Le club des voleurs de pianos - Tome 1 - Un piano par la fenêtre

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Paul Beaupère

un piano par la fenĂŞtre



Paul Beaupère

un piano par la fenĂŞtre


Illustration de la couverture : Pauline Duhamel

Direction : Guillaume Arnaud Direction éditoriale : Sarah Malherbe Édition : Claire Renaud Montage de la couverture : Hélène Léonard Direction de la fabrication : Thierry Dubus Fabrication : Audrey Bord Composition : Text’Oh! © Fleurus, Paris, 2020. www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-7443-1 MDS : FS74431 Tous droits réservés pour tous les pays. « Loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011. »

Numéro d’édition : J20059 Achevé d’imprimer en juillet 2020 par Rotolito ; en Italie Dépôt légal : septembre 2020


Chapitre 1 Non, les pianos ne volent pas, même par grand vent

Tout commence avec un « crac ! » : celui d’un morceau de bois qui cède. Puis un long « swiiiiiiiiiiiiip » : la plainte d’une corde qui file. Ensuite, il y a un court silence, une seconde. Une seconde qui dure un siècle, une seconde d’éternité ; le temps suspend son vol. Alors, penchés au-dessus du vide, au sixième étage d’un bel immeuble parisien, nous regardons sans vouloir y croire l’inexorable chute. Enfin, il y a un bruit terrible, mélange de « vlam » du bois qui éclate, de « tzoiiiinnnng » des cordes qui lâchent, de « wizzzzzzz » des touches qui s’échappent et volent en tous sens. Immédiatement après, on entend le terrifiant, pathétique, effrayé et effrayant hennissement de la jument qui nous attendait sagement dans la rue. Elle s’enfuit alors, emportant sur sa charrette

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déglinguée tout ce qu’il reste de notre butin : une ou deux touches d’ivoire, une corde de mi, deux de sol, une roulette de laiton et une pédale du même métal. Autour de nous, des fenêtres commencent à s’allumer çà et là. Encore quelques secondes et des visages bouffis de sommeil vont apparaître, puis la police ne tardera pas à se montrer. –  Il est temps de filer ! dit oncle Lucien. –  Da ! approuve oncle Andreï. –  It’s time ! ajoute tante Mary. – Mais, comment… comment est-ce possible ? Pourquoi ? Pourquoi et comment ? How and why ? répète maman en boucle. How and why ? Comment ? Pourquoi ? Ce n’est pas vraiment le moment pour répondre à ces questions. J’attrape la main de maman et je l’entraîne avec moi pour rejoindre les autres qui s’enfuient déjà. Nous filons sur un grand balcon, tout le long du luxueux appartement dans lequel nous nous étions introduits, nous grimpons à une échelle métallique, qui sert ordinairement aux ramoneurs ou aux couvreurs,

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avant de disparaître dans une forêt de cheminées qui prend racine dans le zinc des toits. En courant, j’ai juste le temps d’apercevoir un petit homme accoudé à sa fenêtre. Il me sourit et me fait un signe amical de la main. Il a sans doute assisté à toute la scène qui vient de se dérouler et, curieusement, il ne semble ni étonné ni offusqué. Emporté dans une course folle, je n’ai pas le temps de répondre à son geste.


Chapitre 2 Il arrive que la nuit les hirondelles volent bas

C’est oncle Lucien qui avait repéré un itinéraire de secours. « Au cas où ! » avait-il dit. « Pas besoin, avait répondu maman, c’est inratable ! » – Tu parles que ça ne peut pas rater ! grommelle oncle Lucien en courant. Rater, peut-être pas ! Mais foirer, échouer, se planter, partir en nouille ou en eau de boudin, capoter, ça oui, ça pouvait ! Inratable mon œil ! J’vous en trouverai, moi, des pianos qui habitent au rez-de-chaussée ! Pourquoi ne pas se farcir les grandes orgues de Notre-Dame, pendant qu’on y est ! Mais coup de bol, je suis là ! Heureusement que bibi il a repéré un itinéraire bis, une solution mitonnée aux petits oignons ! Par ici la sortie ! Et c’est qui qui vous sauve ? C’est Lucien. Suivez l’guide !

