Mémoire de fin d'étude : Faire la ville autrement

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FA I R E L A V I L L E A U T R E M E N T Etat des lieux des nouvelles pratiques urbaines: les collectifs d’architectes

Flore Godlewski


DEMARCHE PERSONNELLE Quand, lors de ma recherche de sujet de mémoire je me suis demandé ce que, a priori, j’avais le plus envie d’approfondir, c’est l’espace public qui m’est apparu. D’abord sensible aux questions soulevées par les pratiques artistiques dans l’espace urbain, je suis partie à la recherche de différentes interventions réalisées dans la ville. Je suis alors allée à la rencontre de différents artistes comme Etienne Boulanger, Ernest Pignon Ernest et Banksy, qui se servent de la ville comme d’un support pour exprimer une réflexion ou une opposition sur l’espace urbain. Au cours de mes recherches, je me suis souvenue d’un lieu que j’avais visité lors de mon Erasmus à Madrid conçu par un collectif d’architectes nommé basurama asociaciòn. Ce collectif a investi un espace en friche dans le but d’y créer une vie de quartier alternative. Donnant ainsi naissance à un espace auquel non seulement quiconque peut accéder mais également s’approprier comme bon lui semble. Lors de mes nombreuses visites, j’ai pu y voir différents types d’interventions : des débats publics, des concerts, la création de potagers, des installations faites par différents artistes, des marchés éphémères, des graffitis... Ce lieu se développe à partir du principe simple qui consiste à donner la possibilité aux habitants d’un quartier de s’exprimer librement. Cela m’a permis de voir l’énergie et le besoin d’expression des habitants d’un quartier. Mon questionnement a alors évolué et s’est porté sur ces nouvelles pratiques urbaines portées par les collectifs d’architectes. Je suis donc partie à la recherche de ces architectes qui proposent des méthodes alternatives à l’architecture classique. J’ai alors fait la découverte du collectif Yes we camp au sein duquel j’ai eu la chance de pouvoir faire un stage. Pendant plus de quatre mois, j’ai pu observer et comprendre comment le collectif fonctionnait et quels étaient ses modes opératoires. C’est aussi par la rencontre du projet des Grands Voisins que j’ai pu approfondir mon questionnement concernant les conceptions alternatives de la ville et de l’espace urbain. Cet ancien hôpital reconverti en lieu temporaire expérimente de nouvelles pratiques urbaines

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mais aussi innove dans des modèles économiques, culturels, sociaux et solidaires. Au sein du site, j’ai ainsi pu apprendre, analyser et rencontrer de nombreux acteurs qui font vivre le projet des Grands Voisins. Enfin j’ai aussi rencontré d’autre collectifs d’architectes comme Bellastock ou le collectif Etc. Ainsi j’ai pu comprendre les différentes démarches de ces jeunes architectes, leurs enjeux, leurs fonctionnements mais aussi leurs modes d’actions que nous allons étudier. J’ai aussi réalisé un entretien avec Loic Julienne, associé de Patrick Bouchain. Ces architectes proposent des démarches alternatives au processus d’élaboration du projet architecturale, semblables à celles des collectifs d’architectes cités précédemment. A travers la rédaction de ce mémoire, j’ai découvert une nouvelle approche de l’architecture qui m’a touchée. J’ai pu enrichir mes réflexions sur mon approche de l’architecture et de l’urbanisme. En travaillant au sein du collectif Yes we camp, j’ai découvert un nouveau monde qui m’apporte aujourd’hui du sens au terme de mes études. Sensible au questionnement humain que peut apporter l’architecture, je souhaite approfondir cette expérience dans le futur.

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SOMMAIRE Démarche personelle Introduction

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I ETUDES DES COLLECTIFS D’ARCHITECTES 1. Présentation et enjeux des collectifs 1.1 Les nouveaux architectes de la proximité 1.2 Réveler l’espace sensible de l’espace public 1.3 Revendiquer l’espace comme espace social 2. Intervenir dans les espaces délaissés de la ville 2.1 Les modes opératoires des collectifs d’architectes 2.2 Les nouveaux lieux: les espaces interstitels 3. Immersion dans le collectif Yes We Camp 3.1 Présentation et enjeux du collectif 3.2 Fonctionnement de l’association 3.3 Quel modèle économique?

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II LES GRANDS VOISINS : FABRIQUE DE BIENS COMMUNS 1. Présentation et transformation des Grands voisins 1.1 Présentation et évolution du site 1.2 Transformation et évolution du site 1.3 Transformation du site par Yes we camp 2. Un nouveau modèle: fabriquer des biens communs 2.1 Définition des biens communs 2.2 « Faire et vivre ensemble » 2.3 Programmer par l’expérimentation 3. L’urbanisme temporaire 3.1 Les expérimentations temporaires de Yes we camp 3.2 Occuper le temporaire

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Conclusion Annexe Remerciements

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INTRODUCTION Apparus en France dans les années 90, les collectifs d’architectes revendiquent de nouvelles méthodes et de nouveaux discours dans la fabrique de la ville. Par leurs démarches alternatives, ils revendiquent une rupture avec le processus traditionnel d’élaboration du projet architectural et urbain. Ils proposent alors d’initier de nouvelles méthodes d’actions pour apporter de nouvelles réflexions, notamment concernant l’espace public et la question de « l’habiter ». En privilégiant la petite échelle, les collectifs cherchent à expérimenter de nouvelles productions de la ville avec les habitants. Cherchant ainsi à redéfinir les notions liées au « vivre ensemble ». Portés par des valeurs militantes, ils proposent à travers leurs pratiques de nouvelles méthodes pédagogiques et participatives. Encore considérés en « marge » de la profession d’architecture classique, les collectifs d’architectes sont pour la plupart composés de jeunes architectes diplômés. Ils s’unissent avec d’autres professions comme des graphistes, menuisiers ou encore cuisiniers pour créer leurs collectifs. Sous forme d’associations ou de coopératives, ces collectifs cherchent à faire la ville autrement. L’origine des revendications portées par les collectifs d’architectes n’est pas récente. Les réflexions liées au « vivre-ensemble » ont déjà été abordées par le passé. Pour comprendre ces revendications, on peut prendre l’exemple du mouvement des Castors. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, s’organise ce mouvement face à la crise de l’époque et les problèmes majeurs liés aux logements. Plusieurs groupes ont alors pris la décision de s’organiser pour acheter des terrains, concevoir et construire des habitations par eux-même, principalement des lotissements de maisons individuelles. Chaque individu du collectif a participé à l’ensemble des constructions des habitations, permettant ainsi de diminuer considérablement le montant de l’investissement. L’ensemble des règles, pour le chantier mais aussi pour la gestion des lieux, ont alors été décidées collectivement. Expérimentant de nouvelles pratiques liées à l’auto-construction collective et aux notions de communautés, le mouvement des Castors, comme les collectifs d’architectes, mettent en place des organisations

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sociales collectives du développement urbain. Les collectifs d’architectes défendent aussi des revendications portant sur l’occupation de l’espace public. Ils considèrent l’espace public comme un bien commun qu’il faut revaloriser. On peut alors évoquer les mouvements de contestations sociales qui produisent des villes éphémères lors des occupations de l’espace public. Le mouvement des Indignés à Madrid ou plus récemment le mouvement Nuit debout en France, montrent de nouvelles manières de voir l’organisation sociale et spatiale dans l’espace public. Par l’occupation, ces mouvements ont généré des villes temporaires dans des espaces publics. Ces formes d’occupation de l’espace, ainsi que les liens sociaux qui s’y créent, portent de nouvelles réflexions sur le pouvoir politique de l’architecture. Le rôle de l’espace public et les interactions qui peuvent s’y créer ouvrent, pour les nouveaux collectifs d’architectes, des questionnements liés aux nombreuses possibilités de fabrication d’espaces sociales. Enfin on peut voir que de nombreux architectes se sont questionnés, et continuent de le faire, à propos des différentes manières de produire de l’espace commun collectivement. Patrick Bouchain est un des acteurs principaux de ce courant de pensée. Cet architecte est connu depuis une vingtaine d’années, principalement pour ses nombreuses réhabilitations de friches industrielles. Engagé politiquement jusqu’a être conseiller de Jacques Lang, alors ministre de la culture dans les années 80, il revendique la démocratisation de l’architecture. Il utilise des méthodes qui diffèrent de celles utilisées habituellement par les architectes. Il propose ainsi d’imaginer de nouveaux liens entre les maitres d’ouvrages, les habitants et les usagers d’un futur projet. Il invente de nouveaux dispositifs autour notamment des chantiers, qu’il souhaite ouverts et participatifs pour connaitre et faire participer les nouveaux habitants et usagers d’un lieu. En se consacrant à la question large de « l’habiter », Patrick Bouchain tente de donner de la valeur à l’acte de construire. Ce qui implique des valeurs sociales et des méthodes éducatives. Cet architecte est une des figures majeures pour les collectifs d’architectes. A travers ses nombreux ouvrages, il a théorisé ses méthodes alternatives permettant aux jeunes architectes de

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s’en inspirer dans leur pratique. Il a aussi collaboré avec des collectifs, notamment EXYST, lors de la biennale de Venise en 2006. Ensemble ils ont conçu un pavillon « habité », invitants les visiteurs à vivre dans le pavillon. A travers ces quelques exemples, nous pouvons dire que les collectifs d’architecture soulèvent des questionnements qui ne sont pas neuves. Mais nous allons découvrir que par leurs méthodes d’actions et leurs schémas d’organisation, ces jeunes architectes proposent de nouvelles initiatives. Pour comprendre ce mouvement naissant, nous allons étudier dans une première partie les enjeux et les processus que suivent ces collectifs d’architectes. Pour comprendre ce processus, nous allons étudier leurs revendications au sein de la ville, notamment leurs travaux réalisés dans l’espace public qu’ils revendiquent comme espace social. Nous étudierons ensuite leurs modes opératoires. Les collectifs réalisent à travers la petite échelle des interventions dans l’espace urbain, en s’intéressant aux espaces délaissés de la ville. Nous pourrons voir aussi que d’autres pratiques, principalement artistiques, interviennent dans la ville pour soulever des questionnements. Enfin nous nous intéresserons à l’étude du collectif Yes we camp, pour comprendre comment cette association innove dans son fonctionnement, son organisation interne et son schéma économique. Dans une deuxième partie, nous irons à la découverte du Projet des Grands Voisins. Cet ancien hôpital Saint Vincent Paul a été investi pour une occupation temporaire par trois associations, Aurore, Yes We Camp et Plateau Urbain. Nous étudierons alors en quoi ce projet caractérise les nouvelles pratiques et innovations portées par les collectifs d’architectes. Nous étudierons alors les transformations historiques de l’hôpital puis celle réalisées par le collectif Yes We Camp. Ensuite nous nous intéressons à ce que représente le projet des Grands Voisins en terme d’innovations dans la fabrique des biens communs. Le

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terme de « bien commun » est né de la volonté de créer des organisations pour vivre et faire ensemble au sein d’un groupe d’individus. Nous pourrons alors voir comment s’organisent dans cette logique le site et sa programmation évolutive. Enfin nous étudierons l’urbanisme temporaire, initié récemment par des collectifs. Nous pourrons voir que l’urbanisme temporaire propose de nouvelles formes d’occupations au sein de la ville travaillant sur la notion de l’éphémère. Les moyens mis en oeuvre par les collectifs d’architectes pour faire la ville autrement se retrouvent ainsi au centre de mon questionnement. Quels enjeux soulèvent ces nouvelles pratiques urbaines dans la fabrique de la ville? Quelles sont les spécificités de ces jeunes architectes et leurs modes opératoires ? Enfin, en quoi le projet des Grands Voisins innove-t-il dans le processus du projet architectural et urbain?

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PARTIE I ETUDE DES COLLECTIFS D’ARCHITECTES

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YES WE CAMP

Lieux d’attache : Marseille, Paris statut : association Année de création: 2012 Nombre de membres: quinze fondateurs Champs disciplinaires: architecture, Urbanisme, graphime, cuisine, paysagisme, menuisier,... Camping de Marseille, 2013

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Les Grands Voisins, Paris, en cours de réalisation

Camping de Marseille, 2013 source photos: https://yeswecamp.org Schéma. HANNOUN Vincent. Rapport de fin d’études, https://issuu.com/camping2013/docs/pfe_ywc_vincent_hannounweb

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COLLECTIF ETC

Lieux d’attache : Strasbourg, Marseille Saint-Etienne statut : association Année de création: 20012 Nombre de membres: 29 salariés Champs disciplinaires: architecture, urbanisme, graphime

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AutoBarrios SanCris, Madrid, 2013

BIGRE ! La maison des chantiers, Biganos, 2015 source photo: http://www.collectifetc.com

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BELLASTOCK

Lieux d’attache : Paris, Ile-Saint-Denis, Ile-de-France, Monde statut : association Année de création: 2006 Nombre de membres: huit salariés, 40 membres actifs Champs disciplinaires: architecture, Urbanisme, graphime Paysage, design,... 16

Festival play mobile, Bobiny, 2013


Festival waterworld, Achère, 2014

Festival play mobile, Bobiny, 2013 source photo: http://www.bellastock.com

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1. PRESENTATION ET ENJEUX DES COLLECTIFS D’ARCHITECTES 1.1 Les nouveaux architectes de la proximité Les collectifs d’architecture cherchent à créer de nouvelles manières de pratiquer l’architecture. Ce sont principalement de jeunes architectes qui ont fait de la pratique collective du projet d’architecture et urbain leur principale activité. Le nom de « collectif » n’est pas un hasard, il ne renvoie pas seulement à la forme du groupe mais aussi à la philosophie d’action. «On s’est rendu compte qu’en agence, le temps serait long avant de pouvoir se frotter au réel »1 Militant pour une autre approche de l’architecture et en quête de liberté, ils se sentent en rupture avec la profession. Ils revendiquent le besoin de l’action pour faire de l’architecture. Ils agissent la plupart du temps dans l’espace public et ont des enjeux de revalorisation sociale. En pratiquant ce qu’ils appellent des « micros-architecture », ils tentent d’interroger de nouvelles manières de faire. Comme par exemple en expérimentant le processus de concertation des populations d’un site dans l’élaboration d’un projet. Ainsi ils interrogent les outils employés par la pratique de l’architecture classique. C’est ainsi que Bruit du Frigo, collectif bordelais, a mis en place de nouveaux outils de concertation avec les habitants de quartiers défavorisés afin qu’ils se ré-approprient leurs espaces publics. « Puisque le contexte de la pratique de l’architecture évolue, il faut requestionner les outils de l’architecte, et pourquoi pas développer ses compétences d’accompagnement du processus participatif »1 Sous forme d’actions spontanées, ces collectifs travaillent aussi à partir de commandes publiques passées par certaines villes. Leur mot d’ordre étant l’expérimentation à chacune de leurs interventions. Ils participent eux mêmes à leurs chantiers, permettant ainsi un rapport plus direct entre les acteurs de la ville et le collectif. Souvent, leurs projets sont initiés par un évènement ludique qui permet d’interpeller les habitants. Il peut s’agir alors d’ un atelier de rue, d’une réunion publique, d’une fête de la soupe ou encore d’un chantier ouvert. Mais ils ont 1. DARRIEUS Margaux. les collectifs d’architectes. http://collectifetc.com/wp-content/uploads/Presse/Collectif_Etc_2014-04_AMC.pdf

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besoin d’un temps long pour mettre en place leur projet qui comprend de nombreuses étapes de concertations avec les habitants et des expérimentations. Ils travaillent aussi en associant plusieurs domaines connexes de l’architecture comme les arts, le design, le graphisme, la scénographie, le paysage ou encore la sociologie. Ainsi l’architecte dans le collectif devient multi tâches et s’ouvre à d’autres manières de concevoir le projet. Enfin, on peut relever qu’une des motivations premières des collectifs est l’envie de « faire ». Ils ont ainsi la possibilité de concevoir, de programmer et de construire leurs projets eux mêmes. On peut dès lors se poser la question de ce qu’ils cherchent à soulever comme réflexion sur l’espace publique et quels sont leurs modes d’actions.

