Bienvenue à Perfect City

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Titre original : A Place Called Perfect Publié pour la première fois au Royaume-Uni en 2017 par Usborne Publishing Ltd, Usborne House, 83-85 Saffron Hill, London EC1N 8RT, England : www.usborne.com Texte : © Helena Duggan, 2017 Illustrations de couverture par Karl James Mountford : © Usborne Publishing Ltd, 2017 Carte par David Shephard : © Usborne Publishing Ltd, 2017

Direction : Guillaume Pô Direction éditoriale : Sarah Malherbe Édition : Estelle Mialon Composition : SKGD-Création Correction : Marie-Geneviève de Zayas Direction de fabrication : Thierry Dubus Fabrication : Audrey Bord Adaptation de la couverture : SKDG-Création © Fleurus, Paris, 2021, pour l’ensemble de l’ouvrage. www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-6606-1 MDS : FS66061 Tous droits réservés pour tous pays. « Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011. »


P E À R F E ECT C U N E V ITY IB EN

HELENA DUGGAN Traduit de l’anglais par Camille Cosson


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CHAPITRE 1 Kid Tapi contre l’écorce d’un chêne, dans les ombres du crépuscule et des buissons du jardin, il attendait, alerte. De sa cachette, il distinguait toute la maison et l’allée de graviers. Comme c’était étrange, de craindre d’être vu… Voilà des semaines que toute la ville de Perfect City ne parlait plus que de l’arrivée du docteur Eugene Brown. Il aurait une solution, Kid en était convaincu. Tout ce qu’il avait à faire, c’était trouver cet homme avant qu’il ne change. À la nuit tombée, George et Edward Archer gravirent le perron de pierre de la demeure. Une fois les lampes allumées à l’intérieur, Kid put les voir se déplacer d’une pièce à l’autre. Soudain, un faisceau lumineux jaillit sur la pelouse, tout près de ses pieds, le contraignant à se replier davantage dans la pénombre. Dans un crissement, une voiture argentée remonta l’allée avant de s’arrêter non loin de lui. Son cœur s’emballa. Le moteur se tut. 9


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La grande porte de la maison s’ouvrit, et les silhouettes des jumeaux Archer se dessinèrent dans la clarté du vestibule. Aussi immobile qu’une statue, Kid les épia, parcouru d’un frisson. Du côté conducteur, un homme sortit ; de l’autre, une femme. Kid ne s’attendait pas à ce que le docteur vienne accompagné. La femme – Mrs Brown – lança à son mari un regard pressant par-dessus le toit de la voiture, manifestement angoissée. En retour, le docteur la gratifia d’un sourire contrit avant de rejoindre les jumeaux, qu’il salua d’une poignée de main. Mrs Brown lui emboîta le pas et tous disparurent à l’intérieur. Kid s’aventura hors de sa cachette. Il se figea brusquement lorsqu’il entendit le docteur lancer : — Ne reste pas dans la voiture, Violet ! Il fait froid dehors, ma puce. La portière arrière s’entrouvrit pour se refermer sur-lechamp, soulevant un courant d’air qui agita les feuilles juste au-dessus de la tête de Kid. Ce dernier retint son souffle et battit en retraite. Quand la portière s’ouvrit derechef, une jeune fille effarouchée s’élança précipitamment vers la maison. Le garçon ne put réprimer un rire. La dénommée Violet accéléra l’allure, gravit les marches d’un seul bond et franchit la porte d’entrée comme une tornade avant de la claquer derrière elle, plongeant de nouveau la cour dans les ténèbres. 10


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Kid ferma la portière restée ouverte et s’approcha prudemment de la fenêtre de la cuisine. Il eut tout juste le temps de voir la jeune fille y entrer dans une glissade. Il s’assit près du perron et patienta. Un peu. Beaucoup… Trop. La nuit s’écoulait lentement, mais sûrement. Bientôt, les Guetteurs entameraient leur ronde. Il ne pouvait pas risquer de se faire prendre une nouvelle fois hors des murs. Il décida de revenir de bonne heure, le lendemain matin, pour s’entretenir avec le docteur. Avant de partir, il jeta un dernier regard vers la fenêtre. La jeune fille était assise entre ses parents – une vraie famille. Le cœur lourd, il lissa de la pulpe du pouce le bout de papier froissé au fond de sa poche…


