UNE CINÉMATHÈQUE IDÉALE



























QUE REGARDER EN FAMILLE DE 5 À 16 ANS ?













QUE REGARDER EN FAMILLE DE 5 À 16 ANS ?
Il y a dans Furie, cet étonnant film de Fritz Lang (1936) dénonçant le mimétisme de la violence et de la haine, une scène d’une incroyable force : accusés d’avoir mis le feu à une prison où était détenu un homme qu’ils voulaient lyncher, d’“honorables citoyens” ont plaidé leur innocence, fournissant de complaisants alibis censés prouver qu’ils se trouvaient ailleurs au moment fatidique. Lors de leur procès, on projette dans la salle d’audience un film tourné par un documentariste qui se trouvait là alors qu’ils prenaient part à cette tentative d’incendie. Chacun des accusés peut alors découvrir sur l’écran, horrifié, son propre visage empli d’une haine incontrôlable, d’une furie qui n’a plus rien d’humain. La caméra a permis de confondre leurs mensonges, mensonge vis-à-vis de la justice, mais aussi mensonge vis-à-vis de la belle idée qu’ils avaient d’eux-mêmes, de la fausse image qu’ils s’étaient bâtie de citoyens responsables n’ayant fait que suppléer à la lenteur de la justice ; l’écran leur a servi de miroir leur permettant de réfléchir à ce dont ils sont capables.
Si ce rebondissement dramatique permet de faire avancer l’intrigue, il n’est pas douteux que Fritz Lang y a investi également une dimension métaphorique.
Au-delà de ce procès, c’est bien le pouvoir du cinéma qu’il évoque, cette merveilleuse capacité du 7e art à nous éclairer sur nous-mêmes, mais aussi, plus largement, sur l’humanité et sur la marche du monde. Quand il se
montre à la hauteur de cette puissance, le cinéma peut être une voie d’accès privilégiée à la splendeur du vrai, ou un témoignage révélateur sur la misère d’un monde aveugle au surnaturel et englué dans l’enfer des passions. Si la grandeur de l’homme, comme le dit Pascal, est de se connaître misérable, la grandeur du cinéma est sans doute de nous faire connaître en même temps cette grandeur et cette misère, de mettre en scène le combat éternel que se livrent en nous les pires égoïsmes et les plus belles générosités, les pulsions de mort et les élans civilisateurs. Art de l’incarnation par excellence, qui nous rend physiquement présent, sous une apparence de réalité quasi parfaite, ce qu’il entend nous montrer, art total qui mobilise dans un même élan la puissance de l’image, l’impulsion du mouvement, les modulations de la musique, la palette des couleurs et des contrastes de noir et blanc comme la force des paroles, le cinéma est peut-être, de tous les arts, celui qui impressionne le plus vivement et le plus insidieusement les esprits, le spectateur pouvant facilement s’y enfermer dans un rôle purement passif – contrairement au lecteur qui a besoin de faire fonctionner à plein régime et son intelligence et son imagination. C’est dire – et surtout à une époque où le nombre de lecteurs se réduit comme peau de chagrin – l’importance cruciale qu’il a, pour le meilleur et pour le pire, dans la formation des jeunes esprits. Les parents sont attentifs à ne pas exposer leurs enfants à des images perturbantes, inadaptées à leur âge ; ils doivent l’être tout autant à ne pas les exposer à des messages nocifs, qui sont souvent dissimulés, comme un poison incolore dissous dans un anodin breuvage, dans le sucre d’un récit captivant et émouvant. Le cinéma contemporain s’y entend pour faire ainsi passer, sous couvert de romanesque, des messages qui peuvent déstabiliser ou formater de jeunes esprits sans défense
il n’est que de penser à la façon dont les studios Disney, ces
dernières années, se sont employés à utiliser leurs dessins animés, de manière totalement assumée, pour diffuser dans les jeunes esprits un relativisme tous azimuts.
C’est pourquoi il nous a paru utile de proposer aux parents ce guide de plusieurs centaines de films qui leur permettront de communier avec leurs enfants au spectacle de cet art magique entre tous, art tout d’illusion mais qui renvoie aussi de la réalité un miroir qui nous permet d’y réfléchir. Certains ne se proposent d’autre but que de divertir – mais ils n’y parviendraient pas avec le même éclat si le comique ou le romanesque qu’ils proposent ne reposaient sur une certaine vérité humaine. D’autres contribueront utilement à la construction d’une culture cinématographique – et des parents qui ne toléreraient pas que leurs enfants ne sachent rien de Balzac ou de Dickens ne devraient pas s’accommoder davantage qu’ils ignorent tout de Renoir, de Ford ou d’Hitchcock, dans lesquels il y a tant de richesse esthétique et de trésors de sagesse à puiser… Certains illustrent des enjeux politiques, sociaux, moraux ou même métaphysiques qui permettront d’utiles débats en famille et d’illustrer par l’exemple certaines idées, certaines vertus ou certains principes. Tous, on l’espère, offriront des exemples – ou des contre-exemples – de comportements, ordinaires ou extraordinaires, quotidiens ou héroïques, dont le spectacle aidera les spectateurs, petits ou grands, à grandir en humanité.
Il ne s’agit pas pourtant de bâtir ici une anthologie du cinéma édifiant : le spectacle du mal, s’il n’est pas glorifié ou décrit avec complaisance, peut être aussi un spectacle fructueux, car il est utile de connaître ce que l’on entend combattre, et de savoir reconnaître ses séductions. Mais les œuvres ici proposées, en offrant de beaux exemples de vertu ou le spectacle de l’impasse mortifère du vice, permettront d’utiles réflexions sur le pardon
ou la vengeance, la violence ou le respect de la vie, l’égoïsme ou l’esprit de sacrifice, le conformisme ou la liberté ; on y trouvera aussi ample matière à réagir contre la tentation du manichéisme, contre notre tendance naturelle à diviser l’humanité en “bons” et “méchants”, quand le cinéma, quand il est à son meilleur, nous rappelle de façon extrêmement frappante à la complexité de la vie et à l’imbrication du bon grain et de l’ivraie…
Le sous-titre l’indique : il s’agit de films à « regarder en famille », et non de films « à faire voir à vos enfants ». Rien ne remplace en effet un visionnage collectif : outre qu’il forge une culture familiale commune et permet des conversations qui favorisent le dialogue – pas toujours aisé – entre enfants et parents, l’éclairage de ceux-ci permettra aux enfants de retirer tout le suc des films visionnés, de lever certaines ambiguïtés ou d’attirer l’attention sur des aspects qui ne seraient qu’implicites, comme de repérer les techniques qui influent sur les émotions. Si tel film vous paraît trop “enfantin”, ditesvous que l’auteur de ce livre a vu et apprécié chacun d’entre eux – y compris les dessins animés destinés aux plus petits, qui permettent utilement de réveiller l’esprit d’enfance !
