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Institut d’Urbanisme de Paris MASTER «URBANISME ET TERRITOIRES»

Mention «URBANISME» Mémoire de Recherche 2ème année

Silvère TRIBOUT

Quelle durabilité des quartiers durables ?

Une mise à l’épreuve par le concernement environnemental des populations et leurs modes de vie et d’habiter

Directeur de mémoire : Guillaume FABUREL

Maître de Conférences à l’Institut d’Urbanisme de Paris - chercheur au Centre de Recherche sur l’Espace, les Transports, l’Environnement et les Institutions Locales (CRETEIL – Lab’Urba - Université Paris-Est)

2009

Remerciements

Je souhaite exprimer en tout premier lieu ma reconnaissance à l’égard de Guillaume Faburel, pour la confiance qu’il m’accorde depuis maintenant plusieurs années, au travers notamment de l’opportunité qu’il m’a offerte de mettre mes réflexions à l’épreuve du terrain dans le cadre du Programme Interdisciplinaire de Recherche Ville et Environnement. Je tiens également à le remercier pour sa disponibilité et ses conseils avisés.

Je souhaite également remercier Jean-Claude Driant et Jean-Pierre Orfeuil pour avoir accepté de faire partie de mon jury.

Je tiens à remercier l’ensemble des acteurs et habitants de Bo01, Augustenborg et Wilhelmina Gasthuis Terrein qui ont accepté de nous recevoir pour répondre à toutes nos questions, et sans qui il aurait été bien difficile de mener ce travail à bien.

Un grand merci à mes chères amies Théodora et Nathalie, pour leur soutien, leur aide précieuse, et leurs conseils au combien utiles, notamment dans les derniers moments qui ne sont jamais les plus simples.

Je souhaite remercier ma famille ainsi que mes amis, qui à bien des égards m’ont permis de prendre du recul sur mon travail, et m’ont permis de décompresser quand cela fut nécessaire.

Enfin, une pensée toute particulière va naturellement à Lisa, pour sa présence, ses attentions, mais également sa patiente, autant de qualités qui m’ont permis de travailler dans les meilleures conditions possibles.

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Sommaire Remerciements................................................................................................................1 Préambule .......................................................................................................................5 Introduction.....................................................................................................................7 1

Le concernement environnemental, vecteur d’évolution des modes de vie et d’habiter 14 1.1

Modes de vie, modes d’habiter, notions complémentaires ou enchâssées ?........14

1.1.1 Modes de vie : déterminisme géographique, déterminisme sociologique, et après… ? ...............................................................................................................14 1.1.2 Les modes d’habiter ou le rapport charnel aux territoires............................20 1.1.3 Lorsque modes d’habiter et modes de vie se rejoignent au travers d’une relation circulaire...................................................................................................25 1.2

Le concernement environnemental, processus individuel ou collectif ? .............27

1.2.1 L’environnement, facteur de concernement des populations ? ....................27 1.2.2 Le concernement environnemental pour quelle figure de l’engagement ? ...30 1.3

Du concernement environnemental des populations à l’évolution des modes de

vie et d’habiter, une affaire de citoyens ou de politiques publiques ?..........................34 1.3.1 L’évolution des modes de vie et d’habiter, un rôle à jouer des politiques à l’égard des citoyens ...............................................................................................34 1.3.2 Lorsque le concernement environnemental des populations interroge directement les politiques publiques et implications associatives............................36 2

Trois études de cas pour confronter théorie et réalité de terrain................................41 2

2.1

Bo01 ou l’art de l’intervention architecturale et technico-écologique ................41

2.1.1 Le développement durable au secours d’une ville marquée par le déclin industriel à la fin des années 1980..........................................................................41 2.1.2 Le projet et ses objectifs.............................................................................43 2.1.3 Résultats ....................................................................................................50 2.2

Augustenborg à Malmö, ou une approche de l’environnement affichée comme

sociale mais peu appropriée par les habitants .............................................................59 2.2.1 Contexte.....................................................................................................59 2.2.2 Le projet et ses objectifs.............................................................................62 2.2.3 Résultats ....................................................................................................67 2.3

Wilhelmina Gasthuis Terrein à Amsterdam, ou l’engagement habitant dans le

devenir du quartier.....................................................................................................76 2.3.1 Un quartier réhabilité suite à une forte mobilisation locale .........................77 2.3.2 Le projet et ses objectifs.............................................................................81 2.3.3 Résultats ....................................................................................................85 3

En guise de synthèse et de conclusion prospective : une durabilité sous conditions des

quartiers durables ?........................................................................................................90 3.1

Les modes de vie et d’habiter comme révélateurs de la durabilité des quartiers

durables.....................................................................................................................90 3.1.1 Dynamiques d’action descendantes, dynamiques d’action ascendantes, pour quelle écolution des modes de vie et d’habiter au sein des quartiers durables ?.......90

3

3.1.2 Approche normative et technique / approche phénoménologique de l’environnement.....................................................................................................93 3.1.3 Le concernement environnemental, concept opératoire de révélation des modes de vie et d’habiter dans les quartiers durables .............................................95 3.2

Quelle pertinence de l’échelle du quartier pour une évolution des modes de vie et

d’habiter ? .................................................................................................................97 3.2.1 Le quartier, une échelle de référence aujourd’hui dépassée ? ......................97 3.2.2 Le quartier, nouveau référentiel spatial de modes de vie et d’habiter durables ? ..............................................................................................................98 3.2.3 La mise en valeur d’une conception phénoménologique et actante de l’environnement pour repenser le quartier dit durable dans le tout territorial ..........99 Annexes ...................................................................................................................... 101 Annexe 1 : Grille d’entretiens habitants ................................................................... 102 Annexe 2 : Questions choisies pour l’analyse empirique.......................................... 105 Annexe 3 : Grille d’entretiens acteurs ...................................................................... 106 Bibliographie............................................................................................................... 111

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Préambule Le présent mémoire de recherche s’inscrit dans une recherche à laquelle je participe, intitulée « Les quartiers durables : moyens de saisir la portée opérationnelle et la faisabilité méthodologique du paysage multisensoriel », sous la direction scientifique de Guillaume Faburel et l’aide de Théodora Manola du Centre de Recherche sur l’Espace, les Transports, l’Environnement et les Institutions Locales (CRETEIL - Lab’URBA Institut d’Urbanisme de Paris - Université de Paris-Est), et en collaboration avec Hervé Davodeau de l’Institut National d'Horticulture et de Paysage (Agrocampus Ouest Angers) et Elise Geisler du Laboratoire de Recherche de l’Ecole du Paysage (LAREP Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles). Cette recherche est financée par le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA) et le Centre National pour la Recherche Scientifique (CNRS) dans le cadre du Programme Interdisciplinaire de Recherche Ville et Environnement 2008.

Il s’agit dans le cadre de programme de recherche de mettre en évidence la portée opérationnelle du paysage multisensoriel comme objet d’intervention des politiques publiques, en travaillant sur les quartiers durables. Ces derniers, en replaçant de manière prospective les modes de vie et d’habiter au cœur des réflexions, des projets et des actions (appropriation durable des services proposés, suivi par l’évaluation de l’évolution des pratiques…) constituent une opportunité pour ancrer le paysage dans l'aménagement du territoire et pour questionner la portée opérationnelle des paysages multisensoriels, comme vecteurs de bien-être environnemental.

La démarche méthodologique de cette recherche combine : entretiens courts exploratoires, entretiens longs ouverts, parcours commentés et « carnets multisensoriels » auprès d’habitants de ces quartiers, et entretiens semi-directifs auprès d’acteurs ayant participés à l’élaboration des projets et la gestion des quartiers. Les terrains d’études sont pour les quartiers à l’étranger : Wilhelmina Gasthuis Terrein - Amsterdam - Pays-Bas ; Bo01 et Augustenborg - Malmö - Suède ; Kronsberg - Hanovre - Allemagne. Et afin de venir nourrir en retour de manière prospective les projets français en la matière, les deux

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cas d’étude en France sont : la ZAC de Rungis à Paris et le quartier des Temps Durables à Limeil-Brévannes (94).

Ainsi, mettant à profit le matériel recueilli lors de la première phase de terrains (entretiens courts exploratoires auprès d’habitants et premiers entretiens semi-directifs auprès d’acteurs), ce mémoire de recherche vient nourrir en partie et de façon complémentaire ce contrat de recherche.

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Introduction

Ces 25 dernières années ont vu se produire deux évolutions majeures de l’action publique aménagiste et urbanistique : une territorialisation des interventions, engagées pour la France depuis le début des années 1980, avec pour effet premier de placer le local plus au cœur des problématiques d’action (Ascher, 2001), ainsi que l’affirmation du développement durable sinon comme référentiel, du moins comme ambition programmatique (Godard, 1996), dans la réflexion des acteurs territoriaux, qui se voudrait notamment traduire de nouvelles approches des échelles de temps et d’espace.

Devenues très liées, ces évolutions ont donné lieu au développement et à la diversification d’outils et d’instruments territoriaux dits de développement durable (chartes territoriales de développement durable, agendas 21, etc.), et ce à différentes échelles (Faburel, 2006). Et, parmi leur diversité, les quartiers durables voient à ce jour leur nombre croître exponentiellement, notamment en Europe (une centaine de réalisations ou de projets recensés, nommés comme tel, en Europe et, plus modestement, en France).

Aussi divers soient-ils (superficie, morphologie, impacts environnementaux, sociaux, économiques), ces derniers ont pour particularité première d’être peut-être les seuls objets morphologiques concrets du développement urbain durable, comparativement à des processus et dispositifs dont l’issue physique peut être très variable voire parfois ténue pour les territoires, tels que les agendas 21 locaux ou encore les chartes de développement durable.

Par leur concrétude, les quartiers durables constituent dès lors des supports d’analyse de ce que pourrait être le développement urbain durable. Ils interrogent peut-être plus directement que d’autres les modes de penser et de l’agir historiques des domaines de l’urbanisme et de l’aménagement, et notamment la manière dont ces derniers s’approprient et mettent en œuvre de nouvelles approches des échelles de temps et d’espaces prônées par le développement durable et le processus de territorialisation de l’action.

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Or, si nous constatons la multiplication de tels projets, leur concrétude s’incarne le plus souvent par des interventions d’abord écologiques, appauvrissant en théorie la portée d’un développement durable. D’ailleurs, force est de constater que ces opérations somme toute récentes ne font que peu l’objet de retours réellement analytiques ou encore d’outils d’évaluation exhaustive, à l’exception du benchmarking ambiant. Si les outils permettant d’évaluer l’efficience énergétique des bâtiments, les baisses potentielles de rejets de substances polluantes dans l’atmosphère ou les nappes phréatiques existent, ils ne permettent pas, loin s’en faut, d’évaluer exhaustivement la durabilité urbaine de tels projets. Plus encore, la nature de ces quelques outils révèle une approche technique et normative de la durabilité urbaine, au travers de démarches standardisées et normées et aux dépens d’approches plus phénoménologiques, inspirées par une conception plus habitée de l’environnement. « On parle beaucoup de développement durable ; et très souvent on associe cette ambition à une multitude de mesures, de règles et de codes. Je ne prétends pas que ces dernières soient inutiles, mais il me semble que cet attachement à un territoire aimé est un moteur plus puissant pour nous conduire sur cette voie qu’une politique basée sur l’adoption de nouvelles normes » (Roux, 2002, p.106).

Souhaitant privilégier ce type d’approches de la durabilité urbaine, nous considérons que les modes de vie et d’habiter constituent une zone d’ombre des projets de quartiers durables, zone d’ombre qui s’étend depuis la phase de définition des axes d’intervention jusqu’à l’évaluation a posteriori de ces projets. Cette approche semble d’autant plus nécessaire que nous considérons que c’est bien par une prise en compte du vécu habitant face aux mutations urbaines opérées, et par la mise en relation systémique de celles-ci avec les modes de vie et d’habiter des populations concernées, que nous pourrions rendre opératoires les nouvelles approches de temps et d’espace qui semblent émerger dans les nouveaux modes de penser et d’agir de l’action publique.

Car, des pratiques durables, pour un quartier réellement durable, ne sauraient être créées par des injonctions strictement descendantes, par le mot d’ordre de la responsabilité de tous, l’allant de soi de la « conscience écologique », ou encore l’utilisation pas toujours assurée de nouvelles techniques écologiques. Entre sensibilité de bon aloi à l’environnement, que tous les sondages d’opinions relayent sans relâche depuis 15 ans, et une conscience revendiquée ponctuée de gestes tangibles en faveur de l’environnement, il 8

existe un fossé ; les pratiques et leurs évolutions ont besoin d’expériences et d’implication pour être réellement adhésion. Comme le dit Armand Frémont, cité par Michel Roux, « au lieu de continuer de dessiner les territoires de demain « pour » les habitants, les experts du territoire seraient bien avisés de se soucier de l’aménager « avec » eux en faisant l’effort de comprendre que « l’accommodation de l’homme à l’espace ne vas pas de soi . (Qu’un) vaste champ reste à explorer, celui des affections de toute nature qui troublent les rapports des hommes aux lieux, de la maison à la région, de la claustration aux voyages.1 » » (Roux, 2002, p.22).