1. 2 Révéler le caractère sensible de l’espace public « Espace public (n.m) 1.Ensemble des espaces ouverts à la pratique sociale des individus. 2.Se rattache à l’idée de démocratie et de débat politique, comme garantie et lieu d’expression de nos libertés. »2 Les nouvelles pratiques urbaines portées par les collectifs d’architectes cherchent avant tout à porter un nouveau regard sur la ville et l’espace public. Comme il est rappelé dans sa définition, l’espace public est le lieu des pratiques sociales. Mais que représente-t- il réellement? Cet espace est difficile à définir et à délimiter tant il pose la question du droit à la ville et de sa délimitation avec l’espace privé. Pourtant il représente avant tout un espace que l’on vit, représentant l’ensemble des citoyens et donc l’idée du commun. Il est cependant bien plus complexe que le partage d’un espace. Il se définit alors dans sa réalité sensible, sa singularité tient dans son histoire, ses rencontres, les évolutions sociales et les actes politiques. L’espace public est comme un organe vivant

2. GRESSER Marine. Espace public, espace polique. Bordeaux: Baobab dealer d’espace, 2015

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qui évolue et se renouvelle sans cesse. C’est dans sa poésie invisible qu’il se définit. C’est ce que cherche notamment à montrer les collectifs au sein de la ville, en intervenant par des actions, militant pour révéler l’espace public comme espace sensible. Prenons l’exemple du collectif Encore Heureux et intéressonsnous à l’installation « herbes folles ». Le collectif propose une relecture de la ville en intervenant sur les espaces délaissés de l’espace public, plus particulièrement dans ce cas, aux bouches d’aérations. L’installation reconstitue un effet naturel dans l’espace artificiel qu’est la ville. Pour cela, elle profite d’un phénomène existant propre à l’espace urbain : le souffle produit à travers les grilles d’aération du métro. Le collectif utilise ce système de soufflerie comme moteur de son intervention, la grille métallique servant de support à des bandelettes de papier qui prennent vie lors du passage du métro. Pour fonctionner, l’installation se sert de cette machinerie urbaine comme structure technique permettant ainsi la réalisation d’un univers fictif. L’espace urbain est alors exploité comme machinerie et rejoint l’idée d’un plateau technique au théâtre. Partant du constat que la ville ne peut pas rendre visible tout ce qui la constitue au quotidien. Par leur caractère extraordinaire et éphémère cette installation révèle autrement la ville. « Révéler » signifie porter en surface une couche invisible, quelque chose qui se tient là mais qu’on ne voit pas. Cette installation temporaire et artistique propose alors un renouvellement de la ville non seulement en terme d’aménagement mais aussi en faisant apparaître un univers sous-jacent. Il s’agit plus précisément d’une relecture de la ville passant par la «théâtralisation » de l’espace urbain. « parfois le sentiment que tout est déterminé, dessiné, que nous manquons un peu d’inconnu surgit, dans cet espace urbain policé. Nous avons perdu le sens de l’inutile, de l’informel, de l’indéfini(…) L’espace serait il devenu espace à public ? »3

3. MILLA Vincent. La rue nous appartient. http://baobab-be.blogspot.fr/2011_11_01_archive.html

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Installation ÂŤ Herbes folles Âť, Encore Heureux

Source photo : http://encoreheureux.org/projets/herbes-folles/

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Dans cet article, Vincent Milla membre du collectif baobab revendique l’espace public comme un espace trop lisse et fonctionnel. Où l’aménagement urbain ne provoque plus la rencontre et l’imprévu des choses du quotidien. Devenu un espace fonctionnel où l’appropriation n’ a plus sa place. Le mot d’ordre étant que l’espace public appartenant à tout le monde il n’appartient à personne. Pourtant comme on vient de le voir, ce qui définit l’espace public c’est notamment les interactions sociales et les petites choses invisibles qui les provoquent. En l’aseptisant, on réduit la fonction de l’espace public à la seule fonction de passage. Lorsque Encore Heureux intervient dans la ville, le collectif pousse le passant à marquer un arrêt, provoque un imprévu sur son trajet, allant jusqu’à permettre de lire différemment l’espace public. Agir dans la ville et dans l’espace public tient alors d’un acte militant qui revendique une autre manière de faire, en posant la question du commun. Mais qu’en est -il vraiment? Qu’elles revendications portent ces collectifs et associations?

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1.3 Revendiquer l’espace public comme espace social Par leur façon d’agir autrement, les collectifs revendiquent de nouveaux espaces solidaires. Dans un contexte de crise économique et de critique d’un système porté vers l’individualisme, ces nouveaux collectifs revendiquent plus de lien social. Ils cherchent dans leurs actions à re-mobiliser les habitants en inversant les spirales de l’isolement et du repli sur soi. La plupart des collectifs tentent alors de démocratiser la pratique de l’architecture pour créer et définir de nouveaux espaces de biens communs. Pratiquer autrement c’est pratiquer avec et pour la population. Pour ainsi être au plus près des attentes et besoins des habitants. Les collectifs contestent l’ancien discours des architectes, affirmant « une difficile rencontre de la culture savante de l’architecture avec celle populaire de ceux qui l’utiliseront ».4 Les collectifs vont alors tenter de créer des articulations autour de l’usage. Pour cela, ils tentent d’utiliser le projet d’architecture comme lieu de rencontre entre les différents corps de métiers de l’architecture et les savoir-faire des habitants. « cette manière d’agir permet de renverser la situation afin que le projet ne soit pas le désir seul de l’architecte mais les envies et les besoins des acteurs conseillés, orientés par l’architecte »5 Ainsi l’architecte, membre du collectif, se positionne comme « médiateur » du projet, cherchant d’avantage à valoriser les savoir-faire de chacun et revendiquant une vision altruiste de l’architecte. Il est alors un des maillons d’un grand collectif et n’en est plus le chef d’orchestre. Être sur le terrain est donc la clé pour se tenir au plus près de ceux qui vont faire vivre le projet : les habitants. Les collectifs considèrent la pratique de l’architecture en agence comme coupée de la vie des acteurs. Alors que le temps passé en agence pour la conception du projet ne représenterait que 10% du temps des architectes, les collectifs renversent ce rapport par l’action, notamment par davantage de participation au chantier. Ils ne souhaitent plus rester en vase clos entre architectes et promoteurs, mais 4. MACAIRE Elise.Expérimenter la coproduction de l’architecture. Nantes : n° 17, lieux communs- Cahiers du LAUA, janvier 2015 5. BOUCHAIN Patrick. Construire autrement. Paris: Actes sud, 2006, 192p

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souhaitent collaborer avec le public. L’objectif premier est donc la démocratisation de l’architecture avec le principe du « faire -ensemble ». La forme de participation citoyenne prend alors toute son importance. On voit ainsi apparaître lors de leurs projets, la plupart du temps éphémères, et fabriqués en auto-construction, des formes de micros architectures ou d’aménagements de l’espace public. Cela prend la forme de potagers urbains ou de cuisines pour tous, dédiés à un quartier ou visant le réaménagement d’un espace public. Certains projets répondent aussi à des problèmes liés à l’actualité, comme la construction d’une cantine pour les réfugiés de Calais ou encore le repérage avec la population de logements vides.

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2. INTERVENIR DANS LES ESPACES DELAISSÉS DE LA VILLE 2.1.Les mode opératoires des collectifs Nous allons maintenant nous intéresser aux méthodes pratiquées par ces collectifs d’architectes. Nous venons de voir que la plupart de ces architectes alternatifs travaillent sous la forme de l’intervention. Nous pouvons dès lors différencier deux enjeux que portent ces collectifs. Le premier type de collectif que l’on va étudier défend un discours politique. Il va intervenir sur le territoire pour revendiquer un discours militant lié à la ville. Par ses interventions, le collectif propose alors de nouvelles manières de voir la ville. Leurs modes opératoires seront liés la plupart du temps au domaine culturel, sous la forme d’exposition, de publications ou encore d’ordre événementiel. La seconde catégorie de collectif défend un discours dit « pédagogique ». Ils vont tenter d’élaborer le principe du « faire ensemble » avec différents acteurs. En outillant par exemple les habitants d’un quartier, il vont donner des ouvertures possibles pour l’appropriation d’un lieu. La notion de participatif prend donc toute son importance. Les modes opératoires proposés seront alors de la micro-architecture, de l’auto- construction et de la concertation. Intervention « militante » Nous nous intéresserons dans un premier temps au collectif guérilla gardening , qui cherche à revaloriser le végétal dans la ville. Initié en 1973 par Liz Chisty à New York, l’objectif avait été de convertir un lotissement abandonné de Manhattan en jardin collectif. Avec une méthode qui tient de l’informel, le collectif s’est développé à travers les Etats-Unis puis en Europe. En France, l’association et collectif Renne jardin en a pris les commandes. Leur première intervention a été de planter plus de 200m2 d’arbres rue de l’Alma à Rennes, à l’emplacement d’une maisonnette détruite par des travaux de restructurations de circulation. Grâce aux nombreuses actions de l’association, une convention a été signée avec la ville permettant aux habitants de végétaliser leur quartier. Une des interventions les plus connues portée par l’association

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est le « parking day ». Lors d’une journée dans plusieurs capitales d’Europe et Américaine , de nombreuses places de voiture sont investies par l’association. Sous la forme d’installations ludiques, les places de parkings se voient être remplacées par de petits potagers, des espaces végétalisés mais aussi des installations artistiques , des espaces de rencontre et de repos. Ainsi l’association cherche avant tout à offrir aux habitants différentes manières de voir l’espace public et conteste la très grande place qu’occupe la voiture dans l’espace urbain. «Cette journée d’action internationale permet à chacun de s’approprier l’espace public et plus spécifiquement les places de parking. C’est une occasion pour nous d’imaginer ce que pourrait être une ville avec moins de parking, un espace public davantage partagé et vivant, et pour nous une ville avec plus de jardins. » 6 Défendant le droit à la terre par tous, ils utilisent le jardinage comme moyen d’action. L’association cherche à montrer que planter un arbre dans la ville, milite contre la ville « figée » par le manque de diversités des végétaux dans l’espace urbain. Mouvement donc engagé, ils ont d’abord manifesté de manière illégale, intervenant sans autorisations. Passer à l’acte devenant alors une forme de désobéissance et de poésie. La désobéissance permet par elle-même un échange entre les personnes actives et passives qui s’aperçoivent de l’intervention. Plus récemment les actions de l’association sont de plus en plus commandités par les villes lors d’événements publics, rendant leurs actions plus formelles. Interventions « pedagogiques » Nous pouvons à présent, nous intéresser aux modes opératoires du collectif Bruit du frigo. Le collectif tente d’imaginer de nouveaux cadres de vie pour les habitants. Pour ce faire l’association imagine différents types d’interventions dans l’espace public en impliquant différents acteurs. Ils cherchent alors à ouvrir de nouveaux regards sur la ville, et tentent de pousser les habitants à réfléchir à la façon dont ils peuvent agir à leur échelle dans 6.ANTONIOLI Manola. Machines de guerre urbaines. Dijon: Edition loco, 2015, 303p

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leurs quartiers de résidence. « Bruit du frigo est un hybride entre bureau d’étude urbain, collectif de création et structure d’éducation populaire, qui se consacre à l’étude et l’action sur la ville et le territoire habité, à travers des démarches participatives, artistiques et culturelles. »7 Comme d’autres collectifs d’architecture, Bruit du frigo travaille avec différents acteurs pour mener à bien leurs projets. Lors d’un projet, ils vont créer des liens avec des élus, des acteurs locaux, des associations mais aussi collaborer avec des artistes et architectes, afin de définir un premier champ d’action. Dans un deuxième temps, le collectif va chercher à faire intervenir les habitants. On peut alors distinguer deux types de projets dans le travail du collectif : les projets événementiels et les ateliers d’urbanisme. Dans les projets événementiels, l’objectif est d’amener les habitants à se ré-approprier leurs quartiers en les invitant à vivre des situations urbaines insolites, décalées et ludiques. Ces projets sont marqués par le caractère éphémère. L’espace public est dès lors transformé en scène artistique culturelle et citoyenne, afin que les habitants deviennent les explorateurs de leur propre quotidien. « on retiens de situations urbaines dans une ville et on construit des situations temporaires à partir d’idées d’usages qu’on trouverait intéressant d’introduire dans ces lieux là. Ça peut être un contenu artistique mais aussi des désirs comme par exemple vouloir prendre un bain en face de la Garonne, se faire coiffer/ raser/ masser à cet endroit là, des valeurs d’usages de ce types là. »8 Dans les ateliers d’urbanisme, le projet se conçoit après consultation des habitants. Les projets tendent en effet avant tout à favoriser l’échange et la rencontre, pour permettre de faire émerger des espaces. Ainsi le collectif collecte dans un premier temps des points de vues singuliers sur la ville et peut construire au fur et à mesure plusieurs projets possibles et sensibles sur 7.Bruit du frigo. Le projet. http://www.bruitdufrigo.com/index.php?id=59 8.GRESSER Marine. Espace public, espace polique. Bordeaux: Baobab dealer d’espace, 2015

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un lieu. Dans cette démarche, l’objectif n’est plus seulement de modifier le regard sur un lieu mais de faire participer les habitants à lélaboration d’un projet. Pour ce faire, une méthodologie est adoptée par le collectif, comprenant quatre temps: ⁃Le premier temps est une phase de repérage et de rencontre avec les acteurs du territoire. Ainsi le collectif tente de déceler les potentialités poétiques et humaines d’un quartier. Il va alors recueillir différents points de vues, désirs et usages des habitants. ⁃le second temps représente des actions de mobilisation. C’est une phase de débats et de rencontre pour initier des premières thématiques. ⁃le troisième temps va permettre une première production d’images. Pour ce faire, le collectif va proposer des temps de déambulations collectives pour permettre de concevoir les idées de projets en atelier. C’est alors qu’ils vont, à la suite d’un grand travail de recherche et de concertation, produire des photomontages sur les représentations que les habitants se font d’un lieu. Ce travail sera la base pour un projet éphémère ou durable. Ces images à caractère « utopique » doivent représenter les nombreux désirs des habitants. ⁃dans un quatrième temps, le collectif met en place une exposition dans l’espace public. Les productions visuelles réalisées lors de la précédente étape sont installées dans la ville. Ces images sont accompagnées d’un panneau contenant une carte, ainsi que les idées générales et une localisation du projet imaginé. Cette installation permet à un plus large public d’imaginer et de construire un regard sur un lieu. ⁃la cinquième et dernière phase du projet consiste en la réalisation du projet, qui se fait sous forme de chantier participatif ouvert à tous. Nous pouvons aussi nous questionner sur ces lieux investis par les collectifs d’architectes, leurs sens et ce qu’ils représentent au sein de la ville.