Ce livre n’est donc pas une compilation des films appréciés par le public familial, mais un choix personnel. Nous y revendiquons une part de subjectivité – mais une subjectivité fondée en raison, une raison qui se nourrit de l’émotion au lieu de se laisser réduire au silence par elle, et l’utilise comme canal pour conduire au beau, au vrai, au bien. On n’aura pas hésité à écarter certains classiques du cinéma familial qu’on trouve surcotés : ceux qui les apprécient n’ont pas besoin de nous pour les montrer à leurs enfants. Le cadre d’un tel ouvrage entraînant nécessairement des choix douloureux et des frustrations pour l’auteur comme pour le lecteur, on invitera donc celui-ci, plutôt que de déplorer l’absence de La Mélodie du bonheur ou de
Dr Jivago, à se réjouir que cette absence ait laissé la place à la présence de films inconnus de lui, qu’il pourra découvrir. Pensant que l’ouverture au vrai et au beau sont indissociables, on a écarté sans scrupules certains classiques du “cinéma du dimanche soir” où le souci de divertissement ferme trop la porte à tout souci esthétique. Là encore, personne n’a besoin de nous pour les découvrir.
Sauf indication contraire, les films cités sont en couleurs. On pourra être surpris du nombre de films anciens, et notamment en noir et blanc, dans notre choix. C’est que les années 1930 à 1950 ne sont pas seulement un âge d’or du cinéma, ils sont plus encore un âge d’or du cinéma familial. Après, les films se font plus violents et sanglants, le langage plus cru et ordurier, le sexe est souvent de la partie, les sentiments généreux et la bienveillance laissent souvent le devant de la scène au cynisme et à l’individualisme. Dans le cinéma récent, on a malheureusement dû écarter nombre de films à cause de leur trop grande violence, s’ils n’avaient pas une profondeur qui justifiait qu’on les montrât malgré tout à de grands adolescents (ainsi du Dernier des Mohicans de Michael Mann, mais on a inclus La Passion du Christ de Mel Gibson, parce que la violence n’y est pas gratuite), ou à cause de scènes sexuellement explicites, parfois en dépit de leur grande qualité (La nuit nous appartient de James Gray). Voir un film ancien, c’est aussi plonger dans un univers où le langage est soutenu, où la tenue et les bonnes manières sont des évidences, où même les gangsters sont élégants ; c’est, à notre époque abrupte et relâchée, faire une plongée exotique dans un monde où les rapports sont souvent empreints de délicatesse et de courtoisie ; un monde, aussi, où les personnages sont souvent imprégnés jusqu’à la moëlle de culture chrétienne…
Si vous craignez que le noir et blanc ou les sous-titres rebutent vos enfants, songez que c’est tout simplement une question d’habitude, et que plus tôt
ils en prendront le pli, plus cela leur semblera naturel. Aux enfants qui jugeraient le noir et blanc poussiéreux, on ne saurait trop vous conseiller de le présenter, non comme une limite technique ou un stigmate d’antiquité, mais comme une merveille esthétique : des enfants qui auront découvert la splendeur des images de La Nuit du chasseur, les magnifiques contrastes des films d’Hitchcock ou la splendeur des ciels de John Ford sauront à quel point il peut être source de beauté. Quant au doublage, l’auteur de ces lignes en a été guéri, enfant, par un voyage qu’il fit en Espagne : avoir vu Louis de Funès doublé en espagnol lui a fait immédiatement comprendre le grotesque de la chose ; et que le même traitement infligé à John Wayne, par un doublage en français, était tout aussi absurde. Même aux oreilles de qui ne parle pas japonais, un acteur nippon qui parle dans sa langue dégage une impression de vérité que ne donnera jamais un doubleur français ! La finesse du jeu des comédiens entre pour une part non négligeable dans la qualité d’un film : la remplacer par le doublage d’acteurs de troisième ordre (même s’il y a des exceptions, comme le somptueux doublage français de Barry Lyndon), c’est accepter de voir cette subtilité ruinée par la médiocrité et le stéréotype, et risquer de s’y accoutumer. À l’inverse, une fois que l’on a fait l’effort de voir quelques films sous-titrés, la chose a vite fait de paraître naturelle. On a réparti, de manière parfois un peu arbitraire, les films en chapitres thématiques, éventuellement divisés par genre (ainsi westerns ou films de guerre dans le chapitre « À l’aventure ! »). Au sein de chaque chapitre ou genre, ils sont classés par âge à partir duquel le film peut être vu. On a volontairement retenu un âge minimal (« à partir de… ») qui n’est pas forcément celui auquel l’enfant en appréciera pleinement l’intégralité du contenu, mais plutôt celui auquel il pourra s’agréger sans dommage et avec plaisir au public familial. Les âges mentionnés sont évidemment indicatifs :
chaque famille a ses propres critères d’exposition des enfants aux images, qui déterminent une plus ou moins grande accoutumance de ceux-ci, comme ses propres seuils de tolérance à une certaine dose de violence ou à des dialogues un peu “salés”. Et, au sein d’une même fratrie, existent des différences de sensibilité qu’il revient aux parents d’évaluer. Leur discernement reste irremplaçable, et on n’a souhaité, avec l’aide d’un panel de parents qui ont bien voulu nous épauler de leurs conseils, que leur offrir des suggestions. Si ce livre s’avérait un guide utile pour aider les familles à communier dans un divertissement intelligent, il aurait rempli une part de sa mission. Plus encore s’il aidait toute la famille, parents comme enfants, à mettre de la beauté dans leur existence, et s’il les conduisait sur la piste de chefs-d’œuvre qui les aident à vivre une vie bonne, une vie non seulement humaine et épanouie, mais aussi qui les expose encore davantage à la splendeur de la vérité.
Le Barroux, 17 mai 2023.La plupart des films présentés sont disponibles en vidéo ou sur des sites de streaming : Netflix, MyCanal, UniversCiné, Filmo, Disney+, Paramount+, Prime Video, LaCinetek, ou sur les sites de diffuseurs, comme Saje ou Carlotta. Le site internet d’Arte diffuse en accès libre des films en petit nombre mais très régulièrement renouvelés. Les médiathèques municipales sont aussi une bonne ressource pour trouver des films plus anciens ou épuisés. Pour offrir un maximum de films dans ce livre, on s’est contraint à un format de présentation très court, nécessairement frustrant. Nombre des œuvres ici présentées sont étudiées plus longuement dans notre Dictionnaire passionné du cinéma (L’Homme nouveau, 2013), dans le Dictionnaire des films de Jacques Lourcelles (Bouquins, 2 volumes, 2022) ou bien dans Éduquer par le cinéma de Sabine de La Moissonnière (Le Centurion, 2 volumes, 2018 et 2020).
Pour avoir une estimation d’âge sur les films sortis depuis la parution de ce livre, on pourra se référer aux sites suivants, sur lesquels nous nous sommes appuyé : filmspourenfants.net, filmages.ch, commonsensemedia.org (site chrétien américain, à la fois plus puritain et plus laxiste).