Ici, la notion de concernement environnemental, qui puise tant aux sources de la sensibilité affichée qu’aux expériences et engagements attachés à des lieux de vie, peut être envisagée comme moyen de comprendre le passage (ou plutôt le fossé) d’une sensibilité aux enjeux environnementaux à des pratiques réelles en faveur de l’environnement. Par l’intermédiaire du territoire, de l’habitant et de ses modes de vie et d’habiter, que cette problématique invite à placer réellement au cœur des projets de quartiers durables, il s’agit plus largement de l’intégration nécessaire des questions sociales dans la mise en œuvre du développement durable, défi toujours d’actualité (Theys 2002 et Emelianoff, 2006), ainsi que d’interroger fondamentalement les différentes conceptions de l’environnement tapies dans l’ombre des modes de penser et de l’agir (tant individuel que collectif, tant domestique qu’institutionnel…).

L’objectif de ce travail consiste donc à montrer en quoi les modes de vie et d’habiter et leurs évolutions constituent un sujet essentiel pour plus précisément analyser la durabilité des quartiers durables, et, dès lors, en quoi le concernement environnemental peut être un concept opératoire pour cette compréhension.

En quoi l’analyse du concernement environnemental des populations peut-elle permettre d’évaluer l’évolution potentielle des modes de vie et d’habiter et ainsi la durabilité des quartiers durables ?

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La deuxième partie de la citation proposée, est une citation d’Armand Frémont, et son ouvrage datant de 1999 intitulé : La Région, espace vécu. (citation extraite page 235).

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Pour répondre à cet objectif ainsi qu’à la problématique générale, nous fixons trois hypothèses et proposons trois questionnements sous-jacents, comme suit, auxquels nous tenterons de répondre tout au long de ce travail.

Hypothèses : H1 : Les modes de vie et d’habiter constituent un marqueur de durabilité des quartiers durables.

H2 : Des injonctions issues d’une dynamique d’action strictement descendante, dans le cadre d’un projet de quartier durable, ne sauraient façonner à elles seules de nouveaux modes de vie et d’habiter des populations en place.

H2 bis : Un quartier ne saurait être durable si les modes de vie et d’habiter des populations concernées ne déploient pas d’autres conceptions de l’environnement (le cadre de vie, et plus largement le vivre ensemble) que les simples gestes strictement écologiques trop souvent développés dans les projets de quartiers durables.

H3 : Le concernement environnemental des populations constitue un concept opératoire de révélation de modes de vie et d’habiter qui se voudraient tendre vers une certaine durabilité.

Questionnements sous-jacents : Q1 : Comment les projets de quartiers durables peuvent-ils permettre une évolution progressive des modes de vie et d’habiter chez les populations vivant dans ces quartiers ?

Q2 : Pourquoi les interventions marquées par une dynamique strictement descendante ne peuvent-elles constituer un moyen efficace pour la mise en durabilité des quartiers durables ?

Q2 bis : Quelles sont les conceptions de l’environnement qui se cachent derrière les projets actuels de quartiers durables ?

Q3 : En quoi le concernement environnemental peut-il constituer un moyen d’évolution des modes de vie et d’habiter ?

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Après avoir précisé en première partie les notions de concernement, et de modes de vie et d’habiter, nous nous appuierons sur l’étude de trois quartiers durables ayant fait l’objet d’un travail de terrain, fondé sur des relevés, des entretiens auprès des habitants et d’acteurs. Ces quartiers sont : Wilhelmina Gasthuis Terrein à Amsterdam (Pays-Bas) ; Bo01 et Augustenborg à Malmö (Suède).

L’étude de ces trois quartiers permet d’appréhender des projets qui se distinguent, au delà de leur diversité en termes de superficie, de morphologie et de taille des populations, par :  leur ancienneté : 25 ans pour Wilelmina Gasthuis Terrein, 7-8 ans pour Augustenborg et Bo01  des caractéristiques physiques différenciées des territoires d’intervention : renouvellement urbain (Wilelmina Gasthuis Terrein et Augustenborg) et création ex-nihilo (Bo01)  des dynamiques décisionnelles opposées : ascendantes (Wilelmina Gasthuis Terrein) et descendantes (Bo01 et Augustenborg),  des

populations

aux

caractéristiques

socio-économiques

différenciées :

populations pauvres (Augustenborg), populations aisées (Bo01) et populations mixtes (Wilelmina Gasthuis Terrein),  des populations susceptibles d’être caractérisées par un concernement environnemental différencié : pas de concernement à la base (Bo01 et Augustenborg), concernement environnemental fort (Wilelmina Gasthuis Terrein).

Le choix de ces trois quartiers résulte précisément de la richesse potentielle de l’analyse croisée des caractéristiques différenciées de ces projets, mais également de leurs points de convergences, notamment en termes d’impacts environnementaux, sociaux, mais également économiques. Comment les initiatives ascendantes et leurs impacts sociaux et environnementaux permettent de comprendre ce qui n’est que très difficilement faisable dans le cadre de projets issus d’initiatives descendantes ? Comment les projets de renouvellement urbain permettent-ils d’identifier ce qui n’est pas faisaible dans le cadre de projets réalisés en ex-nihilo ? En quoi les projets dont les principaux aménagement 11

physiques ont été achevés depuis plusieurs dizaines d’années renseignent-ils sur l’importance du vécu, de l’expérience habitante pour aboutir à de nouveaux modes de vie et d’habiter ?

Pour l’analyse empirique réalisée à partir d’un séjour sur chacun des trois terrains, dans le cadre de la première étape du programme de recherche présenté en préambule, nous avons notamment procédé à une série de questionnaires courts (15-20 minutes) auprès d’une trentaine d’habitants dans chaque quartier (cf. annexe 1), ainsi qu’à des entretiens longs (1h30) avec des acteurs des différents projets (cf annexe 3). Pour le projet Bo01, nous avons rencontré Eva D.2, architecte qui a l’époque du projet Bo01 était membre de l’équipe en charge de l’élaboration du plan local et responsable de la qualité du prorgramme Bo01, et qui aujourd’hui est directrice du projet d’aménagement de Western Harbor, ancien polder industriel sur lequel a été réalisé le projet Bo01. Pour Augustenborg, nous avons rencontré Tor F., également architecte pour la ville de Malmö, au Département Environnement. A Wilhelmina Gasthuis Terrein, nous avons eu la chance

de

rencontrer

Nicole

V.L.,

membre

de

l’association

principale

du

quartier dénommée WG. Pour répondre au mieux à la problématique générale définie dans le présent travail, nous avons sélectionné au sein du questionnaire habitant, certaines des questions qui nous semblaient les plus à même de venir nourrir notre réflexion (cf. annexes 2).

Concernant la grille d’entretiens acteurs, nous n’avons pas privilégié certaines questions plutôt que d’autres, dans la mesure où la grande majorité pouvait nous être utile, compte tenu du déroulement de chacun d’entre eux.

L’analyse de chacun des projets se nourrit donc des résultats obtenus dans le cadre de ces entretiens. Nous proposerons ainsi à la fois des extraits des entretiens réalisés auprès des acteurs, que nous avons choisis de ne pas traduire en français, non pas commodité, mais pour assurer une retranscription la plus fidèle possible, mais également une analyse majoritairement qualitative de la nature des réponses obtenues auprès des populations résidents dans les différents quartiers étudiés. Aussi, compte tenu du nombre d’entretiens 2

N’ayant pas eu la certitude que nos interlocuteurs acceptaient de voir leur nom mentionné dans le présent travail, nous préférons indiquer seulement leur prénom ainsi que l’initiale de leur nom de famille.

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réalisés pour chacun des cas d’études, lorsque nous ferons ressortir des analyses chiffrées, il s’agira avant tout de proposer non pas des chiffres à considérer en tant que tels, mais plutôt des ordres de grandeurs qui au moment de leur exploitation nous ont semblés pertinents et dont l’apport a permis de nourrir les réflexions proposées.

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1 Le concernement environnemental, vecteur d’évolution des modes de vie et d’habiter Il s’agira dans cette première partie de montrer en quoi le concernement environnemental peut être vecteur d’évolution des modes de vie et d’habiter, et donc constituer un moyen d’évaluer la durabilité des modes de vie et d’habiter.

1.1 Modes de vie, modes d’habiter, notions complémentaires ou enchâssées ?

1.1.1 Modes

de

vie :

déterminisme

géographique,

déterminisme

sociologique, et après… ?

En géographie comme en sociologie, les modes de vie ont longtemps été caractérisés selon des facteurs déterminants que furent les milieux et/ou les classes sociales. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Les transformations profondes des organisations sociétales permettent-elles encore de pérenniser ces déterminismes ? Nous souhaitons ici, toujours dans le cadre d’une approche dite phénoménologique, montrer que les hommes et leur environnement, ne sauraient être liés par des relations unilatérales, mais bien réciproques.

Du milieu géographique au mode de vie, un lien de causalité dépassé ?

Avant de parler de modes de vie, la géographie classique de Vidal de la Blâche employait la notion de genre de vie pour désigner : « l’ensemble des techniques matérielles utilisées par les membres d’une société donnée » (Barret, Charvet, Dupuy, Sivignon, 2000, p.85).

Plus encore, Christian Pradeau, dans le Lexique de géographie humaine, définit le genre de vie comme une « notion élaborée au début du siècle pour englober l’ensemble des pratiques collectives, culturelles et techniques, caractéristiques d’un groupe humain dans un milieu donné » (Pradeau, 1998, p.39). Au delà du caractère flou voire instable de cette définition, ce qu’il est intéressant de retenir est le déterminisme identifié par la géographie humaine, entre milieu et genre de vie, comme le souligne également le Dictionnaire de Sociologie de C. Le Digol. « Focalisant l’attention sur l’influence des 14

conditions géographiques et climatiques, d’une part, et sur les facteurs technologiques (outils et usages), d’autre part, la géographie humaine définit le genre de vie comme un ensemble d’activités habituelles qui permettent à un groupe humain d’assurer son existence en utilisant les ressources d’un milieu donné. » (Le Digol, 2007, p.552).

Mais le milieu géographique, en tant que déterminant des genres de vie, constitue aujourd’hui un déterminisme qui peine à trouver du sens dans les sociétés dites développées, au sein desquelles la spatialité des populations n’est plus réduite à un milieu de vie unique et singulier, mais à un ensemble réticulaire de territoires aux caractéristiques bien diversifiées. Cette évolution de la spatialité des populations vivants dans des pays dits développés, est notamment liée aux transformations des conditions de mobilité à la fois géographique, sociale et résidentielle. « Le concept de genre de vie est bien adapté aux sociétés vivant sous la contrainte forte du milieu naturel et dont toute la vie est rythmée par un même travail et les mêmes distractions. (…) Mais le genre de vie est une notion qui ne convient pas aux sociétés industrielles et urbaines complexes, où les classes sociales sont très différenciées. Dans le cas de telles sociétés, il devient vide de sens. Il a cependant eu un rôle important, celui de rendre compte des différences culturelles entre les sociétés et des rapports entre nature et culture dans des sociétés différentes de la nôtre. » (Barret, Charvet, Dupuy, Sivignon, 2000, p.85). Christian Pradeau désigne alors le « mode de vie » comme un « dépassement de la notion de genre de vie dans le cadre des sociétés modernes » (Pradeau, 1998, p.56).

La géographie humaine n’est pas la seule discipline à proposer un déterminisme des milieu, sinon sur les modes de vie, du moins sur les genres de vie. Par l’intermédiaire de Robert Park, Ernest Burgess et Louis Wirth notamment, « l’approche écologique des fondateurs de l’école de Chicago (…) fait de la ville le principe d’un mode de vie urbain caractérisé par l’utilitarisme et l’individualisme, la spécialisation professionnelle et la mobilité généralisée, la rationalité, la superficialisation des relations et l’anonymat, la segmentation des rôles et des attitudes, etc. » (Le Digol, 2007, p.552).

Le choix d’une réflexion basée sur les éléments dits explicatifs des modes de vie et de leurs caractéristiques nous permet de nous questionner sur la validité actuelle, compte

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tenu de l’évolution des sociétés dorénavant industrialisées et dites modernes, de tels déterminismes, et notamment, car il nous concerne au premier chef ici, celui visant à proposer une relation causale entre milieu urbain et modes de vie. Pouvons nous prétendre que seul le milieu dans lequel nous vivons détermine nos modes de vie ?

Pouvons-nous ainsi prétendre que nos modes de vie et leurs caractéristiques sont aujourd’hui entièrement régis et façonnés par le milieu urbain dans lequel nous vivons (pour celles et ceux qui y vivent) ? Les modes de vie urbains concernent-ils, s’ils existent, seulement les citadins ?

