Figaro histoire - Napoléon

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LE FILM

Hitler avait fait entreposer les œuvres qui devaient constituer le fonds de son Führermuseum mort-né. Quant à la tentative des nazis de faire sauter la mine à l’approche des Alliés, elle a heureusement échoué. Jusqu’en 1951, les Monuments Men vont se consacrer à la restitution des œuvres. Celles des musées de Berlin sont rendues à l’Etat allemand. L’Agneau mystique regagne la Belgique par avion spécial. En France, la commission de récupération artistique (CRA) est créée le 24 novembre 1944 et Rose Valland en est nommée secrétaire, chargée de retrouver, à Berlin, la trace des objets qu’elle avait patiemment suivis pendant l’Occupation. A la dissolution de la commission, en septembre 1949, près de 61000 œuvres auront été

quoique bienvenues. La faute à un casting de stars (Matt Damon, Bill Murray, Cate Blanchett, Hugh Bonneville de Downton Abbey) où chacun se contente le plus souvent d’être lui-même, la palme revenant à Jean Dujardin dans le rôle mineur du Frenchie de service (Jean-Claude Clermont, sic). Privés d’une réelle épaisseur, les personnages peinent à nous faire comprendre la puissance du ressort qui les a poussés à risquer leur vie en Europe, au nom de l’art et d’une certaine conception de l’humanité. Si l’hommage à ces hommes de chair et de sang atteint malgré tout sa cible, il remplit aussi parfaitement sa mission de chanter à bon compte les louanges d’une Amérique sauveuse du monde, au prix d’un manichéisme inutile. Pourquoi imaginer les nazis brûlant au lanceflammes le Portrait de jeune homme par Raphaël ? Cette œuvre fameuse, pillée au musée de Cracovie par le gouverneur général de la Pologne, Hans Frank, disparut de son domicile en 1945 et n’a jamais été retrouvée depuis. Rien ne permet pour autant de croire qu’elle ait été volontairement détruite. Quantité d’objets d’art disparurent dans le pillage du musée de Bagdad en 2003. Quoique avertie, l’armée américaine ne jugea pas nécessaire de sauver ces trésors, moins connus mais tout aussi inestimables. Un bon scénario pour un prochain film ? GC

récupérées sur les 100 000 estimées volées en France, et 45 000 auront été rendues à leurs propriétaires ou à leurs ayants droit. Parmi les quelque 16 000 œuvres non réclamées, 2000 sont confiées à cinquantesept musées sous le nom de MNR (Musées nationaux récupération). Les 14000 restantes sont vendues aux enchères. Œuvres non réclamées et perdues ouvrent alors un second chapitre des pillages de Hitler. Comme le montre en effet l’enquête Le Musée disparu du journaliste Hector Feliciano, les musées n’ont pas fait de zèle pour retrouver les propriétaires et ont même traîné les pieds pour rendre publique la liste des œuvres MNR, dont ils ne sont pourtant que les «détenteurs précaires». La Femme en rouge et vert de Fernand Léger ne revint

ainsi aux héritiers de Paul Rosenberg qu’en 2003. Au palais de l’Elysée, le buste dit de Mme de Pompadour, attribué à Pigalle, attend toujours son propriétaire. Si, des 2143 objets estampillés MNR, tous ne sont pas le fruit de pillages, 163 ont été identifiés comme «spoliés avec certitude». C’est pour donner une nouvelle impulsion à l’identification de leur provenance qu’un rapport en neuf propositions a été présenté à la commission de la culture du Sénat le 30 janvier 2013. Mais c’est surtout la très récente affaire Gurlitt, devenue véritable feuilleton, qui a remis sur le devant de la scène l’actualité des pillages nazis. La découverte, rendue publique en novembre 2013, de 1406 tableaux chez ce discret octogénaire de Munich a fait

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Bien sûr, on suit avec une certaine jubilation ces commandos américains très spéciaux volant au secours des monuments de l’Europe en pleine tourmente et la chasse au trésor à laquelle ils se livrent à peine débarqués. Le spectateur leur emboîte volontiers le pas lorsqu’il découvre avec eux l’ampleur des pillages nazis, entreposés au musée du Jeu de paume ou dans la mine de sel de Heilbronn. Des cavernes d’Ali Baba dont la reconstitution suggestive est le point fort de Monuments Men. Là où le bât blesse, c’est d’abord dans le genre même du film. George Clooney avoue avoir voulu rendre hommage aux épopées guerrières de son enfance, des Canons de Navarone à La Grande Evasion. Ici, pourtant, la fusion entre aventure et comédie n’opère pas. Certes, on rit parfois de bon cœur. Mais en voulant souligner à tout prix par une série de gags que ces Monuments Men qui combattaient sous l’uniforme n’étaient pas de véritables soldats, Clooney tire fatalement son film du côté de La Septième Compagnie plus que des Douze Salopards. De là, aucune véritable tension ne se dégage de ces aventures pourtant peu ordinaires. L’autre écueil où il s’échoue tient à une réflexion trop superficielle sur le rôle, le sens et la portée de l’art, qui repose à peu près entièrement sur une paire de citations lyriques


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