Guide pour l'éclairage public

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Thomas Pesquet, Lyon depuis l’ISS, 2017


NASA, Image satellite de la Terre de nuit, 2012


SOMMAIRE E N T R ÉE EN L A MAT I È RE INTENTIONS HI S TOI RE PR O B L É M AT I Q U E

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IMPAC T S E T MO DA L I T É S D ’ É C L AIR AG E : C OM M E NT ON É C L A IR E ? NORMES AC T E U RS AMBIANCES I M PAC T S D I VE RS

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L’É CL A I R AG E N ’ E ST- I L Q U ’ U NE QU E S TION DE S É C U R ITÉ ? L A PE U R S ÉC U RI T É I D E N T I F I C AT I O N

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L’E X PÉR I E N C E SO C I O - C U LT UR E LLE R EPRÉ SE N TAT I O N S D ’ U N QUARTIE R R EQ UA L I F I C AT I O N L A N U I T, SY N O N Y ME D E LIB E RTÉ OU D’E XC LU S ION PR AT I Q U E S D É TO U RN É E S DE L’É C L AIR AG E VA LO RI SAT I O N D E L’A RCHITE C TU R E E T DE L’A RT

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C O N C L US I O N B I BL I O G R A P H I E an n e x e

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63 65

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INTRODUCTION AU GUIDE



entrÉe entrÉe en en la la matiÈre matiÈre intentions

L’étude qui suit prend à nos yeux la forme de guide destiné à nos pairs étudiants en École d’Architecture. Effectivement, alors qu’en parallèle de l’enseignement Pratiques Urbaines, notre semestre cinq s’articule autour des Stratégies pour le Projet Urbain, nous remarquons que l’éclairage public n’entre pas encore en considération dans l’esprit des étudiants, ni en phase d’analyse, ni en phase de stratégie. Alors que nous souhaitons nous sensibiliser et sensibiliser notre promotion à la considération de l’éclairage public comme outil urbanistique qui revêt tout autant que les autres outils son importance, nous profitons du prétexte de cet enseignement pour ouvrir un regard plus approfondi sur l’éclairage public, son histoire et son impact dans la ville, avec pour appui de référence, notre propre ville de résidence, Villeurbanne. « Le maire, il n’a qu’une pensée diurne de la ville. L’urbaniste, il n’a qu’une pensée diurne de la ville. L’architecte, il n’a qu’une pensée diurne de l’architecture. » Laurent Fachard, éclairagiste, dans notre entretien du lundi 18 novembre 2019

histoire

C’est au Moyen- ge, alors que la tombée de la nuit dans les villes se traduisait par un arrêt des activités et de la vie sociale en extérieur, que l’éclairage est apparu. Il a été induit par le repli nocturne qu’imposait le couvre-feu en ces temps médiévaux. On imposait à l’origine aux habitants de déposer à leur fenêtre des bougies pour éclairer les rues. Par la suite, on leur demandait d’allumer et d’entretenir des lanternes fonctionnant à l’huile ou à la bougie. Les sources de lumière sont d’abord passées des fenêtres aux murs, juste au-dessus des portes, avant de se détacher des façades pour s’inscrire dans l’espace de la rue. À Paris, les lanternes étaient suspendues au milieu des rues avant d’acquérir leurs propres mâts. En 1766, les lanternes et les bougies cèdent la place aux réverbères, l’huile succédant aux chandelles. Puis quelques années plus tard, en 1785, les travaux des ingénieurs français Lebon et Murdoch contribuent à la découverte du gaz d’éclairage. Ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle qu’il est revenu à la municipalité d’éclairer la ville, délégation précédemment confiée à la police. Avec l’avènement de l’industrie pétrolière, on a commencé à utiliser la lampe à pétrole. Enfin, à la fin des année 1870, lors de l’exposition universelle, des lampes à arc électrique placées sur plusieurs places sont présentées au public. Ce sont les premiers modèles d’éclairage public électrique, qui vont ensuite se multiplier dans toutes nos villes.

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C’est bien plus tard, à la fin du XXème siècle, que l’éclairage est conçu pour des questions sécuritaires avec l’essor du trafic, et la hausse du taux de criminalité. Des normes sont mises en place afin d’éclairer de manière uniforme les voiries. Puis, dans les années 1980, on a commencé à éclairer de manière plus sensible, en intégrant les dimensions sociologique, psychologique et sémantique.

36%

JANVIER

64%

61%

février

59%

48%

mars

63%

mai

37%

67%

juin

33%

66%

juillet

53%

septembre

47%

46%

octobre

54%

39%

novembre

Pourcentage de jour et de nuit au cours de l’année, en France. Illustration : Chloé Leroy

52%

56%

avril

44%

34%

10%

août

10%

61%

34%

décembre

66%

p r o b l é m at i q u e

L’éclairage extrait la ville nocturne des ténèbres pour des raisons sécuritaires et après des années pour des questions esthétique forte. Des théories d’urbanisme aux écrits politiques ont permis de façonner une réflexion encore en développement autour de la vie nocturne urbaine. Mais dès lors se dresse le besoin de savoir comment elle est vécue et dans quelle mesure elle correspond aux attentes des personnes qui la pratiquent... « L’absence d’études sur l’éclairage urbain dans ces réflexions en cours sur la géographie de la nuit est par contraste significative de la déficience de pensée actuelle sur l’urbanisme nocturne. Comme si tout ce qui se passe aujourd’hui la nuit dans les villes, et notamment l’augmentation des désordres et des conflits constatés, était indépendant du décor lumineux alors que l’occupation nocturne de l’espace public, les usages qui s’y développent dépendent aussi de l’éclairage public, de sa présence, de sa répartition dans l’espace, de son niveau d’intensité, des effets lumineux produits et de ses qualités. » Roger Narboni, concepteurlumière

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Nous nous demandons alors :

Quel est l’impact de l’éclairage au regard de l’usage que l’on fait de l’espace public ? Nous choisissons de traiter ce sujet selon trois temps. Dans un premier temps, nous nous demanderons comment sont définies les modalités et les caractéristiques des éclairages en ville. Ensuite, nous traiterons de la surveillance au sein de la ville : l’éclairage public n’est-il qu’une question de sécurité ? Pour finir, nous montrerons que l’éclairage public est avant tout une expérience socio-culturelle dans la nuit. « Lorsqu’il fait grand jour, les mathématiciens vérifient leurs équations et leurs preuves, retournant chaque pierre dans leur quête de rigueur. Mais quand vient la nuit que baigne la pleine lune, ils rêvent, flottant parmi les étoiles et s’émerveillent au miracle des cieux. C’est là qu’ils sont inspirés. Il n’y a sans le rêve ni art, ni mathématiques, ni vie. » Michael Atiyah, mathématicien, dans Rêves

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COMMENT ÉCLAIRE-T-ON ?



IMPACT IMPACT ET ET MODALITÉ MODALITÉ D’ÉCLAIRAGE D’ÉCLAIRAGE Les sources de lumière dans la ville sont diverses et variées : commerciales, liées aux mobilités, publiques ou privées. Nos recherches photographiques nous ont permis d’identifier différents types d’éclairage public, assurés par les signaux lumineux, les feux tricolores, les mobilités urbaines, les monuments, l’éclairage privé ; provenant des fenêtres des particuliers, des halls d’immeubles, des dessertes telles que les couloirs et escaliers. De plus, nous pouvons évoquer l’éclairage des bâtiments commerciaux, les enseignes, les publicités, qui sont soumises à différentes normes exposées dans cette première partie. Enfin, l’éclairage lié aux mobilités est une source non-négligeable dans la nuit. C’est ce que nous avons pu constater lors de nos visites de terrain entre 17 heures et 20 heures. Par exemple, le passage des voitures éclaire de lui-même les piétons ; sans être une permanence, le phénomène contribue au changement d’ambiance de la rue. On s’attachera dans cette première partie à décrire l’irrégularité de ces éclairages selon l’heure de la nuit, les normes qui imposent l’extinction de ces multiples sources et qui imposent leur mise en route.

photographie omniprésence des feux automobiles, Cour André Philip, 18h, 27/11/19

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photographie flux et transports, Rue Gabriel PĂŠri, 18h, 27/11/19

photographie flux et transports, Cour Émile Zola, 18h, 21/11/19

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photographie flux et transports, Cour Émile Zola, 22h, 11/12/19

photographie lamapdaire au mur, Rue Etienne Gagnaire, 21h, 11/12/19

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photographie espace lumineux éphémère, secteur Gratte Ciel, , 20h, 27/11/19

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photographie espace lumineux éphémère, secteur Gratte Ciel, , 20h, 27/11/19

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LES NORMES L’éclairage public consiste dans un premier temps en la mise en lumière de la voirie, des espaces publics, mais également des bâtiments publics, des monuments et du patrimoine bâti. Les réseaux d’éclairage sont fait de supports, qui peuvent être de véritables objets de design du mobilier urbain, de luminaires et de circuit d’alimentation, qu’ils soient temporairement installés ou permanents. D’après l’article L. 2212-2 du CGCT, Code Général des Collectivités Territoriales, l’éclairage des voies et des lieux publics dans la ville est une compétence communale qui relève d’un impératif de sécurité publique : « La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté et la salubrité publiques. Elle comprend notamment tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend […] l’éclairage […]. » « Lorsqu’un établissement public de coopération intercommunale ou un syndicat mixte est compétent en matière d’éclairage public, les communes membres peuvent conserver la partie de la compétences relatives aux travaux de maintenance sur le réseau d’éclairage public mis à disposition et dont elles sont propriétaires. »

Conseil

:

PRENEZ CONNAISSANCE DES LOIS

Si la commune délègue cette compétence, elle peut néanmoins : « [...] procéder à des mesures d’embellissement ou d’ornementation liées à une voirie qui les traverse, dans la mesure où ces accessoires ne sont pas nécessaires pour la voie publique ou pour la sécurité des usagers. C’est le cas des éclairages publics à finalité esthétique. » Depuis quelques années, l’éclairage autonome et suffisant fait question. Grâce au développement durable, créer du mobilier urbain qui peut s’auto-alimenter avec des panneaux solaires, par exemple. Plus récemment, les concepteurs lumière et ingénieurs ont développé des éclairages intelligents à Lyon. Le quartier Montchat en est un exemple avec l’insertion de lampadaire à détection, dont l’éclairage se déclenche au passage d’un piéton, d’un vélo ou d’une voiture. La ville a pour but de faire de grandes économies au travers de tels dispositifs. La ville d’Oslo a développé une technologie similaire : l’éclairage se déclenche également au passage d’une personne ou d’un véhicule mais peut qui plus est varier en intensité. Selon l’affluence, l’intensité, la couleur ou le nombre de points lumineux varient. Cet éclairage intelligent montre le champ de possibilités qu’offrent de nouvelles reflections sur l’éclairage de nos villes.

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luminothérapie - Montréal - Decembre 2015

pamphlet - Marie-Christine Guindon - Montréal

Le site du ministère de l’écologie et de la transition énergétique précise : « L’article 41 de la loi, codifié à l'article L.583-1 du code de l'environnement précise les 3 raisons de prévenir, supprimer ou limiter les émissions de lumière artificielle lorsque ces dernières sont de nature à présenter des dangers ou à causer un trouble excessif aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, entraînent un gaspillage énergétique, empêchent l’observation du ciel nocturne. »

Conseil

:

PENSEZ L’IMPACT ENVIRONNEMENTAL LORS DE LA CONCEPTION

Ainsi, il existe bel et bien une conscience étatique et gouvernementale du problème de la pollution lumineuse, mais dans les faits, la loi est très peu respectée. En 2016, l’Humanité, journal d’extrême-gauche, titrait : « Éclairage public, toujours plus lumineux malgré l’obligation d’éteindre ». Le contenu de l’article étant un état des lieux des réglementations, telle que l’extinction des vitrines des magasins entre 1h et 7h du matin, l’interdiction d’éclairer les bâtiment publics comme les mairies ou les écoles après 1h ou encore l’éclairage de l’intérieur des bureau la nuit, l’extinction devant se faire au plus tard une heure après le départ du dernier employé et à une heure du matin maximum.

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Le service public préconise (source issus du site du ministère) : Type :

Horaire d’obligation d’extinction :

publicité et enseigne lumineuse

entre 1h et 6h du matin par dérogation, les commerces en activité entre minuit et 7h du matin peuvent allumer leur enseigne 1 heure avant l'ouverture et la laisser allumée jusqu'à une heure après la fermeture

vitrine de magasin ou d’exposition

entre 1h (ou 1 heure après la fermeture ou la fin d'occupation des locaux) et 7 h (ou 1 heure avant le début de l'activité si celle-ci s'exerce plus tôt)

éclairage intérieur des locaux professionnel façade des locaux professionnel

au plus tard 1 heure après la fin de l'occupation de ces locaux jusqu'à 1h du matin

Selon la Direction de l’Information Légale et Administrative (Premier ministre), Ministère chargé de l'Environnement, les dérogations peuvent être décidées par arrêté municipal ou préfectoral pour : - des zones touristiques particulière - lors d’événements exceptionnels - avant les fêtes de Noël - les veilles de jours fériés La même source nous informe que l'obligation d'extinction nocturne ne s'applique pas : - aux affiches éclairées par projection ou transparence sur le mobilier urbain (abris-bus, kiosque à journaux, colonne porte-affiches...) - aux aéroports - aux publicités numériques sur le mobilier urbain, à condition que les images soient fixes - aux installations d’éclairage à détection de mouvement ou d’intrusion, destinées à assurer la protection des bâtiments - aux publicités numériques de surface exceptionnelle (50 m² maximum) - à l’éclairage public de la voirie, notamment les réverbères apposés en façade

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photographie affiche publicitaire, Rue Henri Rolland, 19h, 11/12/19

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photographie publicité et point éphémère, Place des Charpennes, 18h, 27/11/19

photographie magasin FERMÉ, Gratte-Ciel, 15/11/19

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photographie magasin OUVERT, Gratte-Ciel, 15/11/19

photographie magasin FERMÉ, Gratte-Ciel, 15/11/19

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Outre les horaires, les températures de lumière sont aussi réglementées. Ainsi, dans l’arrêté anti-nuisance lumineuse, il est dit que le seuil de température à ne pas dépasser est fixé à 3000 degrés kelvin, sauf dans les parcs naturels, les réserves et les sites d’astronomie, où la loi est encore plus restrictive.

1000

2000

3000

4000

5000

6000

7000

8000

9000

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schéma comparaison du nombre de degrés kelvin et d’objet lumineux. Illustration : Aicha Sariane

Mais, ces normes ne sont en pratique pas toujours appliquées par les politiciens. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Laurent Fachard nous explique par exemple qu’à Lyon, le maire Gérard Collomb ne veut pas baisser l’intensité de l’éclairage sur les grandes places, notamment sur la place Bellecour — que l’agence de Laurent Fachard, LEA, a mis en lumière. Ainsi, les techniciens de l’éclairage, par souhait de bon sens, sont forcés de détourner leurs restrictions en choisissant de baisser progressivement l’intensité de l’éclairage. Le choix est justifié d’une part par l’éthique au regard de la pollution lumineuse, et d’autre part pour distinguer nuit active de nuit profonde : en effet, l’hiver par exemple, la nuit tombe peu après 17 heures mais la vie citadine ne s’arrête pas à la fin du jour, puisque les actifs rentrent du travail vers 18 heures si ce n’est plus tard. Il ajoute : « De toute manière, il s’en rend pas compte le maire, il sort pas la nuit. »

Conseil

:

QUESTIONNER CES NORMES...

Ainsi, on doit éteindre les architectures, voire de plus en plus les voies, mais les publicités restent visibles et surtout allumées toute la nuit durant. Preuve est que le capitalisme et le consumérisme ne dorment jamais, imposant leur idéologie jusque dans la nuit. Ces sources de lumière ne sont-elles justement pas les plus nuisibles ? Les abris-bus, par exemple, sont généralement rétro-éclairés d’un néon blanc, si ce n’est bleu, et les images publicitaires ne sont pas toujours plaisantes visuellement dans la ville. Si on arrive à éclairer les rues que lorsque quelqu’un les traverse, pourquoi ne pourrions-nous pas éclairer les publicités uniquement lorsqu’il y a quelqu’un pour les regarder ?

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planche typologique des types de sources d’éclairage repérer lors d’une sortie nocturne sur 3,7 km. 27/11/19.

