Léon et Gustave

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Sophie De Mullenheim

Au cœur de la mine


Enfants de la Résistance

Illustration de la couverture : Raphaël Gauthey

Direction : Guillaume Pô Direction éditoriale : Sarah Malherbe 14/01/2020 Édition : Claire Renaud Conception graphique : Hélène Léonard Direction de la fabrication : Thierry Dubus Fabrication : Audrey Bord Composition : Text’oh (Dole)

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© Fleurus, Paris, 2021, pour l’ensemble de l’ouvrage. www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-6620-7 MDS : FS 66207 Tous droits réservés pour tous les pays. « Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011. »


Sophie De Mullenheim

Au cœur de la mine


À Thibault, toujours présent


1 DE RETOUR DE LA MINE Dans une cité minière du nord de la France, 1888 La porte d’entrée claque. Léon reconnaît aussitôt le pas lourd de son père qui rentre de la mine. L’odeur aussi, cette odeur de charbon et d’humidité qu’il traîne partout derrière lui. Assis à la table de la grande pièce du bas, Léon relève la tête. –  Bonjour, p’pa ! lance-t-il.

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Son père se tourne vers lui. Au milieu de son visage noir de charbon, ses yeux bleus ressemblent à deux pierres précieuses qui luisent intensément. –  Encore dans tes cahiers et tes livres ! bougonnet-il. Léon sourit timidement. –  C’est bientôt le certificat d’études, répond-il. Je dois l’obtenir pour avoir le droit de devenir apprenti. Son père grogne et émet un claquement de langue agacé comme chaque fois que Léon parle d’apprentissage. C’est déjà bien assez que son fils soit obligé d’aller à l’école jusqu’à ses douze ans, il n’a pas besoin de devenir apprenti en plus. Si seulement Léon avait pu descendre à la mine dès ses huit ans, comme lui l’a fait, il rapporterait déjà sa paye à la maison. Au lieu de ça, c’est une bouche à nourrir quand il y en a encore quatre autres derrière lui. Léon baisse la tête sans rien dire. Inutile de mettre son père de mauvaise humeur. Surtout tant qu’il a l’estomac vide. Du coin de l’œil, il l’observe qui se déshabille et entre dans le baquet de bois posé au centre de la pièce. Son corps tout entier est noir, même sous la

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vareuse et le pantalon. La poudre de charbon s’infiltre partout, jusque dans les poumons. Léon croise chaque jour des vieux qui crachent un épais jus noir au sol à force d’avoir passé leur vie au fond du trou. La mère de Léon saisit un seau d’eau chaude et le verse sur les épaules de son mari, qui se frictionne énergiquement. Peu à peu le père Sabourin retrouve des couleurs : le blanc laiteux de sa peau constellée de taches de rousseur, le roux flamboyant de ses cheveux, des poils de son torse et de ses bras, et toujours le bleu de ses yeux. À la mine, ils le surnomment l’Irlandais et cela amuse beaucoup le père de Léon, qui n’est jamais allé plus loin que les terrils1 autour du coron2. À l’école, parfois, Léon hérite du même sobriquet tant il ressemble à son père. Léon attrape son crayon à papier et retourne à ses cahiers. Il est un élève appliqué, le meilleur de la classe sans doute. Son professeur l’encourage et lui prête souvent des livres et des journaux qu’il n’a pas chez lui. 1.  Terril : montagne créée à partir des résidus de charbon issus des mines. 2.  Coron : quartier où vivent les ouvriers de la mine, aux maisons toutes identiques, souvent en brique, sur un étage, avec un petit jardinet à l’arrière.

