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ANOUK JOURNO-DUREY

« Jawau entrouvrit l’œil et sut alors qu’il était bel et bien en train de rêver. Parce qu’il se trouvait tout contre Gala, à quelques millimètres de la gueule de la lionne qui, allongée sur le flanc, les yeux fermés, respirait

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doucement. »

Ce roman comporte un entretien inédit avec Paul de La Panouse, fondateur de la réserve africaine du château de Thoiry.

Anouk Journo-Durey est auteure de littérature pour la jeunesse, de poèmes, et aussi traductrice d’anglais, lexicographe, formatrice et animatrice d’ateliers d’écriture. Le monde animal – et végétal – la passionne autant que celui des humains !

Pour les éditions Fleurus, elle a écrit la trilogie Grace and Fashion et traduit la série Adventure Island. Elle vit en Normandie, près de Giverny.

ET DES

HOMMES • NOUVEAUX DÉFIS À VALRÊVE •

• NOUVEAUX DÉFIS À VALRÊVE •

Jawau et Izia en veulent beaucoup au cousin Hugues, et pour eux, l’ambiance est tendue au refuge de Valrêve.

Heureusement, il y a les animaux ! Izia se passionne pour les ânes et Jawau ne voit que Gala, sa lionne. Il nourrit d’ailleurs un désir secret un peu fou…

Avec leur ami Kenji, ils se mettent aussi à chercher le fameux trésor des Templiers, mais les obstacles sont nombreux.

Noël approche, apportant son lot de surprises : Jawau et Izia découvrent la neige pour la première fois, de nouveaux arrivants sont accueillis au refuge, et pas seulement des animaux…

ANOUK JOURNO-DUREY

illustration de couverture :

christopher evans DANS LA MÊME COLLECTION :

15,90 € TTC France www.fleuruseditions.com

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FLEURUS

FLEURUS

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Illustration de couverture : Christopher Evans Direction : Guillaume Arnaud, Guillaume Pô Direction éditoriale : Sarah Malherbe Édition : Anna Guével, assistée de Lucie Cendrier Direction artistique : Élisabeth Hébert Conception graphique : Séverine Roze Direction de la fabrication : Thierry Dubus Fabrication : Marie Guibert © Fleurus, Paris, 2018 Site : www.fleuruseditions.com ISBN : 978-2-2151-3582-1 MDS : 592 592 Tous droits réservés pour tous pays. « Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. »

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ANOUK JOURNO-DUREY

• NOUVEAUX DÉFIS À VALRÊVE •

FLEURUS

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À toi qui lis ces lignes : Si tu as ouvert ce livre, c’est que tu aimes les animaux.

Mais que signifie « aimer les animaux » ? Dans mon rêve, on les considère comme des amis de l’humain, on les respecte, on ne les traite pas comme des choses, ni comme des peluches, on n’en dispose pas comme d’un meuble décoratif ou utile... Dans mon rêve (en partie devenu réalité), on respecte et on écoute les émotions des animaux, qu’ils soient petits ou grands, sauvages ou domestiques.

Si, de plus, tu es sensible à la poésie de la nature, et des sentiments qui se découvrent peu à peu, alors tu devrais voyager au fil de ces pages... Et je te donne rendez-vous sur le blog www.deslionsetdeshommes.com Ö

Je dédie ce livre aux animaux sauvages...

Et particulièrement aux lions, espèce aujourd’hui menacée.

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« – Pourquoi vous occuper des animaux alors qu’il y a tant de misère et de souffrance chez les humains ?

Cette phrase, Pierre, vous avez dû l’entendre à maintes reprises, prononcée par certains de vos détracteurs.

– Oh que oui ! Et je réponds toujours par une autre question : pensez-vous que les hommes seraient plus heureux si les animaux disparaissaient ? » Extrait de l’interview de Pierre Thivillon1 par Philippe Beau dans Maman, pourquoi le monsieur y parle aux singes ? 2

Ö

« Le courage est chez les animaux une qualité naturelle…

Chez les hommes, la franchise est carrément contre nature. » L’Intelligence des animaux, Plutarque .

