Le Tour de la France des découvertes

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Louise Guillemot

Le TOUR De

FraNCe DES DéCOuveRTeS 12 HISTOIRES AU FIL DU TEMPS, DES GAULOIS AU CINÉMA

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Louise Guillemot

Le TOUR De

FraNCe DES DéCOuveRTeS


Sommaire Élantia – Magicienne du bronze . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Bibracte, 21 février 146 avant JC. En cette nuit noire, la capitale gauloise est plongée dans le sommeil… sauf Élantia Élantia. Son père croit que les filles ne peuvent pas être artisanes ? Elle prouvera qu’elle aussi maîtrise la magie du bronze !

Marton – Jeux de glaces à Versailles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Versailles, 14 novembre 1684. La veille de l’inauguration de la Galerie des Glaces, la jeune domestique Marton découvre pour la première fois son reflet grâce aux merveilleux pouvoirs du tain tain. Mais un accident est si vite arrivé…

Ninon – Le parfum secret du savon de Marseille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Marseille, 3 août 1765. Bravant l’interdiction de ses parents, Ninon emmène sa nouvelle voisine, Angélique Diderot, dans une expédition secrète au parfum de savon savon, de mer et d’amitié.

Marianne et Victoire – Le jasmin de l’an I . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 Grasse, 27 septembre 1792. Chaque jour, dès l’aube, Marianne et Victoire cueillent du jasmin pour les parfumeurs. Elles ne savent pas encore qu’un émissaire de Paris va changer le cours de l’Histoire, et qu’un arbre de la liberté fleurira dans leur ville…

Eusèbe – Liberté, égalité, madras . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 Martinique, 22 mai 1848. En pleine révolte des esclaves, Eusèbe se lance dans une course folle pour sauver la vie de sa sœur et lui offrir enfin un madras aux couleurs de la liberté.

Alphonse – L’aventurier de l’arsenal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 Brest, 16 avril 1868. Alphonse s’épuise à travailler comme chaudronnier sur le chantier naval. Un sextant de cuivre va changer sa vie et lui ouvrir des horizons inespérés…


Lucie – L’argent magique des frères Lumière. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 Paris, 28 décembre 1895. Fascinée, Lucie assiste clandestinement à la première projection publique de cinéma. L’aspirante réalisatrice Alice Guy lui révèle les mystères de l’argentique l’argentique, et les voilà parties pour une grande traversée de Paris, caméra à la main…

Léon de Limoges – Guerre et poupée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .78 Limoges, 5 octobre 1916. En pleine guerre mondiale, pas de place pour la délicatesse : une bande de garçons brise en mille morceaux la poupée en porcelaine de Saxe d’une petite Allemande. Léon osera-t-il s’interposer ?

Juliette ose la viscose . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 Lyon, 13 mars 1928. Au grand désespoir de sa mère, ouvrière de la soie soie, la coquette Juliette ne pense qu’à s’amuser. Pourra-t-elle s’offrir des bas en viscose viscose, cette nouvelle soie artificielle qui la ferait ressembler aux vedettes de cinéma ?

Gaspard – Un courage couleur charbon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98 Pas-de-Calais, 27 mai 1941. Dans la France occupée, les mineurs qui doivent fournir du charbon à l’armée nazie entrent en grève. Gaspard Gaspard, jeune mineur, est chargé d’une importante mission pour la Résistance…

Guillaume – La mystérieuse affaire des vitraux de Conques . . . . . . . . . 108 Conques, 21 juin 1994. Passionnés par le Moyen-Âge, Guillaume et ses amis du Club des Troubadours et des Trobairitz déclarent la guerre aux vitraux du peintre Pierre Soulages. Ils recèlent pourtant une énigme de verre verre, de lumière et d’amour maudit…

Félix et Daniel – Algues mortelles à Saint-Pierre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 Saint-Pierre-et-Miquelon, 3 janvier de cette année. Félix et Daniel n’auraient jamais dû s’aventurer seuls sur l’îlot du Gros-Colombier. Un laboratoire secret, des algues empoisonnées… Sortiront-ils de ce piège mortel ?