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–  Tiens ! tonne le père Sabourin en faisant sursauter Léon. Plutôt que de ne rien faire, aide donc ta mère. Va mettre mon linge dans la lessiveuse. Léon se lève aussitôt. À la maison, hors de question de ne pas obéir au père. Non pas qu’il soit méchant ou trop sévère, mais c’est lui qui rapporte les sous qui font vivre la famille. Personne n’oserait lui refuser ce qu’il demande. Léon se saisit de la vareuse et du pantalon maculés de charbon et se rend dans la courette à l’arrière de la maison. C’est là que ses parents font pousser quelques patates, des haricots et des betteraves. Dans un coin, une grosse cuve de fer-blanc chauffe sur un brasero. Le garçon attrape un bâton qu’il glisse dans la poignée du couvercle pour ouvrir la lessiveuse sans se brûler. Il jette les vêtements de son père dans l’eau frémissante, qui devient presque instantanément noire. Toujours avec son bâton, il remue le linge pour l’imprégner du mélange de lessive et de savon. –  Quand est-ce qu’il en aura fini avec l’école ?

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La voix de son père lui parvient à travers la fenêtre restée entrouverte. Machinalement, Léon s’arrête de remuer le linge et tend l’oreille. –  Il va avoir douze ans dans quelques jours, répond sa mère d’une voix tranquille. Et le certificat d’études est dans deux semaines. –  Bien, bien. Il est temps que ça se termine. –  Son instituteur veut nous voir, ajoute sa mère. Le père Sabourin claque sa langue à nouveau. Dans la cour, Léon se rapproche de la fenêtre. –  Je crois qu’il veut nous parler de l’avenir de Léon, poursuit sa mère de la même voix calme. Notre fils est brillant. –  Son avenir ! tonne son père. Qui a jamais parlé d’avenir ici ? Tous à la mine, on n’a pas le choix ! –  Peut-être devrions-nous l’écouter… Le père Sabourin ricane. –  C’est tout vu. Demain, j’irai trouver le porion3 pour qu’il mette Léon dans mon équipe sitôt qu’il aura ses douze ans. Ce sera plus pratique si nous avons les mêmes horaires. 3.  Porion : contremaître qui dirige une équipe de mineurs.

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Léon écarquille les yeux et pâlit. Le porion, l’équipe, la mine… Son père a déjà tout décidé pour lui !


2 CACHOU –  Je ne veux pas travailler à la mine ! La joue collée contre l’encolure chaude, Léon se confie à sa jument. Parfois, il lui semble qu’elle est sa seule amie, la seule qui l’écoute et le comprenne vraiment. Bien sûr Cachou ne parle pas, mais Léon lit dans ses yeux qu’elle saisit tout ce qu’il lui raconte. Le garçon soupire et plonge son visage dans la crinière rousse de l’animal. Les gens s’amusent toujours de les voir si semblables tous les deux. Le crin presque orange, des taches sur la peau et la robe.

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Juste après le dîner, le garçon est sorti s’occuper de Cachou, qui reste dans un champ à la sortie du coron. Il vient vérifier qu’elle ne manque de rien et que le baquet d’eau est encore assez rempli. Depuis toujours, Léon s’occupe de la jument avec patience et amour. Léon avait huit ans à la naissance de la petite jument. Il venait chercher du lait à la ferme pour sa mère lorsque, dans l’étable, il avait aperçu le poulain tout juste né. Il avait le poil aussi noir que le charbon. –  Elle te plaît ? avait demandé le fermier à Léon qu’il aimait bien. –  Elle est magnifique. C’est une femelle ? Le fermier avait hoché la tête pour acquiescer. –  Je lui cherche un prénom, avait-il dit. Aussitôt, Léon avait pensé à la boîte de petits réglisses d’un noir profond que son parrain lui avait rapportée pour son anniversaire : des cachous. –  Cachou, avait-il murmuré spontanément. Il faut l’appeler Cachou.

