’hui dans leur 4 pièces d’environ 80m2 leurs petits enfants habitant hors du centre ville qui viennent étudier au centre d’Oulan-Bator. Cependant dans leur immeuble, la plupart des occupants d’origine ou leurs héritiers ont vendu leur bien, car ici les prix des logements sont parmi les plus élevés du marché.

Surnommée la « Golden Zone », l’augmentation de la valeur marchande des biens du quartier des 40-50 s’explique en partie par sa situation dans la ville mais également par la qualité des appartements. En effet la plupart sont traversants et bénéficient d’une bonne inertie thermique grâce aux larges murs de brique même si pour certains habitants, le chauffage centralisé non-réglable, a parfois tendance à être trop puissant surtout pendant les périodes de transitions.

Autel bouddhiste prĂŠsent dans la plupart des habitations

Apparitions des commerces individuels

Après la chute de l’URSS en 1990, les échanges commerciaux en vigueur depuis 1962 entre la République Populaire Mongole et l’Union Soviétique dans le cadre du Conseil d’Aide Économique Mutuel (CAEM) cessent brutalement. L’état mongol décide l’ouverture du marché. C’est alors le début d’un changement radical tant au niveau politique (nouvelle république proclamée en 1992) qu’au niveau sociétal. C’est le début de la société de consommation pour les mongols. L’état n’assumant plus l’intégralité de la production et des activités du pays, les habitants se mobilisent pour développer une nouvelle économie de manière autonome.

Chacun se voit désormais potentiellement vendeur ou prestataire de service. L’état qui a perdu son autorité laisse le peuple s’organiser.

C’est à cette période qu’apparaît un changement d’usage de la rue et des rez-de-chaussée des immeubles de l’époque socialiste. Les habitants transforment les logements donnant sur la rue en commerces. Ils aménagent dans un premier temps de petits escaliers qui rattrapent la différence de niveau entre la rue et les immeubles, et transforment les fenêtres en portes d’accès pour leur boutique. Progressivement cette appropriation des rez-de-chaussée s’accompagne d’extensions qui viennent empiéter sur la zone plantée des trottoirs en pied d’immeuble. Les rues changent de visage. Désormais chacun décore sa devanture comme il l’entend. Cela crée une hétérogénéité des façades au niveau des espaces piétons, qui tranche avec l’uniformité des façades des immeubles de l’époque socialiste conservée dans les étages supérieurs.

Ces extensions commerçantes vont également venir empiéter sur les passages dédiés aux piétons pour accéder aux courées, créant ainsi de nouvelles échelles de liaisons entre l’intérieur et l’extérieur des blocs à la manière de petites venelles.

La propriété du sol n’existant pas encore au moment de la prolifération des extensions commerçantes, les habitants acquièrent un droit d’usage du sol délivré par le Khoroo qui est l’entité représentant l’autorité publique à l’échelle du quartier.

ба

нк

ал

да

р

Ateliers et commerces

Peace avenue, ses commerces et centres commerciaux

Peace Avenue (Enkh Taïvan örgon chölöö) est la rue principale du quartier des 40-50. Elle fut tracée au moment de la construction des immeubles d’habitations en 1954 d’après le premier plan directeur de la ville et s’étend sur près de 15 kilomètres à travers Oulan-Bator . Elle traverse la totalité du quartier des 40-50 créant le lien entre les 40 au nord et les 50 au sud. À l’origine uniquement voie de passage, elle est aujourd’hui la grande rue commerçante du centre d’Oulan-Bator. On y trouve de tout, des grandes enseignes aux petits revendeurs de produits locaux artisanaux. En journée les trottoirs de cette avenue sont remplis et il n’est pas rare d’entendre de la musique sortir de certaines boutiques. On y trouve également de nombreux restaurants qui prolongent la vie nocturne de cette rue, ainsi que quelques bars.

Elle compte aujourd’hui cinq centres commerciaux sur le kilomètre sur lequel s’étend le quartier des 40-50 Myangat. C’est parmi ces centres commerciaux, environ au centre du quartier des 40-50 que se trouve le grand magasin national d’état.

Achevé en 1961, ce magasin est la vitrine de l’état socialiste. Érigé comme un monument, s’élevant sur presque quarante mètres, il se situe dans l’alignement de Fountain Street et fait face au grand cirque nationale d’Oulan-Bator construit en 1965. L’envers du bâtiment orienté au nord, plus austère, donne sur une courée. Cet envers est utilisé pour la livraison des marchandises du supermarché en rez-de-chaussée. Quant à la courée au nord, c’est l’une des seules où les extensions commerçantes en rez-dechaussée ont colonisé les deux côtés de l’immeuble.

