La déconstruction et le réemploi du béton comme outil de renouvellement urbain et social
Le Grand Ensemble du Chêne Pointu, exemple d’un système de déconstruction

Enseignants

avant-propos
Dans le contexte de crise climatique dans lequel notre génération a grandi, nos parcours scolaires respectifs ont reflété l’intention de se tourner vers des pratiques architecturales plus durables telles que la réhabilitation et le réemploi. L’exploration de cette dernière discipline nous a conduit à la question du réemploi du béton, matériau souvent écarté du débat, malgré son omniprésence sur le territoire français.
Tout d’abord exploré d’un point de vue théorique à travers le mémoire “Réemploi structurel de murs et dalles en béton préfabriqué : utopie ou réalité ?” de Sophie Pestana, le PFE Blank Page représentait l’occasion idéale pour démontrer le potentiel réemploi du béton sur un site habité, dans une région intensément soumise au renouvellement urbain: l’île-de-france. Les Grands Ensembles de logements constituant une large partie du patrimoine béton français à travers tout le territoire, ils semblaient un terrain de travail adéquat pour le développement d’une méthode de réemploi de la structure.

(illustration personnelle S.Pestana, 2024)
Synthèse de la répartition des déchets produits en France en 2020 détaillant la part du béton
le béton, ressource à exploiter
Depuis le début du XXe siècle, le béton est un matériau incontournable dans la construction. Il possède des atouts structurels (très bonne résistance à compression et à la traction lorsqu’il est associé à l’acier), une plasticité très souple, une mise en œuvre rapide, qu’il soit coulé sur place ou préfabriqué, et une durée de vie parfois supérieure à 100 ans. Néanmoins, ce même matériau présente des impacts environnementaux non négligeables par sa forte production carbone et sa contribution à l’épuisement des ressources non renouvelables telles que le sable.
Dans le contexte de renouvellement urbain actuel, le béton existant est presque exclusivement démoli et non réemployé, et ce même s’il n’a pas atteint sa fin de vie (qui peut être causée par des procédés comme la carbonatation). Ceci est la conséquence d’une pratique de conception qui “fait table rase” pour les constructions futures, faisant disparaître toute trace du passé : l’histoire du lieu, les techniques constructives, les matériaux. Cette pratique énergivore et émettrice de CO2, n’est plus concevable dans le contexte climatique et politique actuel.


(RAUZIER et al, 2020)
Parts de marché par modes constructifs en France en 2020
“Comment déterminer si un matériau est réutilisable ? Une réponse possible à cette question pourrait être de considérer que tout élément est réutilisable dès le moment où il existe une demande pour le réutiliser. [ ] C’est à ce facteur que l’on accorde le pouvoir de trancher entre ce qui mérite d’être démonté en vue d’être réemployé et ce qui n’a aucune chance de trouver prochainement un nouvel usage”
-Rotor
Notre devoir d’architecte, comme prescripteur et initiateur de la méthode constructive, est de considérer le béton comme ressource à exploiter; ici à travers la proposition du réemploi de ce matériau structurel, le plus utilisé depuis le siècle dernier en France.
«Le bâtiment, un secteur en première ligne des objectifs de neutralité carbone de la France en 2050»
- Article carbone4 extrait du Plan Climat de Nicolas Hulot en 2017
«-81% des émissions CO2 pour […] l’industrie cimentière entre 2015 et 2050»
- Projet SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone»
Réhabilitation Réemploi Réutilisation Recyclage

D’ÉLÉMENTS EN BÉTON
Différents traitements en fin de vie du béton
© Benoit et Bellastock, 2018)

Étapes mise en œuvre du réemploi
© Benoit et Bellastock, 2018)
Traitement du béton en fin de vie
Le terme de “réemploi” désigne ici “toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus” . À ne pas confondre avec le “recyclage” qui lui est un “processus par lequel une matière résiduelle subit des transformations afin d'être utilisée comme matière première dans la fabrication d'un nouveau produit” , qui est souvent présenté comme une solution à la gestion des gravats bétons (retour à l’état de granulats).
Contrairement aux idées reçues, le démontage puis remontage d’éléments de structure en béton n’entrave pas la faisabilité technique du réemploi. Leurs capacités structurelles sont conservées. En plus de maintenir l'énergie et l’histoire intrinsèque de ces éléments, le réemploi permet de réduire le volume de déchets du chantier donateur et la quantité de matière première nécessaire au projet receveur.