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LES ACTEURS Les municipalités peuvent mettre en place un Plan Lumière, c’est un document technique qui aide les concepteur à créer de la cohérence territoriale entre les centre des villes et les quartiers périphériques, dans une optique de revalorisation du paysage urbain et de développement d’ambiances urbaines. À Lyon, nous avons un Plan Lumière depuis 1989, issu d’une initiative à la fois politique, technique et artistique. Le Plan Lumière a permis d’éclairer un ensemble de sites prestigieux, de Fourvière à la place Tabareau, ou plus récemment l’Hôtel Dieu. La volonté première de ce plan était de penser l’éclairage urbain outre son aspect sécuritaire. Ce Plan Lumière est souvent renouvelé car repensé. Depuis 2005 en effet, on crée des Plans Lumière territoriaux à l’échelle du quartier afin de façonner des ambiances différentes de Confluence à Gerland en passant par Montchat pour que chaque quartier affirme une identité qui lui est propre. Nous y reviendrons plus tard. «A quinze ans d’intervalle, l’éclairage est aujourd’hui sciemment utilisé «pour rendre les lieux fous, créer du lien social, concevoir une ambiance lumineuse qui invite à être respectueux ou agressif.» «La ville, la nuit, est désormais constellée de lumières plurielles, fixes ou clignotantes. Les lieux illuminés sont devenus des balises familières de nos cartographies urbaines et des points de repères de nos itinéraires nocturnes et de nos calendriers. Avec chaque année de nouvelles mises en lumière qui intègrent le plan lumière pérenne, la ville éclaire de plus en plus la nuit…» «Avec la mise en œuvre des plans lumière, la lumière est devenue simultanément matériau d’aménagement à part entière et mobilier urbains. Avec l’adoption de projets de plan-lumière, un nouvel élan est donné à l’aménagement urbain et aux politiques de valorisation du patrimoine. Avec l’adoption du schéma directeur plan-lumière, puis avec les mises en œuvre des tous premiers projets dans les années 90, la lumière est promue élément fondamental des politiques d’urbanisme, en France et à l’étranger. Ainsi, à la fin du XXème siècle, on assiste dans des villes d’Asie et d’Europe à une sorte de renaissance de la lumière. Dans une démarche politique, technique et artistique, l’élémentaire lumière devient productrice de mutations urbaines. L’intégration de schémas plans lumières dans les projets d’urbanisme, d’aménagement ou de requalification des espaces publics, va apporter des modifications aux sens des lieux en terme de lisibilité, d’esthétique, d’ambiance et d’identité`» «L’éclairage public devient alors porteur d’une démarche de valorisation du patrimoine. Par les jeux de lumière sur les éléments remarquables d’architecture et les espaces publics, en soulignant les qualités plastiques des volumes, des matériaux, des couleurs, l’éclairage urbain modifie l’image de la nuit urbaine.»

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Les communes peuvent également mettre en place un SDAL, Schéma Directeur d’Aménagement Lumière, lequel regroupe des études d’éclairage à grande échelle et sur un plus long terme, au regard des voies, espaces publics, monuments et bâtiments remarquables, et cela sur différentes villes. Ces différents schémas permet le contrôle et l’anticipation de la lumière en ville, et révèle l’identité propre de chaque ville sur le long et moyen terme. Le tout dans l’intention de créer de véritables paysages nocturnes urbains. L’état et les régions peuvent avoir un rôle majeur dans l'illumination des villes en lançant des projets pour favoriser les interventions d'éclairage dans les quartiers où l’on met en place des politiques de ville. En collaboration avec des entreprises publiques ou privées, comme EDF, des appels à projets sont lancées pour mettre en lumière des quartiers de manière alternative, considérant par exemple le développement durable, des changements d’ambiance, et ainsi de suite. Nous avons tenté d’entrer en contact avec le service d’urbanisme de la mairie de Villeurbanne, qui a pour charge la gestion de l’éclairage, et nous sommes parvenues à leur poser quelques questions par téléphone. Les informations collectées nous renseignent notamment sur la volonté de mettre en valeur les bâtiments public, suivant le modèle de la commune de Lyon. Ainsi le boulevard Henri Barbusse se vêtit de bleu une fois la nuit tombée, les tours des Gratte-Ciel sont alors des signaux lumineux dans le ciel et symboles de la ville. Villeurbanne tente également de mettre en place de nouveaux moyens d’éclairer, tels que les éclairages à détection de mouvement dans le quartier Gare de Villeurbanne, ou bien l’utilisation de la couleur sur des nouveaux espaces publics tel qu’à Charpennes et suivant la rénovation du cours Émile Zola. Depuis 2017, la ville remplace les ampoules ordinaires par des LED sur certaines places publiques permettant ainsi l’utilisation de la couleur dans la ville ; un budget de 1,43M€ était dédié la première année. Cela dans une démarche environnementale et écologique, puisque ces dispositifs permettent une économie de 45% d’énergie et évitent les changements d’ampoule fréquents. De plus, nous avons pu remarquer que l’éclairage des bâtiments publics s’éteint à partir de minuit : les lois sont respectées, permettant une baisse de la consommation d'énergie en pleine nuit. On en déduit que la nuit est rythmée par différents temps... En effet, la nuit où nous avons remarqué cette extinction, nous étions sur la place du Docteur Lazare Goujon. La lumière bleue qui se réfléchissait sur le TNP, les lumières qui éclairaient la fontaine se sont soudainement toutes éteintes, et seule une lumière rasante au sol est restée allumée. Semblable à un rappel à l’ordre, l’extinction nous a fait basculer dans un autre temps de la nuit, mais également un autre jour, comme s’il n’était plus l’heure d’être ici, comme s’il était l’heure de rentrer se coucher. On dépasse alors les temporalités de la journée, qui régissent nos activités. C’est ainsi qu’à 17 heures, on rencontre des enfants sortant des écoles, à 20 heures, des personnes qui rentrent du travail, puis, un peu plus tard, des départs et retour de soirée, pour laisser place au levé du jour et au travailleurs du matin. Enfin, nous avons remarqué que la ville de Villeurbanne accorde un intérêt particulier à l’éclairage de la ville sur le site de la mairie de Villeurbanne

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il est possible d’y localiser les anomalies d’éclairage public tels que les points lumineux défectueux, les rues non éclairées, les armoires électriques ouvertes. « Peut-être ces caméras déplacent-elles les problèmes là où elles ne sont pas présentes ? Peut-être même qu’elles sont sans résultat sur la délinquance, renforçant seulement un sentiment de sécurité qui, lui, est difficilement quantifiable ? Parfois, je pense qu’il serait plus utile d’installer un lampadaire. » Un élu de Villeurbanne Les véritables concepteur de l’éclairage public restent néanmoins les concepteurs lumière et éclairagistes, qui travaillent pour un mandataire, qu’il s’agisse de la municipalité, d’une agence d’urbanisme ou d’un propriétaire privé, etc. Ils sont considérés comme des BET et interviennent dès les prémisses du projet. Ce métier est aujourd’hui en France encore en développement, bien qu’il s’est intégré très rapidement ces cinquante dernières années. Ce sont des acteurs impliqués dans la conception de dispositifs d’éclairage urbain innovants, qui collaborent avec ingénieurs, paysagistes, urbanistes, architectes, et qui introduisent l’éclairage comme un outil de mise en valeur et en cohérence du projet de première importance. Laurent Fachard, avec qui nous avons eu le plaisir de nous entretenir, a été l’un des précurseurs du métier tel qu’il se définit aujourd’hui. « Ce n’est jamais l’éclairagiste qui fait la différence. Ne vous inquiétez pas làdessus. C’est pour ça que je dis toujours que je ne suis que éclairagiste. » Laurent Fachard (éclairagiste) dans notre entretien du lundi 18 novembre 2019 Cependant l’éclairagiste, l’architecte, l’urbaniste sont toujours soumis aux normes et aux choix de quelqu’un d’autre : il s’agit de métiers de commande, fait que Laurent Fachard a explicité lors de notre rencontre avec lui : « La question de l’urbanisme est liée au pouvoir public, l’architecture aussi. Je fais le concours avec Renzo Piano sur le palais de justice, c’est une commande politique, une commande de l’État très politique. Ce métier c’est un métier de commande jusqu’à ce que tu t’appelles Zumthor et qu’on te laisse faire les thermes de Valls comme tu veux. Même dans le privé, tu réponds à une commande. La liberté d’expression est très relative, et si moi j’ai pu faire tout ça dans l’espace public, c’est-à-dire ne pas éclairer la place des Terreaux [note : sur la place des Terreaux, ce sont les façades alentours et non la place elle-même qui sont éclairées]. C’est pas parce que c’est pas éclairé qu’il y a des meurtres, il y’en a pas eu pendant 25 ans. Il n’empêche que tu es lié au pouvoir et à une commande, les normes viennent avec le politique, les normes européennes par exemple disent qu’il ne faut pas éclairer en dessous de 5 LUX. On est toujours beaucoup soumis à autrui. »

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Aujourd’hui la métropole de Lyon a instauré une politique de standardisation du mobilier urbain, du banc aux lampadaires, pour les nouveaux espaces urbains. Certains objets de mobilier peuvent être imposés et cela quel que soit le lieu de la métropole. Cela nous rappelle que les relations peuvent être conflictuelles dans la création d’espaces lumineux et que les aléas de la politique on un impact sur les créations visibles aujourd’hui et très certainement encore sur celles de demain.

schémas de degré d’éclairage d’un lampadaire. Illustration : Eva Grosclaude

Conseil

:

RENSEIGNEZ VOUS SUR LES MODÈLES

AMBIANCES Il faut aujourd’hui considérer la lumière comme un matériau de conception et d'aménagement du territoire. Comme on le verra plus tard, la lumière est un outil de valorisation du territoire et du patrimoine. Mais il faut pour commencer se demander comment est-elle devenu un matériau clé dans la conception de nos villes et comment la lumière peut-elle être vecteur d’ambiance ? Dans un premier temps, évoquons nos souvenir de Venise et ses ambiances, lors de notre visite en octobre 2018, puis, dans un second, discutons de la couleur, de l’intensité des éclairages publics et des paramètres de leur position dans l’espace.

Conseil

:

QUESTIONNER CES NORMES...

Nous avons, à l’occasion de la Biennale d’Architecture, visité Venise l’an dernier. Ci-suivent nos ressentis à l’égard de l’éclairage dans la vieille ville en période d’Acqua Alta :

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« Les guides indiquent que les pratiques nocturnes y sont différentes, voir absentes, il faut se rendre au resto avant 19H30. J’étais étonnée qu’une ville aussi touristique soit si éteinte la nuit, aucun éclairage, aucune vie ? Il est à peine 20H et la ville est si différente dans l’obscurité, on ne lit plus les nombreux bâtiments tel que les églises, les statues, les ponts, à vrai dire on ne lit à peine la distinction entre l’eau et le sol. En effet, ce que je retiendrai de ce voyage est cette nuit où un fort Acqua Alta avait touché Venise, les rues étaient remplies d’eau, personne n'était de sortie à part une bande de 7 français quelque peu inconscients. Nous éclairions le sol avec nos téléphones, et nous marchions à tâtons de peur de tomber dans les canaux car avec 30 centimètres d’eau et aucun lampadaire nous ne pouvions distinguer la mer de la terre. » Eva Grosclaude

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photographie bord de mer innondé à Venise, Aqua Alta, aucun éclairage, ambiance catastrophe naturelle, fin octobre 2018

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« À Venise, la nuit tombée, la ville qui était dans le jour remplie de touristes et dans laquelle on pouvait à peine circuler devient déserte. Les restaurants ferment tôt et les rues sont très peu voire pas éclairée, les sites pas du tout mis en valeur. Les monuments deviennent invisibles dans la nuit par absence de mise en valeur par la lumière. C’est dire, le palais des Doges, la place St Marc ou le pont des soupirs ne paraissent pas plus importants que les maisons dans les arrières-cours. En période de crue – à Venise on parle d’Acqua Alta – la pratique de la ville est presque dangereuse : le sol n’étant pas éclairé, rien ne distingue la rue inondée du canal, et nous avons dû tâtonner pour ne pas finir encore plus à l’eau. Cependant, ce noir vénitien renforce un sentiment de liberté nocturne que je connais bien. Amatrice de la ville noctambule, j’ai pu marcher sur la place la plus bondée de Venise, seule, ou observer enfin les détails du pont des Soupirs, devant lequel il est presque impossible de s’arrêter entre la masse de touristes enamourés et le risque élevé de vol par pickpocket. Venise s’éteint, pour le plus grand plaisir des insomniaques solitaires. » Chloé Leroy

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photographie place St Marc, durant un Aqua Alta, lampadaires style art nouveau immergĂŠ, fin octobre 2018

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« La nuit fut notre première impression de Venise. Déposées à ses abords, à 3 heures du matin, nous étions seules, duo accueilli par l’atmosphère iodée et motivé par l’anticipation. Nous avons marché longuement, à la découverte de Venise, d’Ouest en Est, noyées dans la noirceur des allées, le silence de leurs contours, la masse de nos sac-à-dos. Nous l’avons abordée comme un labyrinthe, nous nous y sommes perdues, suivant les points de lumière qui parcouraient les rues, éclairant parfois un coin, un ponton, une façade, le ciel. Nous étions dans une découverte totale et véritable. La place Saint Marc, de nuit, est une infinité d’arcades jaunes sous un ciel bleu profond… Et, quelle fut notre surprise, quand, le lendemain, ses scintillements se sont reflétés sur la surface agitée de l’eau qui avait pénétré la ville dans ses plus sinueux chemins ! Rien n’indiquait plus la voie à suivre que nos pieds nus et mouillés, sur le front de mer ponctué de lampadaires roses vainement allumés. Nous capturions les sombres éclats de la ville de nos objectifs, en perdant l’équilibre sous les poussées du vent. » Aïcha Sariane

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photographie illustrant l’Êclairage public sommaire à Venise, durant une forte innondation, on ne distingue pas le canal passant au centre de la photographie, fin octobre 2018

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Longtemps, la couleur de l’éclairage en ville n’a pas été une préoccupation. Laurent Fachard, éclairagiste, nous explique en entretien que les municipalités se contentaient au début de sa carrière de disposer des lampes à sodium, à 45 degrés, avec une vasque bombée. Les conséquences sur la qualité des espaces étaient, avant tout, un impact fort sur la perception de la ville et de ses usagers. En effet, la couleur jaune de la lampe à sodium modifie les teintes perçues à cause de l’absorption des couleurs et ne retransmet que le rouge et le jaune, les autres couleurs paraissant alors marron. Ensuite, l’inclinaison des lampes fait que ces dernières éclairent autant le ciel que le sol, effaçant la vue des étoiles et objets célestes à l’homme urbain, et supprimant le « processus actif de recherche visuelle » décrit par Laurent Fachard. En effet, selon lui, « plus on éclaire moins on voit, moins on éclaire, plus on voit » (dans la même logique que le bruit : plus on fait de bruit moins on entend et vice versa). En effet, l’éclairage est avant tout un jeu de contraste : tout éclairer de la même façon accorde la même valeur à chaque entité, tandis qu’accorder un éclairage plus ou moins puissant attribue une intention différente selon chaque objet : une route, une maison, un trottoir, un monument, n’ont pas la même valeur architectonique. Laurent Fachard nous a longuement parlé de son utilisation de la couleur dans son travail. Le premier exemple, la rue Bouchut à la Part-Dieu, est une expérimentation : éclairer la ville en bleu était pour lui avant tout une provocation, réduire la prégnance de la voiture, qui n’a après réflexion pas besoin d’autant de lumière, puisque dotée de phares éclairant déjà son chemin. Son autre réalisation autour de la couleur est le parc de Gerland. Il nous explique que c’est, à nouveau, un pied de nez aux politiciens, qui lui font une commande d’éclairage autour d’un parc qui est destiné à être fermé au public la nuit. « Comment éclairer sans éclairer », nous demande-t-il avant de répondre aussitôt : « Avec la couleur. Je joue avec la synthèse additive, le rouge le vert et le bleu, et je fais des ombres colorées. » En éclairant les plantes en rouge par exemple, il ne re-déclenche pas leur cycle phytoécologique en simulant le jour. Ainsi le niveau lumineux n’a pas sensiblement augmenté et l’équilibre des plantes est préservé, tout en donnant une ambiance bien caractéristique à l’ensemble du parc.

Conseil

:

UTILISER LA COULEUR POUR DISSOCIER, SEPARER, INNOVER : osez !

EXPÉRIENCE 1 : Contraste : Munissez-vous d’une feuille de papier blanche, de format A5. Posez là d’abord sur une autre feuille blanche de format A4, sous une lumière donnée. Maintenant, sous la même lumière, posez la sur un papier A4 noir. Face à la même feuille, sous le même éclairage, elle ressort complètement différemment et est bien mieux mise en valeur sur le fond contrastant.