Nous ne saurions nier que le processus d’urbanisation qui n’épargne aucun pays dans le monde a conduit à l’évolution profonde de nos modes de vie et bien sûr de nos modes d’habiter. Mais ces évolutions profondes ne concernent pas simplement les citadins, pour la seule raison que ce processus d’urbanisation constitue autant la conséquence que la cause des transformations sociétales profondes. « On peut proposer aujourd’hui (…) d’appeler l’urbain la nouvelle civilisation qui se met en place à l’échelle planétaire, supprimant l’ancestrale différence entre ville et campagne, et pouvant être définie comme le système opératoire, valable et développable en tous lieux, constitué par des réseaux matériels et immatériels ainsi que par des objets techniques et dont la manipulation retentit dans un circuit bouclé sur les rapports que nos sociétés entretiennent avec l’espace, le temps et les hommes. » (Merlin, Choay, 2005, p.909). Autremement dit, les modes de vie urbains, s’ils existent en ces termes, ne concernent pas les seuls citadins, ce qui permet de considérer le déterminisme par le milieu géographique comme caduque aujourd’hui. Déterminisme d’autant plus dépassé, qu’il est fondamental de considérer la réflexivité des individus comme moyen de maîtrise, sinon totale du moins partielle, de ses comportements sociétaux. La demande sociale toujours plus forte, de qualité de vie et de maîtrise de son cadre de vie, témoigne de cette volonté croissante de prise sur ses propres conditions de vie, et donc de la possibilité dans le meilleur des cas, de maîtriser en partie son ou ses modes de vie. Nous montrerons par la suite (cf. partie 1.2.2), que le concernement environnemental constitue un moyen de maîtriser voire de revendiquer son ou ses modes de vie, ce qui permettra d’invalider l’hypothèse d’un déterminisme pur et simple et en tous lieux du milieu géographique sur les modes de vie.

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Autre déterminisme, à présent, qui prime cette fois principalement dans les écrits de sociologie, et qui vise à expliquer les caractéristiques des modes de vie en fonction de l’origine et du milieu social de tout individu.

Quels liens logiques entre modes de vie et groupes sociaux ?

Nous souhaitons montrer ici que la relation unilatérale de causalité entre appartenance à une classe sociale, et modes de vie, avait laissé place progressivement à une relation circulaire entre appartenance à un groupe social et modes de vie. « Ancrant les classes sociales dans la production, Maurice Halbwachs considère, dans La classe ouvrière et les niveaux de vie (1912), que « chacune des catégories détermine la conduite des membres qu’elle comprend, (qu’) elle leur impose des motifs d’action bien définis, (qu’) elle leur imprime sa marque (…) avec une telle force que les hommes faisant partie de classes séparées, bien qu’ils vivent dans un même milieu et à la même époque, nous donnent l’impression qu’ils appartiennent à des espèces différentes. » Le raisonnement est schématiquement le suivant : la morphologie sociale, ou forme matérielle des sociétés, dont l’économie est un sous-ensemble, permet de délimiter des conditions sociales, qui définissent des mobiles psychologiques, qui déterminent euxmême des conduites. » (Le Digol, 2007, p.552). Au delà d’une explication de la nature des modes de vie en fonction de l’appartenance sociale, Maurice Halbwachs infirme l’hypothèse d’un déterminisme des modes de vie par le ou les milieux de vie. « Dans la même perspective, ont peut également étudier les rapports complexes entre niveaux de revenus et pratiques de consommation, comme le fait Nicolas Herpin dans La Sociologie de la consommation (1988). Dans le cadre de la théorie marxiste qui définit les classes sociales par la position qu’elles occupent dans les rapports de production, l’appartenance de classe (…) détermine les formes concrètes d’existence (pratiques et représentations dans tous les domaines de la vie sociale parfois défnies comme « leur mode de production »). » (Le Digol, 2007, p.552).

Le déterminisme par l’appartenance sociale et sa validité actuelle peuvent être interrogés selon deux angles. Le premier consiste à questionner la pertinence de catégoriser les

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individus par classes sociales, dans la mesure où ces dernières possèdent des frontières aujourd’hui bien plus floues qu’auparavant, du moins en théorie, et un nombre plus important, notamment par l’émergence d’une classe moyenne, venue brouiller les pistes dans les luttes de classes traditionnelles, entre prolétariat et bourgeoisie. « La croissance des classes moyennes a conduit à s’interroger sur les liaisons entre des comportements sociaux et culturels et la place occupée dans la hiérarchie économique. La corrélation entre le vote ou un style de vie et l’appartenance à une catégorie socioprofessionnelle paraît aujourd’hui moins évidente, comme si les frontières culturelles entre les classes tendaient à s’attenuer. L’hétérogénéité sociale augmente et des clivages nouveaux font éclater les « classes d’antan ». Les classes sociales sont moins repérables en tant que groupes concrets » (Merlin, Choay, 2005, p.179).

Le deuxième angle permettant d’interroger la validité actuelle du déterminisme sociologique découle du précédent. Nous venons de montrer que les classes sociales ayant évolué en nombre, mais également dans leurs structures propres et leurs frontières, permettaient aujourd’hui moins qu’auparavant d’être les seuls facteurs explicatifs de la nature des modes de vie. Nous proposons ici de privilégier une approche circulaire et phénoménologique entre groupe social et modes de vie. Le groupe social est entendu ici comme un collectif réuni non plus autour de son « rôle dans la production » et sa « place dans l’infrastructure économique » (Merlin, Choay, 2005, p.178), mais réuni par des valeurs et des pratiques communes dans un domaine précis qui ne relèverait plus automatiquement de l’appartenance à une classe sociale. Il en va alors de relayer les questionnements proposés dans le Dictionnaire de Sociologie de C. Le Digol : « Peut-on considérer que le groupe social (c’est-à-dire les propriétés qui permettent de le délimiter) détermine le mode de vie (c’est-à-dire les propriétés retenues pour le définir) ou, à l’inverse, que c’est l’identification de tel mode de vie qui permet de définir le groupe correspondant ? » (Le Digol, 2007, p.551). L’appartenance des populations à des groupes sociaux étant aujourd’hui plus évolutive, notamment en fonction des désirs et aspirations renouvelés d’identification à certains groupes plutôt que d’autres et ce à des instants différents du parcours biographique, nous souhaitons privilégier une approche plus circulaire des rapports entre appartenance à un groupe social et évolution des modes de vie.

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Dans cette relation à présent circulaire entre groupe social et mode de vie, nous montrerons par la suite (cf. 1.2) que le concernement environnemental peut constituer un moyen d’évolution des modes de vie et d’habiter au travers de l’émergence de groupes sociaux réunis autour de valeurs et principes communs.

Mais il convient avant cela de procéder à un choix quant au sens que nous souhaitons donner dans ce travail à la notion de mode de vie. Et pour cela, nous proposons d’adhérer à la thèse de Salvador Juan, qui distingue semble-t-il justement modes de vie et styles de vie. Il propose deux acceptions respectivement basées sur l’identité des pratiques pour la première et sur l’identité des individus pour la deuxième.

Modes de vie, styles de vie, deux notions à distinguer Salvador Juan s’interroge sur les méthodes de catégorisation des individus en fonction de leurs pratiques, et le seuil de ressemblances à partir duquel il est scientifiquement juste de considérer que deux individus ont les mêmes « façon de vivre ». « On n’ignore pas qu’un ensemble commun – à deux individus – de pratiques (…) que l’on nomme généralement « mode de vie » n’est nullement incompatible avec un système de goûts et d’autres pratiques divergents. Mais à partir de combien de pratiques l’identité absolue devientelle similitude ou simple ressemblance ? Sur quels critères fonder le choix des attributs dignes d’ête rapprochés ? Si on totalise toutes les ressemblances dans l’idée de comparer leurs façons de vivre (…) peut-on dire (…) que nos deux individus ont la même « façon de vivre » (…) Issu du sens commun, le vocable « façon de vivre » induit des contradictions et apparaît dans toute sa polysémie : deux individus pourraient simultanément avoir la même façon de vivre et vivre différemment selon le degré de richesse de l’observation… ? » (Juan, 1991, pp.22-23).

Afin de dépasser cette difficulté, l’auteur propose deux approches différenciées des notions de mode de vie et de style de vie : « Ont un mode de vie identique tous ceux chez qui se réalise la même pratique quelle que soit l’orientation de cette pratique, la finalité ou la situation de l’individu qui en est le support. Il existe autant de modes de vie que de pratiques (…) observables en tant que telles, qui permettent de définir (…) des agrégats nominaux, c’est-à-dire de regrouper des individus abstraitementent produisant des 19

catégories d’action. La pratique (…) est unique, mais les individus qui la réalisent socialement divers. » (Juan, 1991, p.23). Au regard de l’acception retenue de la notion de mode de vie, il propose alors la définition suivante de la notion de style de vie : « On dira, pour épouser le sens commun et suivre la majorité des sociologues, que l’ensemble exhaustif des usages caractérisant un individu singulier est son « style de vie ». Il y a presque autant de styles de vie que d’individus observables étant donné les spécificités combinées et donc l’irréductibilité de chaque individu à tous les autres dès lors que l’on observe son action sur tous les registres. » (Juan, 1991, p.23).

Ainsi, il s’agira tout au long de ce travail de distinguer modes de vie et styles de vie de la manière suivante : « Si le mode de vie est identité de la pratique (…), le style de vie correspond à l’identité de l’individu (ou d’un nombre très restreint d’individus) par la pluralité et l’originalité combinée de ses (leurs) pratiques. » (Juan, 1991, p.23).

Cette distinction est fondamentale pour la suite de ce travail, qui vise notamment à interroger les modes de vie des populations vivant dans les quartiers durables, où il ne s’agira pas de les réunir en fonction de pratiques similaires, mais en fonction de leurs rapports et pratiques à l’égard de l’environnement, et de leurs conception de ce qui fait sens par et dans ce domaine.

Mais, dès lors, comment se situent les modes d’habiter ? Les notions de mode de vie et de mode d’habiter étant souvent accolées sans jamais vraiment être définies et distinguées l’une au regard de l’autre, nous tenterons de contribuer à cette distinction, tout en assumant nos choix quant aux acceptions proposées.

1.1.2 Les modes d’habiter ou le rapport charnel aux territoires Nous proposons ici une approche étymologique et sémantique à la fois de la notion d’habiter, mais également de ses dérivés, afin d’identifier le mieux possible à la fois les territoires potentiellement concernés par l’acte d’habiter, mais également la relation quasi charnelle qui se joue entre l’habitant et l’habité.

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Approches étymologiques de la notion d’habiter et de ses dérivés « Issu de la racine Habere (avoir), le mot habitat et ses dérivés (habitant, habitation, habiter) recouvre une vaste gamme de phénomènes, analysés précocément par les géographes, les sociologues, les anthropologues, les économistes qui ont produit une foultitude de travaux très divers (voire divergents) quant à leurs conclusions. Néanmoins, le plus petit dénominateur commun serait sans doute « le cadre de vie des hommes en société » ». (Lévy, Lussault, 2003, p.437). Mais avant d’entrer par l’exposé des acceptions actuelles de ces notions, il est intéressant de s’arrêter sur l’origine étymologique des notions d’habiter et de ses dérivés (habitant, habitation, habitable habitat, habitus, etc.). « Le verbe « habiter » est emprunté du latin habitare, qui signifie « avoir souvent » comme le précise le dérivé habitudo, qui donnera en français « habitude », mais ce verbe veut également dire « demeurer ». L’action de « demeurer » est équivalente à celle de « rester » ou de « séjourner », comme l’atteste l’adage médiéval « il y a péril en la demeure », que l’on peut traduire en français contemporain par « il y a danger à rester dans la même situation ». (…) Ce n’est que vers 1050 que le verbe « habiter » indique le fait de « rester quelque part », d’occuper « une demeure ». (…) « Habiter », par extension va signifier « fréquenter », « avoir des relations charnelles avec quelqu’un » (…). A la fin du 16ème siècle « habiter un pays » c’est le peupler, ce dernier verbe n’apparaissant qu’au 17ème siècle. » (Paquot, 2005, p.111). L’action d’habiter impliquerait donc l’existence d’une relation charnelle entre l’habitant – qui a remplacé progressivement la notion d’ « habiteur » (Paquot, 2005, p.112) – et l’habitat, notion sur laquelle nous nous arrêterons après avoir fait un détour sur celle d’habitation. Le « mot « habitation » (est) (…) issu du latin habitatio et exprime le « fait d’habiter », la « demeure », la « maison ». Le Code Napoléon concède que celui qui a droit d’habitation peut y demeurer (là ou il loge) avec sa famille » (art. 632). (…) Quant à « habitable », il dérive du latin habitabilis, qui veut tout simplement dire « où l’on peut habiter », et qui sous-entend que ce qui est « inhabitable » ne peut permettre l’ « habiter ». » (Paquot, 2005, p.112). Les réflexions sur l’habitabilité seront éclairantes et nécessaires pour

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comprendre si les territoires aménagés et de ce fait transformés par les quartiers durables notamment, sont considérés comme habitables ou non.

