Du panneau au design d'expériences

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MASTERE SPECIALISE « INNOVATION BY DESIGN »

Du panneau au design d’expériences La vision d‟un fabricant de mobilier de bureau pour l‟agence bancaire de demain Alexandre Bouchard

2012

ENSCI – LES ATELIERS


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Du panneau au design d'expĂŠriences, la vision d'un fabricant de mobilier de bureau pour l'agence bancaire de demain.

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Table des matières Du panneau au design d'expériences, la vision d'un fabricant de mobilier de bureau pour l'agence bancaire de demain. ..... 3 RESUME ................................................................................... 6 INTRODUCTION ET DEMARCHE ........................................ 8 1 – La banque et ses mutations actuelles. Observations, visites et entretiens .............................................................................. 10 1.1/ Qu‟est-ce qu‟une banque aujourd‟hui ? ........................ 10 1.2/ Qu‟est-ce qu‟une agence bancaire aujourd‟hui ? .......... 12 1.2.1/ L‟observation & l‟User Centered Design .............. 12 1.2.2 / L‟agence type existe, je l‟ai rencontrée ................ 13 1.3/ L‟agence au cœur du réseau de distribution « multicanal»........................................................................ 15 1.3.1/ Mais qu‟est-ce qu‟un réseau « multicanal » ?........ 15 1.3.2 / Un exemple concret : le processus de vente d‟un produit bancaire. .............................................................. 16 1.4 / Mais comment en est-on arrivé là ? ............................. 16 1.5 / Pourquoi se rend-on encore en agence ? Un lieu d‟échanges symbolique se transforme… ............................. 18 1.6/ Opération Séduction ..................................................... 19 1.6.1/ De l‟agence vers la boutique : la tendance Nespresso ......................................................................... 20 1.6.2/ Quid du conseiller dans ce nouvel environnement ? .......................................................................................... 22 1.7/ Qu‟est-ce que l‟innovation en agence bancaire en 2012 ? .............................................................................................. 23 1.8/ Un tour d‟horizon : compte rendu de visites................ 23 1.8.2/ La Société Générale : l‟agence „‟Bouygues Telecom‟‟ ......................................................................... 25 1.8.3/ HSBC : l‟agence Premium ..................................... 25 1.8.4/ LCL & Kinect ........................................................ 25 1.8.5/ BNP Paribas ........................................................... 25 1.8.6/ Le Crédit Agricole : l‟Alpha projet........................ 29 1.9/ Tout ça pour ça ............................................................. 31 2 – Haworth.............................................................................. 34 2.1/ Présentation de l‟entreprise ........................................... 34 2.1.1/ Un groupe mondial ................................................ 34 2.1.2/ Ne sous-estimez jamais le pouvoir de l‟espace dans la transformation de votre entreprise ............................... 36 4


2.2/ Le design chez Haworth ............................................... 39 2.2.1/ Haworth & « Organic Workspaces », la vision du design au Etats-Unis ........................................................ 39 2.2.2/ Le design en Europe et en France .......................... 40 2.2.3/ Europe-Etats-Unis, pourquoi une telle différence ? .......................................................................................... 41 2.2.4/ Le design comme „‟Managing Partner‟‟ ................ 42 2.3/ Haworth et la banque .................................................... 43 2.3.1/ Les produits spéciaux............................................. 43 2.3.2/ Un exemple concret : le mobilier des agences LCL .......................................................................................... 43 3 – Du design produit au design d‟expériences ....................... 46 3.1/ Un projet, plusieurs pistes ............................................. 46 3.1.1/ La piste classique du produit ................................. 46 3.1.2 / La piste du workshop ............................................ 47 3.1.3 / La piste du co-branding ........................................ 48 3.1.4 / La piste de l‟imaginaire ........................................ 49 3.1.5/ La piste de l‟expérience ......................................... 49 3.1.6 / La piste business model ........................................ 50

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RESUME L‟objectif de ce mémoire est d‟analyser dans quelle mesure le design peut être susceptible d‟aider une entreprise à se repositionner comme acteur innovant auprès de certains de ses clients chez lesquels elle perd progressivement de l‟importance. En l‟occurrence, comment un fabricant de mobilier de bureau peut-il être considéré comme un partenaire à part entière dans la réflexion et la résolution des problématiques internes de ses propres clients et non plus consulté comme un simple fournisseur. L‟entreprise en question est Haworth, l'un des principaux acteurs mondiaux sur le marché de la conception et de la production d'espaces tertiaires et de mobilier de bureau. Les clients concernés sont les banques françaises, actuellement en plein questionnement sur l‟avenir à donner à leur réseau d‟agences. Sachant que le leitmotiv de l‟entreprise Haworth est l‟espace de travail comme moteur de l‟évolution des organisations, comment peut-elle accompagner les changements radicaux en cours au sein de ses clients du secteur bancaire? Les banques ont développé sur les 10 dernières années des services en ligne très pertinents et dotés de fonctionnalités attrayantes. Se faisant, elles ont vu le nombre de leurs clients fréquentant leurs agences diminuer drastiquement d‟année en année sur la même période. De manière paradoxale et malgré cette tendance négative, toutes les études montrent invariablement que l‟agence demeure un lieu important pour les clients : ils souhaitent aujourd‟hui encore pouvoir discuter en personne avec leur conseiller et être guidés dans les grandes étapes de leur vie. Cependant, entretenir un vaste réseau d‟agences coûte cher et les banques sont très prudentes lorsqu‟il s‟agit d‟ouvrir de nouvelles agences. En prenant en compte cet apparent paradoxe, quelles sont les perspectives d‟avenir de l‟agence telle que nous la connaissons tous aujourd‟hui ? L‟agence bancaire n‟étant pas un espace de travail comme les autres et s‟apparentant de plus en plus à une boutique, est-ce qu‟un acteur spécialisé dans les aménagements d‟espaces de travail saura s‟adapter à l‟évolution de ses clients ? L‟objectif à court terme ici étant pour l‟entreprise de réfléchir à un concept global mobilier pouvant séduire clients et prospects 6


du domaine bancaire et de démontrer ainsi sa capacité à proposer des alternatives innovantes. Cependant ce questionnement lié à un besoin précis pourra être l‟occasion pour l‟entreprise de remettre en cause ses pratiques actuelles et de s‟interroger sur son business model.

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INTRODUCTION ET DEMARCHE Mon projet de mémoire trouve donc sa source dans une demande formulée par le directeur commercial de Haworth. Dans le cadre de sa réflexion autour de l‟augmentation du chiffre d‟affaires, il souhaitait trouver une manière de reconquérir des parts de marché chez les clients bancaires en particulier en développant un nouveau concept d‟agence bancaire. Dans ce mémoire nous chercherons donc comment Haworth peut émettre des propositions audibles et pertinentes sur le sujet et apparaître comme un partenaire potentiellement intéressant pour les banques. Nous tenterons également de voir comment le design peut être une aide pour adresser cette problématique particulière. Dans un premier temps il me semblait important de comprendre la situation actuelle de la banque et d‟acquérir les bases qui régissent le fonctionnement d‟une agence. Cette étape est décrite comme la première phase de la méthodologie créative du designer par Stéphane Vial dans son Court Traité du Design : «Premièrement, il analyse. Il prospecte, il s‟informe, il se documente. Il a besoin de connaître et de comprendre le contexte, les acteurs, les enjeux.». En effet, pour répondre de manière pertinente à la question posée il nous faut tout d‟abord bien comprendre la problématique chez nos clients potentiels et pour cela, analyser leur existant. Pour ce faire, j‟ai donc visité l‟agence BNP Paribas Opéra et le Foncier Home et 4 agences du LCL avec Didier Chinardet de l‟ingénierie immobilière. J‟ai également visité l‟Alpha agence du Crédit Agricole avec Tugdual de Latour, chef de projet en charge des éléments de co-innovation. J‟ai pu m‟entretenir avec Romain Chevallet, détaché de l‟Agence Nationale pour l‟Amélioration des Conditions de Travail au Crédit Agricole. L‟objectif étant de comprendre les enjeux particuliers propres au travail de chaque salarié présent dans une agence bancaire. Deux entretiens complémentaires sont planifiés en mai avec Françoise Durin, chef de projet canal agence (responsable des nouveaux concepts) de la Caisse d‟Epargne et Olivier Maricot, responsable merchandising/format d‟agences du LCL. 8


Je me suis également astreint à une séance d‟observation d‟une matinée sur le site de l‟agence LCL de la rue du rendez-vous à Paris. Tout ce travail préalable devait me permettre de savoir répondre aux questions listées ci-dessous, et pouvoir ainsi à terme, créer un brief très précis dans le cas d‟une collaboration avec un designer. Ces mêmes questions serviront d‟ailleurs de colonne vertébrale à la première partie de mon mémoire. Qu‟est-ce qu‟une banque aujourd‟hui ? Qu‟est-ce qu‟une agence bancaire aujourd‟hui ? Pourquoi s‟y rend-on encore ? Comment définir le réseau de distribution bancaire dit « multicanal» ? Qu‟est-ce que l‟innovation en agence bancaire en 2012 ? C‟est après cette étape seulement que Stéphane Vial pense que le designer peut commencer à problématiser : «Il demande, il questionne, il interroge. Il formule le problème que son projet doit résoudre.».