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Atelier d’urbanisme à Bordeaux

. Source photo: http://www.bruitdufrigo.com/index.php?id=112

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2.2 Les nouveaux lieux : Intervenir dans les espaces interstitiels «Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu».9 Au sein de leurs différentes interventions, les collectifs d’architectes questionnent les espaces délaissés de la ville. Ces espaces se définissent aujourd’hui par ce qui résistent encore dans les métropoles, résistance aux emprises réglementaires et à l’homogénéisation de la ville. Il est difficile de faire une typologie de ces espaces, tant ils sont nombreux et singuliers. Ce sont la plupart du temps des terrains vagues, ou des espaces interstitiels entre deux bâtiments. Leurs particularités étant que ce sont des espaces non définis. Ces espaces sont alors investis par de nouvelles pratiques culturelles. La notion de détournement dans ces espaces est très souvent utilisée par ces collectifs qui donnent naissance à de très nombreuses initiatives culturelles. Ces espaces donnent alors une image de la ville en décalage avec celle de la ville lisse et performante. Du fait de leurs statuts, la plupart du temps provisoires et incertains, ces espaces interstitiels laissent pourtant entrevoir de nouveaux processus dans la fabrication de la ville, plus ouverte, collaborative et transversale. Il n’est alors pas question de rendre fonctionnels ces espaces mais de les valoriser pour qu’ils soient des appels d’appropriation et d’expression pour la ville et ses habitants. Par leurs caractères indéfinis, ces espaces, qu’ils soient en attente de futurs projets ou tout simplement délaissés, peuvent alors recevoir un statut d’espace collectif provisoire flexible pour des acteurs culturels qui encouragent des interventions. On peut alors se poser la question de savoir si ces interstices ont réellement pour vocation d’être des espaces de partage et des espaces communs. Tout d’abord, on remarque que les actions réalisées lors d’interventions des collectifs d’architectes sont locales et « territorialisées ». Lorsqu’ils interviennent dans un espace, ils établissent un lien avec un environnement local et des habitants du quartier concerné. Ces interventions dynamisent alors un quartier en encourageant l’initiative des 9. AUGÉ Marc. Non lieu,Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris: Seuil, 1992, 160p

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habitants et permettent à chacun de s’exprimer. Ils deviennent ainsi des espaces publics, accessibles à tous. Etymologiquement « interstice » signifie « ce qui se trouve entre ». L’interstice, d’un point de vue urbanistique, propose donc un intervalle et une porosité dans la ville. Il constitue aussi un espace indéterminé, entre des configurations fonctionnelles et déterminées. Les collectifs d’architectes proposent ainsi de considérer l’interstice comme une composante de l’espace urbain qui peut permettre de penser différemment les modalités architecturales et paysagères dans la fabrication de la ville. Les interventions des collectifs dans ces espaces interstitiels conçus la plupart du temps pour une période de transition, donnent à leurs projets un caractère fragile et sont amenées à se transformer ou à disparaître. Mais ils représentent aussi une résistance face à un modèle de société. Les acteurs de ce processus, par leurs façons d’habiter ces « non-lieux », de créer à partir de l’existant, questionnent et expriment une autre manière de faire la ville. Ces espaces interstitiels sont alors pour les collectifs des espaces de réflexion et de création pour « penser la ville autrement ». Des chantiers ouverts aux jardins collectifs autogérés, des immeubles ré-investis aux terrains vagues, ces différentes formes d’interstices interrogent plusieurs enjeux urbains et sociaux. Notamment la place des habitants, la place de l’espace public, l’organisation collective et la démocratie participative. «Une machine de guerre urbaine qui questionne la ville, ses changements, son évolution possible afin de produire de nouveaux territoire d’émancipation sociale : l’interstice urbain pourrait contribuer à ouvrir ce nouveau champs des possibles » 11 Laurent Karst, architecte et designer, propose dans le livre machine de guerre urbaine, un programme pour l’occupation de ces interstices. Ces espaces disponibles, souvent de petites dimensions, pourraient accueillir différents types de programmes : réunion collective, atelier de fabrication, bricolage ou réparation, laverie collective, chambre d’amis commune, centre de prêt, garderie, crèche, boutique de troc, 10. ANTONIOLI Manola. Machines de guerre urbaines. Dijon: Edition loco, 2015, 303p

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cours, rencontre, débat, ou encore jardins. Si ces programmes étaient appuyés par la ville, ils pourraient être portés par une économie collective déclenchée par les habitants du quartier. Laurent Karst propose une réponse architecturale par la création de micro-architectures, qui pourraient s’insérer dans ces interstices pour répondre à un usage collectif. Ces espaces alors disponibles permettraient d’engager un dialogue avec les riverains de manière à identifier leurs besoins, de mener une réflexion collective nouvelle sur ces programmes d’appoints, à mi-chemin entre le public et le privé. Dans ce contexte, la ville devrait contribuer en allégeant considérablement la réglementation, en cédant des portions d’espaces publics pour ces types de programmes et d’initiatives. Ce processus nouveau pourrait permettre d’injecter dans le tissu urbain, trop souvent figé, de nouveaux usages, tournés vers les notion de collaboration, de partage et d’échange. C’est ce que Laurent Karst appelle l’interstice programmé. Dans une étape ultérieure il propose de mettre en place, autour de cette notion d’interstice, des espaces possibles d’appropriations, des espaces adaptables ouverts à des fonctions à venir. Ménageant des vides, des espaces disponibles, limités mais ouverts, porteurs d’un certain nombre d’appropriations possibles. L’interstice programmé pourrait alors au même titre que la place et la rue être une nouvelle composante urbaine, un entre deux où la distinction public / privé s’estomperait et se démocratiserait, un vide ouvert, non délimité. L’interstice programmé pourrait ainsi introduire dans l’espace urbain de nouvelles fonctions vitales : partager et échanger.

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2.3 Les autres pratiques artistiques dans les espaces interstitiels On peut constater que les collectifs d’architectes ne sont pas les seuls à vouloir révéler les espaces interstitiels. De nombreux artistes ont permis d’établir une nouvelle lecture de la ville à travers des installations, des performances ou encore des peintures murales. Ces actions ouvrent le champs de l’appropriation culturelle de la ville et permettent aux collectifs d’architectes d’avoir de nouvelles réflexions sur différentes pratiques élaborées dans la ville. On peut alors s’intéresser aux actions des expressions murales dans la ville. Le mur considéré comme espace d’exposition montre bien que l’art n’est plus une expression confinée à des lieux institutionnels. Les graffitis participent à des mutations urbaines. Ils sont des mis-en-scène politique, dans le sens où ils participent à la vie publique : leur première fonction est d’interpeller à leur manière les passants pour leur signifier un dysfonctionnement, un malaise ou encore une inadaptation urbaine. Le mur devient alors presque une incitation à écrire, comme une feuille blanche à recouvrir. On peut considérer qu’en signant la ville, les graffeurs « surlignent » la ville. Ils montrent ses excès, ses aberrations, ses faiblesses, tout en imposant aux habitants une expression qu’ils n’ont pas souhaitée : c’est le caractère forcé de cette expression qui crée un sentiment de malaise face à ce que l’habitant considère souvent comme une « salissure murale ». Les graffitis ont pourtant la capacité à questionner l’identité de la ville. Ils expriment à ciel ouvert un problème, un questionnement, un rapport au temps. Ernest Pignon Ernest, artiste graffeur, travaille sur cette question de l’identité de la ville, en révélant à ciel ouvert l’histoire de certains lieux. Il crée des images éphémères sur les murs des grandes villes, qui font échos aux événements qui s’y sont déroulés. Il travaille avec la mémoire des lieux en apportant son point de vue subjectif sur ce qui s’y serait passé. Ainsi il questionne la ville sur son histoire, il fait renaître des faits passés, les passants se confrontent alors à un passé souvent oublié en contraste à leurs vies modernes. Artiste engagé, il se sert de la ville pour exposer des thèmes actuels pour le plus grand nombre. Ses sérigraphies qui s’affichent sur les murs des villes du monde, sont mises en scène dans un espace public

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précis, jouent avec la perception du passant, puis disparaissent progressivement sous les effets de la pluie, du vent, du temps (affichage éphémère). « ...au début il y a un lieu, un lieu de vie sur lequel je souhaite travailler. J’essaie d’en comprendre, d’en saisir à la fois tout ce qui s’y voit : l’espace, la lumière, les couleurs... et, dans le même mouvement ce qui ne se voit pas, ne se voit plus : l’histoire, les souvenirs enfouis, la charge symbolique... Dans ce lieu réel saisi ainsi dans sa complexité, je viens inscrire un élément de fiction, une image (le plus souvent d’un corps à l’échelle 1). Cette insertion vise à la fois à faire du lieu un espace plastique et à en travailler la mémoire, en révéler, perturber, exacerber la symbolique...».11 On peut aussi s’intéresser à l’artiste Étienne boulanger qui interroge la mécanique de la ville, ses défauts et ses carences. Il élabore pour lui même une stratégie d’occupation du territoire. Dans son travail «plug in Berlin »(2001-2003), il explore des territoires dans le but de s’y « brancher », aller à la rencontre des interstices qu’offre la ville. Pendant six mois Étienne Boulanger a arpenté les rues à la recherche des micro-espaces : terrains en friche, zones oubliées de l’urbanisation, recoins isolés ou oubliés et tout lieux sans fonction ni statut clairement définis. Il en recense 965 qu’il classe selon son propre système : les espaces à la taille de son corps, où il va pouvoir se construire un abri, les espaces où il pourra s’approvisionner en matériaux nécessaires à ses constructions futures et enfin les espaces désinvestis où il pourra préparer ses interventions. Dans un second temps, l’artiste va construire des constructions éphémères adaptées aux dimensions des interstices qu’il envisage d’habiter. Les abris sont finalement assemblés sur site en pleine nuit ou tôt le matin, dans le but de ne pas alerter le voisinage. La rapidité d’action et le caractère précaire de ses interventions déterminent pleinement la forme de ses constructions. Afin de ne pas dégrader les murs d’appui, les différents éléments constructifs sont uniquement calés 11. VELTER André, Ernest Pignon Ernest, Paris: Gallimard, 2014, 360p

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et vissés entre eux. De plus, les matériaux de ces structures habitables sont si familiers dans l’environnement direct que les abris se fondent parfaitement dans le décor, au point de devenir complètement ordinaires, insignifiants et complètement indétectables pour les passants. Chaque construction est filmée pendant toute la durée de sa réalisation jusqu’au couché, et le film reste la seule trace visible de son travail. Chacune de ses constructions pose la question de la limite entre le privé et le public, entre l’utile et l’insignifiant. Alors qu’il pénètre dans les interstices de la ville pour y passer une ou quelques nuits, l’artiste disparaît du monde visible, camouflé dans ses abris. Il se retire volontairement du territoire officiel et normé de la cité. installation «Plug in Berlin», BOULANGER Etienne

Source phto: https://thefunambulist.net/arts/unwall-plug-in-berlin-by-etienne-boulanger

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« L’espace est devenu l’objet même de mes recherches, ouvrant ainsi ma réflexion sur la ville et l’urbanisation ».12 En choisissant de répertorier et d’éprouver ces espaces, Étienne Boulanger leurs donne temporairement une définition et un statut. Alors que l’espace public paraît se densifier et se rationaliser, la ville produit paradoxalement de plus en plus de non lieux et d’espaces vides. Ils sont en fait caractéristiques des transformations que connaît la ville durant les phases de reconstruction et de rénovation urbaine. Les nouveaux aménagements engendrent eux même un surplus d’espaces perdus. Ces zones en transition sont en attente, comme désinvesties ou abandonnées. On peut qualifier ces espaces d’interstices urbains. Étienne Boulanger, par sa façon de révéler ces nouveaux lieux, d’utiliser ces espaces, d’habiter ces interstices, provoque une cassure. Le projet plug in berlin peut se définir comme l’acte de se « brancher » à la ville, de l’infiltrer en exploitant ses faiblesses. Ces questionnements portés par les artistes Étienne Boulanger et Ernest Pignon Ernest, permettent et encouragent les réflexions que les collectifs d’architectes mènent sur la fabrique de la ville. La collaboration entre architectes et artistes fait partie du processus établi par les collectifs qui cherchent avant tout une nouvelle ouverture dans leurs pratiques liées à la ville.

12. VELTER André, Ernest Pignon Ernest, Paris: Gallimard, 2014, 360p

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3. IMMERSION DANS LE COLLECTIF YES WE CAMP 3.1 Présentation et enjeux de l’association Nous allons désormais nous intéresser au collectif Yes we camp pour comprendre comment fonctionne un collectif : ses enjeux, son organisation et son financement. L’association Yes we camp est une association de loi 1901 aux compétences multiples et née en 2012 à l’initiative de Nicolas Détrie. L’association propose des interventions urbaines temporaires dans des contextes multiples, pour favoriser l’échange et la revalorisation d’un territoire. «Depuis 2013, Yes We Camp explore les possibilités de construire, habiter et utiliser les espaces partagés en proposant des équipements temporaires innovants, fonctionnels et inclusifs. Pour chaque projet, l’association fait appel aux compétences ciblées de professionnels de son réseau et travaille en lien avec les acteurs locaux.»13 La première réalisation de l’association est apparue en 2013 à l’occasion de « Marseille capitale européenne de la culture ». Dans un premier temps, le projet n’avait pas été retenu, puis la ville a proposé à Yes We camp de l’ intégrer lors de la création d’un « off ». Une grande partie de la réalisation du projet serait alors financé. L’idée imaginée par Yes we camp, a été de proposer un camping alternatif et artistique pour expérimenter « le vivre ensemble » le temps d’un été. Située à l’extrême nord de Marseille, à l’Estaque, l’association a pris possession de plus de 6000 mètres-carrés d’espace à créer et à imaginer. Le chantier dura environ huit mois durant lesquels plus de 500 bénévoles ont participé à la création et à la gestion de 150 hébergements, de restaurants, de résidences d’artistes, et de spectacles quotidiens. Ce premier projet a permis à l’équipe de Yes we camp, d’élargir leurs références, leurs compétences et leurs réseaux. Pendant ces quelques mois, l’événement étant très médiatisé, l’association a reçu une réelle visibilité, et de nouvelles offres de projets leurs ont été proposées.

13. Yes we camp. Présentation. https://yeswecamp.org/

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« Un événement-lieu, ouvert à tous, conçu comme un village écologique, avec la participation des commerçants et des acteurs locaux, un lieu d’innovation et de rencontre entre voisins, visiteurs, artistes et campeurs. »14 Ce camping a ainsi permis à l’association de mettre en pratique de nouvelles façons de fabriquer la ville. L’enjeu du projet était de faire se côtoyer une grande variété de personnes, (visiteurs, promeneurs du dimanche, voyageurs, étrangers,..) pour expérimenter réellement le vivre- ensemble. Ainsi, les visiteurs devenaient les acteurs du projet. L’association cherche ainsi à re-qualifier le rôle de l’architecture, qui selon le collectif, ne se donne pas seulement à voir mais est principalement liée à l’activité humaine et aux événements qu’elle produit. L’architecture doit mettre en scène la vie et le mouvement. Ainsi ce camping a permis à l’association de fonder les premiers enjeux que le collectif cherchait à expérimenter. « Depuis 2013, yes we camp explore les possibilités de construire, habiter et utiliser les espaces partagés en proposant des équipements temporaires innovants, fonctionnels et inclusifs. »15 Par la suite, Yes we camp s’est diversifié dans ses multiples interventions à travers toute la France et dernièrement à l’étranger. Travaillant dans l’espace public à Marseille pour la création de mobiliers urbains éphémères pour le MUCEM, dans un quartier d’Aubervilliers pour l’ouverture au public d’une friche industrielle pour en faire un lieu de promenade et de récréation pour les riverains avec un travail de concertation citoyenne. Ou encore à l’étranger, en travaillant avec le collectif d’architecture allemand Hallo Festspiele, pour la création d’événements festifs et participatifs. Enfin une des particularités de Yes we camp est la temporalité très courte de leurs projets, ne dépassant pas, pour la plupart, quelques mois. Dès qu’un projet a fini d’être pensé et réalisé, les membres de l’équipe le détruisent et se projettent alors 14. HANNOUN Vincent. Rapport de fin d’études, https://issuu.com/camping2013/docs/pfe_ywc_vincent_ hannounweb 15. YES WE CAMP. Présentation. https://yeswecamp.org/

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dans d’autres projets. Le caractère éphémère de leurs projets se confirme sur la totalité de leurs interventions. Le projet des Grands Voisins détenant une durée de vie de deux ans ne déroge pas à la règle. Les interventions réalisées au sein de l’ancien hôpital Saint Vincent de Paul sont constamment en renouvellement. Ainsi, on peut constater que le bâtiment de la lingerie rénové pour la création d’un café et restaurant, se modifie constamment. Yes we camp cherche ainsi à ne pas figer ses projets et ainsi permettre remise en question, évaluation des erreurs commises et interprétations nouvelles d’un lieu. Ainsi le renouvellement régulier des interventions permet au collectif d’expérimenter sans cesse de nouvelles fabrications et de nouveaux savoir-faire.