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CACHOU

Le fermier, qui ne connaissait pas les cachous4, s’était étonné, mais Léon avait l’air si sûr de lui qu’il avait accepté. Après tout, pourquoi pas. Ça changeait. –  Va pour Cachou ! avait-il lancé, à la plus grande joie de Léon. Dès lors, Cachou était devenue la protégée de Léon. Dès qu’il terminait ses devoirs de l’école et ses services à la maison, il se précipitait à la ferme pour s’occuper du poulain. Et quand Cachou avait soudain perdu tous ses poils par touffes, il avait continué de lui prodiguer mille soins alors que les adultes pensaient déjà que l’animal était condamné. Tant et si bien que la jeune pouliche avait repris du poil de la bête… du poil roux, à la surprise de tous. Sauf du fermier : pour lui, l’amour de Léon avait sauvé le cheval, qui le lui rendait à sa façon. Il n’avait pas été question de lui changer son nom, même si sa couleur n’était plus la même. En revanche, on lui avait changé de propriétaire. Le fermier avait été si impressionné de la volonté du jeune garçon qu’il avait décidé de lui offrir Cachou. 4.  Les cachous de la marque Lajaunie étaient de petites pastilles carrées à la réglisse. Ils firent leur apparition en 1880 et s’achetaient chez le pharmacien.

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C’était un cadeau inestimable, mais le fermier n’avait pas de fils et il s’était attaché à cet enfant. Pour participer à l’entretien de son cheval, Léon continuait de venir régulièrement travailler à la ferme afin de payer le foin et l’herbe du champ. L’arrangement convenait à tous, même aux parents de Léon qui s’étaient attachés eux aussi à Cachou. D’autant que cette bête était le seul bien de la famille, la seule chose qui leur appartenait vraiment. –  Je ne veux pas travailler à la mine, répète Léon à sa jument. Je ne veux pas descendre au fond du puits et ne pas voir la lumière de tout le jour. Je ne veux pas cracher du charbon quand je serai vieux. Papa pense que, comme je sais lire et écrire, je pourrais devenir porion quand je serai grand. Mais c’est toujours la mine. Léon caresse l’encolure de Cachou qui frémit sous ses doigts. –  Moi, je construirai des ponts et des tours comme la tour Eiffel ! s’enflamme-t-il d’une voix vibrante.

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CACHOU

Soudain, il saisit le journal qu’il a glissé dans sa ceinture et le montre à Cachou. –  Tu veux que je te lise où en sont les travaux ? lui demande-t-il, avec une soudaine excitation juste après l’abattement. En guise de réponse, Cachou se couche dans l’herbe. Léon s’assoit contre son flanc et ouvre le journal à la page qu’il a déjà lue et relue des dizaines de fois depuis le début de la journée. –  Regarde, dit-il en pointant une photo du doigt. Tu as vu comme ça avance ! Les yeux noirs et humides de Cachou se tournent vers la page du journal que lui montre Léon. Pour un peu, on croirait qu’elle s’apprête à lire l’article elle aussi.



3 ÇA MONTE, ÇA MONTE ! Personne n’aurait parié sur la réussite de son projet, mais il semblerait que monsieur Gustave Eiffel soit en passe de réaliser un exploit. Le deuxième étage de sa tour, dont tout le monde parle à présent comme étant la tour Eiffel, est achevé ! Il faut reconnaître à monsieur Eiffel que son chantier est un modèle d’organisation. Chaque pièce métallique qui arrive de ses ateliers à Levallois a été faite sur mesure et trouve sa place au centimètre près. Il n’est pas

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question d’ajustement ou de bricolage sur place. Ce qui ne s’adapte pas parfaitement est refusé, et cela n’arrive pour ainsi dire jamais. Le travail des ingénieurs en amont et leurs calculs savants, puis le savoir-faire des ouvriers fondeurs, semblent porter leurs fruits. À cette extrême précision s’ajoute le travail acharné des ouvriers qui défient désormais les lois de l’apesanteur à plus de cent quinze mètres de hauteur. Ils s’affairent par petites équipes de quatre pour riveter5 les poutres de métal. Avant que l’hiver n’arrive, ils travaillent encore douze heures par jour et sont si habiles et si rapides que l’on voit presque la grande tour s’élever un peu plus chaque jour. Tous ceux qui criaient au scandale en apprenant la construction de cette formidable tour et pariaient sur son échec doivent se rendre à l’évidence : monsieur Eiffel connaît son métier, et ses hommes également. On ne peut pas non plus reprocher à monsieur Eiffel de négliger la sécurité de ses ouvriers. Toutes les

5. Riveter : assembler deux ou plusieurs pièces à l’aide d’un rivet, un morceau de métal dont on écrase les deux extrémités pour fixer le tout.