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schéma de symbolique de la couleur. Illustration : Chloé Leroy

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photographie éclairage bleu, gare de Villeurbanne, 11/12/19

photographie éclairage vert, École Nationale de Musique, Villeurbanne, 21/11/19

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photographie éclairage rouge, secteur Presqu’île, 06/12/19

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EXPÉRIENCE 2: La couleur. Dotez-vous d’une lampe avec des filtres colorés, ou directement d’une lampe avec les couleurs réglables et d’un nuancier. Placer le nuancier sous la lampe et faites changer la couleur de l’éclairage, comparez les couleurs qui apparaissent ou disparaissent selon la longueur d’onde. Reproduisez avec votre main, pour voir l’impact sur la peau, sachant que tant la couleur de votre peau et votre sous-teinte ont une couleur particulière, les résultats sont inévitablement différents selon les personnes.

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Rouge

Violet

Bleu pâle

Bleu foncée

Bleu ciel

Orange

Jaune

Vert

Blanc

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La couleur, nous explique Laurent Fachard, est la première donnée de la lumière. La plus colorée, la lumière naturelle sous un ciel ensoleillé, est à 120 000 degrés Kelvin, et ensuite, tout va en diminuant : un ciel nuageux est autour de 6000 degrés Kelvin, une bougie environne 2700 degrés Kelvin, une lampe incandescence 2500 degrés Kelvin et une lampe sodium 1900 degrés Kelvin. Comment choisir le bon éclairage ? Il faut d’abord se rappeler qu’avant d’être un métier de création, c’est un métier de technique : comme en ingénierie, il existe des abaques, qui classifient les performances d’éclairage selon le matériau, sa rugosité, etc… Ainsi, on n’éclaire pas de la même manière du béton, de la pierre, de l’asphalte, et ainsi de suite. Quel que soit le choix de l’éclairagiste, il doit respecter la norme minimale : 5 LUX en ville.

Coupe expliquant l’emplacement des lampadaires : d’après la norme, la largeur de la route est égal à la hauteur du lampadaire puis multiplier par trois cette hauteur pour trouver la distance entre les deux dispositif. Illustration : Eva Grosclaude

Conseil

:

Chaque éclairage est unique, chaque point lumineux doit être adapté

Ne négligeons cependant pas l’aspect météorologique dans la création d’ambiances lumineuses. En effet, certaines conditions climatiques changent l’allure d’un espace public éclairé. Par exemple, dans la brume, le brouillard ou la fumée, les faisceaux lumineux apparaissent visibles, créant des halos dans le ciel, la lumière qui n’est habituellement visible que par le biais des objets qu’elle éclaire devient visible en soi, presque palpable, extension de l’objet émetteur. Ainsi, si cet effet est souvent visible les nuits hivernales, il est souvent un souhait de conception, lors de spectacles par exemple, le concepteurs diffusant alors volontairement de la fumée.

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photographie brume durant la fête des lumières, Place des Jacobins, 06/12/19

photographie reflet de la lumière sur les pavés humides, secteur Presqu’île, 06/12/19

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photographie brouillard, Rue Francis de PrĂŠssensĂŠ, 15/11/19

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photographie brouillard, Place des Charpennes 15/11/19


IMPACT La pollution lumineuse est une notion qui désigne le caractère anormal de présence lumineuse la nuit, et les impacts qui s’en suivent, qu’ils soient relatifs à l’écologie, l’économie, la santé... En France, l’éclairage public représente une consommation d’électricité de 56 TWh et émet par an 5,6 tonnes de CO2 (d’après l’ADEME en 2017). A titre de comparaison, c’est ce qu’émettent trois allers-retours en avion Paris-Montréal (33 000 km en tout). Pour la consommation d’électricité cela correspond à celle annuelle de près de 5 milliards de machine à laver le linge.

5 000 000 ANS 3 Des outils sont mis à disposition des collectivités pour effectuer des pré-diagnostics dans le cadre de rénovations de voies, afin de recommander les lampadaires les plus adaptés à chaque situation. Ainsi, l’outil Opepa de l’ADEME rend compte de la consommation d’énergie et du coût des installations d’éclairages existantes dans les rues, afin d’alerter les collectivités et de les pousser à rénover les réseaux d’éclairage.

Conseil

:

RENSEIGNEZ VOUS AU PRÈS DES ORGANISMES

L’éclairage public dégrade la vision des objets peu lumineux dans le ciel, par exemple il est peu probable que depuis le cœur de Villeurbanne le ciel soit étoilé. Le taux d’étoiles perçues est d’ailleurs une unité de mesure de la pollution lumineuse. La lumière artificielle entre en collision avec la lumière naturelle et prive une grande partie de la population de la contemplation d’étoiles ou d’objets spatiaux. Les impacts en termes d’écologie ont commencé à inquiéter ces trente dernières années. Notamment l’impact pernicieux sur la biodiversité, dont le métabolisme et le fonctionnement est déréglé par la présence abondante de lumière non-naturelle en pleine nuit, empêchant certaines espèces de vivre sur les lieux ou de se reproduire, comme c’est le cas pour le papillon de nuit.

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photographie brouillard, éclairage du Parc de la Tête d’Or pendant la fête des lumières, 06/12/19

photographie végétations Rue de Chateau Gaillard, 11/12/19

photographie végétations éclairés, Rue Pierre Cacard 15/11/19

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Schéma impact de l’éclairage sur la vue du ciel et des étoiles. Illustration : Eva Grosclaude

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Puis cette pollution a un impact directement sur le corps et l’esprit. Le jour et la nuit donne le rythme à notre horloge biologique, à notre horloge interne, c’est elle qui synchronise et rythme notre corps. Cette dernière produit des hormones, et si notre horloge interne se dérègle cela peut avoir un impact sur notre production de mélatonine (hormone du sommeil). En effet, le sur-éclairage de la nuit dérègle notre corps, il ne sait plus ce qui appartient à la nuit ou non de part l’intensité de certains éclairage. Les coûts de la lumière artificielle la nuit peuvent être multiples, dans différents domaines et il y a seulement quelques années que nous en prenons conscience.

Conseil

:

reveillez vous !

Mais, des initiatives sont de plus en plus mises en place, et ce jusqu’à l’échelle gouvernementale. En effet, dans la loi de transition énergétique, deux articles sont consacrés à cette thématique, avec notamment des recommandations autour de l’installation de nouveaux équipements, qui doivent « faire preuve d’exemplarité énergétique et environnementale ». Des associations comme Le Jour de la Nuit mettent en place des initiatives pour sensibiliser le grand public et notamment les plus jeunes à la pollution lumineuse et lutter contre, avec, partout en France (les actions sont répertoriées sur leur site web lejourdelanuit.fr) des sorties d’observations du ciel en compagnie d’astronomes ou des opérations d'extinction des lumières. A ce propos, chaque année, la « Earth Hour », une initiative de la ville de Sydney, invite depuis 2007 à éteindre les villes un jour par an entre 20h30 et 21h30, et chaque année, de grands monuments mondiaux s’éteignent, comme la Tour Eiffel, le siège de l’ONU, Big Ben, ou le Burj Khalifa, entre autres. Relayée par le WWF, cette initiative rassemble de plus en plus d’institutions et de particuliers. Un label attribué aux communes exemplaires en terme de pollution lumineuse a aussi été créé, nommé « Villes et villages étoilés », déjà décerné à 574 communes en France, par l’Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l'Environnement nocturne. Les critères sont notamment la réalisation par la commune d’études sur le niveau d’éclairement, l’intégration de la lutte contre la pollution lumineuse dans des règlements locaux (comme le PLU, par exemple), la sensibilisation, des expériences d’extinction (dont l’extinction des panneaux publicitaires), l’utilisation de certains lampadaires, etc…

Conseil

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:

cHAQUE PETITS GESTES COMPTE, PRENEZ CONSCIENCE DES MULTIPLES IMPACTS POUR LES VILLES ET VIE DE DEMAIN


photographie, vue sur le ciel et la lune, Avenue Henri Barbusse, 15/11/19

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photographie flux, publicitÊ, lampadaire, enseignes : beaucoup de sources, Cour Émile Zola, 11/12/19

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photographie, pharmacie sur-éclairée alors qu’elle est fermée, Avenue Henri Barbusse, 20h, 15/11/19

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Pourquoi éclaire-t-on ?



une une question question de de sÉcurité sÉcurité ?? la peur

« Noir (n.m.) : Se dit de la couleur la plus foncée, due à l’absence ou à l’absorption totale des rayons lumineux, par opposition au blanc et aux autres couleurs ; qui a cette couleur. » D’après le dictionnaire LAROUSSE. Ses synonymes sont : « assombri, couvert, gris, menaçant, obscur, orageux, ténébreux, noirâtre, sombre, nuit. »

La peur du noir est une notion à laquelle nous sommes confrontés depuis notre plus jeune enfance, au travers des rêves, des cauchemars, des histoires destinées à la jeunesse qu’elles soient issues de lectures, de dessin animé, ou du folklore culturel. Dans ces derniers exemples, la nuit revêt le mythe de l’antre aux monstres, aux fantômes, aux esprits qui ne se déclarent que dans la pénombre. Il est donc commun d’associer la peur du noir à l’enfance, mais à l’adulte ? Un cambriolage, une agression, un événement traumatique ou bien la simple habitude gardée de l’enfance de dormir les volets toujours ouverts, avec une veilleuse, une bougie allumée, peuvent expliquer la peur du noir chez un adulte. Le cinéma, la télévision ne se gardent pas d’utiliser l’image de la nuit lugubre pour contextualiser des scénarios effrayants, des crimes ou délits variés. Le noir, en tant que couleur, connote également le complot, le problème, la trahison, ainsi la nuit noire paraît tout légitimement porteuse de risque et de danger. « La nuit est le jour des méchants. » Charb, dessinateur

Daverty

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Les facteurs cognitifs sont des éléments à intégrer dans la compréhension de la notion de peur nocturne, mais la peur de la rue de nuit est elle-même également une notion à envisager et comprendre. La peur d’être seul la nuit, de se retrouver piégé dans une rue peu éclairée, traverser cette place où le lampadaire est défectueux… La peur apparaît avec la perte des repères visuels qui laisse place à une sollicitation exacerbée et inhabituelle des autres sens, ce qui engendre du stress, de l’angoisse, et contraint le cerveau à interpréter chaque son, chaque sensation démesurément. La perception de l’espace est alors perturbée. La nuit, certains aspects de la perception de notre environnement sont amplifiés, ce qui entretient la peur d’être dehors la nuit, ou la peur du noir. La nuit chaque bruit prend un nouveau sens, le craquement de la menuiserie de votre porte renvoie à une scène d’effraction, un objet qui tombe peut donner l’impression que quelqu’un se saisit d’objets, le plancher qui craque évoque des pas, les ombres des présences. A-t-on davantage peur DE la nuit ou DANS la nuit ?

Photographie d’une allée anexant une place et d’une voie privée, 21/11/19 et 15/11/19 Sentiment d’insécurité lié à l’abondance ou à l’absence de lumière

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« J’aime la nuit, j’ai les idées plus claires dans le noir. » Serge Gainsbourg dans Pensées, provocs et autres volutes, 2006 Le sommeil, lui, nous protège de la nuit, nous retient dans notre foyer, là où l’on se sent en toute aise et toute sécurité. Une bonne nuit est-elle une nuit où il ne se passe rien ? Lorsque qu’on souhaite « bonne nuit », on espère qu’autrui aura l’expérience d’une nuit calme, sans tracas, bercée de rêves. A contrario, chercher à « vivre sa nuit à fond » revient à forcer un éveil du corps, en recherche d’amusement parfois excessif. Ce comportement à caractère souvent festif appartient très typiquement à la vie nocturne, et est aussi évocateur d’une amplification des sens à caractère souvent paranoïaque que d’un sentiment de liberté poussé par leur inhibition. Les questions de peur et de nuit se rapportent également à celle du genre… « Elle est féminine, comme le jour est masculin, et comme tout ce qui est féminin, elle dissimule à la fois le calme et l’effroi. » Wolfgang Schivelbusch, dans La nuit désenchantée Le vécu de l’espace public par les deux genres diffère, et notamment de nuit. Deux tiers des agressions à caractère sexuel dans l’espace public étant commises le jour – notamment au petit matin –, il ne s’agit pas nécessairement de la présence du danger, mais à nouveau du sentiment que le danger pourrait arriver plus promptement que lorsque la lumière du jour baigne les rues et que du monde les traverse. Les représentations sont multiples : les parents demandent à leur enfant un SMS pour les prévenir qu’ils sont bien rentrés le soir, le site du Ministère de l’Intérieur présentait en 2012 une rubrique de conseils aux femmes fréquentant l’espace public la nuit, conseillant notamment de « marcher d’une allure assurée, sans donner l’impression d’avoir peur » ou encore de ne pas marcher dans la pénombre, « où un éventuel agresseur pourrait être dissimulé ». La peur de l’agression, la peur de se faire suivre sont autant de banalités dans le quotidien de nombreuses femmes que ces dernières développent des mécanismes de précaution plus que de défense. Ces mécanismes entrent en cohérence avec l’éclairage de l’environnement traversé, considéré comme à risque potentiel qu’il soit sous-éclairé ou sur-éclairé. Alors que certains lampadaires de la promenade de Gare de Villeurbanne s’allument sur commande au passage des piétons, l’on se demande s’il n’est pas plus judicieux de ne pas allumer des projecteurs sur une personne qui souhaite se fondre dans la nuit jusqu’à retrouver son chez-soi. Aïcha, en effet, préfèrera alors contourner la promenade de nuit, pourtant si agréable de jour, afin de préserver sa discrétion : « La promenade, le soir, devient un squat, parce que c’est un endroit paisible, intimiste et aménagé. Mais l’abondance de végétation et leur assemblage sur la topographie font qu’on ne voit pas qui se cache derrière les buissons. Sont-ils là ? Sont-ils nombreux ? Qui sont-ils ? Dans cette ignorance, la meilleure façon de se sentir à l’aise, c’est d’être, soi-même, ignoré. »

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Photographie, Villeurbanne, 27/11/19 Pourquoi éclairer une façade et non la rue ?

Photographie, Villeurbanne, 27/11/19 Pourquoi éclairer le passage et non le banc ?

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Ci-suivent certains des mécanismes évoqués, qu’ils soient pratiqués individuellement ou par un groupe tout entier : • Accélérer le pas • Adopter une démarche assurée et rapide • Se couper de l’extérieur à l’aide d’écouteurs ou d’un casque • Prétendre écouter de la musique mais être en réalité aux aguets • S’asseoir ou marcher du côté de femmes plutôt que du côté d’hommes • Ignorer un homme inconnu qui nous interpelle dans la rue • Ne jamais donner notre véritable adresse à un taxi ou UBER, mais une adresse proche • Prétendre téléphoner • Adapter sa tenue vestimentaire pour ne pas attiser des curiosités • Ne pas longer des murs ou espaces clos afin de ne pas se faire piéger Les astuces sont nombreuses et propres à chacun, et agissent certainement davantage comme protection psychologique plutôt que comme véritable protection physique. Lorsque Chloé et Eva se rendent l’une chez l’autre, entre Charpennes et République, elles empruntent des chemins différents. Chloé préférera passer par une rue parallèle au cours Émile Zola, peu éclairée, où la fréquentation est moindre. Eva préférera emprunter le cours Emile Zola, où les éclairages sont plus marqués et les flux de piétons et cyclistes continus.

C o n s e i l : Prenez en compte le comportement des usagers Au cours de la rénovation du cours émile zola, des travaux d’éclairage ont aussi été effectués. Ces travaux ont parfois nécessité des réglages, comme sur la zone entre les deux stations précédemment évoquées, dont une portion était trop intensément éclairée : plus aucun recoin de pénombre pour se dissimuler, un sentiment de plein jour même à 2 heures du matin, presque sentiment de surveillance induit par la lumière blanche qui évoque l’imaginaire de l’interrogatoire, du pénitencier. Depuis, les concepteurs ont adapté le niveau en réglant la puissance des différentes lampes, que l’on distingue en trois catégories : les lampadaires d’ambiance du trottoir, ceux qui éclairent la rue en général et qui sont plus haut et ceux qui éclairent la voie routière. Le sur-éclairage créerait aussi un effet anxiogène par son absence de justification. Si la place principale d’une grande métropole est sur-éclairée, cela s’explique par la présence touristique, comme par exemple Piccadilly Circus à Londres. Si les abords des prisons ou les phares sont éclairés avec une grande intensité, on comprend que c’est par souci de prévenir. Mais dans le cas cité, rien n’explique cette intensité lumineuse, ainsi l’espace est confus : il ne revêt pas de caractère touristique, et par élimination on définit inconsciemment la place comme lieu où prennent place des dangers fréquents. Aujourd’hui, les mœurs de notre société nous poussent à adopter des comportements spécifiques et à réfléchir nos pratiques de la nuit.

