Sauvons le climat !

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SAUVONS CLIMAT ! LE

Les 10 actions pour entrer en résistance climatique !

Tu as fait des progrès étonnants. Tu es capable de faire des choses incroyables, maintenant ! Tu sais, ton prochain grand défi, c’est l’autolimitation. Il y a des choses que tu pourrais faire mais que tu choisiras de ne pas faire. Tu ne les feras pas, parce que tu sais que ce n’est pas bien de les faire. C’est très important et c’est difficile. Tu comprends ?

Tu vois, mon bonhomme, je suis en train d’écrire un livre exactement là-dessus pour les grandes personnes.

Je dédie ce livre à mon fils Solann, qui est maintenant capable de déplacer les chaises pour grimper et atteindre tout ce qu’on avait mis hors de sa portée dans la maison. Je vais tenter de lui apprendre à ne pas déverser l’huile d’olive par terre et le CO2 dans l’atmosphère. Avec toute la joie et l’espoir qu’il allume en moi.

Et aussi à tous ceux qui vivent sans route, sans télé, sans électricité.

Aux enfants nus, à ces millions d’êtres qui ont quitté tout ce qu’ils ont connu. Tous, tous espèrent, malgré eux, malgré tout.

© 2019, Rustica Éditions, Paris

Dépôt légal : avril 2019

ISBN : 978-2-8153-1409-1

N° d’éditeur : RU0105 (R19058)

www.rustica.fr

PRÉFACE

Le réchauffement climatique, désormais sans équivoque, est largement lié à nos activités à travers l’augmentation de l’effet de serre, et les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris nous mettent sur une trajectoire d’un réchauffement supérieur à 3° C à horizon 2100, avec des conséquences importantes quel que soit le type d’impact considéré. Chaque demi-degré compte, comme l’illustre le rapport du GIEC adopté début octobre 2018 : un climat à +2° C, ce sont, par rapport à +1,5° C, des événements extrêmes plus intenses, une montée du niveau de la mer plus importante, une perte de biodiversité et des risques d’extinctions multipliés par 2, la disparition annoncée des récifs de coraux tropicaux et une chute plus importante des rendements des principales cultures et du tonnage des pêcheries. Il y a donc des avantages indéniables à limiter le réchauffement à 1,5° C – par rapport à 2° C ou plus – mais cela implique de diviser par 2 les émissions mondiales de CO2 d’ici 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050, objectif désormais adopté par notre pays dans le cadre de la loi sur la transition énergétique.

Cela n’est pas impossible, mais demanderait des transitions sans précédent dans tous les aspects de la société. État, collectivités, entreprises, médias, système éducatif, ONG… tous ont un rôle important à jouer, mais le résultat ne sera au rendez-vous que si chacun et chacune d’entre nous se sent concerné.

Dans son remarquable ouvrage qui s’appuie sur son vécu, Gildas Véret nous propose 10 actions qui contribueront à la diminution de nos émissions, mais aussi à la préservation de la biodiversité, de la paix mondiale et au développement harmonieux de notre civilisation. Son exemple mérite d’être largement suivi !

Directeur de recherche émérite au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), membre de l’Académie des Sciences, il a été vice-Président du groupe 1 du GIEC de 2002 à 2015.

INTRODUCTION

Ce petit livre a pour objectif de nous aider à mettre en cohérence nos actes et nos valeurs, à ne pas nous résigner.

Depuis que j’ai 20 ans (et cela fait déjà un moment), pas une année ne s’écoule sans que de nouvelles études, de nouveaux rapports scientifiques ne nous alertent sur la destruction du monde que nous opérons jour après jour. J’ai vu passer les décennies ; le constat se renforce et s’aggrave, on en parle de plus en plus… et chaque année, on bat un nouveau record d’émissions de gaz à effet de serre. Comment l’accepter ? Nulle autre espèce n’aura documenté avec autant de soin les causes de sa propre destruction sans rien y changer pour autant. Nous, humains, sommes assez organisés et intelligents pour comprendre, modéliser et expliquer le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Et en même temps, notre « intelligence » ne semble pas nous permettre de faire quoi que ce soit d’utile de ce savoir. Les habitudes de consommation, le mimétisme rassurant sont des guides bien plus puissants que notre « grande intelligence ».

