Direction : Guillaume Pô
Direction éditoriale : Sarah Malherbe
Édition : Claire Renaud
Conception graphique : Bleuenn Auffret
Mise en pages : Cromatik Ltd
Direction de fabrication : Thierry Dubus
Fabrication : Sonia Roméo
© 2022, Fleurus éditions, Paris
57, rue Gaston Tessier, CS 50061, 75166 Paris cedex 19
Site : www.fleuruseditions.com
ISBN : 978-2-2151-5904-9
Code MDS : FS59049
Tous droits réservés pour tous pays. Loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011.
Emmanuel Trédez - Luc Blanvillain Alice A. Morentorn
Chapitre 1
Bienvenue à l’école !
Il est un peu moins de 9 heures quand Elwina Lebéchec se présente sous une pluie battante devant la grille de l’école primaire de Carensac. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle n’est pas à son avantage : ses vêtements sont trempés, ses longs cheveux bruns, dégoulinants, sont plaqués
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Les chouquettes à la crème
sur son crâne, et de l’eau goutte même de son nez. Elle s’est fait surprendre par l’orage.
La jeune femme sonne à l’interphone. Une voix peu aimable lui demande de se présenter à l’accueil. Elle se précipite vers la loge de la gardienne et s’étale de tout son long dans la cour.
De son cartable s’échappent quelques livres qu’elle ramasse au plus vite avant de reprendre sa course.
Bonjour, je dois rencontrer les élèves de Madame…
Bienvenue à l’école !
Elle consulte son téléphone portable (une antiquité).
Yolande Pinson.
Toujours aussi réfrigérante, la gardienne lui tend un cahier.
Tenez, je vais vous demander d’inscrire votre nom.
Tandis qu’elle s’exécute, la gardienne ajoute :
J’aurais également besoin d’une pièce d’identité.
Les chouquettes à la crème
Je n’ai pas mes papiers sur moi, mais je peux vous montrer un de mes livres.
Elle sort au hasard de son cartable un album détrempé – son tout premier livre ! – et le tend à la gardienne. Celle-ci regarde la couverture d’un air dédaigneux. Pipi, caca, prout ? Pfff, ça m’a l’air très intellectuel ! Bon, ça ira pour cette fois. Asseyez-vous là, je préviens Mme Pinson.
Comme à chaque fois qu’Elwina est invitée à rencontrer ses lecteurs, elle est un peu angoissée.
Son métier, c’est d’écrire, pas de parler. Elle a beau raconter des histoires d’ogres qui mangent des enfants, là, c’est elle qui a peur de se faire dévorer toute crue par les élèves !
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Bienvenue à l’école !
Bientôt, Yolande Pinson arrive. C’est une longue femme sèche et blonde, à la voix rauque, qui porte mal son nom d’oiseau. Elwina la suit dans la salle de classe.
Mes CE2 vous ont réservé une surprise ! prévient Mme Pinson.
En effet, tous les élèves se sont déguisés en fantômes, comme dans son roman, Le Bal des fantômes.
Au signal de la maîtresse, les enfants se mettent en place et commencent à interpréter une des scènes de son livre. Elle se sent un peu rassurée. Ça devrait bien se passer.
Au début, c’est le cas. Les élèves sont mignons. Ils interprètent la scène du bal, au cours de laquelle le héros et l’héroïne doivent s’embrasser, tandis que les autres fantômes exécutent un ballet
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silencieux autour du couple pour célébrer leur amour éternel.
Bien sûr, tout n’est pas au point. Certains marchent sur leur drap et se cassent la figure, d’autres se cognent dans les tables en lâchant des jurons (alors que dans son livre, les fantômes sont d’une politesse exquise et emploient des mots choisis comme « diantre » ou « fichtre »).
Fais gaffe, abruti, tu as failli péter mes lunettes ! se fâche un spectre.
T’as qu’à arrêter de te dandiner comme un éléphant de mer !
Les enfants, les enfants ! lance Mme Pinson en tapant dans ses mains. Maintenant, on passe à vos questions.