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Photographie, Éclairage bleu à l’extérieur de la prison La Farlède mise en lumière par Laurent Fachard

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sécurité

« Gaston Bachelard, l’auteur d’une interprétation psychanalytico-poétique du feu et de la lumière de bougie, a élaboré une psychologie de la lampe qui aide à mieux comprendre les origines et la nature de l’éclairage public. « Tout ce qui brille voit » – partant de cet axiome basé sur une mythologie et une psychologie de la perception, Bachelard décrit un procédé de surveillance, de contre-surveillance et de surveillance mutuelle, que l’homme déclenche à l’aide de la lumière d’une lampe. Qui se trouve dans le noir et voit une lumière au loin se sent surveillé, car « cette lampe lointaine n’est sans doute pas “ repliée “ sur elle-même. C’est une lampe qui attend. Elle veille si continûment qu’elle surveille. » Wolfgang Schivelbusch, dans La nuit désenchantée

Le lien entre éclairage public, criminalité et sentiment de sécurité ou insécurité ou non dans les villes est primordial dans la quête de l’impact qu’a l’éclairage sur l’usage de la ville. Le sentiment d’insécurité n’est pas objectif, c’est un sentiment qui peut être lié tant à l’expérience personnelle de la personne qu’à l’expérience collective. En effet, la représentation de certains lieux publics peu éclairés peut être stéréotypée. Les tunnels, par exemple, ou les bouches de métro. Cela crée un sentiment d’insécurité chez les personnes avant même qu’elles ne les traversent. Parfois, le sentiment d’insécurité ne se nourrit pas d’une cause claire, elle peut provenir de la perception confuse d’une menace, de signes, d’un état de stress qui cherche prétexte ou motif. Comme on l’a expliqué dans la partie précédente, la peur peut se nourrir d’hypersensibilisation, d’hypersollicitation de tous nos sens, qui entretient notre stress, nos angoisses et notre hyperconscience des lieux. Il était donc important pour nous de distinguer l’insécurité objective du sentiment d’insécurité qui lui est davantage lié à une représentation mentale fait d’un certain espace. Lorsqu’en France, la police contrôlait tous les aspects de la vie de sorte qu’aucuns n’entrent en conflit, le couvre-feu opérait et la rue était déserte la nuit, les maisons fermées et leurs clés confiées aux gardiens. La lumière, en leur possession, leur permettait alors de s’assurer que le couvre-feu était respecté. L’éclairage est devenu public lorsqu’il a été défait des maisons et installé indépendamment d’elles, en pleine rue. Il offre alors de la visibilité dans l’espace, tout le monde peut être surveillé (exemple : Michel Foucault) grâce à la lumière, en ce sens on peut dire qu’est faite une économie des forces de l’ordres. Les lampadaires sont-ils plus efficaces qu’un gardien ? Le développement de l’éclairage public et de la surveillance panoptique au XVIIIème siècle a induit le contrôle de la ville par l’éclairage, les problèmes de sécurité ont donc diminué pour réapparaître à la fin du XXème siècle par le biais des questions de sécurité routière et civile. En effet, le sentiment d’insécurité découle d’une augmentation de la violence urbaine et des incivilités, dus à la situation socio-économique actuelle, à la disparition de contrôle social dans de nombreux quartiers et au changement de forme des cellules familiales. On s’accorde encore à dire : « Minuit, l’heure du crime. »

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Les premières études liant l’éclairage public à la sécurité urbaine sont apparues dans les années 1960. D’après une étude de ADEME, en France, 90% de la population affirme que l’éclairage public est un acteur majeur de la sécurité. On sait que l’éclairage public facilite les interactions et les déplacements des automobiles, des piétons et des cyclistes, l’éclairage public peut être facteur de sécurité routière. D’après l’observatoire interministériel de la sécurité routière, les accidents sont plus fréquent en hiver quand les nuits sont plus longues. De plus, l’absence d’éclairage public pourrait favoriser les cambriolages, le vandalisme, de par l’impression de ne pas être vu. Le proverbe « pas vu, pas pris » prend tout son sens dans l’obscurité. D’après le livre de Newman paru en 1972, la conception architecturale et urbanistique de la ville permet de surveiller et contrôler la population. Il met en place des solutions notamment via l’éclairage public... Éclairer la simple entrée d’immeuble jusqu’à éclairer le moindre banc sur une place publique est d’après l’auteur un meilleur moyen d’identifier son agresseur. Mais si on peut facilement identifier un danger, sommes-nous tout aussi facilement identifiables ? Nous nous trouvons face à deux points de vue. De multiples communes françaises ont tenté de couper l’éclairage public la nuit et les délits n’ont pas augmenté. Dans la commune de Mouy, dans les Hauts de France, le phénomène inverse prend forme. L’éclairage public est éteint de minuit à 5 heures du matin, pourtant le taux d’accident la nuit, de dégradation et de délinquance a réduit de 10%. D’après le maire de Meux, commune aux alentours, « Les gens qui font un cambriolage ont besoin de trouver un chemin de repli, ce qui est plus difficile à trouver en l’absence d’éclairage. » En outre, et contrairement aux idées reçues, les cambriolages ont lieu pour 80% du temps en journée, d’après une enquête des gendarmes. La croyance commune autour du lien entre éclairage public et sécurité est cependant bien ancrée, avec à la fois un effet sur la criminalité mais également sur le sentiment d’insécurité lié à la peur du crime. Le débat est d’ailleurs souvent remis sur table, avec le questionnement de l’impact de la variation de plusieurs facteurs : la présence ou non d’éclairage, son intensité, l’impact sur la criminalité effective et le sentiment de sécurité. On peut même étendre le débat à l’éclairage en général… En effet, on a vu que le nombre de crime était plus élevé le jour. Par conséquent, pourquoi vouloir reproduire le niveau lumineux de la journée la nuit dans un but sécuritaire ? En question de sécurité des chercheurs américains sont même allés jusqu’à conclure que le niveau lumineux n’est pas un facteur pris en compte par les malfaiteurs, qui choisissent plutôt des champs d’action en fonction du contexte socio-temporel (cambriolage des maisons entre 8 heures et 18 heures en l’absence des propriétaires, cambriolage des entrepôts après 21 heures lorsqu’ils sont vides d’activité, vols à main armée en journée dans les transports en commun et la nuit aux alentours des parkings, etc). Enfin, nous avons voulu étudier ce sentiment d’insécurité à l’échelle du piéton, le piéton étant le centre de toutes ces réflexions. Au fur et à mesure de sa promenade urbaine, le piéton va adapter son comportement à ce qu’il voit. Sans éclairage dans la ville, l’homme est totalement aveugle dans la

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ville. Dans sa thèse « Éclairage urbains et sentiment d’insécurité », Jean François Augoyard aborde la loi proxémique, qui démontre l’importance des êtres, des événements, des objets dont la perception diminue avec la distance dans la nuit : plus on s’éloigne d’une chose, moins elle a d’importance. Ce même piéton prend place au milieu d’autres individus, la présence de ces derniers assurent une sorte de protection et excluent le sentiment d’insécurité puisque d’une part ces inconnus prennent le rôle de témoins, ils ont un regard sur la situation. D’autre part, il existe une sorte de réciprocité entre les individus ne présentant pas de mauvaise intention, de signe d’agression, ou ne gênant pas son prochain. Alors, ces individus attendent de leurs pairs le même comportement. Cette tension nourrit le sentiment de sécurité des individus qui partagent les rues la nuit.

C o n s e i l : éclairez de sorte à éviter les dangers, suivant la temporalité des usages i d e n t i f i c at i o n

Des recherches anglo-saxonnes abordent la question d’insécurité dans l’espace urbain la nuit, en développant le lien entre les conditions d’éclairage et les risques pour les piétons. Nous avons concentré notre étude sur la capacité à reconnaître le visage d’autrui dans la nuit. L’étude se base sur l’hypothèse qui suit : si l’on parvient à distinguer l’expression du visage d’autres piétons, on peut alors identifier un potentiel risque d’agression par l’intention qu’elle semble dégager. Concrètement, il s’agit de définir des modalités d’éclairages (intensité, espacement, etc) pour permettre cette identification à une distance qui réduit l’effet de suspense et donc de tension. D’après E.T. Hall, il faut une distance de 4 mètres pour avoir des chances de fuire un agresseur potentiel après l’avoir identifié comme tel, cette distance pouvant varier selon les personnes, leurs capacités physiques, l’heure à laquelle se produit la rencontre, les conditions d’espace, etc. Il faut que l’éclairage public permettent de reconnaître autrui à une distance confortable. D’après cette étude, on doit distinguer la zone proche entre 2 à 10 m et la zone non-proche de plus de 10 m. Les premières études ont été menées au début des années 80 par l’entreprise Philips Lighting, afin de prouver le lien entre les modalités d’éclairage et la capacité à reconnaitre quelqu’un. Les expérimentations ont permis de mettre en place un indicateur photométrique qui permet de reconnaître des visages dans plusieurs situations avec des conditions toutes différentes, afin d’être capable d’appréhender le sentiment d’insécurité évoqué plus haut. Autour de la question de l’identification, Laurent Fachard nous dit dans son entretien que « pour qu’il y ait de la sociabilité, de l’échange, du lien social, [...], il faut éclairer les choses en restituant leur intégrité », c’est-à-dire, pour répéter un exemple évoqué précédemment, par des procédés colorimétriques qui permettent à l’ensemble des couleurs d’être transmises. Cependant, intégrité n’est pas intégralité, et il convient pour le concepteur de la ville de choisir ce qu’il veut donner à voir : rien ne sert de placer des spots dans chaque rue, un éclairage rasant au sol peut suffire pour identifier la ville nocturne, à condition que celui ci ne déforme pas les traits de la ville endormie.

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EXPÉRIENCE 1 : Saisissez-vous de quelques-unes de vos connaissances, habillezles de noir et d’accessoires et marchez l’un vers l’autre dans la rue la nuit. À quelle distance parvenez-vous à distinguer clairement leur visage ? Notez toutes les conditions perturbant ou facilitant la reconnaissance. Nous l’avons réalisée avec deux amis, de corpulence et taille identiques et aux visages assez semblables : Jocelyn et Pierrick. Nous les avons placés côte à côte dans la nuit (18h30, fin novembre), et avons avancé vers eux, s’arrêtant dès lors que nous étions capable de les identifier avec certitude. Ainsi, Eva s’est arrêtée à 12 mètres d’eux, Chloé à 10 mètres et Aïcha à 8 mètres. On peut expliquer ces différences par différents critères, comme les problèmes de vue de Chloé ou le fait qu’Eva est très proche de Pierrick, elle connaît donc mieux son visage par exemple… Cependant, ces différences restent modérées et ne doivent pas être prises pour représentatives au vu de la petitesse de l’échantillon.

EXPÉRIENCE 2 : Prenez un de vos ami, avec un visage plus ou moins sympathique. Saisissez-vous d’une lampe torche et éclairez son visage sous différents angles, et regardez le se transformer sous les effets de la lumière. La perception de son visage evolue et change selon la lumière, et nottament par rapport à la lumière du jour. On comprend là, l’importance de la localisation de la source de lumière.

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La perception d’un même visage sous différents angles d’éclairage, nous remercions Jules Dognin d’avoir servi notre expérience

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« La nuit n’est nuit que pour nous. Ce sont nos yeux qui sont obscurs. » René Barjavel dans Colomb de la lune, 1962 « La nuit je mens Je prends des trains à travers la plaine La nuit je mens Je m’en lave les mains J’ai dans les bottes des montagnes de questions Où subsiste encore ton écho » Alain Bashung, La nuit je mens

Jean Eustache dit : « Vous savez comme les gens sont beaux la nuit. »

On comprend cette phrase de prime abord, en pensant que les gens sont beaux car on les voit moins bien, leurs défauts sont ainsi gommés. L’obscurité n’est pas le seul prétexte. Dans la nuit, ne pas voir clairement nous mène à donner un sens positif à tout ce que l’on parvient à voir. Alors, l’imaginaire se mêle à la perception. La beauté devient une dimension de notre regard, sans influence d’autrui ou de la société, on devient peut être plus indulgent, lorsque l’on voit moins bien, lorsque l’on voit autrement... C’est une question que se pose Michel Foessel, qui dresse la théorie qui suit : nous voyons les choses, le monde avec plus d’innocence, de compréhension, de bienveillance. À contrario, Michel Foessel nous parle de ceux qu’il nomme physionomistes, qui selon lui se dressent aux portes de la nuit et qui trient ceux qui peuvent rentrer dans les clubs, bar et boîtes de nuit, selon divers critères, le genre, l’âge, la tenue vestimentaire, l’état. Ce type de personne nous rend également physionomiste nous-même, puisque l’on regarde les autres avec jugement, alors même que le plaisir de la nuit réside dans ce droit à dépasser le jugement. « Si la nuit est la confirmation de ce qu’on voit le jour, la nuit est perdue. » Le philosophe affirme ici que la nuit est un moment différent, il ne nous parle pas de lieu, ni de temps mais il nous parle là d’un réel mode de vie où on ne se demande pas quelles images on renvoie. Il touche ici à la notion de libre arbitre. Cette liberté induit une absence de limite, la nuit on ne voit pas mais on peut voir loin, car la limite entre ce qui est vu, ce qui est imaginé, induit ou inexistant est floue. Dans la nuit, on parle d’infini. La seule limite qui se dresse c’est la pesanteur, et la seule lumière, ce sont les objets célestes et le ciel qu’on n’aperçoit aujourd’hui que trop peu. La nuit, nous sommes d’autant plus libres qu’il y a une absence de témoignage, car malgré l’intensité de l’éclairage public on peut voir sans être vu. Il n’est pas question de solitude mais d’absence, d’absence de jugement. Sébastien Mercier, dont la publication commença en 1782 à Neuchâtel : « À quatre heures du matin, il n’y a que le brigand et le poète qui veillent. »

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Photographie, éclairage unique au sol, le visage disparaît, 15/11/19

C o n s e i l : travaillez la perception de l’espace éclairé dans la nuit 69



Quels sont les impacts de l’Êclairage ?



l’ÉCLAIRAGE l’ÉCLAIRAGE comme comme expérience expérience socio-culturelle. socio-culturelle. R e p r é s e n tat i o n d ’ u n q u a r t i e r

Dans la première partie, nous avons évoqué le Plan Lumière. Celui-ci porte une mission depuis plusieurs années qui est d’éclairer les quartiers comme objets sociaux. Par exemple, on peut lire dans le Plan Lumière que les enjeux identifiés pour le quartier de la Part-Dieu sont les suivants : • la tension entre la gare et le centre commercial • la prise en compte du flux quotidien • la notion de dynamique Ainsi l’éclairage public de ce lieu sera différent du quartier de la Duchère où ce qui définit le quartier est tout autre : • les logements sociaux, la copropriété • le quartier sensible souvent cible de dégradations • le quartier en pleine gentrification Les enjeux identifiés dans le Plan Lumière variant grandement selon les lieux désignés, la mise en lumière suit. S’intéresser à l’échelle du quartier permet alors de répondre à des spécificités et des enjeux propres à chacun. Avec l’évolution du métier d’architecte, celui-ci a vu disparaître certaines de ses fonctions, comme par exemple la conception d’espaces publics qui a été confiée ces dernières années plus largement aux paysagistes, qui ont parfois pris la valeur d’urbanistes. Les équipes ont connu alors davantage de mixité et d’interdisciplinarité : les éclairagistes ont notamment fait leur apparition dans les équipes de concours, ouvrant la voie doucement à une conscientisation de l’importance de la réflexion autour de la conception lumière dans l’espace public. Expérience : Prend une feuille devant toi et trace un trait au milieu. Dans la colone de gauche écrit Part Dieu et dans celle de droite La Duchère. Ecris ce qui te viens à l’esprit quand tu vois ces noms, pense à leur vie nocturne. Appelle tes amis pour compléter ce qu’il te manque. Compare avec la version de jour.

