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La famille dans tous ses états : évolution et conséquences aujourd’hui
Le sujet est vaste. Je l’aborderai à partir de mon expérience de psychiatre-psychanalyste libérale, en maison d’enfant, et à partir de mon expérience dans les actions de l’Ecole des Parents et des Educateurs. La famille a beaucoup changé depuis ma jeunesse, dans les années 50 à 60 : la plupart des jeunes qui m’entouraient vivaient avec leurs deux parents. J’étais en lycée de filles, nous avions des blouses beiges… Il n’y avait pas la télé à la maison, même pas le téléphone. Je me rendais en vélo au lycée, plus tard j’ai eu un solex. Mes parents me laissaient une grande autonomie. Près d’un tiers de ma classe était engagée dans le scoutisme, et nous étions regardées avec envie par celles qui n’avaient pas cette chance, car il y avait peu d’activités extérieures. Ma classe était composée d’une majorité de catholiques, quelques protestantes, et deux juives. Aucune fille de couleur. Je n’ai pas souvenir de suicide dans ma génération, ni d’accident grave. Ne croyons pas pour autant que tout était idyllique. Il y avait parfois de très grandes détresses, mais elles étaient gardées secrètes. Je peux vous dire que j’ai connu des jeunes massivement inhibées, en grande difficulté dans leurs relations, et que j’ai reçu plus tard, dans le cadre de ma profession , les confidences de femmes de mon âge qui ont été abusées et ont été soumises pendant des décennies à la loi du silence. J’ai entendu bien des récits dramatiques d’alcoolisme, de violence, mais tout cela était caché… En l’espace de 2 générations, le paysage a complètement changé. Je propose d’essayer d’y voir un peu plus clair, d’analyser les facteurs intervenants à mes yeux dans ces changements, et leurs impacts, positifs et négatifs, avant d’en tirer des enseignements et de bien repérer les vigilances que nous devons avoir. Les changements : Le paysage de la population française s’est modifié. Des harkis, venus après la guerre d’Algérie, des migrants espagnols sous Franco, mais aussi des portugais, des italiens, des algériens, marocains… sont venus vivre en France. Au début certains étaient regroupés dans des camps, puis leur intégration s’est faite. La France terre d’asile est chère à mon cœur, car l’Evangile nous demande cette ouverture à l’étranger, au maltraité, au plus pauvre. Cependant la façon dont cet accueil se passait et continue à se faire contribue aux difficultés que nous rencontrons aujourd’hui. Les espagnols, portugais, et marocains travailleurs agricoles ou maçons se sont bien intégrés dans les villages, mais les autres ont été regroupés dans des conditions de vie d’emblée problématiques : pour certains des camps, puis ces immenses barres d’immeubles qu’ont connues toutes les périphéries de grande ville. M.de Hadjetlache
La famille dans tous ses états
AFP Paris 01/10/2016