Dessin du camping de Marseille. HANNOUN Vincent. Rapport de fin d’études, https://issuu.com/camping2013/docs/pfe_ywc_vincent_hannounweb

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3.2 fonctionnement de l’association

Une grande pluridisciplinarité des pratiques Le collectif Yes we camp tient tout d’abord une de ses particularités comme nous l’avons vu précédemment, de la pluridisciplinarité de son équipe. Il ne s’agit pas seulement d’une fusion interdisciplinaire mais aussi d’un partage de compétences diverses mêlant de la construction, du paysage, de l’administration et même de la cuisine. Les membres de l’association sont architecte, ingénieur, régisseur, artiste, urbaniste, cuisinier, commercial, graphiste, et menuisier. Ils ont appris à allier leurs compétences pour parvenir à diriger la diversité des programmes qu’ils proposent. Ils ont dû composer et apprendre ensemble de nouvelles manières de penser autour de questions liées à la restauration, aux spectacles ou encore aux activités sportives. Ils ont aussi dû apprendre a être multi-fonctionnels, pour ainsi s’entraider sur de multiples tâches. Par exemple dans l’équipe des Grands Voisins, tous les membres de l’équipe participent à la maintenance du site, font le service à tour de rôle au bar, et s’occupent de l’accueil du camping. Mais aussi ils aident en cuisine et participent aux différents chantiers sur le site. Les membres de l’équipe ont pu aussi évoluer et expérimenter d’autres savoir-faire. C’est ainsi que, lorsque Zofia Basista a rejoint l’équipe de Yes we camp avec un diplôme d’architecte et urbaniste, elle a dans un premier temps développer des compétences en construction lié à sa formation. Puis elle a eu envie de participer à un projet de restauration en tant que cuisinière dans le projet des Grands Voisins. Le collectif Yes we camp, permet donc à chacun d’expérimenter d’autres domaines de compétences. On peut lier cette pluridisciplinarité à l’enseignement de l’architecture qui s’est peu à peu ouvert à d’autres pratiques. La pluridisciplinarité en architecture a été longtemps absente durant la période de l’académie (1671-1863) où l’architecture s’enseignait de manière très formelle et non ouverte vers d’autres pratiques.

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L’enseignement de l’architecture a alors commencé a s’ouvrir pendant la période des beaux arts (1863-1968) en se diversifiant avec d’autres disciplines telles que les mathématiques ou la construction. Puis en 1968, l’éclatement des beaux arts en 21 écoles appelées « unités pédagogiques »16 va permettre à chaque école de se spécialiser en associant plusieurs domaines d’enseignements. Ainsi on voit apparaître de nouvelles disciplines comme l’urbanisme, les sciences humaines ou encore l’histoire. Enfin, par la suite l’enseignement s’est peu à peu lié à d’autres enseignements, créant de réelles interdisciplinarités, tels que l’architecture et le paysage, l’architecture et l’ingénierie ou encore l’architecture et la scénographie. L’association Yes we camp met donc en avant cette pluridisciplinarité comme un modèle de fonctionnement qui peut constituer une nouvelle approche dans le travail de l’architecte. Mais on peut se questionner sur son fonctionnement en interne. Allier toutes ces compétences revient à créer de nouvelles formes d’organisation.

UNE ÉQUIPE PLURIDISCIPLINAIRE

menuisier

artiste

cuisinier

événementiel

ingénieur

régisseur

architecte

graphiste

commercial

urbaniste

Schéma personnel

16. Décret n° 78-266 du 8 mars 1978 fixant le régime administratif et financier des unités pédagogiques d’architecture. Les unités pédagogiques d’architecture ont été nommées ultérieurement « écoles nationales supérieures d’architecture. www.legifrance.gouv.fr

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un modele horizontal Trois ans après le projet du camping à Marseille, l’équipe regroupe aujourd’hui 29 employés, comprenant des contrats aidés et des contrats simples, entre 3 à 6 stagiaires, entre 3 à 6 services civiques et plus de 300 bénévoles réguliers ou non. Les statuts des membres du collectif ont beaucoup évolué au cours du temps, en fonction de l’évolution des projets. Alors que les membres du collectif présents lors du camping à Marseille en 2013 n’étaient quasiment que des bénévoles, ils ont vu leur statut évoluer. Les premiers contrats 25h sont apparus en 2015 pour se transformer en contrat 35h une année plus tard. Le fonctionnement du collectif Yes we camp s’organise autour d’une logique horizontale, que l’on retrouve en interne au sein de l’association mais aussi dans son rapport à l’extérieur. Dans la conception et la réalisation des multiples projets, le collectif s’organise autour d’un processus de communication informel. La vision du collectif étant basé sur l’échange et la communication, tous les membres de l’association doivent partager et échanger autour de chaque projet. Ce système implique que les choix, préalablement discutés et débattus doivent être pris à l’unanimité. De ce fait, il n’y a pas de différences hiérarchiques, tous les membres y compris les stagiaires et services civiques ont accès à toutes les phases des projets. On peut, dès lors, comparer ce fonctionnement à celui de l’architecte classique. Car le collectif Yes we camp revendique la notion du droit à « l’auteur ». La plupart des agences d’architecture associent l’architecte à son architecture, excluant les différents membres de son équipe. En intégrant le principe de mutualisation des projets comme base de données, chaque membre de Yes we camp peut les revendiquer. On peut aussi constater que la terminologie du collectif Yes we camp n’est pas un hasard. Il renvoie à son premier projet du camping de Marseille en 2013, qui est un jeu de mot avec la célèbre phrase du président américain Barack Obama « yes we can ». Ce nom revendiqué comme un slogan représente la philosophie

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d’ouverture de la structure mais aussi permet de ne pas identifier personnellement les membres du collectif. On peut cependant remarquer des limites dans la pratique de ce modèle horizontal. Tout d’abord, au sein d’un groupe on retrouve des personnalités plus fortes que d’autres, qui ont tendance à prendre le dessus sur les autres. La communication peut alors se révéler conflictuelle. Chacun détenant un droit à la parole, les conversations peuvent ne pas aboutir. Il y a aussi la question du temps : le collectif doit s’organiser pour prendre le temps de se concerter. Dans l’association une demi-journée est dédiée à une grande réunion générale par semaine. Chacun parle à tour de rôle pour évoquer son travail, ses questionnements et recevoir des retours sur ce qu’il a entrepris. Mais on peut remarquer que plus l’association intègre de nouveaux membres, plus l’écoute de chacun y est difficile. Cette réunion de concertation générale n’est pas la seule. On retrouve aussi d’autres réunions concernant des domaines plus spécifiques, comme le chantier, la cuisine ou encore le camping. Chaque membre se voit alors passer à peu près 1/5ème de son temps dans des réunions pour échanger et débattre sur les différents projets. Ce mode de fonctionnement pose enfin la question des salaires . En effet, si une augmentation est prévue, elle doit l’être pour tous les membres.

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3.3 quel modèle économique ? un modèle de type événementiel Le collectif Yes we camp, a fait évoluer au cours du temps son modèle économique mais tient tout de même une ligne directive liée à la création d’activités. Lorsque l’on étudie le fonctionnement économique on remarque que les principaux revenus proviennent des recettes liées à la restauration et à l’hébergement, des locations à but événementiel, mais aussi des dotations d’amorçage, des subventions de l’état ou de fonds privés. Cet argent aide l’association à payer les salaires des membres de l’équipe, ainsi que le gardiennage, la maintenance, la mise aux normes ERP, les assurances et les charges. Il permet aussi de réinvestir dans l’approvisionnement des ventes, l’achat de matériels et d’outils pour les chantiers, ainsi que les installations et les interventions artistiques et programmatiques. SCHEMA ÉCONOMIQUE

PROGRAMMES ÉVÉNEMENTIELS

DIVERTISSEMENTS

CONSOMMATIONS

FINANCEMENTS

SALAIRES

PROJETS

Schéma personnel

17.Selon l’INSEE, 49 % des ressources financières des associations sont d’origine publique (13 % des communes, 11 % des départements, 11 % de l’État et des organismes sociaux.

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L’organigramme ci-contre montre la particularité du modelé économique du collectif. Car si de nombreux collectifs arrivent à se financer à l’aide de subvention publiques17, l’association Yes we camp obtient ses recettes grâce à la création d’activités qui génèrent ensuite des ventes, et qui représentent près de la moitié de son financement. Si l’on étudie d’un peu plus près ce que représentent plus précisément ces ventes, on remarque que le collectif se base sur des programmes de type événementiel. Ces ventes dépendent de l’élaboration des programmes proposés au public. On peut par exemple citer les installations scéniques du camping de Marseille en 2013 où le collectif proposait des locations de cabanes, des consommations alimentaires et des boissons, leur permettant de générer de l’argent. Ainsi, le collectif peut réinvestir dans du matériel et des outils pour de nouveaux projets et payer les salaires des membres du collectif. Le statut d’association permet aussi au collectif de développer ce modèle économique, « une activité sans en retirer un avantage financier à titre personnel . S’ il y a des bénéfices, ils sont reversés à l’association pour la développer »18 Par ailleurs l’association peut exercer des activités liées à la ventes et à la location seulement si « les sociétaires (fondateurs, dirigeants et membres actifs) ne peuvent pas partager les éventuels bénéfices générés par une activité économique réalisée par l’association» 19 Dès lors, l’association est soumise aux différents impôts commerciaux comme n’importe quel commerçant, devenant ainsi une association à but non lucratif fiscalisée. Selon une étude menée par le collectif ETC qui a étudié les différents schémas économiques de certains collectifs, on peut voir que yes we camp a fait évoluer son modèle économique. Dans un premier temps, les membres du collectif étant principalement des bénévoles ils devaient compléter leurs revenus par d’autres activités extérieurs. Puis au fur et à mesure de la rentabilité des projets, ils ont pu associer activité et métier, n’ayant plus besoin de revenus extérieurs. 18.LINTERNAUTE. Association à but non lucratif. http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/association-a-but-non-lucratif/ 19. ASSISTANT JURIDIQUE.Pour une association loi 1901. http://www.assistant-juridique.fr/but_non_lucratif_association.jsp

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Stratégies économiques des collectifs 20

Un modèle encore précaire Le changement du modele économique du collectif très rapide de l’association ne modifie pas entièrement son instabilité. Car comme beaucoup de jeunes collectifs, l’avenir de Yes we camp reste encore incertain et dépendra surtout de ses projets futurs. Le projet des Grands Voisins a montré que l’association était capable de s’autofinancer. Mais on peut se demander si elle est cependant indépendante. On peut en effet constater que l’association fait appel à des aides financières de l’état afin de payer les salaires des employés. Il s’agit principalement des contrats de travail nommés « CUI-CAE ». Ces contrats sont utilisés « dans le secteur non marchand et facilite, grâce à une aide financière pour l’employeur, l’accès durable à l’emploi des personnes rencontrant des difficultés d’insertion professionnelle ».21

20. STRABIC,collectif etc, http://strabic.fr/Collectif-ETC 21. MINISTERE DU TRAVAIL. Contrat d’accompagnement dans l’emploi. http://travail-emploi.gouv.fr/emploi/ insertion-dans-l-emploi/contrats-aides/cui-cae

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L’association Yes we camp reçoit ainsi une aide mensuelle s’appliquant dans la limite de 95% du taux horaire brut du SMIC. Par ailleurs, on peut remarquer que les salaires moyens versés par l’association ne dépassent pas le montant d’un SMIC. Cependant les membres du collectif restent assez optimistes sur ce sujet, en abordant le futur dans la perspective d’une amélioration possible avec le temps et l’expérience. Enfin, on peut voir que le rôle du bénévolat est très important et même essentiel dans le fonctionnement de l’association. Il représente un des maillons dans le déroulement et la fabrique des diverses interventions que l’association propose. Le mot d’ordre de l’association étant l’échange et le partage, l’accueil des bénévoles se fait de manière très ouverte. Au sein des Grands Voisins, plus de 200 bénévoles viennent plus ou moins régulièrement. Ils viennent effectuer de l’aide en cuisine, des travaux de chantier, participent à l’agriculture urbaine du site ou encore aident les graphistes à élaborer la signalétique du site. L’accueil de nouvelles personnes demande alors une véritable organisation en amont et en interne. Pas toujours qualifiés pour les tâches à effectuer, les membres du collectif doivent alors prendre le temps d’apprendre et d’expliquer aux bénévoles ce qu’ils doivent faire. Le collectif rencontre alors des difficultés à transmettre les valeurs et méthodes de l’association.

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«Entrer chez les Grands Vo i s i n s , c ’ e s t d é c o u v r i r une véritable fourmilière citoyenne où le vivre ensemble retrouve tout son sens et nie les obstacles imposés par l ’ e s p a c e u r b a i n . » 22

22. PRUDHOMME Mona, « Comment les créateurs des Grands Voisins ont inventé le Airbnb des lieux vacants». Télérama, octobre 2016

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PARTIE II LES GRANDS VOISINS: FABRIQUE DE BIENS COMMUNS

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1. PRÉSENTATION ET TRANSFORMATION DU SITE DES GRANDS VOISINS 1.1 Présentation des Grands Voisins L’histoire des Grands Voisins commence par un projet de réhabilitation de l’hôpital Saint Vincent de Paul, qui, à la suite d’une grande crise dans la structure de l’hôpital, a dû fermer. «En cause ? Notamment le coût de remise aux normes d’anciens édifices. Les services présents ont alors été délocalisés vers d’autres centres hospitaliers, comme Cochin, qui se trouve en face» 23 Il est alors question de réaliser un projet d’éco-quartier sous la tutelle de Paris dès l’automne 2017. Mais se pose alors la question de la période de transition entre la fermeture et la construction du futur quartier. Le site aurait du être dans un premier temps muré mais le coût de l’entretien et du gardiennage de l’espace vide aurait été plus coûteux que son utilisation. C’est pourquoi, la première idée a été de donner une nouvelle valeur d’usage à ce lieu institutionnel pendant sa période de transition. L’ambition du projet est d’expérimenter une notion récemment apparue dans la société, celle de la logique des biens communs. Cette ambition a été concrétisée grâce a un compromis entre l’assistance publique des hôpitaux de Paris et l’association Aurore. Cette association lutte contre l’exclusion sociale depuis 1871, et offre des services d’ hébergement pour les plus démunis, elle favorise aussi la réinsertion sociale et professionnelle des personnes en situation d’exclusion et de précarité. À la suite d’une politique de restructuration des établissements hospitaliers, l’AP-HP rend le 11 juin 2015 le site de l’hôpital Saint Vincent de Paul à la mairie de Paris. C’est ainsi que jusqu’à la cession du bâtiment, l’état demande à l’APHP de laisser les locaux à disposition de l’association Aurore. À partir de 2012, la cohabitation est actée et l’association Aurore investit l’ancien hôpital pour construire un centre d’hébergement d’urgence. Depuis 2014 et le départ du centre hospitalier, l’association se retrouve seule gestionnaire du site d’occupation précaire avec l’AP-HP. L’association reçoit ainsi la gratuité du

23. LABORDE thomas, « Les vies multiples de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul ». Libération, septembre 2015.

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site mais doit en contre partie s’engager à entretenir le lieu et à favoriser l’utilité sociale. Mais l’association se confronte à deux problématiques. L’espace de l’hôpital représente plus de 3 hectares et malgré les nombreuses structures d’hébergements il reste encore beaucoup d’espaces vacants. De plus, l’arrivée de ce centre d’hébergement dans le 14eme arrondissement n’est pas bien reçue par les habitants du quartier, un travail de médiation et de mixité sociale doit donc s’établir. C’est pourquoi Aurore fait appel dans un premier temps à l’association Plateau Urbain, pour l’accompagner dans sa démarche et ouvrir le site à d’autres structures. Créée en 2013, l’association Plateau Urbain surnommée « agent immobilier solidaire »24, propose de jouer le rôle de l’interface entre propriétaires et porteurs de projets, dans le but de « réactiver » des immeubles vacants et de soutenir des projets associatifs, entrepreneuriaux et culturels. Dans le site des Grands Voisins l’association est en charge de trouver des locataires pour les espaces encore disponibles. Ces espaces permettent alors à de jeunes entreprises, associations, artistes et collectifs de pouvoir débuter ou entreprendre leurs activités à moindre coût. En échange, ces structures doivent participer à la vie du site. Une première mixité sociale s’établit donc dans le site, entre l’association Aurore, les résidents qui dorment sur le site et les jeunes structures qui y travaillent. Enfin en 2015, la mairie de Paris décide de faire appel à l’association et collectif Yes we camp, afin de favoriser cette cohabitation entre tous les résidents du site. Leur mission est alors d’établir une plus grande ouverture du site au public extérieur. C’est ainsi que l’ensemble des trois associations de sphères professionnelles différentes interagissent et coordonnent le projet ensemble. Aujourd’hui, sur le site des Grands Voisins, plus de 1000 personnes cohabitent. Environ 600 personnes y vivent, plus de 300 personnes y travaillent et 80 étudiants fréquentent l’école de sage femme de Bauddelocque. À l’avenir le projet de l’éco-quartier proposera 48000 m2 de logements contenant 50% de logements sociaux 24. PLATEAU URBAIN. Vision. https://www.plateau-urbain.com

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et 20% de logements intermédiaires, des équipements publics, des locaux d’activités, des espaces verts et de l’agriculture urbaine en toiture. Tous les bâtiments ne seront pas conservés. Certains seront réhabilités, d’autres entièrement détruits. Les premiers travaux débuteront à l’automne 2017 soit deux ans après le lancement des Grands Voisins. Nous allons tenter de comprendre en quoi le projet des Grands Voisins, devenu un petit village d’expérimentation temporaires, innove dans les pratiques cultuelles mais aussi dans de nouvelles formes d’économie sociale et solidaire.