CHAPITRE 2 pour protesta e c n e tion eL sil Le crissement du gravier sous les pneus de la voiture réveilla Violet en sursaut. Il faisait sombre. Elle se redressa sur la banquette de cuir chaud et jeta un coup d’œil par la vitre. La maison était grande, bien plus que leur ancienne demeure, et elle semblait tout droit sortie d’un magazine. À l’intérieur, les lumières étaient allumées. Avec un hoquet de surprise, elle se recroquevilla de nouveau sur son siège. Deux silhouettes noires, l’une de grande taille, l’autre plus petite, se découpaient à contre-jour dans l’encadrement de la porte. Le père de Violet consulta sa mère du regard, puis détacha sa ceinture et sortit de la voiture. — Bonjour, messieurs Archer, dit-il en s’approchant des deux hommes. Nous ne nous attendions pas à un comité d’accueil. — C’est tout naturel, docteur Brown. Nous tenions à être là à votre arrivée, répondit le plus grand des deux, une main tendue. 12


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L’autre contourna prestement son frère pour faire de même. — Nous avons passé toute la journée à préparer la maison, intervint-il. Elle est propre comme un sou neuf et la bouilloire est sur le feu. Laissez donc vos bagages dans la voiture le temps de prendre une tasse de thé. Vous devez être épuisés. — Comme c’est aimable à vous, répondit Mrs Brown lorsqu’elle parvint à leur hauteur. Une bonne tasse de thé ne serait pas de refus ! Les quatre adultes pénétrèrent dans la maison, abandonnant Violet sur son siège, furieuse. — Ne reste pas dans la voiture, Violet ! Il fait froid dehors, ma puce, lui lança son père, de l’autre côté de l’allée. Ainsi donc, il ne l’avait pas oubliée – ce qui ne voulait pas dire qu’il se souciait d’elle pour autant ! Son travail était la seule chose qui lui importait. Lorsque Mr Brown avait informé sa femme qu’on lui proposait ce nouveau poste, elle lui avait répondu : « C’est un emploi comme un autre. » Pourtant, lui avait l’air de penser qu’on lui tendait un Oscar. Mot pour mot, Mr Brown avait rétorqué : « Il faudrait être vraiment idiot pour refuser une offre pareille. » Il était ophta… ophtalo… ophtalmologue. Autrement dit : un chirurgien oculaire qui passait le plus clair de ses journées à découper des yeux, chose que Violet trouvait si répugnante qu’elle préférait prétendre qu’il était opticien chaque fois qu’on lui posait la question. 13


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Contrairement aux parents des autres enfants, il ne se plaignait jamais de son métier. Violet était fière de lui, mais elle se serait volontiers passé de devoir ranger toutes ses affaires dans des cartons et de dire adieu à ses amis à cause de son nouveau travail. Elle le trouvait égoïste et ne s’était pas privée de le lui dire, à travers un flot de larmes, lorsqu’il lui avait annoncé qu’ils déménageaient. Violet ouvrit la portière de la voiture et sortit la tête pour jeter un regard alentour. L’allée sombre était bordée d’arbres. Leurs immenses branches tordues, qui dansaient au rythme du vent, dessinaient des ombres sur le gravier. En entendant le murmure des feuilles, la jeune fille fut saisie d’un frisson. Elle se retrancha dans l’habitacle et referma la portière pour se barricader à l’intérieur. Sa mère lui répétait constamment qu’elle avait une imagination débordante. Alors qu’elle pensait déjà aux monstres qui pouvaient l’épier depuis les arbres du jardin obscur, Violet regrettait sincèrement de ne pas pouvoir s’en empêcher. Elle allait devoir courir. Elle prit une grande inspiration et compta jusqu’à trois. — Un, deux, troiiis… Elle ouvrit la portière à la volée et se rua vers la maison. Sans regarder ni à droite ni à gauche, elle gravit les marches quatre à quatre et franchit le seuil d’un bond. Au moment où elle claquait la porte d’entrée, elle crut entendre un rire s’élever des arbres. Haletante, elle se laissa 14


