Comment favoriser l'adéquation entre le lieu de vie et la résilience des enfants de l'aide sociale …

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Mémoire Innovation By Design Pascale Nollet

Comment favoriser l’adéquation entre le lieu de vie et la résilience des enfants de l’aide sociale à l’enfance ?

Maitre de mémoire : Gisèle Bessac Maitre de stage : Fréderic Ghyselen

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SOMMAIRE INTRODUCTION Chapitre 1 : contexte 1. LES MECS a) Du caritatif aux MECS d’aujourd’hui b) Evolution des droits de l’enfant : chronologie 2. SOCIOLOGIE : quelques chiffres a) Typologie des enfants maltraités b) Les chiffres au niveau national et local 3. LA MAISON DU CAPREAU à Wasquehal a) L’histoire b) Le site : descriptif du lieu de vie et de son fonctionnement c) Organigramme : complexité de l’organisation Chapitre 2 : Le lieu : Regard de différents auteurs 1. LIEU D’EDUCATION, de construction, d’apprentissage - Philippe Mérieux 2. LIEU DE RESILIENCE: Un lieu de «re-construction» - Boris Cyrulnik 3. LIEU DE VALEURS: Un lieu de socialisation - Michel Foucault, Marc Augé et Edward.T. Hall 4. LIEU DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE DE L’ENVIRONNEMENT Gustave-Nicolas Fisher et Gabriel Moser. 5. SYNTHESE : Leviers et freins de « résilience. » Chapitre 3 : Actions 1. METHODOLOGIE 2. LES MECS: état des lieux, diagnostic 3. PROPOSITIONS : a) espace conçu : actions pour favoriser l’appropriation du lieu b) espace vécu : actions pour faire naitre le désir. 4. PERSPECTIVES CONCLUSION

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INTRODUCTION

54000 enfants et adolescents en difficulté sociale sont hébergés en établissement à caractère social. Ce nombre impressionnant interpelle : De qui parle t-on ? A quelle difficulté sociale fait t-on référence ? Pourquoi ces enfants sont-ils placés ? De quoi ont-ils besoin ? Quels sont ces établissements ? Quel est leur fonctionnement ? Qui intervient dans ces structures ? Et enfin, ces structures répondentelles aux besoins de ces enfants ? Toutes ces questions m’ont amenée à m’investir dans ce sujet. Il s’agit d’enfants dont les familles, en grande difficulté momentanée ou durable, ne peuvent pas assumer leur charge et leur éducation. Les enfants sont pris en charge par le service départemental de l’aide sociale à l’enfance, dans le cadre d’une protection administrative ou par le juge des enfants, dans le cadre d’une protection judiciaire au titre de l’enfance en danger (art 375 du code civil) ou au titre de l’enfance délinquante (ordonnance du 2 fevrier1945). La majorité de ces enfants sont accueillis par les MECS (Maison de l’enfance à caractère social). Il existe 1100 maisons d’accueil en France. Si le département est le « chef de fil » de la protection de l’enfance, il délègue l’exercice de cette mission à des opérateurs privés. Le présent travail, s’inscrit dans l’un de ces établissements : la maison d’enfants du Capreau à Wasquehal. Crée en 1958, la maison d’enfants du Capreau accueille 70 enfants, frères et sœurs, âgés de 3 à 14ans. Dans un parc de 2 hectares, 3 pavillons qui se caractérisent par une infrastructure et une architecture des années 70-80 et appréhendent la question de la prise en charge par le collectif. Ainsi, il n’existe pas d’espace individuel et privatif pour l’enfant. On y observe : un dortoir, une salle à manger commune, une salle de bain collective. Cette situation problématique est contraire aux orientations des politiques d’accompagnement actuelles, qui, elles, sont favorables aux 3


droits de la personne, à l’individualisation de la prise en charge et du respect des valeurs éducatives des projets d’établissement. Il existe donc une tension entre cadre de vie, maintenant inadaptée et les intentions pédagogiques et éducatives rendues obligatoires par les pouvoirs publics. Il y a lieu de mettre en perspectives les conditions favorables du bien devenir des enfants. C’est dans cette dialectique que se situe ma réflexion. L’approche par le design va permettre d’imaginer le champ des possibles. L’espace de vie et le mode de vie quotidien des enfants et des professionnels doivent pouvoir se connecter et se rencontrer ; La gageure est d’autant plus de taille, qu’au-delà des considérations légales et éthiques, les établissements font face à une rationalisation budgétaire de plus en plus contraignante. En effet, il existe une relation causale entre le lieu de vie et les mécanismes de résilience des enfants. Peut-être existe t-il une relation symétrique entre ces 2 éléments : lieu de vie/résilience et résilience/lieu de vie. Pour émettre cette hypothèse, je m’appuie sur les écrits de plusieurs auteurs : Gustave Nicolas Fisher qui explique que «l’espace est chargé d’attribut exerçant certaines influences, mais il est aussi vécu à travers des usages dont le sens se lit dans notre capacité à agir sur un lieu tout en nous y adaptant » Dans son cours sur la psychologie des espaces, Gustave-Nicolas Fischer définit l‘habitat de la façon suivante : « L’habitat remplit plusieurs fonctions d’un point de vue psychosocial. Il est un espace d’intimité, un abri qui permet un repli sur soi susceptible de s’ouvrir vers l’environnement. Il est le lieu d’un enracinement psychologique, un territoire dans lequel on construit le sentiment d’identité. Il est un havre de sécurité. Enfin, il est lieu de socialisation, premier univers social, d’espace d’échanges affectifs, de normes sociales et de normes personnelles. L’homme et l’environnement ne peuvent plus être considérés comme deux entités indépendantes car elles fonctionnent en interaction. Les représentations, les attitudes et les

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sentiments engendrés par un lieu sont des aspects essentiels pour une analyse psychologique de l’espace. » Notre relation à l’espace peut être appréhendée à travers différents prismes :  Le Corbusier (architecte) nous dit que « la première preuve d’existence, c’est d’occuper l’espace ».  Edward T. Hall1 définit la relation à l’espace dans son concept de «proxémie», c’est la distance entre les individus et la manière dont est vécue cette interaction.  Boris Cyrulnik2 nous relate les mécanismes de résilience, il met en avant l’importance des liens entre les individus, et l’appropriation de leur lieu de vie.  Kurt Lewin3, lui considère le comportement comme étant le résultat de l’interaction de l’individu avec son environnement. Enfin, pour James J. Gibson4, « l’environnement est un pourvoyeur de moyens, il nous fournit des opportunités et des contraintes (des affordances) que chacun est libre d’utiliser. La problématique de l’adéquation lieu de vie/résilience des enfants de l’ASE apparait clairement dans le champ de l’innovation par le design. Nous formulerons notre réflexion de la façon suivante : quels nouveaux outils peut-on proposer aux MECS pour favoriser l’adéquation entre lieu de vie et la résilience des enfants de l’aide sociale?

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Edward T. Hall, de son nom complet Edward Twitchell Hall est un anthropologue américain et un spécialiste de l'interculturel 2

Boris Cyrulnik, né le 26 juillet 1937 à Bordeaux, est un psychiatre et psychanalyste français

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Kurt Lewin est un psychologue américain d'origine allemande spécialisé dans la psychologie sociale et le comportementalisme, acteur majeur de l'école des relations humaines. 4

James Jérôme Gibson (1904-1979) est un psychologue américain

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Pour répondre a notre problématique, je propose un plan en trois parties :  Une première partie pour présenter le sujet par sa contextualisation.  Une seconde partie par le regard de différents auteurs, viendra nourrir la compréhension du lieu et des conditions favorables à la résilience.  Enfin, la troisième partie fera part de mon expérimentation, et de mes actions au sein de la Mecs de Wasquehal.

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Chapitre 1 : contexte

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1. LES MECS Les Maisons d'Enfants à Caractère Social (MECS) sont des établissements sociaux ou médico-sociaux, spécialisés dans l'accueil temporaire de mineurs. Ils fonctionnent en internat complet ou en foyer ouvert (les enfants sont alors scolarisés ou reçoivent une formation professionnelle à l’extérieur). Le placement en MECS a notamment lieu dans les cas de violence familiale (physique, sexuelle ou psychologique), de difficultés psychologiques ou psychiatriques des parents, de problèmes d''alcoolisme, de toxicomanie, de graves conflits familiaux, de carences éducatives, de problèmes comportementaux de l'enfant, de l'isolement en France d'un enfant étranger... Les Maisons d' Enfants à Caractère Social sont soit des structures privées gérées par des associations ou des fondations, soit des établissements publics. Les MECS relèvent de la compétence du Conseil général, qui délivre l'habilitation pour recevoir des enfants relevant de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) et les finance L’organisation de la protection de l’enfance en France relève d’un dispositif complexe qualifié par Claude ROMEO5 de « boîte noire rendue opaque du fait du nombre important d’intervenants, de l’intrication des champs de compétences, de la diversité des procédures ou encore de la technicité de la terminologie en usage qui ne facilite pas toujours la compréhension des décisions rendues »

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Les compétences de Claude Roméo sont reconnues au niveau national: en 2000, Ségolène Royal, alors ministre déléguée à la Famille, le nomme conseiller technique

de la loi puis, en 2005, Philippe Bas l'invite à participer au comité national pour l'élaboration de la loi sur la protection de l'enfance. Sur le terrain, Claude Roméo lance les maisons pour adolescents. Et lorsqu'il prend sa retraite, il poursuit le combat auprès des mineurs étrangers isolés.