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Source photos et dessin : https://www.flickr.com/photos/camping2013/albums/with/72157657739134713

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1.2 Évolution et transformation du site Pour comprendre l’évolution historique du site des Grands Voisins, nous allons dans un premier temps étudier les multiples transformations de l’hôpital Saint Vincent de Paul. Le site se situe dans le 14e arrondissement de Paris, et est implanté le long de l’avenue Denfert-Rochereau et la rue du Faubourg Saint Jacques, qui représente l’un des principaux axes nord-sud de Paris. Le site a vu le jour en 1655, et a vécu de nombreuses transformations architecturales pendant plus de trois siècles. Nous allons donc étudier l’origine de chaque bâtiment du site, leur transformation actuelle et leur future réhabilitation. 5

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7 10 1. La cour de l’oratoire : Ce bâtiment est le premier à avoir été construit sur le site de l’hôpital en 1650 et s’est vu être réaffecté plusieurs fois. D’abord un lieu de préparation à la vie religieuse, la cour de l’oratoire est devenue un hôpital spécialisé dans les naissances et la pédiatrie. Aujourd’hui : Le bâtiment est désormais composé d’un centre d’hébergement où 95 personnes sont logées, d’un large réseau associatif, comprenant du co-working solidaire, des distributions de repas et différentes associations. A l’avenir: Le bâtiment sera conservé dans la création du futur éco-quartier.

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2 . Le bâtimt Construit en 1836, le bâtiment était un centre d’endocrinologie pédiatrique. Aujourd’hui: le bâtiment du CED est un centre d’hébergement d’urgence pour 110 personnes. A l’avenir: Le bâtiment ne sera pas conservé dans le futur projet. 3 . Le bâtiment Pierre Petit: Construit en 1970, le bâtiment était une clinique spécialisée dans la chirurgie infantile . Aujourd’hui: le bâtiment abrite plus de 92 personnes dans un centre d’hébergement, 40 structures associatives et entrepreneuriales y travaillent . A l’avenir: Le bâtiment ne sera pas conservé dans le futur projet. 4 . Le bâtiment Pinard: Construit au cours du XXème siècle, le bâtiment était dédié à la maternité. Aujourd’hui: le bâtiment est un espace de foyer de travailleurs migrants et un centre d’hébergement pour 250 personnes.

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1655-1838 1655-1838

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1881-1933 1881-1933

1934-1979

1934-1979

Dessins personnels

-1979

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5-1838

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5 . La maison des médecins : Construit en 1882 , le bâtiment était utilisé pour isoler les malades souffrants de maladies contagieuses. Aujourd’hui: Création d’un lieu partagé pour les résidents des différents centres d’hébergements du site. A l’avenir: Le bâtiment sera conservé dans le futur projet. 6 . Le bâtiment Lelong : Le bâtiment construit en 1959, était spécialisé dans la biochimie, la radiologie et la neuropédiatrie. Aujourd’hui: le bâtiment est très dégradé, son rez-de-chaussée vient d’être réhabilité par Yes We Camp en atelier partagé et galerie d’art. A L’avenir: le bâtiment sera réhabilité. 7 . La rue Pasteur : Construit en 1807, les petites bâtisses étaient des bergeries, des laiteries et des étables. Aujourd’hui: Ces petits espaces regroupent des ateliers pour des artisans et artistes. On y retrouve un luthier, un espace de création musical innovant et un atelier de décoration végétale. A l’avenir: Les espaces seront détruits pour le futur projet. 8 .La chaufferie : Construit en 1930, la création de chaufferie a constitué une réelle modernisation pour l’hôpital saint Vincent de Paul. Aujourd’hui: le bâtiment est devenu l’accueil du camping des Grands Voisins, mais aussi une buvette extérieure. A l’avenir: le bâtiment ne sera pas conservé dans le futur projet. 1. La lingerie : Construit en 1938, le bâtiment marque une opération d’extension de l’hôpital au début du 19eme siècle. Le bâtiment était alors une buanderie et une lingerie pour l’hôpital. Aujourd’hui : Le bâtiment est devenue une salle communale réhabilitée par Yes We Camp, dédiée à l’ensemble des résidents du site et au public extérieur. La lingerie propose des événements culturelles et artistiques, un bar, et un espace de restauration. A l’avenir: Le bâtiment sera détruit pour le futur projet.

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10 . Rapine : Dernier bâtiment à avoir été construit en 1987, c’était la polyclinique de l’hôpital. Aujourd’hui: Le bâtiment héberge une école de sage femme, et plusieurs associations. A l’avenir: le bâtiment sera détruit. Futur du projet : Plusieurs agences ont été désignées dans la conception et la réalisation du futur éco-quartier. L’agence Anyoji Beltrando est en charge de la conception architecturale et de l’urbanisme du site, l’agence TER réalise le paysage et les espaces publics, le groupe Alphaville conçoit la programmation urbaine et architecturale, EVP est en charge de la structure des bâtiments, le bureau technique ALTO conçoit la voirie et les divers réseaux, enfin la société MDETC doit concevoir l’économie du bâtiment. Enfin « le quartier à construire n’implique pas les occupants actuels de l’hôpital. C’est le contrat. Cet espace est disponible en attendant que les travaux ne commencent » 25. Des lors, dans quelques mois les travaux de réhabilitation de l’éco-quartier saint Vincent de Paul vont commencer entraînant avec eux la destruction progressive du projet des Grands Voisins. Le futur projet

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25. LABORDE thomas, « Les vies multiples de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul ». Libération, septembre 2015. 26. MAIRIE DE PARIS, Réunion publique d’information, Saint-Vincent-de-Paul, un nouvel éco-quartier prend vie, 01/12/15.

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Le coin ÂŤchillÂť du camping

Le Banya Dessins personnels

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1.3 Transformation du site par Yes We Camp Lorsque le collectif Yes We Camp est arrivé sur le site de l’hôpital Saint Vincent de Paul au printemps 2015, leur mission a été de créer des espaces de rencontre, de partage et de convivialité pour tous les résidents du site mais aussi pour un public extérieur. Pour ce faire, le collectif a souhaité apprendre à connaître les lieux. Il s’agissait alors de transformer certains bâtiments et espaces vacants de l’hôpital en espaces ouverts au public. La première réalisation du collectif a débuté avec les travaux de réhabilitation du bâtiment de la lingerie. Ce premier travail a permis au collectif de réfléchir et de concevoir l’identité du site, proposant ainsi le nom de « Grands Voisins ». La lingerie a alors été conçue avec l’esprit de rassembler tous les résidents du site, comme une place de village, où chacun peut venir sans obligation de consommer. Lors de leurs premiers travaux, les membres du collectif ont beaucoup expérimenté pour créer un imaginaire, alliant leurs compétences pluridisciplinaires comme nous l’avons vu précédemment dans l’étude des collectifs. L’équipe a conçu par la suite différents aménagements que l’on va dès lors étudier. On peut dissocier quatre types d’aménagements et installations que le collectif a réalisés. Premièrement la signalétique, qui permet de guider et conseiller les résidents et le public extérieur. Ensuite les diverses installations qui permettent de se reposer confortablement, de se rencontrer, ou encore de se divertir. Puis la réhabilitation de certains bâtiments, qui abritent différents programmes. Enfin l’agriculture urbaine, qui participe à une expérimentation d’autonomie du site, d’innovations multiples et d’investissement pour les résidents.

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Les installations : Le banya: Crée en 2016, le banya est un bain public d’inspiration russe qui ressemble à un sauna. Il a été fabriqué en résine et avec du bois de coffrage. Il a été conçu pour une durée de vie d’environ deux ans. Réalisé pour les résidents et le public extérieur, il permet d’offrir un moment de convivialité dans une installation atypique. Les activités sportives: Disposés sur l’ensemble du site, plusieurs équipements sportifs ont été réalisés au cours du temps. On retrouve ainsi un terrain de foot, un terrain de basket, un parcours de jogging, un terrain de badminton et un terrain de pétanque. Ces équipements ont été pensés principalement pour les résidents. Le camping: L’idée de créer un camping dans le site des Grands Voisins est née de la volonté de renforcer l’esprit d’ouverture et de mixité sociale dans le lieu, permettant ainsi à des étrangers et touristes de venir découvrir le projet. Le camping propose plus de 100 places en tentes, en cabanes ou dans des hamacs. L’équipe a alors réalisé une grande terrasse pour recevoir les tentes, cinq cabanes originales, un espace douche, des sanitaires et un espace « chill ».

Le terrain de pétanque Dessins personnels

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Le camping La cafétéria mobile : Appelée la « guitoune », cette installation permet d’offrir du thé et du café aux résidents les plus isolés une fois par jour. Ce projet a été réalisé en partenariat avec l’association Aurore, et valorise la réinsertion de certains hébergés sur le site des Grands Voisins. Fabriqué avec un ancien chariot retrouvé sur le site, l’équipe l’a réparé et a voulu le rendre plus convivial. Les aménagements extérieurs: L’équipe a réalisé trois terrasses sur le site, des centaines de tables et chaises ont été mises à la disposition des résidents et du public extérieur. Les chaises ont été pensées dans une économie de moyen et un temps court de fabrication, permettant d’offrir le plus de confort extérieur possible.

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Les réhabilitations de bâtiments : La médiathèque: Dédié aux soins du corps, la réhabilitation du petit bâtiment permet aujourd’hui d’accueillir différents cours comme des cours de yoga et de danse. Ce projet a été principalement pensé pour les résidents du site. L’auberge de jeunesse: En cours de réalisation, le bâtiment permettra d’accueillir toute l’année huit personnes en lits superposés, comprenant une cuisine et une salle de bains. La lingerie: Comme nous l’avons vu précédemment, la réhabilitation du bâtiment de la lingerie permet d’accueillir tous les résidents et le public extérieur. On y retrouve un bar, un espace restauration, un espace lecture, une scène pour des événements type concert, conférence ou spectacle, un espace musique avec un piano, et enfin un espace « banquet » pour les déjeuners et dîners partagés.

La lingerie Dessins personnels

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La chaufferie

La chaufferie: La réhabilitation de ce bâtiment permet d’accueillir la boutique des Grands Voisins appelée « trocshop », mais aussi un second bar. Ce bâtiment abritait cet été l’accueil du camping.

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Agriculture urbaine: Le poulailler: La fabrication du poulailler dans l’enceinte des Grands Voisins a permis d’introduire des poules sur le site. Le poulailler rentre dans un projet de réinsertion avec l’association Aurore, pour les hébergés du site. Les œufs sont ensuite utilisés par le restaurant des Grands Voisins, le surplus est donné aux résidents dans la lingerie. L’aquaponie: Ce projet est une forme d’aquaculture qui permet d’associer la culture de végétaux avec l’élevage de poissons. Les déjections des poissons servent d’engrais pour les cultures et les poissons se nourrissent des plantes. Ce système élaboré par Yes we camp, permet de produire différentes plantes pour le site ainsi que quelques productions maraîchères. La Phytoépuration: Ce système permet de filtrer les eaux usées en utilisant des plantes, des substrats et des micro-organismes. Le projet a été mis en place dans le camping des Grands Voisins. Grâce à un savon spécifique, les eaux usées des lavabos ont pu être réutilisées dans un système de circuit fermé.

Le poulailler Dessins personnels

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Les ruches

La Phytoépuration

Les ruches: Avec l’association Miel de quartier, l’équipe de Yes We Camp a installé des ruches dans l’enceinte des Grands Voisins. Le miel récolté est ainsi vendu dans le « trocshop ». Les potagers: Plusieurs potagers ont été installés sur le site. En collaboration avec l’association Aurore, ce projet permet de créer de l’insertion professionnel pour les hébergés des Grands Voisins. Les récoltes sont ensuite utilisées pour le restaurant de la lingerie.

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La signalétique: Un travail de signalétique a été réalisé par le collectif pour permettre d’informer et de guider le public extérieur au sein du site. Pour ce faire, l’équipe a imaginé différents symboles pour chaque bâtiment et a installé différents plans. On retrouve aussi des panneaux qui permettent de limiter certains accès et donnent la limitation d’horaire de certains espaces. Une lettre des voisins a aussi été mise en place, ce journal hebdomadaire permet d’informer des différentes programmations à venir et des actualités du projet. Enfin, un grand tableau a été installé à la lingerie et permet d’indiquer toutes les activités et événements de la semaine.

Dessins personnels

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Symboles des batiments sur le site des Grands Voisins

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2. UN NOUVEAU MODELE: FABRIQUER DES BIENS COMMUNS 2.1 Définition du bien commun « Ce que l’on appelait traditionnellement «res communes» , les choses qui nous appartiennent en commun, a été sinon oublié, du moins supplanté par les «res privatae» organisées par le marché, ainsi que par les «res publicae» mises à disposition par l’état. » 27 La notion de bien commun se définit dans une conception liée à la condition humaine et son interaction avec le « vivre ensemble ». Comme nous l’avons déjà évoqué dans les enjeux portés par les collectifs d’architectes, le bien commun apporte une vision liée à la politique, la sociologie, l’environnement et qui se formalise à travers l’espace, plus particulièrement l’espace public. C’est le souhait de s’organiser sous la forme d’une collaboration et d’une participation citoyenne. Ce qui implique la notion de communauté et d’auto-gestion des ressources. Dans le projet des Grands Voisins, cette notion est au cœur du processus du projet global. On y trouve une réelle gestion démocratique et participative. Tous les résidents font partie d’une communauté, qui ensemble crée la vie dans le lieu, organise le partage des ressources qu’offre le site et compose ensemble la programmation du site. On peut dès lors prendre l’exemple de la terre qui devient un espace de bien commun. En effet, une partie des espaces extérieures est transformée en potager, cultivée collectivement et cette production est ensuite redistribuée aux résidents du site. On retrouve aussi des potagers laissés libres et mis à disposition de manière ouverte. Une carte affichée à la lingerie permet de retrouver les parcelles cultivables et les coordonnées pour obtenir un petit lopin de terre. Ainsi les ressources du site sont reparties entre les résidents de la communauté des grands voisins. Les espaces de biens communs sont aussi d’ordre culturelles. Les artistes représentent sur le site 4% des résidents et sont intégrés dans une démarche d’ouverture. Des ateliers, des espaces de construction, des galeries sont ouverts à tous.

27. HEINRICH BOLL STIFTUNG, Biens communs, la prospérité par le partage, décembre 2009

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FONDEMENT = RESSOURCES

GENS = COMMUNAUTÉS

CADRES = RÉGLES

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Il y a aussi une bibliothèque ouverte en libre-service. De plus, on retrouve de nombreux espaces sportifs (terrain de sport, pétanque, badminton, équipements de musculation,..) également en libre service au sein du site. Enfin le bar et le restaurant du site appelé la lingerie sont ouverts à tous et accueillent de nombreux concerts, conférences, débats mais permettent aussi de venir lire, jouer du piano et cela sans obligation de consommer. On retrouve au cœur du fonctionnement des Grands Voisins cette logique de mutualisation des ressources qu’offre le site. Et cela implique une solidarité et un engagement de la part de tous les membres de la communauté. Cette mutualisation des ressources se fait dans le partage des espaces mais également du matériel. En effet, l’ AP-HP a laissé la liberté aux associations Aurore, Plateau urbain, et Yes we Camp de disposer de tout le mobilier resté sur le site, et qui sera ensuite vendu aux enchères lors de la fermeture des grands voisins. Les bénéfices seront alors reversés à l’association Aurore. C’est ainsi que les différentes associations se partagent les meubles, les réfrigérateurs, la vaisselle de l’ancien hôpital, dans l’objectif de mettre le partage de ces ressources au cœur du fonctionnement. Le bâtiment en lui-même est parfois réutilisé dans la création de nouvelles constructions. L’association Yes we camp se sert ainsi d’anciennes portes ou fenêtres inutilisées, pour les réintégrer dans de nouvelles structures comme pour la fabrication des cabanes. Ou encore certains artistes et collectifs se servent de matériaux trouvés sur le site pour la création d’installations.

