Îles de France et d'ailleurs - sommaire et préface

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Îles de France et d’ailleurs Rencontres sociales et artistiques Récits et mémoires Association Service Social Familial Migrants École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy Archives nationales


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Îles de France et d’ailleurs Rencontres sociales et artistiques Récits et mémoires

Îles de France et d’ailleurs

Association Service Social Familial Migrants École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy Archives nationales Gennevilliers, Cergy, Pierrefitte-sur-Seine, 2016 ISBN 978-2-9543880-2-1

Rencontres sociales et artistiques Récits et mémoires

Cet ouvrage a été édité à l’occasion de l’exposition présentée aux Archives nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine, du 12 au 26 mars 2016. Design graphique SA*M*AEL — Samuel Bonnet & Maël Fournier-Comte Participants : Abdallah, Ramdan Adek, Cherif Aït Addi, Wagul Camara, Ouerdia Chemakh, Monsieur Coulibaly, Makhan Diarra, Miloud El Masbah, Monsieur Georges, Madame Hul, Makiko, Martine Ly Foung, Isidore Nkunzumwami, Salvatore Porto, Monsieur Ramiro, Maria Saavedra, Hussain Safdar, Aïcha Sarfak, Monsieur Siby Association Service Social Familial Migrants Christian Laruelle, Directeur Martine Bendahan, Déléguée Territoriale Hauts de Seine / Seine-Saint-Denis Magali Ciais, Déléguée Territoriale Paris Samira Youssouf, Animatrice Benoît Menard, Directeur Général de l’UNIOPSS ; Délégué Territorial Paris en 2013 Fatma Fall, Animatrice Taous Yahi, Agent de Développement Local Intégration Hauts de Seine Lola Baldo, Agent de Développement Local Intégration Seine-Saint-Denis Sara Bahuaud, Formatrice Ami Karim Slameur, Conseiller Artistique Elian Djaoui Psychosociologue, consultant en travail social École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy Sylvain Lizon, Directeur Chloé Samaniego, Secrétaire générale Pierre Genre, Secrétaire général adjoint Françoise Brie, Comptabilité et budget Antoine Idier, Coordinateur des études et de la recherche Carole Benzaken, Artiste Sylvie Blocher, Artiste Nicolas David, Atelier Son Benjamin Grafmeyer, Atelier Sérigraphie impression Alia Belgsir, Céline Drouin-Laroche, Maya Gering, Yuni Hong, Flora Moricet, Karla Tobon-Pumarada, Fotima Sharipova, Zukhra Sharipova et Valérie Vial, Artistes

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Archives nationales Françoise Banat-Berger, Directrice Rosine Lheureux, Chargée des partenariats scientifiques et des relations internationales Anne Rousseau, Chargée de la programmation artistique et culturelle Marie de Bonnafos, Chargée de développement des publics Alice Marsal, Chargée d’études documentaires au Département environnement, agriculture, aménagement du territoire Annick Pegeon, Responsable du service éducatif Christophe Barret, Responsable adjoint au service éducatif Jean-Hervé Labrunie, Chef de travaux Remerciements Daniel Maximin Le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, et tout particulièrement son régisseur Victor Torossi et son directeur Paul Salmona Médecins du Monde, et tout particulièrement son Directeur des missions France, Jean-François Corty, Directeur des opérations internationales ; et son responsable de la communication, Alexandre Jalbert Jean Trival, Daniel Gerond et Morad Zanabi des Archives nationales de Pierrefitte Et les institutions partenaires : Etablissements Ile de France ADOMA, F.A.C.E.E.F Fédération Associations Espagnols Emigrés en France, Saint-Denis, Centre Social « le nouveau monde » Villeneuve la garenne, Association UNIS-CITE – Paris Avec le soutien du Conseil Régional Île-de-France, de Plaine Commune, de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale des Hauts-de-Seine et de Médecins du Monde

Association Service Social Familial Migrants École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy Archives nationales


——— Préface

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——— Migr’acteurs : faire ensemble l’Île de France Migr’acteurs est né d’une rencontre celle des travailleurs sociaux de l’Association Service Social Familial Migrants (ASSFAM) avec des personnes âgées immigrées. L’ASSFAM agit auprès des migrants âgés en Îlede-France et en région Auvergne-Rhône-Alpes. Dans un premier temps, la démarche est toujours de nouer un contact avec les migrants âgés, afin d’amorcer une action sociale en leur faveur. L’association a centré son action sur trois thèmes clés pour améliorer le bien-être des migrants âgés : l’accès aux droits, l’accès à la santé et la sortie de l’isolement.