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AULOIS

Citadelle de Bibracte, 29 e jour du mois d’Anagantios (21 février 101 avant notre ère)

LE BRO

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Bibracte

Élantıa MAGICIENNE DU BRONZE

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a Lune se leva sans un bruit au-dessus des champs de blé enneigés et entra dans la citadelle : rien ne pouvait l’arrêter, même les redoutables remparts des Gaulois. « Heureusement que c’est une amie, pas une ennemie », se dit Élantia qui avait les yeux grand ouverts. Quand la Lune fut assez haute pour illuminer la maison, Élantia se leva. Sans un bruit, elle aussi. Le père et les sept frères d’Élantia dormaient profondément. Elle écarta la tapisserie qui masquait la porte de la chambre. L’atelier était désert. L’atelier était à elle. Sur le sol de terre battue, le clair de lune brillait comme du métal en fusion. Chaque détail devenait visible dans cette lumière magique : les lames des outils, les finitions délicates des objets réalisés la veille, rangés dans un coin en attendant d’être vendus dans les boutiques de la grand-rue. Elle s’appelait Élantia du nom de la biche, elle en avait la grâce et le pas léger. Pour son père et ses sept frères, elle était la princesse Biche. Le cordonnier voisin payait ses dettes à sa famille en offrant des sandales à la princesse Biche, et les bijoux de l’atelier qu’une petite erreur de fabrication rendait difficiles à vendre ornaient son cou et ses poignets. De l’avis de tous, elle était très gâtée. Mais cette nuit-là, un frisson de joie la parcourut quand elle noua des chiffons noircis autour de ses chevilles, revêtit le tablier d’Éloppo qui sentait la sueur et le brûlé, protégea ses mains de vieilles bandelettes de tissu et s’aventura dans l’autre partie de l’atelier. La partie sombre. Elle posa le pied sur le sol couvert de charbon de bois

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pilé. Ça crissa. Elle s’accroupit près du premier four, une grande cloche de terre cuite enserrée par des pierres. Les braises rougeoyaient encore. On n’éteignait pas le four la nuit, en hiver, pour que la température ne mette pas trop longtemps à monter au début de la journée. Dehors il gelait à pierre fendre. Elle ajouta deux bûches et tisonna jusqu’à ce que le feu reprenne. Un oiseau de nuit passa à toute volée en poussant de drôles de cris. Élantia sursauta. Elle rebroussa chemin vers la chambre, compta les silhouettes allongées : Arleno, l’aîné, puis Bodivès, Cantommali, Dunnius, Éloppo, le frère jumeau d’Élantia, Frontu et Galba les plus jeunes, et tout au fond leur père Ulidorix, le meilleur bronzier de Bibracte. Pour l’heure, le meilleur bronzier de Bibracte ronflait. Valériane, passiflore et aubépine : un merveilleux mélange glissé dans l’hydromel du soir, subtilisé au vieux Maripotulipos. Le brave druide était si myope qu’Élantia aurait pu lui voler ses propres sandales, mais ses potions soporifiques faisaient encore leur effet. Rassurée, elle retourna dans l’atelier. À l’aide d’une longue pince en fer, elle souleva le récipient rempli d’airain et de cuivre. C’était lourd, précieux, et ses mains tremblaient. Ce geste-là, elle l’avait vu faire des milliers de fois. Elle rêvait de déposer elle-même le métal au creux du foyer comme on cache un trésor. Cette nuit, comme son père et ses sept frères, elle serait magicienne. Le récipient atterrit un peu brutalement dans le four. Il vacilla, mais resta droit entre les pierres du foyer. Élantia retira la pince et actionna la tuyère, un conduit qui débouchait à l’intérieur du foyer et se terminait à l’extérieur par un soufflet en peau de chèvre. Il fallait presser et relâcher le soufflet pour attiser les flammes. Fascinée, elle contemplait le cœur du brasier. Peu lui importait de se roussir les cils ou de s’abîmer les yeux. Il n’y avait rien au monde de plus beau que cette danse de l’air et du feu. Au bout d’une minute, ses bras commencèrent à s’engourdir. Elle fronça les sourcils, serra les dents et continua. Avoir dix ans n’était pas une raison pour abandonner. À dix ans, les fils de la noblesse partaient à la guerre avec leur père. Elle ne voulait pas apprendre à tuer des ennemis, mais elle se sentait capable d’apprendre à fabriquer des œuvres d’art.