1. Fondateur, avec sa femme Éliane, de l’espace zoologique de SaintMartin-la-Plaine et de l’association Tonga Terre d’accueil, refuge pour animaux sauvages.

2. Éditions du Poutan, 2015, préfacé par Brigitte Bardot.

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Je remercie : Sébastien Pouvreau, soigneur animalier, membre de l’Afsa (Association francophone des soigneurs animaliers), pour son soutien et ses conseils.

L’équipe éditoriale de Fleurus qui m’a encouragée durant l’écriture : Sarah, Anna, Marine… ainsi que celles et ceux qui porteront ce roman engagé auprès des lecteurs.

Paul de La Panouse, fondateur de la réserve africaine du Château de Thoiry, qui a si gentiment accepté de répondre à mes questions.

Valérie Kay, généreuse et efficace...

Mention spéciale à mon clan familial, ma « tribu », Benoît, Alexis... Et mon cousin Philippe, « lion au grand cœur » ; sans son aide, je n’aurais pas pu continuer à écrire ces derniers mois.

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PREMIÈRE PARTIE

De mensonges en secrets, tisser un fil à partir de rien…

Puis couper si besoin.

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Chapitre 1 De cœur et d’os Son regard n’a pas changé…

Immobile, empli d’émotion, Jawau contemplait la belle lionne en se répétant ce qui, pour lui, était clair comme l’eau de la rivière de Wild Field.

Son regard d’ambre, pailleté de lumière...

Jawau s’accroupit devant la clôture. De l’autre côté, dans sa loge au sein de la « maison des lions », Gala venait de détourner la tête, contemplant fièrement les trois petits qui la tétaient : Gold, le mâle, Whyla et Samba, les femelles, maintenant âgés de quatre mois.

Ces lionceaux vigoureux, si vifs et souples, ressemblaient à d’immenses chats d’une vingtaine de kilos.

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Leurs grosses pattes griffues pouvaient déjà déchiqueter la main d’un homme...

Ou lui offrir une caresse de velours ; comme Gala autrefois... s’ils apprenaient.

Sauf que la règle était stricte : tout contact direct était formellement interdit. Un bébé fauve touché par les humains aurait toujours beaucoup de difficultés, ensuite, à s’intégrer dans son groupe, et ce, où qu’il soit.

Il perdrait, en quelque sorte, des éléments invisibles à l’œil humain, impalpables, de sa pleine nature sauvage.

Gala en était la preuve vivante : sans le secours de l’équipe de soigneurs kényans de Wild Field, puis ceux du refuge de Valrêve, elle ne serait plus de ce monde.

Jawau reporta son attention sur Gala qui, à présent, fermait les paupières, appréciant les doux rayons du soleil hivernal. Non loin, le lion Tilly gardait la pose du sphynx, comme bien souvent. Le vieux mâle à moitié aveugle restait majestueux avec sa crinière couleur paille et son impressionnant poitrail.

Imprègne-toi de leur force...

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Jawau sourit. Oh oui, il garderait à l’esprit ces images de la famille des félins pendant la longue journée qui l’attendait au collège. Qu’il s’ennuyait en classe ! Malgré ses efforts – et ils étaient sincères, aussi nombreux que vains –, les cours le laissaient insensible, à l’exception de ceux de SVT et de sport. On aurait pu croire que la brousse, la vie sauvage et la luminosité du Kenya lui manquaient toujours autant... Bien sûr, c’était vrai, même s’il commençait à s’adapter à sa nouvelle vie en France. Mais en réalité, là-bas, en Afrique, il affrontait déjà ce problème très simple : être enfermé entre quatre murs, pendant des heures, cela l’oppressait. Il s’efforçait inutilement de trouver des trucs, des parades, pour tenir le coup ; néanmoins, ses notes s’en ressentaient.

Moyenne générale pour l’instant ? 8/20, au grand désespoir de son père qui lui répétait que s’il voulait devenir soigneur animalier, comme Marco qu’il admirait tant, il faudrait qu’il travaille un minimum. Même s’il vivait à Valrêve. Même s’il était doué avec les animaux. Même s’il les aimait plus que de raison.

