Anne Sénéquier, pédopsychiatre
Illustrations de Sophie Bouxom
Anne Sénéquier, pédopsychiatre
Illustrations de Sophie Bouxom
Clés de compréhension
Conseils pratiques
Boîte à outils
Introduction p. 9
Un trouble émotionnel protéiforme p. 17
Anxiété, peur, stress, angoisse : quelle différence ? p. 18
Les craintes de l’enfance p. 19
Le stress, un pur produit de l’évolution, souvenir du paléolithique p. 21
Si l’anxiété était une forme : la vague p. 24
C’est quoi, l’énergie psychique ? p. 25
Quelle est la dynamique de l’anxiété ? p. 26
C’est quoi, le fond anxieux ? p. 30
Quelles formes peut prendre l’angoisse ? p. 33
À quoi penser avant de poser un diagnostic d’anxiété ? p. 39
Existe-t-il des traitements contre l’anxiété ? p. 40
Du point de vue de l’enfant p. 44
Du point de vue des parents p. 48
Chapitre 2
LE POIDS DE L’ENVIRONNEMENT
DANS L’ANXIÉTÉ
Le rapport au temps p. 54
La famille (et ses variantes) p. 61
L’école p. 68
Le sport p. 77
Le harcèlement p. 81
Les écrans p. 88
Les réseaux sociaux p. 92
Le sommeil p. 94
Le monde imparfait p. 98
Le bouleversement climatique p. 103
La pandémie p. 106
Chapitre 3
COMMENT FAIRE RECULER L’ANXIÉTÉ ?
L’importance des mots p. 114
Apprivoiser l’anxiété p. 120
La boîte à outils p. 128
Comment utiliser les outils au quotidien ? p. 167
Conclusion p. 173
Peur et anxiété
→ La peur fait face à un danger réel.
J’ai peur de tomber en cours d’escalade/ du télésiège/du haut de l’échelle.
C’est une analyse pertinente de la situation qui permet d’éviter la mise en situation de danger. Donc :
Je ne monte pas tout en haut de l’échelle tout seul.
(Sage décision, surtout à 6 ans !)
→ L’anxiété, de son côté, est une perception basée sur le ressenti des choses et non la réalité.
J’ai peur de marcher sur le sol vitré au premier étage de la tour Eiffel.
Le danger n’est pas réel, c’est la transparence du sol qui donne l’impression que l’on peut tomber dans le vide et entraîne ce ressenti de danger.
L’anxiété se nourrit d’un élément du contexte pour s’exprimer. Cela peut être « visible » et relativement compréhensible par les parents (à l’exemple du sol vitré de la tour Eiffel), mais peut également prendre une forme plus subtile telle que le stress ressenti par un enfant face à une activité extrascolaire (ou d’autres activités), stress lié en fait au risque d’accident de la route pour venir le récupérer, par exemple. Et cette raison-là, a priori votre enfant risque de ne pas en parler, voire de ne pas l’identifier luimême. C’est ce qui complexifie les choses.
Stress, angoisse et anxiété
→ Le stress est une réaction physiologique à une situation identifiée comme problématique. Il se traduit habituellement par une augmentation du rythme cardiaque et/ou respiratoire, associée à une tension musculaire diffuse. C’est un état qui ne perdure pas dans le temps : une fois la situation problématique terminée, le stress disparaît.
→ L’anxiété désigne la capacité à intensifier le stress ressenti, voire à le créer soi-même. L’anticipation du stress est généralement une forme d’anxiété. Le ressenti est parfois moins vif que dans le stress, mais il est plus persistant dans le temps.
→ L’angoisse est souvent associée à une émotion négative, une perte de contrôle ou à un mal-être profond. Il n’est pas rare de ne pas savoir identifier l’élément déclencheur. L’angoisse se caractérise par une réponse physique telle que le sentiment d’oppression.
Les peurs de l’enfance sont fréquentes au cours de la croissance de l’enfant. On peut y retrouver la peur du noir (généralement à partir de 1 an et demi), la peur du loup ou du chien (c’est-à-dire des animaux qui mordent), la peur des étrangers, la peur des monstres ou des fantômes…
On est à ce moment-là sur l’acquisition de l’imagination confrontée à l’absence de différence entre fantasme et réalité, ce qui explique la peur du noir et des créatures imaginaires. Une association qui fait souvent émerger des anxiétés de séparation.
Faut bien quelqu’un qui reste avec moi pour me protéger des monstres !
Nous avons décidé d’utiliser le « je » régulièrement dans l’ouvrage pour faire s’exprimer l’enfant anxieux, qu’il explique le mieux possible ses propres ressentis, avec ses mots à lui, afin que ses parents le comprennent davantage.
Si l’enfant arrivait à s’exprimer…
L’anxiété ? Comment dire ? Un blocage dans ma tête que je ne sais pas toujours expliquer ni verbaliser. Une barrière invisible qui m’empêche de pouvoir faire ce que je voudrais.