Je me suis soudain souvenue Que je suis née nuage... La vieille chanson gauloise lui vint aux lèvres. Quand sa mère était encore en vie, elle chantait souvent cette chanson qu’elle tenait de son père, un barde ségusiave. Les

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Ségusiaves, les Mandubiens… la puissance du peuple éduen s’étendait sur tous les peuples environnants, depuis cette citadelle immense bâtie sur un sommet enneigé la moitié de l’année. Tout en actionnant le soufflet, Élantia rêvait. Tant de peuples vivaient d’ici jusqu’au rivage lointain de l’Océan, à l’ouest, et jusqu’au fleuve des Germains à l’est, tant de gens parlaient gaulois à peu près comme elle, interrogeaient les druides et chantaient peut-être les mêmes chansons… et plus loin, au sud de la Gaule, il y avait Rome et la Grèce, ces lieux fantastiques d’où venaient les statues de pierre que les gens riches exposaient dans leur maison et qui faisaient rire parce qu’elles imitaient des gens qui se battaient, dormaient et dansaient. Élantia sourit à l’idée que des sculpteurs aussi étranges vivaient en même temps qu’elle dans une autre partie du monde. Quand elle regardait la plaine du haut des remparts, elle s’imaginait dériver comme un nuage par-delà l’horizon. Voyager. Voir ailleurs. Comme les nobles, les diplomates, les druides ou les marchands qui parlaient de cette mer Méditerranée.

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Quand le nuage a plu Je suis devenue alouette chanta Élantia un peu plus fort. Les statues des Grecs et des Romains plaisaient aux gens riches, et beaucoup moins aux artisans. Le père d’Élantia haussait les épaules et disait : « Si je veux voir quelqu’un se battre, dormir ou danser, je vais à la guerre, dans une chambre ou au banquet. Ce n’est pas ça, mon métier. » Il sortait de son atelier des bijoux, des pièces de monnaie et des coupes aux formes extraordinaires, que personne n’avait jamais vues dans le monde réel. Quand Élantia lui demandait de lui apprendre à elle aussi la magie, il lui caressait les cheveux et il lui expliquait gentiment que ce n’était pas la peine qu’une aussi jolie petite fille se salisse les mains, car ses sept frères suffisaient à faire tourner l’atelier. Elle répondait que ce n’était pas juste, qu’une fille aussi pouvait faire de la magie avec du bronze. À ce moment de la discussion, Ulidorix cessait de l’écouter. « Demain matin, pensa Élantia, il verra bien qu’il a eu tort. » Elle vida sur ses genoux le contenu d’une sacoche de cuir : des formes en cire, fabriquées en secret les jours précédents. Quand l’alouette a chu Je suis devenue châtaignier chanta Élantia en enrobant d’argile les formes en cire. Elle les déposa dans le foyer du second four jusqu’à ce que l’argile ait durci. Puis elle les ouvrit en deux moitiés, le cœur battant. Elle avait réussi ! La cire avait fondu, laissant en creux la forme qu’elle occupait. Élantia gratta les restes de cire et referma le moule d’argile solide. Avec un couteau, elle y creusa un trou pour permettre au métal en fusion d’en remplir l’intérieur. Quand le bûcheron j’ai entendu Je suis devenue ablette chanta Élantia en actionnant de nouveau les tuyères du premier four. Au bout d’un long moment, elle se pencha vers la bouche rougeoyante jusqu’à ce que la chaleur soit insupportable. Cuivre et airain ne formaient plus qu’un seul liquide flamboyant. L’alliage avait pris. « Du bronze… » murmura Élantia, émue. Fallait-il retirer le récipient tout de suite ? La couleur du mélange trahissait les plus infimes variations de température. C’était pour isoler cette couleur, se protéger de la lumière changeante du soleil, de ses reflets et de ses ombres, que le sol était noirci de charbon et que le toit s’ouvrait au nord.

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Élantia avait soigneusement choisi la nuit de son opération secrète. Elle aimait suivre le druide Maripotulipos dans ses pérégrinations, comme si elle avait été un garçon de la noblesse. Maripotulipos faisait semblant de ne pas s’en apercevoir et parlait plus fort quand il la savait dans les environs. À force elle glanait des connaissances sur le calendrier, les astres et les météores. Cette nuit devait être la plus lumineuse, sans aucun de ces nuages qui voilent d’ordinaire le lugubre mois d’Anagantios. Dans l’atelier, l’air vibrait de poussière d’astres. Élantia n’avait besoin ni de soleil, ni de torche. Il n’y avait qu’elle, la lune et le foyer où s’opéraient des métamorphoses aussi mystérieuses que la transformation d’un châtaignier en ablette.

