La lettre
Pour mon anniversaire, peut-être que j’aurai un chien ? Pfff ! Arrête de rêver, Noa. L’appartement est bien trop petit, jamais grand-mère ne sera d’accord…
Mais peut-être que papa a réussi à la convaincre ?
Il sait à quel point j’aime les animaux. Et puis, peutêtre qu’il sera là ? Pour mon anniversaire, il aura sûrement réussi à s’arranger pour quitter son travail et sauter dans le premier avion afin d’être ici, avec nous. Si ça se trouve, il est déjà arrivé…
Vite, je bondis de mon lit, sors de ma chambre et me précipite dans la cuisine. Grand-mère m’accueille avec un grand sourire et me lance avec
Noa et les Créatures fantastiques
– Joyeux anniversaire, Noa !
Je l’embrasse, mais je ne peux cacher ma contrariété.
– Merci, grand-mère, mais papa… Il n’est pas là ?
Grand-mère me regarde droit dans les yeux et me prend les mains, qu’elle serre doucement.
– Ton père a été retenu par son travail. Il n’a pas pu faire autrement. Ne sois pas triste, je peux t’assurer qu’il aurait préféré être ici, avec toi.
Je suis terriblement déçue, mais au fond de moi, je sais que grand-mère a raison. Si papa n’est pas là, c’est qu’il n’a pas eu le choix. Grand-mère poursuit :
– Ton papa m’a fait parvenir quelque chose pour toi. Normalement, on reçoit les cadeaux après avoir soufflé les bougies, mais pour cette fois, on va faire une exception !
Grand-mère ouvre le grand placard de la cuisine et en sort un petit paquet, soigneusement emballé dans un joli papier cadeau bleu et brillant. Voilà qui me redonne le sourire.
C’est tout petit !
Qu’est-ce que ça peut être ?
En tout cas, ce n’est pas un chien… Ça aurait été trop beau !
Oh ! quelle jolie boîte !
Qu’y a-t-il à l’intérieur ?
Dans l’enveloppe, il y a une lettre de papa ! Je me dépêche de la lire.
« Noa, ma fille chérie. Si tu lis cette lettre, c’est qu’une fois de plus, je ne suis pas auprès de toi. Pardonne-moi. Je t’ai caché bien des choses jusqu’à présent, mais désormais, tu es assez grande pour apprendre la vérité. »
Je lève la tête, perplexe.
? De quoi papa parle-t-il, grand-mère
Oh !
Une bague !
Noa et les Créatures fantastiques
« Si je m’absente aussi souvent et aussi longtemps, c’est pour m’occuper d’un refuge pour créatures fantastiques. »
Quoi ? Un refuge pour créatures fantastiques ? Je relis la dernière phrase pour être certaine d’avoir bien compris. Oui, c’est bien ça, papa a écrit « créatures fantastiques » ! C’est extrêmement rare de voir des créatures fantastiques. Si rare que ceux qui affirment en avoir aperçues passent pour des fous. Et papa, lui, en verrait tous les jours ? Incrédule, je poursuis ma lecture.
« Certes, je travaille comme zoologiste, et ce métier m’amène à voyager beaucoup, mais une grande partie de mon travail consiste à sauver des créatures fantastiques et à les amener en lieu sûr, dans un refuge que ta maman et moi avons fondé bien avant ta naissance. C’est même dans ce refuge que tu es née ! Et puis, ta maman est morte… Comme ce refuge était un endroit bien trop dangereux pour élever un bébé, je t’ai confiée à ta grand-mère, qui s’est occupée de toi toutes ces années. Je voulais
Le Refuge en péril
te tenir loin de ce refuge afin que tu grandisses comme toutes les petites filles de ton âge… Mais aujourd’hui, j’ai besoin de toi à mes côtés. J’ai conscience de l’importance de ma demande, et que tu ignores tout de ce nouveau monde, mais ne t’inquiète pas, je sais que tu apprends vite. Tu n’es pas ma fille pour rien ! Et puis, tu pourras compter sur les gardiens. Les créatures fantastiques n’ont aucun secret pour eux. Je suis fier de toi. Je t’aime. Papa. »
Waouh ! Je suis toute chamboulée ! J’ai l’impression de rêver : quelque part, peut-être tout près d’ici, vivent des créatures fantastiques ? Cela me semble trop beau pour être vrai…
– Si papa côtoie des créatures fantastiques régulièrement, alors pourquoi je n’en ai jamais vues ?
– C’est parce qu’elles se cachent. Partout dans le monde, elles se cachent et vivent, recluses, loin des hommes. Car si la plupart d’entre eux ignorent leur existence, certains savent qu’elles existent et sont prêts à tout pour les capturer, m’explique grand-
Noa et les Créatures fantastiques
– C’est pour ça que papa et maman ont créé ce refuge ? Pour les protéger ?
– Exactement !
– Pourquoi papa ne m’en a-t-il jamais parlé ?