Combien d’adultes, d’âge mûr et de sens rassis, ne vous parlent-ils pas, les larmes affleurant les yeux et des trémolos dans la voix, de la mort de la mère de Bambi et du choc émotionnel qu’elle leur a fait ressentir… trente ou cinquante ans plus tôt ? C’est dire l’impact qu’ont sur les jeunes sensibilités les images distillées, à un âge on ne peut plus tendre, par les dessins animés désormais produits à la chaîne par toutes les grandes maisons de production.
C’est dire aussi que les parents doivent se montrer particulièrement vigilants par rapport à un genre qui tend à montrer aux enfants des images au-dessus de leur âge, mais aussi, depuis quelques décennies maintenant, à utiliser ce médium pour formater les jeunes esprits à l’idéologie déconstruite à la mode. On a donc écarté de notre sélection les films qui, par exemple, mettent en cause l’idée même d’autorité ou qui expliquent que la planète se porterait mieux sans l’homme, au profit de ceux qui incitent à la bienveillance et à l’indulgence, à respecter plus petit ou plus faible que soi, à cultiver les vertus de l’imaginaire et l’esprit de découverte, à encourager le courage et l’audace, à ne pas oublier la présence de l’invisible ou bien
encore à apprivoiser en douceur des sujets douloureux, comme le deuil ou les divisions familiales. Parmi les films retenus, certains distillent des messages qui ne sont pas sans intérêt, mais mériteraient d’être nuancés. Ainsi de la tarte à la crème du dessin animé contemporain : accroche-toi à toi à rêves, ne laisse personne te dire que tu n’es pas capable de les accomplir ! Certes, il est bon d’être fidèle à ses ambitions, d’apprendre à ne pas se laisser abattre au premier échec ou à la première critique, et à croire en soi ; mais grandir, c’est aussi apprendre à connaître ses limites et à les accepter… Là peut-être plus qu’ailleurs, la présence des adultes sera bénéfique au côté des petits qui regardent un film, pour leur apprendre à décrypter ces messages et, le cas échéant, les nuancer et les rectifier.
John Lounsbery et Wolfgang Reitherman, EU, 1977, 1 h 14.
Trois aventures de Winnie l’Ourson et ses amis Porcinet, Coco Lapin et Tigrou. Première adaptation des histoires d’Alan Alexander Milne par Disney, qui en restitue parfaitement le charme et la tendresse. On retrouvera ce délicieux univers, son éloge de l’amitié et son humour sans acidité dans Les Aventures de Tigrou (Jun Falkenstein, EU, 2000, 1 h 17), Les Aventures de Porcinet (Francis Glebas, EU, 2003, 1 h 15) ou Winnie l’Ourson et l’Éfélant (Frank Nissen, EU, 2005, 1 h 08).
Piet De Rycker et Thilo Graf Rothkirch, ALL, 2004, 1 h 15.
Laura, 7 ans, vient d’emménager dans une nouvelle maison à laquelle elle peine à se faire. Un soir, elle aperçoit une petite étoile tombée du ciel et la recueille. Cette nouvelle amie va transformer sa vie.
Un graphisme agréable et une histoire charmante, pleine de fantaisie et de poésie, et sans aucune concession à la vulgarité ambiante.
Yarrow Cheney et Scott Mosier, EU, 2018, 1 h 26. Noël est le grand événement de l’année pour tous à Chouville – sauf pour le Grinch, qui déteste cette fête et entreprend de la saboter. Dans un univers acidulé et charmant, la morale de cette histoire très drôle, qui apprend à voir dans le méchant un captif de sa propre souffrance, est distillée avec beaucoup de poésie dans un récit en vers. Ron Howard a tourné une version en images réelles (EU, 2000, 1 h 44, à partir de 8 ans), plus kitsch et effrayante, où le Grinch est incarné avec verve par Jim Carrey.
Jakob Schuh et Max Lang, ALL, anglais 2009, 27 mn. Pour échapper aux prédateurs de la forêt, une petite souris s’invente un protecteur imaginaire, le redoutable Gruffalo. Quand elle rencontre un véritable Gruffalo, qui lui aussi aimerait bien la croquer, que va-t-elle pouvoir inventer ?
Le rire, comme le démontrent magnifiquement Le Schpountz de Marcel Pagnol ou Les Voyages de Sullivan de Preston Sturges, est cet indispensable adjuvant qui rend la vie plus douce. En famille, il est aussi le moyen de forger une culture commune, par des allusions partagées ou des répliques culte. Mais, qu’il montre que la charité peut naître des sources les plus inattendues (Charles Chaplin), que le courage et la persévérance peuvent venir à bout des plus formidables obstacles (Buster Keaton), que tout ce qui brille n’est pas or (Dino Risi), que l’argent ne fait pas le bonheur (Frank Capra), que l’intelligence des cœurs surpasse les plus brillantes qualités (Ernst Lubitsch) ou que chacun a ses raisons qui méritent d’être entendues (les scénarios du tandem Bacri-Jaoui), le comique est aussi un prodigieux vivier de leçons d’humanité. On trouvera beaucoup de films en noir et blanc en ouverture de ce chapitre car, les dessins animés mis à part, les vieux burlesques du temps du muet sont souvent les seuls films vraiment accessibles aux tout-petits.
Robert Dhéry, FR, 1961, NB ou colorisé, 1 h 44.
Par un coup de chance, Paulette et Marcel (Colette Brosset et Robert Dhéry) achètent pour une bouchée de pain une magnifique Cadillac. Cette voiture trop belle pour ce couple modeste va leur attirer toutes sortes d’ennuis.
Cette délicieuse comédie, interprétée dans un esprit bon enfant par la fine fleur des comédiens humoristiques de l’époque (dont Louis de Funès et Michel Serrault), est aussi le tableau chaleureux et nostalgique d’une France populaire en voie de disparition.
Yasujirō Ozu, JAP, 1959, 1 h 34. Deux jeunes frères, vexés qu’on réponde à toutes leurs demandes d’un « Tais-toi ! » comminatoire, décident de prendre leurs parents au mot et de faire la grève de la parole.
Éloge du dialogue mais aussi des conventions sociales, un véritable bijou d’humour tendre et de poésie décalée.
Tim Burton, EU, 2005, 1 h 55.
Willy Wonka (Johnny Depp) décide d’offrir la visite de son usine ultramoderne de chocolat à cinq enfants choisis au hasard, ce qui est le rêve de Charlie (Freddie Highmore), un enfant pauvre.
Si la vertu sera récompensée à la fin, rien de moins convenu, de plus inventif que ce conte qui ravira aussi bien les adultes que les enfants : un humour sans mièvrerie et sans vulgarité, une imagination toujours affûtée, un esprit moral sans moralisme font du film un véritable feu d’artifice.
Gérard Oury, FR, 1965, 1 h 50.
Un escroc (Louis de Funès) utilise à son insu un Français moyen (Bourvil) pour convoyer une somptueuse limousine emplie de drogue et de bijoux volés.
Une comédie parfaite emmenée par un duo délicieusement contrasté. C’est léger, parfaitement rythmé, inventif, et les deux acteurs sont au sommet de leur art.
Jamie Uys, Botswana, 1980, 1 h 49.