Des déclinaisons premières de la notion d’habiter, l’habitat est l’un des plus récents, puisqu’il n’est apparu seulement qu’en 1808 dans le vocabulaire botanique et zoologique pour désigner le « territoire occupé par une plante à l’état naturel ». (Paquot, 2005b, p.49). Puis en 1881, il désigne le « milieu géographique adapté à la vie d’une espèce animale ou végétale, ce que nous désignons maintenant par niche. » (Paquot, 2005b, p.49). C’est au début du 20ème siècle que la notion d’habitat va concerner pour la première fois l’homme et intégrer une « acception généralisée au « milieu » dans lequel l’homme évolue ». (Paquot, 2005b, p.49). Puis dans l’entre-deux-guerre, en 1925, l’habitat concernera les « conditions de logement ». (Dubois, Mitterand, Dauzat, 2005, p.470). Il est fort intéressant de constater une double évolution de la notion d’habitat, du monde faunistique et floristique au monde humain d’une part, et du milieu au logement d’autre part.

L’habiter, un acte qui dépasse l’action de se loger De Martin Heidegger (dans deux écrits parus en 1951 : « Bâtir Habiter Penser » et « …L’Homme habite en poète… ») à Henri Lefebvre, en passant par Augustin Berque, Thierry Paquot, ou encore Michel Roux pour n’en citer que quelques uns, l’habiter ne peut se réduire à l’action de se loger. « Le verbe « habiter » est riche (et) (…) son sens ne se limite aucunement à l’action d’être logé, mais déborde de tous les côtés de l’« habitation » et l’ « être », au point que l’on ne peut penser l’un sans l’autre… C’est le constat qu’établit Henri Lefebvre, qui va introduire cette notion dans la « sociologie urbaine » française et plus généralement parmi les professionnels de la ville et du logement, les architectes et les urbanistes « progressistes » au début des années soixante. » (Paquot, 2005, p.113).

Dans le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Jacques Lévy et Michel Lussault définissent l’habiter comme la « spatialité des acteurs individuels » (Lévy, Lussault, 2003, p.440) se caractérisant « par une forte interactivité entre ceux-ci et l’espace dans lequel ils évoluent. La notion donne la part belle au rôle de l’individu, du 22

langage, des réalités idéelles – et

reprend ainsi des acquis du courant

phénoménologique ; mais on n’oubliera pas que rien dans l’espace et la spatialité n’échappe à la société et à l’historicité. Mettre l’accent sur l’habiter nous fait ainsi passer d’une morale du chacun-chez-soi-une-fois-pour-toutes à une éthique de l’espace qui ne nous laissera plus jamais tranquille : habiter le monde sans le rendre pour d’autres, pour tous les autres, et pour soi-même parmi eux, inhabitable, tel est l’enjeu de l’action spatiale contemporaine. » (Lévy, Lussault, 2003, p.442).

Et Michel Roux de confirmer cette hypothèse : « L’acte d’habiter peut-il se réduire à l’acquisition de lieux fonctionnels ? A l’évidence non. Il est d’autres façons de le décliner. Il suffit pour s’en convaincre, d’écouter ses proches évoquer leur bureau, leur grenier, leur jardin, leur ville, leurs randonnées, leurs voyages ou de les voirs occuper leurs espaces familiers ou encore de s’abandonner à la contemplation d’une ligne d’horizon, pour voir sourdre une émotion, une intensité dont rien ne nous dit qu’elle ne constitue pas l’essentiel. » (Roux, 2002, pp.48-49). Si Michel Roux propose ici une acception assez commune de l’habiter en ce qu’il ne se réduit pas à l’action de se loger, il propose également de considérer l’habitat comme tout aussi immatériel que matériel.

Autrement dit, les lieux que nous habiterions seraient tout aussi palpables qu’imaginaires, et plus encore, nos lieux habités et palpables seraient chargés d’imaginaire et de symboles.

L’ouvrage de Michel Roux Inventer un nouvel art d’habiter – le ré-enchantement de l’espace consacre l’ensemble de ses pages à la notion d’habiter, sans jamais la définir clairement, préférant convaincre le lecteur que le paradigme géométrique constitue certainement le plus important facteur d’inhabitabilité des espaces au sein desquels nous serions censés construire nos habitats intimes et singuliers. Il convient néanmoins de tenter de déceler ceux qui chez lui, constituent les caractéristiques d’un territoire habitable. S’appuyant sur les écrits de Martin Heidegger sur l’habiter, il propose deux questionnements adressés aux territoires : « Qu’est-ce qu’un territoire aimé ? (…) (et) qu’est-ce qu’un territoire approprié ? » Questionnements auxquels il répond ainsi, pour le premier : « Un espace connu dont tous les traits nous sont familiers, mais où il arrive pourtant de ressentir une émotion indéfinissable, l’intuition d’une vérité voilée qui reste 23

à découvrir. Nous n’en venons jamais à bout. (…) Cet espace poétique, par le jeu de nos projections, nous semble toujours proche, lointain et unique. Proche au plan existentiel : nous nous y sentons bien ; lointain, car cet espace nous fait voyager dans un monde infini ; unique, car il nous interpelle au plus profond de nous mêmes, il s’adresse à l’être que nous sommes, dans sa plénitude. » (Roux, 2002, p.59). La réponse au deuxième questionnement est à présent la suivante : « Un territoire que nous pouvons « habiter en poète », dont nous pouvons respirer « l’Aura », celle qui se dégage de la toile du maître : « Une singulière trame de temps et d’espace : apparition unique d’un lointain, si proche soit-il ». En d’autres termes, « habiter en poète » est le propre de l’homme : cet art consiste à échapper à toute forme d’adaptation. » (Roux, 2002, p.59).

L’habiter implique l’existence de territoires intimes et singuliers, à la fois « aimés », « appropriés », c’est-à-dire à la fois familiers, mais gardés en partie à distance, pour ne pas qu’ils deviennent épuisés par la connaissance de l’habitant. Cette action d’habiter renvoie ainsi à une relation charnelle et intime entre l’habitant et l’espace habité, c’est-àdire l’habitat, et implique comme le souligne Michel Roux que les territoires naissent de l’acte d’habiter, et que par conséquent, chaque individu possède des territoires qui leurs sont propres et singuliers.

Le territoire sous cette acception dépasse d’une part largement le territoire potentiel du logement, et d’autre part se distingue au moins en partie de l’acception du territoire proposée par la géographie sociale et notamment Guy Di Méo dans son ouvrage L’espace social : lecture géographique des sociétés, qui, elle, réunit espace géographique, espace politico-administratif et espace vécu. Car le territoire né de l’acte d’habiter par un habitant, peut totalement s’affranchir de toutes frontières politico-administratives, voire ne pas avoir à s’en affranchir dans le cas de l’habitation de lieux imaginaires, qui ne relèvent ni de l’espace politico-administratif, ni de l’espace géographique. Dans ce cas là, « les territoires ne sont pas distincts de nous et (…) ils sont au contraire des « extensions » de nos être intimes : des clairières que l’on éclaircit, des « mondes » que l’on ouvre, des « sphères utérines », des « abords », des « clôtures opérationnelles », autant de manières de désigner des régions, des interfaces, qui permettent aux êtres de

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construire leur autonomie, c’est-à-dire de s’inscrire et de s’intégrer dans la totalité en préservant leur différence » (Roux, 2002, pp.11-12).

Face à ces deux acceptions de la notion de territoire, dont il ne s’agit pas d’écarter l’une au bénéfice de l’autre, nous proposons d’appeler la première « territoires intimes », et la deuxième « territoire » – tout court. L’objectif de les distinguer, au delà d’un souci de clarté de l’exposé, vise à exprimer l’idée, que nous développerons ci-après (Cf. 1.3) que la création de territoires doit permettre et favoriser l’émergence de territoires intimes, plutôt que d’imposer des espaces inhabitables.

1.1.3 Lorsque modes d’habiter et modes de vie se rejoignent au travers d’une relation circulaire Compte tenu de ce qui précède, nous considérons que les modes de vie dépendent des modes d’habiter, en ce que la nature des premiers dépend profondément de la manière dont nous habitons nos territoires de vie, depuis l’échelle planétaire à l’échelle du logement. C’est bien à partir de nos rapports aux territoires intimes que nous tissons constamment que nous agissons quotidiennement, au travers de pratiques qui définissent nos modes de vie. Pour ne donner qu’un exemple, habiter un territoire intime au sein duquel nous nous considérons comme une composante parmi d’autres, et non une composante dominatrice des autres, peut impliquer des pratiques, des modes de vie respectueux de notre environnement. Il s’agit bien là de façonner nos modes de vie en fonction de nos modes d’habiter.

Mais nous ne saurions prétendre que la relation entre modes d’habiter et modes de vie serait strictement linéaire, car nos modes de vie façonnent à leur tour nos modes d’habiter. Au travers de nos pratiques et notamment lorsqu’elles sont quotidiennes, nous intériorisons des habitudes et projetons sur notre environnement un regard singulier, qui n’interroge pas nécessairement les impacts de nos modes vie. Dans ce cas, nos pratiques, que nous pourrions considérer comme non auto-réflexives, nous imposent des modes d’habiter le monde, nos mondes, de manière singulière. Dans ce cas, ce sont bien nos modes de vie qui agissent sur nos modes d’habiter.

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Ainsi, l’évolution de nos modes de vie nécessite un processus individuel d’autoréflexivité à l’égard de nos pratiques, afin d’interroger alors nos modes d’habiter ; et c’est par le choix de la manière dont nous souhaitons habiter nos territoires de vie, que nos modes de vie pourront alors évoluer voire se transformer profondément et peut-être durablement. Nous souhaitons à présent montrer que le concernement environnemental, en tant que mode d’engagement individué, constitue un processus d’auto-réflexivité et de montée en généralité, permettant ainsi l’évolution de modes de vie et d’habiter plus respectueux de l’environnement.

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1.2 Le concernement environnemental, processus individuel ou collectif ?

Il s’agit ici de proposer une réflexion sur le caractère concernant de l’environnement et sur les relations entre concernement environnemental et engagement, et montrer que celles-ci reflètent parfaitement les évolutions profondes que les modalités de l’engagement ont connu depuis plusieurs dizaines d’années. Il s’agira également de montrer que le concernement environnemental permet de contribuer au dépassement des déterminismes explicatifs des modes de vie et donc d’habiter.

1.2.1 L’environnement, facteur de concernement des populations ?

La notion de concernement « provient du terme Betroffenheit3 dont les Allemands usent fréquemment dans le contexte de la sociologie des mouvements sociaux. (…) Se sent concernée, en effet, toute personne qui se sent affectée par des situations, voire qui adhère à des modes de vie qu’elle cultive. (…) On peut aller jusqu’à admettre que cette implication a des effets sur des objets au sens où elle s’engage à les entretenir ou au contraire qu’elle s’applique à leur nuire. (…) Ainsi parle-t-on à bon escient sans doute des soins que les humains apportent aux choses et aux êtres dont ils souhaitent s’entourer… La notion de concernement est indissociable, par conséquent, de l’intentionnalité de l’action et des finalités que les hommes poursuivent. » (Gendron, Vaillancourt, Claeys-Mekdade, Rajotte, 2007, p.120). Le concernement constitue un processus d’auto-réflexivité d’un individu face à une situation auquel il est confronté et qui touche sa raison. Le concernement impliquerait selon ces auteurs un engagement en réaction à cette situation et ne saurait émerger sans engagement a posteriori.

L’acception de la notion de concernement par Philippe Brunet semble moins tranchée : « lorsque l’univers sémantique de l’engagement réfère à l’action, celui du verbe concerner révèle le lien entretenu à une chose sur un mode actif ou passif. En substantivant le verbe, il s’agit de pousser jusqu’au bout la logique du lien. C’est dans 3

Betroffenheit signifiant embarras.

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cette acception que la notion de concernement prend sens (Micoud et Peroni, 2000), davantage que dans celle de groupes concerné qui déjà, réfère à des situations engagées (Callon et Rabeharisoa, 1999 ; Callon et al., 2001). Dès lors, on définira un concernement comme toute sensibilité orientée vers une part du monde qui s’exprime par un comportement plus ou moins actif. » (Brunet, 2008, pp.320). Cette proposition de définition ne semble pas faire de l’engagement une conséquence inévitable du concernement. Néanmoins, l’engagement est dans cet article, appréhendé au travers des figures classiques de l’engagement, que Jacques Ion dénome l’engagement affilié. Si nous considérons en effet que l’engagement n’a lieu qu’au travers de l’intégration d’un collectif institutionnalisé, alors effectivement, nous pouvons considérer que le concernement n’engendre pas nécessairement d’engagement. Mais si nous ouvrons l’engagement à une conception moins réductrice, notamment au travers de nouvelles figures de l’engagement affranchi, comme nous le ferons, alors le concernement induit bien un engagement selon des figures aujourd’hui diversifiées.