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Heureusement, au refuge, Jawau pouvait oublier la pression scolaire et la sensation d’échec mêlée d’impuissance qui l’envahissait par moments. Lions, éléphants, loups, ours, chevaux, ânes, chimpanzés...

Tous avaient besoin d’attention et de soins pour lesquels Jawau excellait, même lorsqu’il les accomplissait pour la première fois. D’instinct, il trouvait les gestes justes auprès de ces rescapés de cirques ou de laboratoires. Les animaux se remettaient tant bien que mal de longues souffrances, de sévices, d’une captivité insupportable.

Pour l’instant, Gala, Tilly et les lionceaux étaient ceux qui s’en sortaient le mieux : ils avaient fondé leur clan familial – un heureux « accident » car ça n’avait pas du tout été prévu. Pourraient-ils jamais, un jour, vivre dans la savane ? Un refuge là-bas, en Afrique, comme celui de Wild Field ?

– Bonjour, Jawau...

Une voix grave interrompit ses pensées. Se retournant, l’adolescent croisa les yeux bleu acier du vieil Hugues qui s’approchait de lui. Non, pas lui...

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– Bonjour.

– Tu ne vas pas à l’école, ce matin ? s’étonna le propriétaire de Valrêve.

– Si, mais je commence à 10 heures. Un copain m’emmène en scooter.

– Très bien...

Hugues Payens dévisagea Jawau quelques secondes, puis il effleura sa barbe blanche d’un geste embarrassé.

Grand, robuste, en jean et surveste au-dessus d’une chemise à carreaux rouges et noirs, il se mouvait avec une étonnante aisance malgré son âge.

– Ça tombe bien, que je te rencontre. J’aimerais qu’on parle.

– Pourquoi ?

Depuis qu’il avait appris que l’homme, autrefois chasseur de trophées en Afrique, avait tué la mère de Gala, Jawau ne pouvait plus lui adresser la parole sans qu’une colère sourde coule dans ses veines. D’ailleurs, autant que possible, Jawau évitait de rencontrer Hugues et la

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femme de celui-ci, Madeline. Comme ils étaient voisins à Valrêve, ça devenait un défi quotidien !

– Pourquoi ? Pour clarifier les choses entre nous, répondit calmement le vieil homme. Je sais ce que tu penses de moi. Ta sœur aussi m’en veut. Je comprends, mais je voudrais qu’on réussisse à...

– Ne vous fatiguez pas, coupa Jawau. Mon père nous a bien expliqué que c’était pour vous faire pardonner que vous aviez créé ce refuge.

Il pensa simultanément à ce que son père ne leur avait toujours pas dit. Antoine Beaucaire avait promis de révéler l’intégralité du secret familial qu’il avait déjà eu tant de mal à partager avec ses enfants. Quand le ferait-il ? Comptait-il encore se défiler ?

– Pour me faire pardonner, en effet. Pour me racheter, ajouta Hugues.

Un voile de tristesse sembla traverser son visage ridé, mais Jawau n’éprouva pas la moindre compassion.

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– Jawau, j’ai changé depuis cette sombre époque.

Ce sanctuaire représente tout ce qui compte pour moi, aujourd’hui. Tout ce qui m’est le plus cher.

Jawau garda le silence quelques secondes, mal à l’aise.

– Bon, allez, message reçu, marmonna-t-il. Au revoir, monsieur.

– Voyons, ne m’appelle pas « monsieur »...

Il perçut le soupir d’agacement du vieil homme.

– Rester fâché n’est pas une solution. Ici, vous êtes mes invités, ne l’oublie pas.

– Et alors ?

Captant le coup d’œil perçant du vieil homme, Jawau réprima un frisson de culpabilité. Comme s’il avait mal agi, lui... Le comble !

– Vois la situation sous un autre angle : au nom de ta famille, il faut que nous tous nous fassions un réel effort pour nous entendre, que cela nous plaise ou non. Les circonstances sont assez difficiles comme ça, ajouta Hugues en gardant les yeux fixés sur Jawau.

Un regard de prédateur...

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– On doit être solidaires, désormais, conclut-il.

– Mouais... La solidarité est un devoir, pour vous ?

Hugues fronça les sourcils.

– Tu ne partages pas mon avis ?