Elwina appréhende ces questions. Au Moyen Âge, quand on vous passait à la question, c’est
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qu’on vous torturait. Ces tortures étaient si atroces que même si on était innocent, on était prêt à avouer n’importe quoi ! Elle jette un œil à la classe.
Les gamins n’ont pas l’air si effrayants…
C’est un garçon, Tom, qui se lance.
T’as quel âge ?
Elle ne s’attendait pas à cette question, mais c’est facile d’y répondre. Trente ans.
T’habites où ? demande Jade, une fille avec des couettes.
À Paris.
Alors tu supportes le Paris-Saint-Germain ? intervient un autre élève.
Je ne supporte ni le PSG, ni l’OM, je ne supporte pas le foot !
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D’un coup, Elwina a l’impression d’avoir perdu à jamais dix lecteurs.
T’es déjà montée en haut de la tour Eiffel ? demande Nina.
Oui, plusieurs fois.
Mme Pinson claque dans ses mains.
Revenons aux questions que vous avez préparées, les enfants !
Où trouves-tu l’inspiration ? demande Charlotte.
Cette question-là, Elwina l’a préparée.
Dans ma poche ! répond-elle du tac au tac. À l’air ahuri des élèves, elle comprend que sa blague n’a pas eu un franc succès.
Je crois que j’ai fait un bide, avoue-t-elle.
Perplexes, les enfants braquent leur regard sur son ventre. Qu’elle rentre aussitôt, honteuse.
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C’est une expression, explique-t-elle. Une façon de dire qu’une blague ne fait rire personne.
Elwina avait prévu d’enchaîner sur le lien entre inspiration et transpiration, selon le mot de l’inventeur américain Edison, mais elle préfère renoncer.
Bon, intervient Mme Pinson. Mathilde, tu veux lire ta question ?
Est-ce que vous êtes bien payée ?
Une autre thématique qu’elle avait anticipée ! Avant d’expliquer comment les auteurs gagnent leur vie, elle a prévu de mettre leur crédulité à l’épreuve.
Oui, plutôt. Avec mes droits d’auteur, j’ai pu m’offrir une Ferrari. C’est la voiture rouge garée là-bas.
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Bienvenue à l’école !
Les enfants se ruent vers les fenêtres, comme une nuée de gros insectes et écrasent leur nez contre les vitres.
Elle est où, ta Ferrari ? demande un garçon.
C’était une farce, voyons ! Pour acheter une voiture pareille, il faudrait que je vende des centaines de milliers de livres !
Les élèves sont déçus.
Tu es beaucoup moins drôle que tes livres ! remarque Noé.
La séance se poursuit. Mais les écoliers lui posent des questions sans conviction et écoutent à peine les réponses. Elwina n’a plus affaire qu’à une classe… fantôme.
La séance touche à sa fin. Mme Pinson reprend la parole.
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Et maintenant, qu’est-ce qu’on a prévu, les enfants ?
Les chouquettes ! répond Jade.
Peu après, trois enfants apportent sur un plateau une pyramide de chouquettes.
C’est la tradition, explique Mme Pinson. Chaque fois que nous recevons un auteur, nous lui offrons des pâtisseries pour le remercier d’être venu.
Elwina aime bien les chouquettes. C’est comme croquer une bulle d’air sucrée.
Les trois élèves lui présentent le plateau. Un lourd silence s’installe. Tous les yeux sont braqués sur Elwina qui comprend qu’elle doit en goûter une tout de suite, devant tout le monde. Ça la gêne, elle n’a pas l’habitude que vingt-cinq personnes la regardent manger.
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Vous êtes trop gentils, balbutie-t-elle.
Elle en saisit une et y enfonce les dents.
Aussitôt, une substance gluante coule sur son menton, sur son joli pull noir et sur le sol où elle atterrit avec un « chplof ».
Bizarre, s’interroge quelqu’un. Normalement, y a pas de crème dans les chouquettes.
Ben, c’est une idée de mon papa, explique Lancelot. Pour accueillir la star, il a dit : « On va quand même pas donner des chouquettes, on va y filer des choux à la crème ! »
Le papa de Lancelot est pâtissier, précise la maîtresse en tendant une poignée de mouchoirs en papier à Elwina.