C o n s e i l : n’accentue pas les «défauts» du quartier 73


R e q u a l i f i c at i o n

L’éclairage d’un quartier, notamment d’un quartier défavorisé, peut être un des vecteurs de l’inexorable gentrification. En effet, la façon dont les autorités publiques éclairent un quartier en dit beaucoup sur la fonction que devrait recouvrir ce quartier : dortoir, lieu de fête, de tourisme, de danger, et ces fonctions peuvent amener – ou non – de l’attractivité dans un quartier. La création d’ambiances agréables et sécurisantes peut influer sur le comportement-même des usagers, renforçant le sentiment d’agréabilité et de sécurité. Ainsi, un comportement justifie une installation, qui change la manière d’habiter la rue nocturne, qui nécessite de nouvelles installations, qui améliore à nouveau le comportement et ainsi de suite, et des quartiers jugés, parfois à tort, « dangereux » deviennent praticables aux yeux des non-initiés. De plus, ces installations lumineuses peuvent être le point de départ d’autres rénovations, comme des ravalements de façade, des travaux de voiries, etc… Cette multitude de nouvelles installations, dont fait partie l’éclairage public, déterminants les nouveaux rôles d’un quartier, poussent certains types de commerces à s’installer, ainsi l’offre commerciale évolue. Dans des quartiers comme celui de Charpennes à Villeurbanne, l’évolution a été visible en quelques années : de snacks kebab mal famé et de coiffeurs très bas prix il y a moins de 5 ans, on voit désormais apparaître des magasins bios comme un Naturalia ou des bars à « salade et falafel », qui, évidemment, visent une clientèle bien différente. « À Bordeaux, la politique de requalification du centre ancien est à l’origine d’une valorisation économique des lieux transformés car ces mutations sont autant matérielles que idéelles. Les changements morphologiques vont ainsi de pair avec l’évolution des représentations. Si la municipalité communique beaucoup sur les espaces réhabilités et mis en valeur en utilisant notamment des photos des mises en lumière nocturnes, c’est que : « la production de représentations est devenue l’une des dimensions essentielles, sinon prédominantes, de l’action sur le territoire. » (Fourny et Micoud, 2002) Les réhabilitations de la ville s’accompagnent de mises en scène et rendent possible de nouvelles pratiques en créant ou en renforçant l’attractivité de certains lieux et en générant de nouvelles fonctions. La mise en lumière participe donc grandement à donner une image positive de ces lieux la nuit et à ce que des pratiques se développent dans cette temporalité. » L’accès à l’éclairage n’est pas homogène en ville et est considéré comme dictateur de classe sociale. Il révèle, met effectivement en lumière, la différence de traitement des beaux quartiers par rapport aux quartiers défavorisés, sur tous les plans politiques.

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L a n u i t, s y n o n y m e d e l i b e r t é o u d ’ e x c l u s i o n ?

La nuit, c’est un autre temps. Elle passe de terra incognita à lieu de pratique d’activités autres, plus libertaires. C’est un temps de loisir et de plaisir, pour la majorité de la population la nuit n’est pas un temps de travail. Cependant, nous souhaitons démontrer que la nuit est un facteur de ségrégation, en prenant le cas de Villeurbanne, nous verrons que la nuit urbaine subit des formes de ségrégation malgré le phénomène de liberté exacerbé la nuit. Le temps de toutes les possibilités, pendant lequel certains dorment et d’autres fêtent : « Fêter pendant que la population active dort – et se coucher lorsque les artisans et bourgeois commencent leur journée de travail – représentait un renversement de l’ordre habituel et un privilège social qui donnait à la fête un attrait supplémentaire. » Wolfgang Schivelbusch, dans La nuit désenchantée La nuit est une expérience individuelle ou collective de liberté. On y oublie les règles de bonne conduite de la journée, on chante, on rit, on danse, on crie dans l’espace public. On se sent libre, on se sent intimes puisque les bienséances ne nous restreignent moins. On se dédouane du regard d’autrui en partant du postulat que ces derniers ne nous voient pas. Plus haut, nous avons vu le pouvoir de nous rendre inconnus, presque invisibles, invincibles, que la nuit revêt. Ce sentiment de liberté est alors justifiable par la capacité qu’on a à se cacher, à ne pas être soumis au regard d’autrui ; mais également aux pratiques-mêmes de la nuit, la fête, la consommation d’alcool, qui provoquent euphorie et confiance en soi ; les rapports aux autres sont différents, car tous paraissent plus accessibles. La lumière de l’éclairage public décourage ces interactions, car ils cloisonnent les espaces et les mystifient en privatisant des lieux où ces libertés sont plus restreintes : un entre deux temps, entre le jour et la nuit. Il semblerait que les normes sociales diurnes se matérialisent derechef sous la lumière artificielle. L’expérience de la nuit varie suivant les classes sociales, le vécu et l’âge de chacun. La nuit, on ne distingue pas les petits des grands, les pauvres des riches. On peut donc penser qu’elle n’est pas vecteur de ségrégations sociales dans le sens où on n’identifie pas ou peu autrui. On ne peut savoir d’où vient une personne, ce qu’elle fait dans la vie, du fait de l’anonymat dû à la nuit. Les raisons de côtoyer les rues la journée se devinent, tandis que la nuit, elles s’imaginent. Or, on sait qu’il y a des endroits qui sont propices à faire la fête, aménagés pour être pratiqués comme espace de loisir. Dans la métropole lyonnaise, les quartiers de sortie sont situés dans le centre ville de Lyon, les bars de la presqu’île sont des lieux de rencontre tout comme les quais du Rhône et de la Saône à l’exception de quelques boites de nuits réputées dans les 8ème et 3ème arrondissements. La nuit vue comme expérience est le sujet de l’étude « night-time economy », terme anglo-saxon qui se réfère au modèle économique engendré par les commerces ouverts la nuit. De plus en plus de grandes villes mondiales optent pour ce modèle, la pionnière étant évidemment New York aux Etats-Unis. Ce modèle

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commerces ouverts 24 heures sur 24 engendre une modification profonde de la ville. À Berlin ou Londres par exemple, particulièrement réputées pour leur vie nocturne active, le métro circule en continu les soirs de week-end, sans interruption nocturne. Des villes plus modestes commencent à adopter ce modèle également, comme le fait Lyon qui a récemment prolongé ses services de métro jusqu’à 2 heures du matin les vendredi et samedi. Si les commerces ouverts toute la nuit sont le plus souvent des bars et des boîtes de nuit, de plus en plus de restaurants, supérettes – habitude déjà ancrée dans les pays asiatiques développés – et même salons de coiffure adoptent aussi ce fonctionnement.

carte collective des lieux de sortie à Lyon représentations sociales réalisé grâce à des données collectés lors de sortie nocturne

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« On se promène, on flâne dans toutes ces rues où le commerce entretient tous les soirs une illumination splendide. » Julien Lemer dans Paris au gaz, 1861 Ce mode économique de commerce en continu se révèle être une prolongation de l’économie diurne et une application à l’extrême du mode de pensée capitaliste. Le prolongement de l’activité de travail jusque dans la nuit serait selon Karl Marx le reflet de la «gloutonnerie capitaliste», qui exploite le travailleur au-delà, d’abord de la morale en allongeant la journée de travail jusque dans le temps nocturne, mais aussi du rythme physiologique, la nuit étant dans les représentations sociales courantes et dans le rythme naturel de l’humain le temps du repos et du sommeil. Si ce temps de nuit économique peut paraître profitable pour l’attractivité d’une ville ou son commerce, parfois pour les résidents il est aussi question de nuisances : l’économie nocturne mettant en avant les lieux de fête, cela entraîne parfois des comportements socialement incorrects, comme la consommation excessive d’alcool, les nuisances sonores volontaires, si ce n’est les ébats dans l’espace public. Là encore, le rôle de l’éclairage public est aussi à questionner : si l’ivresse est à l’origine de tels comportements, est ce que l’aménagement lumineux peut en être un facilitateur, avec la création de recoins, de rues sombres, de zones de lumières et de pénombre ? EXPÉRIENCE : « Une nuit blanche. » Qualifie la nuit : quels mots donner à ses expériences nocturnes ? Pense à ta dernière nuit... était-elle courte ? Tumultueuse ? Douce ? Fait cet effort de qualifier ta nuit au réveil, ou en rentrant de soirée. Cela te permettra de comprendre en quoi la nuit est « fête ». Depuis plusieurs années, les villes et lieux de fête (halles accueillant des festivals, boite de nuit, etc) expérimentent des types d’éclairage pour palier à l’ivresse et à la prise de stupéfiants. En effet ces pratiques sont plus fréquentes la nuit, les éclairages changent donc de couleur pour appréhender ces comportements. On éclaire en bleu l’espace public de sorte que les toxicomanes ne puissent pas voir leurs veines, elles-mêmes bleues. À lyon, ce type d’éclairage est expérimenté sur les quais, néanmoins il se peut que cela ne mène qu’à déplacer le problème. Offrir peu de luminosité avec ce type d’éclairage bleu sur des places publiques ou des lieux à haute fréquentation tels que les berges à Lyon peut générer d’autres problèmes : insécurité, désintérêt pour ces lieux qui perdent de leur charme avec un éclairage froid ou qui manquent de confort lumineux. Ces espaces sont pourtant des espaces clefs au développement de chacun car ils sont propices aux relations familiales, où l’on trouve amour ou ami, où l’on rencontre des étrangers. La nuit, la limite entre espace privé et public est renforcé par les portes closes, les volets fermés, les lumières éteintes dans les allées privées. Mais cette limite s’efface parfois, lorsqu’un bar clos ses portes à une heure du matin, lorsqu’une fête privée débordent des appartements sur l’espace public ; alors, la soirée prend fin en pleine rue, sur le trottoir, les au-revoirs sous un lampadaire au prochain croisement…

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Il est essentiel de comprendre la réalité sociale d’un quartier pour être capable de concevoir des projets adaptés. La lumière, l’obscurité ; les beaux quartier, les quartiers évoqués comme « sensibles » ; ces oppositions amènent les villes à mettre de côté, et cela parfois de manière inconsciente, certains quartiers car elles ne sont pas en adéquation avec l’image souhaitée de la ville. Le quartier St Jean à Villeurbanne, par exemple, ne bénéficie pas des mêmes recherches sur l’éclairage que le quartier Gratte Ciel. Celui-ci étant au centre de la ville, en pleine gentrification. Le quartier St Jean est la cible de davantage de délinquances, il s’agit d’un quartier plus sensible de la métropole lyonnaise, qui ne reflète pas l’image de la ville lumière, une image d’excellence. Ainsi il n’est pas considéré comme prioritaire au regard d’aménagements visant à favoriser la vie de nuit ou la vie touristique. Les transports en pleine nuit sont onéreux, les loisirs de nuit d’autant plus, ainsi la vie de nuit est destinée à une clientèle capable de prolonger leur loisirs jusqu’à l’aube. Il est des personne, également, qui sortent la nuit et rentrent dormir chez eux tandis que d’autres vivent et dorment dans l’espace public. Ce phénomène séparateur se répercute par conséquent sur l’éclairage et la lumière devient alors elle aussi séparatrice. Pourtant, l’accès à la lumière devrait être universel et l’éclairage urbain un droit public, puisqu’il permet à chacun d’identifier un lieu, et de comprendre un espace, il permet également de lire l’architecture ou le patrimoine et donc d’accéder à la culture. Les quartiers peu ou mal éclairés privent les habitants de vie et de loisirs nocturne : ils ne peuvent s’approprier la ville en pleine nuit. De même pour les touristes qui, de passage et en visite nocturne, n’ont pas accès à la découverte de certains quartiers de par la pauvreté de leur éclairage et de leur vie nocturne. Cette appropriation de son quartier par les résidents est d’autant plus importante qu’elle contribue à valoriser la parole pour défendre une meilleure intégration sous tous les plans auprès de la municipalité. C’est pourquoi il faut aujourd’hui recentrer les recherches sur la mise en lumière des villes en se préoccupant des besoins des usagers, et également du ressenti des passants car elle pourrait bien résoudre des problèmes d’exclusion sociale. Quelle que soit sa fonction première, elle doit revêtir celle de liant social, et inciter à la vie nocturne plutôt qu’être source de malaise en ville.

C o n s e i l : Que fait-on dans ce quartier ? Pensez à éclairer selon la fonction des lieux

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P R A T I Q U E S D É T O U R N É S D E L’ É C L A I R A G E

D’autres pratiques existent autour de l’éclairage public : les fêtes de Noël par exemple sont un prétexte à éclairer plus et différemment, qui contribue à éclairer de façon plus chaleureuse, dans l’intention d’émerveiller sa famille, ses invités, ses voisins, les passants. Durant les fêtes de fin d’année la lumière est utilisé pour scénariser l’espace urbain, les municipalités vont se servir du mobilier tel que les lampadaires comme support de décoration : on peut tendre des guirlandes entre les lampadaires, on peut parer leurs mâts. On remarque cependant que la plupart de ces ornements sont placés au-dessus, sur le bord ou face à la route. Dans une ville où la voiture est omniprésente, cela n’étonne que peu. Nous avons noté quelques installations disposées sur les trottoirs ou places publiques : des sapins de Noël à échelle humaine, directement sur le chemin afin de constituer un lien avec le piéton. Les villes organisent pour la plupart du temps des événements en lien avec l’éclairage comme le font les marchés de Noël, qui font partie des événements conçus comme des vitrines attractives de la ville. Cette mise en valeur de l’espace public durant cette période a un impact fort sur ces pratiques. La création d’événements, rend l’espace public attractif et donne lieu à des points de rassemblement en période de froid où sortir dans la rue est parfois une contrainte physique. Le sapin est entré dans l’espace public à la fin du XVème siècle et dans la sphère privé au XVIIIème, c’est à cette époque que Paris devient la Ville Lumière et que les lieux de fréquentation comme les parcs, les grandes avenues, etc. Pour autant, on n’associe pas encore Noël aux illuminations. En 1882, Thomas Edison crée la première guirlande de Noël électrique. C’est ensuite au tour des vitrines d’utiliser ce type d’installation, façonnant de véritables mondes miniatures de Noël qui s’illuminent et attirent l’œil, d’abord au États-Unis, puis en France, et notamment dans les grandes villes. Cet engouement autour des vitrines durant les fêtes de Noël est toujours d’actualité, pour donner envie au passant de pénétrer les magasins, mais également pour renvoyer une bonne image dudit commerce et par extension du quartier et de la ville. Enfin, les illuminations de Noël se retrouvent projetés dans les logements privé : aux fenêtres, dans les jardins privé ou collectifs, sur les balcons, les portails, etc. Il y a une sorte de rivalité qui s’institue entre voisins : qui prendra le dessus sur son voisin par ses décorations féeriques ? Aux États-Unis, des concours sont organisés : c’est une course à la maison la plus illuminée. D’après Marianne GuernetMouton, en Virginie un concours est organisé pour que les maisons soient vues depuis l’espace. En France, des concours au sein des communes ou à l’échelle nationale sont lancés, jusqu’à faire oublier le sens premier de ces fêtes que sont le plaisir et le partage. Alors dans ce contexte, on se demande pourquoi pose-t-on des guirlandes dans nos espaces extérieurs ? La réponse est simple : pour partager l’atmosphère si particulière de Noël. En outre, les illuminations de Noël donnant sur l’espace public ne sont pas là uniquement pour être contemplés des propriétaires, mais bien pour être montrés, pour embellir son habitat, pour asseoir sa classe sociale : éclairer pour s’exhiber.

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Photo, Décorations de Noël avenue du Maréchal de Saxe, Lyon, 11/12/19

Photo, Décorations de Noël cours Vitton, 11/12/19

Photo Décorations dans le 6ème arrondissement, Lyon 11/12/19

Photo Décorations du centre LGBTI Lyon, 06/12/19


Photo, Décorations de Noël Lyon 6eme, 11/12/19

Photo, Décorations dans le 6ème arrondissement, 11/12/19

Concours décoration en Virginie Photo Slate

Concours décoration à Bonnac-la-Côte Photo Le Populaire

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Les éclairages dans la ville ne sont pas seulement issues de l’éclairage public, nous l’avons vu précédemment. Ainsi, l’éclairage peut aussi s’associer à un espace de revendication et de lutte sociale. Dans les exemples récents, le Centre Hospitalier Universitaire de Caen a utilisé les fenêtres de chambres donnant sur le périphérique pour faire passer un message de détresse sur la situation de crise des hôpitaux, écrivant « S.O.S. ». La nuit peut aussi être un espace de revendication politique en soi, comme le mouvement de contestation Nuit Debout, qui s’opposait à la loi Travail, où se réunissaient la foule chaque soir dans un lieu choisi dans les grandes villes françaises, : place de la République à Paris, place Guichard à Lyon, etc. Un soir, une coupure de courant plonge la place de la République dans le noir. Nuit Debout accuse aussitôt le gouvernement via Twitter, voyant dans cette privation un signe de durcissement envers le mouvement, une forme de répression. Ils tweetent par exemple : « #Lampagate ils veulent éteindre nos idées, ramenez vos lumières pour éclairer notre #NuitDebout ». Malgré l’absence de lumière, l’occupation se poursuit, un feu de camp est allumé, briquets, bougies, lampes torches viennent au secours des manifestants qui continuent leur AG.