Vue du grand magasin national d’Êtat depuis Fountain Street

Des ateliers dans les caves des immeubles

Pendant ma visite sur le terrain j’ai pu visiter les sous-sols des bâtiments de l’époque socialiste de différentes courées. À l’origine prévus probablement comme des caves pour les habitants de l’immeuble, on y trouve aujourd’hui diverses activités. J’ai notamment pu tomber sur une salle de sport, les bureaux du syndicat des copropriétaires des logements de la courée ou encore une boutique de quincaillerie. Mais dans la grande majorité des sous-sols que j’ai pu visiter, des artisans avaient installé leurs ateliers (couture, teinture, lapidaire, dinanderie, lainerie...). Ces travailleurs des sous-sols payent un loyer aux propriétaires pour s’installer dans ces espaces. Presque entièrement enterrés, seule une petite fenêtre permet d’aérer les espaces de travail. En contrepartie, cette position leur permet d’être isolés des aléas du climat extérieur. De plus, ils profitent durant l’hiver de la chaleur qui se dégage des canalisations du réseau de chauffage qui remonte dans les appartements des niveaux supérieurs.

Urt Tsagaan un symbole historique des échanges commerciaux du quartier

Au nord des 40-50, la rue d’Urt Tsagaan marque la fin du quartier. Cette rue est l’héritière de la première rue commerçante d’Oulan-Bator datant de la fin du XVIIIème siècle, début du XIXème. À cette époque un bras de la rivière Selbe (un des deux cours d’eau majeurs de la ville) coulait à l’ouest et permettait un transport fluvial des marchandises. Aujourd’hui ce bras est à sec et a été remplacé par un canal pour évacuer le surplus des eaux pluviales du quartier de yourtes de Gandan.

Les rues adjacentes étaient remplies de marchés de nourriture, de viande, de métaux, de bois, de pierre... C’est dans cette zone que s’installèrent les artisans du travail de l’or et de l’argent. Cette effervescence marchande attira également les échanges commerçants avec les pays étrangers. C’est ici qu’on retrouvait les marchés chinois, russes et américains.

Le premier plan directeur de 1954 s’appuya sur les usages de ce secteur.

La municipalité fit construire par l’architecte B. DAMBIINYA un bâtiment regroupant ces activités. Architecte mongol reconnu, il réalisa également la bibliothèque nationale et le théâtre national d’art dramatique situés à proximité directe à l’est des 40-50.

Toujours utilisé, le bâtiment Urt Tsagaan est propriété de l’état mais est géré et entretenu par une trentaine d’entreprises privées qui louent ensuite les locaux aux commerçants et aux artisans. Cependant la diversité des acteurs chargés de l’entretien du bâtiment engendre une négligence de la part de ces derniers. Aujourd’hui, un projet de démolition de ce symbole, moteur de l’activité du quartier, est en cours. La municipalité étant en charge de ce projet évoque le manque d’espace dans les ateliers.

Un centre saturĂŠ ?

Construction de tours de logement, un pari financier sur l’immobilier

En 2003, une loi est votée au parlement mongol qui permet désormais d’acheter du terrain. Cela marque un réel changement avec le droit d’usage en vigueur auparavant. Cette loi fut présentée en partie pour permettre l’exploitation des mines dans le pays et développer l’économie nationale mais engendre également une modification du visage de la ville d’OulanBator. On voit à partir de cette date de nouvelles constructions qui viennent accompagner le boom économique que produit l’ouverture du marché concernant l’exploitation des ressources minières.

Ce boom immobilier est également lié à l’afflux massif de populations nomades vers Oulan-Bator. En effet durant trois années consécutives entre 2000 et 2002, la Mongolie est frappée par des hivers très rigoureux et neigeux qui empêchent de trouver de la nourriture pour le bétail dans les plaines mongoles. Une très grande partie des cheptels est décimée ce qui attire les populations nomades vers la ville. Mais la construction de ces tours ne profite pourtant pas à cette catégorie de population qui n’a pas les moyens de s’offrir un logement dans la « Golden Zone ».

Les promoteurs immobiliers achètent à la municipalité d’Oulan-Bator les terrains laissés libres par les différentes planifications. Ils construisent massivement, sans prendre en compte le fonctionnement de la ville et le mode de vie des habitants après la transition politique et économique des années 90. Les immeubles sont désormais construits en béton et dépassent facilement les dix étages. De plus, la tradition mongole de l’enclos autour de la yourte s’applique également dans la manière d’aménager le pied de ces tours. De nombreuses clôtures viennent alors délimiter le terrain acheté par le promoteur.