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a) Du caritatif aux MECS d’aujourd’hui

Les MECS ont une existence légale depuis l’arrêté du 13 juillet 1960. Au début, elles étaient des orphelinats accueillant des garçons et des filles sans famille. Le rôle des religieuses consistait à remplacer les parents. Elles devaient apporter à l’enfant, « l’autorité, l’affection profonde et la surveillance qui sont nécessaires à leur équilibre et à leur développement » comme le dit un article de l’époque. La communauté représentait «la famille de l’enfant» et agissait en tant que substitut parental. Les enfants ne se voyaient proposer qu’un seul modèle éducatif. A la fin des années 60, la plupart des communautés religieuses cèdent la place aux équipes laïques. Jusqu’en 1970, beaucoup d’établissements accueillent à la fois des jeunes délinquants, placés au titre de la jeunesse délinquante et les autres. D’ailleurs la notion de maison de correction ou de redressement reste fortement ancrée dans l’imagerie populaire. Les années 70 ont vu la transformation des orphelinats en MECS. Les orphelins, dont le nombre n’a cessé de diminuer, laissent la place aux enfants cas sociaux. Dès lors, les équipes éducatives, laïques ou religieuses cessent d’être considérées comme le seul substitut parental et la responsabilité de l’évolution du devenir des enfants est partagée entre la famille et les établissements. C’est à la fin du 19ème siècle seulement que l’enfant commence à être considéré comme un sujet de droit et non plus comme un objet. La notion de « droit de l’enfant » apparaît.

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b) Evolution des droits de l’enfant : chronologie

- La loi du 24 juillet 1889, dite loi Roussel, entend protéger les enfants maltraités et moralement abandonnés. - La loi de 1898 prévoit l’aggravation de la peine lorsque l’auteur du délit est l’ascendant ou le gardien de l’enfant. - Au 20ème siècle, on reconnaît des droits à l’enfant. Il est considéré comme un individu à part entière. - La loi de 1945, relative à la création de l’aide sociale à l’enfance, construit le système français de la protection de l’enfance. - La loi de 1975, réf 534 et 535 , va cadrer le paysage des acteurs. - Le 10 juillet 1989, la loi relative à la protection des mineurs et à la prévention des mauvais traitements est votée. Elle a pour effet de .redéfinir et de soutenir le travail des professionnels de l’enfance. - Le 20 novembre 1989, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, proclamée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, énonce au travers de 54 articles les droits fondamentaux de l’enfant. - En 1995, le Parlement français décide de faire du 20 novembre « La journée nationale de défense et de promotion des droits de l’enfant ». - La loi de 2002/02 : met l’usager au centre du dispositif. - La loi du 5 mars 2007 réforme la protection de l’enfance et confie au conseil général la responsabilité d’assurer le recueil, le traitement et l’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger. Elle fait de la prévention un des axes majeurs du dispositif de protection de l’enfance. Elle aménage le secret professionnel et instaure la primauté de la protection administrative sur la protection judiciaire.

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2. SOCIOLOGIE : quelques chiffres

a) Typologie des enfants maltraités

On considère qu’un mineur (enfant ou adolescent) est maltraité dès lors qu’il est victime de négligences graves, de mauvais traitements, d’exploitation, de violences sexuelles de la part de ses parents, de tout autre adulte ou de mineurs. La loi du 5 mars 2007 élargit la définition de la maltraitance avec la notion « d’enfant en danger » qui s’applique « lorsque la santé, la sécurité ou la moralité du mineur sont en danger ou risquent de l’être, ou lorsque les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises. Il n’existe cependant aucune définition juridique de la maltraitance. Elle fait seulement une apparition dans la loi du 9 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et dans le code civil article 375 évoquant la notion de danger pour la santé, la sécurité, la moralité et la condition d’éducation d‘un mineur. Cette absence de cadre strict oblige à chercher une définition du côté des organismes internationaux et étatiques. Plus précisément, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la maltraitance de l’enfant comme « toutes les formes de mauvais traitements physiques et/ou psychologiques affectifs, de sévices sexuels, de négligences ou d’exploitation commerciale ou autre, entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité dans un contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir. ».

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b) Les chiffres au niveau national et local

Les tableaux ci-dessous précisent les chiffres des différents types de maltraitance, qui ne tiennent compte ni des signalements faits directement auprès des procureurs de la République ou des associations, ni des cas anonymes et non signalés.

Figure 1 : L’ODAS : Observatoire national De l’Action Sociale décentralisée, a été créé le 14 juin 1990.

Les deux études menées dans les départements du Nord (en 2000) et des Vosges (en 2002) relèvent que le couple parental ne constitue plus le modèle familial le plus fréquent (nombre important de familles monoparentales). Selon d’autres études, il apparaît également une surreprésentation des familles nombreuses (avec trois enfants ou plus). D’autre part, plusieurs travaux soulignent avec insistance l’importance des problèmes de santé des parents (alcoolisme, délinquance, toxicomanie, psychopathologie, pathologie psychiatrique).

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On constate aussi qu’une grande majorité des mineurs bénéficiant d’une mesure de protection sont issus de familles en situation de précarité économique importante ; beaucoup de ménages ne disposent que des prestations sociales pour vivre. Les mères sont plus souvent les cibles des interventions sociales. Les catégories socioprofessionnelles les plus concernées sont les ouvriers et les employés).

3. LA MAISON DU CAPREAU à Wasquehal

a) L’histoire

Fondée en 1895 par Maître Carpentier, avocat, la Société de Patronage de la Région du Nord (SPRN) accueille des libérés conditionnels et œuvre pour le placement des jeunes déshérités, en orphelinat ou dans des fermes de la région. En 1923, la SPRN s’installe au 169 rue de l’abbé Bonpain à Marcq-en-Barœul. Ce premier établissement est conçu et construit pour l’association, à l’initiative de Maître Robert Stahl, Secrétaire Général de 1926 à 1945. Elle est reconnue d’utilité publique le 2 juillet de la même année. Il s’agit d’une association historique de la région Nord/Pas-de-Calais, reconnue d’utilité publique pour les actions qu’elle a menées en faveur des enfants juifs, elle est l’héritière de l’assistance publique, de la DDASS et de l’aide sociale à l’enfance. La SPRENE développe des actions d’accompagnement et de prise en charge des enfants et de leur famille selon une diversification adaptée à chacun. Ainsi la SPRENE propose des modes de prise en charge type internats, les MECS, des appartements pour les jeunes majeurs, des actions à domicile, pour soutenir la parentalité. Au fil du temps, et avec les aides progressives des pouvoirs publics, les responsables successifs vont développer et mettre en œuvre des formes d’accueil et d’accompagnement pérennes assurant une prise en charge de qualité par un personnel de plus en plus qualifié.

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b) Le site : descriptif du lieu de vie et de son fonctionnement

C’est dans cet esprit novateur que Mr Frédéric Ghyselen, directeur de la maison de l’enfance de Wasquehal, m’a accueillie dans sa structure, acceptant un regard extérieur dans la découverte du lieu et de son fonctionnement. La grande différence de nos parcours professionnels est source de créativité et nous permet des échanges enrichissants. La maison d’enfance de Wasquehal (ou site du Capreau) accueille 70 enfants toute l’année, âgés de 3 à 14 ans. Ce lieu de vie collectif est composé de 6 maisons dans lesquelles les enfants de la même tranche d’âge sont regroupés par 12 enfants. Lieu de vie mais aussi lieu de travail puisque soixante-dix personnes répondent à cette organisation ; professionnel du corps médical avec des psychologues, infirmière, orthophoniste, le personnel encadrant avec les éducateurs et les maitresses de maisons, les personnes des services l’administratifs. L’architecture s’articule avec des unités de vie, des bureaux et des bâtiments techniques pour l’entretien (laverie, atelier…) et des lieux communs comme la salle de sport ou la cantine. Il s’agit donc d’un lieu hybride.

c) Organigramme : complexité de l’organisation Les pratiques des professionnels de la protection de l’enfance témoignaient jusqu’en 1973 d’une volonté de se substituer aux parents, prenant littéralement leur place et garantissant seuls et sans partage la satisfaction des besoins de l’enfant ainsi que son éducation. Les services de l’aide sociale à l’enfance agissaient dans le sens d’une véritable politique de séparation, d’éloignement et de désaffiliation. Cette prise en charge était sans doute supposée remplacer la mauvaise famille, incompétente et immorale, par la bonne institution, et les mauvais parents par les bons éducateurs. 14