Appel au secour du CHU de Caen Photo Le Parisien

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v a l o r i s a t i o n d e l’ a r c h i t e c t u r e e t d e l’ a r t

La lumière permet de mettre en valeur le patrimoine de nos villes. Dans des périodes où la nuit tombe tôt, il est important de pouvoir montrer des choses à voir que ce soit aux enfants qui sortent de l’école, ou à un touriste en début de soirée. Éclairer les bâtiments, donne un accès privilégié à la culture, au patrimoine, éclairer Fourvière la nuit c’est pouvoir montrer à qui le veut, la beauté de ce bâtiment. « Éclairer une mairie donne l’illusion que le pouvoir ne dort jamais. C’est comme pour le bon Dieu : illuminer une église fait croire qu’il est toujours présent. » Laurent Fachard Nous savons que notre perception de l’espace dépend entre autres de ses limites que la lumière révèle. Or, la lumière étant différente la nuit, cette perception l’est également. Par exemple, prenons les tours du quartier des Gratte-Ciel à Villeurbanne : il paraît majestueux, on peut lire l’ensemble de ses ligne et de sa géométrie en pleine lumière. Imaginez cette tour baignée de lumière naturelle, on la lit, on la comprend, mais si seul le clair de lune fait descendre sa pâle lumière sur elle, elle devient alors mystérieuse, les contours du bâtiment disparaissent dans le noir. Imaginez à présent cette même tour, dont les arêtes seules sont nettement éclairées, alors on lit sa géométrie mais pas son contenant, on lis le contour mais pas le volume, la perception de l’architecture est de nouveau modifié. Choisir la manière dont on éclaire un bâtiment change son image. D’après Matthias Armengaud, “La nuit, le bâtiment a le droit d’être autre chose. Il a le droit de n’être rien du tout, de dormir. Il n’y a aucune raison que tous les bâtiments soient complètement ‹crazy›. Ils peuvent aussi accueillir de nouveaux programmes: une école peut devenir un centre social, une crèche ou un lieu de discussion politique par exemple.” Aujourd’hui on sait que la vision de nuit d’un bâtiment est quelque chose que les architectes prennent en compte, on trouve souvent de jolie vues 3D de nuit, où l’on distingue mieux les espaces, les profondeurs, car il n’y a pas de lumière naturelle qui écrase la vue. A l’extrême inverse, on sait que dans le noir il n’y a plus d’espace, donc plus d’architecture, d’où l’importance de bien éclairer ces mêmes architecture de sorte à les présenter dans leur intégrité. La lumière permet d’unifier, car elle éclaire d’une teinte uniforme, elle ré-établit les ombres et les contrastes d’un bâtiment dans son ensemble. Le mot ensemble est essentiel : on lit un ensemble et non des éléments dissociés et/ou dissociables, comme on pourrait le faire en journée.

C o n s e i l : Lors de la conception de votre façade, essayez de penser

comment pourrait-on l’illuminer pour les évènements. 83


Photographie, Gratte-Ciel de Villeurbanne : mise en valeur de la cage d’escalier par la couleur, 27/11/12

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Photographie Lyon de nuit Blog in Lyon

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L’éclairage public peut générer des événements. Le premier exemple auquel nous pensons est bien évidemment la Fête des Lumières. Celle-ci est née d’une tradition datant du XIXème : lors de l’inauguration de la statue de la Vierge Marie dominant la colline de Fourvière, les lyonnais vont spontanément déposer à leur fenêtre des bougies, afin d’illuminer la ville et ainsi la basilique de Fourvière, et la nouvelle statue. Une véritable tradition est née et, à la fin des années 80, on a commencé à mettre en lumière le patrimoine, les cours d’eau, le paysage lyonnais. Aujourd’hui, les illuminations de la Fête des Lumières consistent en des projections d’images, figuratives ou abstraites, animées ou non, sur les façades des bâtiments lyonnais. On modifie alors le temps de l’événement leur fonction, leur aspect, leur répercussion dans l’espace public. Les rues prennent pareillement de l’importance, on les éclaire dans leur continuité d’une seule couleur, on fait varier l’intensité lumineuse de celle-ci. De la sorte, le paysage urbain prend, aux yeux des lyonnais, un aspect tout nouveau, fantasmatique. La ville est ponctué d’objets lumineux, qui sont source de lumière pour l’espace environnant, ou qui sont œuvres lumineuses en ellesmêmes. La Fête des Lumières est devenue un projet politique : un pôle à part entière à la mairie de la Ville de Lyon est dédié à cette événement. L’équipe est composée d’une direction artistique et d’un chef de projet qui coordonne et programme l’événement au sein de la Délégation aux Événements et Animations Culturels de la Ville de Lyon. La Fête des Lumières est un temps d’expérimentation qui permet à la fois aux artistes de s’initier à la production mais qui permet également et surtout de mettre à l’épreuve des solutions d’éclairage qui par la suite pourront être adoptés par les ville, convaincues par des dispositifs testés en taille réelle. La lumière est alors porteuse d’un projet politique, et la Fête des Lumières est ici un temps où collaborations entre touristes, habitants, artistes et concepteurs se fructifie le temps d’une nuit et donne naissance parfois à des projets véritablement mis en place pour plusieurs décennies. Ce genre d’événement est aujourd’hui reproduit dans d’autres villes car très attractif : la Nuit Blanche de Paris, les Illuminations de la ville du Puy-en-Velay, où la projection sur des bâtiments touristiques prend place. Ce type d’événement public permet de promouvoir la conception lumineuse mais aussi de valoriser l’art et l’architecture.

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Photographie Fête des lumière : Hotel de Ville et Parc de la tête d’Or, 06/11/12


Photographie, Fête des lumières : Place Louis Pradel,06/12/19

Photographie, Fête des lumières : Place des Terreaux, 06/12/19

Photographie, Fête des lumières : Cathédrale St Jean, 06/12/19

Photographie, Fête des lumières : Lumignons aux fenêtres, 08/12/19

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Olafur Eliasson joue, dans certaines de ses œuvres, avec une lumière monochromatique, jaune. Il installe au fil des années et dans différentes villes du monde, Room for one color (1997), une pièce vide et entièrement baignée de cette lumière jaune. Dans cet espace, les objets qui le traversent perdent leurs couleurs et paraissent n’en diffuser plus qu’une, ou encore, plus aucune. Effectivement, sans lumière blanche, les objets deviennent, eux aussi, monochromatiques. La perception est alors posée comme le sujet tout entier de l’œuvre. C’est ainsi que l’on comprend combien la lumière, par un jeu d’illusion d’optique, peut exacerber ou inhiber des informations visuelles composants l’objet éclairé. « Si j’éclaire trop, partout, je banalise l’information visuelle, tout est à la même valeur, et du coup je n’ai plus ce processus, qui est un processus… Voir, c’est un processus actif de recherche d’information visuelle. De voir ce qui me saute aux yeux, quels sont les centres d’intérêt visuel. [...] il faut éclairer les choses en restituant leur intégrité. » Laurent Fachard « La nuit tous les chats sont gris. » Catherine Espinasse, Peggy Buhagiar dans Les passagers de la nuit: vie nocturne des jeunes, 2004

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conclusion



conclusion. conclusion. Il existe en France 9 millions de points lumineux et près de 300 millions à l’échelle mondiale. L’espace est recomposé grâce à la lumière, son intensité, sa couleur, l’emplacement et la hiérarchie des différents dispositifs d’éclairage public, qui participent à l’enrichissement des ambiances propres à chaque lieu et révèlent par la même occasion les usages qui lui sont associés. En outre, la lumière informe la politique d’un lieu, puisque par elle se réfléchissent les inégalités sociales, l’économie du paysage urbain, etc. L’éclairage est alors reflet des usages des habitants, des fonctions données aux lieux mais également des attentes de chacun, et des promesses de transformations ou non d’un espace. Nous avons démontré que l’éclairage public peut contrôler et civiliser la ville : son utilisation permet d’améliorer le cadre de vie en prônant la sécurité, mais l’identification d’autrui dans la nuit se pose au delà de la question de surveillance et de contrôle. Enfin, nous avons pu comprendre que l’éclairage ne doit pas être perçu comme accessoire mais comme réel objet de réflexion dans la conception de l’espace urbain, car c’est lui qui régit les pratiques nocturnes. Nos réflexions de concepteurs doivent alors prendre en compte cette dimension nocturne de nos réalisations qu’elles soient architecturales ou urbanistiques, afin de penser la ville nocturne par le biais des ambiances, de la sécurité, des perceptions propres aux usagers et des qualité sociales et environnementales, cela dans la continuité de la pensée diurne. Ainsi, ce guide est destiné à une meilleure compréhension des outils de conception de l’éclairage urbain, à échelle humaine, de sorte que des projets de tours de lumières américaines ne se reproduisent jamais… Après avoir étudier la discontinuité entre les espace placés dans la lumière et d’autres repoussés dans l’ombre. On se demande alors si on éclaire la ville pour montrer le chemin ou pour aveugler les usagers de ce qui se passe autour ? Fait-on apparaître les réseaux viaires au dépit de l’architecture ?

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bibliographie



Bibliographie Bibliographie ouvrages

-Espèces d’espaces, Georges Perec, Galilée, 2000 -Surveiller et Punir, Michel Foucault, Gallimard, 1975 -Manuel d’écologie urbaine, François Chiron, Les presses du réel, 2019 -La Nuit Désenchantée, Wolfgang Schivelbusch, Gallimard, 1993 -Les facteurs lumineux du sentiment de sécurité, Jean-François Augoyard, laboratoire Cresson, 1989 -Les passagers de la nuit : vie nocturne des jeunes, Catherine Espinasse et Peggy Buhagiar, l’Harmattan, 2004 -Vocabulaire de l’art urbain, Robert-Max Antoni, Séminaire Robert Auzelle, 1992

articles

Heidi Scrimgeour, “Open all hours: behind the scenes of the UK’s night-time economy”, The Guardian, 13 juillet 2016 CANDELA,. « Pour une sociologie politique de la nuit. Introduction », Cultures & Conflits, vol. 105106, no. 1, 2017, pp. 7-27. Mosser, Sophie. « Eclairage et sécurité en ville : l’état des savoirs », Déviance et Société, vol. vol. 31, no. 1, 2007, pp. 77-100. Sandra Mallet et Cécilia Comelli, « Politiques d’éclairage public et transformations des espaces urbains : une approche critique », Cybergeo : European Journal of Geography Karine Grollier, “Les nouvelles tendances de l’urbanisme-lumière”, Le Moniteur, 6 juin 2003 Samuel Challéat. ”Sauver la nuit” : empreinte lumineuse, urbanisme et gouvernance des territoires. Histoire. Université de Bourgogne, 2010 Sandra FIORI . La représentation graphique dans la conception du projet d’éclairage urbain, thèse de doctorat ss dir. de J.F. Augoyard- EAG, EAN, Ecole Polytechnique de l’Université de Nantes, mars 2001, 416 p Sébastien Roche, Expliquer le sentiment d’insécurité : pression, exposition, vulnérabilité et acceptabilité, Revue Française de science politique, 48e année, n°2, 1998, pp274-305

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podcasts, vidéos, sites internet

Association Le Jour de la Nuit : sensibilisation à la pollution lumineuse, sorties d’observation du ciel, opérations d’extinctions, partout en France (jourdelanuit.fr) Earth Hour par WWF : earthhour.fr Podcast France Culture, “La nuit : vivre sans témoin”

Normes et définitions

La loi de transition énergétique (article 188 & article 189) Label Villes & Villages Etoilés Outil Opepa de l’ADEME (http://opepa.ademe.fr/) Agence de l’environnement et de la maîtrise d’énergie, ADEME Plaquette ministère de la transition écologique arrêté Nuisance Lumineuse, 6 juin 2019 Plan lumière de Lyon (https://www.lyon.fr/projets-urbains/plan-lumiere) Mairie de Villeurbanne (service urbanisme) CS 65051 69601 Villeurbanne cedex 0478036767 Petit Robert de la langue française, Josette Rey-Debove et Alain Rey, Le Robert, 2013, p2733 Neufert : Les éléments des projets de construction - 11e édition, Ernst Neufert

Méthodologie

L’entretien compréhensif, L’enquête et ses méthodes, Jean-Claude Kaufmann, Armand Colin, 2014 L’entretien, Alain Blanchet et Anne Gotman, Armand Colin, 2015 L’analyse quantitative en sciences humaines et sociales, Pierre Paillé et Alex Mucchielli, Armand Colin, 2009

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entretiens



laurent laurent fachard fachard entretien

Alors d’abord, merci d’avoir accepté. Ensuite, comme première question… Est-ce que vous pourriez juste revenir rapidement sur votre travail et ce que ça recouvre en termes de… Disons de pouvoir… Enfin, qu’est-ce que vous pouvez faire et ne pas faire ? En gros, qu’est-ce que vous faites ? Pouvoir ? Un éclairagiste, ça n’a aucun pouvoir. Alors, quel est le sujet de votre interview ? C’est quoi ? Pourquoi vous venez me voir ? Pour en savoir plus sur le métier d’éclairagiste, pour savoir avec qui il travaille et comment il travaille. En fait, on fait notre projet de socio, qui s’intitule Pratiques Urbaines, autour de l’éclairage public. Ah, voilà ! Et donc on voulait un peu recouvrir tout l’aspect ambiances, et conception de la lumière dans la ville, notamment par rapport aux usagers. Donc, le titre, c’est Pratiques Urbaines… Oui. Et le thème… C’est l’éclairage public, pour nous. D’accord. Vous avez choisi ça pourquoi ? Un peu par curiosité, parce l’année dernière vous nous aviez fait un CM en présentant votre métier et vos travaux. Et, c’est un aspect qu’en École d’Architecture on ne traite pas du tout, la lumière et l’éclairage. Et, c’est bien, on construit des bâtiments, mais la nuit, à quoi ils ressemblent ? Sans éclairagiste, on ne peut pas le savoir, et c’est un aspect du projet qu’on ne traite pas forcément donc c’était un prétexte pour étudier ça. On fait un projet d’urbanisme en ce moment, et pas une seule fois on a parlé d’éclairage dans la ville. Et, c’est assez troublant, mais on fait de l’urba de jour. C’est ça ! Je le disais il y a trente ans mais… Le Maire, il n’a qu’une pensée diurne de la ville. L’urbaniste, il n’a qu’une pensée diurne de la ville. L’architecte, il n’a qu’une pensée diurne de l’architecture. Voilà. Oui, mais c’est vrai, et ça se ressent même dans la ville… Il y a un peu cette notion qui est compliquée… Alors, vous avez choisi un thème qui vous oblige à