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ÇA MONTE, ÇA MONTE !

précautions ont été prises et l’on ne déplore aucune chute depuis le début du chantier. À présent que la tour sort de terre à vue d’œil, l’excitation succède au scepticisme. Les Parisiens, même les plus réticents, ont hâte de découvrir ce que sera le résultat final. Monsieur Eiffel a promis qu’il serait prêt pour l’ouverture de l’Exposition universelle au mois de mai 1889. Nous commençons à le croire…



4 UNE REQUÊTE Le lendemain, lorsque le père Sabourin rentre de la mine, sa femme lui fait une drôle de grimace en l’accueillant. –  Monsieur Lafuté est là, lui souffle-t-elle rapidement. Le père Sabourin la regarde d’un air interrogateur. Ce nom ne lui dit rien. –  L’instituteur de Léon, lui précise sa femme. –  Maintenant ? grogne le père Sabourin. –  Il veut nous parler, je te l’ai dit hier. Son mari balaye l’air d’un ample geste du bras.

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–  À cette heure-là ? Et mon bain ? –  Tu le prendras après, poursuit sa femme à voix basse. –  J’aimerais voir ça ! ricane-t-il en haussant le ton. On voit bien que cet homme-là n’y connaît rien à la mine. Sa femme pâlit. –  Chuuut ! Il pourrait t’entendre. Il est dans la cour, avec Léon. –  Eh bien qu’il m’entende ! vocifère le père de famille. Je suis ici chez moi. La femme attrape un linge qu’elle trempe dans le seau d’eau chaude et qu’elle passe sur le visage de son mari. –  Là, dit-elle pour l’apaiser. Tu seras un peu mieux ainsi. Le père Sabourin sourit sous la caresse chaude du tissu puis fait signe à sa femme d’arrêter. –  Va plutôt chercher cet instituteur de malheur. Qu’on en finisse une bonne fois pour toutes. Le linge humide n’a pas retiré tout le charbon du visage du père Sabourin. Il lui reste sous les yeux comme

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deux larges auréoles noires qui font ressortir le bleu de ses iris. À moitié débarbouillé, il a un air inquiétant, et monsieur Lafuté refrène un mouvement de surprise en entrant dans la pièce, escorté de Léon et de sa mère. –  Monsieur Sabourin, commence-t-il aussitôt, je vous remercie d’accepter ma visite. Le père Sabourin grogne à nouveau. A-t-il seulement eu le choix ? Il détaille l’instituteur du regard. Il s’attendait à un homme maigrelet tout juste capable de soulever un livre. Au lieu de cela, il découvre un personnage trapu qui pourrait pousser à lui seul trois berlines6 remplies de charbon. Un gars du coin sans doute. Mais cet homme-là n’est pas noir de charbon. Il porte une chemise qui craque aux entournures, un gilet qui semble trop petit pour lui et des lunettes cerclées de métal. Son visage est rond, avenant, sous des cheveux abondants et noirs. Il a les mains propres, les ongles courts et soignés. Il sent bon le savon.