En 1973, le rapport DUPONT-FAUVILLE signalait que les structures de l’A.S.E. étaient encore marquées par le passé de l’assistance publique dont elles étaient issues, et dont l’organisation des services visait à aider les « pupilles et assimilés ». Le même constat est établi quelques années plus tard dans le rapport BIANCO-LAMY qui souligne que « dans le passé, l’aide sociale à l’enfance n’a longtemps concerné que la prise en charge physique des enfants parce qu’elle s’occupait exclusivement d’enfants abandonnés ou orphelins ». La typologie des enfants et des familles a considérablement changé, obligeant les professionnels à revoir à la fois leur organisation et leur méthode de travail. L’association de la Sprene dont fait partie le site du Capreau a Wasquehal, propose dans son projet éducatif de passer du concept de suppléance au concept d’accompagnement : « C’est participer avec lui au dévoilement du sens de ce qu’il vit et de ce qu’il recherche ». Cette ambition, indique le changement de culture professionnelle : on passe de la prise en charge à la prise en compte. Sur le terrain la réalité est autre car le manque d’effectif a des conséquences lourdes (la maison d’enfance de Wasquehal a le taux d’encadrement le plus bas de tous les établissements). Les budgets accordés par le Conseil Général sont en baisse et ne permettent pas de nouveaux projets. Il existe donc un vrai décalage entre les intentions de prise en charge individuelle des enfants et la capacité des établissements pour y répondre. Les professionnels et en particulier les éducateurs sont face à une grande complexité d’organisation ; le suivi individuel est difficile car il est pris en compte par un grand nombre d’intervenants.

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Chapitre 2 : Le lieu Regard de diffĂŠrents auteurs

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Les MECS : lieu de vie, lieu de reconstruction : dualité entre institution et construction de soi … Selon la définition de wikipédia « un lieu désigne une portion de l’espace, au sens propre et figuré, caractérisée par son usage et par les événements qui s’y sont déroulés ». Synonyme d ’« emplacement », « place », ou « endroit », ce terme apparait notamment dans plusieurs contextes :  dans les locutions « avoir lieu de » (pour « moyen », « occasion », « raison » ou « prétexte »)  en droit, un non- lieu est l’abandon d’une action judiciaire en cours de procédure ;  Marc Augé6 parle de non-lieux pour designer les espaces « dépossédés de leur sens, sans usage, que produisent les nouvelles échelles de communication et de déplacement dans les sociétés post –industrielles ».  Abraham Moles7 et Elizabeth Rohmer8 analysent le lieu par une approche phénoménologique du cadre de vie de l humain et ses actions dans son cadre. Dans leur livre « psychologie de l environnement », l’espace se caractérise par son aspect multidimensionnel, allant de la poétique à la géographie, en passant par la psychologie, la sociologie, l’écologie, ct…

Ces ramifications correspondent à autant de points de vue possibles sur l’espace, autant de phénoménologies nécessaires. L’espace existe certes en référence à un sujet qui perçoit l’environnement autour de lui, mais l’espace existe aussi par ce qui le remplit, le structure et en modifie 6

Marc Augé né le 2 septembre 1935 est un ethnologue et anthropologue français

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Abraham Moles

né le 19 août 1920 est l'un des précurseurs des études en sciences de l'information et de la communication en France 8

Élisabeth Rohmer et Abraham Moles ont contribué dès 1966 à la fondation d'un courant de recherche connu aujourd'hui sous l'intitulé général de "psychologie de l'environnement"

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la perception. L’espace est source de comportements ; mais également de champs de valeurs.  Michel Serres9 consacre un livre complet pour définir l’habitat « depuis l’embryon lové dans le ventre de sa mère jusqu’aux métropoles qui couvrent la Terre de leurs lumières permanentes les humains ont inventé mille façons d’habiter ».Il accorde aussi un lien très fort entre « Espace » et « Existence ».Habiter, veut dire se poser, faire sa demeure. « Nous habitons des lieux. Ce mot simple cache un fabuleux trésor. » Habiter, Ed Le Pommier.  Edward T. Hall, lui évoque la façon d’occuper un lieu en fonction d’autrui comme un marqueur de l’identité, il définie ainsi la notion de proxémie.

1. LIEU D’EDUCATION, de construction, d’apprentissage - Philippe Meirieu10 L’éducation est, étymologiquement, l’action de « guider hors de » c'est-àdire développer, faire produire. L’éducation est un ensemble d’actions et de dispositifs qui amènent l’enfant à l’autonomie dans l’environnement où il aura à évoluer tout en lui assurant sa survie. L’éducation vue sous cet angle, aboutit à la séparation. L’adulte est amené progressivement non plus à « faire pour » l’enfant, mais à «faire avec » l’enfant. L’implication dans tout ce qu’il entreprend est importante et lui permettra de cheminer vers son émancipation. L’émancipation est un cheminement aussi essentiel dans la construction de soi. C’est permettre à l’enfant de « se faire œuvre de lui-même » « Il n’est pas facile de poser des actes qui nous identifient, nous spécifient et nous permettent d’être reconnus par les autres dans notre individualité. D’où ce besoin de s’en remettre aux choses, de déléguer 9

Michel Serres né le 1

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septembre 1930 à Agen (Lot-et-Garonne), est un philosophe, historien des sciences et homme de lettres français 10

Philippe Meirieu, né le 29 novembre 1949 à Alès, est un chercheur et écrivain français, spécialiste des sciences de l'éducation et de la pédagogie. Il a été l'inspirateur de réformes pédagogiques

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aux objets la responsabilité de notre construction identitaire. D’où la fascination de nos enfants pour les marques et les produits dont la possession les rassure. » Philippe Meirieu, Lettre aux grandes personnes sur les enfants d’aujourd’hui. Rue de monde. La construction de l’autonomie : « Les enfants ne doivent pas faire ce qu’ils veulent, mais doivent vouloir ce qu’ils font » Citation d’Edouard Claparéde, pédagogue Genevois. L’autonomie est la faculté d’agir par soi-même en se donnant ses propres règles de conduite, sa propre loi. L’autonomie est synonyme de liberté, elle se caractérise par la capacité à choisir de son propre chef sans se laisser dominer par certaines tendances naturelles ou collectives, ni se laisser dominer de façon servile par une autorité extérieure. Le lieu de la construction est avant tout un lieu d’expression, un lieu permettant les conditions de l’étonnement et du dépassement. L’éveil, l’épanouissement, l’émancipation, préparation à la vie sociale et affective.

l’autonomie

…bref

la

La famille est le lieu privilégié pour se construire. Pour grandir, il faut pouvoir « prendre racine », savoir d’où l’on vient, qui étaient ceux qui nous précédés, comment ils ont vécus. On a besoin de connaitre nos origines pour capter les valeurs et la culture de cette famille, on se construit par mimétisme ou par rejet, en prenant position sur ce modèle. L’adulte ayant pour rôle d’éduquer doit donner à l’enfant les conditions qui lui permettront de se construire au mieux. On parlera de « terrain » favorable. Bernard Collot11, exprime cette notion de terrain de la façon suivante : “Si j’avais une analogie avec l’agriculture biologique, l’important c’est de rendre vivant le terrain où poussent les plantes”. Rendre vivant le terrain afin de permettre une croissance harmonieuse de l’enfant, de trouver son épanouissement.

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Bernard Collot : une carrière d'instituteur dans une classe unique rurale (Moussac/Vienne) devenue référence et qui a été le sujet de nombreux reportages en France, en Suède et au Québec.

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2. LIEU DE RESILIENCE: Un lieu de Cyrulnik

«re-construction», Boris

Du devoir de vivre « avec » au désir de devenir. Les enfants ayant subi des violences physiques ou morales présentent des traumatismes lourds et complexes mais il n’est pas possible d’établir un diagnostic commun. Les réactions seront très différentes d’un enfant à l’autre. Ces blessures physiques et morales donneront naissance à des sentiments exacerbés : humiliation, impuissance, culpabilité, dépendance et entraine souvent des comportements violents, de colère intense. La maltraitance sur des enfants a des conséquences lourdes sur le développement et l’épanouissement de ces enfants, Boris Cyrulnik a longuement étudié les traumatismes et a donné naissance au concept de la « Résilience » à savoir comment reprendre un développement après une agonie psychique ? Selon Boris Cyrulnik ; Pour permettre de se reconstruire il faut d’abord mettre « hors de soi » la souffrance, en la rendant visible, objectivable et malléable. L’enfant doit trouver le mode d’expression qu’il lui convient. « Donner forme à l’ombre, c’est le premier temps de la création. » Boris Cyrulnik prend pour exemple Niki de Saint –Phale : « Niki de Saint –Phale12 est un cryptonyme qui a permis à l’artiste de devenir en faisant de ces blessures des œuvres d’art .Niki fut violé par son père a l’âge de 11 ans (son livre Mon Secret ED, La Différence) Par ses sculptures Niki de Saint-Phalle semble revendiquer constamment son droit d’être une femme à part entière. Son désir de s’affirmer est si grand qu’elle va même jusqu’ en fabriquer une femme de 26 mètres, la célèbre HON (elle en suédois) l’œuvre invite les gens à entrer par son orifice vaginal pour aller constater ce qui se passe à l’intérieur d’elle. Autre projet très marquant sont ces œuvres, appelées « tableaux-tir » qu’elle a réalisés avec une carabine chargée avec des cartouches 12