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sortir la nuit. Oui. En tout cas pour ce qui est de l’urbanisme. Mais c’est assez troublant, parce que du coup l’architecture vient avant la lumière. Par exemple, derrière chez moi, y avait une rue qui a été faite l’année dernière. Et la lumière elle est venue que cette année, donc pendant un an il n’y avait pas d’éclairage dans la rue. Et c’est long, un an ! Faut se dire que c’était l’an dernier… C’est bien ! Oui. C’est correct ! (rires) Vous savez que c’est un fait de police depuis Louis XIV, je vous l’avais dit, ça. L’éclairage public. Donc voilà. Mais pour autant, un maire qui construit une nouvelle rue ou une nouvelle voie, il n’est pas obligé d’éclairer. C’est dans la loi. C’est dans la loi ? Mais vous imaginez bien que faire dans une ville éclairée une rue qui n’est pas éclairée, voilà, tout de suite, ça va… Faire peur à tout le monde alors que c’est stupide. Je vous l’ai déjà dit, les conflits de société de sont pas solubles dans la lumière, qu’elle soit policière ou divine. C’est-à-dire, voilà, ce n’est pas parce qu’on n’éclaire pas qu’il y a des meurtres. Du coup, qu’est-ce qui se passe si on n’éclaire pas ? Tout dépend du contexte. Dans un village, un maire qui construit une nouvelle voie pour desservir trois maisons, il n’est pas obligé de l’éclairer. Et puis ensuite, il y a cette notion qui a été très longue à faire venir. Donc voilà, c’est dans ce contexte là que, l’éclairage public, comme fait de police, et bien sûr son lien avec le sentiment de sécurité qu’on peut avoir la nuit, que tout cela se… Enfin, tout ça c’est du contexte, et l’approche a été purement industrielle, quantitative, sécuritaire, depuis l’origine jusqu’aux années 1980, en tout cas en Europe… Pour la question qu’en 80 ont démarré ce qu’on appelle les rénovations urbaines, et que c’est dans ce cadre là de la rénovation des villes qu’on a apporté un point de vue différent sur l’éclairage public. Voilà, ça ça date des années 80. Et dans ce cadre, Lyon était un peu une ville fédératrice puisque c’est une des premières villes qui lance un très gros plan de rénovation urbaine. Et dans ce cadre de rénovation urbaine on dit qu’on va refaire tous les espaces publics, qu’on va refaire toutes les voies, qu’on va moderniser, qu’on va élargir les trottoirs pour donner plus de place aux piétons, qu’on va faire des places piétonnes pour qu’il n’y ait plus la voiture. Dans ce cadre-là, les élus ont dit… ont donné le coup d’envoi à toutes les formes de rénovation urbaine. Donc ça a été, faire d’autres sols, faire des places plus végétales. La place des Terreaux n’en est pas un exemple… Et l’éclairage public est venu làdedans puisque c’est une des infrastructures de l’aménagement urbain. C’est les réseaux, c’est ce qu’on appelle les VRD, Voiries et Réseaux Divers. Et Lyon en particulier, c’est devenu… Cette délégation qui était donnée à la police, la délégation d’éclairage public, il y a un adjoint, il y a une délégation municipale, et celle à la police a été transférée à l’urbanisme. La ville de Lyon a lancé un concours pour renouveler tout le mobilier urbain, dont l’éclairage. C’est-à-dire les bancs, les piquets anti-stationnements, les panneaux, machins tout ça. Et l’éclairage public a fait partie de ce travail de réflexion, d’une nouvelle façon de travailler l’éclairage puisque l’approche elle avait été, depuis le régime, purement fonctionnelle. C’est-à-


dire comment éclairer la ville pour qu’on y voie… Le plus rapidement possible. Plus rapidement… On n’y voit pas forcément plus rapidement plus on éclaire. Plus on éclaire, moins on voit. Donc moins on éclaire, plus on voit. Plus vous faites du bruit, moins vous entendez, moins vous faites du bruit, plus vous entendez. L’analogie est pareille, vous pouvez la comprendre. Si j’éclaire trop, partout, je banalise l’information visuelle, tout est à la même valeur, et du coup je n’ai plus ce processus, qui est un processus… Voir, c’est un processus actif de recherche d’information visuelle. De voir ce qui me saute aux yeux, quels sont les centres d’intérêt visuel. Donc voilà, si j’éclaire pareil la route, le trottoir, la maison et l’immeuble, tout a un peu la même valeur. Alors bien sûr, une voirie n’a pas la même architectonique qu’une maison, mais, je veux dire… Voilà, si tout d’un coup je mets du contraste et que je réduis l’importance de la voirie je mets en valeur l’architecture. Ou si j’éclaire moins la voirie, je mets en plus en valeur le trottoir. C’est toujours cette question. Avec cette complexité… La lumière, c’est toujours cette question d’un rapport de contraste. Vous le comprenez si je vous dis… Pour rendre attractif un bol de riz, si je le mets dans un bol de porcelaine blanc, le riz blanc. D’accord, il est très beau, mais il faut que je lui mette beaucoup de lumière. Si je prends du riz et que je le mets dans un bol de bois laqué noir, je n’ai pas besoin de beaucoup de lumière. Et il est étincelant comme un bol de perles. Vous voyez ? Et cette notion de rapport de contraste elle est toujours là. Je vous avais fait cette expérience. [Laurent reproduit l’expérience d’un même bout de papier blanc sur une autre feuille blanche et sur son bureau en bois brun.] Vous voyez. Il y a la même quantité de lumière qui tombe, mais celle-là je la vois plus, parce que, rapport de contraste. La question du rapport de contraste est très… Bonjour, Pauline ! Est très importante, c’est comme ça qu’on procède. Cependant, voilà, c’est toujours très difficile, donc avec ce plan de rénovation urbaine et ce travail fait sur le mobilier urbain, il a été fait la dernière chose qui a été importante, donc c’est de passer l’éclairage de la police à l’urbanisme, d’en faire un savoir-faire à part entière. Ça veut dire que c’est pas à l’architecte qu’on va demander de faire l’éclairage public, c’est pas à l’ingénieur d’électricité, c’est pas au paysagiste. Il faut qu’il y ait un spécialiste de ça. Et, nous avons été quelques-uns, il y a 35 ans, à être là avec cette proposition-là. Comme je vous l’avais dit, moi je viens du cinéma et du théâtre, et ça m’a beaucoup intéressé, et j’ai travaillé dans à peu près toutes les formes de spectacle vivant, le cirque, les arts de la rue et tout ça. Et c’est d’ailleurs dans le travail avec les arts de la rue, Aurillac, Chalon-sur-Saône, tout ça, que je me suis rendu compte que la ville était très mal éclairée. Personne ne s’en occupait d’autre que des techniciens qui s’occupent de ça le jour, qui ne sortent pas la nuit, voilà. À cette époque-là, il y a 35 ans, tous les éclairages étaient à 45 degrés, avec des vasques bombées… Ça éclairait autant le ciel que la terre, que les façades des immeubles d’habitation, et avec des lampes de très mauvaise qualité sous lesquelles nous étions ou tous tout verts, glauques avec des lampes au mercure… Ou jaune chinois, avec des lampes aussi sales, au sodium. Or, pour qu’il y ait de la sociabilité, de l’échange, du lien social, la nuit aussi, et bien il faut éclairer les choses en restituant leur intégrité. Parce que si je prends une lampe jaune pour éclairer du calcaire, pour éclairer du granit, pour éclairer du béton, pour éclairer du marbre blanc, voilà, tout ça, ça s’éclaire différemment. Et puis les êtres humains, les usagers… Encore pire. Autant ! Tout autant plus, d’ailleurs. Voilà, notre travail, là, pendant 30 ans, a consisté à dire,

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non, ce n’est plus à 45 degrés, c’est à 0 degré, il n’y a plus de vasques bombées qui attirent l’œil, mais des vasques planes. Et puis, on va mettre des lampes qui restituent l’intégrité des choses. C’est-à-dire, quand je dis l’intégrité, c’est toutes les couleurs. La lampe sodium ou la lampe mercure elles ne restituent que 20% des couleurs. Faites l’expérience, il y a encore suffisamment de lampes jaunes dans les rues, de foutre un nuancier de couleurs, vous ne verrez plus que le jaune et le rouge. Le vert va paraître marron, tout ça. Le bleu va paraître noir sous cette lampe-là. Et puis cette notion est très moderne aussi, tout ça, ça participe de la modernité de la ville. Et puis la question de sa vie nocturne, la ville la nuit, elle fait partie de tout ce courant, et de cette modernité. Parce que, même si c’est la révolution industrielle qui modifie toute l’activité humaine au XIXème siècle, la maîtrise de l’électricité elle permet aux gens de travailler la nuit. Et l’éclairage participe de toute cette modification de la nuit, voilà. On n’a pas trop fait attention à la ville la nuit jusque je dirais à l’après-guerre et jusque dans les années 60, 70. Parce qu’on avait pas ce besoin à part à Paris, ville lumière, New York, Las Vegas, qui étaient des grandes capitales, mais à Lyon… Lyon était une culture industrieuse et religieuse, on ne sortait pas la nuit. D’abord parce qu’on travaillait, on démarrait le matin à 5 heures et demie au boulot, on finissait tard. En hiver, je démarre à 5 heures et demie, je finis à 5 heures et demie, il fait nuit quand je vais au boulot, il fait nuit quand je rentre. Et le plaisir de l’usage de la ville, de ses espaces publics, de ses terrasses de cafés, de restaurants, ouverts, tout ça… Fait partie de tout ce courant. La rénovation urbaine, elle a amené ça aussi. Faire des rues piétonnes, voilà très bien, ça fait des restaurants, donc ça fait des gens qui déambulent au moins dans cette rue-là, qui sortent plus tard. Ils sortent plus tard, qu’est-ce que je vois de la ville la nuit ? Et donc on a enchaîné là-dedans. Avec ce plan de rénovation urbaine est arrivé le plan couleur. C’est-à-dire de rénovation des façades. Si on parle de Lyon, proprement, plus particulièrement, mais ça a été valable dans toutes les villes. Dans les années 80, les façades de Lyon étaient toutes polluées et très noires. Et donc, pour éclairer du noir, il me faut cent fois plus d’énergie ou de matériel, que pour éclairer une surface éclaircie. Donc il y a eu ce plan couleur, de rénovation des façades, avec ce jeu de teintes froides pour toutes les façades du Rhône, parce que ce fleuve glacier qui vient des montagnes et de la neige est bleu et vert, plus bleu et vert que cette rivière qui vient des terres boueuses, qui est la Saône. Et il y a eu ce travail sur les façades, de travailler en teintes pastel froides sur le Rhône, et en teintes pastel… Et même colorées véritablement, sur la Saône. Et après ça est venue cette notion du plan lumière, qui a dit, on rénove la ville, on va éclairer les rues avec d’autres, avec ce concours sur le mobilier urbain, avec d’autres candélabres, on va sortir un peu de ces candélabres en fonte de Hittorff qui découlaient de la rénovation urbaine du XIXème siècle avec Haussmann, puisque Haussmann, en commençant ce plan de rénovation urbaine, associe Hittorff, le designer, à cette aventure, à cette première rénovation urbaine du XIXème siècle. Là c’est pareil, et donc on va rénover tous les espaces publics avec d’autres types de matériels plus contemporains, plus modernes. Voilà, voilà. Et donc le processus… La ville lance des appels d’offre pour le réaménagement des espaces publics, ils imposent dans les équipes qu’il y ait un paysagiste plutôt qu’un architecte, mais ça, ça participe aussi de l’histoire de la rénovation urbaine, de l’arrivée de l’École du paysage de Versailles, créée par Michel Corajoud, Bernard Lassus, Michel Desvigne… Et le pouvoir de l’architecte tout puissant est un peu remis en question. On prendra de moins en moins un architecte pour faire de l’espace public,

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de plus en plus un paysagiste qui prend aussi la valeur d’urbaniste, voilà. Alors ça a été un peu un conflit, parce l’architecte s’est vu défaire d’un domaine d’activité qui était le sien. Alors on ne le prenait plus que pour construire le chiotte dans l’espace public, le paysagiste prenait un architecte éventuellement pour faire le chiotte. Là je suis méchant, vous m’avez bien compris. Et, dans les équipes il y avait également un éclairagiste imposé ou un concepteur lumière. Et c’est ce qui a fait que dès les années 80, vers la fin des années 80, cette profession, cette nouvelle profession… Que je porte en partie parce que je fais partie des 5, 7 à l’origine qui avons créé cette Association des Concepteurs Lumière, ACE. On était 7, on est 70 ou un peu plus, maintenant, 80, mais bref. Et ça a fait que nous avons pu donc, rentrer dans ce processus de fabrication d’espace public, et on s’est intégrés dans cette démarche de la même manière que les paysagistes, les ingénieurs. Je veux dire, en phase AVP, enfin concours… Là, je suis en train de faire un concours à Caen, je viens de rendre un concours à Nice, avec des équipes d’architectes, de paysagistes et d’ingénieurs. On est intégrés dès l’origine du processus, dès la phase concours, dans le… C’est les architectes qui vous démarchent ? C’est les architectes ! Je suis sollicité à longueur de semaines et de jours, sur des concours. Voilà, on en fait à peu près une centaine… Entre 70 et 80 par jour, voilà tout ça c’est les appels d’offre. Voilà, alors le demandeur, c’est le mandataire, puisqu’on a toujours dans les équipes de maîtrise d’œuvre un mandataire. Donc c’est le mandataire, il y a un maître d’ouvrage, l’objet du marché c’est « Concours place de la Cathédrale » à Colmar, j’ai été invité par IN-SITU, par Passager des Villes, par Acte Deux… On est, pour… En fait, notre profession est tellement petite que je suis dans, des fois, trois, quatre équipes, Dijon Métropole, l’Avenue du Lac, j’étais chez AWP, Passager des Villes, Hors-Champ et Alfred Peter ! (Rires.) Vous avez le droit, de travailler avec plusieurs équipes en même temps ? Alors, c’est toujours très dangereux. Alors, quelques fois il y a exclusivité, et il y a exclusivité de tous les membres de l’équipe sur des très très gros concours, qui sont rémunérés par exemple. Mais, sur les phases de candidature, et puis il y a d’autres concours ou des appels d’offre qui sont lancés… Tout ne procède pas que par… Salut ! Tout ne procède pas que par concours, c’est des appels d’offre, des contrats cadres, des offres tout simplement. Et, l’exclusivité n’est pas forcément demandée. Elle est toujours demandée au mandataire, qui ne peut être que dans une équipe, mais nous sommes un peu considérés comme des BET. Comme tous les BET, on peut être dans plusieurs équipes… Jusqu’à ce que ça devienne compliqué, ça donne lieu… Cette candidature a donné lieu à un concours, et je suis dans deux équipes, donc là il faut que je me partage le cerveau, enfin il faut que je fasse une équipe à droite, une équipe à gauche. Parce que vous ne faites pas le même projet selon le mandataire. Et de toute façon, c’est pas l’éclairagiste qui fait le projet. Alors, ça c’est pour des concours d’aménagement d’espace public ou d’architecture, voilà. Après, sur des concours de mise en lumière, parce qu’on travaille aussi comme ça… Il y a un concours pour la mise en lumière du château de Versailles, on est là... On est mandataires, nous-mêmes. Et c’est que pour l’éclairage. Mais, sur les espaces publics, voilà. Alors, ça, c’est vrai que des fois, se retrouver à faire équipe avec plusieurs équipes, voilà. En général, ça arrive assez rarement, aussi parce que le maître d’ouvrage, voyant qu’il y a plusieurs bureaux d’étude dans les mêmes équipes ou quoi, cherche à diversifier les choses, quoi. Mais enfin, ce n’est jamais l’éclairagiste