L’énervement gagna brusquement Jawau. Il n’avait aucune envie de continuer cette conversation, ni de se montrer bien élevé. Maman, tu ne serais pas d’accord, mais tant pis...

De toute façon, sa mère n’était plus là.

– Inutile que je réponde, assena-t-il. Bonne journée, monsieur Payens.

Et il s’éloigna vite.

Dans son dos, les yeux du vieil homme lui firent l’effet d’une brûlure. Ce dernier avait toujours insisté pour qu’on l’appelle par son prénom. Pour Jawau, ce n’était absolument plus possible. Au début, à son arrivée à Valrêve, il l’avait fait, d’abord par politesse puis avec l’espoir qu’un lien fort se nouerait peu à peu avec Hugues Payens qui semblait si gentil, si généreux. Oui, après tout, il les accueillait dans ce refuge, qui devenait

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aussi leur refuge, et il les hébergeait gratuitement en échange du travail qu’accomplissait le père de Jawau.

Cependant, nommer dorénavant Hugues par son prénom aurait signifié qu’il le considérait toujours comme quelqu’un qu’il aimait bien.

C’était loin d’être le cas.

Il le détestait.

Il aurait voulu lui pardonner, il aurait préféré tourner la page... Impossible. Malgré lui, il imaginait le fusil braqué sur la pauvre lionne qui avait mis Gala au monde. La chasse aux trophées existait toujours, en Afrique : cela coûtait et rapportait une fortune aux organisateurs et adeptes. Comble de l’ironie, dans certaines réserves, c’était le seul moyen de réussir à réintroduire des lions – espèce aujourd’hui menacée – en milieu naturel. Comme la population locale savait que les fauves représentaient de l’argent, ces derniers étaient acceptés et préservés... Jusqu’au coup fatal.

Un système horrible.

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Empli d’émotions contradictoires, Jawau se mit à courir en direction du parking situé devant l’entrée du refuge. Par moments, il avait envie d’imiter Izia, qui avait osé fuguer quelques semaines plus tôt...

Le monde des adultes lui faisait souvent froid dans le dos.

Puis il pensa à Gala, à ses lionceaux, à Tilly, et sa colère s’évanouit presque miraculeusement. Pour eux, il surmonterait la cruelle désillusion que lui avait causée le vieil Hugues, et son propre père, qui avait caché la vérité. Pour eux, il accomplirait peut-être l’inimaginable. Il avait retrouvé Gala, sa lionne, et le rêve fou de s’approcher encore plus d’elle, vraiment, le tenaillait chaque jour davantage. Comme neuf ans auparavant, quand il la tenait sur ses genoux pour lui donner le biberon.

Ce rêve-là, insensé, il n’en parlait à personne. Ce serait comme décrocher la lune...

Plongé dans ses pensées, Jawau arpentait le parking de long en large, impatient, quand enfin Loop arriva en

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scooter, transportant une fille mince et menue derrière lui. Sous le casque de sa passagère, des boucles dorées s’échappaient.

Loop s’arrêta, releva sa visière et lança avec un large sourire : – Hé, Jawau, il faut d’abord que j’emmène Lou ! Je voulais t’envoyer un SMS mais je n’ai plus de batterie.

J’en ai pour dix minutes à peine, on ne sera pas en retard...

Lou était sa sœur ; demi-sœur, plus exactement, mais « Demi-sœur, ça ne veut rien dire, avait lâché Loop la fois où il avait évoqué Lou. Moitié humaine, genre... ».

Lou esquissa un signe amical et Jawau lui répondit, regrettant de ne pas voir ses yeux. De quelle couleur étaient-ils, déjà ?

– No problem ! Merci d’être venu rien que pour me prévenir.

– De rien. À tout de suite !

Loop repartit en faisant volontairement pétarader le moteur. Amusé, Jawau le regarda s’éloigner. Leurs

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relations n’avaient pas bien commencé, ils s’étaient battus... Mais depuis qu’ils s’étaient expliqués, ça allait bien. Très bien, même. En fait, Bastien, alias Loop, était le seul en qui Jawau avait confiance. Peut-être parce qu’ils s’étaient mesurés, jaugés à la force de leurs poings. Aucun gagnant ce jour-là, sauf, sans doute, le démarrage d’une amitié totale, sans faux-semblant.