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1 – La banque et ses mutations actuelles. Observations, visites et entretiens 1.1/ Qu’est-ce qu’une banque aujourd’hui ? Avant de commencer à réfléchir à la meilleure manière de traiter la question de l‟avenir formel des agences bancaires il me semble important de bien comprendre le contexte plus général dans lequel ces agences s‟inscrivent et dans lequel nous devrons donc également replacer notre travail. Le secteur d‟activité qui nous intéresse est donc bien celui de la banque et plus particulièrement de la banque de détail et de son réseau d‟agences sur le territoire français. Selon la Fédération Bancaire Française, une banque est un établissement autorisé par la loi à assurer des « opérations de banque » c'est-à-dire : la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à la disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement. D‟après Wikipédia, une banque est une entreprise qui fait le commerce de l'argent. Elle peut exercer différentes activités : recevoir et garder pour le compte de ses clients leurs fonds, proposer divers placements (épargne), fournir des moyens de paiement (chèques et carte bancaires) et de change, prêter de l'argent, intervenir sur les marchés financiers pour son compte ou celui de sa clientèle et plus généralement se charger de tous services financiers. On distingue les banques commerciales des banques d'investissement selon le type d'activités qu'elles exercent. Dans le cadre de ce mémoire, nous pourrons aisément nous satisfaire de ces définitions simples et succinctes. Tous les Français qui le souhaitent ont accès à un compte bancaire : cet accès est garanti par la législation et le « droit au compte ». En France, l‟accès à un compte bancaire est quasiment généralisé : 99% des Français de plus de 18 ans sont bancarisés. 99 % des ménages en situation de pauvreté et 96 % des bénéficiaires de minima sociaux possédaient au moins un compte de dépôt en 2009. Dans les faits, même si rien dans la loi ne stipule que l'on doive disposer d'un compte bancaire, il est très difficile de s'en passer au quotidien. En effet, l'État, en imposant le paiement des salaires par virement à des comptes bancaires, a rendu de fait 10


obligatoire l'utilisation des services d‟une banque à tous les salariés. Les banques ont donc créé dans les quarante dernières années un réseau très dense de succursales pour assurer les services mentionnés ci-dessus auprès des particuliers. La France possède ainsi le 4ème réseau bancaire de l‟Union Européenne et compte plus de 600 agences par million d'habitants. (Source : ECB Payment Statistics, octobre 2011) Il y aurait selon la Fédération Française Bancaire, près de 39 000 agences sur le territoire. Nous partirons donc ici du postulat que l‟ensemble des Français est concerné par le champ de notre étude et donc que tout individu est un utilisateur potentiel des produits, services ou espaces que nous serons à même d‟évoquer pendant ce projet.

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1.2/ Qu’est-ce qu’une agence bancaire aujourd’hui ? 1.2.1/ L’observation & l’User Centered Design Après avoir défini brièvement la banque dans son ensemble, nous pouvons constater qu‟aucun point bloquant ne nous empêche d‟appréhender du sujet dans sa globalité. L‟idée suivante est donc de se concentrer sur l‟agence en elle-même. Une des thématiques particulièrement intéressante abordée pendant le mastère avait retenu mon attention et je souhaitais d‟ailleurs en faire le sujet de mon mémoire : il s‟agissait de l‟observation comme point de départ du processus de conception/création. Cette phase d‟observation vise, très en amont d‟un projet à révéler les besoins non exprimés des utilisateurs et faire émerger leurs attentes non satisfaites, comme autant de données d‟entrée pouvant alimenter les phases suivantes du développement. C‟est ainsi que, pour mieux comprendre le fonctionnement d‟une agence, je me suis fixé une séance d‟observation sur site un samedi matin dans l‟agence LCL située rue du rendez-vous dans le 12ème arrondissement. L‟idée étant d‟observer, de prendre des photos et de questionner les personnes sur leurs motivations du jour pour rentrer dans cette agence mais aussi de constater la manière dont les salariés de la banque interagissaient avec les clients et entre eux dans cet espace restreint. Ne m‟étant pas moi-même rendu dans une agence bancaire depuis au moins 4 ans, l‟expérience ne pouvait qu‟être que riche d‟enseignements. Ainsi, je suis parti avec l‟objectif de comprendre les manières de fonctionner de deux types d‟utilisateurs : les hôtes et les visiteurs. Dans les faits, j‟ai pu observer les allers et venues sur une période de trois heures, mais malheureusement je n‟ai pas eu l‟autorisation de photographier ni d‟interroger les clients. En effet, même s‟il n‟y a plus d‟argent dans les banques aujourd‟hui, le fait prendre des photos des lieux et des personnes reste encore un sujet sensible. Cependant j‟ai pu interroger tous les salariés de l‟agence.

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Pour pouvoir tirer des conclusions exploitables d‟une séance d‟observation, j‟imagine qu‟il aurait fallu être bien préparé à l‟exercice. N‟ayant pas rédigé de protocole d‟observation précis je me suis un peu lancé à l‟inconnu… pour voir. Evidemment après trois heures passées assis sur une chaise de mauvaise qualité, je ne suis pas en mesure de dresser des portraits robots précis des visiteurs, ni des scénarios types de ces visites. Cependant je pense être parvenu à identifier des comportements particuliers et des flux répétitifs. 1.2.2 / L’agence type existe, je l’ai rencontrée Elle est composée d‟un espace de Libre Service Bancaire à l‟entrée avec des automates de retrait, de consultation, de dépôt puis d‟un accueil, généralement un guichet qui a tendance à se transformer en une sorte de pupitre derrière lequel un conseiller reçoit, debout, renseigne, oriente les clients vers leurs rendezvous et gère les opérations les plus basiques (remise de chéquier ou de carte bleue). Les zones d‟attente sont bien souvent réduites à leurs plus simples expressions sous la forme de rangées de chaises ou de fauteuils dans le meilleur des cas. Des bureaux cloisonnés pour un ou plusieurs conseillers et le directeur d‟agence complètent l‟aménagement de l‟agence, ces bureaux, très petits, sont à la fois l‟espace de travail du conseiller et lieu dans lequel il reçoit ses clients. Une salle de réunion généralement réservée au personnel de la banque et non dédiée à la réception de clients est parfois disponible dans une pièce aveugle ou en sous sol. Et c‟est cet endroit normé qui est précisément au cœur de la réflexion actuelle chez nos clients du secteur bancaire. Comment doivent-ils replacer l‟agence dans leur stratégie „„multicanal‟‟ ?

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Figure 1 : Schéma d‟implantation type d‟une agence bancaire. Source : Bureau d‟Etudes Aménagements Haworth. 2009

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1.3/ L’agence au cœur du réseau de distribution « multicanal» 1.3.1/ Mais qu’est-ce qu’un réseau « multicanal » ? Les banques définissent leur système de commercialisation comme étant „„multicanal‟‟. Ce terme plutôt courant dans le milieu bancaire reviendra à de nombreuses reprises lors de mes entretiens et dans ce mémoire. A ce titre, et avant de pouvoir imaginer travailler sur l‟avenir des agences, il me parait indispensable de définir ce nouveau terme afin de bien comprendre les interactions offertes à un usager pour se mettre en relation avec sa banque. De manière simpliste et littérale, un réseau de distribution « multicanal » comporte plusieurs canaux. Pour Joël Jallais (Source : Le Marketing dans le commerce de détail), un canal de distribution est défini comme le chemin parcouru par un produit, lorsqu‟il quitte le secteur de production pour atteindre le consommateur final, ce chemin étant jalonné d‟intermédiaires remplissant diverses fonctions. Collart et Lejeune (2001) quant à eux, écrivent : « le multicanal consiste à offrir les voies les plus rentables pour distribuer, au sens large, des produits et services aux clients. L‟entreprise va chercher à adapter ses canaux de distribution aux besoins spécifiques de ses différents segments de clientèle de façon à proposer la bonne offre au bon client au bon moment via le bon canal ». Dans sa thèse (« La coordination d‟un réseau de distribution multicanal : le cas de la banque de détail »), Loïc Plé propose sa propre définition et nous indique qu‟un réseau de distribution multicanal est un ensemble d‟organisations (les canaux) en contact direct avec le client, qui sont en situation d‟interdépendance, plus ou moins marquée en fonction de l‟existence ou non de différenciations et complémentarités fonctionnelles entre les canaux qui le composent. Certains de ces canaux peuvent appartenir directement à l‟entreprise productrice des biens et services vendus, tandis que d‟autres lui sont liés contractuellement (franchises, succursales) pour commercialiser des produits et services auprès des clients existants ou potentiels. Chacune de ces organisations peut être présente online et/ou offline, et remplit un certain nombre de fonctions complémentaires entre elles et entre les canaux, visant à assurer 15


rentablement une qualité de service optimale aux clients de l‟entreprise. Afin d‟illustrer les définitions proposées par ces spécialistes, je me permets de lister ci-dessous et par ordre d‟apparition historique, les organisations qui composent le multicanal bancaire en France : L'agence Le téléphone et les centres d‟appel Les automates DAB (Distributeur Automatique de Billets) Le Libre Service Bancaire (LSB) composé de GAB (Guichets Automatiques Bancaire) Le téléphone mobile Internet fixe Internet mobile 1.3.2 / Un exemple concret : le processus de vente d’un produit bancaire. Les différentes étapes qui jalonnent cette action sont l‟enchainement de l‟utilisation de plusieurs canaux de manière consécutive. L‟accroche publicitaire pour un prêt à la consommation à taux préférentiel peut avoir lieu par le biais classique d‟un courrier mailing, la prise de renseignements complémentaires se fera via internet sur le site de la banque, la souscription et la négociation commerciale pourront être réalisées par téléphone, l‟instruction du dossier sera faite par un back-office spécialisé qui échangera directement avec le client par mail voire par sms et finalement la signature du contrat se fera en agence. Ainsi, tous les canaux abordés précédemment sont mis à contribution dans un système complexe et on se rend compte que l‟agence bancaire n‟est plus qu‟un élément parmi tant d‟autres.

1.4 / Mais comment en est-on arrivé là ? L‟Observatoire 2011 de l‟opinion sur l‟image des banques de juin 2011 réalisé par l‟IFOP et la Fédération Bancaire Française montre que la moitié des clients sondés ont une image plutôt mauvaise des banques et qu‟une de leurs attentes principales liée à un accompagnement adapté lors de difficultés ponctuelles est peu voire mal satisfaite. Ce résultat s‟explique aisément par les stratégies menées par les banques dans un passé récent. Confrontées à la double pression de l‟arrivée de nouveaux entrants « tout en ligne » dont les services étaient moins onéreux et de la demande de leur clientèle qui réclamait plus de 16


souplesse dans l‟accès aux services, les banques de détail françaises ont commencé à développer des stratégies dites « multicanal ». Sur un marché devenant saturé et fortement concurrentiel, ce choix avait notamment comme avantage de faire augmenter leur rentabilité en axant les efforts sur la réduction des coûts. Cette volonté de baisse des charges s‟est matérialisée notamment par : - la généralisation des automates permettant de faire exécuter la majorité des opérations non plus par des guichetiers mais par l'usager lui-même, et l‟industrialisation dans les back-offices des tâches administratives, auparavant réalisées au guichet, - la promotion des canaux à distance (téléphone puis Internet), jugés plus flexibles et moins coûteux. Dans un souci d‟économie, les banques ont pour ainsi dire tout fait pour éloigner leurs clients des agences. L‟objectif de cette allocation nouvelle de ressources était d'augmenter le temps consacré aux actions commerciales, d‟améliorer la perception de la qualité du service rendu et de renforcer la sécurité dans les agences. C‟est ainsi que les banques espéraient optimiser leur réseau „„multicanal‟‟ fondé sur l‟utilisation autonome de services à distance pour l‟information et les opérations courantes, et sur le rendez-vous en agence lors d‟un besoin réel de conseils (crédit immobilier, placements…). Tout en sachant que c‟est ce rendez-vous en agence qui reste l‟élément générateur de valeur pour la banque. Les acteurs du secteur se sont donc d‟emblée positionnés sur une offre couplant leur réseau historique d‟agences à ces nouveaux canaux. En parallèle, les clients ont rapidement intégré ces nouvelles pratiques et une logique de substitution complète a commencé à prendre le pas sur celle de complémentarité tant attendue entre agences physiques et accès en ligne. Ainsi, l‟agence bancaire est passée d‟un stade où elle représentait le point de contact privilégié et quasi exclusif de la banque, à une position qui la place comme un élément parmi d‟autres dans le dispositif global, même si cet élément reste un pivot symbolique pour la plupart des clients. Aujourd‟hui, l‟agence bancaire n‟a plus en main tous les leviers qui lui permettent de maîtriser la relation client : les centres d‟appels optimisent les contacts téléphoniques et le web 17


soulage des tâches de gestion tout en élargissant virtuellement les horaires d‟ouverture.