29. Schéma redessiné depuis : http://bv.cdeacf.ca/EA_PDF/151718.pdf

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RESSOURCES

COMMUNAUTÉ

REGLES NORMES

BIENS COMMUNS

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Des espaces partagés sont aussi conçus dans cette logique de bien commun. Les espaces les plus spacieux qu’offre le site sont ainsi transformés en espaces de réunions collectives. Ces espaces permettent d’organiser le « conseil des voisins » pour les résidents des Grands Voisins. L’utilisation des différents espaces du site s’organise de manière formelle ou informelle entre les différentes structures concernées. Enfin la question de la mutualisation des compétences est dernièrement allée un peu plus loin. Les résidents des Grands Voisins expérimentent la mise en place d’une monnaie locale sous la forme d’ « une monnaie temps ». Ce projet a été proposé et discuté lors du conseil des Grands Voisins à la fin du mois d’août 2016. L’idée étant d‘accrocher un tableau d’offre et de demande de compétences et de services à la disposition de tous. Le fonctionnement est simple, en échange d’une compétence et d’un service, le résident reçoit une certaine somme de la « monnaie temps ». Il peut alors obtenir un service, une compétence ou un bien auprès de la boutique « trocshop » ou d’autres commerces de la communauté comme à la lingerie ou à la ressourcerie créative.

30. Schéma redessiné depuis : http://bv.cdeacf.ca/EA_PDF/151718.pdf

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2.2 « Faire et vivre ensemble » Le projet des Grands Voisins tient dans la volonté de faire et de vivre ensemble, et s’est constitué notamment par la diversité des résidents du projet appelé « les voisins ». L’objectif de chaque structure est de créer des complémentarités et des entraides sur les différents projets qu’elle entreprend. Cet enjeu de mixité sociale est au cœur du fonctionnement du site mais n’a pas été simple à appliquer. Les règles de fonctionnement ont dû être expérimentées pour que ce qui avait été projeté et désiré se matérialise. Pour ce faire, les différentes associations ont dû créer des moments de partage et de médiation, comme, notamment, le « conseil des grands voisins » au sein duquel tous les résidents se réunissent pour s’exprimer, prendre la parole et discuter des futurs collaborations possibles et de leurs enjeux. Le moment de la réunion est dans le projet des Grands Voisins un temps clé pour l’organisation du projet global. Ce n’est pas seulement un espace de discussion mais aussi un espace du « faire ». C’est le moment où les résidents peuvent tisser des liens et établir un rythme dans la vie collective. Les résidents vont chercher à être au plus juste des demandes et attentes de chacun. C’est par exemple à ce moment, que le conseil des voisins décide d’établir des prix spéciaux pour les hébergés de l’association Aurore et des cafés et repas suspendus (système solidaire ou une personne paie un café à qui en a besoin). Ce système permet ainsi de mieux insérer les hébergés dans le projet. Il y a aussi des couscous ou des barbecues à prix libre une fois par semaine, des animations et des concerts gratuits chaque semaine. Ces initiatives permettent de faire coexister une grande mixité sociale, particulièrement au sein de la lingerie, cœur de ce village alternatif. On peut aussi constater que cette volonté de « faire ensemble » existe grâce à la contribution volontaire de chacun des acteurs. Vivre et travailler aux Grands Voisins signifie s’investir dans les valeurs de solidarité et de partage. Il faut ainsi les respecter, c’est pourquoi l’association Plateau Urbain sélectionne chaque nouvelle structure entrante dans le projet pour s’assurer qu’elle respecte les valeurs du lieu.

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De la contribution de chacun à des chantiers collectifs pour construire différents projets du site, à la réinsertion professionnelle, le projet des grands voisins permet une véritable cohésion sociale. On peut par ailleurs soulever qu’au sein du projet, plus de 300 bénévoles extérieurs viennent plus ou moins régulièrement participer aux différents projets, pour de la construction, de la médiation, de l’aide en cuisine et au bar ou encore pour participer aux différents projets d’agricultures urbaines. Mais cette mixité sociale connaît aussi des limites. Tous les résidents vivent et travaillent ensemble, ce qui ne signifie pas qu’ils se connaissent réellement ou qu’ils échangent régulièrement. Lorsque l’on étudie les différents espaces du site, on peut alors constater une division spatiale. Ce qui se trouve au niveau de l’entrée représente la place centrale des Grands Voisins, telle une place de village avec un travail important d’aménagements extérieurs comprenant du mobilier et différentes terrasses réalisées par l’association yes we camp. On retrouve aussi « la lingerie », bar, restaurant et lieu de vie de ce village. Ainsi que les différentes boutiques, telles que la « ressourcerie créative », le « trocshop » , « mama petula », mais aussi les lieux d’expositions ou encore la bibliothèque. Ce qui ce trouve en arrière plan représente les lieux d’habitations des résidents de l’association Aurore. Comme dans un plan d’urbanisme classique, les habitations représentées par des espaces plus privés sont en recul par rapport aux espaces publics qui se retrouvent en premier plan. Lorsque que l’on étudie les usages, on remarque que les hébergés préfèrent d’avantage rester au sein de leurs résidences que de venir à la lingerie pour se retrouver. Se crée alors différents petits espaces d’appropriation au rez-de-chaussée des habitations, où les résidents investissent les interstices des bâtiments pour installer leurs propres mobiliers, comme des chaises, des tables, ou encore des barbecues. On distingue dès lors l’espace public de l’espace privé, où les limites se font de manière nuancée sans barrière ou séparation spatiale.

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Cette nuance entre ces deux espaces, l’espace ouvert exposé à tous, et les espaces cachés plus fermés et investis par les résidents, montre que la volonté d’espaces entièrement mixtes ne peut réellement exister. L’équipe de Yes we camp, dans son travail d’investissement dans les espaces extérieurs des Grands Voisins, a cherché à créer une identité singulière pour le site. Ce travail représente une vision particulière comprenant de la signalétique et de l’aménagement spatial plus ou moins uniforme. Mais on rend compte que « cette vision » ne représente pas obligatoirement tous les résidents des Grands Voisins. Dès lors certains d’entre-eux ne se sentent pas obligatoirement représentés dans ce processus et préfèrent investir différemment d’autres espaces. Dernièrement, un projet a pourtant permis d’établir un nouveau processus entre le travail de Yes we camp et les personnes hébergées de l’association Aurore. Il s’agit du projet de la réhabilitation de la maison des médecins initié en mars 2016. Cette ancienne maison de repos des internes en médecine a été investi pour créer un nouvel espace dédié aux résidents. Pour ce faire, l’Association Aurore a demandé à Yes we camp de concevoir un projet pour ce lieu tout en intégrant un processus de concertation. Pendant plusieurs mois, les deux associations ont collaboré afin d’élaborer un projet au plus proche des attentes des résidents. Plusieurs mois ont été nécessaires pour collecter toutes les envies spécifiques des résidents aux multiples cultures dans le but d’établir un programme. Des chantiers ouverts et participatifs pour le gros œuvre ont aussi été mis en place pendant plusieurs mois pour permettre aux résidents de venir s’impliquer et s’approprier les espaces. Au fur et à mesure des débats, réunions et chantiers ouverts, les lieux ont commencé à trouver une fonction, devenant des espaces de rencontre, de travail, de sport, de danse ou encore de cuisine ouverte. Un système de gestion du lieu a aussi été pensé, pour que les résidents en gèrent le fonctionnement.

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2.3 Programmer par l’expérimentation Nous venons de voir que le projet des Grands Voisins est né de la volonté de mobiliser des initiatives populaires et culturelles pour la création d’un lieu ouvert et participatif. Ainsi la conception de la programmation s’est faite par l’occupation. Le projet est toujours infini et ne cesse d’évoluer dans le temps. C’est par l’expérimentation des différents projets et leur courte temporalité qui permet d’établir à long terme une programmation ouverte et évolutive. On peut dès lors établir une comparaison avec un autre projet qui dans le processus de conception programmatique semble similaire, celui de l’université foraine à Rennes. Ce projet, conçu en partenariat entre l’architecte Patrick Bouchain et l’association « notre atelier commun », a permis la réhabilitation de l’ancienne faculté dentaire située place Pasteur à Rennes, et mis en place en 2012. Il a été conçu, tout comme les Grands Voisins dans une démarche participative. De nombreux projets de l’architecte Patrick Bouchain ont ouvert sur de nouvelles réflexions pour « construire autrement ». Il a ainsi beaucoup inspiré les collectifs d’architectes dans leurs pratiques. Patrick Bouchain milite pour une architecture dites HQH (haute qualité humaine). Dans le projet de l’université foraine, on retrouve ainsi le souhait de rassembler une communauté d’individus qui, par les échanges, les débats et les actions, vont permettre de faire émerger un projet. « L’université foraine se veut ainsi laboratoire d’architecture située tout autant que laboratoire de démocratie appliquée. Ce faisant, elle veut rendre à la cité sa qualité de chantier infini. »31 L’université foraine a été conçue sur un temps long et repose sur l’appropriation des lieux par l’occupation de ses habitants. À la différence des Grands Voisins, l’ancienne université était complètement abandonnée depuis plusieurs années et aucun projet n’avait été programmé à long terme. Le problème étant que sa réhabilitation nécessitait un important investissement car le bâtiment était trop délabré. C’est alors que l’architecte Patrick Bouchain et l‘association « notre atelier commun » ont 31. METROPOLE RENNES.L’université foraine. http://metropole.rennes.fr/l-universite-foraine/

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proposé une nouvelle manière d’occuper le lieu à moindre coût. Et cela en proposant une réhabilitation qui s’effectue dans le temps. En effet, « tous les ans l’université foraine pourra générer des sommes variables lui permettant d’aménager et d’équiper au fur et à mesure le bâtiment afin d’augmenter petit à petit la superficie d’accueil au public ».32 La réalisation des travaux de l’université foraine s’est donc faite année après année, en réhabilitant progressivement une surface d’occupation. Cette temporalité qui se détermine par l’action progressive, repose sur un processus de mobilité dans la programmation. Sans programme prédéfini donc, l’université foraine accueille jeunes artistes, jeunes entreprises, collectifs, enseignants, chercheurs ou encore associations qui ont besoin d’un lieu pour un projet. Mais ils ne sont accueillis dans le site que pour un temps donné. Cela permet au lieu d’être mouvant et ainsi permettre à chacun d’être un acteur du lieu par son appropriation. Par ailleurs, ils doivent contribuer à la vie du lieu, à son appropriation et à sa réhabilitation progressive. Ce plan d’occupation doit être en lien avec un réel besoin mais doit permettre aussi à d’autres d’occuper le lieu. Au fur et à mesure, l’université foraine a tout de même composé une programmation, alliant un programme temporaire à un programme durable. Dans la programmation de l’université foraine, on retrouve principalement des espaces liés à la santé et au bien-être, fil rouge du projet et référence à la mémoire du lieu. Ainsi le projet accueille différents programmes liés au soin, à l’insertion sociale, la nourriture, la culture, ou les nouvelles technologies numériques. Dans la programmation à long terme, l’université foraine propose des cuisines professionnelles, la création d’espaces de prévention sur l’hygiène bucco-dentaire, la création d’un cabinet de curiosité et enfin la création d’un Handilab (fablab qui conçoit des objets bioniques). Comme pour le projet des Grands Voisins, l’université foraine programme par l’expérimentation. Les deux projets fonctionnent comme un laboratoire d’urbanisme qui expérimente un site 32. PATRICK BOUCHAIN, L’université foraine, janvier 2016

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et qui en tire des résultats par des enseignements. Ainsi la programmation par l’occupation cherche à révéler un lieu par ses occupants et leurs envies pour en créer de l’inattendu. « c’est comme faire et faire faire: au lieu de donner à quelqu’un l’ordre de faire, on peut montrer comment les choses se font, puis laisser faire. Le « laisser faire » invite à ce qu’il se passe quelque chose d’autre que ce qui était attendu. C’est dans cet échange incessant que la liberté s’épanouit. »33

33. BOUCHAIN Patrick. Construire autrement. Paris: Actes sud, 2006, 192p

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3. L’URBANISME TEMPORAIRE 3.1. Les expérimentations temporaires de Yes We Camp Au cours du temps, le visage du projet des Grands Voisins a beaucoup évolué. Ce projet constitue la plus longue réalisation pour le collectif Yes we camp, c’est à dire deux ans. Pourtant la durée de vie de leurs constructions est restée dans une temporalité très courte. Les Grands Voisins comme nous l’avons vu précédemment n’a pas été pensé de manière figée, mais a plutôt évolué au fur et à mesure des diverses expérimentations de ses occupants. Pour les membres du collectif, le site est un véritable laboratoire à ciel ouvert. La mission de Yes We Camp étant l’accueil du public et la cohésion des résidents dans la fabrique des biens communs, le collectif a expérimenté de nombreux projets qui ont évolué en fonction des demandes et des occasions. Depuis l’été 2015, le collectif a réalisé deux campings pour une durée de vie ne dépassant pas la période de l’été. Les deux projets ont alors été aménagés de manières complètement différentes d’une année à l’autre. Dans le deuxième projet, le camping a été pensé avec une nouvelle signalétique, de nouvelles constructions de cabanes et un dispositif d’accueil du public qui a conduit à renouveler l’image du site. Le deuxième camping a eu une durée de vie de cinq mois. Les projets du collectif changent ainsi en fonction des saisons. L’été, l’équipe conçoit des installations estivales, comme le camping, des activités d’été (jeux d’eau, pétanque, badminton, brumisateurs,…) ou encore aménage des terrasses extérieures. Pour l’hiver, le collectif conçoit plutôt des aménagements hivernaux, comme un sauna, des poêles extérieurs ou encore des terrasses fermées. On retrouve cependant des constructions plus pérennes comme nous l’avons vu précédemment, comme le « trocshop » (vente d’objets ou œuvres réalisées par les artistes du site), ou le bâtiment « lelong» (ateliers partagés d’artistes). En faisant le choix de construire des projets temporaires, l’équipe de Yes we camp prend en compte différentes modalités, comme

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le ré-emploi et le choix des matériaux. On peut constater que la quasi-totalité des projets ont été réalisés avec du bois de coffrage ou des échafaudages. Le bois de coffrage est peu coûteux et a une faible durée de vie (environ 5 ans). Il permet aussi une grande facilité de montage et ainsi de démontage, permettant à l’équipe de le réutiliser. Les échafaudages permettent un montage et un démontage très facile, mais aussi se réutilisent à l’infini. Les matériaux sont alors déplacés et réutilisés constamment, d’un projet à un autre. Cette réflexion sur le temporaire s’étend au travers du type d’agriculture que propose le site des Grands Voisins. Les membres du collectif choisissent des plantes spécifiques, préférant par exemple des plantes vivaces qui poussent assez rapidement et qui s’adaptent d’avantage aux saisons. Le compost donne aussi une certaine temporalité, le cycle de détérioration de quatre mois des déchets permettant de faire vivre différents potagers et autre plantation. Ce caractère éphémère que l’on retrouve dans les projets du collectif Yes we camp est partagé par d’autres collectifs français. Comme par exemple, le collectif Encore Heureux et ses installations et expositions temporaires, le collectif Bellastock et son festival de construction éphémère annuelle ou encore le collectif Exyst qui crée des laboratoires d’expérimentations architecturales et urbaines éphémères. Pour ces collectifs, construire de manière temporaire représente un outil stratégique dans la réalisation de nouveaux projets. Cela permet d’annoncer notamment un changement en douceur sur un site afin de tisser un premier contact de confiance avec les habitants. L’aménagement éphémère d’un projet est par ailleurs plus facile à réaliser qu’un projet durable, en raison d’une mise en place moins compliquée, des coûts peu élevés et d’une mise en œuvre moins complexe facilitant ainsi l’expérimentation. Construire temporairement permet ainsi de renouveler sans cesse ses compétences. Après trois campings, le collectif Yes

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we camp, a enrichi son vocabulaire et ses performances dans ce domaine (sanitaires, réseaux, hébergements,..) en remettant sans cesse en question ses expérimentations et favorisant ainsi de nouvelles réflexions pour des constructions plus pérennes. Mais le projet des Grands Voisins tient également son caractère temporaire de son statut même d’occupation éphémère entre deux projets, celui de l’hôpital et celui du futur éco-quartier.