Nous précisions ci-avant la nécessité d’un événement, d’une situation touchant à la raison, pour qu’il y ait émergence d’un concernement : « Pour Badiou, l’événement est en effet ce qui advient de vérité dans les situations vécues de façon routinière et qui en affecte le cours pour les individus. Par effet de percussion, voire de rupture, ce débordement évènementaiel significatif, qui ne peut être réduit à un stimulus appelant une réponse programmée, oblige à recomposer une nouvelle manière d’être (ce que je suis dans cette situation nouvelle) et d’agir (ce que j’entreprends dans cette situation). » (Brunet, 2008, pp.319-320). Et parmi les situations qui viennent potentiellement toucher la raison de l’individu, l’environnement constitue un facteur de concernement, en ce qu’il révèle les relations symétriques ou asymétriques entre l’homme et son milieu. « Le rapport entre l’homme et son milieu présente les traits d’une configuration spécifiée (Elias, 1997), c’est-à-dire d’un système d’interdépendances dont l’évolution offre une certaine indétermination due à la plasticité du comportement humain et à son pouvoir d’orientation. » (Brunet, 2008, p.322). Dans ce système de relations en tension, le comportement orienté serait issu d’un processus d’auto-réflexivité de l’homme pour tenter de minimiser ces tensions (Brunet, 2008).

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De la multiplication des ouvrages sur les problématiques environnementales et plus généralement au sujet du développement durable, jusqu’à l’intégration de plus en plus prégnante de ces problématiques dans les arènes de débat et de décision en passant par la multiplication des associations en faveur de l’environnement, des initiatives politiques, l’environnement puis le développement durable entrent peu à peu en culture. S’ils interrogent directement les modes de penser et d’agir des politiques publiques, mais également des acteurs économiques, ils interrogent également les comportements sociétaux des populations, c’est-à-dire à la fois l’impact écologique de leurs modes de vie et d’habiter, mais également leurs conceptions de l’environnement au travers des notions de cadre de vie, de vivre ensemble, et de faire société. Comme nous renseigne Fanny Lacroix, dans son mémoire intitulé Le concernement des habitants dans les dispositifs de participation du public à des échelles territoriales atypiques, l’« environnement interpelle directement les individus dans leurs actions au quotidien ce qui lui confère une forte capacité mobilisatrice. Il fait le lien entre la vie quotidienne de l’individu, et les enjeux globaux. Cet objet interpelle donc bien l’individu individué, qui se reconnaît dans son univers quotidien et dans ses actions. Ainsi, l’environnement concerne toutes les parties de la multitude dans un objectif, une visée, un monde commun. » (Lacroix, 2008, p.85).

L’environnement, en tant que facteur de concernement et de mise en lien entre comportements quotidiens et enjeux d’échelles métropolitaine, régionale, nationale et planétaire, interroge la situation de l’individu au sein d’un collectif, et implique s’il y a concernement un processus d’individuation, c’est-à-dire de repositionnement de soi et de ses caractéristiques singulières au sein d’un collectif composé ou immatériel. Mais si nous considérons que l’environnement est facteur de concernement, lui-même facteur d’engagement, il convient de caractériser cet engagement en faveur de l’environnement, et de montrer qu’il reflète les évolutions de l’engagement connues ces dernières années.

29

1.2.2 Le

concernement

environnemental

pour

quelle

figure

de

l’engagement ?

L’ « engagement affranchi », nouvelle figure de l’engagement aux côtés de l’« engagement affilié » Dans les sociétés dites démocratiques, les formes de l’engagement ont fortement évolué, et nous souhaitons montrer ici que le concernement environnemental et les actions induites par celui-ci, constituent un exemple concret des transformations qu’ont connues les formes classiques de l’engagement. Ces évolutions ont pour conséquence de faire évoluer la définition même de l’engagement. Jacques Ion, dans son ouvrage datant de 2001 et intitulé L’engagement au pluriel, montre que le processus d’individuation n’implique pas tant une diminution du militantisme qu’une transformation des modalités de l’engagement. « A l’engagement collectif et anonyme se substituaient des interventions plus personnelles ; à l’engagement sur la longue durée succédaient des implications plus ponctuelles mais non moins forcément impliquantes ; à la proclamation hautement affichée et toujours recommencée d’un idéal lointain étaient préférées des négociations et l’obtention de résultats partiels mais concrets. » (Ion, 2001, p.11).

L’auteur montre alors comment l’engagement affranchi constitue aujourd’hui une nouvelle figure de l’engagement aux côtés de l’engagement affilié. « Ce que révèle très nettement une étude des groupes associatifs, c’est, pour dire vite, ce qu’on peut appeler un processus général d’affranchissement, lequel peut se décliner sommairement suivant au moins deux aspects : (…) la fin de l’entre soi (et le) (…) pouvoir de répondre de soi. » (Ion, 2001, p.23). Le premier désignant le « double affranchissement par rapport aux appartenances de type communautaire et par rapport aux réseaux verticaux fédératifs inscrits dans les constellations idéo-politiques » tandis que le deuxième désigne l’« affranchissement

par

rapport

aux

modes

du

fonctionnement

associatif

caractéristiques de la démocratie représentative, voire des cadres de l’action publique » (Ion, 2001, p.23).

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Les différentes figures de l’engagement environnemental Le concernement environnemental des populations peut impliquer de nombreuses formes d’engagement. Au delà de la nature des pratiques en faveur de l’environnement qu’il implique, les modalités d’entrée en collectif, et les formes de ce dernier sont bien diverses.

L’environnement constitue un facteur récent de concernement du grand nombre, si bien que les formes d’engagement qui en découlent ne répondent pas nécessairement de logiques d’appartenances communautaires ou de réseaux verticaux idéologiques et/ou politiques. Dans le deuxième cas, nous ne saurions d’une part limiter les populations dites concernées par la cause environnementale à celles qui sont inscrites au sein de partis écologistes, ou d’associations en faveur de l’environnement. D’autre part, nous ne saurions prétendre que tous les membres de ces partis ou associations expriment quotidiennement cet engagement par des modes de vie et d’habiter dits durables.

L’engagement en faveur de l’environnement, n’impliquant pas nécessairement l’intégration d’un collectif institutionnalisé, peut constituer un acte politique individué et personnalisant, en ce qu’il serait porteur de principes et valeurs revendiqués au travers de pratiques qui n’engagent aux moments de leur réalisation que le seul individu qui en est à l’origine. Jacques Ion identifie dans les nouvelles formes d’engagement le processus de personnalisation qui apparaît lorsque « l’individu tend à se définir maître de l’action comme de lui même et à mobiliser sa propre histoire et l’ensemble de ses ressources dans des invesstissements pour autant mesurés. » (Ion, 2001, p.34). Mais cela ne signifie en aucun cas que ce mode d’engagement, qui n’est qu’un parmi d’autres, et que nous qualifions d’engagement individué et personnalisant, serait par conséquent individualiste.

Dans la mesure où il serait individué, l’engagement implique inévitablement intégration d’un collectif. Mais ce collectif, s’il n’est pas institutionnalisé, peut être un groupe aux frontières idéologiques relativement stabilisées et à la composition connue, mais il peut également être le simple fruit de l’imaginaire de l’individu concerné et engagé, qui se sent appartenir au groupe ayant soit les mêmes pratiques, c’est-à-dire pour reprendre la

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classification de Salvador Juan, les mêmes modes de vie, soit des pratiques ayant les mêmes finalités, c’est-à-dire les mêmes styles de vie.

La nature du collectif intégré dépend de la volonté de l’individu de revendiquer la légitimité de ses pratiques en tant que moyen de se situer face à autrui, et/ou de les faire partager en vue de favoriser leur diffusion.

Mais au delà de la nature du collectif intégré, les modalités d’entrée en collectif se sont diversifiées, comme en atteste Jacques Ion : « l’appartenance au groupement implique de moins en moins le partage d’activités communes (…) hors des objectifs de l’association. (…) Engagement à la carte, éphémère, multiple, à distance : l’existence et la vie du groupement ne constituent plus un enjeu fondamental de l’action. En cela, l’engagement ne saurait être compris comme la confirmation d’un ancrage communautaire déjà présent ou comme la manifestation de l’appartenance à une identité collective qui existerait à l’état latent. (…) Certes, auteurs de leur engagement, les individus du groupement, réunis en réseau, continuent d’agir en nom collectif ; mais pour cela, vivre le collectif n’est plus un pré-requis. » (Ion, 2001, p.30). Or, ces modalités nouvelles d’intégration d’un ou plusieurs collectif(s), notamment au travers d’un affranchissement des individus à l’égard des structures historiques, se traduisent par une mise en avant de l’individu, de ses responsabilités personnelles, ainsi que des formes de son engagement : « s’engager, c’est alors répondre de soi et non pas se fondre dans un collectif identifiable à une cause » (Ion, 2001, p.31). L’engagement environnemental, notamment au travers d’une transformation de ses propres modes de vie et d’habiter, illustre cette modalité d’engagement qu’est le « répondre de soi ».

Nous constatons que les formes d’engagement en faveur de l’environnement notamment, sont nombreuses, et que nous ne saurions en choisir une plutôt qu’une autre pour arrêter, au moins temporairement jusqu’à la fin de ce travail, une acception de l’engagement environnemental. Il ne s’agit pas de proposer une acception de l’engagement environnemental en fonction des formes de l’engagement, mais en fonction de la finalité des pratiques et de leur cohérence. Nous souhaitons insister sur la nécessité de la cohérence de l’ensemble des pratiques d’un individu, pour analyser l’existence ou non de

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concernement environnemental. Car, il convient de distinguer interventions sporadiques, telles que pour n’en donner que quelques exemples, acheter des produits issus de l’agriculture biologique de temps à autres, ou éteindre la lumière quand nous sortons d’une pièce, et des pratiques plus profondes, c’est-à-dire plus nombreuses et cohérentes les unes des autres. Ces dites interventions résultent d’un processus de réflexivité à l’égard de nos modes de vie contemporains, sans pour autant que la situation nous touche au point d’en modifier la totalité de nos pratiques quotidiennes.

Ainsi, le concernement environnemental induirait au moins l’émergence de modes de vie dits durables, et au plus la construction progressive de nouveaux styles de vie, au sein desquels l’ensemble des pratiques seraient cohérentes et durables.

Au travers de la réflexion qui visait à comprendre si le concernement environnemental constitue un processus individuel ou collectif, nous avons montré qu’il s’agit avant tout d’un processus d’individuation qui impliquerait un engagement affilié ou affranchi, donc l’intégration d’un collectif, non plus forcément constitué, et institutionnalisé mais porteur d’une identité collective tournée autour de principes, valeurs et pratiques communs. Nous avons également montré que les actions inhérentes au concernement environnemental caractériseraient les formes renouvelées de l’engagement.

Il s’agit à présent d’interroger le rôle des politiques publiques dans les processus d’évolution des modes de vie et d’habiter, et de concernement des populations à l’égard de la dimension environnementale.

33

1.3 Du

concernement

environnemental

des

populations

à

l’évolution des modes de vie et d’habiter, une affaire de citoyens ou de politiques publiques ? « Qui doit définir la politique du ou des territoires ? L’Etat ou les instances locales, les élus ou les associations citoyennes ? Les sevices administratifs ou les futurs conseils de développement ? Comment redéfinir les pouvoirs, comment les rendre complémentaires et surtout comment se questionner sur leur légitimité pour concilier à la fois exigence démocratique, éthique, pragmatique ? » (Roux, 2002, p.17).

1.3.1 L’évolution des modes de vie et d’habiter, un rôle à jouer des politiques à l’égard des citoyens Lorsque les aménageurs façonnent les territoires que nous devons habiter « Les « aménageurs » agissent sur les espaces à partir de « diagnostics » qui cherchent à mettre en évidence « leurs forces et leurs faiblesses », leur « vocation », leur aptitude à répondre aux « besoins » des populations ou des entreprises, au nom de « l’intérêt général » ou du « progrès » etc. Dans ces conditions leurs potentialités sont évaluées à l’aune de quelques paramètres « objectifs » empruntés à différents champs disciplinaires.

Et par glissements successifs, l’habitabilité harmonieuse des territoires est subordonnée au respect de « grilles de critères » ; elle passe par la mise en conformité des lieux avec des standards idéalisés sans que ne soient jamais précisés les croyances et les projets qui le fondent. » (Roux, 2002, p.18). Nous avons montré précédemment que tout individu, pour être, pour exister, se devait d’habiter des territoires intimes, afin de construire son autonomie, son identité. Nous avons également montré que l’acte d’habiter des territoires intimes, ne signifiait pas un repli sur soi, mais un processus d’individuation, c’est-à-dire d’intégration de la totalité en préservant ses différences. Nous pouvons nous interroger sur la pertinence voire la légitimité d’interventions qui visent à standardiser des projets censés s’intégrer en tous lieux. Car si cette standardisation va à l’encontre de la territorialisation de l’action d’une part, elle implique également une orientation des

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pratiques en fonction de la nature des aménagements. « Si le paradigme de la course du temps qui s’accélère impose aux individus ses standards avec autant d’intensité (…), c’est qu’il est relayé par un autre paradigme qui donne a priori à toute forme d’espace les contours d’une « figure géométrique ». (…) Dans cette perspective, l’habitabilité des territoires – résider, circuler, exploiter, contempler, etc. – s’envisage d’abord selon des critères formels qui déterminent les droits et les devoirs de chacun. » (Roux, 2002, p.108). Cet ordre géométrique, qui implique la diffusion de normes, de standards, favorise inévitablement une uniformisation progressive des modes d’habiter d’une part, et des modes de vie d’autre part, en ce qu’il oriente les pratiques qui se doivent d’être cohérentes avec les dits territoires façonnés. L’ordre géométrique contribue alors à renforcer le déterminisme des modes de vie des populations vivant en milieu urbain.