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7 Martine Bendahan Déléguée Territoriale ASSFAM 92 / 93

La notion de « migrants âgés » recouvre le plus souvent des personnes étrangères ou nées à l’étranger, issues de l’immigration de travail des Trente Glorieuses. Âgés de 50 ans et plus, les immigrés vivent souvent isolés soit en foyer, soit en habitat diffus, mais précaires. Les difficultés rencontrées qu’elles soient d’ordre social, économique ou sanitaire sont nombreuses et les acteurs concernés partagent de plus en plus un sentiment d’impuissance face à un public qu’il est difficile d’appréhender. Si ces personnes âgées migrantes sont souvent plus malades que les autres, dans un vieillissement précoce, c’est évidemment parce qu’elles ont commencé à travailler plus tôt que les autres et souvent dans des postes d’une grande pénibilité. Ainsi elles ont été poly-exposées aux maladies professionnelles et aux accidents du travail, très peu prises en charge par la médecine du travail, mal soignées, mal suivies, dans une situation d’exil et d’isolement psychique très important.


Des rapports, des enquêtes, des kilomètres de préconisations de toutes sortes, techniques, sanitaires, sociales, psychiques, culturelles, cultuelles, mémorielles sont apparus. Certes, c’est important que tout le monde soit au courant des problèmes, mais les réponses concrètes par rapport aux particularités discriminatoires pesant au long cours sur ces populations ne sont pas nécessairement, encore à l’heure actuelle, à la hauteur de la gravité de la situation.

tout ce qu’il vous dit est d’une incroyable richesse et vous le prenez comme un cadeau. Ce sont ces différents moments forts partagés que nous avons voulu mettre en valeur. Notre souci a été de rendre visible les situations de ces personnes souvent qualifiées « d’invisibles » au regard de leur environnement. Pour une fois, il nous a semblé important de porter un regard positif sur ce public, leur rendre la parole pour qu’ils témoignent de leurs divers apports à la construction de l’identité francilienne.

Ainsi, nos travailleurs sociaux constatent que la CAF, la CNAV, certaines Préfectures, certaines municipalités n’ont de cesse de traquer, on ne sait quelle infraction, à on ne sait quel règlement, pour percevoir telle ou telle prestation ou des minimums vieillesses humiliants, inférieurs à quelques centaines d’euros. Notre qualité de travailleur social nous a habitués à traiter de situations administratives complexes où il faut patiemment dénouer le fil qui nous permettra de résoudre telle ou telle difficulté. Auprès des personnes âgées migrantes, cette patience s’impose d’autant plus que la confiance n’est pas acquise d’emblée : lorsque nous les rencontrons au sein des foyers de travailleurs migrants ou en habitat diffus, après tout ce que nous venons d’expliquer, elles ont bien des raisons de se méfier de tout ce qui peut représenter, à leurs yeux, « l’administration française » qui ne les a pas beaucoup aidées. Alors oui, quand elles nous rencontrent, elles nous testent. On prend le temps de voir comment vous allez répondre à une première question, à une deuxième et c’est au troisième ou quatrième entretien qu’on va vous apporter le fameux « sac plastique » dont le contenu résume en papiers divers, tout votre parcours. Et là, vous vous dites, « c’est gagné, il commence à me faire confiance ! », votre interlocuteur commencera à se dévoiler et à se raconter. Il ne s’en rend pas vraiment compte mais

Ainsi est né le projet « Migr’acteurs ».

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À la lecture de ces portraits d’hommes et de femmes venant de divers pays du monde, nous ne pouvons qu’admirer leur courage, leur détermination à vivre ensemble en harmonie dans leur quartier, leur ville, leur région. Malgré les aléas d’une vie souvent difficile, pas une de ces personnes rencontrées n’a baissé les bras et tous peuvent dire avec Abdallah « je suis tombé 10 fois c’est vrai. Mais ne me suis-je pas relevé 10 fois, en remontant sur ma monture ? ». Ce sont des leçons de vie qu’il nous a également semblé important de replacer dans des échanges intergénérationnels. Notre projet a ainsi eu l’avantage de mettre en relation deux publics qui ne se côtoient pas habituellement (jeunes et personnes âgées) et qui pourtant peuvent avoir intérêt à échanger. Les préjugés ambiants ont tendance à présenter les moins de 20 ans et les plus de 60 ans exclusivement comme des publics s’opposant et à problème. Ce discours risque de nous enfermer dans une image négative des jeunes comme des personnes âgées et de créer des ruptures entre les générations. Or, dans la réalité, ces deux groupes d’âge peuvent faire preuve de dynamisme et d’engagement pour se découvrir et mieux vivre ensemble. Nous l’avons vu à travers notamment les belles rencontres qui se sont réalisées entre des jeunes en service civique de l’association Unis-Cité de Paris et des


personnes âgées migrantes, mais également avec nos jeunes professionnelles étudiantes assistantes sociales ainsi qu’avec les jeunes étudiantes de l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy.

