Air Pur - N°78 - 2010
ETUDE DE LA PRECARITE ENERGETIQUE POTENTIELLE À PARTIR DES DONNEES DE LA CAMPAGNE NATIONALE « LOGEMENTS » DE L’OBSERVATOIRE DE LA QUALITE DE L’AIR INTERIEUR Jean-Paul LUCAS* Isolde DEVALIÈRE Corinne MANDIN Séverine KIRCHNER Université Paris-Est Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), Jean-Paul.Lucas@cstb.fr *
RESUME Réalisée entre 2003 et 2005, la campagne nationale « Logements » de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur a fourni une première photographie de la pollution dans le parc de logements français. La richesse des informations collectées a permis d’exploiter les résultats sous d’autres angles et d’aborder d’autres thématiques, comme celle de la précarité énergétique. Une variable de précarité énergétique potentielle a été créée à partir des données disponibles. Cette variable tient compte du niveau de vie des ménages et de la fréquence et de l’intensité des dépassements de la température intérieure (tenant compte de la température extérieure et du taux d’occupation du logement) par rapport à une température de confort fixée. A partir du score de précarité énergétique calculé pour chaque logement, un groupe de ménages potentiellement précaires a pu être identifié et ses caractéristiques examinées par rapport à celles des ménages non précaires. Des relations déjà connues relatives à la précarité énergétique ont été confirmées comme le type de ménages touchés, l’âge ou l’état des logements, tandis que des informations nouvelles ont été mises en lumière comme la typologie ou l’équipement des logements. Enfin, des relations en contradiction apparente avec la littérature scientifique sont aussi apparues, comme la présence d’humidité et de moisissures qui ne semble pas être spécifique des ménages précaires.
I- INTRODUCTION - OBJECTIF Engagée en octobre 2003, la campagne nationale Logements de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI), menée sur un échantillon représentatif du parc des résidences principales de France métropolitaine continentale, s’est achevée début janvier 2006. Au total, 567 logements ont fait l’objet d’une
investigation d’une semaine, lors de laquelle une trentaine de paramètres chimiques, biologiques et physiques ont été mesurés. Outre l’obtention d’un premier état de la pollution de l’air des logements en France (Kirchner et al, 2007), cette campagne a permis la collecte de données descriptives sur les logements, les ménages et leurs habitudes de vie. La richesse de ces données permet d’aborder des problématiques du logement complémentaires aux questions de pollution stricto sensu. Ainsi, un travail examinant plus spécifiquement la précarité énergétique a été conduit. L’objectif de ce travail était d’extraire des données de la campagne Logements des informations relatives à la précarité énergétique en termes de qualification et de quantification du phénomène, tant d’un point de vue du bâti que des caractéristiques des ménages. Une variable définissant la précarité énergétique a été créée par l’approche PLS (Partial Least Squares Path Modelling). Des profils de ménages en situation de précarité énergétique potentielle ont été établis, en regard des ménages non précaires. Compte tenu du faible nombre de ménages classés précaires dans l’échantillon à disposition, seules les plus fortes caractéristiques de ceux-ci ont pu être mises en évidence. L’originalité de cette étude réside en une approche nouvelle, différente de l’entrée habituelle basée sur l’analyse socioéconomique (i.e. volet social des Fonds Solidarité Logement et des autres aides aux impayés d’énergie).
II- MATERIELS ET METHODES 1- Construction d’une variable « précarité énergétique potentielle » La campagne Logements de l’OQAI n’ayant pas été conçue pour l’étude de la précarité énergétique, les variables répondant aux indicateurs usuellement utilisés pour la caractériser n’étaient pas disponibles, comme la fourniture d’énergie nécessaire aux besoins élémentaires et l’inadaptation des ressources et des conditions d’habitat. Une variable définissant la précarité énergétique a ainsi été créée à partir, d’une part, du niveau de vie (ressources / unité de consommation) et, d’autre part, d’un indicateur quantifiant la difficulté ou la facilité à conserver une température de chauffage adéquate. Le niveau de vie, défini par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), est le montant de toutes les ressources mensuelles d’un ménage divisé par le nombre
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