3.2 Occuper le temporaire des espaces en transition Le projet des Grands Voisins est issu d’une volonté d’optimiser les espaces urbains vacants. Aujourd’hui, en Île-de-France, plus de quatre millions de mètres carrés sont vides dont trois millions de bureaux obsolètes. Ce qui selon le site de Plateau Urbain représenterait l’équivalent de quarante quatre tours Montparnasse. Le nombre de friches urbaines et bâtiments inoccupés étant en constante augmentation. Et cela serait le fruit de diverses périodes de crises et de restructurations économiques. Depuis les années 1990, de nombreuses initiatives collectives ont tenté d’investir ces « creux urbains ». Comme nous l’avons évoqué dans la première partie, les espaces interstitielles constituent des appels à l’appropriation culturelle et artistique pour la ville. Mais qu’en est- il des bâtiments laissés à l’abandon? D’abord sous la forme du « squat », comme le mouvement des « jeudi noir », les bâtiments se sont vus être investis, pour revendiquer le nombre d’espaces inoccupés face au problème du mal-logement. Cette association a alors mis en place des actions d’occupation illégale pour la reconnaissance du droit au logement. Cependant le caractère illégal de leurs actions ne permet pas une réelle occupation digne. Prenant en compte ces problèmes de logements, la difficulté de développer certaines pratiques culturelles et artistiques, l’association Plateau Urbain a créeé une nouvelle dynamique urbaine, par l’occupation légal de ces espaces en transition.

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Présidé par Simon Laisney l’association Plateau urbain est une des trois associations qui supervisent le projet des Grands Voisins. L’association est composée par cinq membres permanents alliant des compétences multiples. Ce sont principalement des architectes et des urbanistes. Leur idée a été de tirer profit de ces espaces vacants et obsolètes, en créant un nouveau dialogue entre jeunes artistes, associations, entreprises d’un côté et propriétaires de l’autre. Aujourd’hui beaucoup de jeunes structures professionnelles n’arrivent pas à trouver d’espace libre, dû aux prix des loyers trop important. De l’autre coté, de nombreux propriétaires possèdent des espaces inoccupés. Plateau Urbain intervient alors pour créer un nouveau lien entre ces deux mondes qui ne se connaissent pas. « Inventer une sorte d’Airbnb de la vacance immobilière. Qu’occuper des espaces libres devienne légale, juste au prix des charges, en créant une boite à outil pour l’occupation éphémère ».34 Plateau Urbain instaure alors un nouveau langage dans la profession et se déclare travailler « comme un service public ». Occupant temporairement depuis quelques années des lieux pour une période donnée, allant de 1 jours à quelques années. Le projet des Grands Voisins, constitue alors pour l’association une des plus grandes occupations temporaires. Pour l’association, ce projet a la particularité d’être un espace en transition, c’est à dire que l’occupation temporaire ne dure qu’en attendant le début des futurs travaux du site. En effet, suite à la vente du site à la Mairie de Paris et en attendant la cession définitive pour le début des travaux, l’hôpital est devenu une occupation temporaire. En investissant l’hôpital, Plateau urbain a cherché à développer des activités liées à l’associatif, le culturel mais aussi à intégrer de d jeunes «startup ». Ces cohabitations permettent de faire se côtoyer des personnes travaillant dans divers domaines, permettant ainsi des opportunités de rencontres professionnelles et des possibles alliances. WPour les propriétaires de ces lieux , l’occupation temporaire 34. PLATEAU URBAIN. Vision. https://www.plateau-urbain.com

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permet de ne pas payer l’entretien et le gardiennage du lieu, car posséder des bâtiments vacants est très coûteux. Par ailleurs, ces occupations permettent d’animer un territoire, et évitent que les riverains ne se plaignent d’insécurité. Enfin, les propriétaires se réservent le droit de choisir les futurs locataires éphémères de leurs biens. Le travail de Plateau Urbain s’inscrit également dans une démarche de réanimation de certaines zones urbaines laissées inactives. En occupant certains lieux, comme à Ivry-sur-seine avec le projet « Nucleus », l’association a contribué à l’utilisation de cet ancien entrepôt de 1600m2 en aménageant des espaces pour des « start-up » du numérique, des artistes et artisans. Le site permet ainsi à la ville d’Ivry d’offrir à ses habitants de nouveaux espaces libres pour expérimenter d’autres manières de travailler. La programmation alternative que proposent les membres de l’association dans les sites qu’ils occupent repose alors sur une offre très mixte entre activités, vie associative et sociale, arts et culture. Pour ainsi le développer à plus grande échelle en Île-de-France, travaillant toujours sur les relations liées à un contexte territorial à valoriser. « La finalité poursuivie, sociale, écologique et économique, est de considérer la vacance comme une opportunité et de mieux utiliser l’existant, dans une logique de préservation et de valorisation des ressources urbaines. »34 D’autres collectifs ont aussi réalisé des occupations temporaires et se sont multipliés au cours des dernières années. Comme par exemple, le 6B à Saint-Ouen, ou la Cartonnerie à Saint-Étienne. Beaucoup y ont vu une opportunité dans la gestion transitoire pour se positionner dans l’interstice entre la désaffectation d’un site et sa réaffectation au cours du processus de transformation. Si les projets temporaires se multiplient, on peut constater qu’ils se concentrent pour la plupart dans les zones péri-centrales de la région parisienne. Les friches industrielles ayant pour la plupart fait l’objet de

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Autres lieux d’occupation temporaire en région parisienne

6B Gare des mines

Atelier Wonder

Ground control

Halle Papin

Grands Voisins

Collectifs Occupants

compétences

activités

statut

Durée

6B

Association 6B

Architectures, Urbanisme, Evénementiel

Atelier, locaux associatif, evénements, hebergement

Prêt à usage

Depuis 6 ans

Ground Control

La lune rousse, Allo Floride

Evénementiel

Evenements Commerces

Convention D’occupation précaire

6 mois

Halle Papin

Soukmachine

Graphisme, décoration, Spectacle

Evénements, ateliers d’artistes

Convention d’occupation précaire

1 an

Atelier Wonder

Atelier Wonder

Art contemporain

Convention d’occupation précaire

34 mois

Collectif MU

Art musicale, Arts, cinéma, Graphisme

Convention d’occupation précaire

5 mois

Gare des mines 82

Ateliers d’artistes, spectacles Restaurants, Soirées, concerts


réaménagements urbains, beaucoup d’espaces libres seraient toujours inoccupés. Pour les propriétaires, l’occupation temporaire de leur bien en augmenterait leur valeur. À travers l’image créée par le collectif qui occupe le site, le bien serait alors dynamisé. Les collectifs permettraient ainsi de créer une nouvelle visibilité au lieu. Si l’on prend l’exemple de la halle Papin à Pantin, le site désaffecté est devenu en peu de temps un nouveau lieu attractif, allant jusqu’à faire découvrir à de nombreux parisiens le territoire de Pantin. Le collectif Soukmachine a investi le site par des installations, aménagements temporaires, et animations. Ainsi le collectif cherche par ces événements à faire venir des populations extérieures au quartier concerné. Par ailleurs, les occupations temporaires sont de plus en plus médiatisées. Ce qui permet de contribuer à l’image positive de ce type d’occupation temporaire. Les sites proposant des offres culturelles et événementielles participent ainsi la production d’une image attractive. Cependant, en laissant les propriétaires choisirent les futurs occupants de leurs biens, ceux-ci peuvent se servir de cette image attractive que produit le collectif pour valoriser leurs biens. Selon la conférence organisée par la ville de Paris au pavillon de l’arsenal en mars 2016, certains propriétaires publics et privés commanditeraient « l’appel au travail gratuit des artistes pour valoriser un patrimoine »35. En prenant l’exemple d’une occupation temporaire commanditée par la SNCF, certains collectifs auraient revendiqué l’appel à projet de la société. Contestant la seule motivation de la SNCF, de se servir « gratuitement » de l’image attractive que produit l’événement de l’occupation. Plateau Urbain présent lors de la conférence, appelle les collectifs à prendre des précautions pour que le sens de leurs actions ne soit pas dévié à des fins commerciales. Enfin, les grands propriétaires en choisissant leurs futurs occupants, en excluent certains. L’émergence des occupations temporaires ne doit alors pas être seulement un « effet de mode » pour des promoteurs, mais bien plutôt une nouvelle dynamique pour la ville.

35.Meet-up urbanisme temporaire, Pavillon de l’arsenal, 24 novembre 2016

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CONCLUSION

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Les collectifs d’architectes sont inscrits dans un processus déjà initié comme nous l’avons vu, par d’autres mouvements et architectes comme le mouvement des Castors ou l’architecte Patrick Bouchain. Par leurs méthodes de conception du projet ils tentent de redéfinir le métier de l’architecte. Par des démarches activistes, passant par l’expérimentation de leur projet à petite échelle, ils formulent de nouvelles manières de faire l’architecture. Nous avons pu voir à travers l’étude de leurs fonctionnements qu’ils expérimentent de nouvelles organisations, plus égalitaires et horizontales. Ils ont aussi trouvé leur force dans la pluridisciplinarité de leurs membres, en s’alliant à des collaborateurs variés, apportant d’autres dimensions au travail de l’architecte. Leurs méthodes d’action soulèvent des réflexions sur la pratique et la conception de l’espace public. En instaurant des chantiers ouverts et participatifs, les collectifs d’architectes cherchent à revaloriser des démarches de production collective avec les habitants ou usagers d’un quartier. En jouant sur la convivialité d’un chantier, la rencontre et l’échange, les collectifs cherchent avant tout à donner la capacité à chacun de s’impliquer dans la ville. C’est pourquoi leurs travaux s’inscrivent toujours dans une petite échelle territoriale localisée, leur permettant ainsi de tisser des liens et de comprendre l’identité du territoire. Ces dernières années, les collectifs d’architectes s’organisent de plus en plus en réseaux, cherchant à partager et à débattre à propos de leurs actions mutuelles. On peut citer l’exemple de la plateforme Hyperville, qui recense, produit et partage de la documentation sur les collectifs d’architectes depuis octobre 2015. A l’initiative du collectif ETC, cette plateforme produit des ouvrages et articles sur les pratiques collectives de la ville. Le collectif organise aussi de nombreuses conférences et workshop pour que les collectifs se rencontrent et partagent leurs expériences, afin de construire ensemble de nouvelles théories sur la fabrique de la ville.36 Le mouvement des collectifs d’architectes se développe aussi à l’étranger. On peut citer le collectif Basurama asociaciòn à Madrid ou Raumlabor à Berlin, 36.HYPERVILLE. À propos.http://www.hyperville.fr/

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qui pratiquent les mêmes méthodes d’actions que les collectifs français. La mise en réseau des pratiques urbaines de ces collectifs permet ainsi de créer de nouvelles collaborations internationales. On peut aussi constater que de nouvelles stratégies commencent à émerger, pour parvenir à un ancrage dans un territoire à plus long terme. Dernièrement le collectif Yes we camp a gagné un concours appelé « les Groues ». Leur travail sera de concevoir de futurs aménagements sur le territoire de Nanterre, en collaborant avec des promoteurs sur plusieurs parcelles. Ce projet s’inscrira alors dans un travail à plus long terme conciliant l’architecture classique et les collectifs d’architectes. Yes we camp sera alors amené à tisser des liens avec les habitantes et acteurs locaux de Nanterre. 37 Une nouvelle voie est donc en cours d’être expérimentée pour inventer de nouvelles procédures dans la fabrication de la ville. Enfin, à travers l’étude sur les Grands Voisins, nous avons pu voir que le projet innove dans de nombreux domaines. L’occupation de l’ancien hôpital représente aujourd’hui un véritable écosystème tourné autour de la notion de biens communs. Les résidents du site ont expérimenté la notion du « vivre-ensemble » à travers des règles basées sur la mixité, la solidarité et le partage des ressources qu’ils produisent. Un véritable village est né, organisé autour d’un cadre démocratique et participatif. La composante du temporaire a alors soulevé de nombreuses réflexions et apparait comme une nouvelle manière de concevoir la ville en partant de l’existant. En occupant des espaces vacants temporairement, Plateau urbain propose ainsi une nouvelle dynamique au sein de la ville.

37. ABCD-CULTURE. EPADESA Aménagement du site des groues. http://www.abcd-culture.com/epadesa-amenagement-du-site-des-groues/

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BIBLIOGRAPHIE Ouvrages

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Conférence Meet-up urbanisme temporaire. Pavillon de l’arsenal. Paris, 24 novembre 2016 Modèle/ contre modèle, avec le collectif Bellastock et plateau urbain. L’école spéciale d’architecture. Paris 19 mai 2016 Site internet ASSISTANT JURIDIQUE.Pour une association loi 1901. http:// www.assistant-juridique.fr/but_non_lucratif_association.jsp ABCD-CULTURE. EPADESA Aménagement du site des groues.http://www.abcd-culture.com/epadesa-amenagement-du-site-des-groues/ BRUIT DU FRIGO. Le projet. http://www.bruitdufrigo.com/index. php?id=59 DARRIEUS Margaux, les collectifs d’architectes, http://collectifetc.com/wp-content/uploads/Presse/Collectif_Etc_2014-04_ AMC.pdf HANNOUN Vincent.rapport de fin d’études, https://issuu.com/ camping2013/docs/pfe_ywc_vincent_hannounweb HYPERVILLE. À propos.http://www.hyperville.fr/ LEGIFRANCE. Décret n° 78-266. www.legifrance.gouv.fr LINTERNAUTE. Association à but non lucratif. http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/association-a-but-non-lucratif/ METROPOLE RENNES.L’université foraine. http://metropole. rennes.fr/l-universite-foraine/ METROPOLITIQUES. Choisir ses occupants. https://www.metropolitiques.eu/Choisir-ses-occupants.html MILLA Vincent. La rue nous appartient. http://baobab-be. blogspot.fr/2011_11_01_archive.html MINISTERE DU TRAVAIL. Contrat d’accompagnement dans l’emploi. http://travail-emploi.gouv.fr/emploi/insertion-dans-l-emploi/contrats-aides/cui-cae PLATEAU URBAIN. Vision. https://www.plateau-urbain.com STRABIC,collectif etc, http://strabic.fr/Collectif-ETC YES WE CAMP. Présentation. https://yeswecamp.org/

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ANNEXES

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ENTRETIEN AVEC LOIC JULIENNE L’entretien s’est déroulé dans les bureaux de l’agence Construire, le mardi 3 mai 2016. Flore Godlewski : Tout d’abord je souhaiterai connaître la démarche générale de votre agence, et comment s’est faite votre collaboration avec Patrick Bouchain ? Loïc Julienne : Patrick n’était pas inscrit à l’ordre des architectes et comme j’y étais inscrit, même si je ne payais pas mes cotisations, c’est moi qui pouvais signer pour le permis de construire. Notre collaboration est née un peu du hasard. On a pris des locaux ensemble il y a 30 ans maintenant, pour partager une surface commune. Et puis on a commencé à travailler ensemble, puis de plus en plus, pour venir travailler ici tout les deux. On va dire que c’est une démarche qui s’est construite petit à petit. C’est difficile de dire quand est ce que l’on a commencé à exercer de manière différente. Je pense qu’on a toujours été un peu différent mais c’est venu avec le temps, c’est un processus lent. FG : Est ce que depuis le début, vous aviez cette volonté de construire de manière participative, de repositionner l’humain au cœur de vos projets ? LJ : Non, tout s’est fait de manière progressive. On peut considéré que le chantier est le moment le plus important du projet. Le chantier est un moment non pas d’exécution de ce qui a été dessiné mais un moment d’interprétation par des ouvriers de ce qui a été conçu. Le chantier c’est plus de la moitié du projet pour nous. Le projet change sans arrêt pendant le chantier. On accepte les changements et même on les anticipe. On fait bouger le projet pendant le chantier, et on construit toujours pour quelqu’un. Ça c’est une règle qu’on s’est fixé depuis longtemps. Il y a beaucoup de projets qui sont conçu sans qu’on sache pour qui il va être construit. Par exemple quand on fait une médiathèque, le directeur n’est pas encore choisi. Nous, on travaille toujours quand on sait qui va habiter dedans. Donc on change le projet pendant le chantier pour écouter les remarques

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de l’utilisateur et on change le projet parce que les entreprises et les ouvriers ne savent pas forcement faire les choses telles qu’on les a dessinées. On peut ainsi suggérer d’autres manières de faire pendant le chantier. Donc on bouge sans arrêt. Ensuite il y a des choses qui se sont développées plus tard, comme dire que le chantier est un acte culturel, ou dire que les chantiers sont ouverts au public, ou encore le fait d’habiter le chantier. FG : Comme pour le projet de la biennale de Venise ? LJ : oui par exemple mais aussi comme de nombreux autres projets. Cela s’est fait de manière quasiment systématique. FG : Le fait de vivre au sein du chantier ? LJ : oui tout a fait. Cela permet d’être en permanence sur le chantier. D’être d’une part à l’écoute des évolutions du projet en cours de réalisation et aussi de permettre une meilleure relation entre les entreprises. D’une part la maîtrise d’œuvre, d’autre part l’utilisateur qui en général, est présent sur le chantier. Ainsi que le public qui investit le chantier. Si on n’était pas là en permanence on ne pourrait pas faire cette synthèse entre toutes ces choses. FG : Le public qui vient en général, c’est qui ? LJ : Les gens du quartier, et les scolaires en général. FG : Arrivent ils à avoir un impact sur le projet ? LJ : Ça dépend du projet si tu veux, les chantiers qu’on ouvre au public par exemple lorsqu’il s’agit d’un équipement culturelle s’adresse au public. C’est à eux de s’approprier le bâtiment au fur et à mesure de sa construction. Donc c’est une façon d’intégrer le chantier à la vie de la cité. Pour des projets par exemple d’habitat, comme on fait le projet et le chantier avec les habitants, le projet évolue avec eux.