Niki de Saint-Phalle, Mon secret, La Difference 1994

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d’encre, permettant ainsi de projeter de la couleur sur des structures de plâtres. Ces tableaux sont un moyen pour elle d’extérioriser ses démons intérieurs et d’exprimer sa propre violence. Plus tard Niki créera « un lieu où rêver, un jardin de joie et d’imagination » Ce témoignage éclaire sur les mécanismes de la résilience rendu possible par l’intermédiaire de l’art et la création, comme mode d’expression. Donner l’envie, faire naitre le désir : élément fondamental selon Boris Cyrulnik « c’est le désir qui fait vraiment grandir et permet une réelle assimilation ». Le lieu de reconstruction devra être le terrain propice au désir des enfants. Dans son livre, Le Murmure des fantômes Ed. Odile Jacob, Boris Cyrulnik met en lumière un autre élément propice à la résilience : la narration. « La narration permet de recoudre les morceaux d’un moi déchiré » Les espaces refuges sont des zones de retrait pour un individu. Les espaces-refuge mettent en œuvre le processus de nidification qui permet la construction personnelle et l'aménagement psychique d'un espace à soi. Boris Cyrulnik évoque dans son livre « sauve-toi, la vie t’appelle » la problématique de ces lieux d’accueil qui enferment l’individu. « La solitude est le meilleur moyen pour empêcher la résilience ». Ainsi, il n’est pas facile de concilier le lieu de reconstruction avec la contrainte du lieu collectif qui regroupe une « catégorie » d’enfants identifiés « maltraités ». Il existe bien une dualité entre institution et construction de soi, entre nécessité d’avoir un lieu d’accueil et de protection de ses enfants et la prise en compte individuelle de l’intimité.

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3. LIEU DE VALEURS: Un lieu de socialisation… regards de Michel Foucault13, Marc Augé et Edward T. HaLL Le lieu de vie conditionne les liens sociaux, et c’est aussi un marqueur social. L'espace architectural devient ainsi un langage qui communique un message sur ses occupants et ses fonctions. L'espace raconte toujours une histoire individuelle et sociale. Point de vue de Michel Foucault Michel Foucault, évoque des espaces autres, qu’il nomme Hétérotopies, L'hétérotopie (du grec topos, « lieu », et hétéro, « autre »: « lieu autre ») est un concept forgé par Michel Foucault dans une conférence de 1967 intitulée « Des espaces autres »1. Il y définit les hétérotopies comme une localisation physique de l'utopie. Ce sont des espaces concrets qui hébergent l'imaginaire, comme une cabane d'enfant ou un théâtre. Ils sont utilisés aussi pour la mise à l'écart, comme avec les maisons de retraite, les asiles ou les cimetières. Ce sont donc des lieux à l'intérieur d'une société qui en constituent le négatif, ou sont pour le moins en marge. Michel Foucault dégage alors six principes permettant une description systématique des hétérotopies ;  les hétérotopies sont présentes dans toute culture,  une même hétérotopie peut voir sa fonction différer dans le temps,  l'hétérotopie peut juxtaposer en un seul lieu plusieurs espaces euxmêmes incompatibles dans l'espace réel,  au sein d'une hétérotopie existe une hétérochromie, à savoir une rupture avec le temps réel,  l'hétérotopie peut s'ouvrir et se fermer, ce qui à la fois l'isole, la rend accessible et pénétrable.  les hétérotopies ont une fonction par rapport aux autres espaces des sociétés : elles sont soit des espaces d'illusion soit des espaces des perfections. Selon lui, « l'hétérotopie a le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes 13

Michel Foucault né le 15 octobre 1926 est un philosophe français

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incompatibles. Oppositions auxquelles on n’ose toucher, exemples : espace publique/espace privé, espace famille/espace du social, espace culturel/espace utile, espace de loisir et l’espace du travail. Tous ces espaces sont encore sacralisés. Nous sommes à l’époque de l’espace, du simultané, l’époque de la juxtaposition, du proche et du lointain, du cote à cote et du dispersé. Nous sommes à l’époque où l’espace se donne à nous sous la forme de relations d’emplacements. Point de vue de Marc Augé14 « Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu. »15 D'après la définition de Marc Augé, un non-lieu est un espace interchangeable où l'être humain reste anonyme. Il s'agit par exemple des moyens de transport, des grandes chaînes hôtelières, des supermarchés, des aires d'autoroute, mais aussi des camps de réfugiés. L'homme ne vit pas et ne s'approprie pas ces espaces, avec lesquels il a plutôt une relation de consommation. Le lieu offre à chacun un espace qu'il incorpore à son identité, dans lequel il peut rencontrer d'autres personnes avec qui il partage des références sociales. Les non-lieux, au contraire, ne sont pas des espaces de rencontre et ne construisent pas des références communes à un groupe. Marc Augé oppose ainsi « les réalités du transit (les camps de transit ou les passagers en transit) à celle de la résidence ou de la demeure, l'échangeur (où l'on ne se croise pas) au carrefour (où l'on se rencontre), le passager (que définit sa destination) au voyageur (qui flâne en chemin) (...) ».

14

Dans le livre Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité (1992), Marc Augé définit la « surmodernité » en l'opposant à la modernité Marc Augé

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Ce terme est un néologisme introduit par Marc Augé dans son œuvre Non-lieux, introduction à une anthropologie de la sur modernité (Le Seuil, 1992)

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Finalement, un non-lieu est un endroit que l'on n'habite pas, dans lequel l'individu demeure anonyme et solitaire. Marc Augé évite toutefois, dans son livre de 1992, de porter des jugements de valeur tranchés sur les non-lieux et se place dans la perspective d'un ethnologue qui a un champ d'études nouveau à défricher. Point de vue d’Edouard .T.HALL : la relation entre les individus dans un lieu. « La façon d’occuper l’espace en présence d’autrui est un des marqueurs de l’identité », Edouard Hall définit ainsi cette étude de relation entre l’espace et les autres par la proxémie. Hall a montré qu’il y avait autour de nous une surface, « une bulle », une zone émotionnellement forte ou encore un périmètre de sécurité individuel .On parlera de bonne distance, mais elle varie selon les cultures. « La conduite que nous nommons « territorialité » appartient à la nature des animaux et en particulier à l’homme. Dans ce comportement l’homme et l’animal se servent de leur sens pour différencier les distances et les espaces. La distance choisie dépend des rapports individuels, des sentiments et des activités des individus concernés. » Aussi, se place-t-on plus loin d’une personne si l’on est préalablement avertie qu’elle est plutôt froide et inamicale comparativement à une personne que l’on nous a préalablement décrite comme chaleureuse et amicale. Les distances d’interaction varient également selon les statuts de l’interlocuteur. En effet, on se place plus loin d’un supérieur ou inférieur hiérarchique que d’un pair. Ainsi, il existe une relation entre la distance sociale et la distance spatiale. Pour finir, on se place différemment selon la tâche à accomplir : Dans une situation de coopération, les individus se placent généralement côte à côte pour partager le matériel et les idées. Dans une situation de compétition, les individus préfèrent s’asseoir l’un en face de l’autre (le fait de se regarder facilitant la compétition) Dans une situation de co-action (les personnes qui travaillent à des tâches différentes), les individus préfèrent se tenir aux coins diagonalement opposés de façon à éviter de se voir.

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4. LIEU DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE DE D’ENVIRONNEMENT Gustave-Nicolas Fisher16 et Gabriel Moser17.