Agir pour garder espoir

Actuellement, nous le savons, entre partir en week-end en voiture et un futur viable pour nos enfants, la grande majorité choisit la voiture. Le futur ne pèse rien, si lourd de menaces soit-il. Cette absurde réalité m’oppresse. La « résistance climatique » me libère. Honnêtement, je dois avouer que les pronostics nous donnent perdants. Pourtant cela me fait du bien d’agir, de faire

ce qui est juste. Je ne sais pas si c’est déjà trop tard1. Peut-être. Ce n’est pas pour autant que nous allons rester sans rien faire. La crise climatique a commencé, elle est maintenant notre vie. Alors, vivons intensément, et faisons le nécessaire pour que nos vies permettent la vie. Liberté, Égalité, Fraternité. Nos valeurs sont belles… et bien maltraitées. Nous risquons fort de perdre la première du fait de notre incapacité à mettre les deux autres en pratique. Les inégalités s’accroissent depuis des décennies pour atteindre des sommets insupportables. 1 % des individus les plus riches possèdent plus de la moitié des richesses du globe, sans que cela amène à une remise en cause générale du droit à faire fortune. Beaucoup réclament en France la réduction des inégalités, entendant par-là que l’essentiel de la population devrait voir son pouvoir d’achat augmenter.

Un droit à émettre identique pour tous ?

Le réchauffement climatique est un problème inédit dans l’histoire de l’humanité : c’est un problème mondial. Nous avons une seule atmosphère partagée par tous les humains. Le CO2 a exactement le même effet, qu’il soit émis en France, en Chine, ou au Bangladesh. Devant l’urgence et l’impérieuse nécessité de réduire les émissions mondiales, un calcul simple a été fait. Pour pouvoir limiter la catastrophe, il est nécessaire que les émissions annuelles par personne passent en deçà de 1,5 à 2 tCO2e, alors que l’empreinte carbone actuelle d’un Français est comprise entre 10 et 12 tCO2e 2 ! Effectué par le

1 J’entends souvent qu’il serait déjà trop tard… tout comme, il y a 5 ans encore, j’entendais à tout bout de champ qu’il était trop tôt pour agir, qu’il fallait plus d’études pour mieux comprendre et réduire l’incertitude. Alors il faudrait savoir ! Trop tôt ? Trop tard ? On s’y met ou pas ?

2 Ces chiffres sont des ordres de grandeur. Une vision synthétique du bouleversement que représente cette nécessaire réduction est proposée sous forme de tableau en annexe.

GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et détaillé par Jean-Marc Jancovici (ingénieur spécialiste en énergie et climat), ce calcul s’appuie sur une hypothèse audacieuse : un droit à émettre identique pour tous les humains ! Ce serait là la mesure la plus égalitaire jamais mise en place ! Consommer, c’est émettre des gaz à effet de serre ; cette mesure revient donc à donner à chacun le même droit à consommer ! Ce n’est que sur cette base que les pays dits « émergents » acceptent de participer aux négociations pour le climat. On les comprend. Des négociations qui reposeraient sur l’augmentation de la richesse des pays industrialisés (responsables de l’essentiel des émissions passées) en maintenant les pays pauvres dans la pauvreté (alors qu’ils subissent l’essentiel des impacts climatiques actuels) seraient une injustice criante. C’est pourtant cela qu’impliquent nos vœux (sans le formuler explicitement) dès que nous parlons de croissance ou de pouvoir d’achat. « On ne peut matériellement pas fournir – et encore moins durablement – à 7,5 milliards de terriens le même niveau de consommation qu’un smicard français », affirme Jean-Marc Jancovici. Une fois qu’on dit ça, l’impasse politique est totale.

Vers l’effondrement ?

Nous le savons pourtant depuis longtemps. Depuis 2005 3 la France s’est engagée à diviser ses émissions de gaz à effet de serre par 4 d’ici 2050 4, car nous émettons au moins 4 fois

3 Voir la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique (POPE) du 13 juillet 2005.

4 Nous nous référons, dans ce livre, à « l’empreinte carbone » qui reflète les émissions liées à un mode de vie et non aux émissions émises sur le territoire dont la baisse est due à la délocalisation de nos émissions vers la Chine qui produit nos biens de consommation. En France, l’empreinte carbone et la population ont nettement augmenté depuis la définition du « facteur 4 » et impliquent maintenant une division par 8 !