——— De l’ex-il à l’il Ce projet contient depuis ses origines, une dimension périlleuse, celle d’amener des jeunes étudiants en art à se positionner hors de leur pratique au sein de l’école. Aller à la rencontre d’anciens migrants installés en France pendant les Trente Glorieuses et qui ne sont pas connectés à leurs projets artistiques n’est pas en effet chose facile.

Cette rencontre entre l’art et le travail social est également un grand point fort de notre projet. Les professionnelles de l’ENSAPC en parleront mieux que moi mais, de mon point de vue de travailleur social, je peux affirmer que les jeunes artistes et travailleurs sociaux de l’ASSFAM se sont rejoints dans leur désir de promouvoir et valoriser leur public vers le reste de la société. Nous pouvons même avancer avec Christophe Pittet, docteur en sociologie, que les pratiques artistiques peuvent aider nos publics, « favoriser l’expression de la singularité et mettre en mouvement un ‹ agir créatif › permettant aux individus de retrouver une place de sujet dans l’orientation à donner à leur existence ». Ce projet à également vu le jour grâce à la collaboration des Archives nationales, institution citoyenne dépositaire de toute histoire individuelle vécue en France, la nôtre et celle des personnes que nous avons rencontrées. Les archivistes ont accompagné, en passeurs attentifs de savoirs plus ou moins douloureux, notre démarche au long cours de restitution de ces vécus si singuliers. Cette maison commune de nos mémoires partagées est pour quelques jours, à Pierrefittesur-Seine, le lieu tout désigné de sociabilité et d’échanges autour de l’aventure des Migr’acteurs. Tous les membres actifs de notre comité de pilotage seraient à remercier mais je tiens plus particulièrement, pour conclure, à rendre hommage à tous nos interlocuteurs, nos aînés particulièrement émouvants qui ont eu la gentillesse de nous raconter leur histoire.

C’est périlleux et c’est complexe. Encadré dans le même temps par un projet rigoureux et généreux, celui de l’Association Service Social Familial Migrants, ce projet se définit par une approche sociale en apparence antinomique avec les pratiques artistiques. Il nous a obligé à un déplacement, en tant qu’« artiste-professeur », et en tant qu’« artisteétudiant en art ».

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Il nous a obligé aussi à sortir des évidences d’un art auto-référentiel. En ce sens, fondé sur la modestie, il invite à passer du « moi, je », au « il est », à regarder le monde qui nous entoure non pas comme instrument pour ne parler que de soi, mais comme passerelle, permettant de se libérer de soi, de se retrouver pour mieux retrouver l’autre. L’épineuse question demeure alors en son sein : l’art serait-il ici au service du social ?, ou bien le social au service de l’art ? C’est bien dans l’entre deux, sur cette ligne de crête que nous souhaitons, pas après pas, marcher, veillant à préserver cet équilibre précaire. Une mission commune nous a été confiée : rendre visible des « invisibles », à partir des non-lieux, (des chambres de vie d’hommes ou de femmes n’excédant parfois pas 2m x 4m), pour s’ouvrir


à un espace infini, celui de la rencontre et ses imaginaires croisés, tissés avec la mémoire vive des récits, puis au bout de ces chemins obliques arriver dans le champ de l’art. Ce n’est sans doute pas par hasard que les étudiantes-artistes impliquées dans cette aventure sont elles-même de grandes voyageuses, porteuses aussi d’histoires, et nouvellement arrivées pour la plupart. Leurs histoires s’imbriquent avec celles des anciens et, par ses rencontres et leur partage, se révèlent proposition artistique, langage, poésie : passages de témoins permettant de rendre visible cette mue de l’ex-il : celui que nous avons été, à l’il, celui que nous allons devenir.