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glisser au sol, le long du mur du vestibule. Elle avait dû se tromper. Personne n’avait ri. Tout à coup, elle entendit la portière de la voiture se refermer d’un coup sec et se figea. Y avait-il quelqu’un dehors ? Son cœur se mit à tambouriner dans sa poitrine. — Violet ? C’est toi, ma puce ? demanda sa mère depuis une pièce, au fond du couloir. Viens donc saluer nos invités. La jeune fille chassa les pensées inquiétantes de son esprit. C’était sûrement le vent qui lui jouait des tours. « Encore un coup de ton imagination ! » se sermonna-t-elle en se remettant sur ses pieds. Elle ôta ses chaussures et les jeta près de la porte. Le sol du vestibule, un carrelage blanc crème étincelant, était parfait pour marcher en chaussettes. Elle courut et s’élança dans la pièce où l’attendaient ses parents en se laissant glisser, son élan l’envoyant heurter la table de la cuisine. Quatre paires d’yeux la dévisageaient, deux avec honte, les autres avec stupéfaction. — Violet ! siffla son père. Nous avons des invités. Elle ne répondit pas. La veille, elle avait décidé de ne plus lui adresser la parole jusqu’à ce qu’il accepte de retourner s’installer dans leur ancienne maison. Cette résolution lui faisait beaucoup de peine, parce qu’elle l’adorait, mais son père et elle avaient des ambitions bien différentes. D’ailleurs, sa mère n’était pas toujours d’accord avec lui non plus. Rose Brown travaillait 15


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comme comptable pour une entreprise florissante et avait dû quitter de nombreuses amies dans leur ancienne ville. Malgré tout, elle avait dit à sa fille que, même si c’était dur, il fallait parfois accepter de faire des sacrifices. D’après elle, ce déménagement était une bonne chose pour leur famille. Violet avait envisagé de lui réserver le même traitement qu’à son père, mais, étant fille unique, elle n’aurait plus eu personne à qui parler – du moins, jusqu’à ce qu’elle se soit fait de nouveaux amis. Mr Brown s’empressa de rompre le silence en la présentant aux inconnus assis à la table de la cuisine. — Violet, voici Mr George Archer. — Tu peux m’appeler George, ajouta l’intéressé, qui se leva pour lui serrer la main. La jeune fille dut se retenir de pouffer. L’homme était si grand qu’il devait se tenir voûté sous le plafond de la pièce, particulièrement bas. Sa tête, penchée sur le côté, touchait presque son épaule. Chaque partie de son corps semblait étirée, depuis ses bras interminables, pareils à d’immenses serpents, et ses doigts fins comme des vers de terre, jusqu’à son nez, mince et droit, qui divisait presque son visage en deux. Son crâne entièrement chauve et blanc luisait comme un œuf fraîchement pondu. Visiblement mal à l’aise, il se rassit aussitôt. Le plus petit des frères Archer se leva à son tour pour la saluer. 16


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— Et moi, je suis Edward. Ravi de faire ta connaissance. Une fois de plus, elle dut ravaler un rire. Elle n’était pourtant pas la plus grande de sa classe, mais Edward Archer ne la dépassait pas d’un seul centimètre. En revanche, il compensait sa petite taille par son imposante envergure. Il avait une silhouette carrée, telle une miche de pain de mie. Sa tête était directement soudée à ses épaules, comme si son cou n’avait jamais poussé, et ses yeux globuleux semblaient vouloir s’échapper de leurs orbites. Mr Brown avait informé Violet qu’ils étaient jumeaux, mais elle avait peine à le croire : rarement on avait vu des frères aussi différents. Comme pour prouver le contraire, tous deux étaient affublés de tenues identiques : un costume marron et des chaussures cirées assorties. Edward était coiffé d’un drôle de chapeau melon, qui rappelait celui de l’homme sans visage du tableau préféré de Mr Brown1. Celui de George était posé à côté de lui sur la table – il évitait sans doute de le porter à l’intérieur, afin de ne pas le perdre chaque fois qu’il se levait. Tous deux avaient d’étranges yeux rougeâtres, cachés derrière des lunettes rectangulaires aux montures dorées. Violet trouva leur regard plutôt inquiétant, jusqu’à ce que George retire ses verres. — Oh, ça vient des lunettes ! J’ai cru que vous aviez un problème aux yeux ! s’exclama-t-elle, soulagée. Pourquoi les carreaux sont-ils rouges ? 1. Sans doute L’Homme au chapeau melon, du peintre français René Magritte, 1964. (Toutes les notes sont de la traductrice.) 17