Le réemploi du béton à l’échelle des Grands Ensembles
Des pays européens comme l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède, ont réalisé de nombreux projets en béton de réemploi ces vingt dernières années. Ceux-ci concernent le réemploi d’éléments structurels en béton préfabriqué (84%) et coulés en place (16%) dans ce même usage, en profitant notamment du gisement issu des systèmes de préfabrication lourde.
La faisabilité technique, législative et assurantielle du réemploi structurel d'éléments en béton ayant été prouvée à l’étranger sur des projets de grande envergure comme les grands ensembles, peut-être qu’une telle pratique serait réplicable avec le béton français. Cependant, aujourd’hui en France aucun projet de la sorte n’a vu le jour, par manque de connaissances et d’intérêt économique des prescripteurs mais aussi à cause des d’assurances et bureaux d’études français particulièrement frileux.
France Construit/ partiellement construit

Répartition des études de cas de PRECS (réemploi de panneaux en béton identifié par pays (a), état (b) et type de fabrication (c)
© B. Baldursson (Mühlestein, 1987) © (Gieselmann, 1991) (Küpfer et al., 2023)
(Küpfer et al., 2023)
Nous proposons ainsi, dans ce PFE, de mettre en place une économie circulaire et une méthode de déconstruction-reconstruction béton consciencieuse en prenant comme support démonstrateur un Grand Ensemble de la région parisienne. Ce choix repose sur la fréquence à laquelle cette forme d’urbanisation à été construite après guerre : un patrimoine de logements collectifs aux modules de conception répétitifs, très dense, aujourd’hui vieillissant, délabré, appauvri, largement remis en question, menant souvent à la destruction systématique de tonnes de béton.
En quoi le réemploi d’éléments structurels en béton serait-il une solution envisageable pour le renouvellement d’un Grand Ensemble français?
En quoi la déconstruction réfléchie primerait-elle sur la destruction systématique?
Le Grand Ensemble du Chêne Pointu




1951 - Clichy-sous-bois, une clairière destinée à la chasse, déboisée au service du logement individuel rural

1961 - Une ville soumise à la politique d’aménagement du territoire parisien.
Apparition des premiers Grands Ensembles et projection de désertion par les autoroutes A87 et déviation de la N370

1967 - Construction des copropriétés de l’Étoile du Chêne Pointu et du Chêne Pointu
Un quartier cosmopolite de logements collectifs et groupes scolaires, toujours enclavé

1972 - Construction du centre commercial
Déviation de la route de Madame de Sévigné vers l’hôtel de ville

Bernard Zherfuss
Figure majeure de l’architecture des Trentes Glorieuses et détentuer d’un Grand Prix de Rome, il s’inscrit dans la lignée des “architectesconstructeurs” plus qu’”architecte-artiste”. Il s’est passionné pour la création de bâtiments prototypes mêlant innovations constructives et recherches plastiques. En tant qu’architecte et urbaniste chargé de la reconstruction de la Tunisie, il se spécialise dans le dessin des plans
le grand ensemble Clichy-Montfermeil : une utopie sociale
Le Grand Ensemble de Clichy-Montfermeil est un projet représentatif de la politique du logement de la France des années 1960. Il s’inscrit dans un effort national de construction d’après-guerre, pour pallier le manque de logements dignes dans les grandes villes, où les bidonvilles et les taudis étaient un mode d'habiter répandu.
Dans des banlieues, comme celle de Clichy-Montfermeil, qui ont connu une première vague de construction de pavillonnaire dans l'entre-deux guerre, on conçoit de nouveaux quartiers pensés autour des projets autoroutiers et de la voiture: les Grands Ensembles. Ces projets érigés rapidement grâce aux techniques constructives du béton armé préfabriqué et coulé en place permettent en quelques années à peine de sortir de terre un nouveau dessin urbain: l’environnement bétonné du citadin.
Les communes de Clichy-sous-Bois et Montfermeil, anciennes villégiatures parisiennes au développement précipité, sont confiées d'abord à Jean Sebag puis au duo Bernard Zehrfuss et Fernand Ottin. Grâce à l’initiative privée de l’homme d’affaires italien Louis Grampa, ils établissent un plan masse pour la réalisation progressive de 10 400 logements en accession. L’économie réalisée par le système constructif choisi permet ainsi de rendre la propriété accessible à des familles modestes, aux revenus variables permettant une mixité sociale comme celle désirée par Zehrfuss.
des grandes villes en bâtissant dans l’urgence les édifices publics et les ensembles où reloger les sinistrés, tout en rationalisant l’utilisation des matériaux disponibles malgré les pénuries. A son retour en France, les voiles minces, les coques, la structure, la préfabrication et les nouveaux matériaux nourrissent ses investigations, de même que son attention au paysage et au détail. Seul ou avec d’autres, il construit des édifices comptant parmi les plus marquants de l’après-guerre (l’imprimerie Mame à Tours 1953, siège de l’Unesco à Paris 1958, le CNIT à la Défense 1958, le musée gallo-romain à Lyon 1975).
1960 - Plan masse du Grand Ensemble Clichy-Montfermeil