Quand la rivière j’eus descendu Je suis devenue biche La couleur du métal en fusion était parfaite. Élantia plongea la pince dans le foyer et en arracha le récipient avec son cortège de filaments d’or et de fumée. – Hé, oh ! Tout va bien ? Je vois de la fumée sortir de chez vous ! lança une voix au-dehors. Élantia serra les dents en reconnaissant le forgeron qui occupait l’atelier voisin. Ce n’était vraiment pas le moment, alors qu’elle devait couler très précisément le métal en fusion dans les moules. – Tout va bien, Samorix ! répondit-elle. – Il y a quelqu’un ? cria le forgeron qui n’entendait pas. Elle ne pouvait pas lui ouvrir maintenant, sinon le métal allait refroidir. Sans lâcher la pince, elle plaça le récipient au-dessus des moules alignés en rang d’oignon. – Hé, Ulidorix ! appelait Samorix. Il fallait verser le bronze dans le trou qu’elle avait pratiqué à la surface de chaque moule pour en remplir l’intérieur. Le trou n’était pas bien grand : difficile de ne pas renverser à côté la moitié du métal précieux. – Hé, Arleno ! Bodivès ! Cantommali ! Dunnius ! Éloppo ! Frontu ! Galba ! Persuadé qu’un incendie se déclenchait chez ses voisins, Samorix tambourinait à la porte. Élantia entendit remuer dans la chambre : son père et ses frères étaient sur le point de se réveiller, alors qu’elle n’avait encore rien accompli. Elle calma sa respiration, ignora les bruits dans la chambre et les cris de Samorix. Elle chantait doucement :

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Quand biche j’eus vécu Je suis devenue Élantia la princesse Biche Fille de Bibracte, fille de bronzier Humaine et magicienne Le métal ruissela dans les fentes, brillant, joyeux de se loger au cœur des moules et d’y apprendre de nouvelles formes. Quelques gouttelettes éclaboussèrent le sol – pas grand-chose. Élantia chassa de ses mains la fumée qui tournoyait autour de son visage et se précipita vers la porte. – Élantia ! s’exclama Samorix en la voyant apparaître dans l’embrasure. Où est ton père, où sont tes frères ? – Tout va bien, Samorix, ils ont travaillé tard dans la nuit et maintenant, ils vont se coucher. – Tard dans la nuit ? répéta le forgeron, tirant avec perplexité sur sa moustache gris fer. – Par Toutatis, oui ! C’est une commande de notre vergobret : il veut un baudrier flambant neuf pour impressionner le vergobret des Arvernes. – Le vergobret… ça alors ! répéta le forgeron, vexé que le chef du conseil aristocratique ait passé commande auprès du bronzier plutôt que chez lui. Puis il remarqua le visage d’Élantia noirci par la fumée. – Ma pauvre petite ! Qu’est-ce qui t’est arrivé ? – Rien du tout, sourit Élantia. J’ai travaillé avec mon père et mes frères. Devant le froncement de sourcils de Samorix, elle comprit qu’il ne la croirait pas. – Je plaisante, dit-elle, je suis seulement en train de nettoyer l’atelier après leur passage. Il faut que tout soit impeccable pour demain matin.



C’était une manière polie de dire à Samorix qu’elle était occupée. Le forgeron comprit et n’insista pas. Quand la porte fut refermée, Élantia déposa délicatement les moules sur le sol clair de l’atelier. Elle s’assit et elle attendit.

Dans beaucoup d’années Je serai à nouveau ablette À nouveau châtaignier, à nouveau alouette À nouveau nuage À nouveau née Les druides disaient que les êtres vivaient des vies innombrables, tantôt humains, tantôt pierres, plantes ou animaux. Bien avant leur naissance, bien après leur mort, ils vivaient sous des formes nouvelles. Les étoiles pâlissaient quand Élantia ouvrit les moules. Ses mains tremblaient d’émotion. La magie avait opéré. Elle sortit de l’argile les formes compliquées qu’elle avait données au bronze. Un torque pour Ulidorix. Sept fibules, une pour chacun de ses frères. Une boucle de ceinture pour le vergobret. Pour Maripotulipos, une serpe dont il se servirait à la prochaine assemblée des druides dans la forêt des Carnutes. Et pour elle… une petite trompette. Elle prit un couteau et ébarba le bronze, ôtant les irrégularités. Chaque objet était ouvragé – elle avait passé tellement d’heures à confectionner les moules de cire, à y imprimer ces formes sorties de son imagination ! Autour de la torque se tordait un serpent qui se transformait en fleurs. Les fibules s’attachaient par d’étonnantes formes géométriques, la boucle de ceinture était la tête d’une femme à la fois de profil et de face, le manche de la serpe était constellé d’yeux. Seule la trompette restait lisse. Mais avant de devenir louve ou muraille Escargot ou nénuphar J’aurai fait naître mille et mille vies Mille et mille formes nouvelles Un coq chanta, le ciel prit la couleur du bronze, c’était l’aube.