1.5 / Pourquoi se rend-on encore en agence ? Un lieu d’échanges symbolique se transforme… Même si la baisse de la fréquentation des agences est générale et constante à -5 % par an depuis plusieurs années, elles restent le lieu où l‟on rencontre son conseiller et où se concrétisent plus de 80 % des ventes. A partir de ce constat, la grande préoccupation des banques a été de faire revenir les clients en agence. Entre les fervents défenseurs de l'agence et les tenants du "tout à distance", le débat fait rage : l‟agence doit-elle rester au centre du dispositif bancaire ou devenir un canal parmi tant d‟autres ? D‟après de nombreuses études, l‟agence reste le point d‟ancrage de la relation avec le client et l‟attachement des clients à l‟agence reste très fort car les humains veulent encore parler à des humains. (Baromètre européen banque & innovation – 2010) L‟agence est de moins en moins fréquentée mais pourtant les clients plébiscitent les banques dans lesquelles le conseiller est pérenne, disponible et réactif… Globalement, les clients demandent de l‟écoute. Harris Interactive s‟est intéressé en 2011, pour ses clients bancaires à la perception des différents canaux par les clients. Deux principaux canaux sont alors mis en exergue par les utilisateurs : l‟agence et le site Internet. Le site Internet est le canal de l‟information rapide et efficace, de la gestion des comptes au quotidien, alors que de son côté, l‟agence est le canal du conseil personnalisé et de la signature des contrats. Ainsi, il apparait que le site Internet reste « le moyen le plus efficace pour s‟informer sur ses comptes » (63%). Mais c‟est aussi « le moyen le plus rapide pour trouver l‟information sur les produits et services bancaires qui m‟intéressent » (58%). C‟est également « le plus efficace pour trouver une information institutionnelle sur la banque » et « pour réaliser une transaction sur ses comptes ». 18


Quant à l‟agence, c‟est elle qui fournit l‟information la plus fiable sur les produits, guide le mieux dans les choix, et est enfin à même d‟apporter la réponse la plus efficace dans le cas d‟une question précise sur son compte. Les autres canaux, comme téléphoner à un conseiller ou lui envoyer un email, obtiennent des scores très en retrait sur ces questions.

1.6/ Opération Séduction Nous assistons donc aujourd‟hui à un mouvement totalement contraire à celui que nous venons d‟évoquer dans lequel tous les acteurs du secteur bancaire en France (et en Europe) réfléchissent à la meilleure manière de renouer avec cette partie de leur clientèle partie s‟occuper de ses comptes à la maison. Et pour réussir dans cette tâche délicate, les banques proposent déjà des pistes d‟évolution : - Adapter les formats d‟agences pour leur nouveau rôle de conseil et de vente - Développer une véritable approche multi-canal. Les français sont prêts à utiliser de nombreux canaux différents, or très peu de banques savent gérer une interaction complète entre leurs propres canaux. Et c‟est cette notion de format d‟agence abordée dans ce premier point qui nous intéresse particulièrement ici puisqu‟apriori, Haworth n‟est pas légitime pour intervenir sur le dernier point. Pour faire revenir les clients en agence à l'heure où la fréquentation baisse régulièrement et où la méfiance vis-à-vis de l‟institution bancaire est au plus haut, les banques commencent donc à proposer des lieux plus agréables. Ces nouveaux lieux ont pour objectif de permettre à leur enseigne de projeter une image attrayante et cohérente avec les produits et services qu'elles proposent, et ainsi transformer les agences en lieux propices à la stimulation des ventes. C'est ainsi que fin 2010, sont nés à Paris, deux grands conceptstores imaginés comme des laboratoires de la relation client : le Foncier Home du Crédit Foncier, qui réunit les métiers de l'immobilier et le 2 Opéra, la plus grande agence de BNP Paribas en France. Les banques expérimentent donc de nouveaux formats d‟agences, essaient de comprendre comment maintenir des flux 19


de clientèle réguliers, et surtout comment aboutir à un modèle duplicable dans le maximum d‟agences possibles. Car ici, c‟est bien le côté duplicable qui est intéressant, car rénover une agence coûte cher et chaque agence est architecturalement unique. L‟idée est donc de pouvoir standardiser aisément un concept unique et facile à déployer de manière identique de Quimper à Toulouse. Un peu comme un prototype, l‟agence-test devient l‟endroit de toutes les tentatives : les bonnes idées resteront et seront exploitées dans des projets à visée nationale. Le terme de concept store prend donc ici tout son sens et se rapproche de ce qui est déjà bien connu dans l‟industrie automobile. Ce qui a plu sur un modèle de salon sera subtilement intégré dans un prochain modèle destiné au grand public. Encore faut-il que les clients soient disposés à se déplacer et à pratiquer cet échange. Les banques misent donc sur l‟embellissement des agences pour en faire des espaces de rencontre aussi agréables que des commerces de proximité. 1.6.1/ De l’agence vers la boutique : la tendance Nespresso En effet, il était devenu difficile pour les banquiers de recevoir des clients venus réaliser une opération à plusieurs dizaines de milliers d'euros dans des espaces exigus, peu confortables et mal éclairés alors que n‟importe quelle boutique de centre ville semblait en mesure de proposer une expérience très valorisante pour des dépenses moyennes bien inférieures. L‟exemple classiquement utilisé étant celui de la boutique Nespresso. Les banques tendent donc à se rapprocher du commerce de détail. En supprimant les guichets et en créant des espaces ouverts, des petits salons où le conseiller vient désormais se placer à côté du client avec son ordinateur portable, la banque gomme l'asymétrie de la relation qui existait jusqu‟alors. Cette notion symbolique du partage autour d‟un même écran relève de cet effort de transparence et tranche radicalement avec les relations d‟autrefois où toutes les informations concernant son propre compte semblaient confidentielles et où la barrière de l‟écran d‟ordinateur était sacrée.

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En parallèle, le choix du mobilier typé habitat, des nouveaux codes couleur ou des technologies mises à disposition (accès internet ou vidéoconférence) valorisent les clients. Par ailleurs, les personnes du LCL que j‟ai rencontrées lors de mes pré-recherches parlaient très souvent de « point de vente » quand elles évoquaient l‟agence. Dans les banques, l‟activité de réflexion concernant l‟avenir de l‟agence est d‟ailleurs confiée à des salariés rattachés au département « retail » et « merchandising ».

En haut : Boutique SFR à Paris En bas : Agence Deutsche Bank à Bruges

Pour soutenir cette démarche vers une « boutiquisation », les banques poursuivent l‟automatisation des opérations courantes par la mise à disposition de guichets automatiques, regroupés dans des espaces dédiés et accessibles en libre service. De plus, l‟agence devrait voir élargir son périmètre d‟activités par la vente de produits ou services de plus en plus éloignés du cœur de métier bancaire. Certains établissements proposent déjà des offres de téléphonie mobile (Crédit Mutuel), qui permettront d‟ailleurs à l‟établissement de maitriser directement un des canaux relationnels avec son client.

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Les horaires d‟ouverture des agences sont en train d‟évoluer et prennent en compte la disponibilité de la clientèle. L‟agence évolue dans l‟aménagement de ses espaces intérieurs à la fois pour proposer plus de confort, offrir un environnement plus accueillant, tenir compte des tendances et modes en termes d‟accueil de la clientèle mais également pour contribuer à renforcer le caractère commercial de l‟agence et lui permettre de devenir progressivement une boutique (meilleure fonctionnalité des locaux, affichage et présentation des produits, circulation des clients optimisée, etc…). 1.6.2/ Quid du conseiller dans ce nouvel environnement ? Les banques doivent reconquérir les clients qui ont délaissé l‟agence physique au profit de l‟agence virtuelle. Elles s‟orientent donc vers des opérations à valeur ajoutée, notamment dans le conseil et la vente à travers le renouvellement de leur format d‟agence. Le conseiller délesté de ses tâches quotidiennes (transférées sur le client lui-même) peut consacrer davantage de temps pour trouver la meilleure solution pour chaque client. Plus qu‟à l‟agence physique de demain, c‟est au conseiller de demain qu‟il faut donc penser pour orienter notre réflexion. En effet, le rôle du conseiller est fortement remis en question par ces nouveaux espaces. Les banques doivent-elles favoriser une relation client privilégiée et pérenne avec un seul conseiller ou proposer une équipe de spécialistes chacun expert sur son domaine présents dans l‟agence ou rapidement consultables ? La Caisse d‟Epargne qui souhaite conserver un maximum d‟agences, veut faire en sorte que ses clients puissent interagir par n‟importe quel canal avec leur conseiller habituel. Celui-ci devra donc être en mesure de répondre à ses clients par téléphone, par e-mail et par tous les autres canaux accessibles. Le Crédit Agricole d‟Ile de France opte pour l‟instant pour un positionnement radicalement opposé puisque leur agence Alpha propose un service de mise en relation avec des experts via vidéoconférence. L‟expérience utilisateur optimale en agence risque donc d‟être très liée à l‟orientation future du conseiller et de la modification de son travail à moyen terme.

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Quel sera le rôle du chargé de compte dans ce nouveau monde régi principalement par la technologie ? On peut légitimement se poser la question après avoir visité ces fameux concept-stores. En effet, dans ces lieux, une chose est frappante : les écrans, tactiles surtout, y sont très nombreux. La perception de la modernité et de l‟innovation dans les lieux recevant du public ne passe t‟elle que par l‟omniprésence d‟écrans ?