Point de vue de Gabriel Moser Dans leur livre « Espace de vie » Ed. Armand Colin, Gabriel Moser et Karine Weiss, nous livre un autre aspect de la relation de l’homme et son environnement : « L’aménagement des espaces privés et semi-privés a comme objectif principal la régulation de l’intimité et son corolaire, la maitrise des interactions avec autrui. L’espace personnel et la privacité sont importants pour le bien-être individuel et communautaire et sont un élément primordial de la qualité de vie. Des espaces occupés, soit définitivement, soit transitoirement, produisent l’attachement et sont souvent accompagnés de liens avec des objets personnels, tels que meubles, photos ou souvenirs qui marquent cette appropriation » L’attachement au lieu est une relation affective à l’espace. L’espace approprié contribue à l’identité de l’individu et procure un sentiment de sécurité. Point de vue de Gustave-Nicolas FISHER : « L’espace est un construit social, structuré de la même façon que les éléments d’une communication non verbale : l’équipement et l’organisation des aménagements. Les composantes livrent un message. Les modes d’appropriation de l’espace sont déterminés par la place des bureaux, etc. L’espace est un message, une dynamique interactionnelle et relationnelle. »

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Gustave-Nicolas Fisher Professeur émérite de psychologie sociale. Il enseigne à Montréal et à

Genève 17

Né en 1944 en Suisse, il s’établit en 1966 à Paris. Diplômé en 1972 en psychologie sociale, il obtient en 1991 le Doctorat ès Lettres et Sciences Humaines ("Stress environnementaux et comportements urbains") Gabriel Moser

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L’appropriation est un processus psychologique fondamental d’action et d’intervention sur un espace pour le transformer et le personnaliser ; ce système d’emprise sur les lieux englobe les formes et types d’intervention sur l’espace qui se traduit en relations de possession et d’attachement. L’appropriation s’exprime ainsi par un style d’occupation de l’espace propre à un individu ou à un groupe. Or, un tel processus entre souvent en opposition avec les contraintes imposées par un espace construit. Le mécanisme d’appropriation est donc sous-tendu par deux dimensions : d’un coté, l’exercice d’un contrôle sur l’espace, qui se traduit par des transformations ou des aménagements divers, et de l’autre, la marge de manœuvre offerte par le cadre et l’organisation d’un espace. L’appropriation se traduit en termes de modifications physiques, d’occupation, de transformation, ou tout simplement d’utilisation d’indices à travers un contrôle psychologique ; il s’agit d’un ensemble d’artefacts par lesquels s’opère une structuration de l’espace suivant les besoins et les aspirations ; de la sorte, un individu ou un groupe indique sa propre utilisation d’un lieu et la manière dont il l’occupe, le transforme et y vit. Dans tous les cas, c’est l’affirmation d’une variante personnelle, exprimée en terme de style d’occupation, de transformation, d’installation, d’aménagement ; l’élément de l’espace ou la portion de l’environnement ainsi transformés vont se muer en système d’emprise, en structure d’appartenance, par lesquels un logement identique a tous les autres sera vécu comme un chez soi. « L’appropriation est une manière de matérialiser une part de son univers mental dans l’espace physique environnant, pour le faire notre. » L’espace suppose une identification du Moi à l’environnement immédiat, que POCHANSKY a appelé Place identity. Il sous-tend que le l’environnement immédiat est incorporé. Toucher à la Place, c’est toucher à la personne. L’environnement est donc une appropriation de la place. La psychologie environnementale se donne pour objet l’étude des interactions complexes entre individus et groupes en fonction des 26


caractéristiques physiques et socioculturelles de l’espace dans lequel ils vivent. Paradigmes :  L’objet est l’étude des interactions entre individus dans l’environnement.  L’environnement est un objet social, construit, qui donne forme aux relations.  L’environnement est une matrice de l’existence sociale. Les caractéristiques de l’espace déterminent les comportements.  L’environnement est aménagé suivant les valeurs dominantes d’une société, ses fonctions constituent un outil de lecture de la société.  Le social est un ensemble de processus où l’environnement est un élément du processus et des relations. L'espace n'est pas une entité indépendante mais un champ dynamique. Il n'existe qu'à travers les relations que nous établissons avec lui. Tout espace aménagé fait office de creuset pour l'expression des conduites sociales. Tantôt celles-ci sont puisées dans les normes ambiantes, tantôt elles sont en réaction à une situation. Ainsi, un aménagement physique pauvre et banalisé sert l'expression de conduites d'insatisfaction où chacun s'appuie sur cette codification pour évaluer sa propre condition. Pour comprendre l'impact d'un espace, il faut se référer à l'organisation sociale qui le sous-tend. En fait, il s'agit d'un mécanisme d'adaptation qui suppose que le rapport à l'espace n'est jamais entièrement déterminé. L’appropriation se concrétise à travers des formes variées ; le marquage et la personnalisation en sont les expressions les plus connues. Le marquage est une manière de signer un espace par des inscriptions qui l'identifient au Moi de l'utilisateur (objets personnels). La personnalisation permettra l'identité personnelle de se refléter à travers diverses modifications de l'espace.

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5. SYNTHESE : LEVIERS ET FREINS DE RESILIENCE Le regard de ces différents auteurs me permet d’identifier les éléments propices à la construction harmonieuse d’un enfant et ceux qui nuiront à sa reconstruction. L’éducation a pour but d’amener l’enfant à son autonomie, elle est le fruit d’une liberté : le rôle de l’adulte est l’accompagnement par une « prise en compte « et non plus une « prise en charge » afin qu’il puisse cheminer vers son émancipation. L’épanouissement ne peut avoir lieu que dans un cadre de confiance ; les peurs, les contraintes, les sentiments de domination sont des freins à un développement harmonieux. C’est le désir qui fait grandir et permet une réelle assimilation ; il est important de pouvoir « mettre en capacité » les enfants à choisir et à faire de leur propre chef. Le lieu de vie est imposé aux enfants ; cette mise a l’écart pour le protéger, peut engendrer des sentiments de stress, d’isolement, de solitude. L’enfermement de l’enfant n’est pas propice à son cheminement vers la résilience. L’expression de l’enfant par divers langages va lui permettre d’extérioriser sa souffrance et laisser place à l’épanouissement. L’enfant a besoin de personnaliser son espace pour en faire sa demeure. La manière dont il va avoir une emprise sur le lieu qualifie sa relation aux autres. L’enfant peut prendre « racine » dès qu’il trouve sa place dans son cadre de vie. Il doit y trouver un espace intime, un refuge, un lieu sécurisant pour fonder les bases d’une construction harmonieuse et un devenir désirable.

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Chapitre 3 : ACTIONS

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1. METHODOLOGIE Pendant six mois, j’ai été en immersion dans la maison d’enfance à caractère social de Wasquehal et j’ai observé pour m’imprégner de ce qui se vivait dans ce lieu. Les différentes étapes de mise en place des actions  Constitution d’un dossier de plans et de photos pour visualiser l’aménagement des espaces et comprendre la circulation et l’interaction entre les différents espaces.  interviews individuelles pour comprendre le contexte au travers des échanges avec les professionnels du lieu : o Le directeur m’a présenté la structure, son fonctionnement et son mode de gestion ; nos nombreux échanges m’ont permis de capter la complexité d’une MECS, autant dans sa gestion humaine que dans son organisation structurelle. o Le psychologue exerçant dans la maison du Capreau m’a permis d’ouvrir le regard sur le lieu et les conditions d’admission des enfants. Le sujet de la maltraitance est longtemps resté tabou et maintenu à l’écart des regards extérieurs. A la question : qu’est ce qui caractérise ses enfants ? le psychologue m’a répondu « ceux ne sont pas des enfants difficiles, ceux sont des enfants en difficulté ». o Les éducateurs ont une approche différente de leur métier en fonction de leur parcours et de leur formation (animateur ou éducateur spécialisé). Enfin, pour capter les difficultés de leur travail, j’ai établi avec l’aide d’une éducatrice un emploi du temps indiquant heure par heure les occupations d’une journée. Ceci a permis d’identifier les rythmes des enfants au sein du foyer. (voir annexe 1 : « une journée de charlotte »). o La maîtresse de maison est celle qui organise la bonne gestion de la « maison », elle gère quotidiennement le lieu de vie de 12 enfants ; chaque matin, elle lave et range le linge de chacun, nettoie la pièce à vivre ou dessert le petit 30


déjeuner, et câline l’enfant malade qui ne pourra se rendre en classe. Elle a une place importante dans le lien avec les enfants et les éducateurs. o interviews avec le personnel administratif et l’équipe d’entretien du lieu, pour comprendre l’ensemble de l’organisation permettant la prise en charge des enfants. L’organigramme de la MECS de Wasquehal est composé de 70 personnes pour un accueil de 70 enfants.  Partage de moments de vie avec des équipes d’éducateurs : Le temps d’une soirée : (de 18h a 21h) l’heure des douches, du repas, soirée et couchage des enfants : un temps très fort qui se vit et permet de comprendre les attentes et les désirs des enfants.  Réunion de l’équipe de la maison « comète » sur le réaménagement de leur espace de vie et plus particulièrement les chambres.  Proposition de plans d’implantation des 3 chambres et présentation du mobilier. (voir annexe plans, chambre filles et garçons)  Proposition d’actions durant les vacances auprès de la direction, validation puis présentation à l’ensemble du personnel lors de la réunion d’assemblée générale.  Mise en place d’affiches pour décrire les diverses activités proposées, planning et invitation auprès des éducateur à s’inscrire. (voir affiches annexe 4)  Prototypage des activités durant les vacances de la Toussaint puis Noel et février.  Réunion de bilan avec la direction, les cadres éducateurs et les intervenants sur chaque activité. Echanges sur les difficultés rencontrées et les pistes d’amélioration.