Heureusement, la sonnerie ne tarde pas à retentir.
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Au revoir, les enfants, j’ai été ravie de vous rencontrer. J’espère que…
Mais personne ne l’écoute, les élèves se ruent vers la sortie.
C’est la récréation, explique Mme Pinson. C’est sacré !
Avant de sortir, un garçon s’arrête devant Elwina. Il tient un livre.
Est-ce que vous pourriez me le dédicacer ?
Bienvenue à l’école !
Un large sourire s’épanouit sur le visage de la jeune femme. Avec plaisir !
Je l’ai adoré.
Quand elle tombe sur la couverture de l’ouvrage, le sourire d’Elwina disparaît. Heu… Mais c’est un roman de Jean-Paul Marcassin !
Elle connaît bien Marcassin. C’est un auteur à succès. Elwina s’est souvent trouvée à côté de lui dans les salons du livre…
Le garçon a l’air très déçu.
Si tu veux, propose Elwina, je peux t’envoyer un de mes livres dédicacés. Non, non, ça ira.
Il salue Elwina d’un hochement de tête, puis file vers la cour.
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Ils sont formidables, à cet âge ! commente la maîtresse.
Oui, en effet.
J’espère que vous n’êtes pas vexée ? Dylan n’a
pas fait preuve d’une grande délicatesse, mais il a des excuses : en fait, nous avions invité Marcassin. Comme il n’était pas libre, on s’est rabattus sur vous.
Je comprends.
C’est un écrivain exceptionnel, vous ne trouvez pas ? Si, exceptionnel.
Venez, je vais vous présenter M. Heinrich, le directeur. Ah, au fait, j’allais oublier…
Elle lui tend un sac en papier.
Pour vous.
Qu’est-ce que c’est ?
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Les chouquettes. Enfin, les choux à la crème.
Oh, gardez-les, vous les mangerez avec les élèves en souvenir de…
Non, j’aime mieux que vous les emportiez.
M. Renard, le papa de Lancelot, est adorable, mais côté hygiène, ses pâtisseries laissent un peu à désirer.
Elle se penche et lui glisse à l’oreille :
Il arrive qu’on trouve des cafards dans ses gâteaux. Je préfère ne pas prendre de risque avec les enfants, vous comprenez ?
Elwina suit Mme Pinson dans les couloirs de l’école où les enfants courent en poussant des cris.
Un homme chauve et jovial fend la foule pour les rejoindre.
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Voici M. Heinrich.
Le directeur serre énergiquement la main d’Elwina.
Ravi de vous accueillir, chère Madame.
Merci, monsieur le Directeur.
Tout s’est bien passé avec les élèves de Mme Pinson ?
Je n’en suis pas sûre. Je n’ai pas réussi à capter leur attention.
Magnifique ! répond le directeur en pianotant sur son téléphone portable.
Elwina est découragée. Elle pétrit nerveusement le pochon de chouquettes.
Personnellement, reprend le directeur, je pense que les livres, c’est fini. L’avenir est au numérique, non ?
Il brandit son téléphone avec fierté.
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Si, peut-être, concède Elwina. Enfin, mes professeurs ont insisté pour faire venir un écrivain, je respecte leur choix. Mme Pinson va vous accompagner jusqu’à la classe suivante. Qui doit-elle rencontrer, Mme Pinson ?
Les élèves de CM1-CM2 de M. Parmagnol. Parfait, parfait.
Il s’éloigne en trottinant, les yeux rivés sur son écran, tandis que les écoliers regagnent leur classe. Mme Pinson s’arrête devant une porte.
C’est ici, annonce-t-elle. Je vous laisse.
Et elle disparaît à son tour.
Une autrice déboussolée, des élèves facétieux, un jeu de piste improvisé, une grotte mystérieuse, trois vieilles foldingues...
la recette
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Des romans qui chatouillent et qui picotent ! Voici
des chouquettes à la crème !Voici
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