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–­  Chostakovitch, Borodine, Moussorgski, Prokofiev ! bougonne oncle Andreï qui, dès qu’il est contrarié, jure dans sa langue maternelle. –  C’est par là ! dit oncle Lucien en désignant une porte ouverte entre deux cheminées. Ça donne direct sur un escalier de service. En bas, on débouche dans une petite rue calme et éloignée de la zone d’atterrissage du piano ! Il n’est pas né l’volatile qui mettra la patte sur Lucien ! Deux minutes plus tard et six étages plus bas, dans la cour d’un immeuble, nous tombons nez à nez avec un vol d’hirondelles ! Sinistres oiseaux qui, sifflet à la bouche et bâton à la main, se lancent à notre poursuite. Hirondelles, c’est le surnom des policiers de Paris qui patrouillent à vélo, cape au vent. Pour nous, ils ont abandonné leurs montures de métal et se sont faits piétons. Nous rebroussons chemin et gravissons en dix secondes les six étages que nous venons juste de descendre. C’est incroyable comme d’avoir les agents collés au train peut donner des ailes. Nous grimpons les

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escaliers comme des chamois, avec la peur du mouton qui a vu un loup. –  Et maintenant, nous allons où ? demande tante Mary de retour sur le toit. –  Aller où, aller où ? C’est une bonne question ! Je ne sais pas, moi ; normalement, ils n’auraient pas dû être là ! Je comprends pas… dit oncle Lucien en se grattant la tête avec la main qui lui reste. – Sokolov ! marmonne oncle Andreï, adossé de tout son poids contre la porte derrière laquelle tambourinent déjà les policiers. –  How and why… s’interroge maman. Pourquoi et comment ? (Quand elle est stressée, maman se remet à parler en anglais, – en américain dans son cas. C’est presque pareil, à 6 000 kilomètres près… Mais dans notre situation, nous ne sommes pas à 6 000 kilomètres près.) Voilà comment moi, John, douze ans, Américain à Paris, je me retrouve à trois heures du matin sur le toit d’un immeuble, entouré par quatre adultes au cerveau momentanément réduit à l’état de serpillière, poursuivi par une horde de policiers bien décidés à nous envoyer

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finir la nuit et notre vie dans une prison p ­ arisienne. Tout ça pour avoir tenté de voler un piano à queue qui, explosé sur un trottoir, ressemble désormais plus à un jeu de mikado qu’à un instrument de musique. Avouez que venir de New York pour vivre ça, c’est assez lamentable. Comme à ce moment précis je vois bien que c’est la seule solution, qu’il n’y a plus que moi capable de réfléchir, je prends les choses en main. –  Suivez-moi ! dis-je en commençant à courir sur le zinc glissant. Et ils m’obéissent. Nous voilà sautant d’un immeuble à un autre, franchissant des ruelles comme on le fait ordinairement des ruisseaux  ; nous sommes des moineaux chassés par des hirondelles qui se prennent pour des faucons. Les toits de Paris sont magnifiques et magiques, mais quand on est poursuivi par la moitié des policiers de la ville, étrangement, ce n’est ni magique ni magnifique… C’est juste très glissant, très étroit, très sombre, très dangereux, très fatigant, et cette histoire est partie pour très mal finir. Tante Mary traîne la jambe, plus exactement le pied, car elle n’envisage pas une seconde de marcher

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sans ses chaussures aux talons aussi hauts que des pattes de cigogne. Résultat, ce soir la cigogne glisse, dérape et manque de s’écrouler à chaque pas ! La cigogne ressemble à une grosse poule qui tente de s’envoler et qui retombe à chaque fois avec la grâce d’une louche de purée. –  Enlève tes pompes ! hurle oncle Lucien. –  Jamais ! Sans elles, je suis toute nue ! – À cause de toi, on va finir au bagne ! grogne Lucien avec l’air aussi aimable que la porte de l’établissement dont il vient de parler. – Tant pis, je serais bagnarde ! Bagnarde, mais digne ! rétorque tante Mary. –  N’importe quoi ! C’est n’importe quoi ! reprend oncle Lucien. –  Je dis ce que je veux ! Tais-toi et laisse-moi courir en paix ! –  Parce que tu appelles ça courir ? Tu te traînes, tu lambines, tortue, limace, escargot ! Alors oncle Andreï intervient. Dans un sonore « Moussssssooooorrrrrgski », qui doit être un juron particulièrement terrible, il attrape tante Mary et,