Copropriété du ChênePoint u 896 logements
R+10 : 696 logements
R+4 : 170 logements
R+10 : 520 logements
oi n t u 660 logements
R+4 : 140 logements
Copropriété du Chêne Pointu

1 : Groupe scolaire
2 : Gendarmerie, commissariat, services administratifs communaux, services techniques municipaux
3 Centre culturel
4 : Pouponnière, maison des jeunes
5 : Centre médical, jardin d’enfants
6 : Centre commercial
7 : Groupe scolaire
8 Gare routière, parkings
Copropriété de l’Étoile du Chêne Pointu
© Archives Municipales de Clichy-sous-Bois

espace, lumière, nature : les principes modernes
Bernard Zehrfuss, alliait fonctionnalité, accessibilité et standing (eau, électricité, chauffage) à Clichy. Le plan masse du futur quartier reprend les principes modernes de circulation d'air et de lumière, ainsi les barres et tours laissent de la place en pied d'immeubles pour les espaces verts ainsi que des circulations automobiles et piétonnes. Ils s'adaptent à la topographie marquée du lieu, les barres les plus hautes implantées perpendiculairement à la pente (façade est-ouest) tandis que les plus basses la longent (façade nord-sud). Dans ces barres, les logements en accession sont répartis en quartiers et en copropriété, le quartier du Chêne Pointu comptant 1 556 logements répartis dans huit bâtiments à R+10 et dix à R+4.
Fidèle à la pratique moderne du “zoning”, Bernard Zehrfuss conçoit son plan masse en séparant les zones d’habitations de celles réservées à l’éducation, aux commerces ou au service. Cependant, de tous les programmes envisagés, seuls le centre social, le centre commercial ainsi que 2 groupes scolaires ont été réalisés.
Mur de refend béton armé coulé en place épaisseur 15cm
Poutre préfabriquée béton armé section 45x25cm
Poteau béton armé

Dalle béton armé coulée sur place épaisseur 14cm
Poteau RDC béton armé coulé sur place
STRUCTUREL NON STRUCTUREL
La structure : support principal de la composition
Le Chêne Pointu semble avoir été mis en œuvre à l'aide de techniques issues de différents projets de Bernard Zehrfuss. Sa particularité réside dans la combinaison de techniques de préfabrication et de coulage en place du béton armé. On peut retrouver des refends et des planchers coulés en place grâce à des jeux de coffrages métalliques réutilisables, comme mis en place sur le chantier de Villeneuve-Saint-Georges. L'organisation de chantier quant à elle est inspirée de celle proposée pour la cité Rotterdam de Strasbourg : basée sur un certain nombre de circuits de fabrication (béton, ferraillage, coffrage...), avec des poteaux d'ossature préfabriqués et des dalles coulées en place. Cette organisation est dépendante du chemin de grue qui longe les constructions, et explique l’implantation orthogonale des bâtiments.
Dans sa manière de structurer les bâtiments, Zehrfuss use d’une unité verticale (l’étage) et d’une unité horizontale (la coque). Par le terme “coque”, Zehrfuss désigne une unité composée d’une cage d’escalier, d’un ascenseur et d’une circulation commune desservant 4 logements. Ces coques sont structurellement indépendantes les unes des autres, et servent d’unité de composition. Quant à la structure, l’intégralité des éléments porteurs (poteaux, poutre, refends…) sont réalisés en béton. La brique est utilisée sur les pignons en remplissage et en revêtements des poteaux mais n’est pas structurelle.

