Femmes scientifiques

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emmes scientifiques

emmes scientifiques

23 portraits qui nous inspirent

Alice Dussutour
Anne Lanoe
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À mon ami, compagnon et mari, À Estelle Cordary, ma collègue et amie, qui m’a fait découvrir bon nombre de femmes scientifiques, A. L.

Les mots suivis d'un astérisque sont expliqués dans le lexique page 76.

Direction : Guillaume Pô

Direction éditoriale : Sarah Malherbe

Édition : Audrey Bourset

Création et suivi graphiques : Ambrine Angaud

Mise en pages : Pauline Sorel

Direction de fabrication : Thierry Dubus

Fabrication : Marie Guibert

© 2023, Fleurus Éditions, Paris

57, rue Gaston-Tessier, CS 50061, 75166 Paris cedex 19 www.fleuruseditions.com

Tous droits réservés pour tous pays.

Dépôt légal : octobre 2023

ISBN : 9782215182801

Code MDS : FS82801

Numéro d’édition : 23L0439

Achevé d’imprimer en septembre 2023 par Interak en Pologne.

Produit composé de matériaux certifiés FSC et de matériaux contrôlés.

Cet ouvrage est imprimé grâce à des encres à base d’huile végétale, garantissant la démarche de développement durable de l’éditeur et de l’imprimeur.

Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011.

Marie Curie, et après ?

Les exemples ne manquent pas pour citer un homme scientifique important. Mais quand il s’agit des femmes scientifiques, les noms nous viennent moins facilement à l’esprit, et il y a fort à parier que Marie Curie reste pour les nonspécialistes, la seule femme scientifique connue. Est-ce à dire que des femmes scientifiques n’ont pas existé ou que les femmes sont moins douées en sciences ?

Non, bien sûr, car l’intelligence n’a ni genre, ni frontière, ni couleur de peau. Mais empêchées par toutes sortes de préjugés, d’injustices et d’obstacles, longtemps invisibilisées voire spoliées au profit de leurs collègues masculins, les femmes scientifiques ont eu toutes les difficultés à faire entendre leur voix, à accéder aux postes importants et aux récompenses prestigieuses. Les portraits de femmes scientifiques présentées dans ce livre racontent donc en filigrane une histoire des empêchements, brimades, vexations imposés aux femmes en matière d’éducation, d’instruction et d’accès au savoir. Globalement exclues jusqu’au XXe siècle des écoles, universités, sociétés savantes et bibliothèques, les femmes qui se passionnaient pour les sciences et techniques ont dû apprendre seules ou aidées de précepteurs, user de subterfuge en se faisant passer pour un homme, s’exiler, bref élaborer des stratégies pour contourner les interdits liés à leur condition. Enthousiastes, travailleuses acharnées, toutes les femmes scientifiques dont il est question dans cet ouvrage se sont hissées à force de courage au rang des esprits les plus éminents en faisant fi des préjugés sexistes. Mais leur œuvre, si elle n’est pas soutenue par un travail de recherche et de mémoire, tend souvent à être oubliée, perdue, invisibilisée.

C’est dans ce cadre que le travail des historiennes et historiens des sciences prend tout son sens. Car, en racontant l’histoire des femmes scientifiques et de leurs combats, en théorisant leur éviction ou leur spoliation comme le fit Margaret Rossiter en inventant « l’effet Matilda », en rédigeant des notices biographiques dans Wikipédia comme le fait Jess Wade pour toutes les femmes scientifiques non répertoriées, la reconnaissance des femmes dans le domaine des sciences et techniques avance. Honorer la place des femmes scientifiques d’hier et d’aujourd’hui pour encourager la jeune génération et particulièrement les filles à s’engager dans des carrières scientifiques est un enjeu de société majeur. La journée internationale des femmes et des filles de sciences, le 11 février, le rappelle et y contribue chaque année.