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comme il devait le faire avec les sacs de blé dans sa Russie natale, il la jette sur son épaule et se remet à galoper. –  Toi silence, courir, te taire ! adresse-t-il à Lucien en le poussant devant lui. Toi parler trop ! Derrière nous, les oiseaux de mauvais augure se rapprochent, les sifflets sont de plus en plus menaçants ; on dirait des cris de charognards. Toujours en tête, j’avance vers un avenir de moins en moins certain à chaque seconde qui passe, et surtout vers le rebord d’un toit qui m’oblige à stopper net. Devant moi, il y a le vide, le ravin que forme un boulevard. Une largeur sans doute indispensable pour faire circuler les fiacres et les automobiles qui désormais pétaradent et enfument Paris, mais une distance impossible à franchir en sautant, à moins d’être un kangourou. Seulement voilà, je ne suis pas un kangourou, et curieusement, il y a très peu de ces bestioles sur les toits de Paris. Pour la première fois de ma vie, je regrette de ne pas être un pigeon. –  Stop ! On est piégés, on ne peut plus avancer.

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Oncle Lucien arrive derrière moi et freine juste à temps. Deux centimètres de plus, il me poussait et je basculais dans le vide. Il penche sa mince silhouette par-dessus mon épaule et regarde la rue qui s’allonge, endormie, six étages plus bas. – Ça commence à sentir le grillé, cette histoire. On ne peut plus avancer ni reculer, on est faits comme des rats ! Maman, essoufflée, s’accroche à oncle Lucien et tente de reprendre son souffle. Derrière nous arrive oncle Andreï, tante Mary sur l’épaule. Il avance comme un train, droit devant lui, à fond, tête baissée, et dans l’obscurité, il ne voit pas que nous sommes arrêtés ! C’est la collision ! Le choc. Il nous rentre dedans comme un rhinocéros dans un troupeau de gazelles et, sans le savoir, exauce mon vœu : me voilà transformé en pigeon ! Je vole ! Enfin… pas si bien que ça. J’agite les bras, mais je constate que je ne suis pas un oiseau très doué. Dix-huit mètres plus bas, le trottoir commence déjà à m’attirer ; il se rapproche, je tombe, je suis presque mort. À ce moment précis, je regrette d’avoir quitté l’Amérique. Là-bas, à New York,

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du haut d’un gratte-ciel, j’aurais eu un peu plus de temps pour me faire à cette curieuse et désagréable idée… Je vais mourir ! Voilà, c’est ici que se termine mon aventure. Dans une seconde, comme le piano tout à l’heure, je vais finir écrasé sur la chaussée parisienne, pulvérisé, éparpillé façon puzzle. Les policiers spécialisés vont mettre des semaines à rassembler tous mes morceaux. Paf ! Boum ! Aïe ! Puis, plus rien ; le silence et la nuit. Ça y est… je suis mort. Il fait noir, j’étouffe et j’ai très chaud. Je ne pensais pas avoir fait autant de bêtises, mais très clairement, je ne suis pas au paradis. J’ouvre un œil, un autre, je bouge une main, une autre, j’ai mal partout. Ce n’est pas du tout comme ça que j’imaginais l’enfer. Et puis soudain, une lumière faible, pâle, je distingue vaguement une forme, ça remue autour de moi. Dans une seconde, je vais voir le maître des lieux : un affreux bonhomme tout noir avec des cornes, une queue fourchue et des flammes qui dansent tout autour de lui va

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apparaître et m’attraper pour me jeter sur un immense barbecue… J’ai peur… À cet instant, une main qui n’est pas la mienne se pose sur mon nez et appuie dessus de toutes ses forces, m’écrasant une narine et bouchant l’autre, un genou me laboure le dos tandis qu’un pied me broie le mollet ! Je suis piétiné par un monstre ! –  Ça va ? Personne n’est blessé ? demande la voix de maman. –  Niet ! Rien cassé, répond Andreï. Beaucoup chance, tombé sur mou ! Le « mou » dont parle oncle Andreï, c’est moi, et le monstre qui m’a martyrisé, c’est lui en se relevant. C’est officiel, il faut mettre Andreï au régime. Ou alors la prochaine fois qu’on dégringolera d’un toit, il faudra qu’il choisisse un autre matelas ! Dans notre malheur, nous avons eu de la chance ! Au lieu de finir sur le trottoir, nous avons atterri sur le balcon du sixième étage, entassés comme des crêpes, en une pile où se sont mélangés bras et jambes, têtes et pieds, mains et genoux, et où par malheur, je suis la crêpe du dessous. Quand chacun a retrouvé ses esprits