L’art d’intervenir pour assurer la liberté de vivre et habiter nos territoires intimes Les politiques publiques ont un rôle à jouer pour l’évolution des modes de vie et d’habiter, mais celui-ci doit-il consister à créer des territoires au sein desquels les populations se devraient d’adopter les mêmes modes de vie et d’habiter ? Au contraire, leur rôle ne serait-il pas d’intervenir pour garantir au maximum la liberté des populations d’habiter leurs territoires comme ils l’entendent et de ce fait adopter des modes de vie, qui ne seraient plus alors déterminés par des injonctions strictement descendantes, mais qui seraient liés aux modes d’habiter que les populations ont pu intégrer d’elles-mêmes ?

Cette réflexion sur le rôle des politiques publiques dans la construction des modes de vie et d’habiter pose alors la question plus vaste et complexe encore du rôle des politiques publiques dans l’aménagement des territoires urbains. L’objectif est-il d’aménager la moindre parcelle en fonction de besoins identifiés par des diagnostics issus de grilles de critères a-territoriaux, ou est-il, tout en subvenant aux besoins vitaux des populations, de favoriser de nouveaux modes de « faire société », non plus par les politiques publiques mais par les populations devenant alors habitantes de ces territoires et ayant leurs responsabilités sur les devenirs urbains ? Figure utopique voire utopiste de l’aménagement pour certains, asymptote horizontale vers laquelle il serait bon de tendre pour d’autres, toujours est-il que nous ne saurions espérer un concernement

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environnemental des populations, si nous ne les rendons pas maîtresses de leurs territoires de vie et de leurs devenirs.

Nous pouvons prendre l’exemple de la spécialisation des territoires, sous l’égide du paradigme fonctionnaliste, qui impose en tous lieux des pratiques bien définies. Quelle place ce paradigme laisse-t-il à la création de territoires intimes ? « Les préoccupations pour les lieux et l’art de les habiter se sont effacées devant l’étrange amalgame d’une figuration naïve de l’égalité spatiale et du crédo fonctionnaliste. Chassant le particulier, le charme, le secret, le mystère, la poésie, l’ombre, le fouillis, l’hétéroclite, etc., les urbanistes segmentent la ville en zones, ZUP, ZAC, ZI, qui reproduisent la même banalité dans toutes les villes de France. Entre les architectes qui standardisent et développent sans aucun souci d’échelle les créations expérimentales de quelques maîtres (…), les industriels du bâtiment qui rationnalisent la production de logements, la technocratie qui fait du zonage un principe d’occupation des sols et l’absence de réflexion des intellectuels sur l’habitabilité, on peut mesurer l’ampleur d’un désastre en amont duquel se dessine une idéalisation sans bornes de la figure géométrique. » (Roux, 2002, p.115).

Le désastre imaginé ici serait sans doute celui de la transformation progressive du citoyen, en simple composante passive de la société, dans sa construction comme dans son devenir. Or, le concernement environnemental, induit par un processus de réflexivité et de mobilisation des affects, peut justement constituer un moyen pour les populations de se défaire de leur caractère passif, pour se constituer en tant que membres actifs de la société, au travers d’un engagement qui touche à la fois leur mode d’habiter et de ce fait leurs styles et modes de vie.

1.3.2 Lorsque le concernement environnemental des populations interroge directement les politiques publiques et implications associatives Privilégier une approche phénoménologique de la durabilité urbaine, en donnant aux modes de vie et d’habiter et leur évolution au travers du concernement environnemental des populations, une place centrale dans la définition et la mise en œuvre des projets de quartiers durables, nécessite une réflexion profonde sur les modalités de la gouvernance choisie.

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Le concernement environnemental s’inscrit dans le temps long ; par l’engagement qu’il représente et les pratiques nouvelles qu’il induit, il ne peut constituer en aucune façon le fruit d’actions strictement descendantes et coercitives. Cela ne signifie pas que les politiques publiques n’ont pas un rôle à jouer, mais que leur rôle principal consisterait plus en une mise en culture de l’environnement, porteur d’enjeux de nouvelles pratiques, de nouveaux modes de vie et d’habiter, notamment au travers de la maîtrise du cadre de vie, et du vivre ensemble. Nous l’avons montré, l’engagement nécessite une mobilisation des affects, mais également l’émergence d’un processus de réflexivité, afin de passer de la conscience d’une réalité inhérente à une situation, à un ensemble d’actions qui, quelle que soit leur nature, apporterait une réponse à cette situation. De ce fait, nous pouvons nous demander si l’émergence d’un concernement environnemental peut être le seul fruit d’une multiplication d’interventions écologiques à l’échelle de l’habitat (ex : mise en place de panneaux photovoltaïques, de matériaux plus isolants, de circuits courts de traitement des eaux usées) et encore moins de mesures coercitives ou dissuasives, qui se diraient en faveur de l’environnement. Ces mesures, aussi efficaces puissent-elles être pour réduire l’impact des activités humaines sur leur environnement, peuvent-elles seules induire des transformations de nos modes de vie et d’habiter ?

Néanmoins, cela ne signifie pas une fois de plus que les politiques publiques non pas de rôle à jouer dans le concernement environnemental des populations. Informations, sensibilisations, formations, etc. sont autant de moyens qui peuvent s’avérer payantes pour faire émerger un concernement environnemental. Qui plus est, la difficulté de ces exercices, surtout lorsqu’ils sont mis en œuvre par les politiques, réside dans l’équilibre à trouver entre sensibilisation et responsabilisation face aux enjeux et impacts des modes de vie, sans proposer un discours culpabilisateur, c’est-à-dire rendants les populations seules responsables de l’état actuel de la planète.

Mais dans ces exercices de formation, d’information, et de sensibilisation, les associations ont également un rôle à jouer en ce qu’elles proposent, par leur nature, un statut d’intermédiaire entre préoccupations du monde profane, et préoccupations du monde politique. Par leur statut, elles peuvent également être source d’attraction pour les populations, dans la mesure où elles constitueraient une figure autonome vis-à-vis du 37

monde politique, comme le montre Fanny Lacroix dans son mémoire (op. cite) « Ces associations sont ainsi devenues des acteurs de tout premier plan dans la politique locale. Elles participent aussi activement au concernement environnemental des individus de la collectivité. André Micoud et Christian Charvolin proposent de passer de l’étude du concernement dans les associations à l’étude du concernement par les associations, et qui a un écho plus vaste, car il touche l’ensemble du corps social (Micoud, Charvolin, 2000). En effet, les associations produisent des discours et des images qui viennent donner du sens à des revendications du quotidien. Elles viennent donner du sens à un mode d’engagement familier et intériorisé (Thévenot, 2006). Les « figures » qu’elles mobilisent donnent un poids aux actions collectives qu’elles mènent. » (Lacroix, 2008, p.87).

Comme pour l’évolution des modes de vie et d’habiter, il semble que les politiques publiques et associations ont un rôle à jouer dans la mise en culture de l’environnement comme moyen d’amener progressivement les populations à faire preuve de réflexivité à l’égard de leurs modes de vie et d’habiter. Mais nous avons également montré que le concernement environnemental et de surcroît l’engagement qu’il implique nécessitait l’existence d’une situation qui touche la raison même de l’individu. Le dernier mot serait donc donné à chaque individu, seul à même de décider des formes de son ou ses engagements.

Conclusion : Dans cette première partie, nous avons souhaité stabiliser les notions de modes de vie (centrés sur l’identité des pratiques), de sytles de vie (centrés sur l’identité des individus), de modes d’habiter (impliquant un rapport charnel et individué voire individuel de l’habitant à l’égard des territoires qu’il habite), et de concernement environnemental (en tant que processus réflexif et individué à l’égard de l’environnement, et impliquant la réalisation d’actions sous les formes renouvelées de l’engagement). Mais au delà de stabiliser ces notions, nous avons souhaité comprendre leurs relations dans le cadre d’une

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approche phénoménologique, mettant en exergue leurs relations davantage circulaires que linéaires.

C’est ainsi que nous avons montré que les modes de vie semblent découler des modes d’habiter, en ce qu’ils dépendent de la manière dont tout un chacun souhaite habiter ses territoires de vie, mais que ces mêmes modes de vie opèrent un retour sur les modes d’habiter. Nous avons également montré que le concernement environnemental, en ce qu’il implique un engagement sous des formes multiples, peut être à l’origine d’une évolution des rapports de tout un chacun avec ses territoires de vie, dans une relation devenue plus symétrique (Brunet, 2008), et par conséquent être à l’origine d’une évolution de nos modes d’habiter, et donc de nos styles et modes de vie. Nous pouvons à cet effet nous demander si ce concernement environnemental, ne permettrait pas de contribuer au dépassement des conditionnements socio-géographiques, par les nouvelles formes d’engagement qu’il implique.

Car, d’une part, le processus de réflexivité, mais également de montée en généralité pour entrer en collectif au travers de l’acte d’engagement, interroge nos modes de vie urbains caractérisés par l’école de Chicago d’utilitaristes et individualistes, au sein d’un milieu favorisant la spécialisation professionnelle ainsi que la mobilité déraisonnée, la superficialisation des relations et l’anonymat, ainsi que la segmentation des rôles et attitudes. Le concernement environnemental ne permettrait-il pas de dépasser un déterminisme qui viserait à appliquer un mode de vie spécifique au milieu urbain ? Plus encore, privilégiant une approche phénoménologique de la vie urbaine, les relations entre un milieu, qu’il soit géographique ou social, et une population ne doivent-ils pas être appréhendés selon un caractère circulaire plutôt que linéaire, en ce que les populations façonneraient leur milieu, qui lui même rétroagirait grandement sur ces dernières ?

D’autre part, l’environnement, en tant que facteur de concernement, interroge, comme nous le montrions précédemment, chacun d’entre nous sur nos propres pratiques, et manières d’habiter nos territoires de vie. Nous avons également montré que les formes d’engagement possibles induites par le concernement environnemental peuvent être multiples et plus encore que dans d’autres domaines, permettent l’émergence

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d’engagements affranchis et non plus simplement et strictement affiliés. Or, si les formes d’engagement classiques et institutionnalisées constituent des vecteurs de renforcement de sélections des populations dites impliquées et participantes ou de segmentation des arènes de débat par couches sociales, le concernement environnemental ne permettrait-il pas quant à lui d’intégrer un collectif qui s’affranchit de ces déterminismes ? « Quand l’avenir est perçu sous l’empreinte du risque et que le monde social est ressenti comme flou et changeant, certains, pourtant objectivement loin les uns des autres peuvent s’estimer, au moins transitoirement, partager une même communauté de sort sinon de destin. (…) Ce ne sont pas les systèmes d’appartenances qui conditionnent alors l’engagement mais c’est l’engagement qui se trouve producteur de solidarités nouvelles. » (Ion, 2001, p.27).

La mise en relation des différentes notions manipulées jusqu’ici permettra d’interroger directement la durabilité des projets de quartiers durables étudiés, selon une approche non plus strictement technico-normative et centrée sur la dimension écologique de l’environnement, mais bien centrée sur les pratiques des populations et leur durabilité, que nous considérons comme inévitables pour répondre aux enjeux environnementaux depuis l’échelle locale à l’échelle planétaire (objectif premier des projets de quartiers durables).

Il convient à présent de mettre à l’épreuve l’ensemble des réflexions théoriques proposées jusqu’alors au travers de l’analyse de trois projets de quartiers durables ayant fait l’objet d’une analyse empirique.

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2 Trois études de cas pour confronter théorie et réalité de terrain 2.1 Bo01 ou l’art de l’intervention architecturale et technicoécologique 2.1.1 Le développement durable au secours d’une ville marquée par le déclin industriel à la fin des années 1980 Malmö, dite « la portuaire et la commerçante », (ARENE, 2005, p.38), 3ème plus grande ville de Suède et capitale de la Scanie, compte 264 000 habitants. Située au sud-ouest de la Suède, la ville de Malmö est reliée à Copenhague par le pont d’Ôresund construit entre 1995 et 2000, et fait désormais partie de la région de l’Ôresund, regroupant la Scanie et la Zealand (Danemark).

Carte n°1 : La ville de Malmö reliée à Copenhague par le pont de l’Ôresund

Source : Google Image, avril 2009

Le quartier Bo01 se trouve sur le site de Vasträ Hamnen, ancien polder industriel de 30ha au nord-ouest de la ville, en front de mer, alors choisi pour accueillir l’ « Exposition 41

Européenne de l’Habitat » en 2001. « En dépit de son image de zone portuaire et d’ancienne friche industrielle, le polder de Västra Hamnen est un site stratégique faiblement pollué : (…) bordé par la plage de Ribersborg et à proximité des parcs les plus attrayants de Malmö et de la gare centrale. » (ARENE, 2005, p.39).

Carte n°2 : Bo01 à l’extrême ouest du Polder de Vasträ Hamnen

Source : Faburel, Manola, Davodeau, Geisler, Tribout, 2009.