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2. LES MECS: état des lieux, diagnostic Les MECS sont l’héritage de la DASS, les lieux de vie n’ont pas été conçus pour les usagers actuels à savoir des fratries retirées de leur famille pour une durée pas toujours définie. La MECS reste un lieu de vie imposé par décision de justice, dans lequel l’enfant devra reprendre une vie plus harmonieuse. Les bâtiments de la Dass, souvent anciens et désuets, n’incarnent pas une architecture adaptée aux conditions d’épanouissement des enfants. Les MECS sont des lieux de vie hybrides, à la fois public et privé, où le collectif a du mal à laisser de la place à la personnalisation et encore moins à la privatisation. L’aménagement y est pensé avec du mobilier dit de « collectivité », froid et impersonnel. L’ambiance est proche de celle du secteur tertiaire (armoire métallique aux couleurs désuètes) et ne convient pas pour un lieu de vie occupé par des enfants. Ni la spécificité des occupants, ni l’utilisation ne sont prises en compte. Les MECS sont aussi un lieu de travail, les professionnels cherchent à en optimiser la fonctionnalité. Il est alors important de situer la place de chacun et d’établir un cahier des charges pour définir les priorités des espaces partageant plusieurs fonctions ; le professionnel au service de l’enfant qui lui est confié dans sa mission d’accompagnement de construction de soi et l’enfant dans son lieu de vie collectif. L’établissement accueillant 70 enfants s’organise autour du collectif ; les chambres sont partagées par 4 enfants et ne laissent pas beaucoup de place à l’intimité. L’enfant ne dispose pas d’espace privatisé, de zone refuge, propice à la rêverie. Le lieu de vie des enfants n’offre pas les qualités suffisantes à sa reconstruction. L’éducation met en œuvre un certain nombre d’apprentissages. Le modèle institutionnel représenté par l’école n’est pas toujours en adéquation avec le mode de fonctionnement des enfants de l’aide sociale. Pour la majorité, on constate un échec scolaire, ceci pour plusieurs raisons : d’une part, le suivi et l’accompagnement étant rendu difficiles de par leur prise en charge dans un système collectif, les éducateurs n’ont pas les moyens de suivre de façon individuelle les 32


enfants, d’autre part, les enfants étant pour des raisons évidentes plus sujets au stress, leur capacité de concentration et de motivation est très fragilisée. Dans ce contexte, il y a lieu de se pencher sur la problématique de confiance en soi pour permettre la réussite dans le cheminement éducatif, en inventant d’autres formes d’apprentissage pour revaloriser ses enfants.

3. PROPOSITIONS : a) espace conçu : actions pour favoriser l’appropriation du lieu Le premier projet a été de repenser l’aménagement de 3 chambres d’une maison ; la réunion avec les éducateurs et les enfants avait mis en avant le désir de partager l’espace pour offrir à chacun son coin, son intimité. Voici les étapes des actions que nous avons prototypées pour l’aménagement de la chambre des garçons :  Installation d’un espace dédié aux ateliers « brico-déco » : la direction a donné l’accès à un ancien appartement que nous avons pu aménager pour accueillir les enfants et les intervenants et stocker le matériel. Cet espace lumineux se situe au centre de l’établissement et nous met dans de bonnes conditions de travail et de convivialité.  Présentation du projet aux enfants en expliquant la démarche et en montrant les plans 3 D afin qu’ils visualisent le résultat final.  Implication des enfants dans la réalisation de leur mobilier par la participation à des ateliers créatifs.  Implication de la direction, pour valider la commande de mobilier sur mesure afin de répondre parfaitement au projet d’aménagement et surtout faire fabriquer du mobilier en bois brut pour permettre la finition par les enfants.  Proposition d’accueillir un intervenant par enfant pour l’accompagner et le guider dans les techniques créatives. Chaque intervenant a ainsi le temps de valoriser l’enfant dans sa capacité à faire quelque chose de nouveau et d’utile pour lui.

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 Mise en peinture d’une colonne de rangement individuelle : proposition d’une peinture noire ardoise, permettant à chacun d’écrire et de dessiner librement à la craie et de personnaliser son meuble de rangement.  Customisation de leur ancienne commode afin de lui redonner une 2éme vie : dans cet atelier les garçons ont sélectionnés leur bande dessinée préférée, puis nous avons fait des photocopies noir et blanc et enfin chaque enfant a personnalisé sa façade de tiroirs en collant les extraits choisis avec du vernis colle. Une dernière étape a permis à chacun de s’approprier son tiroir en signant son œuvre avec des étiquettes adhésives.  Apprendre à transformer, à réutiliser les choses existantes, découvrir des techniques de bricolage afin de pouvoir s’exprimer et être acteur de l’aménagement.  Exprimer sa personnalité, ses goûts, ses hobbies, ses passions au travers d’un atelier « tableau identitaire ». A partir d’une sélection de photos découpées dans diverses revues, chaque enfant, toujours accompagné d’un adulte, compose un tableau et signe en écrivant façon « tag » son prénom. Ce tableau est ensuite accroché dans la chambre à coté du lit.  D’autres ateliers ont permis de revoir l’aménagement de 2 chambres des filles, nous avons aussi mis en place un espace beauté avec un mobilier spécifique et de grands miroirs, répondant aux envies des filles. (Voir photo)  La valeur de ces ateliers ne relève pas de l’activité en elle-même mais de ce qu’elle permet à l’enfant dans sa construction : L'espace est un langage symbolique. Dans un premier temps, l’objectif était de permettre l’appropriation du lieu par les enfants en leur donnant la possibilité de participer à l’agencement de leur espace. Puis, le cloisonnement de l’espace avec le mobilier a favorisé la création d’un espace personnel et intime pour chaque enfant. Dans un second temps, ces prototypages nous ont permis de reveler d’autres valeurs dans la construction de l’enfant : les mettre en capacité dans de nouveaux apprentissages, les responsabiliser dans le respect du matériel.

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Ces ateliers où chaque enfant est accompagné par un adulte ont permis une relation singulière, un regard nouveau pour l’accompagnant qui ne connait pas l’histoire des enfants et peut partager un moment sans jugement et un nouveau regard pour l’enfant qui découvre un adulte en dehors du cadre institutionnel. Cela amorce une ouverture sur l’environnement social et met l’enfant en capacité de s’ouvrir à d’autres. Enfin, une dernière valeur est celle d’amener les enfants dans le plaisir d’être « maker » plutôt que consommateur .Pour des raisons de moyens mais surtout de valeurs, nous avons toujours valorisé les activités faisant appel à la récupération. Dans cet univers de « prise en charge » institutionnel, la notion de consommation est une valeur pas toujours très constructive mais plutôt une compensation. Consommer demande moins d’énergie que de créer.

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b) Espace vécu : actions pour faire naitre le désir Nous avons tenté dans ces ateliers de faire exprimer les valeurs du lieu :  Une première approche a été de favoriser l’expression corporelle : la danse, la musique, le théâtre… Un moment où chacun peut librement s’exprimer et permettre de mettre hors de soi la souffrance pour ensuite faire naitre le désir. Des intervenants professionnels ont accepté de prototyper bénévolement des ateliers :

> Un cours de Zumba a été mis en place, car ce type de chorégraphie ne nécessite pas de connaissance particulière. Cette activité a attiré un grand nombre d’enfants : un moment festif où la musique connue par les enfants a permis un « lâcher-prise », une façon d’extérioriser la colère. C’est aussi un exercice de « confiance en soi » pas toujours facile avec le regard des autres. L’impact sur l’ambiance du groupe a été aussi un élément fédérateur ; dans cette activité, le nombre important influe sur la réussite et montre un aspect positif de la vie de groupe. > Un atelier théâtre durant les vacances a été proposé aux plus grands (12-14 ans) pour faciliter la narration qui permet de « recoudre les morceaux » à travers le texte d’un personnage. Un bel outil aussi pour travailler la confiance en soi .

 Une deuxième approche a été de favoriser la rêverie, l’imaginaire

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> Des ateliers lecture de conte ont eu lieu dans chaque maison, après le dîner, juste avant d’aller se coucher. Des lectrices ayant reçu une formation de lecture à voix haute ont captivé les enfants durant 30 minutes avec des histoires fabuleuses. L’imagination et le rêve, sont les socles indispensables à la construction d’un enfant.

> Un atelier « star d’un jour » avait pour but de jouer les stars avec une activité de mise en beauté, maquillage, coiffure, manucure puis photos, atelier mené par un groupe de 12 jeunes filles de 17 ans venues avec leur matériel (des dizaines de bouteilles de vernis à ongles et des accessoires de princesse) à faire rêver toute les petites filles ! Une relation d’enfant à « grande sœur » et de mise en confiance s’est installée très rapidement avec beaucoup de simplicité. Il y a aussi de la magie parfois dans les rencontres, ce fut le cas de cet atelier.

 Un autre axe : « faire naitre le désir de découvrir » 39


L’art est bien sûr un élément important dans l’éducation culturelle des enfants, mais il n’est pas toujours facile de les motiver pour visiter des musées ! C’est par la rencontre de l’artiste et de son atelier que nous avons prototypé cette expérience. Un groupe de 8 enfants a fait la découverte de l’atelier de sculpture d’Annabelle qui leur a raconté son métier et décrit toutes les étapes pour faire un bronze. Ensuite les enfants ont pu façonner un bloc de terre et ébaucher leur première sculpture.