1.7/ Qu’est-ce que l’innovation en agence bancaire en 2012 ? L‟idée des banques était donc de renouer le contact avec leurs clients et de mettre en avant les relations d‟humain à humain, cependant, le visiteur pénétrant dans ces nouvelles agences se retrouve nez à nez avec toute une flopée d‟écrans… Quel étrange paradoxe. Les banques sont donc amenées à se défendre de vouloir remplacer leurs conseillers (qui étaient cependant au cœur de leur nouvelle stratégie de reconquête par l‟apport de conseils) par des murs d'images. Ces écrans permettent au mieux de gérer une file d'attente, mais sont surtout utilisés pour présenter des offres commerciales ou les services disponibles en ligne, ils ne sont finalement que des supports supplémentaires à la publicité. Concrètement, que voit-on vraiment de nouveau dans ces nouvelles agences ?

1.8/ Un tour d’horizon : compte rendu de visites 1.8.1/ Le Crédit Foncier et son Foncier Home Qualifié de Mégastore de l‟immobilier, le Foncier Home s‟étend sur 1500 m2, sur 3 étages où sont proposés un ensemble de conseils et de services pour toutes les étapes d‟un projet immobilier. La clientèle dispose d‟un espace joliment décoré et de podiums très didactiques (tables tactiles et autres outils interactifs) pour s‟informer de manière autonome – la scénographie pourrait faire penser à celle d‟une exposition ou d‟un musée. L‟espace est doté d‟une zone de restauration rapide, d‟une librairie et de lieux d‟expositions temporaires et d‟animations, le Foncier Home possède également un espace privatif en sous sol pour organiser des conférences ou des soirées. 23


L‟agence BNP Opéra.

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1.8.2/ La Société Générale : l’agence ‘’Bouygues Telecom’’ Depuis plusieurs années déjà, la société Générale, déploie un nouveau concept d‟agences bancaires. Les 2 300 points de ventes français sont actuellement en cours de rénovation. 200 agences ont déjà bénéficié de façades entièrement vitrées, de la suppression du sas de sécurité, de nouveaux salons d‟accueil et d‟espaces dédiés pour les rendez vous avec un conseiller. Ici, l‟effort est particulièrement porté sur la décoration et l‟endroit ressemble d‟avantage à une grande boutique de téléphonie mobile qu‟à une agence traditionnelle. 1.8.3/ HSBC : l’agence Premium L‟agence HSBC Gobelins propose un nouveau concept qui se caractérise par une grande zone de réception (accueil et orientation des clients) et par l‟absence de sas à l‟entrée. Salons d‟attente avec ordinateurs, bibliothèque et presse internationale sont mis à disposition des clients. HSBC compte déployer ce format dans ses 100 principales agences en France. 1.8.4/ LCL & Kinect Kinect entre dans 10 agences qui sont équipées de nouvelles bornes interactives. Pour l‟instant, il ne s‟agit que de naviguer dans les offres de produits et services grâce à quelques gestes simples. Il n'est donc pas encore question de grande innovation d'usage. Cette première expérience devrait malgré tout permettre de tester, d'une part, la capacité des visiteurs à s'approprier une interface qui n'est probablement pas encore universellement maîtrisée et, d'autre part, leur appétence à adopter dans l'espace "sérieux" d'une banque un comportement plutôt associé au jeu. 1.8.5/ BNP Paribas Conçu par l‟agence d‟architecture Zoevox habituée à concevoir des espaces hôteliers, le 2 opéra est la plus grande agence de BNP Paribas en France et elle ressemble en effet à un immense lobby. Profonds canapés en cuir et mobilier signé, mur végétal, espace pour des expositions temporaires et zone dédiée aux enfants, ou encore une grande table de travail pouvant accueillir une dizaine de personnes compose cet immense espace.

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On y découvre également des « salons conseil » dans des boxes vitrés, ils sont destinés à accueillir les clients qui souhaitent consulter un conseiller ou encore un espace dénommé « banque au quotidien » pour réaliser les opérations habituelles de banque. Les conseillers quant à eux ne sont pas visibles et travaillent dans des salles annexes. De leur côté, les technologies investissent largement les lieux, et on retrouve par exemple une boutique bancaire composée de 9 « totems » correspondant à 9 projets de vie qui permettent de découvrir les offres de la banque sur des bornes interactives. Cet espace et celui consacré aux enfants ainsi que la grande table étaient désertés lors de mes 2 visites. BNP a également crée un espace info-éco dédié à la pédagogie dans lequel la banque organise des conférences gratuites pour ses clients sur des thèmes aussi variés que l‟immobilier, l‟assurance vie, l‟épargne ou la retraite. BNP a investi 5 millions d‟euros dans cette agence et se sert de l‟endroit comme d‟une boîte à idées géante en profitant des retours de ses 25.000 clients pour réaliser des enquêtes et en tirer des enseignements. En effet, la banque est d‟ores et déjà en train de déployer dans 6 villes de France un nouveau format d‟agence appelé Alice qui reprend 3 idées phares testées dans ce concept store. L‟agence Alice créée par l‟agence Dragon Rouge comprend 3 espaces bien distincts qui répondent chacun à un type de besoin : le guichet d‟accueil, la table d‟hôte et le cercle du conseil. L‟utilisation d‟un tapis de couleur pour démarquer ces espaces et créer une atmosphère chaleureuse, loin des codes traditionnels de l‟univers bancaire est étonnante lorsqu‟on sait que le LCL utilise des tapis dans les bureaux de ses conseillers depuis 2001 et souhaite absolument s‟en débarrasser dans ses prochains aménagements.

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Visuel en image de synthèse de l’aménagement des agences Alice BNP Paribas. La table d‟hôtes est une zone en libre accès permettant aux clients de consulter la presse ou de faire une première simulation solitaire de prêt immobilier sur un ordinateur.

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L‟espace conseiller de clientèle, appelé désormais « le cercle du conseil », permet d‟aborder de façon plus égalitaire la relation entre un client et son conseiller. Comme nous l‟avons abordé précédemment, ils sont désormais assis côte à côte et partagent le même écran. Une webcam permet de faire intervenir un expert lors d‟une vidéoconférence si le besoin s‟en fait sentir.

Le guichet d‟accueil reste quant à lui extrêmement classique, dans sa forme et dans ses fonctions.

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1.8.6/ Le Crédit Agricole : l’Alpha projet Dans le cadre de mon observation sur le terrain, il me semble que c‟est le Crédit Agricole qui met en place la démarche la plus innovante et la plus globale au regard de ses agences et propose ouvertement une démarche tournée vers la coinnovation. En ce sens, l‟Alpha agence du Crédit Agricole se veut être un non concept-store et se définit plutôt comme un espace d‟écoute des clients. En effet, la nouvelle agence du Crédit Agricole met en avant les nouvelles technologies et est nettement plus dépouillée que celles visitées jusqu‟alors. En effet, ici se trouve très peu de mobilier.

Une fois passée la porte d'entrée : pas de podium d‟accueil, aucun des automates habituels, mais quelques d'écrans, un iPhone, un iPad et une table Surface non exploitée. Au fond, caché par une cloison, un bureau et sur le côté une table de réunion dans un box vitré. L'e-Espace, avec son micro-ordinateur, son iPad et son iPhone, permet aux conseillers de présenter les outils de banque à distance et d'en démontrer concrètement l'utilisation à des clients qui ne se sentent pas toujours à l'aise avec les outils informatiques. C‟est d‟ailleurs la première fois qu‟un intervenant du secteur bancaire exprimait ouvertement sa crainte de perdre les populations senior et de voir se développer une fracture numérique.

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Un écran tactile près de l'entrée permet aux visiteurs de prendre rendez-vous via l‟agenda partagé d‟un conseiller en quelques secondes. L'entrée de l'agence est équipée de capteurs qui mesurent la fréquentation en temps réel, offrant ainsi la possibilité d'adapter la présence des conseillers en fonction des périodes d'affluence (et réduire les temps d'attente grâce à une organisation optimisée). Etonnamment ce genre de système simpliste n‟était pas encore exploité dans les agences du réseau. L'Alpha Agence est au cœur d‟un dispositif de co-innovation plus global, baptisé Alpha Projet. Contrairement aux initiatives d'autres banques, il ne s'agit pas de créer une agence concept ou une énième agence du futur, mais plutôt d'ouvrir un espace dans lequel vont être testées de nouvelles idées, avec les clients, pour "dessiner la banque d'après". Et, pour le Crédit Agricole, cette "banque d'après" est à imaginer autour de la relation de proximité, qui reste une de ses forces. Dans ce but, l'agence a recruté un millier de clients prêts à s'investir pour tester les innovations, donner leur avis, proposer des améliorations ou même inventer eux-mêmes de nouveaux concepts... Les méthodes employées pour développer l'implication de ces "pionniers" sont encore en cours de maturation mais la banque a déjà réalisé des enquêtes "flash" via email sur des sujets précis ou des ateliers de réflexion sur un thème donné en soirée dans l‟agence. Cette volonté de co-innover ne saurait pas complète sans son versant 2.0. En effet, un profil dédié à l‟agence a été créé sur facebook, son objectif est de maintenir un lien constant avec les clients entre deux visites et de se mettre à l'écoute d'un "autre public". L‟idée étant ici de créer une agence qui s‟intègre dans son milieu : l‟agence doit être au cœur de la vie locale y compris au travers d‟une présence sur les réseaux sociaux. L‟objectif est de changer la vision de la banque, « désacraliser » le banquier et le rendre plus proche. Même si les clients n'apportent pas de nouvelles idées, la banque attend beaucoup de leur implication, afin de mesurer leur intérêt pour ce qui leur est proposé. L'Alpha Projet doit ainsi permettre au Crédit Agricole de valider sur le terrain les innovations qui apportent une valeur aux clients, aux conseillers et à la banque. Et celles qui passeront le test avec succès auront naturellement vocation à être déployées dans le 30


reste du réseau. De plus, dans une volonté d‟intégration complète du « multicanal » et toujours dans l‟idée de co-innovation, le Crédit Agricole mise sur un projet parallèle dédié aux applications mobiles. Dans le premier trimestre 2012, le Crédit Agricole prévoit de lancer un Software Development Kit qui permettra à un pool de clients et de développeurs indépendants de travailler à la réalisation d‟applications dédiées à l‟univers de la banque. Ces applications seront validées par le Crédit Agricole puis mises à disposition en téléchargement sur une plateforme appelée le CA Store, sur le modèle d‟un « marketplace » de smartphones. L‟objectif du Crédit Agricole à terme étant de créer une coopérative de développeurs dits « amis ». Il semble donc que l‟approche du Crédit Agricole soit la plus globale et la plus pertinente sur le marché des banques françaises. Car au fond, l‟agence physique ne peut plus se concevoir autrement que dans sa relation complexe au « multicanal ».