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HYPATIE

ENVIRON 370-415

UNE GRANDE PHILOSOPHE, ASTRONOME ET MATHÉMATICIENNE

Hypatie, qui est grecque, voit le jour dans la ville d’Alexandrie en Égypte, sans doute entre 355 et 370. Fille du grand mathématicien Théon d’Alexandrie, la jeune fille grandit dans une Égypte multiculturelle, qui accorde encore une certaine liberté aux femmes. Elle va donc devenir une philosophe très estimée et tenir une école, tout en étant aussi une astronome et une mathématicienne exceptionnelle.

-

Nous sommes des passeurs de savoir, Hypatie. Nous nous devons de faire connaître les textes philosophiques de nos prédécesseurs et de transmettre les connaissances scientifiques de l’école d’Alexandrie.

– Je le sais, père. C’est pourquoi j’ai décidé que je ne me marierai jamais. Je consacrerai toute ma vie à l’étude et à la science, et aucun homme n’entravera jamais cette liberté.

Dès son plus jeune âge, la jeune Hypatie fréquente, avec son père Théon, le sérapéum *, une annexe de la célèbre bibliothèque d’Alexandrie*, et étudie avec passion les philosophes de l’Antiquité, tel Platon ou Aristote, et les mathématiciens, tel Euclide ou Ptolémée.

Aucune connaissance ne semble inaccessible à cette jeune femme éprise de savoir et de liberté. Aussi ouvre-t-elle bientôt une école de philosophie et d’astronomie réputée où se côtoient Grecs, Romains et Égyptiens, païens, juifs et chrétiens dans une belle effervescence culturelle et intellectuelle. Tous l’écoutent avec respect enseigner la philosophie. Hypatie consacre aussi une grande partie de son temps à résoudre des problèmes d’algèbre et à tracer des figures géométriques pour mieux comprendre le déplacement des planètes. Comme il est plaisant pour elle de construire un planisphère ou de comprendre la poussée d’Archimède* en fabriquant un hydromètre* !

Hélas, sa libre-pensée et son pouvoir dérangent et, alors qu’elle est proche du préfet romain d’Alexandrie, elle va être sauvagement assassinée, en 415, par des chrétiens fanatiques, qui ne voient pas d’un bon œil qu’une femme prenne la parole en public. La lente exclusion des femmes de la sphère publique ne fait que commencer.

Considérée comme une philosophe martyre, de par son assassinat relaté par Socrate le Scolastique, Hypatie est devenue au siècle des Lumières* une figure de la lutte contre l’intolérance religieuse. Elle est aujourd’hui une icône des droits des femmes, une référence pour la pensée féministe.

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Trotula

DE SALERNE

ENVIRON 1050-1097

Trotula de Salerne est, comme son nom l’indique, née à Salerne, en Italie du Sud, au XI e  siècle. Comme la ville de Salerne est à cette époque un prestigieux foyer scientifique et médical laïque, la jeune femme va exercer le métier de médecin, fait assez exceptionnel dans une Europe médiévale largement misogyne. Elle va par ailleurs rédiger plusieurs ouvrages de médecine sur les maladies des femmes et entrer ainsi dans la légende comme l’une des grandes femmes médecins de l’histoire.

- L es femmes, par pudeur et par fragilité de condition, n’osent pas révéler à un médecin les angoisses causées par ces maladies [gynécologiques]. C’est pourquoi, émue de leurs malheurs et à l’instigation d’une certaine matrone, j’ai commencé à examiner avec attention ces maladies qui frappent très souvent le sexe féminin.

Soigner les femmes, s’occuper de leur corps et des multiples affections liées aux règles, à la grossesse ou à l’accouchement. Telle est la tâche que s’assigne au XIe siècle, Trotula, « femme très savante » selon certaines sources.

Et comme Salerne accueille au XI e siècle une école de médecine laïque très réputée, ouverte à toutes les nations, toutes les religions, et où les femmes peuvent exercer le métier de médecin, Trotula, qui a étudié la médecine, va être une médecin gynécologue et obstétricienne* reconnue, très appréciée pour son habileté à recoudre le périnée des femmes après leur accouchement ou à soulager leurs douleurs.