La rencontre avec des artistes, permet une assimilation plus concrète de l’art et fait naitre chez les enfants d’autres choses comme la curiosité, l’étonnement, l’envie de découvrir… Un autre groupe a découvert l’atelier de peinture d’Adeline ; les enfants ont là aussi été impressionnés par le lieu, la multitude des pots de peinture et des pigments. Adeline a proposé un exercice de peinture sur le thème des oiseaux de Georges Braque. Chaque enfant a pu choisir une carte postale d’une œuvre et selon les instructions d’Adeline, reproduire sa propre interprétation. Les enfants étaient très fiers de repartir avec leur peinture et en capacité de raconter le sujet. 40


Les enfants sont quotidiennement en relation avec des personnes qui connaissent leur dossier, leur passé, leur histoire. Permettre l’ouverture à de nouveaux liens, à des personnes extérieures non institutionnelles offre à ces enfants l’opportunité d’un nouveau regard, d’une nouvelle identité. Le terme de reliance me semble ici approprié : « La reliance est à la fois un état et un acte, l’état de se sentir relié et l’acte de vie ». Comme le définit Roger Clausse18 (sociologue) dans son ouvrage Les Nouvelles, Bruxelles, la fonction de la reliance est « rupture de l’isolement ; recherche de liens fonctionnels, substitut des liens primaires, communion humaine ». Cette démarche répond à de nouvelles aspirations de la part des intervenants : un besoin de connexions locales dans le champ social. Les liens se revitalisent, sans préjugés.

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Reliance : Le concept a été proposé à l'origine par Roger Clausse (en 1963) pour indiquer un "besoin psychosocial (d'information) : de reliance par rapport à l'isolement".

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4. PERSPECTIVES

Apprendre à travailler avec les professionnels, tout en innovant au travers de nouvelles activités avec de nouveaux intervenants (non institutionnel, non professionnel de la protection de l’enfance) mais des experts de leur activité, c’est l’un des enjeux fixé par ces ateliers prototypes. Permettre l’interaction entre protection et participation : Favoriser le droit à l’expression des enfants mais aussi créer les conditions de cette expression. Les temps et rythmes de vie des enfants en foyer ne permettent pas toujours de promouvoir leurs envies. Le foyer répond avant tout à sa mission de protection et de prévention mais ne dispose pas de temps suffisant ou de moyen humain suffisant pour prendre en compte la participation de l’enfant dans leur projet. Les enfants sont « objets »de protection et de prévention mais ils doivent être « sujets » en matière de participation. Mettre l’enfant au cœur de l’action, le rendre décideur et acteur. Les nouveaux partenariats sont actuellement en phase de mise en place pour continuer les rencontres et activités. La maison du Capreau a mobilisé des éducateurs pour suivre les propositions et favoriser la prise en compte de projet individuel. L’activité de zumba est intégrée dans le programme de l’établissement et un cours hebdomadaire a lieu dorénavant le mercredi. Une demande est en cours pour perpétuer le théâtre. Des éducateurs se sont investis dans l’organisation des accueils des intervenants pour la lecture et un espace est dorénavant dédié et aménagé pour permettre une lecture de conte individuel chaque mercredi. Ces expériences positives ont permis aux équipes de s’approprier de nouvelles méthodes de travail et d’ouvrir de nouveaux partenariats. La direction de l’établissement a l’intention de poursuivre les projets, et souhaite témoigner de ses expériences auprès des autres Mecs de la région.

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CONCLUSION

Prototyper pour réfléchir, c’est là l’innovation principale dans ce milieu du secteur social et particulièrement celui de la protection de l’enfance. Dans un secteur où le maitre mot est : « dossier administratif et judiciaire en respect des procédures », il n’est pas facile d’être créatif. Les méthodes du design ont cette liberté d’oser franchir les frontières, de chercher à capter des émotions là où d’autres iraient chercher du fonctionnel, d’ouvrir le dialogue avec des personnes hors de la sphère des experts, et permettre ainsi des nouvelles pratiques. L’objet de cette expérience est de proposer aux MECS une boîte à « outils », qui de par son expérimentation au Capreau, pourra rassurer les professionnels et proposer un mode d’emploi et un format pour les différentes actions. Le sujet du partenariat répond à plusieurs problématiques, d’une part, il est une ressource dans un contexte économique très tendu. Ressource à la fois humaine, un accompagnement pour les éducateurs qui sont en sous effectif et ne peuvent prendre en compte l’individualité des enfants et donc mener à bien le projet individuel comme le suggèrent les nouvelles directives de l’ASE et il s’agit aussi de ressources matérielles au travers le réseau des intervenants. D’autre part, le sujet du partenariat est aussi celui de l’ouverture, de permettre de nouveaux liens. Liens autant bénéfiques pour les enfants dans leur chemin vers la résilience que pour les intervenants dans leur changement de regard sur le sujet de la maltraitance, cela permet d’ouvrir le dialogue sur des sujets restés trop longtemps tabou. L’environnement de l’enfant est fondamental pour son épanouissement, il n’est pas un simple décor mais comme nous l’avons évoqué au travers de l’analyse de Moser, il est porteur de signification au travers de son habitat mais aussi du quartier, de la ville et des individus qui l’occupent. L’enfant doit y trouver sa place, et pour cela il doit s’y sentir accueilli. Le sujet des MECS se révèle alors dans un registre de citoyenneté.

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Quelle solidarité doit amener le quartier, la ville, les entreprises pour favoriser ses liens ? La réflexion sur le sens de ce lieu pour les enfants et par les enfants doit aboutir à un « système » affordant. Chacun devant trouver sa place, sa compétence, son savoir, sa disponibilité contribuant à la reconstruction d’un « je » plus désirable pour ces enfants. Comment l’innovation par le design peut favoriser l’adéquation entre le lieu de vie et la résilience des enfants de l’aide sociale à l’enfance ? Des pistes ont été abordées et il en reste encore beaucoup à inventer. Ce sont toutes ces interactions : éducation/liens/lieu de vie, qui sont le terreau de la créativité et l’innovation sociale. L’ensemble des actions et des dispositifs mis en place pour amener l’enfant à son autonomie vont lui permettre de découvrir de nouveaux langages. « Transformer ce qu’on lui a transmis pour se créer lui--même et renouveler le monde » Pestalozzi. La pédagogie, une affaire d’invention. L’éducation, quelle concerne la construction des règles de vie sociales ou la transmission des œuvres de culture, suppose un engagement progressif de l’enfant, c’est accompagner l’émergence d’une liberté. Une métaphore africaine nous dit : « il faut un village pour élever un enfant ». Que proposera la collectivité de demain pour aider les enfants en difficultés à s’épanouir pleinement et de devenir des adultes responsables et autonomes ? Georges Amar, dans son livre « Aimer le futur » nous propose une réponse : « Ce que nous devons léguer aux générations futures, c’est avant tout … un futur ! Un futur qui ne soit pas déjà écrit, préempté par le passé, c'està-dire nous. Le futur, c’est le neuf, ou rien. La possibilité du neuf. Et c’est ça qui est difficile autant que précieux. Léguer la possibilité du neuf. Il n’y a qu’une chose à faire c’est de renouveler les langages avec lesquels nous pensons et sentons ». A la suite de cette mission professionnelle, j’ai eu l’envie d’aller plus loin en continuant à chercher des réponses ; c’est pourquoi, j’ai lancé une association permettant d’impliquer le plus grand nombre.

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La création d’une association « les p’tits nous » pour fonder une communauté qui partagent des valeurs et se propose de devenir acteur du projet d’aide à la reconstruction d’un « je « désirable. Un projet en perpétuelle création et évolution, nourri par les nouvelles idées des participants. Une association innovante par l’affordance de son système organisationnel : chacun y trouve sa place, prend un bout de soi pour le relier à un petit être en construction. De manière intuitive, vous saurez trouver un temps pour être soit intervenant auprès des enfants en tant que : bricoleur, acteur, lecteur, danseur, animateur, conteur… ou facilitateur auprès de l’association en tant que : organisateur, ambassadeur, donateur, penseur, fournisseur, développeur … Tous innovateurs de p’tits bonheurs !

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ANNEXES

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ANNEXE 1 Témoignage d’une journée de charlotte, éducatrice au Capreau.

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Toute l’organisation de la Mecs est fonction du temps. Voici une journée type au foyer du Capreau, bien que cela soit un non sens d’évoquer la similitude de deux journées car le quotidien étant régi par les urgences et les imprévus.

heure

Descriptif des événements

7h

Prise de poste et échange avec le veilleur sur le bon déroulement de la nuit, parfois il doit gérer des pleurs, des cauchemars ….

7h15

Lecture du cahier de bord ou cahier de transmission, compte rendu des collègues sur leur journée et événement particulier. Le groupe est encadré par 4,5 éducateurs qui se relaient pour une présence sur les 7 jours de la semaine.

7h30 7h45

Préparation du petit déjeuner pour le groupe des 12 enfants.