1.9/ Tout ça pour ça Malgré ce dernier constat très positif, il semblerait que la tendance lourde soit plutôt orientée vers la rénovation que vers la création de nouveaux formats d‟agence. En effet, rénover une agence n‟est pas neutre pour la banque, les curieux se pressent, viennent regarder et peuvent en profiter pour se renseigner ou demander conseil. L‟effet rénovation existe bel et bien puisque selon des études récentes, le taux de ventes est multiplié par deux durant les trois mois suivant la rénovation d‟une agence. Car il ne faut pas perdre de vue que cette phase expérimentale actuelle vise un objectif économique. Les concept-stores participent d‟une logique d‟optimisation de la productivité commerciale, ils servent à tester les réactions des clients, à voir s‟ils attirent la clientèle haut de gamme en se rapprochant des standards établis par la banque privée. Cependant, dans les faits, l‟idée semble être de rentabiliser chaque minute de temps commercial : les conseillers montrent au client comment se servir des nouvelles technologies pour le rendre plus autonome et éviter de le recevoir : l‟entretien en 31


bonne et due forme avec un gestionnaire de comptes reste consacré aux rendez-vous générateurs de valeur. HSBC par exemple, a déjà mis en pratique une segmentation des rendez-vous en agence : selon le thème à aborder et le profil des clients, le conseiller recevra dans des espaces différents, ouverts ou fermés, dans des bureaux aux vitres transparentes ou opaques. Suite à ces observations, on s‟aperçoit donc que malgré tous les efforts apportés au développement de nouveaux concepts, il n'est pas évident pour les banques de dépasser le modèle très classique qui prévaut actuellement et qui repose sur une zone d'accueil, un espace libre-service et une partie réservée à la réception des clients. Cependant il faut garder en tête que la volonté des banques est de transformer petit à petit l‟agence en lieu de vie. Afin d‟attirer clients et prospects, l‟agence se meuble de fauteuils, de banquettes et de tables autrefois réservés à l‟habitat, se dote des nouvelles technologies et augmente sa convivialité grâce à des services complémentaires (garderie ou restauration rapide). L‟agence devient également un lieu de distribution : la Banque Postale Suisse vend des livres et des magazines dans ses agences, le LCL a testé la vente de billets de spectacle et le Crédit Mutuel s‟ouvre à la téléphonie mobile. La prochaine étape semble être l‟hyper proximité avec des agences qui s‟adaptent à leur environnement direct. Afin de mettre en adéquation la vie de l‟agence et la population du quartier dans lequel elle est implantée, l‟idée est de créer des points de ventes 100% adaptables et développant des compétences propres à certains types de clients (étudiants, non résidents, seniors…). Le LCL possède par exemple une agence dans le quartier Opéra qui ne travaille qu‟avec des clients japonais, toute l‟équipe de l‟agence est d‟ailleurs d‟origine japonaise. Si de nombreux outils dits de géomarketing permettent de connaître ces environnements, la capacité d‟adaptation passe également par la modularité et la plus grande souplesse des modèles d‟agences : plus grande simplicité d‟implantation dans des lieux divers (des centres commerciaux par exemple) et donc, nécessité d‟une structure la plus légère possible. Etonnamment, ceci va à l‟encontre de la recherche d‟agences facilement duplicables que nous avons abordé précédemment. On le voit, le secteur bouge et il n‟y a pas un concept mais des concepts possibles en fonction des marques, de leurs stratégies, 32


des lieux d‟implantation choisis, des typologies de clientèle, des habitudes de fréquentation et des usages. Il semblerait donc qu‟il reste de la place pour innover et faire des propositions nouvelles autour de l‟agence bancaire. Comment Haworth peut occuper ces espaces libres et se positionner comme un acteur innovant sur ces problématiques liées à l‟agence bancaire idéale pour demain ? Quelle est la place du design dans un tel questionnement ?

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2 – Haworth 2.1/ Présentation de l’entreprise 2.1.1/ Un groupe mondial La présentation officielle de l‟entreprise décrit Haworth comme étant l'un des principaux acteurs internationaux sur le marché de la conception et de la production d'espaces tertiaires. Présente dans plus de 120 pays, avec des unités de développement, de production et de vente, l'entreprise a pour ambition de fournir à chacun de ses clients, grâce à ses produits, ses services et son expertise, une solution d'aménagement personnalisée, qui contribuera à sa performance, soulignera ses valeurs et s'inscrira dans une dynamique durable. L‟entreprise a été créée en 1948 par G.W. Haworth aux EtatsUnis (Holland – Michigan) et était spécialisée dans la fabrication d'objets en bois. En 1954, Haworth amorce son virage vers le mobilier dédié aux professionnels et notamment vers les cloisons, les fameux « cubicles ». Haworth France est né en 1995, lorsque Haworth fit l'acquisition d'Ordo et de Mobilier International, deux fabricants de meubles nationalement réputés. Haworth a procédé de la même manière sur tout le territoire européen et s‟est implanté en achetant des entreprises bien installées sur leurs marchés locaux et possédant un savoir faire particulier (Castelli en Italie ou Comforto en Allemagne). 60 ans après sa création Haworth est une entreprise au chiffre d'affaires supérieur au milliard de dollars et dont la famille Haworth est toujours actionnaire à 100%. L‟entreprise opère en aux Etats-Unis, en Europe et en Asie et emploie plus de 6000 salariés.

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Capture d‟écran du film « Playtime » de Jacques Tati,1967.

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2.1.2/ Ne sous-estimez jamais le pouvoir de l’espace dans la transformation de votre entreprise Haworth pense que les espaces de travail sont un facteur-clé du bien-être de chaque collaborateur et donc qu‟ils impactent directement la performance globale de l‟entreprise. Le rôle de Haworth est donc de mettre en phase chez ses clients l‟aménagement des espaces avec la stratégie des dirigeants et la culture de l‟entreprise. Le travail de Haworth est donc basé sur des études et des audits chez ses clients qui permettent la conception d‟espaces de travail incitant l‟engagement et l‟efficacité de chacun : des espaces qui sont qualifiés d‟ « organiques ». L‟entreprise considère en effet l‟espace de travail comme un organisme vivant : complexe, harmonieux, adaptable et durable. Cette dénomination fait référence à la capacité de Haworth à créer des espaces de travail s‟adaptant facilement aux cultures et aux exigences organisationnelles en constante évolution de ses clients. Ses solutions reposent sur une expérience éprouvée, un savoir-faire à l'échelle internationale. En effet, Haworth ne s'intéresse pas seulement aux produits mais à toutes les connexions qui leur donnent sens et leur permettent de contribuer à la performance des organisations qui lui font confiance.

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L‟entreprise ne se définit donc pas uniquement comme fabricant de mobilier mais cherche de plus en plus à se présenter comme accompagnateur du changement chez ces clients. L‟approche de l'espace de travail évolue selon les problématiques des clients et les solutions proposées par Haworth sont conçues pour s'intégrer à l'architecture intérieure d'un bâtiment mais surtout pour s‟adapter aux styles de travail des utilisateurs. L‟entreprise Haworth s‟efforce donc de proposer une totale adaptabilité : - en utilisant des produits flexibles qui peuvent être facilement configurés et reconfigurés pour suivre les besoins en constante évolution des entreprises et des utilisateurs, - en explorant les nouveaux scénarios de travail que permettent les évolutions technologiques et générationnelles. La finalité du travail de Haworth est d‟adapter les espaces de travail de ses clients à leurs objectifs commerciaux et organisationnels, à partir de données tangibles, qualitatives et quantifiables.

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2.2/ Le design chez Haworth 2.2.1/ Haworth & « Organic Workspaces », la vision du design au Etats-Unis Haworth considère le design comme une composante-clé dans l‟émergence de nouvelles idées et de nouveaux produits qui accompagnent l‟évolution du monde du travail. Le Studio de Design intégré de Haworth est composé de neuf designers basés au siège social américain de l‟entreprise dans le Michigan. Ce Studio s'appuie sur des équipes de recherche et de développement en Amérique du Nord, en Asie ainsi qu'en Europe. Il travaille également avec des « workplace strategists » internes, des chercheurs, des psychologues et des sociologues. De plus, Haworth possède des partenariats avec des chercheurs externes tels que Cameron et Quinn, spécialistes américains des cultures organisationnelles et le Human Performance Institute du Michigan pour les recherches en ergonomie. Le design est donc bien ancré pour la maison mère dans une vision globale qui intègre également la recherche. Dans son document intitulé « Haworth Design Philosophy », Jeff Reuschel, directeur design Monde de Haworth reconnait que malgré ses 60 ans passés, l‟entreprise n‟a pas su se construire une image forte en termes de design comme les grands acteurs du secteur que sont Knoll et Herman Miller. Ces deux entreprises possèdent en effet aujourd‟hui une aura inégalée due à de nombreuses collaborations passées avec de grands noms de la discipline (Charles & Ray Eames, Alvar Aalto, Arne Jacobsen, Eero Saarinen etc…). Ce manque d‟histoire nous dessert énormément auprès d‟une population très importante dans notre secteur d‟activité : les architectes, qui sont les premiers prescripteurs de produits liés à l‟aménagement des espaces de travail chez nos clients. Incidemment, je me permets de remarquer que Steelcase n‟avait pas non plus d‟histoire particulièrement forte avec le design mais l‟entreprise a su investir intelligemment en étant à l‟origine de la création d‟IDEO dans les années 90. Jeff Reuschel estime que le fait de ne pas avoir à vivre avec un tel héritage historique nous rend cependant plus libres et peut nous permettre de développer notre propre culture design. Pour l‟instant, l‟image de Haworth est celle d‟une entreprise industrielle avec la réputation de fabriquer des produits robustes. 39


L‟objectif de Haworth est de changer cette image et la vision de Jeff Reuschel est résumée dans le document présenté en annexe. 2.2.2/ Le design en Europe et en France Contrairement à la situation des Etats-Unis, Haworth en Europe ne possède pas de département design intégré et collabore donc avec des designers externes de manière opportuniste. Le portefeuille produits de Haworth en Europe se compose en 2012 d‟une cinquantaine de gammes réparties en 5 grandes familles (bureaux et tables, sièges, rangements, cloisons et accessoires). La famille des sièges est celle qui peut être considérée comme étant globale : les produits qui la composent sont généralement développés par des équipes allemandes et américaines et leur conception bénéficie quasiment toujours de l‟accompagnement d‟un designer. Ces produits ont pour vocation à être vendus sur les marchés américains, européens et asiatiques avec peu voire sans adaptations locales. La situation du siège est particulière dans l‟offre Haworth, car le reste des produits composant les autres familles ne bénéficie pas du même traitement. En effet, les attentes des marchés étant très différentes en ce qui concerne la zone de travail par exemple, il est difficile d‟appréhender l‟objet « bureau » comme un produit pouvant être global. En effet, les principaux best-sellers de cette famille ne se vendent finalement que sur le marché sur lequel ils ont été créés. Cette observation rapide nous permet de constater qu‟il n‟existe pas à proprement parler pas de développement européen pour une grande partie des produits proposés par l‟entreprise. De plus, sur les 5 dernières gammes Haworth lancées en Europe, une seule a été conçue avec un designer. Cependant tous ces produits revêtaient une importance stratégique pour le développement commercial de l‟entreprise sur ses différents marchés - deux bureaux destinés à l‟entrée de gamme, une ligne d‟armoires et une solution universelle d‟écrans de séparation. Ces gammes ont été principalement développées avec pour objectif d‟être très bien positionnées en termes de coûts et ce sont donc les équipes industrielles qui ont pris en charge leur conception.