Par exemple, je ne peux pas dormir dans le noir, c’est au-dessus de mes forces. J’imagine le pire, j’écoute les moindres bruits (on dit de moi que je suis « hypervigilant ») pour finir par m’endormir d’épuisement… très très tard. Ce qui a très probablement une incidence non négligeable sur votre propre heure d’endormissement, mes chers parents. Je suis désolé, ce n’est pas volontaire… Mais la perspective de dormir dans le noir, c’est un peu comme si je vous demandais de dormir au beau milieu d’une autoroute. Vous me répondriez sans doute : « Ce n’est pas possible ! » Oui, je suis d’accord, c’est d’ailleurs pour ça que je ne veux pas dormir dans le noir. « Ce n’est pas possible ! »
Vous savez que, pour avoir un bon sommeil, il faut se sentir en sécurité (voir p. 94). Et moi, dans le noir… je ne me sens pas en sécurité.
Parfois, pour éviter qu’il se passe des événements que je souhaite éviter à tout prix, je dois faire quelques rituels ou des choses particulières. Cela peut être de retenir ma respiration pendant dix secondes, d’éviter de marcher sur les lignes du parquet de ma chambre, de compter dans ma tête jusqu’à vingt-et-un, de faire ma prière six fois de suite… Cela s’appelle un TOC, un trouble obsessionnel compulsif (voir p. 36).
Ce n’est pas possible d’arrêter d’avoir un TOC, parce que sinon, la pensée magique va se réaliser. La pensée magique est le scénario catastrophe qui pourrait éventuellement arriver si je ne fais pas mon rituel.
J’ai mes propres pensées magiques ; chaque enfant a les siennes. Ce qu’on a tous en commun, c’est qu’il est absolument nécessaire pour nous qu’elles ne se réalisent pas. Ce serait beaucoup trop catastrophique à mes yeux… Parce que, là, on parle quand même de la mort d’un parent, bien sûr, mais aussi de celle de n’importe quelle personne dans la famille. Bon, soyons honnête, ce sont surtout les personnes que j’aime très fort. C’est d’ailleurs pour ça que je ne peux pas prendre le risque de voir ma « pensée magique catastrophe » se réaliser. Pour l’éviter, le prix de mon apnée de dix secondes d’oxygène pendant que je monte l’étage est finalement peu cher payé.
Parfois, il arrive qu’au bout d’un certain temps, mon TOC m’embête… Il me prend trop de temps, trop d’énergie, je commence à en avoir marre. Certains diront que c’est une bonne nouvelle, parce que cela va me servir à contrebalancer l’angoisse qui m’oblige à faire mon TOC… C’est vrai ! Pour une fois, ma fainéantise va m’aider ! Mais d’un autre côté, si je suis dans une période de stress important dans ma vie et que je n’ai pas de soutien solide par ailleurs (disons quelque chose qui m’aide : des amis, une famille, une activité périscolaire que j’adore), je risque de craquer et de m’effondrer devant le choix impossible que mon psychisme m’impose : « Tu choisis quoi ? Te sauver toi parce que tu en as marre ou sauver les personnes que tu aimes en continuant ton TOC ? » Merci le dilemme insurmontable !
Pour faire cesser le TOC, il faut donc faire cesser la pensée magique. Un risque à prendre… Mais, bien souvent, la culpabilité est trop forte pour essayer.
Lorsque l’anxiété devient trop importante et se transforme en crise d’angoisse, je peux ressentir des symptômes physiques : le cœur qui s’emballe, la respiration saccadée, mais aussi parfois la crispation de la mâchoire, la chaleur au niveau des joues, des fourmis dans la langue…
Mais ces crises d’angoisse, elles sont là vraiment parce que c’est trop compliqué pour moi. Je sais bien qu’il faut aller à l’école, que c’est « important pour mon avenir ». Mais cette angoisse surpasse tout cela. Cela m’empêche d’avancer et
Un enfant qui a une peur panique du noir, éprouve des difficultés à se séparer de ses parents, refuse d’aller à l’école, a besoin de rituels qui confinent à l’obsession ou est paralysé par l’avenir… est un enfant anxieux. Et l’anxiété doit être entendue et accompagnée. Car oui, il existe des solutions pour que votre enfant se sente mieux !
> Des clés pour faire la différence entre anxiété, stress, peur, angoisse, phobies, tics et tocs, et comprendre enfin ce que vit votre enfant (et peut-être vous-même…) au quotidien.
> Une prise en compte de ce qui, dans l’environnement de votre enfant, peut renforcer son anxiété : l’école, le harcèlement, les écrans et les réseaux sociaux, le contexte sociétal et écologique…
> 11 outils concrets, faciles à s’approprier ensemble, pour les utiliser en toute situation et enfin faire reculer l’anxiété de votre enfant.
Pédopsychiatre et codirectrice de l’Observatoire de la santé mondiale, Anne Sénéquier reçoit au sein de son cabinet des enfants qu’elle accompagne dans la gestion de leur anxiété au quotidien. Dans ce livre, elle met son expertise à la portée de tous les parents.