8h

Petit déjeuner, puis brossage de dents, coiffage et préparation des sacs d’école, sans oublier les sacs de sport ou de piscine pour certain, il faut donc contrôler les agendas de chaque enfant Organisation des départs à l’école suivant les destinations : les écoles Dolto ou Montessori nécessitent une conduite en voiture, par contre l’école Notre Dame juste en face du foyer permet aux enfants de s’y rendre seul a pied. UN tableau de répartition des enfants par école sur l’ensemble de la maison du Capreau permet de distribuer les conduites d’école par éducateur. Retour au Capreau pour l’éducateur, arrivée de la maitresse de maison qui s’occupe de l’entretien des lieux, ensemble ils refont les lits ; changement des draps pour la majeur partie des enfants. gestion du linge…. Gestion administrative des dossiers enfants : valider les rendez-vous, mise à jour des plannings par enfants ; rdv orthophoniste, psychologue …retour en famille, visite judiciaire … projet enfant Ce travail administratif se fait parfois dans des conditions compliquées du fait de la présence d’enfant resté au foyer pour des raisons médicales ou des rendez-vous d’ordre médicale ou judiciaire Récupération des enfants pour le déjeuner

8h15

9h

10h11h45

11h45

Réveil des enfants, mise en route de la télé pour canaliser, faire patienter et gérer les tours de douche(les pipis au lit obligent le bain le matin) les autres s’habillent dans leur chambre.

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13h30 14h

Conduite de retour en classe Arrivée des 2 éducatrices en poste pour l’après midi et le soir, passation d’information et échange sur le bien être ou non du groupe d’enfants. Départ de l’équipe du matin

14h30 14h30- Idem équipe du matin : gestion des dossiers administratifs 16h 16h30 Sortie des classes, répartition des conduites pour récupérer les 17h 17h30

18h

18h05 18h15

18h30

19h 20h

21h

21h-7h

enfants dans les différentes écoles. gouter Pour certain devoir d’école avec l aide parfois de l association « arc en ciel »composé de bénévoles qui viennent en aide aux devoirs. Le nombre d’enfants étant trop important, l’accès a cette aide est limité a une fois semaine. Pour les autres c’est le temps du jeu dedans ou dehors selon la météo Contrôle des agendas de chaque enfants pour ne pas oublier les différents rdv (psycho, médecin … )en interne ou en externe, organiser les déplacements. Préparation des cartables et sacs de sport pour le lendemain Programmation du diner ; mise en route des containers pour réchauffer les plats préparés par la cuisine en journée. Douches pour une partie des enfants, pour les autres se sera le matin Préparation des vêtements pour le lendemain. C’est aussi l’heure ou certains enfants et parents peuvent se parler par téléphone, il nous faut gérer aussi l’après de ces conversations…pas toujours bénéfique pour l’enfant. Repas Début des couchers selon l’âge des enfants, moment délicat de la journée, énervement, peurs, tristesse …à chacun sa réaction, ils sont douze et nous ne sommes de deux ! Arrivée du gardien de nuit, nous ne partons que quand les enfants sont dans leur lit et calme, c’est ainsi que parfois à 22h on y est toujours … Le gardien de nuit prend le relai.

Difficultés du point de vue des professionnels :

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La lecture de ce témoignage, nous informe de la diversité des taches effectuées par l’éducateur mais aussi de la difficulté a organiser le temps de par le nombre important d’enfants (12 pour deux éducateurs) et le travail consiste a prendre en charge la singularité des enfants .Or le collectif rend la tache difficile .Le manque de personnel se ressent très fort dans cette multitude de taches .Le taux de 4,5 éducateurs pour 12 enfants est le plus faible de la région, il est du a une dotation budgétaire établi par le conseil Régional. Cette situation engendre des tensions, du stress et souvent une grande démotivation de la part des éducateurs .Il en résulte un taux d’absentéisme important.

D’autre part, le travail en poste (matin ou après midi, weekend de travail selon planning) oblige une transmission d’information complexe de par la nature de ces informations : comment retranscrire dans un cahier le mal être d’un enfant en quelques lignes pour relater d’un comportement .Les temps de rencontre entre éducateurs sont de 30 minutes par jour pour évoquer les problématiques complexes de 12 enfants. Le manque de temps ne permet pas aux éducateurs de mettre en place un projet éducatif en adéquation avec l’enfant. -Difficultés du point de vue de l’enfant. Le nombre insuffisant de personnel a des conséquences importantes sur la construction des enfants L’accompagnement aux devoirs n’est pas possible par les éducateurs a cause du nombre, ils ont des âges différent et ne sont donc pas dans les même classe et enfin ils sont dans des écoles différentes, il n’est alors pas possible de faire un accompagnement collectif ; les enfants ont souvent des difficultés scolaires.

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Annexe 2 Invitation Naissance de l’association des P’tits Nous

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Annexe 3 Planning des activitĂŠs des vacances de Noel 2013

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Propositions d’activités durant les vacances de Noël.

-Théâtre : animé par Christophe, il pourra accueillir 2 groupes (ages10-14 ans ), le 21/12 de 14h à15h30 et 15H30 à 17H

-Zumba : animé par Babeth, 2 groupes, les 3-7ans et les 8-14 ans le 23/12 .matin.

- Atelier « star d’un jour » animé par Cassandre, pour l’ensemble des filles, le 22 /12 de 15h à 17h

-Musique, animé par, Augustin, pour l’ensemble des enfants dans la salle de sport le 23/12 de 14H30à 17h

-Atelier mobilier, animé par Brigitte, les 2-3-4 janvier, pour les filles des 2 chambres du groupe « Comète »

-Atelier Brico -Déco, animé par Valérie .les 2-3-4 janvier de 10h -12h, pour les garçons du groupe « Comète » : customisation d’une commode.

-Visite d’Atelier d’Artiste : Adeline, peintre, accueil de 8 enfants, vendredi 3/01 à 14h30 Abel, sculpteur, accueil de 8 enfants vendredi 27/12 à 14h30

- Lecture, Eve, projet en cours avec l’éducatrice Nora date a confirmer pour le mois de Janvier

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Annexe 4 Affiches activitĂŠs

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BIBLIOGRAPHIE

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Livres : Meirieu, Philippe : lettre aux grandes personnes sur les enfants d’aujourd’hui, Ed. Rue du monde,2009 IDEO : Human centered design toolkit,2011,2nd edition. Le Bohec, Paul : L’école réparatrice de destins ?,ed L’harmattan.2007 Gabriel Moser et Karine Weiss : Espace de vie, Ed. Armand Colin, Paris 2003 Boris Cyrulnik, Le murmure des fantômes, Ed Odile Jacob.2003 Dewey, John : L’école et l’enfant. éd Faber Korczak janusz : comment aimer un enfant, Ed Robert Laffont 1998 Tursz, Anne, les oubliés .Enfants maltraités en France et par la France .2010 Dolto, Françoise : les étapes majeures de l enfance .Ed folio, essais 199 Desbordes, Jean-Pierre : Mon enfant n’est pas un cœur de cible, Ed Actes Sud, 2007 Mauss, Marcel : Essai sur le don ,Ed PUF ,1993 Boudon, Raymond : L’inégalité des chances, Ed, 1973

Serres Michel : Habiter, ED Le Pommier, 2011 Gustave-N. Fischer : Psychologie sociale de l’environnement. Dunod, Paris, 1997, 2011. Gustave-N. Fischer : Psychologie des espaces de travail. Armand Colin. Paris

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Bruno BETTELHEIM : Un lieu où renaître, Paris: Laffont Pierre BOUDON : Pessac de Le Corbusier. Paris : Dunod

SITE -"Il a osé le logement solidaire" Bernard Devert : (video youtube) http://www.youtube.com/watch?v=15LCAazJazc&feature=c4overview&list=UUICn8dOxDO-SLPtpR9rgjag -Boris Cyrulnik présente son livre "Sauve-toi, la vie t'appelle" (On n'est http://www.youtube.com/watch?v=e-kukIOEX7s

-Conversation avec Boris Cyrulnik - Petite Enfance - Aide et Action http://www.youtube.com/watch?v=9qclHKgVbBY

 Film « va, vis et deviens »film franco-israélien de Radu Mihaileanu sorti en 2005  Textes de référence :  Code de l'action sociale et des familles : articles L.312-1 (I-1° et 4°), L.313-1 à 9  (autorisation), L.313-10 (habilitation justice) ;  Code de l'action sociale et des familles : articles L.222-5 (mesures), L.228-3  (financement des mesures judiciaires) ;  Code civil : articles 375-3, 375-5, 377, 380, 411 (mesures)

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Remerciements

Merci Gisèle pour ton bel accompagnement dans l’écriture de ce mémoire. Merci Fréderic pour ta confiance durant ce stage dans ton établissement. Merci France pour tes soirées de relecture. Merci Aurélie pour ta mise en page. Merci les copines de l’Ensci pour nos weekends de travail et de partage. Merci Sylvie, Olivier et Cathy pour ce beau programme d’étude. Merci mon mari et mes enfants pour votre patience ! Merci Flo, pour cette idée folle de reprendre des études à 48 ans !

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