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2.2.3/ Europe-Etats-Unis, pourquoi une telle différence ? Comment expliquer ce phénomène récent qui voit l‟entreprise développer ses produits avec si peu voire sans apport extérieur ? La liste des designers ayant travaillé pour Haworth en Europe au cours des 15 dernières années est pourtant assez importante (voir liste en annexe 2). Et les archives de Castelli, Ordo ou encore Mobilier International sont pleines d‟histoires liées au monde du design.

En 1958, par exemple, Charles et Ray Eames inauguraient rue du Faubourg-Saint-Honoré, un magasin Mobilier International. En 1959, un accord d’exclusivité était signé avec Herman Miller et en 1964, une usine ouvrait à Tours permettant de fabriquer le fameux lounge chair en France.

Lors de sa conférence à l‟ENSCI en 2011, le designer et plasticien Pierre Charpin évoquait l‟importance de ses rencontres personnelles avec les dirigeants d‟entreprises dans ses choix de collaboration. Il semblerait que certaines entreprises donnent envie aux designers de travailler avec elles d‟autres moins. Nous avons évoqué précédemment le déficit d‟image de l‟entreprise auprès de ses prescripteurs principaux, les architectes. Je m‟amène désormais à me poser la même question de l‟image d‟Haworth auprès des designers et des créateurs. Est-ce important pour l‟entreprise de renouer avec cette communauté ? Le secteur du mobilier étant historiquement très lié au monde 41


du design en France (V.I.A. écoles…) mais aussi en Europe, comment une entreprise comme Haworth a-t-elle pu ne pas préserver des liens étroits avec ce milieu ? Est-ce que la place accordée au design par le management de l‟entreprise au niveau européen est considérée comme stratégique ? L‟entreprise peut-elle se contenter d‟une image de faiseur de « me-too products » ? 2.2.4/ Le design comme ‘’Managing Partner’’ Il semblerait qu‟en 2012 l‟entreprise ait choisi d‟apporter un début de réponse à ces questions puisque que la direction d‟Haworth en Europe a nommé un Vice President Marketing pour l‟Europe et a recruté pour l‟assister dans sa mission pour une durée déterminée, le designer Torsten Fritze en qualité de Design & Product Marketing Consultant. Au niveau opérationnel, pour Haworth en Europe, le design serait donc à rattacher à la fonction marketing. Torsten Fritze est un designer allemand qui a fondé en 1993 avec Michele De Lucchi et Nicholas Bewick l‟agence Studio&Partners à Milan. Il est mandaté dans un premier temps pour travailler sur le lancement d‟une nouvelle gamme de sièges à l‟été 2012, pour réfléchir au stand sur le prochain salon professionnel Orgatec et pour établir une vision pour l‟entreprise à horizon 2015 en prenant en compte l‟avenir des espaces collaboratifs.

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2.3/ Haworth et la banque 2.3.1/ Les produits spéciaux Nous venons d‟aborder rapidement la manière dont les produits standards sont développés chez Haworth. Nous avons également constaté l‟importance pour Haworth de s‟adapter aux besoins spécifiques de ses clients/utilisateurs. C‟est ainsi que l‟on peut observer que 15% du chiffre d‟affaires de l‟entreprise est réalisé par des produits spéciaux, c'est-à-dire des produits développés spécifiquement pour un client précis (en réponse à un appel d‟offres ou suite à une demande particulière). Etonnamment, ces produits ne bénéficient jamais de l‟appui d‟un designer lors de leur conception et leur développement est réalisé intégralement par le bureau d‟études industriel. C‟est par exemple le cas de tout le mobilier livré dans les agences bancaires du LCL depuis 2001. 2.3.2/ Un exemple concret : le mobilier des agences LCL Le LCL a développé en interne à la fin des années 1990 un nouveau concept d‟agences. Puis la banque a cherché des fabricants pouvant être à même de produire des prototypes. Haworth a donc finalisé le projet en apportant son savoir faire industriel mais l‟ensemble de la conception a été réalisée en amont par la banque. En 2005 le LCL a voulu faire évoluer son concept avec comme mot d‟ordre : « plus vite et moins cher ». Là encore Haworth a su se montrer efficace et a principalement apporté des optimisations industrielles (simplification de la construction) et logistiques. Depuis fin 2011, le LCL souhaite faire évoluer son parc existant et demande à Haworth de réfléchir à l‟amélioration des mobiliers présents en agence à moindre coût : - Création d‟un nouveau podium d‟accueil mobile et amélioration de son ergonomie, - Suppression des armoires peu utilisées, - Suppression des tapis dans les bureaux des conseillers, - Apport de touches de couleur sur le mobilier déjà installé pour se mettre en phase avec la nouvelle charte graphique LCL, - Nouveaux sièges pour le conseiller, les clients et les zones d‟attente.

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Dans le cadre de cette demande, je souhaiterai profiter de cette opportunité de collaboration sur le long terme avec le LCL pour proposer un partenariat plus poussé. En effet, nous savons que LCL, réfléchit en parallèle à de nouveaux concepts d‟agence mais la banque se refuse pour l‟instant à intégrer Haworth dans ses réflexions. Un rendez-vous avec la personne en charge des formats d‟agences est cependant prévu début mai. La question ici comme dans de nombreux autres projets à l‟heure actuelle est : Comment passer du statut de „simple‟ fournisseur de mobilier de bureau à celui de partenaire stratégique sur des problématiques d‟organisation et de changement chez nos clients?

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Un bureau conseiller dans une agence LCL en 2012.

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3 – Du design produit au design d’expériences Après avoir analysé la situation actuelle des clients bancaires et la manière dont le design est traité chez Haworth, vient donc la question concrète de l‟agence bancaire. Est-ce que l‟entreprise Haworth doit se servir du design pour répondre à cette problématique particulière ? Le design étant considéré, ici, dans son acception de méthodologie de résolution de problèmes créative centrée sur l‟humain et les usages. Après avoir passé énormément de temps à scruter l‟état actuel des avancées dans le domaine bancaire et à me demander quelles pouvaient être les réelles attentes des utilisateurs se rendant dans une agence, je suis tombé sur cette déclaration du PDG d‟Artemide dans l‟ouvrage de Roberto Verganti « Design Driven Innovation » qui assurait développer ses produits sans se fier aux attentes du marché mais simplement en lui faisant des propositions… Et c‟est justement ce point qui m‟intéresse : comment faire des propositions « justes » ?

3.1/ Un projet, plusieurs pistes La dernière partie de ce mémoire sera donc consacrée aux différentes voies permettant d‟imaginer et de formaliser ces fameuses propositions au marché… L‟idée ici n‟étant pas de faire moi-même les propositions mais plutôt d‟essayer de trouver les espaces de réflexion dans lesquels l‟entreprise peut faire intervenir le design. 3.1.1/ La piste classique du produit La sollicitation originale du directeur commercial de Haworth était de faire vite et en interne en mobilisant très peu de ressources. L‟idée était donc de travailler sur la réalisation d‟une agence virtuelle qui pourrait être une vitrine du savoir faire de Haworth. Ce projet devait être suffisamment général pour pouvoir séduire tous les prospects du secteur. L‟entreprise saurait en effet très bien réaliser ce genre de projets sans aide extérieure. D‟ailleurs Tim Brown lui-même ne dit-il pas que le « Design is too important to be left to designers » ?

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Seulement voilà, pour mener à bien ce type du projet, il faut des ressources et notamment du temps. Travailler sur une telle question, demande une période d‟analyse et de compréhension des interactions en jeu dans l‟univers qui nous intéresse. C‟est ce que j‟ai modestement tenté de résumer dans ma première partie. Comprendre la crise que vit actuellement le secteur bancaire, la défiance des clients et le besoin de transparence des banques me semble être un enjeu majeur pour bien traiter la question de l‟agence. Et c‟est dans cette phase d‟analyse et d‟observation que le binôme designer et sociologue, par exemple, peut apporter à l‟entreprise des pratiques qu‟elle ne maitrise pas en interne. En effet, ces deux acteurs ont la capacité à faire ressortir par leurs travaux complémentaires les besoins non exprimés des utilisateurs et faire émerger leurs attentes non satisfaites, comme autant de données d‟entrée pouvant alimenter les phases suivantes d‟un projet. De plus, comme nous l‟avons vu précédemment, de grosses agences telles que Dragon rouge et des cabinets de conseil type Accenture, Cap Gemini ou Atos Origin travaillent déjà sur le sujet, et ce, depuis très longtemps. Comment Haworth pourrait, dans ce contexte, être capable d‟apporter des propositions différentes et remarquables avec peu ou pas de moyens ? S‟orienter vers un designer pour lui demander de créer un énième concept d‟agence m‟apparait alors vain et sans réelle valeur ajoutée sur le long terme. 3.1.2 / La piste du workshop Une idée alternative serait de placer Haworth à l‟origine d‟ateliers de réflexion et de partage sur le thème de l‟agence du futur avec des intervenants experts : designers / sociologues / architectes / responsables des ressources humaines / scénographes et professionnels de l‟accueil (groupes hôteliers par exemple)… Bien évidemment il faudrait également convier des utilisateurs des banques à ces ateliers. Le point bloquant ici est de parvenir à inviter des banques qui ne sont pas complètement engagées dans un processus de refonte de leur réseau d‟agences mais qui sont disposées à 47