Une bouteille de Coca tombée d’un avion crée la zizanie dans une famille d’indigènes africains qui ignorent tout de la civilisation. Pendant ce temps, Kate, qui a décidé de fuir la ville, rencontre Andrew, un ethnologue qui perd tous ses moyens en face des femmes.
Une comédie atypique qui mêle à un burlesque essentiellement gestuel l’attrait de l’exotisme. Naïf et terriblement distrayant.
La Folie des grandeurs
Gérard Oury, FR, 1971, 1 h 48.
Pour se venger d’avoir causé sa disgrâce, don Salluste (Louis de Funès), ministre du roi d’Espagne, veut discréditer la reine en la faisant surprendre dans les bras de son valet (Yves Montand). Même si l’alchimie de Funès avec Montand fonctionne moins bien qu’avec Bourvil, cette adaptation fantaisiste de Ruy Blas n’en contient pas moins de beaux moments d’ignominie funésienne, dans un rôle de crapule obséquieuse et rapace qui lui convient à merveille.
La Grande Vadrouille
Gérard Oury, FR, 1966, 2 h 12.
Sous l’Occupation, pour aider des aviateurs anglais à échapper aux Allemands, un chef d’orchestre atrabilaire (Louis de Funès) et un peintre en bâtiment naïf (Bourvil) sont contraints de vivre ensemble des aventures dangereuses. Sur le principe de la cohabitation forcée des contraires, un classique indémodable, modèle insurpassable de rire bon enfant.
Howard Hawks, EU, 1938, NB, 1 h 42.
Un paléontologue lunatique (Cary Grant), qui va se marier avec une femme austère, croise Susan (Katharine Hepburn), une excentrique toujours suivie d’un bébé léopard, qui tombe amoureuse de lui.
Une fantaisie délirante, dotée de dialogues époustouflants et de gags à foison.
Jacques Tati, FR, 1958, 1 h 57.
Le rêveur M. Hulot (Jacques Tati) aime rendre visite à son neveu dont le père s’est fait construire une villa ultramoderne. Le contraste entre les deux univers va produire des étincelles.
Qu’elles tiennent de la chronique de la vie quotidienne ou de la tragédie, qu’elles soient confrontées au grand vent de l’histoire ou qu’elles se lovent dans un cadre intimiste, qu’elles soient marquées du sceau du drame ou bien que le rire s’y mêle aux larmes, qu’elles soient inspirées par des vies réelles, adaptées des grands classiques de la littérature ou bien tout droit sorties de l’invention féconde des scénaristes, les histoires réunies dans ce chapitre reflètent la complexité et la diversité de la vie, et vous feront passer par toutes les gammes des émotions. Vous y trouverez des destins flamboyants (Autant en emporte le vent) ou qui inspirent la pitié (Elephant Man), du panache (Cyrano de Bergerac) et de la bassesse (Le Corbeau), des romances contrariées ( Roméo et Juliette ) ou bien où l’amour triomphe ( Orgueil et préjugés ) , des enfances heureuses (La Gloire de mon père) ou perturbées (Poil de carotte, L’Incompris), de la générosité (Le Festin de Babette) ou de la jalousie (Othello), de la simplicité (L’Arbre aux sabots) et de la magnificence (Barry Lyndon). Bref, de quoi mettre votre cœur dans tous ses états, sans cesser de stimuler votre intelligence !
Yves Robert, FR, 1990, 1 h 38.
Instituteur à Marseille, M. Pagnol (Philippe Caubère) emmène femme et enfants passer l’été dans une maison dans les collines. Ces vacances scelleront l’amour jamais démenti du petit Marcel pour la Provence.
Raconté à hauteur d’enfant, avec ingénuité mais sans mièvrerie, ce tableau savoureux, chaleureux et plein d’humanité d’une enfance heureuse fait une parfaite introduction à la lecture de Pagnol. Yves Robert a tourné un second volet, Le Château de ma mère (FR, 1990, 1 h 45), qu’on peut compléter avec Le Temps des secrets (Christophe Barratier, FR, 2022, 1 h 48).
John Cromwell, EU, 1936, NB, 1 h 42. Vivant aux États-Unis avec sa mère, le jeune Cédric (Freddie Bartholomew) apprend que son grand-père, un comte anglais (C. Aubrey Smith), étant désormais sans héritier, il est désormais le jeune lord Fauntleroy et doit venir vivre avec lui.
Un récit à la Dickens, éloge du pouvoir contagieux de l’innocence et de la bienveillance, qui voit un enfant au cœur pur attendrir le cœur d’un vieil égoïste et abattre tout un tas de préjugés. Le film a remarquablement bien vieilli, grâce à une interprétation haut de gamme.
Michael Powell et Emeric Pressburger, GB, 1948, 2 h 13. Une jeune danseuse (Moira Shearer) est remarquée par un directeur de ballets (Anton Walbrook) qui en fait une vedette. Mais c’est un tyran qui n’accepte pas que ses étoiles aient une vie privée. Un film original et flamboyant, qui pose la question de savoir jusqu’où doivent aller les sacrifices exigés par l’art. Lyrisme, splendeur visuelle et une poésie rare transcendent ce que le récit peut avoir de mélodramatique.
Frank Capra, EU, 1946, NB, 2 h 10.
Désespéré par une erreur qu’il a commise, George Bailey (James Stewart) songe à mettre fin à ses jours. Le ciel lui envoie un ange pour lui faire voir tout le bien qu’il a fait aux autres.
Émois, émois, émois – À partir de 11 ans
Même s’il est paradoxal de vouloir convaincre que toute vie mérite d’être vécue en choisissant l’exemple d’un saint laïc, le film reste un indémodable classique, éloge du dévouement au bien commun.
À partir de 11 ans
Sam Wood, EU, 1939, NB, 1 h 54.
Professeur de latin peu sûr de lui, M. Chipping (Robert Donat) peine à asseoir son autorité sur les élèves et mène une vie solitaire. Jusqu’à ce qu’au cours de vacances à l’étranger, il fasse la connaissance de la belle Katherine (Greer Garson).
Magnifique portrait d’un homme à deux doigts de passer à côté de sa propre existence, s’il n’avait pas rencontré une femme qui l’avait révélé à lui-même.
Jean-Paul Rappeneau, FR, 1990, 2 h 17.
Persuadé de ne pouvoir être aimé de sa cousine Roxane (Anne Brochet), Cyrano (Gérard Depardieu) lui fait sa cour par la bouche du beau Christian (Vincent Pérez), mousquetaire comme lui.
Une adaptation quasi idéale, tant elle sait épouser le mouvement de la prose de Rostand, son dynamisme, sa rapidité, sa malice, son panache. Depardieu est un Cyrano parfait, provocateur et tendre, fanfaron et triste, poète et querelleur, drôle et émouvant.
David Lean, GB, 1946, NB, 1 h 58. Orphelin, Pip est élevé par une sœur tyrannique. Mais un mystérieux bienfaiteur a décidé de lui verser une rente pour en faire un gentleman. Le film rend justice à l’atmosphère étrange mais aussi à la profonde humanité du plus baroque des romans de Dickens, où l’on apprend que pour accomplir de grandes espérances, rien ne vaut les qualités de cœur. Avec John Mills, Alec Guiness, Jean Simmons.