Jawau s’assit sur un banc et, tournant le dos à la grille de Valrêve, fit défiler sur son portable les dernières photos qu’il avait prises de Gala, Tilly et des lionceaux.

Il les avait envoyées à ses amis au Kenya. Si seulement il avait pu passer la journée à s’occuper des animaux, comme Marco, le soigneur des félins du refuge ! Il en avait déjà assez du collège alors qu’on était à peine en décembre...

Puis il pensa à Lou. Dire qu’elle était déjà au lycée !

Ils ne s’étaient rencontrés que trois ou quatre fois, avec Loop, mais ils avaient échangé quelques mots. Il avait aimé son sourire et l’énergie qu’elle dégageait. C’était une adepte de l’escalade et de la gym acrobatique,

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qu’elle pratiquait avec son petit copain. L’information venait de Loop, qui adorait visiblement sa sœur. Lou, la surdouée, déjà en seconde à quatorze ans !

Jawau songea alors, dans un élan d’humour un peu ironique, que même si elle avait été libre, il n’aurait probablement pas su attirer son attention. Il savait chuchoter à l’oreille des éléphants, des lions... mais pas à celle des filles.

Ö

Mots sucrés-salés Un joyeux brouhaha s’élevait de la cour du collège.

Aux quatre coins se dressaient des arbres massifs, aux branches noueuses tels de vieux alligators géants : des tilleuls sans feuilles. Le ciel était gris-blanc, bas, un vrai ciel d’hiver comme dans les albums illustrés qu’Izia lisait petite.

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Survolant du regard la foule d’élèves, Izia se sentit seule, mais une fois de plus, elle s’efforça de ne pas le montrer. Bientôt, d’ici quinze jours, ce serait Noël...

Elle redoutait ce moment.

Chaque année, dorénavant, c’était pareil.

Le monde à l’envers.

Avant, quand sa mère était en vie, Noël se préparait longtemps à l’avance, avec des décorations scintillantes dans les arbres qui entouraient leur maison, un lodge à l’architecture typique de la savane africaine : de plainpied, en bois, avec des ouvertures partout pour que l’air circule et des terrasses permettant d’admirer la faune et la flore. À Wild Field, la nuit, les tamariniers, les flamboyants et les palissandres s’illuminaient de lampions multicolores. Une fois, Bakota, le lémurien de Jawau, alors tout jeune, s’était suspendu à l’un des fils électriques... Afin d’éviter court-circuit et accident, il avait vite fallu tout éteindre, le temps qu’il redescende ! Puni, le petit primate malicieux et ultra-intelligent n’avait jamais recommencé...

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Décembre, au Kenya, était synonyme de joies partagées et de cadeaux simples : un bouquet de fleurs parfumées, des gravures sur des découpes de bois de rose ou d’okoumé, des pastels ou des samoussas fourrés à la viande et aux légumes épicés, concoctés avec Fati, leur adorable nounou. La cuisine devenait plus vivante que jamais... Et comme ça sentait bon !

Mais ici, comment sera Noël ?

La gorge nouée, Izia regardait distraitement ce qui se passait autour d’elle. Certains jouaient au ballon – Jawau devait se trouver sur le terrain équipé de buts –, d’autres au ping-pong. De petits groupes se formaient, filles et garçons ensemble ou séparément, et ils riaient...

Vicky bavardait avec son cercle de copines. Ses longs cheveux bruns étaient noués en un chignon haut sur le crâne. Elle portait un jean étroit et une doudoune rose.

Elle crânait et, malgré ses bagues dentaires, faisait des envieuses parce qu’elle arborait une silhouette fine... et de la poitrine.

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Détournant le regard, Izia résista à l’envie de hausser les épaules avec dédain. Elle avait compris : ici, l’image qu’on donnait de soi était importante ; l’apparence.

Il fallait avoir l’air à la mode, bien dans sa peau même si c’était faux et, à ce moment-là, on devenait populaire.