L'UNITÉDECONCEPTIONDEB.ZEHRFUSS:LACOQUE

PlanstructureETAGE

PlanstructureRDC(complet)

PlanstructureSOUS-SOL
CompositionRDChaut
CompositionRDCbas
Plans de structure - système de composition des coques
Coqueétage-pignon
Coqueétage-centre
CoqueRDC-pignon
CoqueRDC-centre
Coquesous-sol-pignon
Coquesous-sol-centre
Coqueétage CoqueRDC

Place de la voiture comparée à celle du piéton au Chêne Pointu
Lien de Clichy-sous-bois au réseau routier d’Île de France
Autoroutes Nationales Projet de l’A87 - non réalisé
Non-respect du programme original
Au fil des années, le quartier du Chêne Pointu change de visage et se dégrade. Tout d’abord en répercussion de la modification des programmes initiaux. Le plan masse de Bernard Zehrfuss mentionne des programmes tels qu’un centre de santé, un jardin d’enfant, des services administratifs qui n’ont pas été réalisés. Aujourd’hui, les habitants du Chêne Pointu semblent être mis à l’écart de plusieurs services dont ceux de première nécessité. Le quartier a également été conçu autour du déplacement en voiture, mais avec l’abandon du projet de l’A87 et de la déviation de la N370, le quartier se retrouve enclavé, à distance des axes principaux de la région parisienne et des réseaux efficaces de transports en commun. Aujourd’hui, la voirie et le parking semblent oppresser la place des espaces verts et celle du piéton.
CARTEISOCHRONE15MINAPIEDS:COMMERCES
Commercesdebouche(boucherie, boulangerie,primeur…)
Supermarché
Restaurants
Boutiquesdiverses
Servicesàlapersonne(coiffeur,esthétique…)


CARTEISOCHRONE15MINAPIEDS:SANTÉETSOCIAL
MédecinsgénéralistesISOLÉS
Centredesantéetlaboratoires
Spécialistes
Pharmacie
Accompagnementsocial
Associationscaritatives


CARTEISOCHRONE15MINAPIEDS:ÉDUCATION,SPORTETLOISIRS
Lycée
Collège
Écolesprimaires/maternelles
Sport:gymnases,centreetclubssportifs
Musiqueetart
Centredeloisirsetmaisonsdelajeunesse


36 %
se plaignent d’ une gêne acoustique
54 % ont des problèmes életriques ou une électricité vétuste
58 % ont un chauffage d’appoint
Source SOL Architecture - Enquêtes au Chêne Pointu “Nous avons ici un gros problème de ventes déficitaires bloquées! Les logements sont rachetés en moyenne 70 000€ pour un T3 ou T4, ce qui ne permet pas aux habitants de se reloger derrière, ni même parfois de rembourser la dette générée par les charges au fil des ans.”
72 % ont d’importants problèmes d’humidité
64 % ressentent une impression de trop froid
67 % ont des fuites ou des bouchons sur canalisations
60 % ont au moins une fenêtre cassée
59 % ont encore des volets aux fenêtres dont 81 % sont cassées
L’occupation moyenne des logements est de
5 000 €/foyer/an
Le revenu annuel moyen par foyer est de 4,5 occupants/foyer
Dont 2,7 enfants