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13 Sylvie Blocher

——— Faire côtoyer travail social et art n’est pas une mince affaire. Tout le monde a en tête ces mots de Félix González-Torres : « les artistes ne sont pas des assistantes sociales. » Souvent, il y a maldonne entre commanditaires et artistes. Souvent, on détruit des immeubles et on engage des artistes pour aider les habitants à faire le deuil ou pour augmenter les loyers d’une rénovation urbaine trop chère. Ici, cela n’a pas été le cas dans ce projet de collaboration entre l’ASSFAM, l’Atelier de recherche et de création Parcours migratoires, et les Archives nationales. Ici, chacun a eu conscience de sa place, de ses limites, et des possibles. Travailler dans des foyers est toujours d’une extrême complexité. Ceux qui les habitent ont des vies fragiles et ils portent avec eux d’innombrables cultures, des savoirs, des attentes, des déceptions, des désirs. Mille choses à apporter. Dans ce contexte, l’art doit avoir l’audace de se poser des questions esthétiques et éthiques. Chaque étudiante s’est placée dans un respect de l’Autre. Loin d’être un frein à l’art, il en a augmenté l’exigence et la portée. Quand on entre dans les locaux de l’ASSFAM, il y a toujours du thé et un paquet de gâteaux, des gestes simples pour vous accueillir. L’écoute de ceux qui encadrent les migrants fut exemplaire. Ce projet fut un lieu d’empathie. Que tous ceux qui y ont participé soient ici remerciés.


——— Sommaire

——— Résonance Je fais partie des « professionnels » qui travaillent sur la question du vieillissement des personnes immigrées. Et je suis pleine d’admiration pour ces parcours de vie en terre d’immigration, riches bien que jalonnés de difficultés. Ils me renvoient sans doute à ma propre histoire familiale, celle de mes grands-pères et de mes oncles venus, eux aussi, contribuer à l’effort économique de la France. À dire vrai, il serait juste que leurs parcours aient une plus large résonance. Lorsqu’ils nous parlent d’eux, c’est de nous tous qu’ils parlent. Ce sont des histoires individuelles qui viennent se raccrocher à l’histoire collective : celle de l’immigration, celle des quartiers populaires, celle de la classe ouvrière, celle de la période faste des Trente Glorieuses. Il s’agit de notre Histoire, de France, d’Algérie, et de tous ces pays qui ont été pourvoyeurs d’une immigration de travail, Pologne, Espagne, Sénégal… Ce n’est pas une Histoire passée, c’est une Histoire au présent, c’est l’Histoire des vivants. Ce qu’il y a de certain, c’est que toutes ces paroles sont à écouter, à récolter pour les semer un peu plus loin ou un peu plus près. On y rencontre des parcours singuliers, avec du relief et des aspérités, mais beaux ! Des parcours qui ont en commun cette pudeur face aux difficultés. Ils sont fait de luttes, d’abnégation, de sacrifices, de solitude mais jamais de reniement, ni de soi, ni de ses valeurs ou de son humanité. Ces femmes et hommes que la vieillesse a surpris en terre d’immigration ou la question de la vieillesse en « exil », ce n’est pas une question triste, c’est une question incroyablement passionnante et vivante car la vie est faite de cela.

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Préface Martine Bendahan Carole Benzaken Sylvie Blocher Taous Yahi Abdallah / Ami Karim Ouerdia Chemakh / Alia Belgsir Miloud Masbah / Taous Yahi et Sara Bahuaud Zukhra Sharipova M. Siby / Samira Youssouf Chérif Aït Addi / Taous Yahi / Karla Tobon Pumarada Aïcha Sarfak / Sara Bahuaud / Aïcha Sarfak Camara Wagul / Yuni Hong et Samira Youssouf Camara Wagul et Makiko Andro-Ueda / Yuni Hong Hussain / Lola Baldo Monsieur Safdar et Georges / Maya Gering Isidore Nkunzumwami / Sara Bahuaud et Taous Yahi Martine Ly Foung / Sara Bahuaud et Taous Yahi / Martine Ly Foung Hul / Céline Drouin Laroche M. Diarra / Samira Youssouf Monsieur Adelk / Fotima Sharipova M. Coulibaly / Sara Bahuaud et Taous Yahi Ramiro / Flora Moricet Maria Saaverdra / Lola Baldo Les danseurs de la maison d’Espagne / Valérie Vial Salvatore Porto / Sara Bahuaud et Taous Yahi

Postface 169 L’ex-île et Installation par Daniel Maximin, conversation avec Carole Benzaken 178 Céline Drouin Laroche


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