Alexandre Korda, FR, 1931, NB, 2 h 10.
Fils de César (Raimu), patron du Bar de la Marine à Marseille, Marius (Pierre Fresnay) ne rêve que de naviguer au loin, malgré l’amour que lui porte Fanny (Orane Demazis).
La trilogie de Pagnol, poursuivie par Fanny (Marc Allégret, FR, 1932, NB, 2 h 20) et César (Marcel Pagnol, FR, 1936, NB, 2 h 14), dépasse de très loin le savoureux pittoresque de son univers pour atteindre une merveilleuse vérité des êtres, qui nous fait passer du rire à l’émotion en quelques secondes.
John Ford, EU, 1941, NB, 1 h 58.
À la fin du xixe siècle, une famille de mineurs se divise à propos d’une grève. Alité de longs mois à cause d’un accident, le plus jeune fils trouve dans la foi inébranlable que lui transmet le pasteur Gruffydd (Walter Pidgeon) le courage de surmonter cette épreuve.
Bouleversant du début à la fin, ce chef-d’œuvre vibrant des idéaux de générosité, de foi, de courage et de sacrifice est un superbe récit d’initiation et un hommage nostalgique aux communautés naturelles d’autrefois. Un des plus beaux films de toute l’histoire du cinéma.
Vittorio De Sica, IT, 1948, NB, 1 h 33.
Antonio (Lamberto Maggiorani) trouve enfin un emploi, avec une condition sine qua non : posséder une bicyclette. Mais, dès son premier jour, on la lui vole… Avec son jeune fils et quelques amis, Antonio fait tout pour la retrouver.
Un témoignage plein de compassion et de dignité sur le courage d’une famille qui lutte quotidiennement pour sa subsistance, et le portrait émouvant d’une âme en plein désarroi.
Michel Hazanavicius, FR, 2011, NB, muet, 1 h 40.
Hollywood, 1927. Star du cinéma muet, George Valentin (Jean Dujardin) favorise les débuts à l’écran de Peppy Miller (Bérénice Bejo). L’arrivée du parlant le plonge dans l’oubli quand Peppy devient la nouvelle star.
Cet exercice de style brillantissime, hommage à l’âge d’or d’Hollywood avec des stars d’aujourd’hui, pourra sans doute être utile pour vaincre les réticences de vos enfants à l’égard du noir et blanc.
Quoi de mieux que le cinéma pour vous emporter sur les ailes de l’aventure ? Qu’ils confrontent des enfants à des péripéties qui ne semblent pas de leur âge, qu’ils vous plongent dans l’univers du western ou de la guerre, qu’ils mettent en scène des aventures sérieuses ou bien pour rire, qu’ils vous fassent voyager dans le temps ou dans des pays exotiques, ou même dans l’espace, les films réunis dans ce chapitre ne sont pas seulement des occasions de dépaysement : ils offrent aussi, souvent, de belles leçons d’audace, de courage, de ténacité, de loyauté, de panache… ou de victoire sur soi-même. Ces aventures sont fréquemment l’occasion pour leurs protagonistes de retours sur eux-mêmes qui les font sortir de leur égoïsme et progresser vers la générosité, parfois jusqu’au sacrifice de soi.
Certains seront étonnés du nombre de westerns retenus ici. Ce n’est pas seulement un reflet du goût particulier de l’auteur : mais ce genre souvent méprisé, qu’on tend à réduire à des échanges stériles de coups de feu (ce à quoi il se borne parfois, hélas), est aussi souvent l’occasion de fécondes réflexions sur le cycle infernal de la violence et la stérilité de la vengeance ;
souvent, aussi, il valorise le sens de la communauté face à la tentation de l’individualisme ; enfin, s’il offre évidemment nombre de spécimens de brutes sans scrupules, on y trouve également, au cœur même de ce genre réputé macho et brutal, des rapports empreints de délicatesse qui, comme celui d’Henry Fonda avec la belle Clementine qu’il courtise timidement dans La Poursuite infernale , constituent une véritable école de prévenance, de courtoisie, de pudeur, de respect dû aux femmes. Et dans quel autre genre peut-on trouver ainsi des personnages qui sont intimement nourris de la Bible, au point d’être capables de la citer de mémoire ? Ou un scénario qui a l’audace de transformer trois bandits en rois mages (Le Fils du désert ) ?
John Ford, EU, 1949, 1 h 43.
À quelques jours de sa retraite, le capitaine Nathan Brittles (John Wayne) part une dernière fois en mission pour évacuer la femme du commandant et sa nièce Olivia Dandridge (Joanne Dru), à cause de la menace des Indiens.
Dernier volet de la trilogie consacrée par Ford à la cavalerie, le film est un flamboyant éloge de cette communauté où s’effacent les divisions, les inégalités, les rancœurs, fondues dans le même creuset de l’esprit de sacrifice. Un film plein d’humanité et empli d’espérance.
George Marshall, EU, 1939, NB, 1 h 35.
Pour délivrer une ville du bandit (Brian Donlevy) qui l’a mise en coupe réglée avec la complicité de la chanteuse Frenchy (Marlene Dietrich), on fait appel au fils de l’ancien shérif (James Stewart) : mais celui-ci s’avère un blanc-bec qui ne croit pas aux armes à feu.
Un schéma classique revivifié par un discours non-violent radical et des dialogues d’une drôlerie presque constante.
Delmer Daves, EU, 1950, 1 h 32.
Tom Jeffords (James Stewart) veut négocier un traité de paix entre l’armée américaine et les tribus de Cochise (Jeff Chandler). Il lui faudra convaincre ses compatriotes que les Indiens sont capables de respecter la parole donnée.
Un grand classique porté par l’interprétation enflammée de James Stewart. Constituant un tournant dans l’histoire du western par son point de vue équilibré sur les Indiens, le film témoigne d’un idéalisme qui, chez le cinéaste, est une forme d’espérance.
William Wyler, EU, 1956, 2 h 17.
1862. Quaker, la famille Birdwell, dirigée par Jess (Gary Cooper), se tient à l’écart de la guerre par conviction religieuse. Mais l’aîné des trois fils (Anthony Perkins) est de plus en plus tenté de prendre sa part des combats.
Un curieux éloge de la non-violence, discutable mais très vivant et plein d’humour.
John Ford, EU, 1948, NB, 2 h 05.
Voulant redorer son blason en matant le chef indien Cochise, le colonel Thursday (Henry Fonda) se heurte de front avec le capitaine York (John Wayne), soucieux du respect dû à un peuple maltraité.
Premier volet, avant La Charge héroïque et Rio Grande, de la trilogie consacrée par Ford à la cavalerie, ce film, qui est l’un des premiers à prendre le parti des Indiens, oppose les valeurs de sacrifice et de solidarité à une conception de la gloire militaire rigide et méprisante des vies humaines.