Mariée à un médecin et sans doute issue d’une famille noble et cultivée, Trotula a par ailleurs enseigné la médecine. Elle est surtout réputée pour avoir rédigé en latin un ouvrage qui va faire date et être cité et recopié durant tout le Moyen Âge : le De mulierum passionibus ante, in et post-partum . Elle y traite non seulement des douleurs et affections liées à la grossesse, à l’accouchement et aux suites de couches, mais s’intéresse aussi aux problèmes de fertilité, proposant aux femmes, mais aussi aux hommes, des médications pour y remédier. Quand Trotula meurt en 1097, son cortège funéraire aurait réuni une foule incroyable venue rendre hommage à cette femme d’exception.

Si une polémique existe depuis fort longtemps parmi les historiens sur le personnage de Trotula, certains niant son existence ou affirmant que ses écrits sont l’œuvre de plusieurs femmes médecins de Salerne, ou même d’un homme, il semble aujourd’hui avéré qu’une certaine Trotula a bel et bien pratiqué la médecine au XI e siècle à Salerne.

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UNE FEMME MÉDECIN GYNÉCOLOGUE AU MOYEN ÂGE

Anna Maria

SIBYLLA MERIAN

1647-1717

UNE ARTISTE NATURALISTE*, PIONNIÈRE DE L’ENTOMOLOGIE*

Anna Maria Sibylla Merian naît le 2 avril 1647 à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne, dans une famille de graveurs, illustrateurs et éditeurs reconnus. Douée pour le dessin, la jeune fille reçoit une formation de peintre et va vivre de son travail en se passionnant, dès son plus jeune âge, pour les insectes. Indépendante et aventureuse, elle entreprend, seule, en 1699, un voyage pour aller observer et peindre la faune et la flore de la Guyane néerlandaise.

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Anna Maria ! Cesse donc de toucher ces insectes ! C’est dégoûtant et ce n’est pas convenable pour une fille !

– Mais si ! C’est passionnant !

Il n’est pas courant de raffoler des chenilles et autres petits insectes quand on a tout juste 13 ans. Surtout quand on vit au XVII e siècle.

Adolescente, Anna Maria Sibylla apprend le dessin et la peinture dans l’atelier de son beau-père, mais a déjà, sans le savoir, la passion de l’entomologie*. Particulièrement curieuse des chenilles, elle élève elle-même des vers à soie, récemment introduits en Allemagne pour le commerce du tissu précieux, et observe leur métamorphose en papillons. Rien n’échappe à son œil avisé : les œufs, les larves, leur transformation en chenilles, les feuilles de mûriers blancs dont elles se nourrissent, la chrysalide dans son cocon dont on extrait le fil de soie. Tout est reporté délicatement sur le papier pour produire l’illustration la plus fidèle.

Mariée en 1665 à Johann Graff, un peintre qu’elle a rencontré dans l’atelier de son beau-père, elle n’en continue pas moins son travail personnel d’illustratrice de fleurs et s’installe avec lui et leur première fille à Nuremberg. C’est là qu’elle publie d’ailleurs en 1679, La chenille, une merveilleuse transformation et une étonnante alimentation florale . Mais, en 1690, sa vie prend un nouveau départ quand elle demande le divorce. Elle se déclare veuve et part s’installer seule avec ses deux filles à Amsterdam, une ville en pleine effervescence artistique et intellectuelle.

Obligée de subvenir à ses besoins et à ceux de ses filles, Anna Maria peint beaucoup pour vendre ses illustrations de fleurs et découvre le tout nouveau jardin botanique d’Amsterdam et les cabinets de curiosité*, très en vogue à cette époque.

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Pionnière de la gynécologie au Moyen Âge, première astronaute à voyager dans l'espace, cartographe des fonds océaniques, primatologue reconnue... Découvre 23 portraits de femmes qui ont changé le monde et fait avancer la science !

Marie Curie, Katherine Johnson, Dian Fossey, Rosalind Franklin ou encore Segenet Kelemu... Autant de femmes scientifiques qui ont fait des découvertes majeures.
www.fleuruseditions.com MDS : FS82801 19,95 € TTC France

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