partager et à échanger des informations considérées jusqu‟à présent comme confidentielles. Face à un manque certain de ressources et de savoir faire en interne, la voie à explorer ici est celle du sourcing de créativité chez des experts qui eux, sont supposés être capables de prendre du recul et du temps. Une agence comme Plan Créatif pourrait typiquement être mandatée pour travailler à l‟organisation des ces ateliers. Son savoir-faire sera particulièrement utile en phase post-atelier lorsque les informations collectées devront être transformées en insights utilisables puis en scénarios créatifs. 3.1.3 / La piste du co-branding Le co-branding est une pratique qui vise à promouvoir simultanément les marques ou les produits de deux entreprises distinctes. La réunion des deux entreprises peut se faire sous la forme d‟une création d‟un produit ou d‟un service co-brandé mélangeant deux univers qui, à l‟origine, peuvent sembler bien différents. L‟exemple parfait dans le cas qui nous intéresse aujourd‟hui est celui tout récent (fin 2011) du partenariat entre Microsoft et Novotel sur le projet : « 3120 The room of the future » (mis en scène par l‟agence d‟architecture Naço) – voir Annexe 3. Les deux entreprises ont donc offerts aux clients de Novotel leur vision pour la chambre d‟hôtel de demain. Cette chambre existe et peut être réservée dans un hôtel du centre de Paris. Mais avec qui et pour aller où ? Haworth possède déjà trois partenaires privilégiés avec lesquels il pourrait être intéressant de construire pour proposer des solutions globales pour la banque. Il s‟agit de Somfy, Philips et Ecophon (domotique et gestion de la lumière naturelle, éclairage, et acoustique). Faut-il capitaliser sur un partenariat avec une de ces trois entreprises ou doit-on essayer de créer ce co-branding avec une banque directement ? Tout ce projet de co-branding pourrait évidemment être mis en scène par un designer.

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3.1.4 / La piste de l’imaginaire « Les rêves et les désirs des individus sont sur les fonctions et non sur les objets ! » Marc Giget / Cnam Nous avons évoqué précédemment que le risque pour Haworth était de voir les agences se démunir quasi complètement de leur mobilier. Suite à une discussion avec le designer Bernard Moïse, il nous a semblé intéressant de chercher les pistes permettant de transformer ce risque potentiel en opportunité. La question sous jacente ici étant : est-ce que l‟entreprise est capable de redéfinir sa stratégie et de passer de l‟économie de l‟objet à celle du service ? Le cas échéant, le design semble tout à fait légitime pour être questionné de la sorte : et si Haworth ne faisait plus de mobilier demain ? Il serait même particulièrement intéressant de faire définir par des designers des scénarios pour Haworth dans une optique de passage à une économie de service. Que pourrait recouvrir la notion de service pour un fabricant de mobilier de bureau ? 3.1.5/ La piste de l’expérience Le design de service repose sur la scénarisation d‟une succession d‟événements dont les moteurs sont assez souvent les technologies de l‟information et de la communication. Si l‟on se positionne dans le cadre d‟une démarche de conception centrée sur l‟humain, il est alors plus judicieux de parler de design d‟expérience. Dès 1999, Pine et Gilmore (dans “The Experience Economy: Work Is Theater & Every Business a Stage”) considèrent l‟expérience comme une nouvelle offre économique sur le marché (après l‟économie de la marchandise, l‟économie industrielle et celle des services justement). Ils justifient la production d‟expériences comme un moyen pour les entreprises d‟acquérir une différenciation concurrentielle et de pratiquer des prix plus élevés. Dans cette économie de l‟expérience, l‟offreur devient un metteur en scène, l‟acheteur un invité en quête de sensations et l‟offre se doit d‟être de nature mémorable, le bénéfice perçu sera alors propre à chaque client et se révèlera dans la durée, en fonction du souvenir conservé de l‟événement. 49


L‟objectif ici est de faire vivre à l‟utilisateur d‟un bien ou d‟un service des expériences uniques qui l'entraînent au sein de l'univers d'une marque, afin de bâtir fortement et durablement la relation entre lui et la marque. Encore une fois l‟exemple de Nespresso est une parfaite illustration de cette économie de l‟expérience. Si cette définition de l‟économie de l‟expérience fait sens pour une banque qui doit établir avec ses clients un lien particulier, comment appliquer ces principes à Haworth, dans un univers BtoB où l‟utilisateur final n‟est quasiment jamais celui qui achète les produits ? Haworth possède déjà une expertise intéressante dans cette perspective, c‟est celle de maitriser les espaces. Le métier de l‟entreprise étant centré sur le travail et plus particulièrement autour des espaces dédiés au travail, comment capitaliser sur ce point particulier et offrir des expériences de travail plutôt que des aménagements à ses clients ? La définition de Pine et Gilmore parle de l‟offreur comme d‟un metteur en scène. Comment Haworth peut se redéfinir en un acteur développant et mettant en scène les univers de marque de ses clients dans leurs propres espaces ? 3.1.6 / La piste business model Certaines des pistes que nous venons d‟évoquer remettent profondément en question le business model actuel de l‟entreprise. Ne pourrait-on pas convoquer le design également sur ces réflexions d‟ordre stratégique ? Nous savons que le design est en capacité d‟analyser et de rendre visible ce que l‟entreprise peut apporter à ses utilisateurs. Ne peut-il pas en être de même pour les acteurs économiques gravitant dans le même écosystème ? Ainsi, le design pourrait devenir un outil permettant de chercher où se trouve la valeur existante mais non visible dans les relations de l‟entreprise à son milieu. Le design sait modéliser la manière dont l‟entreprise créé de la valeur, la délivre au marché et ensuite se rémunère. Dans l‟ouvrage collectif “Rethinking Business Models for Innovation - Lessons from entrepreneurial projects”, les auteurs mettent en avant l‟importance de modéliser physiquement le réseau de valeurs dans l‟écosystème d‟une entreprise afin de repérer où et avec qui ont lieu les échanges de valeur. 50


Dans l‟écosystème de Haworth, la valeur se trouve t‟elle encore dans la phase de vente de mobilier ? Cartographier les intervenants et les échanges permet de concevoir de nouveaux business-models profitables pour l‟entreprise, mais aussi d‟identifier des sources de valeur chez les clients potentiels ou chez d‟autres acteurs inconnus de l‟entreprise jusqu‟alors. Cette représentation permettra aussi de définir la position que l‟entreprise souhaite prendre dans son écosystème. Ici, l‟idée est que le prototypage de business-models par le design peut se mettre au service de la stratégie de l‟entreprise et de la capture de valeur. Créer de la valeur sur des marchés nouveaux nécessite le plus souvent de repenser l‟organisation de l‟entreprise, ses partenariats stratégiques et ses modèles de revenus. Le designer peut questionner la stratégie de l‟entreprise et l‟aider à aller chercher de la valeur ailleurs, en formulant des scénarios originaux. Selon la stratégie Océan Bleu (énoncée par W. Chan Kim et Renée Mauborgne), une croissance forte et des profits élevés ne peuvent être en effet générés que par une entreprise à même de créer une nouvelle demande dans un espace stratégique non contesté, appelé Océan Bleu, plutôt qu'au cours d'affrontements classiques avec des fournisseurs existants pour des clients existants dans une activité existante. Est-ce que le design saurait aider l‟entreprise à révéler ces fameux espaces stratégiques non contestés ? Le cas concret qui illustre parfaitement cet exemple est celui de JC Decaux qui est passé de fabricant de mobilier urbain à loueur d‟espaces publicitaires. Est-ce que Haworth pourrait s‟inscrire dans un modèle économique radicalement innovant pour sa profession ?

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Certains penseurs du design défendent donc l‟idée qu‟il est du ressort de la discipline de s‟inviter à tous les étages stratégiques de l‟entreprise. En théorie l‟idée est séduisante car le design possède finalement une méthodologie structurée et créative de résolution de problèmes centrée sur l‟humain assez intéressante qui convoque des pratiques peu utilisées dans les autres métiers de l‟entreprise : l‟observation, la prise de recul, le questionnement des problématiques et leur reformulation, la conception itérative et participative, le prototypage et le test ou encore la recherche de sens. Cependant si la discipline semble pouvoir tout faire, qu‟en estil des designers et comment trouver le bon ?

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BIBLIOGRAPHIE Livres Design en entreprises : Les pratiques de gestion du design. / Nicolas Minvielle – Cécile Cam. DeBoeck, 2011. L‟esprit Design : Le design thinking change l‟entreprise et la stratégie. / Tim Brown. Pearson, 2010. Design Driven Innovation : Changing the rules of competition by radically innovating what things mean / Roberto Verganti. Harvard Business Press, 2009. Court traité du design. / Stéphane Vial. Puf, 2010. Les voies de l‟innovation : les leçons de l‟Histoire. / François Caron. Manucius, 2011 Design : Introduction à l‟histoire d‟une discipline. / Alexandra Midal. Pocket, 2009. Rethinking Business Models for Innovation : Lessons from entrepreneurial projects. Ouvrage collectif sous la direction de Valérie Chanal. Open publication, 2011. Rapports Pour une nouvelle vision de l‟innovation. / Pascal Morand, Delphine Manceau. 2009. L‟approche multicanal des banques françaises : Evolutions et perspectives, Noveo Conseil, Octobre 2009. Une nouvelle expérience client pour La Banque Postale au sein des bureaux de poste. Accenture, 2011. Time for a new contract between banks and their customers / Accenture, 2010. Horizons Bancaires : Banque de détail et innovations technologiques. Document interne Crédit Agricole / numéro 339, Décembre 2009. Observatoire 2011 de l‟opinion sur l‟image des banques, juin 2011. Présentation du 16 septembre 2011. IFOP. La coordination d‟un réseau de distribution multicanal : le cas de la banque de détail. / Loïc PLÉ. Université Paris Dauphine, Novembre 2006. 54


Articles Le rôle du design dans l‟expérience client / Nicolas Minvielle et Rémi Chadel. Le design sonore comme innovation récente dans l‟hôtellerie de luxe / Marie Catherine Mars, Nicolas Minvielle et CharlesEdouard de Surville. Le design des lieux d‟accueil / Nicolas Minvielle. Histoire des banques en France / Alain Plessis. Université de Paris X Nanterre. Document non daté. L'agence modèle, laboratoire de la relation client / Alexandra Oubrier. Agefi.fr, 27/01/2011. L‟innovation dans la distribution des services : l‟émergence du multi canal / Anne Marianne SECK. GREFI, Université AixMarseille. Stimuler la créativité des personnels d'exécution / Les Echos, 16 Octobre 2007. Sites internet Fédération Bancaire Française http://www.fbf.fr/Web/internet2010/content.nsf?OpenDatabase Le Club Innovation Banque Finance Assurance http://innovbfa.viabloga.com/ Observatoire des métiers de la banque : http://www.observatoire-metiers-banque.fr/ L'innovation technologique dans et pour les services financiers. http://cestpasmonidee.blogspot.fr/