Voyage au temps des…

Gaulois – L’Âge du Fer succède à l’Âge du Bronze vers 800 avant notre ère. La France n’existe pas encore, son territoire est peuplé par les Gaulois.

Connais-tu

l’histoire de…

Bibracte

• L’oppidum (citadelle) de Bibracte était la capitale des Éduens, un puissant peuple gaulois. Vercingétorix et Jules César y séjournèrent. Après la conquête romaine, ses habitants l’abandonnèrent pour Augustodunum (Autun). • Les vestiges de Bibracte furent découverts seulement au XIXe siècle par un passionné d’archéologie, Jacques-Gabriel Bulliot, sur le mont Beuvray, en Bourgogne-Franche-Comté. Ses remparts entourent 200 hectares : ils furent construits selon la technique du murus Gallicus qui impressionna beaucoup César.

– Il n’existe pas d’État gaulois unifié, mais une soixantaine de peuples parfois alliés, parfois rivaux, qui parlent gaulois et ont des bardes (poètes musiciens) et des druides (prêtres, savants et philosophes qui se réunissent chaque année dans la forêt des Carnutes). Ils croient en la réincarnation (chaque créature vit plusieurs vies sous des formes différentes) et en de nombreux dieux, dont Toutatis, Épona, Cernunnos ou Lug. Ils vivent dans des maisons ou des fermes rassemblées en petites ou grandes agglomérations, construisent des routes, cultivent les champs, commercent avec les Grecs, les Romains et les Étrusques. Les aristocrates élisent un chef appelé vergobret. – Une partie de la Gaule a été conquise par les Romains au IIe siècle avant notre ère : la Gaule cisalpine (le Nord de l’Italie) et la Gaule transalpine (de l’autre côté des Alpes : le Sud de la France). Le reste de la Gaule, dite « Gaule chevelue », est divisé en trois parties : le territoire des Belges, celui des Celtes et celui des Aquitains.

Les Gaulois, nos ancêtres ? Pas tout à fait… • La Gaule n’était pas un État mais un ensemble de peuples unis par la langue et la culture. • Les limites de la Gaule ne sont pas celles de la France : par exemple, la Belgique en faisait partie. • Beaucoup de Français ont des ancêtres du monde entier, qui n’étaient pas Gaulois. 14

• Mais partout en métropole, sous nos pieds, se trouvent des vestiges gaulois. Certains sont spectaculaires, d’autres passent presque inaperçus, mais tous nous apportent des témoignages précieux sur les hommes et les femmes qui ont vécu ici avant nous. Il en reste une infinité à découvrir…

– En 58 avant notre ère, Jules César est gouverneur de la Gaule romaine. Pour devenir un grand général, il conquiert alors la Gaule chevelue. César, qui était aussi écrivain, raconte ses exploits dans un livre, La Guerre des Gaules. – C’est le début de la période « gallo-romaine », dont le pont du Gard, le théâtre d’Orange ou les arènes de Nîmes sont des vestiges. Beaucoup de villes actuelles sont d’anciens camps romains ou colonies romaines. – Quelques mots d’origine gauloise : alouette, bagarre, bille, bruyère, chemin, chêne, cloche, crème, gobelet, mousse, truand… La musique de l’histoire : John Kenny, The Voice of the Carnyx.


Découvre… Bibracte et la Gaule, en -146

Matière à rêver

Le bronze

• Beaucoup d’ateliers de bronziers ont été découverts à Bibracte. Ils fabriquaient un moule d’argile autour d’un modèle en cire, le chauffaient jusqu’à ce que la cire s’écoule et la remplaçaient par le métal fondu dans un four. • Le bronze n’est pas un matériau simple mais un alliage de cuivre et d’airain. • L’art gaulois était très différent de l’art gréco-romain : pas de statues, mais de magnifiques objets artisanaux (bijoux, vaisselle, armes…). Ils n’imitaient pas la réalité mais imaginaient des êtres hybrides, des formes incroyables. Leur art longtemps méprisé a été redécouvert par les poètes, écrivains et peintres du XXe siècle (Georges Bataille, André Malraux, Pablo Picasso).