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et rassemblé ses morceaux, nous devons nous plaquer contre le mur et ne plus faire de bruit, car juste au-dessus, sur le toit, nous entendons les voix des policiers qui arrivent. Il suffirait alors qu’ils se penchent pour nous découvrir. – Alors Lambert ? Ils sont où nos « zoiseaux » de nuit ? –  Disparus, commissaire Bachelet ! –  Comment ça, « disparus » ? Ils n’ont pas pu disparaître ! Cherchez, trouvez, rapportez ! –  Regardez ce que j’ai ramassé, là, tout de suite, maintenant, commissaire : un bijou ! C’était juste au bord du toit. – Donnez-moi ça, Lambert, on l’examinera plus tard ! Pour l’instant, je voudrais que vous me retrouviez ces monte-en-l’air ! Cinq personnes ! Ils ne peuvent pas s’être évaporés ? Ils n’ont pas pu s’envoler ! –  S’envoler, non, répond Lambert, mais tomber, ça oui. Ils ont dû glisser et, à l’heure qu’il est, au moment présent où je vous parle, ils doivent être en bas. Désormais, au jour de maintenant, ils ne doivent pas être jolis à voir et…

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–  Vous avez regardé ? l’interrompt le commissaire. – J’peux pas, commissaire, j’ai le vertige ! Si je regarde, je tombe ! Si je tombe, en admettant qu’au moment où je vous parle ils sont tombés eux aussi, alors je me mélange à une scène de crime ! Et ça, commissaire, faut reconnaître que ça serait pas très professionnel ! Mais vous, commissaire, vous pouvez p’t-être jeter un œil ? Le commissaire ne répond pas. Plutôt mourir que d’avouer qu’il a lui aussi le vertige ! – Sans compter, commissaire, reprend Lambert, qu’à la minute où on parle, nous maintenant sur ce toit, eux présentement en bas, ils ne doivent pas avoir bonne mine. À ce moment même, je me demande bien à quoi ils peuvent ressembler. Une assiette de flocons d’avoine ? Ou bien des raviolis ? Peut-être de la soupe à la tomate ? –  Lambert, arrêtez ces macabres comparaisons, je me contrefiche de savoir à quoi ils peuvent bien ressembler ! Filez, descendez dans la rue, vérifiez qu’ils sont bien tombés. Allez, cherchez, trouvez et rapportez !

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–  Rapporter ? Commissaire, vous voulez vraiment qu’on vous les rapporte ? Dans l’état où qu’ils doivent être à l’heure de maintenant ? Pas plus tard que tout à l’heure, j’aurais bien voulu, mais désormais, au moment où je vous parle… Je ne suis pas sûr que… – Non… non, peut-être pas, Lambert, peut-être pas. Faites chercher le docteur Landru, on ne sait jamais, si par hasard il y a un survivant. Allez, tout le monde en bas ! Allez, hop hop hop ! Mais pas trop vite tout de même, faudrait voir à ne pas glisser. Au-dessus de nous, bruits de pas et de voix s’éloignent enfin. Pendant tout ce temps-là, collés au mur, nous avons retenu notre souffle et prié très fort pour ne pas être découverts. –  Ouf ! heureusement qu’ils ne se sont pas penchés. Et maintenant on fait comment ? demande maman. –  Pssssstt ! Par là, dit une voix venue de nulle part. – Je deviens tellement française, murmure tante Mary, que je suis comme Jeanne d’Arc, j’entends des voix !

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– Pssssst, vite, par là, derrière vous, derrière le volet ! –  Moi aussi, voix, entendre, dit oncle Andreï. Mais moi pas Jeanne, moi Andreï. Alors, d’une main de fer, oncle Andreï ouvre le volet et nous nous retrouvons face à un petit homme à la mèche blanche et à la barbe du même poil. –  Venez ici, dit-il d’une voix ne trahissant ni peur ni surprise, ou vous allez finir par être attrapés. Et puis votre ami a besoin d’aide. Heureusement que j’ai cette gaffe de marin. On devrait toujours avoir une gaffe avec soi ! Pendant que nous entrons dans un grand salon aux meubles précieux, le petit homme, armé d’une longue perche terminée par un crochet de fer, se penche au-dessus de son balcon et dit : –  Ne bougez pas, laissez-moi faire et tout ira bien. –  À qui parle-t-il ? demande tante Mary. –  Je ne sais pas, dit maman. –  Vous, le grand, attrapez ça et tirez dessus, dit le petit homme aux cheveux blancs à Andreï en lui