Conférences Matins de l‟innovation « Banque Assurance Finance, Innover pour (re)gagner valeurs et confiance » / ESSEC au CNIT de la Défense – mardi 15 novembre 2011. Notamment l‟intervention de Jean Philippe Blanchard (Responsable du pôle Innovation Crédit Agricole SA) : « Le design : moteur de l‟innovation au Crédit Agricole »

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Mardis de l‟innovation : Imagination, inspiration et imitation à la source de l‟innovation Séance du mardi 31 janvier 2012 Innovation : le passage à l‟acte, stratégies d‟entreprises, business-models et création de valeur par l‟innovation Séance du 28 février 2012

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Annexe 1 “Haworth Design Philosophy” by Jeff Reuschel- Global Design Director Of the major contract furniture players, Haworth is perhaps the only one with a reasonably clean slate when it comes to its brand identity and one important subset of it, its design philosophy. This puts us at a disadvantage because we don‟t get sales due to our design heritage as Knoll and Herman Miller do. At the same time we are not limited by such a heritage and can form our own destiny. One of our key customer groups is the A&D community. These specifiers often act as our representatives to our customers and as such need to know and understand what Haworth stands for. Our competitors, for the most part, have done a better job of this than we have. We must develop a uniquely Haworth position and not one based on what others think we should be – this will only lead to a superficial amalgamation of what is admired about other companies. Our products will be known for being beautiful, easy to design with, robust, intelligent and responsible. The consistent addition or amplification of these characteristics will take time, effort and attention from ALL functional groups. Developing our own unique design culture is not a design initiative but rather a corporate initiative. And it is an initiative that cannot be mandated by executive order but can only be realized with executive support. Historically we have been known as “dependable”. We did what we said and one could count on our products as being “sturdy”, even perhaps overly so. In recent times we have lost some of our dependable credibility. Getting this back in order must be our first order imperative. Any work within the company that might distract us from or dilute these efforts needs to be scrutinized. This is especially important as we endeavor to continue to raise the quality of our products and services. It cannot be thought that we are trading one desired quality for another. We have also been called (and identified ourselves as) “engineering driven” - thus the sturdy and dependable descriptors above. This has led to a development process where design is the skin applied at engineering‟s end to make an object look better (which never works, of course). While those days are gone, remnants of that approach remain. A change must occur that applies marketing, design and 57


engineering expertise on a project from its inception and that continues with adequate support throughout the project life. And when being honest with ourselves we have often described our own behavior as schizophrenic. Our rationale for this behavior was our fanatical focus on “customer satisfaction” or giving the customer what they wanted. While a noble cause in general, it is not without its risks – risks that we have not managed well in the past. One, this assumes that the customer knew what they wanted or even what was in their own best interest. This is not often the case. Two, we appear to lack the understanding necessary to help because we rely on asking the customer to “tell us what you want” which in turn leads to our attempts to be “everything to everybody”. And three, we demonstrate a lack of confidence in our own ability to provide the best solution. This is one more reason we have been the most satisfied when we can provide the lowest priced solution. The following two sections borrow concepts from a talk given by musician, songwriter and game designer Dino Dini who described design as the management of two types of constraints: negotiable and non-negotiable. “Non-negotiable constraints” We have talked for many years about “user-centered design”. We have used pseudo-relevant science to market our products with limited success. While both user concern and scientific rigor are important facets of product development, we cannot escape the fact that the product must look good first before any description of how smart it is will be effective. Without looking good, any intelligence assigned to the product will sound like an excuse for why it‟s ugly. No feature - cost, durability, service package, ease of anything – can overcome aesthetic incompetence. To that end, we must work to fill the product gaps (both missing and existing unsatisfactory) in our total global portfolio with beautiful objects that work together. The design group is responsible through the application of the elements (line, shape, form, mass, texture, color, space) and principles (contrast, unity, pattern, balance, proportion, dominance, movement ) of design and for the coherence of the portfolio as a whole. This being the case Haworth design groups do NOT abdicate ultimate design control to outside entities but will work with outside consultants to reach agreement on the best course of action. This further means that the choice of outside design consultants is made in consultation with the design heads in each sector to ensure understanding of Haworth‟s design point of view, the needs of the global portfolio and an amenable working relationship. 58


A corollary to the “beautiful non-negotiable” is that they must be elements in building a beautiful composition. This means that our product offerings will provide specifiers with the design freedom to create. It further means that designers must be capable of using our portfolio of products to compose a variety of aesthetic interior options coupled with the ease of using products that work seamlessly together. In order to form a global brand, our product portfolio will need to attain a higher level of functional and aesthetic consistency meaning that the coherence of the entire portfolio will be elevated. This does NOT mean we will average the needs across sectors but rather that we will be selective and purposeful in choosing the functional and aesthetic requirements in each locale. All new developments must be created with the FULL portfolio in mind – seating products mindful of workstation products; Asia-Pacific products mindful of European products; product offerings mindful of service offerings. In the past, our speculative concept products did a good job of attracting attention. While this works for PR purposes, over time these great concepts appeared hollow as very few of the embedded characteristics ever made it into a product catalog. We must design products with depth. “Yes, it looks good but let me tell you more about it”. The design community may propose it if it looks good but they‟ll promote it if it also has a purpose. Once past the initial aesthetic sort, evidence of deeper understanding, practicality of application, additional services and user benefits will gain favorable momentum with a customer. These evidences, however, must be consistent, repeated, broadly applied and longitudinal. We also, cannot treat knowledge application as the icing on the cake – it must be the cake. It must be the essence of what makes the product what it is. To that end, R&D efforts should primarily occur outside of the time and resource constraints of a project and then be applied as appropriate to the situation. The concept of creating sustainable products and practices has always been the right thing to do. In the future, it may be the only thing businesses are allowed to do. While Haworth internally has a long history of social responsibility, we need to provide our customers with the opportunity to practice sustainability through our products and services. We will accomplish this in two primary ways. The first is through materiality/construction considerations such as Design For Disassembly, recycled content, recyclability, avoidance of toxic material, etc. Second our products must be the most 59


adaptable on the market allowing significantly longer life cycles and thus substantially delay entering (or ideally avoiding altogether) the landfill. Our products have historically been known to be structurally robust. When combined with beauty, durability is elevated to an entirely different level. It is imperative that we maintain our reputation for producing long-lasting products so it is never thought that we traded one for the other. “Negotiable constraints” It is obvious that there are certain local market needs that will not cross sector boundaries. Again, we do not want to “average” and thus diminish meeting the need in one locale in order to have a product that is partially viable for another. It is also true that certain locales will contain competitors that are unique which also will drive certain exclusive requirements. We will not adhere to a strict set of visual constraints that forces a “monotone” design vocabulary. The boundaries of the visual language will be set more by quality than by particular style. Organic forms versus geometric forms, for example, will be dictated by the needs of the total portfolio with consideration given to the particular project. However, while negotiable, this flexibility in visual language must never be used as an excuse to violate “coherence” described above. We must also recognize the differences in local needs relative to determining the product offering or statement of line. Not all sectors can sell all variants of product in their respective areas. We must, nonetheless, strive to leverage “platform” developments whenever possible to gain economies of scale, shared tooling or development expertise and marketing synergies. There are also differences in standards required from one sector to another and even from one country to another. This is particularly true for ergonomic standards which vary greatly from area to area. Whenever practical, we will strive to broaden the capabilities of the product to encompass all known standards but without violating any of the non-negotiable constraints above. The preceding design constraints are intended to serve more as a doctrine (set of beliefs) than a constitution (set of laws). As such, we need to continually question their current validity and challenge each other with new ideas. We also must recognize that no doctrine is changed without consensus which makes communication a vital ingredient to making it work. The 60


decision to invest in a project of interest to only one sector, for example, should be made by representatives from ALL sectors. Likewise, statements of line for global products should be developed by global teams and not assumed to be the sum of offerings required of each sector.

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Annexe 2 Liste des designers ayant travaillé avec Haworth en Europe sur les 15 dernières années. Entre parenthèse, le nom de la gamme Martin Ballendat (b_sit) Simon Desanta (System 50) Claudio Bellini (Avenue) Emmanuel Dietrich (Epure) Paolo Favaretto (Anyway et System 39) Doriana et Massimiliano Fuksas (Mumbai) Daniel Figueroa (Planes) Albert Holz (Audience) Jean-Louis Berthet (Concord et Escale) Jean Michel Wilmotte (W1.0) Catherine le Téo et Thierry Blet (Huit et LTB) Marc Alessandri (Décade) Chesser Schacht Design (Hello) Markus Denstädt (q_bic) Hartmann & Blume (Hexagon) Studio ITO-Design (System 99 et System 89) Daniel Korb (Vertical Office) Lepper, Schmidt, Sommerlade (s_con) Wolfgang C. R. Mezger (m_sit) Pablo Designs (Brazo et LIM) Charles Pollock (Penelope) Mario Ruiz (K22) Michael Schmidt (Meet You) José Serrano (SE04) Andreas Struppler (Kiron) Studio & Partners (TL et Tutti) Studio Team Form ag (m_pro)

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Annexe 3 Extrait du dossier de presse – 3120 the room of the future. Co-branding Novotel et Microsoft. Plongez dans une ambiance unique de la chambre « 3120 » en pénétrant dans son antichambre, totalement repensée telle un « sas de décompression », entre le monde extérieur et la découverte d’un espace privilégiant le volume sensoriel, l’ingéniosité pratique et la technologie interactive, toujours présente sans jamais être intrusive.

« Apporter de la fraîcheur, surprendre, rêver, libérer les énergies ! Cela commence par la recomposition des volumes, ce qui implique de sortir du cube étouffant, de travailler la lumière, ou encore d’effacer le mobilier qui gêne la circulation. Multifonction, flexibilité, liberté : la chambre 3120 suit les envies de l'utilisateur et pas le contraire », explique Marcello Joulia, directeur du cabinet d’architecture Naço que Novotel a sollicité pour la conception de la chambre 3120. «Nous avons mené une vraie recherche sur l'intégration des technologies au coeur de l'architecture et sur un langage graphique associé, à la fois intelligent et connecté, qui joue un rôle essentiel, notamment dans l'accessibilité de la technologie».

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