La région internationale ainsi formée compte « 3,2 millions d’habitants et 1/5 du PNB cumulé de la Suède et du Danemark (…), 120 000 étudiants répartis en 11 universités. Le rayonnement du secteur de la recherche est étroitement lié au développement des biotechnologies et des activités médicales, au sein d’une “Medicon Valley”. Enfin, Malmö est également devenue un centre reconnu dans le domaine des technologies de l’information. » (ARENE, 2005, p.38).

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A la fin des années 1980, la ville de Malmö a connu une crise socio-économique forte et le déclin de l’industrie navale suivie d’une phase de désindustrialisation et d’une vague d’immigration en provenance des pays de l’est européen accentuant un peu plus le taux de chômage au début des années 1990. « La municipalité cherche alors les voies d’une revitalisation économique et résidentielle. Le projet de pont entre la Suède et le Danemark, qui va renforcer la région urbaine de l’Ôresund, lui en offre l’opportunité. La ville choisit de miser sur le développement durable pour reconstruire son attractivité, transformer son image de ville désindustrialisée et prouver ses capacités d’innovation.

Elle s’engage d’une manière visible dans la campagne européenne des villes durables [...]. Son projet directeur porte sur le redéveloppement des docks par la construction d’un quartier durable (le quartier Bo01), alliant écologie et technologie. » (Laigle, 2005, p.70).

Parallèlement à ce projet de quartier durable, deux autres chantiers sont mis en place à la fin des années 1990 : la construction d’un nouveau quartier portuaire à Västra Hamnen, et la réhabilitation écologique d’un ancien quartier d’habitat social, Augustenborg, que nous analyserons ci-après.

2.1.2 Le projet et ses objectifs Un contrat partenarial local entre la ville de Malmö et la Commission européenne « La ville de Malmö était une des premières villes qui a signé un contrat de partenariat local avec la Commission européenne dans le cadre de la "Campagne pour le décollage des EnR" (CTO). » (Energie-Cités, 2001, p.2).

Dans le cadre de ce partenariat, le projet Bo01 fut la première concrétisation physique, qui « se devait d’être une réalisation exemplaire d’adaptation environnementale d’une zone urbaine densément construite. La première phase d’urbanisation (400 appartements sur les 3000 prévus à long terme) a été présentée et ouverte à la visite à l’occasion du salon européen de l’habitat "Bo01 Ecological City of Tomorrow", qui s’est tenu du 17 mai au 16 septembre 2001. » (Energie-Cités, 2001, p.2).

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Bien au delà de constituer un projet au sein d’une politique de planification urbaine, ce projet de quartier dit durable constitue un « véritable laboratoire d’étude pour les autres villes industrielles européennes », ainsi qu’ « un vaste forum de réflexion et de discussion sur les relations entre l’Homme et son habitat. » (Energie-Cités, 2001, p.2). Les objectifs de durabilité tels qu’ils sont pensés dans le cadre de ce projet, sont couplés d’objectifs d’attractivité internationale.

L’obtention, en 2000 du premier prix du concours récompensant les projets exemplaires dans le cadre de la « Campagne pour le décollage des Energies Renouvelables » (EnR), a constitué un moyen de répondre à cet objectif d’attractivité et de mise en valeur d’une vitrine à l’échelle européenne.

Coopération transfrontalière et renouvellement de la planification urbaine Le projet s’inscrit également dans un contexte de renouvellement de la politique de planification urbaine de Malmö, dans un contexte de coopération transfrontalière entre les régions de la Zealand (Danemark) et de la Scanie (Suède)4. La région de l’Ôresund ainsi formée, et renforcée notamment par la construction du pont reliant les deux pays, a complètement modifié la politique de planification urbaine de la ville de Malmö.

En 1995, est lancée une démarche « Vision 2000 », dans un objectif de renouvellement de la politique de planification urbaine désormais tournée vers le développement durable.

La démarche vise à « étudier le rôle de Malmö dans la nouvelle configuration territoriale de la région Ôresund (…) (ainsi qu’à) qualifier la ville à travers six dominantes (…) : Ville concentrée (…), Ville « verte et bleue » : riche de nombreux parcs et plages de bonne qualité, Ville culturelle (…), Ville industrielle (…), Ville résidentielle (…) Ville « du savoir » : mauvais élève affligé d’un niveau moyen d’éducation assez faible. » (ARENE, 2005, p. 41).

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La coopération entre la Zealand et la Scanie a démarré au travers du comité de l’Ôresund à partir de 1993, « plate-forme régionale de coopération entre les organisations, les entreprises et les citoyens (qui) développe ses propres projets, notamment dans les transports (…), l’environnement (…) et l’établissement d’un marché du travail en commun. » (ARENE, 2005, p.40).

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Suite à ce diagnostic, et dans un objectif de redynamiser la Ville en la rendant plus attractive à l’échelle régionale, la Ville de Malmö lance en 1998, un programme de renouvellement de sa politique de planification urbaine au travers de l’ « Environmental Plan » dont les objectifs sont les suivants :  Réduction de 25% des émissions de CO2 d’ici 2005 ;  60% de l’énergie consommée à Malmö (hors transports) doit provenir d’ici 2010 de sources renouvelables ou de la combustion de déchets ;  Maintien de la biodiversité dans la région en dépit du processus d’urbanisation (Energie-cités, 2001, p.1).

La charte de qualité Bo01 : un partenariat entre la ville de Malmö et les promoteurs En mars 1999 est signée la charte de qualité environnementale entre la ville de Malmö et les promoteurs intervenant sur le quartier Bo01. « Ce document définit le niveau de qualité requis à Västra Hammen pour les investisseurs et les constructeurs, en matière d’environnement,

de design,

de technologies,

de services et

d’équipements.

L’autorisation de construire est accordée par la ville, à condition que soit atteint le niveau d’exigence demandé. » (ARENE, 2005, p.41). Les objectifs de la charte sont les suivants :  Définir une norme en terme de qualité des constructions ;  Viser la très haute qualité environnementale, en vue de constituer un exemple international en terme de construction écologique ;  Développer

les

Nouvelles

Technologies

Communication ;  Viser la haute qualité architecturale et de design.

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de

l’Information

et

de

la

Les acteurs intégrés au sein du projet Ville de Malmö : A l’origine du projet découlant d’une planification urbaine renouvelée tournée vers le développement durable.

Etat Suédois : Au travers du « Local Investiment Programme for Ecological Adaptation », qui a participé à la dépollution des sols du site, mais également au travers du « Swedish National Energie Administration », dont le but fut d’établir un système énergétique cohérent avec la politique du Parlement suédois.

Comission Européenne : Au travers de la Campagne pour le décollage des Energies renouvelables.

Agence Nationale suédoise de l’Energie : soutien financier au projet de Bo01.

Sydkraft : Une des plus importantes compagnies énergétique du pays. Production et distribution d’électricité, de chaleur et de biogaz sur l’ensemble du site Bo01, quartier qui constitue une vitrine du savoir-faire technologique de Sydkraft en matière d’énergies renouvelables.

Bo01 AB : A l’origine de la Charte de Qualité pour le quartier Bo01, et comité organisateur de l’Exposition européenne de l’Habitat « Bo01 ville de demain ». Le but étant de promouvoir les bienfaits et l’intérêt d’une société écologiquement durable, propice à l’épanouissement de l’être humain.

Université de Lund : Vaste programme de recherche et de formation sur la construction écologique « grand confort », dont Bo01 est le principal terrain d’étude.

Conseil LIP : Gestion du plan d’investissement local en matière d’environnement, financé en partie par le gouvernement suédois.

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Les objectifs du projet Les objectifs fixés dans le cadre du projet Bo01, découlent ainsi d’enjeux d’échelles diverses, mais réunies autour d’une idée directrice : le développement durable comme moyen d’attractivité territoriale. Renforcer l’attractivité de la ville, à l’échelle européenne, mais également à l’échelle régionale, et renforcer l’attractivité du territoire portuaire pour les habitants de Malmö et de la région. De ces enjeux forts, a découlé la définition d’axes opérationnels majeurs, qui, nous le montrerons, révèlent une approche du développement urbain durable par la dimension environnementale, voire strictement écologique. Ce qui n’est pas sans interroger sur la durabilité réelle d’un tel projet à l’échelle de la ville.

Les dates clefs du projet 1995 : Lancement d’une nouvelle planification urbaine au travers de la démarche « Vision 2000 ».

1995-2000 : Construction du pont d’Ôresund.

1998-2002 : Mise en place d’un programme environnemental, afin de confirmer son adhésion aux principes du développement durable.

Mars 1999 : Signature de la Charte de Qualité Bo01 entre la ville de Malmö et les promoteurs.

2000 : La ville de Malmö obtient le premier prix du concours récompensant les projets exemplaires dans le cadre de la « Campagne pour le décollage des Energies Renouvelables » (EnR).

2001 : Livraison du quartier durable : Bo01.

16 Septembre 2001 : Exposition européenne de l’Habitat : « Bo01 Ecological City of Tomorrow ».

2001-2004 : Quartier Bo01, terrain de démonstration pour le programme de recherche et de formation lancé par l’université de Lund, destiné à acquérir et transmettre un savoirfaire en matière de construction écologique « grand confort ».

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Les axes opérationnels du projet Un « green guide » de la construction à Vasträ Hamnen a été réalisé, en vue de proposer les principes directeurs d’action au sein du projet premier que constitue Bo01. Transports, solaire, vent, eau, traitement des déchets par tri sélectif, mais également obligation pour les constructeurs de choisir 10 des 35 points définis, autant de domaines à développer pour contribuer au développement de la biodiversité, en milieu urbain dense.

D’autre part, un certain nombre de prescriptions architecturales et urbaines ont été définies, tels que les matériaux, l’orientation du bâti et notamment leur entrée, les toits et murs végétalisés, les isolants naturels, les espaces intérieures flexibles, les espaces de circulation minimisés, l’électro-ménager silencieux.  Diffusion de nouvelles pratiques de déplacement Piétonisation des rues intérieures et multiplication des pistes cyclables, offres de voitures électriques et stations de biogaz, priorité accordée aux véhicules dits écologiques pour les places de parking, sensibilisation des résidents en vue de les inciter à utiliser les modes de déplacement non polluants, mise en place d’un service de réservation pour le covoiturage, de diffusion des horaires de transports en commun, et système d’information concernant le trafic sur des écrans installés dans le quartier, furent autant d’actions définies et mises en œuvre, afin de favoriser les modes de déplacement doux. « Le projet Bo01 est révolutionnaire dans le fait qu’il vise l’équilibre de la production et de la consommation d’énergie au sein du quartier. Tandis que l’objectif d’approvisionnement est d’utiliser 100% d’énergies renouvelables locales, l’objectif de consommation, selon la charte de qualité, est de 105 kWh par m2 et par an, soit 50% de réduction par rapport aux autres logements de Malmö. » (ARENE, 2005, p.44).  Une gestion des énergies renouvelables basée sur la complémentarité des dispositifs Proposer un quartier autonome en énergie constituait un point essentiel du projet en vue de l’Exposition européenne de l’Habitat. Pour cela, l’utilisation du potentiel

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géothermique des eaux souterraines, de l’énergie solaire grâce à la mise en place de panneaux photovoltaïques, et d’« une éolienne de 2 MW, à l’époque l’une des plus puissantes de Suède, (…) (et) érigée sur le site de Norra Hamnen distant de 3 km de la zone portuaire ouest de Malmö » ont été autant de mesures mises en œuvres.  Une gestion de l’eau en tant que ressource et source d’aménité La gestion de l’eau concerne tout d’abord les eaux pluviales, récupérées par les toitures végétalisées, et acheminées par des rigoles à ciel ouvert jusque dans un canal traversant le quartier, pour se déverser enfin dans la mer. Notons qu’aussi utiles soient-ils, ces aménagements ont tout autant une fonction ornementale, et sensibilisatrice à l’égard des résidents et/ou usagers du quartier.

La gestion des eaux concerne également le traitement des eaux usées acheminées vers la station d’épuration de la ville, pour être rejetées dans la mer, une fois traitées.

Enfin, des compteurs personnalisés ont été installés dans chaque logement pour sensibiliser les résidents à l’égard de leur consommation quotidienne en eau potable.  Une gestion des déchets, basée sur le tri et la production de biogaz Tous les îlots d’habitation sont munis de locaux de tris des déchets, accueillant notamment un « système de vide-ordures pneumatique ou sous vide (…) (permettant) de récupérer les différentes fractions de déchets (…) (et) de traiter 60% du total des ordures ménagères. » (ARENE, 2005, p.47). Des points de collecte des matériaux d’emballage recyclables, mais également un système de traitement des boues d’épurations et des déchets organiques, ont été installés. Un système de production de biogaz, à partir des déchets organiques et des eaux usées a été mis en place afin participer au chauffage des habitations ainsi qu’à la production d’électricité.

Il est à noter qu’une chaine de télévision du quartier est proposée à tous les résidents, qui propose des programmes de sensibilisation des populations en ce qui concerne notamment le tri des déchets et le recyclage.