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George chaussa de nouveau ses lunettes. — Ils sont teintés de rose, rectifia-t-il, l’air sévère. Nous… — Pour tout te dire, ma chère Violet, l’interrompit brusquement son frère, c’est une histoire très curieuse. Nous espérons d’ailleurs que ton père nous aidera à la résoudre. Vois-tu, notre petite ville est parfaite en tout point, sauf un : tous les habitants portent des lunettes. D’ici quelques jours, ta famille et toi vous apercevrez que votre vue s’obscurcit, votre vision périphérique va ensuite se troubler. Au fil du temps, vous deviendrez complètement aveugles. De nombreux scientifiques sont venus se pencher sur la situation. Selon leurs dires, Perfect City se trouverait trop près du soleil. — Maman ! s’écria la jeune fille, soudain terrifiée. Je ne veux pas perdre la vue ! J’aime bien voir, moi. Je savais qu’on n’aurait jamais dû emménager ici ! — Oh, je ne voulais pas t’effrayer, mon petit, reprit Edward avec douceur. Je peux t’assurer que ces effets sont temporaires. Ils se dissiperont dès que vous quitterez notre charmante ville – même si je doute que vous souhaitiez en partir un jour. Personne ne quitte Perfect City, se félicita l’homme replet. Soit dit en passant, nous avons découvert un moyen ingénieux de remédier à ce petit problème : porter ces lunettes ! Vous remarquerez bientôt qu’elles sont très en vogue, ici. Il ajusta sa propre monture sur l’arête de son nez. — Il faudra que tu viennes nous rendre visite au magasin pour qu’on te trouve une paire à ta taille, ajouta George, mielleux. 18


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Violet s’agrippa à la jupe à fines rayures de sa mère. — Je n’ai pas envie de porter des lunettes, maman. Mes yeux fonctionnent très bien. — C’est pour ça que ton père est ici, l’informa Edward. Grâce à lui, nous n’en aurons peut-être bientôt plus besoin. En effet, les frères Archer étaient les nouveaux patrons de son père. « Eugene a été débusqué par des chasseurs de têtes », avait fièrement annoncé Mrs Brown à leurs amis, un soir. Violet trouvait qu’il n’y avait pas de quoi se réjouir et préférait ne pas imaginer son père décapité… En récompense de ses recherches, Mr Brown avait reçu une distinction scientifique et fait la une de la revue Œil pour Œil. D’après sa mère, on en parlait dans le monde entier – ou, du moins, dans les sphères qui s’intéressaient aux yeux. Elle affirmait que les frères Archer avaient lu l’article et l’avaient traqué pour lui proposer le poste. — Ça ne durera pas longtemps, la rassura sa mère, non sans un regard inquiet à l’intention de son mari. Ton père va trouver une solution. L’interpellé tendit la main pour caresser la tête de sa fille. — Ne t’en fais pas, Violet, renchérit-il. Mais elle lui échappa en allant se cacher derrière sa mère. — Elle est fatiguée, déclara-t-il, les joues empourprées. La journée a été longue. Il est sans doute l’heure d’aller au lit. — Oh non, pas déjà ! déplora Edward. Il faut absolument que vous goûtiez notre thé. C’est une tradition de Perfect City. 19