Système de chauffage urbain défaillant


Léonie Chatelain - Responsable suivi social pour l’association Ozone
Permanences à la Maison du Projet
Une impasse administrative et économique
La particularité du Chêne Pointu se trouve aussi dans son fonctionnement administratif. Les services proposés, comme la présence de gardien dans chaque hall et l’entretien des parties communes, entraînent des charges très élevées. Le système de chauffage urbain en particulier est très onéreux et n’a fonctionné correctement qu’une dizaine d’années. Les populations les plus aisées quittent le quartier rapidement après sa construction, la majorité des propriétaires se retrouvent dans l’incapacité de régler leurs charges. L’organisation en deux copropriétés regroupant 660 et 896 logements rend impossible la prise de décision d’entretien à l’échelle du quartier et cet obstacle combiné au manque de moyens des propriétaires a mené à la dégradation matérielle du quartier et à l'appauvrissement de sa population. Au vu de l’endettement des copropriétés, elles ont été placées il y a 18 ans sous administration judiciaire, sous la tutelle de AJAssociés.
Aujourd’hui, une majorité des appartements sont loués à des ménages aux revenus dérisoires, souvent comme une alternative au logement social pour ceux à qui on en refuse l’accès. Le second œuvre comme la plomberie, l’électricité et la menuiserie sont dégradés. Sur les parkings, les épaves de voiture témoignent de la présence de mécanique sauvage.










Anne Maréchal - Architecte SOL Architecture
Agence gestionnaire de travaux de réparation et mise en sécurité
“Les habitants nous disent que nous intervenons trop tard, qu’il fallait réparer leurs logements (tuyauterie, électricité) et les parties communes bien avant pour vivre décemment!
Maintenant que la décision de la démolition a été prise, ça ne sert à rien. Pour preuve, leur frustration s’est faite ressentir sur la dégradation très rapide de nos interventions sur les parties communes ”
“ On a du réhausser les palissades de limite de la zone du chantier pour éviter les intrusions, les vols de matériel, de machines, et les dégradations! C’est compliqué de travailler ici, les gens qui ont été délogés ne peuvent plus utiliser ce bâtiment qui est en cours de démolition, ils ne sont pas contents et certains nous le font savoir. Ils ont déjà mis le feu aux machines et tué les chiens du gardien! ”

M. Soares
Brunel Démolition - Premys
Chef de chantier - Curage et démolition de la barre Védrines
Le Chêne Pointu : symbole d’insécurité
Le contexte social du quartier fait également souffrir son image. La paupérisation de la population a favorisé l'implantation de commerces illicites, ceux-ci entraînant à leur tour une insécurité croissante. Les trafiquants de bas d’immeubles et les marchands de sommeil en ont fait leur fief, exploitant des familles dans le besoin, victimes et moteurs de cette insalubrité. Ceux-ci se sont peu à peu appropriés les logements encore occupés par leurs habitants et ceux abandonnés, parfois condamnant plus de 20% des logements dans un même bâtiment (confirme l’assistante sociale), répandant une atmosphère d’insécurité chez les habitants qui, pour la plupart, souhaitent quitter ce quartier. L’apparition de ces nouveaux usages a teinté négativement l’identité du Chêne Pointu, une image dont la ville de Clichy-sous-Bois souhaite se défaire.
PLUdeClichy-sous-bois
Le renouvellement massif de Clichy-sous-Bois inscrit dans son PLU
LimitedeClichy-sous-bois
UR3projetderenouvellementurbain duBas-Clichy
UR1projetderenouvellement urbainducentre-ville
UR2renouvellementurbainduPlateau
UAzoneurbainemixteàcaractère central(habitats,commerces, équipements)
UBzoned’extensionurbaineen périphérieducentre(résidentielle)
UCzoneurbaine(centretraditionnel del’agglomération)
UDzoneurbainepeudenseàcaractère résidentiel
UIativitésindustriellesouartisanales
Nzonenaturelle
NLzonenaturelleàvocationtouristique, sportiveoudeloisirs
Un quartier visé par un projet destructeur
Face à l’insécurité croissante du quartier, et son mauvais état, le Chêne Pointu a été inclus en 2015 dans le périmètre de la première Opération de Requalification des Copropriétés Dégradées d’Intérêt National, ou ORCOD-IN. L’ORCOD-IN du Bas Clichy regroupe plusieurs copropriétés du sud de la ville, comme celle de Sévigné, adjacente au Chêne Pointu, il s’agit donc d’une zone où le “renouvellement” est maître-mot.
Dans le cadre de ce projet, porté par l’EPFIF et Grand Paris Aménagement, l’agence d’architecture et d’urbanisme MGAU a établi un plan directeur pour un nouveau quartier du Chêne Pointu, qui prévoit la destruction pure et simple de 1240 logements, soit 80% du Chêne Pointu, et la construction neuve d’autant d’habitats. De notre point de vue, la démolition et reconstruction d’un quartier entier est un non-sens écologique et social.