Tour de logement construite en 2009

Des passages modifiés et des espaces communs en danger

L’ajout successif des commerces en rez-de-chaussée et de leurs extensions, ainsi que des nouvelles tours de promoteurs accompagnées de leurs clôtures, transforment radicalement les tracés des passages dédiés aux piétons. L’augmentation d’une population relativement aisée avec la construction des logements dans les nouvelles tours et l’attrait économique du quartier fait également grimper le nombre de voitures dans ce secteur.

Aujourd’hui les grands blocs d’habitations, auparavant fermés à la circulation, sont devenus autant d’espaces pour garer sa voiture. À l’époque socialiste le stationnement n’était pas pris en compte, seule la circulation importait. Les habitants utilisent maintenant quotidiennement leur voiture individuelle. Le manque d’infrastructures de transports en commun et le froid hivernal empêchant l’attente d’un bus en extérieur, expliquent la relation particulière des mongols avec leur voiture. Les habitants ont également empiété sur les espaces plantés des courées afin de stationner leurs véhicules au plus près de leurs habitations. On peut trouver différentes stratégies. Certains achètent des conteneurs qu’ils disposent dans les courées, en hiver ils garent leur voiture, en été ce conteneur leur permet de stocker quelques affaires. Rarement désorganisés dans les 40-50, on tombe régulièrement sur des alignements de conteneurs bien ordonnés et parfois même sur des constructions en briques qui viennent répondre à ce besoin d’entreposer les biens de certains habitants qui ne disposent pas de parking comme dans les immeubles les plus récents.

Venelle entre deux extensions commerรงantes

Le devenir des 40-50 Myangat

Le quartier des 40-50 historiquement construit pour loger, est aujourd’hui un quartier où l’activité commerçante et artisanale est incontournable. En plein cœur de ville, la vigueur de son économie en fait un des secteurs les plus attractifs pour qui souhaite développer une activité marchande.

L’attractivité du quartier engendre cependant une densification pas toujours maîtrisée où la loi du plus puissant est souvent appliquée. La construction de tours de promoteurs et la prolifération de centres commerciaux en sont des exemples marquants. À contrario, la transformation des rez-de-chaussée et la construction d’extensions par les habitants sont venus modifier l’organisation monofonctionnelle des immeubles de l’époque socialiste. Il en est de même concernant les ateliers en sous-sols qui ajoutent une dimension de production locale.

Tous ces ajouts successifs (extensions, tours, clôtures) ont eu pour conséquence de modifier les espaces libres et les larges passages dessinés au moment des plans directeurs.

De plus l’usage toujours plus important de la voiture est venu transformer le paysage de la ville et notamment celui des courées. Autrefois largement plantées, la relation à la nature dans le centre ville se fait plus rare aujourd’hui.

J’ai souhaité inscrire ma proposition entre deux symboles du quartier des 40-50, à savoir le grand magasin national d’état et le bâtiment d’activité d’Urt Tsagaan.

Ma démarche s’appuie sur des projets en cours, proposés par la municipalité d’Oulan-Bator.

Pendant ma visite sur le terrain, Fountain Street, qui est la rue face au grand magasin d’état était en cours de rénovation. Aujourd’hui très minéral, des aménagements paysagers sont prévus sur le terre-plein central de 30 mètres de large.

La question du développement du réseau de transports en commun au niveau de cette place est également un projet orchestré par la municipalité.

L’hypothèse d’un métro souterrain est en effet envisagé depuis quelques années.

Enfin le bâtiment d’activités d’Urt Tsagaan est soumis à la pression immobilière et est menacé de démolition par la municipalité. Il est pourtant très important dans la vie du quartier et de ses habitants.

Je propose ainsi de poursuivre l’aménagement paysager de Fountain Street dans la courée au nord du magasin d’état et de venir créer de nouveaux passages qui guideront les piétons jusqu’à la rue Urt Tsagaan. De plus l’importance du bâtiment d’activités d’Urt Tsagaan pour la vie du quartier et de ses habitants semble rendre évidente la conservation de ce bâtiment aux nombreuses qualités architecturales. C’est pourquoi je souhaite rénover ce bâtiment en minimisant l’impact sur son architecture originale tout en augmentant sa surface d’activité pour asseoir et favoriser le développement des services et des productions artisanales du quartier.