John Ford, EU, 1950, NB, 1 h 45.
Commandant un régiment au Texas, Kirby Yorke (John Wayne) voit arriver sa femme (Maureen O’Hara), venue le convaincre de reprendre la vie commune. Alors que les Indiens ont enlevé des enfants, Yorke franchit la frontière mexicaine pour les récupérer.
Dernier volet de la trilogie de Ford sur la cavalerie, Rio Grande creuse les thèmes du conflit entre des solidarités contradictoires, entre devoirs militaires et devoirs privés, la cavalerie étant décrite comme un univers où l’autorité n’empêche pas des rapports quasi familiaux, au risque de détruire par ailleurs les liens humains naturels.
Henry King, EU, 1939, 1 h 46.
Comment Jesse James et son frère Frank (Tyrone Power et Henry Fonda), pour s’être opposés à l’expropriation de leurs terres, basculent peu à peu dans le crime.
Peut-être le plus beau tourné sur le célèbre bandit, ce film insiste beaucoup sur les iniquités de la société qui l’ont poussé hors du droit chemin. Somptueuse utilisation du Technicolor.
John Ford, EU, 1939, NB, 1 h 36.
Dans une diligence qui fuit les Indiens cohabitent un shérif, son prisonnier (John Wayne), un banquier en cavale avec la caisse, une femme enceinte, une prostituée (Claire Trevor), un médecin ivrogne, un joueur professionnel (John Carradine)…
Inspiré de Boule de suif de Maupassant, ce film admirablement photographié est l’occasion pour Ford d’afficher sa sympathie pour les marginaux, méprisés par les convenances bourgeoises mais qui s’avèreront capables de vertus morales que bien des gens “comme il faut” pourraient leur envier.
John Ford, EU, 1964, 2 h 34.
Parqués dans une réserve désertique, les Cheyennes y meurent à petit feu. La centaine de survivants s’en échappent ; le capitaine Archer (Richard Widmark) les prend en chasse à contrecœur.
Ford prend ouvertement le parti des Cheyennes contre la cupidité, l’aveuglement ou la cruauté des Blancs, qui méprisent des Indiens qui sont pourtant, eux, restés fidèles à leurs traditions et à leurs croyances.
Henry King, EU, 1950, NB, 1 h 25.
Réputé le tireur le plus rapide de l’Ouest, Jimmie Ringo (Gregory Peck) est sans cesse défié par des ambitieux qui veulent se faire un nom. Ce qui ne manque pas d’arriver dans la petite ville où il vient proposer à la femme qu’il aime de faire leur vie ensemble.
Peu de films ont mis en scène la vacuité de la violence aussi bien que ce grand western qui ne la montre jamais.
Budd Boetticher, EU, 1960, 1 h 14.
Cody (Randolph Scott), ayant appris que les Comanches ont capturé une Blanche et cherchent à l’échanger, la rachète aux Indiens. Leur route croise aussitôt une bande de chasseurs de primes, qui veulent récupérer celle offerte par le mari de la prisonnière.
Un beau film concis, qui propose avec le personnage de Randolph Scott un superbe héros chevaleresque.
William Wellman, EU, 1951, NB, 1 h 58.
1851. Fondateur d’une communauté en Californie, Roy Whitman (John McIntire) charge Buck Wyatt (Robert Taylor) de l’aider à convoyer vers les colons 150 femmes avec qui ils pourront se marier.
Tempêtes, attaques d’Indiens, accidents, soif, accouchement en plein désert : on sent le cinéaste plein d’admiration pour la fortitude de ces femmes qui viennent à bout d’épreuves qui auraient paru insurmontables à beaucoup d’hommes. Idéal pour réconcilier les spectatrices avec le western.
Andrew McLaglen, EU, 1963, 2 h 07.
McLintock (John Wayne) est un riche éleveur mais sa femme (Maureen O’Hara) l’a quitté et ne revient que pour soustraire leur fille à sa “mauvaise influence”. McLintock a quelques jours pour la convaincre de rester.
Personnages hauts en couleur, description d’une communauté explosive mais chaleureuse, bagarres roboratives, souci des minorités indiennes : un film jubilatoire « sur le bonheur de vivre ensemble » (Yves Boisset).
Henry Hathaway, EU, 1954, 1 h 40.
Trois aventuriers (dont Gary Cooper et Richard Widmark) sont recrutés par Leah (Susan Hayward) pour venir au secours de son mari, prisonnier d’une mine d’or en plein territoire apache.
Un western original, maintenu dans une tension constante par la présence quasi invisible mais d’autant plus menaçante des Indiens. Multipliant les allusions religieuses, les dialogues opposent la gratuité du christianisme à l’appât de l’or.
Edgar G. Ulmer, EU, 1955, 1 h 22.
Après un braquage, Santiago (Arthur Kennedy) se réfugie dans une ferme mexicaine, où son butin attire la convoitise de Manuel (Eugene Iglesias) tandis que Maria (Betta St. John), malheureuse avec ce mari qui la bat, rêve de partir avec lui.
Un curieux western qui tourne autour des notions de pardon et de rédemption, creusant l’idée que « Dieu est présent en toute chose » comme le dit Santiago, bandit au grand cœur, animé d’une profonde espérance qui le conduit à assumer auprès des autres protagonistes une fonction proche de celle du prêtre.
Une écrasante majorité de films américains dans cette rubrique, le film noir, le polar, le thriller ou le film d’action étant, comme le western, des spécialités où la supériorité d’Hollywood n’a jamais été sérieusement contestée. Beaucoup de films anciens aussi, le genre ayant malheureusement majoritairement basculé ces dernières décennies dans une violence explicite qui n’exclut pas toujours la complaisance. C’est évidemment un genre qui permet au spectateur d’éprouver en toute sécurité le frisson du danger ou du suspense. Mais, s’il y a dans notre sélection des films qui ne visent guère à autre chose qu’à procurer ce genre de frayeur par procuration, beaucoup d’autres ont également une valeur humaine. Outre que, comme nombre de films d’aventures, ils offrent souvent des exemples de courage, d’héroïsme ou de sacrifice de soi ; outre que, comme le western, ils donnent fréquemment à réfléchir sur la vanité de la violence et de la vengeance, polars et films noir sont souvent l’occasion de considérer que le bien et le mal ne sont pas des forces antagonistes qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre – mais qu’ils sont au contraire souvent plus proches
qu’on ne le croit, et rassemblés par une forme de gémellité, comme les deux faces d’une même médaille. Bref, le cinéma est souvent une occasion de réfuter les facilités du manichéisme – comme de résister à la tentation de juger.
Stanley Donen, EU, 1963, 1 h 53 V.
Poursuivie par trois hommes prêts à tout pour récupérer l’argent que son défunt mari leur a volé, Regina Lampert (Audrey Hepburn) ne peut compter que sur l’aide d’un inconnu (Cary Grant). Mais celui-ci n’est pas ce qu’il prétend être.
Un excellent scénario plein de faux-semblants donne un récit mêlant en un parfait équilibre humour, séduction, suspense et action, aussi charmant que ses deux vedettes.