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FG : Je souhaitais aborder avec vous la question du programme dans vos projets ? Notamment avec le projet du lieu unique à Nantes qui s’est voulu assez libre dans son programme. LJ : C’est toujours très compliqué, quand on répond à un appel d’offre. En général il y a un programme qui a déjà été écrit. Le programme c’est toujours une catastrophe. Il est écrit par un programmiste qui ne fait qu’écrire des programmes et qui applique des schémas et des standards. Il écoute les désirs de tout le monde, les utilisateurs, et les maîtres d’ouvrages. C’est une addition de tout ça, et c’est carrément indigeste et souvent absurde. Donc par exemple pour le lieu unique on a quasiment jeté le programme à la poubelle. Une fois qu’on a gagné le concours on a demandé au directeur du lieu unique de nous écrire comme un récit, comment il voyait son lieu et c’est à partir de son récit que l’on a refait le projet. On a gagné le concours plutôt en racontant la méthode, plutôt qu’en racontant des plans. On avait fait des plans qui ne respectaient pas le programme justement, donc le jury dans un premier temps nous déclaré hors concours. C’était un projet qui devait se faire en deux phases, pour des questions financières. Et nous, on a dit que pour le montant de la première phase on pouvait tout faire. Mais ce qu’on a fait ne ressemblait pas du tout au programme initial. Ça c’est l’inconvénient des concours. En général quand il y a un concours il y a un programme et le programme est toujours absurde, donc on lutte un peu pour pouvoir le changer. Il y a des projets qu’on a gagné sur une procédure qui existait il y a un moment, qui s’appelait le marché de définition. C’est à dire au lieu de faire un concours quand le bâtiment à réaliser n’était pas suffisamment aboutit en terme de réflexion, et que le programme était difficile à écrire, le maître d’ouvrage lançait une consultation. Il prenait entre trois à six équipes de maîtres d’œuvres et tous travaillaient avec le maître d’ouvrage et l’utilisateur à la définition du programme. Cela ouvrait complètement le dialogue. Ça durait entre deux à trois mois et au bout de trois mois le programme était finalisé et cela créait une bonne entente entre tout le monde. Ensuite il y avait une phase où chaque

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maître d’œuvre faisait un projet conforme au programme qui avait été définit tous ensemble. Ça c’était très intéressant. Et cette procédure permettait, ce qui n ‘est plus le cas dans le cadre des concours, d’avoir un rapport oral et de pouvoir raconter une histoire. Ce qui est plus intéressant que lorsque l’on rend un projet de manière anonyme. On va dire que le projet qu’on a fait à Roubaix et celui de Chanel à calais ont été des marchés de définitions ou c’était plus ouvert. Après cela, on a essayé d’éviter les concours car on se rend compte que notre méthode est difficile à raconter, difficile à comprendre, que les gens n’ont pas l’habitude qu’on leur raconte comme ça. Quand on répond à un concours à l’aveugle on est toujours éliminé parce que les gens ne comprennent pas ce qu’on leur raconte. FG : Je souhaitais maintenant aborder le projet du Pompidou mobile, cette volonté de démocratiser l’art. Comment est né ce projet ? Comment il a fonctionné ? LJ : C’était tout d’abord la volonté du président du centre Pompidou d’envoyer des chefs-d’œuvre d’art originaux en province et de les faire se déplacer tout en gardant l’identité du centre Pompidou. Donc la question a été, comment faire bouger un musée dans des conditions de sécurité et conservation des œuvres ? Car c’était des chefs-d’œuvre du musée avec des conditions d’hydrométries et d’éclairages très complexe. On a proposé un système de tente, des petits chapiteaux qui s’assemblaient différemment selon les endroits où on était implanté. On a crée ces petits modules, car c’est très compliqué d’assembler un chapiteau sur un terrain si on était un peu en pente. C’est plus facile d’assembler trois petits éléments plutôt qu’on gros chapiteau. On est arrivé à cette idée assez simple que le chapiteau était une enveloppe, une double membrane avec de l’air qui était soufflé entre les deux peaux. De l’air rafraîchit en été et de l’air chaud en hiver pour donner un confort thermique général aux visiteurs. Dans les chapiteaux où il y avait les œuvres on ne pouvait pas parler d’hydrométrie, ni de sécurité, ni d’éclairage. Donc on a construit dans le chapiteau une cimaise dans laquelle on a mis les œuvres, derrière des vitres.

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Ce qui a été un très grand débat, car c’était très compliqué à mettre en œuvre. Comme souvent les œuvres étaient protégées par des vitres comme la Joconde au Louvre, où il y a une vitre anti reflet. On est alors arrivé à les convaincre qu’on pouvait mettre des vitres. Du coup ces œuvres mises sous vitres étaient complément maîtrisées thermiquement, hydrométriquement et en terme de sécurité. L’éclairage était disposé dans la cimaise, on ne voyait jamais l’éclairage reflété sur la vitre. Du coup le centre Pompidou s’est rendu compte que les œuvres n’avaient jamais été si bien éclairées et si bien montrées. Ça révélait les couleurs beaucoup mieux, il n’y avait jamais de reflets. Ça les a même amenés à réfléchir à la scénographie du musée, et peut être cela va les amener à adopter notre système mise en place par le Pompidou mobile. Comme quoi parfois la mobilité peut amener à changer les choses de manière inattendue. C’était une très belle expérience. FG : Comment cela s’est passé avec le public ? LJ : Très bien, le projet a duré trois ans. Et ça a marché au delà de leur espoir en terme de fréquentation, avec des retours extrêmement positifs. Il y avait des gens qui n’avaient jamais vu d’œuvre d’art original et qui ont été enthousiastes de les voir. A cela s’ajoute une grande action au niveau des scolaires. Tout était entièrement limité, on avait entre 12 et 15 œuvres, c’était calculé par les encadrants pédagogiques du centre Pompidou considérant que l’on pouvait raconter une histoire sur 15 œuvres et que au delà ce n’était plus possible. On visait un public qui n‘était pas suffisamment sensibilisé pour pouvoir tenir l’attention plus longtemps. FG : Quelles villes ont été visées ? LJ : Plutôt moyenne. Comme Chaumont en champagne, c’est une ville où il n’y a rien. Après on est allés à Arras, Boulogne-surMer, puis près de Bordeaux, au Havre, Enfin près de Marseille. Il y a eu trois saisons avec des thèmes différents. La première, c’était la couleur, la deuxième le rond et le carré, et la troisième

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je ne me rappel plus (rire). FG : Je souhaiterai évoquer la couleur dans vos projets, que j’ai trouvé très présente. LJ : La couleur pour nous est importante, surtout lorsque l’on fait des constructions un peu foraine comme pour le Pompidou mobile. C’est bien qu’elle détonne un peu dans l’espace public, qu’elle réveille un quartier. Mais pas seulement, par exemple pour un projet de maison existante de rénovation avec des habitants de Boulogne-sur-Mer, on a fait un atelier avec les habitants sur le choix des couleurs pour leurs maisons. Concernant leurs volets mais aussi leurs toitures. C’est amusant, on leur a proposé des couleurs assez vives et pétantes et ça a marché et ils se les ont appropriées. C’était alors une explosion de couleurs incroyable et chaque maisons avaient des couleurs différentes. Donc oui pour nous la couleur c’est très important. On pense par contre que pour l’intérieur il faut que ce soit assez sobre, et même que ce ne soit pas fini. Car on pense que c’est mieux si l’utilisateur finit lui même. FG : Je voulais ensuite connaître la démarche du projet de la baignade flottante ? LJ : Ça c’est un projet assez marrant. C’est Ségolène Royal qui se rendait compte lorsqu’elle allait dans des petites communes où il y avaient des petits projets, que les structures de maîtrises d’ouvrages de la région étaient trop lourdes pour gérer ces projets. La région gère les lycées, les collèges et souvent se retrouve avec des questions de la part de petites communes et personne ne sait comment répondre. Donc on lui a proposé de faire un atelier de campagne qui serait une roulotte itinérante qui irait dans toutes les petites villes et villages. L’idée était de réaliser un projet dans une durée très courte. On en a fait plusieurs dont la baignade flottante. Pour ce projet, le sujet était terrible car c’était une petite commune qui avait un plan d’eau, et qui y avait développé une petite activité touristique. Il y avait un restaurant, un camping et tout les été c’était plein. Il y avait

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beaucoup de monde qui venaient se baigner dans le plan d’eau. Et la préfecture, une année a décrété que le plan d’eau était inapte à la baignade. Car il y a une règle sur la turbidité de l’eau, si l’eau est trop trouble, si on ne voit pas à plus d’un mètre sous l’eau, la baignade est considérée comme dangereuse. Donc l’eau n’était pas mauvaise mais trop trouble. Donc on a proposé de réaliser ces bassins flottants. Le principe était d’avoir des pontons flottants avec des filets pour que personne ne tombe dans le bassin principal. Sous ces pontons il y a un filet qui était placé à 1 mètre de profondeur et qui permettait aux gens de pouvoir nager. Ainsi on restait dans les normes puisque les filets se trouvaient à 1 mètre sous l’eau. Il y avait 4 bassins, Un principal et 3 petits circulaires de profondeurs différents, dont une pataugeoire pour les enfants. Ça marchait très bien, c’était génial. Il y avait aussi un ponton pour les vestiaires. On en a aussi profité pour replanter les berges, remettre des plantes et roseaux pour consolider les berges. FG : Le rapport à la mobilité et l’éphémère, vous le voyez comment dans vos projets ? LG : Il y a deux choses par rapport à l’éphémère. Il y a tout d’abord les structures mobiles, qui s’installent pour un temps sur un lieu, ce qui est pour nous fondamentale et qui disparaît malheureusement. Ça permet une nouvelle lecture de l’espace public, ça fait redécouvrir autrement l’espace public et des zones qui sont en transformations, par exemple dans les friches. On pense que l’architecture mobile révèle et réenchante les lieux et qu’elle est contrairement à ce que l’on peut dire beaucoup plus écologique que tout le reste. On entend dire qu’un chapiteau ce n’est pas écologique, il faut le chauffer en hiver. Oui, mais quand on construit une salle de spectacle en dure on ne compte pas toute l’énergie grise qui est mise en place pour un chantier. Surtout qu’il n’y a pas besoin de lieux en durs pour faire des spectacles dans des communes où il n’y a que trente jours par an de spectacles. Il y a un complexe de la mobilité par rapport à l’énergie, alors que c’est une fausse question. Ensuite l’autre mobilité c’est dans les bâtiments pérennes qui

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changent d’affectations au cours du temps. Il faut arrêter de démolir, juste changer l’usage des bâtiments. Comme par exemple pour le lieu unique. Tout peut sans arrêt changer. Comme pour les centres commerciaux, un jour ils deviendront des lieux de cultures ou des lieux d’habitats. Il y a une mobilité des usages dans les bâtiments existants qui est aussi importante. Après il y a ce que l’on appelle « acte culturel ». On se sert souvent de nos chantiers pour y programmer des actes culturels, artistiques ou autres. Il y a d’une part, ce que l’on a appelé les 1/100, sur lesquelles on associe des artistes. Mais très en amont et on ne fait pas que des 1/100 artistique on fait aussi des 1/100 sociaux, où scientifique. On considère que chaque chantier est un lieu qui doit permettre à d’autres gens de s’exprimer, et d’apporter quelque chose à la démarche en cours. On va dire que le projet qu’on a le plus abouti dans cette pensée est le projet du Chanel à Calais. On a fait presque 15/100 artistique, on a donné 15/100 de budget de travaux. On a donné 13/100 à l’artiste François Delarozière, qui fabrique les machines pour Royal Deluxe. Il a construit des parties de bâtiments, plusieurs éléments dont des poignées de portes. On a ensuite donné environ 1/100 à une artiste botaniste, puis 1/100 à un artiste plasticien. On a aussi donné 1/100 à une école d’architecture, plutôt trois élèves d’une école d’architecture qui ont élaboré un bâtiment. Ensuite, pour le lieu unique on a fait des 1/100 d’échanges avec l’Afrique. Ça tombait au moment de l’abolition de l’esclavage. Nantes était une plaque tournante de l’esclavage, on a donc travaillé avec le Mali puis plusieurs artistes africains. Sur Calais, comme c’était une scène nationale, on est allé beaucoup plus loin. On a proposé pendant le temps des travaux, non pas de programmer hors les murs, mais de programmer pendant chantier. C’est à dire que le chantier serait une saison de la scène nationale de Calais. Pendant tout le temps du chantier on a construit une baraque de chantier. Ce qu’on applique toujours maintenant. C’est plus qu’un lieu pour les réunions de chantier, c’est un lieu public dans lequel il peut se passer plein de choses. A Calais c’était à la fois un restaurant, un bar, un lieu pour des spectacles, un lieu où l’on montrait la maquette du projet. C’était aussi le lieu à partir duquel on pouvait visiter le chantier. C’était la base pour

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tous les artistes qui faisaient des créations dans le chantier, du théâtre, de la danse, des installations éphémères, etc. Pour ainsi faire le lien entre l’art, la culture et l’espace urbain. FG : Quel est votre vision de l’espace public? Et sa possible réappropriation ? LJ : Nous on ne sait pas quelle est la limite entre l’espace public et l’espace privé. C’est pour ça qu’on fait des chantiers ouverts au public. Moi je préfère les gens qui s’approprient l’espace public par leurs gestes. Les gens qui font du parcours, moi je suis fasciné par ça, c’est une façon de s’approprier l’espace public sans rien faire en l’utilisant tel qu’il est. Et du coup en le révélant par la façon de le parcourir. Je suis plus fasciné par ça que par des installations éphémères. Elles sont intéressantes parce qu’elles révèlent un espace, un peu comme le chapiteau, et font prendre conscience de l’espace publique. Mais elles ne sont pas autosuffisantes. Quand un chapiteau s’installe c’est pour montrer un spectacle, donc le chapiteau fait des événements, et à l’intérieur il se passe quelque chose.Donc souvent les interventions des collectifs sur l’espace publique marche un peu en circuit fermé, n’invite pas suffisamment le public à participer. Parfois ça marche, parfois ça marche pas.

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REMERCIEMENTS

Je tiens particulièrement à remercier l’équipe de Yes we camp, pour son accueil, sa bienveillance, son écoute et qui m’ont permis d’élargir mes réflexions sur les nouvelles fabriques de la ville. Je tiens aussi à remercier Yves Kneuse, mon directeur de mémoire, pour ses conseils et son accompagnement tout au long des étapes de ce mémoire. Enfin je remercie Claire Delaveaux pour m’avoir aider à clarifier mes idées, et pour ses encouragements.

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Mémoire master 2 - ENSAPLV - 2016-2017 - Flore Godlewski


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