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Versailles, 14 novembre 1694

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Versailles

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marton JEUX DE GLACES À VERSAILLES

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u’est-ce que tu fais ici ? glapit un homme à l’accent lorrain. Colin Meyer n’était pas d’humeur à plaisanter. Cassant comme les miroirs qu’il fabriquait, il balayait d’un œil soucieux la galerie encombrée d’outils, d’escabeaux et de draps qui couvraient les parquets rutilants. C’était la veille de l’inauguration et il restait encore de nombreux miroirs à mettre en place. Si l’installation était un succès, ce serait le triomphe de la Manufacture des Glaces. Si c’était un échec… Il se pencha vers l’intruse : une fille maigre, d’à peu près onze ans. Elle avait des cheveux noirs qui dépassaient sous une coiffe blanche, un baquet, une brosse et un morceau de savon de Marseille dans les bras et l’air de ne pas être à sa place. – Je travaille ici, balbutia-t-elle. Au château. – Nigaude, il y a quatre ou cinq mille domestiques qui travaillent au château. Ça ne te donne pas le droit de venir déranger mes ouvriers dans notre galerie. La fille posa son baquet sur le sol et se redressa fièrement. – On m’a dit de venir nettoyer toutes les saletés que laissaient vos ouvriers dans cette galerie, qui n’est pas la vôtre mais celle de Sa Majesté, déclara-t-elle. – Et qui est ce on, ma petite ? – Monsieur Hecquessabrille, le petit-neveu du Surintendant aux Parquets du Roi. Colin Meyer haussa les épaules. – Martin ! cria-t-il. Occupe-toi de cette demoiselle, j’ai mieux à faire qu’écouter ses fariboles. Tandis qu’il s’éloignait, un garçon s’approcha.

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– Je suis Martin, apprenti miroitier à la Manufacture des Glaces. Et toi ? – Marton, répondit-elle prudemment. – Marton, quel drôle de nom ! Que viens-tu faire ici ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Surintendant aux Parquets du Roi ? Marton hésita, mais le sourire chaleureux du garçon la convainquit de dire la vérité. – Il n’existe pas, j’ai tout inventé. J’ai été embauchée hier aux cuisines mais je n’ai pas le droit de me promener dans le château. Je ne loge même pas sur place. – Mais pourquoi…? – J’ai tellement rêvé de voir cet endroit ! Quand l’inauguration aura eu lieu, je n’aurai plus aucune chance de m’y faufiler. Imagine-moi, avec mon baquet, pendant que le Roi passera entre des haies de courtisans aussi brillants que les miroirs… Tout en parlant, elle s’était avancée sur la pointe des pieds, curieuse, et son regard se faufilait partout. La galerie faisait plus de cinq toises de large et près de quarante de long. Marton imagina les dames et les gentilshommes aux immenses perruques y faire la course en glissant sur leurs talons rouges comme les enfants l’hiver sur les étangs gelés.


Du charbon et des fleurs ! De quoi est fait le monde qui nous entoure ? Pars sur les traces de ce tour de France pour le découvrir ! De Paris à la Martinique, du temps des Gaulois jusqu’à nos jours, faufile-toi de nuit dans la galerie des Glaces de Versailles, monte comme passager clandestin à bord d’une frégate à Brest, assiste à la première séance de cinéma des frères Lumière, résous l’énigme des troubadours et des vitraux de Conques et prends garde à ce qui t’attend au large de Saint-Pierre-et-Miquelon ! Dans ce grand livre d’aventures, chaque matériau raconte un moment de l’histoire de France : la Révolution française, l’abolition de l’esclavage ou la Résistance. La soie de Lyon, le savon de Marseille, le madras des Antilles, la porcelaine de Limoges... Douze histoires de filles et de garçons de toutes les époques pour découvrir l’Histoire, la nature et les inventions humaines.

Louise Guillemot, normalienne et agrégée de lettres classiques, aime se confronter aux personnages qui vivent à la lisière de l’Histoire et du roman, se glisser dans d’autres lieux et d’autres temps. Christophe Gomy a illustré les récits et Chloé Gautier a dessiné les cartes. 19,90 € France TTC mameeditions.com


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