6.  Berline : wagonnet sur rail qui transporte le charbon d’un point à un autre dans la mine.

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–  Je suis venu vous parler de votre fils Léon, poursuit monsieur Lafuté en redressant ses lunettes sur son nez légèrement trop long. Il se tourne vers son jeune élève et lui sourit. La fierté se lit dans ses yeux. –  Vous avez là un garçon exceptionnel ! La mère de Léon regarde son fils avec un sourire radieux. Pour une mère, c’est toujours une joie d’entendre des compliments sur ses enfants. Pour un père également, mais monsieur Sabourin n’est pas le genre d’homme à laisser transparaître ses sentiments. D’autant qu’il est sur la défensive, car il sait très bien où veut en venir l’instituteur. –  Léon a des notes excellentes et il apprend très vite. S’il poursuit ainsi, je suis certain qu’il pourra aller loin. Cette fois-ci, le père Sabourin sourit en hochant la tête. –  C’est exactement ce que je lui dis, répond-il. Un sourire s’épanouit sur le visage de l’instituteur. –  Je vois que nous sommes d’accord sur ce point et vous m’en voyez ravi, dit-il.

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–  Oui, approuve le père Sabourin. Léon ira loin : il deviendra certainement chef porion7 ! Monsieur Lafuté grimace, dépité, et remonte une nouvelle fois ses lunettes sur son nez. –  Je ne parlais pas de ce genre d’avenir, avance-t-il en se raclant la gorge. Je pensais plutôt qu’il pourrait poursuivre ses études. –  Hors de question ! tonne le père Sabourin. Monsieur Lafuté sait que la partie sera difficile. Il sait également qu’il est inutile de suggérer que son élève aille au collège puis suive des études supérieures. C’est trop cher et trop compliqué. En revanche… –  Léon vous a-t-il déjà parlé de ses projets ? demande-t-il d’une voix posée. Le père Sabourin hausse les épaules. –  Qui parle d’avoir des projets à son âge ? –  Il rêve de travailler avec monsieur Eiffel, poursuit vaillamment l’instituteur, tandis que Léon voudrait disparaître sous terre. –  Ah ça oui, on en a entendu parler ! Il n’a que cela à la bouche ! La tour Eiffel par-ci, la tour Eiffel par-là ! 7.  Le chef porion a plusieurs porions et leurs équipes sous ses ordres.

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Comme si nous avions les moyens de construire une tour qui sera détruite dans quelques années. –  Monsieur Eiffel est très réputé dans son domaine. Si Léon pouvait intégrer ses ateliers pour devenir apprenti, je suis certain qu’il s’y ferait rapidement remarquer et qu’il gravirait les échelons. Peut-être même un jour pourrait-il assister des ingénieurs ? Ne seriez-vous pas fier s’il construisait des ponts et des bâtiments partout en France ? –  Porion, c’est assez bien pour un Sabourin ! lance le mineur avec défi. –  L’apprentissage est une excellente école pour accéder à un métier. –  Et moi je peux lui apprendre le métier de mineur sans demander l’aide de personne ! –  C’est que, avance la mère de Léon pour excuser le ton de son mari qui monte à mesure de sa colère, l’apprentissage est cher. Vous comprenez, monsieur ? Nous ne pouvons pas payer des études à Léon. Nous avons déjà bien du mal à faire vivre toute la famille. Léon a quatre frères et sœurs plus jeunes que lui.

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Comme s’ils avaient entendu que l’on parlait d’eux, deux des enfants accourent du dehors et grimpent sur les genoux de leur père tout encore couvert de charbon. –  On a besoin de sa paye ! s’exclame le père Sabourin d’une voix forte qui inquiète la fillette blottie contre lui. –  L’apprentissage ne vous coûtera rien, assure monsieur Lafuté. Le travail de Léon dans les ateliers suffira à payer sa formation. –  Et son logement ? beugle le père Sabourin. Qui va lui payer son logement ? Votre monsieur Eiffel ? Monsieur Lafuté hoche lentement la tête. Léon l’a prévenu que son père ne serait pas facile à convaincre. Heureusement, il a préparé ses arguments. –  J’ai un cousin à Paris. Il est prêt à proposer le gîte et le couvert à Léon. –  Pour combien ? demande timidement la mère de Léon. –  Gratuitement. Le père Sabourin regarde soudain l’instituteur d’un air suspicieux.