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— Mais oui, insista son frère, le sourire aux lèvres, en allant chercher théière et tasses sur le plan de travail. C’est notre coutume, je vous l’assure. Un petit sachet était posé sur la table. Edward l’ouvrit et préleva deux généreuses cuillerées de thé qu’il laissa tomber dans la théière. Sur l’emballage bleu marine était inscrit « Archer Frères », en élégantes lettres d’or, sous une photo brunie des jumeaux, coiffés de leurs fidèles chapeaux melon et vêtus de tabliers. — C’est vous, fit remarquer Violet en dévisageant Edward. — Fine observatrice, souligna-t-il d’un ton aimable, tout en versant de l’eau bouillante dans la théière. En effet, c’est notre thé. Nous sommes propriétaires de la fabrique qui le produit. Elle fournit de nombreux emplois aux habitants de Perfect City. Nous en sommes très fiers. La jeune fille se tourna vers sa mère. — Je n’aime pas le thé, objecta-t-elle. — Celui-ci va te plaire, répliqua sèchement George. — C’est une spécialité locale. Il est récolté quotidiennement et livré chaque matin à tous les foyers de Perfect City. Il est fait à base de feuilles de caméléon, une plante qui ne pousse que dans notre ville. Il est excellent pour la santé et vous découvrirez bientôt qu’il présente des vertus tout à fait insolites. La plupart des citoyens de Perfect City en boivent au moins une tasse par jour. Nous sommes très friands de thé, ici, conclut Edward avec un sourire entendu. 20


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Non seulement Violet n’aimait pas le thé, mais les frères Archer ne lui disaient rien qui vaille. Quelque chose chez eux ne tournait pas rond. Après avoir échangé un regard, Eugene et Rose prirent place à table, puis Violet vint s’installer entre eux. Assis face à eux, George les étudia d’un œil attentif pendant que son frère faisait le service. — À présent, imaginez le parfum le plus délicieux qui soit, puis prenez une gorgée, dit Edward en levant sa tasse. Violet obéit. Elle songea à la boisson préférée de son père, qui était aussi la sienne : le cocktail glacé orange-vanille. De grosses cuillerées de glace à la vanille plongées dans une boisson pétillante à l’orange. Elle se représenta les nuages de mousse débordant toujours de la coupe… Elle pouvait presque sentir l’explosion de saveurs ! Elle en avait l’eau à la bouche. Lorsqu’elle porta la tasse à ses lèvres, des effluves de vanille lui chatouillèrent les narines. Elle prit une gorgée, veillant à ne pas se brûler. Le breuvage, au goût divin, pétilla sur sa langue. Ça ne pouvait pas être du thé ! Elle ouvrit les yeux pour s’assurer que personne n’avait inversé les tasses, mais la sienne contenait bien un liquide d’un brun laiteux. Elle observa ses parents à la dérobée : les yeux toujours fermés, ils affichaient des sourires béats. — J’en reprendrais volontiers une tasse, déclara son père, après quelques instants. 21


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— Nous nous en doutions, répondirent les frères Archer d’une même voix. Alors que les Brown finissaient la théière pour en entamer une nouvelle, Edward leur expliqua tout ce qu’il y avait à savoir sur leur nouvelle ville. Il était le plus bavard des deux. Il plaisait davantage à Violet que George, qui semblait se borner à grogner et à lancer des regards pénétrants. Pour être tout à fait honnête, ni l’un ni l’autre ne lui inspiraient réellement confiance. Un peu plus tard, lorsqu’ils saluèrent les jumeaux depuis le perron de leur nouvelle maison, elle entendit sa mère confier la même chose à son père. — Ils me flanquent les chocottes, Eugene, grinça-t-elle à travers son sourire forcé. Ce soir-là, Violet se glissa sous les draps dans sa nouvelle chambre. D’après les dires d’Edward, la ville ne semblait pas si mal – il fallait admettre que le thé jouait grandement en sa faveur. Certains aspects demeuraient tout de même curieux. Mr Archer avait notamment évoqué un couvre-feu, instauré, selon lui, afin d’assurer aux habitants de Perfect City une bonne nuit de sommeil. « Le repos est primordial pour garantir le bien-être de tous. » L’idée de ne plus pouvoir sortir après une certaine heure et de perdre la vue ne réjouissait pas du tout la jeune fille. Et puis, comment pourrait-elle supporter de vivre dans une ville appelée Perfect City ? Elle serait contrainte de se montrer soigneuse, de 22