plus que ce qui serait tenable. Nous savons bien qu’un Français moyen « consomme 3 planètes » si l’on suit l’approche de l’empreinte écologique. Vouloir généraliser à 8 milliards d’êtres humains le mode de vie que nous connaissons est donc un projet insensé, destructeur et impossible. Il aboutit à une catastrophe climatique (+4 à +7° C) inimaginable qui détruirait toute prospérité, entraînant guerres, famines, pénuries, épidémies, migrations. C’est le scénario « business as usual 5 » qui mène à l’effondrement de nos civilisations (et de la biodiversité). Ce constat restreint les possibilités. Vouloir l’augmentation du pouvoir d’achat en France n’est possible que par le maintien dans la pauvreté d’une grande part de la population mondiale. La question est donc : « à qui appliquons-nous notre valeur d’égalité ? » S’il s’agit d’une égalité entre Français, fonder notre abondance matérielle sur l’exploitation des pays pauvres devient logique. Cela explique une bonne part de la politique étrangère de la France depuis des décennies. Mais le malaise éthique pointe, ainsi que les migrations de masse, le terrorisme, l’augmentation des émissions de GES (gaz à effet de serre) et autres « inconvénients » liés à ces inégalités mondiales qui nous bénéficient.

5 Gaël Giraud, chef économiste de l’Agence française de développement (AFD) et prêtre catholique, expliquait en 2017 à l’ENS : « On assiste à une sous-estimation de la gravité du scénario du “business as usual ”. Ça nous emmène à plus de +4° C à la fin du siècle. Et à partir du moment où c’est +4° C, c’est très difficile de mesurer si ce sera +5° C, +6° C, il peut y avoir des effets d’emballement […]. Ce qui est sûr, c’est qu’à +6° C, les récents travaux ont montré que les trois quarts de l’humanité se trouvent toute l’année en situation caniculaire impropre à la vie humaine. Donc +6° C, ça veut dire que les images que l’on trouve dans le Livre de l’Apocalypse sont à lire de manière littérale et non plus de manière allégorique. C’est aussi simple que ça malheureusement. »

choisir l’imprévu

Notre incapacité à accepter cette réalité mène beaucoup 6 à juger qu’un effondrement serait inéluctable. Assurément, les probabilités pointent vers le désastre, car ce défi conditionne tous les autres. Si nous perdons sur le climat, tous les combats nobles pour lesquels beaucoup se battent (la justice, la lutte contre la pauvreté, la culture, la science, la biodiversité et toutes choses essentielles et belles…) seront également perdus. J’ai peur pour mon fils. J’en ai mal au ventre. Je sais qu’il vivra dans un monde plus dur, qu’il aura une vie bien plus violente et terrible que la mienne et celle de ses grands-parents. Ce n’est pas juste. Cette peur pour mes proches et cette indignation sont pour moi de puissants moteurs à l’action. Je crois encore que notre liberté de choisir l’imprévu peut changer les choses.

la sobriété heureuse

Nous avons à notre disposition une voie vers une solution juste, pacifique, humaine, possible. À bien y regarder, c’est la seule solution désirable : « la sobriété heureuse ». Pierre Rabhi 7a forgé cette belle expression et largement diffusé ce beau projet 8. Vivre mieux avec moins. Depuis une dizaine d’années, je travaille à bâtir un mode de vie « sobre et heureux ». Ceci demande beaucoup d’imagination, de méthode et d’efficacité. La permaculture, méthode de conception éthique, m’a servi de guide et de socle pour inventer une vie bas carbone (je suis arrivé en deçà de 2 tCO2e, hors services publics). Je suis très loin d’être

6 Notamment Dennis Meadows, Jared Daimond, Yves Cochet, Agnès Sinaï, Pablo Servigne, Raphaël Stevens, Emmanuel Prados, Vincent Mignerot… pour ne citer que quelques auteurs.

7 « Un chantier exaltant s’ouvre : […] satisfaire à nos besoins vitaux avec des moyens plus simples et plus sains. Cette opération libératrice constitue un acte politique, un acte de résistance ».

8 Sans toutefois chiffrer l’ampleur des changements nécessaires. Le présent ouvrage tente de combler cette lacune.

ENGAGEONS-NOUS MAINTENANT !

Depuis 2005, la France s’est engagée à diviser ses émissions de gaz à effet de serre par 4 d’ici 2050, car nous émettons au moins 4 fois plus que ce qui serait tenable. Nous savons bien qu’un Français moyen « consomme 3 planètes » si l’on suit l’approche de l’empreinte écologique.

Nous avons à notre disposition une voie vers une solution juste, pacifique, humaine, possible. C’est la seule solution désirable et ce sont donc 10 actions concrètes, constructives et chiffrées que Gildas Véret nous propose pour vivre mieux avec moins !

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