– Tout ça devait rester secret. La sécurité des créatures en dépend, tu comprends ? Moins de personnes connaîtront l’existence du refuge, mieux ce sera !
– C’est vrai… Mais où est-il, ce refuge ?
– Je n’en ai aucune idée ! Ton père a toujours tenu son lieu secret…
– Mais comment y va-t-on ?
Grand-mère hésite à me répondre, alors j’insiste.
– Grand-mère, je dois rejoindre papa !
– Tu es encore si petite…
– Papa sera là, que veux-tu qu’il m’arrive ? Je t’en supplie, grand-mère… Dis-moi !
Je la fixe longuement, les yeux brillants. Il faut absolument qu’elle m’explique tout. Il n’y a rien que je souhaite plus au monde que d’aller dans ce refuge et retrouver papa !
Grand-mère comprend que rien ne pourra me faire changer d’avis. Elle me désigne la bague avec un sourire triste.
Passe-la à ton annulaire gauche.
Et ensuite ?
Et c’est tout ?
Tape trois fois en son centre et tu seras projetée dans le refuge.
Grand-mère va tellement me manquer !
est ici...
Fais glisser ton doigt sur la pierre en un mouvement circulaire dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.
Et...
Tu viens avec moi, Grandmère ?
Non, Noa. Ma place
–
Noa et les Créatures fantastiques
Tu as grandi si vite, murmure grand-mère.
Mais c’est la vie ; je savais qu’un jour tu partirais rejoindre ton papa. Tu seras heureuse dans ce refuge, je le sens. Et puis, je suis certaine que nous nous reverrons vite !
J’ai vraiment la meilleure des grands-mères ! On s’enlace encore une fois. J’ai le cœur un peu serré de la quitter, mais j’ai tellement hâte d’aller dans le refuge, de découvrir ce monde incroyable et de retrouver papa ! Au fond de moi, j’ai toujours eu l’intuition que les créatures fantastiques existaient.
Mais maintenant j’en ai la preuve, et je vais enfin les rencontrer ! Je prends une grande inspiration.
– Au revoir, grand-mère.
– Noa, attends... Et ton gâteau ? Tu n’as même pas soufflé les bougies...
Trop tard, j’ai déjà frotté mon doigt sur la bague, et appuyé trois fois… Une tornade de lumière aux couleurs éblouissantes apparaît soudain devant mes yeux et m’emporte.
Les gardiens
Waouh ! Ça secoue dans tous les sens ! Puis soudain, je suis propulsée hors du tourbillon. Quel vol plané ! Heureusement, un tas de feuilles amortit ma chute. Où suis-je ? J’ai atterri au milieu d’une forêt luxuriante aux arbres gigantesques. Je n’en ai jamais vu d’aussi grands : je ne parviens pas à en distinguer la cime, ils semblent infinis ! Cependant, la lumière du soleil parvient à percer à travers les branches, faisant scintiller les feuilles, qui paraissent toutes d’or et d’argent. Quel paysage enchanteur ! Mais soudain, je distingue de minuscules lumières qui bourdonnent devant moi. Hein Je me frotte les yeux. Non, je ne rêve pas
Noa et les Créatures fantastiques
bien des petites fées ! Leurs ailes translucides et fines comme de la dentelle frétillent juste sous mon nez… Mais un bruit dans les fougères vient interrompre ce moment suspendu.
Soudain, des dizaines de boules de poils aux grands yeux surgissent et bondissent autour de moi. Je reste bouche bée : des chobins ! Si j’avais imaginé en voir un jour ! Parmi les créatures fantastiques, celles-ci ont toujours eu ma préférence (juste après les licornes…). Quelle énergie ! Les chobins me sautent dessus, tirent sur mes manches de leurs petites dents serrées.
– Du calme ! Du calme !
Rien à faire, j’ai beau parler, les chobins n’en font qu’à leur tête. Les fées, dérangées par tant d'agitation, se volatilisent. Tant pis ; je me laisse emporter par cette humeur joyeuse. Soudain, à leur tour, les chobins disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus…
– Que se passe-t-il ? N’ayez pas peur ! Ne partez pas ! Je ne vous veux aucun…
Pas le temps de finir ma phrase… Pffiou ! Un son étrange fuse dans les airs…
Que se
?
Au
!
Au secours !
Relâchez-moi !
Je suis tétanisée. Cette araignée poilue est gigantesque ; presque aussi grosse qu’un éléphanteau ! Elle ne va faire de moi qu’une bouchée, c’est certain ! Et encore, s’il n’y avait que l’araignée géante… Le garçon qui la conduit est tout aussi effrayant. Il a des oreilles toutes rondes, deux très longues dents, et surtout, une queue plate comme celle d’un castor. Moi qui croyais tout savoir sur les créatures fantastiques pourquoi papa n’est-il pas là pour m’accueillir
passe-t-il
secours
Bravo, Spinner !
Où m’emmenezvous ?
Belle prise, Spinner ! Viens, on va la montrer aux autres !
Un fil m'entortille et voici que surgissent un garçon étrange... et une araignée !