Fritz Lang, EU, 1941, NB, 1 h 45.
1939. Dans la forêt allemande, un chasseur anglais (Walter Pidgeon) est surpris près de la résidence d’Hitler. Poursuivi par les nazis qui sont persuadés qu’il a voulu le tuer, il tente de leur échapper avec l’aide d’une jeune prostituée (Joan Bennett).
Le plus réussi et le plus hitchcockien des thrillers antinazis de Fritz Lang, superbe mélange de suspense et d’humour, qui ne relâche jamais la tension.
Sidney Lanfield, EU, 1939, NB, 1 h 20.
Après la mort mystérieuse de son père, sir Henry Baskerville prend possession du domaine. Sherlock Holmes et le Dr Watson vont tenter d’éviter qu’il ne connaisse la même fin brutale.
Nimbé d’une belle atmosphère inquiétante, c’est le premier des quatorze films qui virent Basil Rathbone et Nigel Bruce fournir la plus parfaite et la plus savoureuse des incarnations du tandem Holmes-Watson.
Correspondant 17
Alfred Hitchcock, EU, 1940, NB, 2 h.
Un journaliste américain (Joel McCrea) doit interviewer un diplomate hollandais, qui est abattu sous ses yeux. Jones prend en chasse le tueur avec la fille d’un leader pacifiste (Larane Day) et un journaliste britannique (Georges Sanders).
Une intrigue digne de Tintin où les péripéties se succèdent à un rythme endiablé, avec un mélange d’humour et de romance, et le brio habituel d’Hitchcock.
Alfred Hitchcock, GB, 1938, NB, 1 h 36.
Dans un train, la jeune Iris (Margaret Lockwood) reçoit l’aide d’une charmante vieille dame ; mais celle-ci disparaît et tous les passagers prétendent ne l’avoir jamais vue. Iris fouille le train avec l’aide d’un compatriote (Michael Redgrave).
Un récit foisonnant qui mêle moments de pure comédie et de tension extrême, sur le principe hitchcockien en diable du héros que personne ne veut croire, la vérité paraissant incroyable et les égoïsmes particuliers faisant obstacle à son dévoilement.
Alfred Hitchcock, GB, 1937, NB, 1 h 20.
Accusé de meurtre parce qu’on a retrouvé sa ceinture d’imperméable sur les lieux, Robert (Derrick de Marnay), pour prouver son innocence, devra retrouver le voleur de son imperméable, aidé par la fille du commissaire (Nova Pilbeam).
Un des très bons Hitchcock de la période anglaise, léger, rythmé, malicieux. Tous les ingrédients du cinéaste sont là : humour, suspense, faux coupable, couple soudé par l’épreuve et soumis à l’angoisse dans un environnement indifférent.
Alfred Hitchcock, EU, 1955, 1 h 46.
Ancien voleur de bijoux revenu dans le droit chemin, John Robie (Cary Grant), soupçonné d’une série de vols sur la Côte d’Azur, décide d’attraper lui-même le voleur. Il surveille une de ses probables victimes dont la fille, la belle Frances (Grace Kelly), s’entiche de lui.
Ce n’est pas le plus profond des films d’Hitchcock, mais une très plaisante comédie policière qui se double d’une élégante comédie sentimentale où la sublime Grace Kelly joue au chat et à la souris avec Cary Grant.
Alfred Hitchcock, GB, 1935, NB, 1 h 26.
Par un concours de circonstances, Richard Hannay (Robert Donat) est poursuivi par des espions et accusé de meurtre, et trouve son destin lié à celui d’une femme (Madeleine Carroll) qui ne croit pas à son innocence.
Une course-poursuite où la tension dramatique liée au danger se double de celle créée par le mur d’incrédulité auquel le héros se heurte. La savoureuse légèreté du ton fait un délicieux contrepoint sans atténuer le suspense.
Peter Hyams, EU, 1977, 2 h 03.
Un incident ne permet pas de mener à bien la mission qui devait conduire trois astronautes sur Mars. La Nasa décide de réaliser un lancement factice, en contraignant les astronautes au silence.
Superbement écrit, un classique du cinéma paranoïaque, mené avec une tension et une efficacité constantes. Avec Elliott Gould et James Brolin.
Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel, EU, 1932, NB, 1 h 03.
Célèbre chasseur, Robert Rainsford (Joel McCrea) fait naufrage sur une île ; naufrage provoqué par le propriétaire de l’île, le comte Zaroff (Leslie Banks), pour en faire le gibier de son sport favori : la chasse à l’homme.
Une série B nerveuse et sans fioritures, qui a la rapidité et la rigueur des classiques, et prend le parti des proies contre le chasseur.
Fritz Lang, EU, 1944, NB, 1 h 26.
Stephen Neale (Ray Milland) est pourchassé par un réseau d’espionnage nazi pour s’être vu attribuer par erreur, dans une fête foraine, un gâteau où est caché un microfilm.
Thriller où la résolution de l’énigme compte moins que l’angoisse qui pèse sur le héros, que Lang installe superbement par une ambiance cauchemardesque. C’est un brillantissime exercice de style auquel un jeu extraordinaire sur l’ombre et la lumière, qui souligne la menace que les forces du mal font constamment peser sur l’innocence, confère une véritable splendeur.
Alfred Hitchcock, EU, 1956, 2 h.
En vacances à Marrakech, Benjamin et Josephine McKenna (James Stewart et Doris Day) sont témoins d’un meurtre dont la victime murmure un message à l’oreille de Benjamin. Puis leur fils est enlevé…
Brillante variation sur ce fondamental du suspense hitchcockien : confronter des gens ordinaires à un complot d’une intensité extraordinaire.
Deux parties dans ce chapitre : tout d’abord des films qui, soit décrivent le réel tel qu’il est, sur le mode documentaire, soit évoquent des faits historiques, souvent en prenant des libertés avec les faits tels que les ont établis les historiens, mais qui n’en seront pas moins des occasions de se pencher, en famille, sur les événements en question, de donner aux enfants le goût de l’Histoire – et sans aucun doute aussi de leur apprendre qu’il ne faut pas croire aveuglément tout ce que l’image nous montre et savoir faire la part des faits établis et de la fictionnalisation. On ne saurait d’ailleurs trop conseiller aux parents de se documenter préalablement, ne serait-ce que sommairement, sur les périodes traitées par les films, de manière à pouvoir rectifier les éventuelles simplifications, libertés poétiques ou contre-vérités des scénaristes.
Dans une deuxième partie, on a rassemblé des films qui évoquent une autre réalité, d’inspiration surnaturelle celle-là : à savoir les films, de pure fiction
ou fondés sur une réalité historique, qui évoquent la foi chrétienne, l’histoire de l’Église, ou qui font de prêtres ou de religieuses leur figure centrale. Ce seront autant d’occasions d’approcher les Écritures de façon vivante, de rencontrer des figures inspirantes, comme saint Vincent de Paul, sainte Bernadette ou sainte Thérèse de Lisieux, de s’interroger sur la place du prêtre dans un monde déchristianisé, ou encore de corriger des caricatures courantes sur l’Église.