D’ailleurs, la popularité se mesurait au nombre de bises qu’on recevait le matin, en arrivant. Oh, Izia était prête à en prodiguer, des bisous amicaux... Mais bizarrement, lorsqu’elle franchissait la grille du collège, rares étaient ceux ou celles qui croisaient son regard.

Un jour, ça changera...

Se répétant cette affirmation, comme pour mieux se convaincre elle-même, Izia s’assit sur un banc et sortit le carnet à couverture violette dans lequel elle consignait ses pensées. Le stylo, un feutre mauve, était inséré dans les spirales afin d’être instantanément sous ses doigts. Elle n’aimait pas le chercher dans son sac, ça coupait son élan. Écrire lui donnait un but et une étrange force intérieure. Tant pis si les autres ne venaient pas vers elle, et

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tant pis si, pour le moment, elle n’avait pas d’amies.

Il faut dire qu’elle n’était pas au collège de Tourlon depuis longtemps ! C’était un petit établissement du fin fond de la Normandie, où la plupart des élèves se connaissaient depuis la maternelle. Forcément, à leurs yeux, elle qui était récemment arrivée du Kenya devait représenter une sorte d’extraterrestre ! Elle finirait bien par se faire accepter... avec le temps.

Izia cala son carnet sur ses genoux, resserra son écharpe et regretta de ne pas porter de gants. Le froid était piquant, presque brûlant !

Elle voulut tracer un premier mot, mais le stylo ne marqua pas. Elle le secoua, réchauffa la pointe en soufflant dessus : de la vapeur blanche se forma autour.

Drôle ! Elle répéta l’opération magique et, enfin, les lettres glissèrent sur la page, un peu tremblantes et de travers. « Vicky avait l’air sympa, elle est venue parler avec moi comme si... Mais c’était faux ! »

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Izia sentit sa gorge se nouer tandis que le souvenir de leur dispute lui revenait à l’esprit. Déjà, il y avait eu l’incident des bonbons. Vicky ne l’avait même pas défendue ! Ensuite, alors qu’elles préparaient un exposé ensemble, Vicky avait joué à la chef. Izia s’était insurgée... Et Vicky lui avait lancé un « De toute façon, avec des filles comme toi, on a toujours des problèmes ».

Qu’est-ce que cela signifiait ? Était-ce une allusion raciste ? La peau brune d’Izia dévoilait clairement son métissage, de même que ses cheveux noirs aux boucles serrées qui frisaient trop à cause de l’humidité ou de la pluie... Et dans cette région, il pleuvait beaucoup !

Izia jeta un coup d’œil en direction de Vicky qui, à cet instant, riait aux éclats. « Ses trucs métalliques sur les dents lui donnent l’air d’un vampire. L’hypocrite... L’Hypocrotte ! » Ce surnom, imaginé à l’instant même, la fit sourire. « Hypocrotte et son blouson rose bonbon comme ceux qu’elle n’a pas pu avaler ce jour-là... Ah, ah ! Hypocrotte et

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ses horribles baskets rose bonbon aussi, genre elle se croit la plus belle... » – Helloooooo ! lança une voix claironnante, tirant brusquement Izia de ses pensées.

Kenji se tenait en face d’elle, les yeux pétillants, ses cheveux blonds en bataille.

Un grand « Petit Prince »...

Izia referma aussitôt son carnet et sourit. En fait, si, elle avait un ami : Kenji. Et il en valait dix ! C’était grâce à lui, et à son chien Skill, un beau berger allemand à poils longs qui ressemblait à un loup, que sa fugue au fond de la forêt interdite ne s’était pas trop mal terminée.

– Hello ! Ça va ?

– Nickel, oui. On joue au basket avec des copains, tu viens ?

Izia n’hésita pas une seconde.

– Yesss !

Elle rangea précipitamment son journal dans son sac et emboîta le pas à Kenji. Lancer un ballon, courir, elle

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adorait. C’était comme lorsqu’elle montait à cheval ou qu’elle s’occupait des ânes et des chevaux de Valrêve : elle oubliait ses tracas... « Et ça me réchauffera ! » se dit-elle en se frottant les mains.