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se brosser les cheveux, sans doute même de décrotter ses chaussures… C’était tout bonnement inconcevable ! Violet en était sûre : jamais elle ne se sentirait chez elle à Perfect City. Sur cette dernière pensée, elle soupira et se tourna sur le flanc, avant de sombrer dans un profond sommeil, loin de se douter des tourments qui l’attendraient à son réveil.



es matières d e l b a T Carte de Perfect City �������������������������������������������������6 Chapitre 1 : Kid ��������������������������������������������������������9 Chapitre 2 : Le silence pour protestation �����������������12 Chapitre 3 : La grande lunetterie �����������������������������24 Chapitre 4 : Les premiers fils de Perfect City �����������35 Chapitre 5 : Des fantômes plein la tête ��������������������44 Chapitre 6 : Le règlement, c’est le règlement �����������52 Chapitre 7 : Le SEDCI ��������������������������������������������66 Chapitre 8 : Virage à 180 degrés ������������������������������70 Chapitre 9 : Iris Archer ��������������������������������������������77 Chapitre 10 : Un congrès urgent �����������������������������81 373


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Chapitre 11 : L’heure des présentations �������������������88 Chapitre 12 : Le No Man’s Land �����������������������������97 Chapitre 13 : Les Guetteurs �����������������������������������112 Chapitre 14 : Un visiteur nocturne ������������������������122 Chapitre 15 : Les bocaux de couleurs ��������������������129 Chapitre 16 : L’avertissement ���������������������������������136 Chapitre 17 : Le froid au bout du tunnel ���������������143 Chapitre 18 : La Cité fantôme �������������������������������153 Chapitre 19 : La chambre mystérieuse �������������������160 Chapitre 20 : La rue Wickham ������������������������������170 Chapitre 21 : William Archer ��������������������������������180 Chapitre 22 : Le Réimaginateur ����������������������������193 Chapitre 23 : Bienvenue à Correct City �����������������205 Chapitre 24 : Opération persuasion �����������������������215 Chapitre 25 : Place à la stratégie ����������������������������225 Chapitre 26 : La fabrique de thé ����������������������������236 Chapitre 27 : La potion de William �����������������������248 Chapitre 28 : Une peur paralysante �����������������������260 Chapitre 29 : Les enfants perdus à la rescousse ������267 374


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Chapitre 30 : Retour à la réserve d’imagination �����281 Chapitre 31 : Les retrouvailles �������������������������������302 Chapitre 32 : Le faux pas ���������������������������������������318 Chapitre 33 : Que la bataille commence ! ��������������328 Chapitre 34 : Un choix difficile �����������������������������343 Chapitre 35 : L’ultime affrontement ����������������������351 Chapitre 36 : City �������������������������������������������������367 Bienvenue chez Helena Duggan ����������������������������371


Et si les murs avaient des yeux ? Qui voudrait vivre dans une ville où tout le monde porte des lunettes pour ne pas devenir aveugle ?

Personne, n’est-ce pas ?

Pourtant, Violet n’a pas le choix. Ses parents l’ont obligée à emménager à Perfect City, la ville où tout est parfait... sauf la vue de ses habitants !

Entre les bruits dans la nuit, le comportement de plus en plus étrange de sa mère, et la soudaine disparition de son père, la vie de Violet est loin d’être rose ! Avec l’aide de Kid, un orphelin qui a l’air d’en savoir long, Violet est bien déterminée à percer

l’horrible secret de Perfect City...

15,90 € TTC France www.fleuruseditions.com

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Couverture : Karl James Mountford

Mais, très vite, la jeune fille se rend compte que les soucis ophtalmologiques ne sont pas les seuls problèmes à Perfect City. Et la vie n’y est pas aussi géniale qu’on voudrait bien le faire croire...


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