Un plan directeur aux volumes radicalement différents

Bien que ce plan directeur prenne en compte l’arrivée en 2023 du tram 4, et dans les années à venir du métro 16; le quartier projeté efface complètement l’histoire du lieu en suivant la méthode de la table rase. Il renonce à l’esthétique des années 1950 en s’inscrivant dans une architecture en plots. Une conception répandue où les volumes moins imposants et plus bas seraient résidentialisés pour la sécurité de ses habitants, comme il a déjà été fait à Clichy-sous-Bois. Mais priver les habitants des espaces communs extérieurs dont ils jouissent est-il vraiment une solution ?
Organigramme des principaux acteurs du projet
Rachat des appartements : entre 60 000€ et 70 000€

MGAU
TRAA
Plan directeur AMO
Maîtrised’ oeuvrenouveauquartier
Nouveau bâtiment quartier Ronsard BaseUA Aménagement parvis GénetteRonsard
Grand Paris Aménagement
ANRU IFC Habitat La Sablière Vizea
Maîtr se d’ouvrage nouveauquartier
Première phase du projet - travaux de mise en attente © Hélène Salanave (SOL Architecture) - Mémoire de HMONP
Seconde phase du projetdémolition, réaménagement et reconstruction © Emma Gosset
Démolition cathartique pour les instances publiques
Le nombre important de copropriétaires décourage la plupart des bailleurs qui ne souhaitent pas conserver un quartier aussi dense, pour des questions de gestion. C’est pour cela que malgré de nombreuses propositions de sauvegarde par différentes agences d’architecture, l’EPFIF a maintenu son rachat des logements et a entamé sa démolition du quartier. Ce processus de table rase a été précipité par l’incident sur la barre Ronsard en 2016 : une partie du mur pignon s’est décrochée. Malgré le caractère non urgent de cet incident, la destruction de la barre Ronsard a été la première étape d’une démolition cathartique du quartier.
Objectifs : Proposer une alternative durable à la table rase
entréeouvriers

entréemachines bis basevie



entréeprincipale: machines/visiteurs/véhicules


















Scieàsoldiamant








La technique au service du renouvellement urbain
À travers ce PFE, nous émettons l’hypothèse que le réemploi du béton structurel peut être une alternative à la démolition systématique. En prenant comme point de départ les spécificités techniques et organisationnelles qui régissent les chantiers de réemploi (transport des éléments, zones de stockage, zones de curage, …) mais aussi sociales (chantier de réinsertion, lieu de formation ouvert à tous et lieu de convivialité), nous proposons de transformer le quartier à l’aide de quelques zones d’intervention clés qui en feront un chantier-paysage.
De la même manière rationnelle/fonctionnaliste et économique que Zehrfuss, nous souhaitons que les procédés de (dé)construction contemporains et ceux du réemploi, soient les moteurs de la conception de ce quartier aux multiples enjeux. Ainsi, à l’image du chemin de grue et de la préfabrication des éléments en béton armé utilisés dans les années 1960, la grue mobile d’aujourd’hui, plus flexible et au rayon de giration plus important, associées aux procédés de découpe du béton et de levage perfectionnés permettent de répondre à ce chantier de déconstruction partielle..
Le renouvellement d’un quartier de cette densité est évidemment l’affaire de plusieurs années, qu’il subisse démolition ou déconstruction (entre 15 à 20 ans selon le planning de MGAU). Au vu de ce temps long de chantier, il nous semble essentiel que celui-ci fasse partie intégrante du paysage et de ses habitants. L’idée de ce contre-projet, de valoriser et de considérer les habitants présents sur place, est peut-être idéaliste mais nécessaire dans le contexte récurrent d’ostracisation de ceux qui vivent au plus près de la transition urbaine massive à laquelle nous assistons.

BIBLIOGRAPHIE
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