Laurent Charbonnier, FR, 2007, 1 h 25.
En des images étonnantes, poétiques et touchantes, ces 83 espèces d’animaux à plume, à poil ou à branchie se font beau avant la rencontre, développent des parades amoureuses infinies, se battent avec leurs rivaux, batifolent et se font des papouilles. Plutôt que de s’attarder sur les séquences sexuelles, ce documentaire préfère concocter un joli spectacle familial où la splendeur des images n’est étouffée ni par le commentaire, minimaliste, ni par la musique élégante de Philip Glass.
Michel Seydoux et Laurent Charbonnier, FR, 2022, 1 h 20.
Autour d’un vieux chêne vivent insectes, mulots, oiseaux, écureuils ou sangliers.
Ce documentaire aux images souvent stupéfiantes permet de découvrir de manière vivante le cycle des saisons et l’écosystème d’une infinie richesse qui gravite autour d’un simple chêne.
Luc Jacquet, FR, 2005, 1 h 20.
Tous les ans, les manchots empereurs entreprennent une longue marche sur la banquise pour rejoindre un lieu propice à la reproduction. Durant ces mois de retraite reculée, pères et mères se relayent pour retourner régulièrement chercher de la nourriture, pendant que celui qui reste couve l’œuf ou protège le nouveau-né.
Un documentaire aussi spectaculaire qu’émouvant. Comment rester de glace devant le spectacle de ces animaux qui endurent stoïquement la famine, le froid et des vents qui déferlent à 150 km/h pour protéger leurs petits ?
Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, FR, 2009, 1 h 44.
Des images sublimes, aussi poétiques que prodigieuses : qu’il s’agisse de ces
terre comme au ciel – À partir de 8 ans
poissons-pilotes qui accompagnent la raie marbrée dans ses élégantes circonvolutions, de l’attaque d’un banc de poissons par une armée de dauphins, de fous du Cap et de baleines, ou de crabes cuirassés qui partent à l’assaut d’une forêt d’oursins, on reste saisi par l’acuité du regard des cameramen.
Ernst Marischka, Autriche, 1955, 1 h 42.
Séduit par sa cousine Sissi (Romy Schneider), l’empereur d’Autriche François-Josef (Karlheinz Böhm) veut en faire sa femme, au grand dam de sa mère, l’archiduchesse Sophie. Certes, l’histoire est vue à travers un prisme très Point de vue mais cette saga en trois épisodes (Sissi impératrice, 1956, 1 h 47, puis Sissi face à son destin, 1957, 1 h 49) garde un charme intact grâce à la beauté de Romy Schneider, au caractère libre et malicieux de Sissi et à un scénario qui sait mêler habilement enjeux intimes et politiques, en rappelant que l’art de gagner les cœurs fait partie de l’art de gouverner.
Jacques Perrin, Jacques Cluzaud et Michel Debats, FR, 2001, 1 h 38.
Un film d’une stupéfiante beauté, qui montre les oiseaux migrateurs comme on ne les avait jamais vus. Jacques Perrin et son équipe ont réussi à nous mêler au “peuple migrateur” de la plus étonnante des façons, partageant au plus près leurs déboires, leurs fatigues, leur ivresse du vol.
Anne-Dauphine Julliand, FR, 2016, 1 h 19.
Camille, Ambre, Tugdual, Imad et Charles seraient des enfants comme les autres sans les maladies graves, parfois incurables, dont ils sont atteints.
Malgré les souffrances, c’est la joie qui domine ce documentaire, la capacité à saisir la vie à pleines dents, à jouir de l’amour qui les entoure et qu’ils peuvent prodiguer. Comme tous les enfants, ils sont atteints d’un virus bien plus fort que toutes les pathologies : la maladie du bonheur. Une émotion pleine d’espérance.
Jacques-Yves Cousteau et Louis Malle, FR, 1956, 1 h 26. Une campagne d’exploration océanographique à bord du Calypso. Si le documentaire a un peu vieilli, notamment dans son dispositif artificiel qui voit l’équipage du Calypso jouer maladroitement son propre rôle, les images extrêmement colorées des fonds marins restent stupéfiantes, et le film un témoignage historique précieux sur cet âge pionnier de l’exploration des océans.
Jean-Jacques Annaud, FR, 2022, 1 h 50.
L’incendie de Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019.
Malgré quelques maladresses, notamment dans la direction d’acteurs, ce film où rien n’est inventé mais tout est romanesque reconstitue avec force les émotions de cette nuit, y compris dans sa dimension spirituelle. Jusqu’à la dernière image qui souligne qu’aussi sublime soit-elle, une cathédrale n’est que le signe d’une flamme toujours vivace et toujours nourricière : celle de la petite fille Espérance.
John Ford, EU, 1939, NB, 1 h 40 V.
Jeune homme, Abraham Lincoln (Henry Fonda) décide de devenir avocat et sauve du lynchage deux frères, accusés de meurtre. Reste à assurer leur défense.
L’un des plus beaux films de Ford, qui brosse un portrait nuancé du futur président, idéaliste manipulateur, mais aussi profondément humain, sentimental et désintéressé. À travers lui, Ford rend hommage à l’Amérique profonde, tout en mettant en garde contre le manichéisme.
Michael Curtiz, EU, 1939, 1 h 46.
Angleterre, 1596. Victorieux des Espagnols, le comte d’Essex (Errol Flynn) a la mauvaise surprise de constater sa disgrâce auprès de la reine Élisabeth (Bette Davis). C’est que celle-ci se méfie et de l’amour qu’elle lui porte et de la popularité que valent à Essex ses succès militaires.
Un spectacle grandiose, historiquement fantaisiste mais plein d’allure et toujours passionnant. C’est la tragédie jouée d’avance de deux cœurs sincèrement amoureux mais l’un et l’autre dévorés d’ambition, l’un pour sa propre gloire, l’autre pour son pays.
Critique de cinéma reconnu, Laurent Dandrieu propose au public familial une sélection de plus de sept cents films remarquables par leur drôlerie, leur profondeur ou leur intensité dramatique, mais surtout par le regard plein d’enseignements qu’ils posent sur notre condition. S’y côtoient les œuvres des plus grands maîtres du septième art (Chaplin, Tati, Hitchcock…) et de réalisateurs contemporains (Spielberg, Jeunet, Chazelle…).
Les notices synthétiques, classées par genre et par tranche d’âge, permettent de saisir en quelques secondes le propos et l’intérêt de chaque film.
Au fil de ces pages fourmillantes d’idées qui se dévorent comme du pop-corn, on n’a plus qu’une seule envie : partager ensemble d’inoubliables moments de cinéma, et se construire, l’air de rien, une solide culture familiale.
Journaliste culturel, Laurent Dandrieu est l’auteur d’une dizaine de livres parmi lesquels le Dictionnaire passionné du cinéma (L’Homme nouveau) et Woody Allen, portrait d’un antimoderne (CNRS éditions). Son recueil de portraits d’écrivains La Confrérie des intranquilles a été couronné par l’Académie française.
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