La partie ayant déjà commencé, Izia se joignit à l’une des deux équipes après de rapides présentations. Il y avait davantage de garçons que de filles, elle ne connaissait personne, mais elle fut bien accueillie et participa avec énergie. Passer, faire écran, guetter, passer de nouveau, bondir... Et hop là ! Focalisée sur le jeu, Izia lança le ballon droit dans le panier. Pile.

– Carrément, un shoot à trois points ! s’exclama Kenji admiratif. Tu nous le refais ?

Izia sourit, envahie par une soudaine bouffée de fierté.

– C’était de la chance...

Les autres joueurs l’acclamèrent, et la partie continua. À un moment, Kenji et deux autres garçons furent appelés par le surveillant pendant quelques minutes,

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mais le jeu se poursuivit, et lorsqu’ils revinrent, ils reprirent de plus belle avec les autres.

Izia redoubla d’entrain. Le ballon semblait voler, les rires fusaient, elle faisait partie de l’équipe gagnante...

Déplacements, lancers, bonds... Cela lui semblait si facile. À Wild Field, elle avait joué au foot, au hand, au volley... Elle grimpait aux arbres avec Jawau, sautait par-dessus les buissons en suivant une antilope ou un zèbre venus brouter non loin de leur lodge. « You’re a tomboy, darling ! »1 répétait affectueusement sa mère, avant d’ajouter qu’elle aussi, autrefois, était sportive.

Quand la cloche sonna, Izia échangea un check avec tout le monde.

– C’était super, dit-elle, reconnaissante, à Kenji.

– Reviens avec nous quand tu veux... Tu assures !

Le sourire aux lèvres, Izia récupéra son sac qu’elle avait lancé sur un banc, au bord du terrain. Dans sa hâte de participer au match, elle ne l’avait même pas fermé : un cahier et sa trousse avaient glissé par 1. Tu es un garçon manqué, ma chérie...

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l’ouverture, manquant de tomber sur le sol. Elle les fourra à l’intérieur et, le cœur nettement plus léger qu’avant la récréation, retourna en classe.

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Un roman qui célèbre l’amour des animaux et de la nature !

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Un roman d’amitié et d’aventures

e r iè m e r P a l e d r u œ au c Guerre Mondiale !

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Composition et mise en pages : Text’Oh N° d’édition : J18142 Achevé d’imprimer en avril 2018 par Lego SPA, en Italie Dépôt légal : juin 2018

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ANOUK JOURNO-DUREY

« Jawau entrouvrit l’œil et sut alors qu’il était bel et bien en train de rêver. Parce qu’il se trouvait tout contre Gala, à quelques millimètres de la gueule de la lionne qui, allongée sur le flanc, les yeux fermés, respirait

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doucement. »

Ce roman comporte un entretien inédit avec Paul de La Panouse, fondateur de la réserve africaine du château de Thoiry.

Anouk Journo-Durey est auteure de littérature pour la jeunesse, de poèmes, et aussi traductrice d’anglais, lexicographe, formatrice et animatrice d’ateliers d’écriture. Le monde animal – et végétal – la passionne autant que celui des humains !

Pour les éditions Fleurus, elle a écrit la trilogie Grace and Fashion et traduit la série Adventure Island. Elle vit en Normandie, près de Giverny.

ET DES

HOMMES • NOUVEAUX DÉFIS À VALRÊVE •

• NOUVEAUX DÉFIS À VALRÊVE •

Jawau et Izia en veulent beaucoup au cousin Hugues, et pour eux, l’ambiance est tendue au refuge de Valrêve.

Heureusement, il y a les animaux ! Izia se passionne pour les ânes et Jawau ne voit que Gala, sa lionne. Il nourrit d’ailleurs un désir secret un peu fou…

Avec leur ami Kenji, ils se mettent aussi à chercher le fameux trésor des Templiers, mais les obstacles sont nombreux.

Noël approche, apportant son lot de surprises : Jawau et Izia découvrent la neige pour la première fois, de nouveaux arrivants sont accueillis au refuge, et pas seulement des animaux…

ANOUK JOURNO-DUREY

illustration de couverture :

christopher evans DANS LA MÊME COLLECTION :

15,90 € TTC France www.fleuruseditions.com

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