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montrant le haut de sa perche qui dépasse encore du balcon. Alors, docile, sans aucun effort apparent, sans poser de question, oncle Andreï obéit et, comme un pêcheur de thon, il remonte son butin. Au bout de la ligne de bois, accroché par la ceinture au crochet de l’étrange objet, il y a oncle Lucien, qui nous regarde avec les yeux d’un poisson mort de peur. – J’osais pas crier, raconte-t-il quelques instants plus tard. En tombant, j’ai raté le balcon, j’ai juste réussi à m’accrocher à la rambarde. Mais comment remonter avec un seul bras ? Foutue guerre. Si le petit vieux ne m’avait pas vu, vous m’auriez oublié. Faux frères ! – Maintenant, faut pas traîner dans le coin, dit notre hôte. Ça risque de sentir le poulet à sifflet dans pas longtemps. Suivez-moi ! Au passage, je ne suis pas un petit vieux. Je suis petit, je suis vieux, mais je vous assure que je ne suis pas un petit vieux ! Compris ? – Oui monsieur, murmure oncle Lucien comme un écolier qui vient de se faire confisquer ses billes. –  Maintenant, attrapez ces bougies et suivez-moi !

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Nous obéissons, nous suivons. Nous descendons l’escalier de service jusqu’à la cave, puis, à la lueur de nos chandelles, nous marchons un bon moment et passons sans doute sous plusieurs immeubles. Nous franchissons deux ou trois portes de bois vermoulu, vieilles et basses, obligeant Andreï à se baisser, maman à relever sa jupe pour ne pas y mettre trop de terre, tante Mary à enlever ses talons qui s’enfoncent dans le sol humide, et oncle Lucien à fournir un effort pour ne pas crier quand il croise quelques rats. Enfin, trois pâtés de maisons plus loin, à bonne distance du pauvre piano et des policiers sans doute encore occupés à chercher nos restes, nous retrouvons l’air libre. –  Bonsoir, dit le petit homme avant de refermer sur lui la porte et de nous abandonner sur le pavé parisien. –  Curieux monsieur ! dit oncle Andreï. –  Curieux, peut-être, étrange, certainement, petit et vieux aussi, mais surtout, tombé à pic et sauveur. Je ne sais pas comment nous aurions fait sans lui, ajoute tante Mary. Pour rentrer chez nous, il y a une demi-heure de marche que nous faisons en silence.

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–  J’ai cassé un talon, dit tante Mary quand nous arrivons enfin. –  J’ai perdu ma broche, ajoute maman. –  N’empêche que je vous l’avais dit ! Il n’est pas né l’oiseau qui mettra Lucien en cage ! –  Tais-toi ! –  Shut up ! –  Blizko tam ! répondent maman, Andreï et Mary d’une seule voix, mais en trois langues. –  Ça va, mon chéri ? me demande maman quelques minutes plus tard en venant me border dans mon lit. Tu n’as pas eu trop peur ? Je t’ai trouvé très courageux ! –  Maman, le vieux monsieur, je le connais, je ne sais pas où, mais je l’ai déjà vu. Et quand le piano a basculé, tout à l’heure, il était à sa fenêtre. Il sait tout… Je ne sais pas qui il est, mais je l’ai déjà vu ! Et puis je ferme les yeux et puis… plus rien.


« Les toits de Paris sont magnifiques et magiques, mais quand on est poursuivi par la moitié des policiers de la ville, étrangement, ce n’est ni magique ni magnifique… C’est juste très glissant, très étroit, très sombre, très dangereux, très fatigant, et cette histoire est partie pour très mal finir… » Nous sommes un groupe de musiciens. Il y a l’oncle Andreï, pianiste, tante Mary, trompettiste, oncle Lucien, batteur, Ethy, ma mère, chanteuse, et moi, John, 12 ans et un don certain pour l’improvisation... Mais nous avons aussi une activité nocturne très spéciale : nous « empruntons » des instruments à nos riches élèves musiciens pour les confier à nos élèves moins fortunés. Nous sommes, en quelque sorte, les Robins des bois de la musique ! Et ce n’est pas de tout repos, croyez-moi !

13,90 d France TTC

Illustration de couverture : Pauline Duhamel

Paul Beaupère, auteur de nombreux romans pour la jeunesse (Le journal d’un cancre, La Famille Potofeu, Le journal d’un baby-sitter) lance, avec ce roman, une nouvelle série virevoltante, familiale et drôle.


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