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IL Y A JARDIN ET JARDIN
Il semble à peu près inconcevable de trouver deux jardins identiques. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les jardins d’un lotissement. Ils auront beau avoir la même superficie et la même forme, tous seront différents. Que dire alors du jardin d’un chalet pyrénéen, de celui d’une longère bretonne ou du jardin entourant un mas provençal! D’un point de vue naturaliste et ornithologique, cette disparité fait qu’il est très délicat de parler « du » jardin et de « ses » oiseaux. Il est en revanche relativement facile de donner des indications sur les jardins qui attirent les oiseaux et ceux qui ne leur plaisent que peu ou pas du tout.
LES JARDINS REPOUSSOIRS
Commençons par le cas des jardins qui ne conviennent pas aux oiseaux . De façon schématique, la hantise de ces derniers est faite d’un mélange de pelouses semblables à des moquettes vertes, d’arbres et d’arbustes – souvent non indigènes – n’offrant aucun intérêt aux porteurs de plumes, de haies semblables à des murs végétaux . Si l’on ajoute peu de buissons, une absence presque complète de végétaux nourriciers et un usage soutenu de produits loin d’être « bio », on aura brossé à grands traits le portrait du jardin repoussoir…
UNE VISION D’ENSEMBLE
S’il est vrai que l’ennui est né de l’uniformité, il est également exact que celle-ci n’est pas faite pour plaire aux oiseaux . Même dans un jardin aux dimensions modestes, il est possible d’apporter de la variété écologique en installant ce que l’on pourrait appeler des « micro-milieux » . Un bosquet de noisetiers, une charmille, un roncier contrôlé, une pelouse rase et une zone herbeuse laissée plus libre peuvent ainsi former un intéressant puzzle de nature à plaire à des oiseaux d’espèces diverses . Un exemple comme celui-ci illustre la nécessité de concevoir le plan du jardin comme un ensemble à la fois raisonné et cohérent . En d’autres termes, des initiatives isolées, un arbre par-ci, un buisson par-là, ne permettront pas d’atteindre un résultat aussi satisfaisant . En revanche, en présence d’un jardin ancien déjà installé, il est possible de procéder par touches successives, en gardant à l’esprit un objectif final déterminé .
DU CÔTÉ DES PLANTATIONS
Une fois le plan d’ensemble arrêté, il est recommandé de commencer par la mise en place de son ossature, c’est-à-dire par le choix et l’implantation des arbres et des arbustes . Certains arbres (voir pp . 13-16) conviennent tout particulièrement aux oiseaux, pour des raisons allant de la nourriture à la nidification . Ils auront évidemment la priorité . Quelle qu’en soit la raison (exposition, nature du sol, taille du jardin…), on pourra se tourner vers des essences un peu moins indiquées, mais on évitera en tout cas celles qui n’offrent aucun intérêt pour les oiseaux . La même démarche s’applique au choix des arbustes (voir pp . 17-19) . Le cadre général étant ainsi défini, il reste à le compléter par les buissons et les plantes grimpantes (voir pp . 17-19) .
UNE AFFAIRE DE CHOIX PERSONNEL
Vouloir s’entourer d’oiseaux dans son jardin et apprécier leur présence est parfaitement légitime, et c’est là une conception partagée par des millions de personnes. Toutefois, les vrais passionnés, prêts à bien des concessions pour favoriser les oiseaux du jardin, demeurent une toute petite minorité. Sans atteindre un tel degré d’engagement, il est possible de respecter un ensemble de façons de faire qui, sans être trop contraignantes, permettent d’augmenter sensiblement les conditions d’accueil des oiseaux au jardin.
L’ENTRETIEN
Là encore, il s’agit d’une question de choix personnel . Nombreux sont les jardiniers qui répugnent à laisser une certaine liberté aux végétaux . Pourtant, les jardins les moins léchés sont aussi ceux qui attirent et retiennent le mieux les oiseaux . Sans aller jusqu’à une quasi-absence d’intervention, on peut se contenter d’un contrôle discret . Quoi qu’il arrive, évitez de réaliser les opérations d’entretien en théorie les plus dommageables au printemps et en début d’été . Les tailles de haies, les élagages d’arbres ou le fauchage des herbes hautes devraient ainsi être différés autant que faire se peut jusqu’à ce que les nichées se soient envolées . Toujours dans le domaine de l’entretien, la question des feuilles mortes mérite que l’on s’y attarde . En laisser subsister sous les arbres ou les arbustes dans certaines parties du jardin, afin qu’elles s’y décomposent naturellement, c’est offrir aux merles, aux grives, aux rougegorges ou bien encore aux accenteurs la possibilité de disposer de toute une petite faune d’invertébrés, précieuse pour contribuer à la subsistance lors la mauvaise saison .
Quelques zones périphériques de pelouse à tonte différée ajouteraient de l’intérêt à ce jardin.
LE JARDIN IDÉAL
Pour finir, offrons-nous le plaisir de décrire le jardin le plus compatible avec les exigences biologiques et comportementales des oiseaux . Ses essences ont pour la plupart été choisies en fonction de leur intérêt pour les oiseaux . Les arbres ne sont pas tous du même âge, ce qui permet de satisfaire un plus grand éventail d’espèces . Quelques-uns sont dépérissants ou morts (si, bien sûr, la sécurité n’est pas compromise), ce qui plaît beaucoup aux pics, aux sittelles et autres mésanges, et facilite grandement l’observation de tout oiseau qui choisit de s’y percher! Des haies mixtes bien fournies sont en place, de même que des plantes grimpantes: toutes garantissent un refuge, de confortables emplacements pour les nids et un appoint alimentaire le moment venu . La végétation herbacée d’une partie au moins du jardin a été laissée en place pour le plus grand bonheur des chardonnerets, des pinsons ou des moineaux . Si toutes les conditions évoquées ont été respectées, la présence de mangeoires, d’abreuvoirs et de nichoirs n’est pas obligatoire, mais elle offrira la possibilité de belles observations!
UNE RESPONSABILITÉ
Favoriser la présence des oiseaux est une excellente chose, mais cela signifie que l’on a dès lors des obligations morales à leur égard. Il semble en effet inconcevable de les attirer pour, ensuite, ne pas prendre les mesures nécessaires pour ne pas leur porter tort. Par exemple, il serait illogique de laisser pousser un rideau de lierre pour favoriser certains nicheurs, puis de décider une taille sévère pour des raisonsesthétiques.