L’aménagement des courées permet de redonner l’usage de ces espaces aux habitants. Cette intervention constitue l’échelle intermédiaire entre les extensions réalisées par les habitants et les projets de promoteurs. En venant de nouveaux réserver aux piétons l’accès aux courées, le square existant de la première partie de courée pourra s’étendre sur une plus grande surface. Je viens ensuite prolonger ce square dans la seconde partie de courée avec un nouveau jardin à hauteur des logements.

Cet aménagement paysager s’accompagne d’un travail du sol. Sous ce nouveau jardin en hauteur, un équipement à l’échelle du quartier permettra de répondre aux usages des habitants. La méthode de construction en briques de terre compressée s’appuie sur les qualités du sol mongol principalement argileux et permet également de réguler la température intérieure de ce nouvel espace. Cet équipement est amené à connaître différentes fonctions. Dans un premier temps, il vient poursuivre l’usage existant de cet espace utilisé pour le stationnement des voitures des habitants et des travailleurs du quartier. Mais il est également question de construire un bâtiment qui puisse accueillir des étals pour un marché occasionnel ou régulier de biens manufacturés par les artisans dont les ateliers se trouvent dans Urt Tsagaan et dans les sous-sols des immeubles de logement. À terme, lorsque la question de la voiture individuelle sera moins cruciale, des boutiques fermées pourront être construites par les habitants à la manière des transformations observées dans les rez-dechaussée des immeubles de l’époque socialiste.

Dans la troisième partie de la courée un équipement vient préserver l’animation pour les enfants du quartier durant la période froide. Une halle avec un système de mur trombe au sud et de double paroi sur les côtés exposés est et ouest accueillera des espaces de jeux. L’ensemble sera fermé au nord par une bibliothèque également dédiée aux enfants. Construit en ossature bois cet équipement permettra de conserver des lieux de vie communs en hiver. Cet abri est complété par un traitement de l’espace urbain au pied d’une nouvelle tour de logement qui vient en bout de courée. Ici pas de clôture, le piéton chemine autour de la tour et arrive sur la rue d’Urt Tsagaan. Cette rue pavée est un espace où piétons et voitures seront amenés à partager l’espace de circulation.

Enfin je poursuis le projet du premier plan directeur de développer un bâtiment qui répond aux besoins des commerçants et des artisans du quartier d’Urt Tsagaan. Pour ça je conserve le bâtiment existant en venant le protéger en l’isolant en terre-allégée à la manière évoquée plus haut pour les logements. De nouveaux espaces d’ateliers, construits en ossature bois et isolés en terre-allégée, viennent agrandir la surface d’usage d’Urt Tsagaan. Cette extension au nord en relation avec l’existant, s’articule par la construction d’une rue intérieure couverte à la manière des passages couverts parisiens.

40-50 Myangat - Un coeur de ville

Lexique

Planification : Projet de grande envergure d’aménagement de la ville d’Oulan-Bator orchestré par la municipalité et l’état dans le but de loger le peuple.

Kvartal : Terme russe renvoyant à une unité de base de la planification. En l’absence de parcellaire, le sol n’étant pas soumis à la notion de propriété, ce système se rapproche de celui d’un ilôt de grande dimension Courée : Espace entre les immeubles de logements, généralement planté, pensé comme lieu de vie collectif pour les habitants d’un ensemble bâti.

Golden zone : Surnom employé par les habitants pour parler du secteur des 40-50 Myangat.

Passage : Espace entre deux immeubles d’un kvartal permettant uniquement aux piétons l’accès aux courées.

Venelle : Petite ruelle résultant des nouvelles constructions ajoutées dans les passages d’origines.

Brique de Terre Compréssée (BTC) : Technique moderne d’utilisation de la terre crue. Le mélange argile/eau est comprimé dans des presses manuelles ou mécanisées facilement instalable sur chantier. Ce mélange est souvent additionné de ciment ou de chaux, jusqu’à 10%, afin d’augmenter la résistance au gel et à la compression de la brique. résistance à la compression 1 à 4 MPa. (sources CRATerre-EAG) Terre-allégée : Mélange de terre et de fibre utilisable sous différentes formes (torhi, bloc, pisé...). Proche de la technique de construction de la terre-paille, on parle de terre-allégée lorsque sa une masse volumique est inférieur à 600kg/m3.

ENSAPLV - 2018 Florian Bourlet

ENSAPLV - 2018 Florian Bourlet