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qui fait la différence. Ne vous inquiétez pas là-dessus. C’est pour ça que je dis toujours que je ne suis qu’éclairagiste. Et il y a des fois même, là, cette année, j’ai fait le concours des jardins de la méditerranée à Bessan, au-dessus de Béziers, là. J’étais dans 3 équipes, différentes, aucune n’as été retenues… Et les lauréats par la suite sont venue me chercher, “ouais on était partis sans éclairagistes et là maintenant la maîtrise d’ouvrage nous impose, donc on as penser à vous”. C’est cool. j’ai de la chance. J’ai beaucoup de chance car ayant été un des premier, j’ai été vite repéré alors, effectivement. Aujourd’hui vous avez beaucoup de concurrence ? Ah bah oui on était 7, aujourd’hui on est 70, les ¾ qui sont à Lyon ils sont passés chez moi. Vous êtes aussi un des pionniers de la couleur en ville dans l’éclairage, on a cherché l’impact et la signification des couleurs sur un lieu, pouvez-vous nous en parler ? Alors la couleur c’est la première donnée de la lumière, la lumière est colorée, tout le temps. La lumière naturelle est très colorée, toujours, aujourd’hui on a un ciel mitigé, quand on a un ciel serein on a un ensoleillement direct on est à 120 000 degrés kelvin … 6000 degrés kelvin quand il y a des nuages … Quand on allume une bougie on est à 2700 degrés kelvin. Une lampe sodium 1900, à incandescence 2500, et plus on ira vers la lumière du jour plus la température de couleur sera élevée. Alors l’utilisation de la couleur … je l’ai d’abord utilisée par provocation, pour éclairer la rue Bouchut à la Part Dieu , pour valoriser les trottoirs et les espaces publics faut réduire la prégnance de la voirie, faut baisser l’intensité sur la voirie et augmenter sur les trottoirs, et si pour cela on éclairait tout en bleu, on a pas besoin de tant de lumière sur la voirie, parce que les autos ont leurs phares. Tout le quartier sera éclairé en bleu, la Rue Bouchut c’est une expérience. C’est qu’une expérience, ils ont la trouille de faire la ville en bleu, c’est politique hein, éclairer c’est politique, c’est “faire la lumière sur” … au sens propre et figuré, je dis quelque chose en éclairant je donne du sens, le centre ville très éclairé et Vénissieux pas éclairé ça dit ce que ça dit. Le maire en a pas pris conscience autrement qu’un point de vue policier. Mais politiquement ça a vachement d’importance. Donc voilà, c’est une provocation, mais pas tout à fait, vous pouvez faire l’expérience c’est super agréable une rue en bleu. Le bleu c’est la couleur que je vais utiliser au cinéma, au théâtre. La nuit, la lumière perd de sa richesse prismatique, il perd en couleurs, la lumière est plus froide, bleutée, donc je vais toujours mettre du bleu. Pour figurer la nuit aussi. Quand j’éclaire les prisons, c’est pour réduire la prégnance de l’éclairage artificiel, tout autour de la prison. Ce bleu a un rapport aux surfaces qu’il éclaire, une différence, cette capacité à dématérialiser les matières je dirais. Enfin l’expérience de la couleur au parc de Gerland c’est quelque chose qui découle d’une absurdité de programme, le programme dit il faut que le parc soit éclairé mais pourquoi ? Le parc est fermé la nuit. Pourquoi l’éclairer ? On m’a dit “quand même pour la sécurité” toujours la même histoire. Ah bah vous voulez prendre les gens pour des cons, moi aussi je vais vous prendre pour des cons là. Donc j’ai cherché comment éclairer le parc sans éclairer. C’était à la fin des années 80 la pollution lumineuse le développement durable, tout ca personne n’en parlait, on envoyait de la lumière de partout. On a démarré le plan lumière pour ça. Pour autant je cherchais comment éclairer sans éclairer : “ah bah la couleur !” J’éclaire dans une longueur d’onde spécifique, j’éclaire avec un spectre différent, donc je ne


déclenche pas le cycle phytoécologique de la nature, si j’éclaire une plante en rouge, je ne redemarre pas son cycle de développement je ne lui donne pas l’illusion que c’est le jour. Je me rend compte que la couleur permet d’éclairer autrement, je travail avec ma synthèse additive, j’utilise du rouge du verre et du bleu, ces ombres mélangée me permettent de faire des ombres mélangé, colorés, de jouer. Ces expériences ont été fondatrices de ce travail, qui ont aussi ouvert une voie, comme la place des terreaux ou j’éclaire que les façades, c’est la lumière réfléchie qui éclaire l’espace, jusqu’à ce qu’il refont là. Parce que Gérard Collomb quand il est passé au ministère a remis l’éclairage public à la police alors que c’était à l’urbanisme. Et il disent que la place des Terreaux est un coupe gorge, et là il l’a ré-éclairée de manière plus policière. Bref vous voyez j’ai beaucoup de chantier (il nous montre son bureau) j’ai tout le temps des inaugurations, mais des inaugurations diurnes. Parce que sortir la nuit c’est encore compliqué, pour toutes cette sales racailles de politique Votre métier c’est aussi faire avec les politiques ? Sur la question de l’urbanisme c’est lié au pouvoir public, l’architecture aussi, je fais le concours avec Renzo Piano sur la palais de justice, c’est une commande politique, une commande de l’etat très politique. Ce métier c’est un métier de commande jusqu’à ce que tu t’appelle Zumthor et qu’on te laisse faire les thermes de Valls comme tu veux. Même le privé tu réponds à une commande. La liberté d’expression est très relative, et si moi j’ai pu faire tout ça dans l’espace public, c’est à dire pas éclairer la place des Terreaux. C’est pas parce que c’est pas éclairé qu’il y a des meutre, il y’en a pas eu pendant 25 ans. Euh… il n’empêche que tu es lié au pouvoir et à une commande, les normes viennent avec le politique, les normes européenne par exemple disent qu’il ne faut pas éclairer en dessous de 5 lux. On est toujours beaucoup soumis à autrui. Ça vous arrive souvent d’avoir des commandes dans le privé ? Oui mais pas autant que dans le public parce que je ne fais pas confiance au client privé, car il paye ou ne paye pas, que ce soit des architectes ou des éclairagistes, il ne faut pas tomber sur un bandit. Quand c’est pour le privé je préfère les milliardaires. Je travaillais sur la villa où Jean Cocteau passait ses vacances à St Jean Cap Ferrat, cette maison a été rachetée par un milliardaire russe et là il m’a viré après deux ans de travail. Et ils voulaient même pas payer mes honoraires ! On vient de finir l’éclairage du château Margaux, le grand vin, à Bordeaux. J’ai fait la maison de monsieur Seydoux, le patron du football club de Lille et le frère du directeur de la chaîne M6. Faut faire attention avec le privé, et tu n’as pas forcément plus de liberté, tu es toujours soumis à une commande. Sauf que c’est un champs d’expression et de création comme l’architecture donc c’est compliqué. Je cherche à éclairer autrement les choses. Y’a une attitude à avoir même dans la contrainte, y’a des plans lumières dans toutes les villes c’est quelquefois absurde mais ca permet quelquefois de contourner la contrainte. Donc vous recevez des commandes ? Quelles sont les étapes ? Vous travaillez tous seuls ? On est tout seuls pour la mise en lumière, mais on est jamais trop tout seul. Je suis soumis à des architectes, parfois des architectes des bâtiments de France, à qui je dois faire valider

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mon projet. Vous proposez et vous modifiez après ? Comme un échange ? C’est ça oui. Et sinon la relation avec l’archi et le paysagiste c’est soit le bâtiment préexiste donc il y a des plans, donc on interroge cela pour construire la lumière. S’il s’agit d’un nouveau projet je doit attendre le plan d’aménagement. Son fichier autocad va me permettent d’implanter les éclairage, et faire les calcules photométrique, on as toutes une phase d’ingénierie, comme l’acousticien par exemple. Et on enchaîne sur les phases AVP, PRO, DCE , ACT … vous connaissez tous ça. On est un corps d’état, comme un BET, dans un domaine spécifique. Vous vous rendez souvent sur le terrain ? Ah bah oui oui. On commence les études en réunion, on les poursuit dans nos agences et dès la phase de consultation des entreprise et DCE on va sur site, sur le chantier oui. Pour l’aménagement des quais de la Garonne à Bordeaux, j’ai passé 10 ans à aller toutes les 3 semaines à Bordeaux, le chantier a duré longtemps. J’ai commencé avec Juppé, lui il est parti, il a fait des conneries. Mais nous on était là. Il est revenu pour l’inauguration. C’est souvent comme ça, c’est long, je travaille sur la Duchère depuis 20 ans. Oui d’accord. Vous disiez plus tôt qu’on éclaire du granit d’une autre manière que le béton, vous pouvez nous en dire plus ? C’est une science et une technique, chaque matériau est référencé avec son facteur d’absorption et de réflexion, il y a des abaques pour ça, comme vous avez des abaques de structures. Après c’est de l’ingénierie, c’est pas sensible, c’est scientifique. Mais la lumière ça n’existe pas, c’est l’objet qui l’absorbe qui l’a créé. Quand Jean Nouvel fait l’opéra de Lyon tout noir avec laque réfléchissante, et bah c’est l’horreur de l’éclairagiste parce qu’il faut 100x plus de lumière pour éclairer ça que s’il l’avait fait en blanc. Bon s’il l’avait fait en blanc ca serait pas ce que c’est mais il a poussé le bouchon un peu loin. Parce que tout était noir jusqu’au 6eme sous-sol où les électricien travaillent toute la journée. Donc ça a gueulé. Ah oui là ça a gueulé. Normal Oui Bah oui parce que les services techniques qui passent leur vie dans le sous sol en plus c’était tout noir. Pour les qualités de vie c’est pas facile. Donc là quand ils sont venus me chercher je leur ai dit “bah c’est pas ripolux qu’il faut c’est ripolin”. Ripolin c’était un fabriquant de peinture. Les peintures ripolins c’était très connu dans le siècle dernier. Donc 6 mois après la livraison quand il m’ont contacté parce que les services techniques n’en pouvaient plus (Rire), on savait pas comment éclairer ça. Donc j’ai fait un rapport et je suis venu à une réunion avec Jean Nouvel, j’ai dit “bah ripolux n’y fera rien c’est ripolin”, et là Nouvel m’a dit “tu sors t’as rien compris” (Rire) et là j’ai dit “bah si j’ai compris… Mais tu


prends les gens pour des cons à peindre en noir au 6eme sous sol, c’est insupportable alors que tu mettes du noir à l’entrée, dans la salle si tu veux, pas de soucis mais pas chez les costumiers, dans les loges, pas partout.” Et je suis sorti parce que quand même. (Rire) C’est vous qui faites la lumière, dans l’architecture naturelle. Oui, moi j’ai une question particulière. Quand on est sorti pour faire des photos de nuits, et la végétation n’était pas éclairée ou très peu. Et ça peut être pertinent, c’est joli ? C’est qu’on a commencé à éclairer la végétation, des spots sous les arbres, c’est récent, mais ces notions là on été remises en question par le développement durable et la préservation des espèces et de la nuit donc aujourd’hui on éclaire plus trop les arbres pour cela. Le débat est encore vif car le premier facteur de la lumière c’est la couleur, et le deuxième facteur c’est la temporalité. Aujourd’hui la lumière n’est pas figée de la tombée de la nuit au lever du jour, ce que pourrait penser le politique. Par exemple on éteint les illuminations des bâtiments la nuit, mais monsieur Collomb ne veut pas il veut que Fourvière soit éclairée toute la nuit ,pareil, parce que c’est important pour le patrimoine tu comprends. Non faut éteindre à partir de minuit la semaine, 1 heure le weekend. Les bâtiments sont éteint la nuit mais contre l’avis du maire, mais on s’en fout il sort pas la nuit lui. Ducoup on triche, on fait des trucs dans le dos… On baisse l’intensité maintenant, par exemple la place Bellecour on baisse l’intensité la nuit à partir de minuit, personne le voit. Si on éclaire de manière uniformément ça se voit pas si on baisse l’intensité, mais pour l’énergie c’est important. De toute façon y’a des temps de la nuit différent, des temps différents de part les pratiques urbaines, comment les gens sortent la nuit. Il fait nuit à 17H, les enfants sortent de l’école, on peut leur montrer des choses. Plus tard à 20H la personne qui rentre chez elle, veut juste rentrer chez elle, l’attention visuelle est différente. Le système visuel est différent, un adulte, un vieillard, un enfant, dans des temps différents, c’est différents de quand vous vous sortez, foutre le bordel dans les villes. Parfois vous rentrez à une heure, deux heures, trois heures. Puis à 5 heures, les gens partent travailler, tout ça c’est des publics différents, des visions des perceptions différentes. Dans toutes mes installations j’ai une programmation de toute la nuit : de l’éveil urbain, au coucher, du matin, à la pénombre. Enfin voilà, pour temporalité des éclairages. Vous avez d’autres questions? Non merci, merci beaucoup de nous avoir reçu Merci Merci beaucoup Si vous voulez faire de l’éclairage après l’archi, voilà. Dans nos projets d’urbanisme on a vraiment envie d’intégrer cette dimension, de la lumière. Ce qu’on ne traite pas du tout encore. Il y a une littérature autour de cela : la lumière et l’architecture, l’éclairage urbain, beaucoup sont au éditions Le Moniteur, voilà et le CSTB qui a des nomenclatures sur le sujet, et il y a les plans lumières. Et sur la pratique de l’éclairage urbain, il y a des nouveaux livres la dessus, mais c’est très sommaires.

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C’est à dire éclairer une rue , c’est prendre la largeur de la rue pour avoir la hauteur du candélabre et multiplier par 3 pour avoir son interdistance. Les ¾ de l’éclairage en france c’est pas nous, cest fait par des BET, des fabricants direct. Les maires quand ils veulent éclairer il appel des BET et les BET appel les fabricants. D’accord, merci beaucoup Et si vous voulez avoir un peu de maîtrise de ça dans votre activité professionnel c’est important de s’intéresser à cela. J’ai l’impression qu’on s’en rend plus compte qu’avant, avec l’enseignement lumière par exemple en L2. Sauf que vous n’avez pas d’enseignement en urbanisme sur cela, ou même pour la lumière naturelle. Juste rapidement en technique oui. En urbanisme nocturne encore moins. Le premier plan lumière c’est le plan de L’isle d’abeau, une ville nouvelle, ce mouvement en urbanisme, issus du plan Marshall dans l’après guerre : marne la vallée, st quentin en yveline, cergy pontoise. Ca faisait parti du plan Marshall, notamment l’isle d’abeau, fondé une ville à la campagne. Vous avez entendu parler de tout ça ? Oui (il nous montre le plan lumière de l’isle d’abeau, datant de 60 sur son ordinateur) C’est important dans l’histoire de l’urbanisme français. Dans ce cadre là, c’était innovant de faire une ville nouvelle. Surtout a la campagne, pas a la suite d’une ville, et bah ils ont intégrer l’éclairage directement à la demarches, et ca c’est le premier plan lumière. Ca date de 66. J’étais pas née, enfin si mais j’avais à peine 10 ans. Non j’avais plus en fait. Je me rajeunit. La démarche là c’est des croquis, des dessins. Regardez : l’impact, la dynamique, l’intensité, la couleur, à quoi sert la lumière, les fonctions, la solicitations, la sécurité, le témoignage, les véhicule, l’habitat, la signalisations, la publicité, les vitrines, les lumières occasionnels, la qualités de la lumières, la qualités de la vie, ils font le premier plan lumière, aspect diurne, aspect nocturne. Ça c’est une pièce unique, historique. Oui c’est très bien illustrer. La perception du piéton, la composition du paysage. C’est très important. Demandez vous ce que vous devez éclairer ? Les arbres ? Les piétons ? Toutes ces notions pour finir par le rapport entre l’homme et l’éclairage et le mobilier urbains : banc, lampadaires, toilette. Tout cela dans la démarche de créer un éclairage innovant pour ces villes nouvelles, à St Quentin c’était des vasque rempli de caillou, à l’isle d’abeau c’était ça. Chacun a développé son type de lampadaire pour marquer et refléter sa ville. Ces croquis la date de 1966. Chaque ville et quartier devrait être éclairer différemment, mais ca on y vient tout doucement. Voilà on peux faire des luminaires avec autres choses que du métal. C’est la même usine qui fait des mas dans notre pays, qui fait des obus dans d’autres (Rire), voilà.


Merci beaucoup de nous avoir reçu. J’espère vous avoir aider. Merci beaucoup.

sandra sandra fiori fiori Nous avons rencontré Sandra Fiori, cependant elle ne se sentait pas à même de répondre à nos questions car cela fait 10 ans qu’elle n’a pas travaillé sur le sujet. Elle n’est pas très au courant de ce qui se passe actuellement et elle ne souhaitait pas nous induire en erreur. Elle a cependant pu nous aider à formuler certaines parties de notre rapport, nous recentrer sur certains propos. Elle nous a conseillé de se concentrer sur notre analyse du site et nos enquête de terrain de Villeurbanne, qui est source forte de ressource. Suite à cela nous avons multiplié nos expériences nocturnes sur le terrain. Sandra Fiori a également alimenté notre bibliographie en nous prêtant des livres, et des données précieuses à l’avancée de notre travail : les facteurs lumineux du sentiment d’insécurité sous la direction de Jean François Augoyard et la nuit Désenchantée par Wolfgang Schivelbusch

grille d’entretien

Dans votre thèse vous expliquez notamment que la conception lumineuse est à penser en terme de démarche et de mode d’intervention, voire de scénographie et de scénario. Comment cette idée prend-elle place dans le cadre d’un processus d’éclairage, notamment dans le cadre d’éclairage de points (comme un pont, une place, une station de transport…) ? Comment qualifier de la réussite d’une installation d’éclairage ? Pensez-vous que l’éclairage peut permettre de requalifier des lieux défavorisés (par exemple banlieue populaires, espaces à l’abandon…), dans quelle mesure ? La lumière renseigne-t-elle plus qu’elle n’éclaire ? c’est à dire renseigne-t-elle un quartier, une population ? Quelless sont les conséquences à différentes échelles d’un projet d’éclairage ? Dessine-t-on la ville nocturne par la lumière ? La lumière a-t-elle un impact sur la ville diurne ? Pouvez nous parlez du noir ? Qu’est ce qui se passerait d’après vous si on éteignait la ville ? Toujours dans votre thèse, vous parlez des fonctions auxquelles répondent une scénographie lumineuse avec notamment la création de points de reprère pour rendre la ville lisible : comment choisir ces points de repères dans des villes comme Villeurbanne, où le tourisme est bien moins présent qu’à Lyon, pourquoi les créer, servent-ils réellement aux habitants ? De même sur la question symbolique.

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