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–  Gratuitement ? répète-t-il. Et pourquoi il ferait ça ? –  Mon cousin est curé de sa paroisse. Il a une chambre libre dans son presbytère. Si Léon accepte de servir la messe le dimanche et de faire le ménage de l’église une fois par semaine, il veut bien l’accueillir. Léon écarquille les yeux. Monsieur Lafuté ne lui a jamais parlé de son cousin et c’est une vraie surprise. Une bonne surprise. –  Oh oui ! s’exclame-t-il, heureux. Je suis prêt à l’aider ! P’pa, s’il te plaît ! Ça ne te coûtera rien ! Monsieur Lafuté le garantit. Mais le père Sabourin ne l’entend pas de cette oreille. –  Et ta paye ? demande-t-il, furieux. Qui est-ce qui la ramènera à la maison ? Tu crois qu’on peut s’en priver comme ça ? –  Je… bégaie Léon, impressionné soudain par le ton de son père. –  C’est non ! tonne le père Sabourin. Il se tourne vers monsieur Lafuté avec un sourire aimable mais forcé.

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–  Je vous remercie, monsieur l’instituteur, mais mon fils ira travailler à la mine sitôt son certificat d’études passé. Et s’il est aussi brillant que vous le dites, il sera chef porion !


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Nord de la France, juin 1888. Léon va bientôt avoir douze ans. Il est fils et petit-fils de mineur. Pour lui, l’avenir est tout tracé : il sera mineur également. Mais Léon va à l’école et, contrairement à ses parents, il sait lire et écrire. Il lit beaucoup d’ailleurs : surtout le journal dans lequel il suit avec passion l’avancée des travaux de la Tour Eiffel. À mesure que l’immense tour s’élève, le rêve de Léon grandit : il veut devenir apprenti dans les ateliers du grand Gustave Eiffel ! La famille de Léon, pourtant, est loin de partager son enthousiasme. Plus vite le garçon travaillera à la mine et plus vite il rapportera des sous à la maison. Un jour, son père lui lance un ultimatum : soit il descend à la mine avec lui, soit il vend sa jument Cachou pour qu’elle aille travailler à sa place…

Un roman d’amitié et d’aventure au cœur de la Révolution industrielle ! Du même auteur : Sophie De Mullenheim Paris, avril 1943. Émile attend. Sa mère est infirmière à la Pitié-Salpêtrière. Si elle ne rentre pas de la nuit, il sait ce qu’il doit faire : partir avec Puce, son épagneul, et prendre le train jusqu’à Sophie De Mullenheim Chartres où il retrouvera sa tante Jeanne. À 4 heures du matin, sa décision est prise : il quitte les lieux. Sur le quai de la gare, Mado répète son texte en secret : « Je m’appelle Madeleine Germain, je suis née le 12 mars 1931, je m’appelle… » Le train est à quai. La Gestapo patrouille. Les deux enfants sont en danger…

— Tu as mal ? s’angoisse le garçon en se penchant vers Petit Père. Quelqu’un t’a fait mal ? [...] Le vieil homme tend la main et la pose sur l’épaule de son petit-fils avec tendresse. – C’est Miette… dit-il d’une voix éteinte. Pierrot pâlit. – Ils l’ont emmenée… Les soldats. […] Ils m’ont dit qu’ils avaient besoin des chiens, de tous les chiens… Sur le front. Dans les tranchées. Pour passer des messages. Je n’ai rien pu faire, mon Pierrot. Rien… Pierrot ferme les yeux, incapable d’articuler le moindre mot. Puis, tout à coup, il s’arrache à l’étreinte de son grand-père et sort de la maison en hurlant. – Miiieeeetttttte ! La guerre vient de lui prendre sa meilleure amie.

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