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 Une réflexion sur les techniques et matériaux de construction Enfin, une réflexion a été menée sur les techniques et matériaux de construction. Selon l’ARENE, les matériaux choisis doivent être conformes à certaines normes concernant leur impact sur l’environnement, leur cycle de vie, leur rôle dans le rendement énergétique du bâtiment. Néanmoins, il semble qu’aucune prescription ne soit définie en vue d’une architecture uniforme au sein du quartier. Chaque constructeur étant libre tant qu’il respecte les prescriptions architecturales définies pour l’ensemble du quartier. Cette liberté permet aujourd’hui d’aboutir à une première phase du projet, au sein de laquelle, les bâtiments sont divers par leurs formes, matériaux utilisés et couleurs.

2.1.3 Résultats Une approche technico-écologique du développement urbain durable Durant l’entretien réalisé auprès d’Eva D. (architecte en chef du projet Bo01), et en réponse à l’une de nos questions : « What is a sustainable neighborhood for you ? », notre interlocuteur nous répondit ainsi : « You can always argue what could be a sustainable neighborhood. I don’t think it’s definable in a very concrete way.

Sustainability to me is a word like love or friendship or good quality. Then you always have to decide what to do ; so, different projects can have covered different aspect of sustainability, but I would try to be very carefull defining an area a sustainable neighborhood, and say it aims of sustainability » (Eva D., 17/04/2009).

Développement des modes de transports doux, développement des énergies renouvelables, traitement des eaux usées et pluviales, recyclage, réflexions sur les techniques et matériaux de construction, autant de domaines d’interventions qui révèlent le choix d’une approche écologique du développement urbain durable dans le cadre du projet Bo01. En atteste la réponse d’Eva D. à la question « What kind of approach of the sustainable development, did Bo01 project integrate ? » : « It was dominated by the ecological approach. It was the mid nineties, and I don’t think we were really interested in economic and social sustainability at that time the same way we are today. So at that time, it was a lots about technics. But also, we had professor Claus Tamer how was the

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head of the design team, and he always dressed the fact that it’s absolutely necessary to build ecologically smart solutions. (…) So Claus said that we have to make it enjoyable to save the world, we have to get people to feel that this will be fun, and the good thing to do. It must be at least just as enjoyable to live in a sustainable neighborhood as in a not sustainable one. So, in Bo01, we combined ecological sustainability with very high ambitions for architecture. » (Eva D., 17/04/2009). Car, nous ne saurions oublier qu’au delà d’une volonté forte de la municipalité de Malmö, de réaliser un quartier dit durable, ce projet avait à la fin des années 1990 l’ambition d’accueillir l’Exposition européenne de l’Habitat en 2001. Il s’agissait donc de proposer aux habitants de la ville de Malmö, une première concrétisation de la politique de planification urbaine résolument tournée vers le développement durable, et à l’Europe entière, un support architectural pour la première Exposition Européenne de l’Habitat du siècle.

Or, lors des entretiens que nous avons effectués auprès de 27 habitants du quartier, plus de trois quarts d’entre eux font référence au moins une fois au caractère architectural du lieu, alors même qu’aucune question n’était tournée vers ce domaine. Qui plus est, la même proportion d’habitants, fait référence au moins une fois à l’approche écologique développée au sein du projet. Mais concernant ce point précis, la dernière question de l’entretien portait précisément sur le caractère durable ou non de ce quartier, et par conséquent orientait fortement les habitants vers une réflexion sur ce domaine. Il s’agit à présent de montrer que si les gestes architecturaux développés dans le projet ont permis de constituer un élément structurant de l’identité du quartier, son caractère écologique quant à lui semble bien plus relayé par les politiques locales au travers d’actions de communications à l’échelle de la

municipalité, mais également de l’Europe,

qu’approprié par les résidents du quartier.

L’environnement, producteur d’identité collective au sein du quartier ?  L’importance donnée aux aménités environnementales par les résidents du quartier Parmi les aménités environnementales présentes au sein du quartier, telles que la mer longeant le quartier à l’ouest, l’esthétique architecturale, la présence d’espaces 51

végétalisés, pour les enfants et/ou pour les activités de promenades, les deux premières semblent constituer des éléments caractéristiques du quartier. En effet, à la question : « Could you talk to me about the place you live ? », plus de la moitié des personnes évoquait la présence de la mer à proximité immédiate, et dans une même proportion la qualité architecturale du bâti moderne. En guise de comparaison, et nous le verrons en détail ci-après, seules deux personnes ont évoqué la dimension écologique du quartier, en réponse à cette même question. Plus encore, une seule personne interrogée n’a fait référence à la proximité de la mer comme élément caractéristique de son quartier5 et/ou comme élément qu’elle appréciait le plus à Bo016.

Au delà de la qualité architecturale et de la présence de la mer, comme éléments caractéristiques et contributeurs de l’identité du quartier, la recherche d’aménités environnementales telles que l’absence visible de pollution, l’air frais, le calme, sont maintes fois mentionnées dans les réponses au fil des questionnaires.

Néanmoins cette relation forte aux aménités environnementales révèle une approche individuelle des relations entre les populations et leur environnement, mais également unilatérale, en ce qu’il s’agirait avant tout de vivre dans un quartier où des éléments structurants contribuent à renforcer la qualité du cadre de vie des populations.  Une approche toute relative de l’environnement au travers du vivre ensemble A la question : « What do you appreciate the most in your neighborhood ? », seules trois personnes font référence à la vie de quartier, et aux possibilités de rencontre qu’offre un tel cadre. Seules trois personnes également évoquent la qualité des relations au sein des résidents du quartier en réponse à la question : « How could you describe the athmosphere/the ambiance in your neighborhood ? ». Enfin, seules deux personnes expliquent qu’elles se sentent bien dans le quartier en raison des relations amicales entretenues avec les résidents du quartier.

5

Nous considérons que la mer constitue un élément caractéristique de leur quartier, lorsque les personnes interrogées évoquent celle-ci en réponse à la question : « Could you talk to me about the place you live ? ».

6

Nous considérons que la mer constitue un des éléments qu’elles apprécient le plus, lorsque les personnes interrogées, évoquent celle-ci en réponse à la question : « What do you appreciate the most in your neighborhood ? ».

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Ces observations renforcent le rapport individuel des populations à leur cadre de vie, et révèlent une absence significative de désir de développer un « vivre ensemble » au sein d’un même quartier. Nous sommes ici en présence de modes d’habiter individuels, et semble-t-il non individués. Nous ne pouvons ici parler d’activation des populations à l’égard du milieu dans lequel ils vivent, activation qui pourtant semble nécessaire chez P. Brunet (supra), pour qu’il y ait naissance d’un engagement environnemental. Et cette affirmation est d’autant plus visible au regard de la place accordée, ou plutôt non accordée au caractère écologique du quartier dans l’émergence d’une identité commune.  L’absence de concernement environnemental chez les résidents du quartier Bo01 Si nous avons révélé l’attachement exprimé par les populations résidentes à l’égard des aménités environnementales dont elles disposent et peuvent jouir, nous proposons à présent d’interroger la place de la dimension écologique en tant que participante potentielle de l’émergence d’une identité commune au sein du quartier.

A la question : « I’ve been told that Bo01 is a sustainable neighborhood, do you think it is ? », les trois quarts des personnes interrogées (21/27) font directement référence, dans leurs réponses, aux aménagements écologiques réalisés dans le cadre du projet, tandis que deux seulement font référence à la notion de modes de vie.

Aussi, parmi les 21 personnes évoquant les aménagements écologiques réalisés, 18 considèrent en conséquence que le quartier peut être considéré comme durable d’un point de vue écologique, tandis que trois y voient bien plus une tentative échouée qu’une réelle réussite écologique : « They tried to make it, the reality is not the same. It was an attempt.

But they built it too much quickly. Lots of buildings have to be renovated. The attempt of sustainable energy, is just one way for sustainability. » (Résident du quartier Bo01, 16/04/2009), ou encore : « No, because buildings are not sustainable » (Résident du quartier Bo01, 16/04/2009). Ces propos, bien que minoritaires au sein des réponses obtenues, ont été confirmés lors de notre entretien auprès d’Eva D. : « for the energy efficiency, the buildings use a lot more energy than they were supposed to do » (Eva D., 17/04/2009).

53

Analyser la nature des réponses à cette seule question, nous a permis de mettre en avant une acception avant tout écologique de la durabilité urbaine pour les populations du quartier Bo01. Mais il convient de comprendre à présent si la proportion importante des réponses évoquant directement le caractère écologique du quartier suite à la question : « I’ve been told that Bo01 is a sustainable neighborhood, do you think it is ? », est liée à la nature même de la question, ou à une place effectivement centrale du caractère écologique dans l’identité collective du quartier.

Il convient à présent de comprendre quelle place détient réellement la dimension écologique du quartier, au regard des réponses proposées aux questions suivantes : Tableau n°1 : Nombre de personnes ayant évoqué la dimension écologique du quartier Bo01 dans leurs réponses aux questions suivantes What led you to come to live here ?

1

Can you talk to me about the place you live ?

2

What do you appreciate the most in your neighborhood ?

1

What are the places that symbolize best the neighborhood7 ?

0

Si la présence d’aménités environnementales constitue une des raisons principales de la venue des populations interrogées à Bo01, il semble que le caractère écologique du quartier n’ait pas constitué un facteur de choix résidentiel (toujours pour ces mêmes populations), puisque seule une personne semble être venue vivre à Bo01 pour cette raison. Et il convient de préciser, que ce motif ne figure qu’en troisième position dans ce choix. L’analyse de l’importance de la dimension écologique dans le choix résidentiel des populations est au combien éclairante pour évaluer le concernement environnemental potentiel des populations vivant à Bo01. Elle l’est d’autant plus dans un quartier qui 7

Nous avons souhaité analysé dans quelles mesures la dimension écologique était intégrée dans les réponses à cette question, car certains bâtiments du quartier affichent ostensiblement des panneaux solaires non pas sur leurs toit mais sur leurs façades ; autant de bâtiments dont les photos sont intégrées dans la très grande majorité des documents de présentation et/ou d’analyse du quartier Bo01.

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d’une part se voudrait à la pointe de l’écologie en matière d’habitat, et qui d’autre part a été construit dans le cadre d’un projet dit de développement urbain durable créé ex-nihilo.

Car le choix d’emménager dans un quartier dit écologique ou encore mieux durable, peut constituer une action parmi d’autres d’un engagement induit par le concernement environnemental de l’individu. Néanmoins, il convient de ne pas en conclure que puisque le caractère écologique du quartier ne constitue pas un facteur de choix résidentiel pour les populations y ayant aménagé, celles-ci ne serait pas aujourd’hui marquées par un concernement environnemental vecteur d’engagement.

Pour compléter notre analyse, nous constatons que seules deux personnes évoquent la dimension écologique du quartier pour présenter leur lieu de vie, dont une qui a tenu à préciser que cela n’avait pas constitué un facteur de choix résidentiel. Autrement dit la quasi totalité des personnes interrogées ne semblent pas considérer cette dimension comme élément caractéristique du quartier. Et nous pouvons mettre cette conclusion en relation avec l’absence totale d’évocation de la dimension écologique dans les lieux symbolisant le mieux le quartier Bo01. Si nous ajoutons à cela qu’une seule personne interrogée semble évoquer le caractère écologique du quartier, comme un des éléments qu’elle apprécie le plus dans son lieu de vie, nous pouvons semble-t-il affirmer que la dimension écologique ne constitue pas un élément majeur de l’identité collective du quartier.

Ainsi, nous avons mis en avant la place centrale des aménités environnementales dans la construction de l’identité du quartier Bo01, mais également la place plus que modeste accordée à une conception de l’environnement basée sur le vivre ensemble, et enfin l’absence remarquée de la dimension écologique dans le processus de construction de l’identité du quartier Bo01. Il semble que la population de Bo01 ait un rapport passif à l’égard de l’environnement, aux dépens d’une relation plus active et réciproque (pourtant nécessaire en vue du concernement environnemental des populations), constat qui pousse inévitablement à mettre en doute le concernement environnemental potentiel des populations vivant à Bo01. La confirmation de cette conclusion par Eva D. en est d’ailleurs éloquente :

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Silvère Tribout : Have some objectives been setted concerning ways of life in this project ?

Eva D. : No. (…) An idea behind Bo01 was, by smart technics, to try to present a sustainable life style where you don’t have to be interested in sustainability or ecology.

ST : So, do you think people who is living in Bo01 has a sensibility about sustainaibility ?

ED : No. Not at all. They want to live by the sea, and want to have a cool flat.

ST : Do you think, if now, they don’t have sensibility, perhaps in the future they will ?

ED : No, I don’t think. I would love to say (…) they will change, and learn, and get intersted, but I don’t think so.

ST : Do the inhabitants of this neighborhood have singular, particular ways of life, or do you think they have exactly the same ways of life than in other places of Malmö ?

ED : Yes, I think they have the same ways of life, but they are supported by better technics. And that is the only way, actually, to make the difference in all over the world.

Because it’s very hard to change people behaviour. But if you get smart technics they can go on, even if they don’t know they are living in a sustainable way. Then you could have some success in giant cities (…). And also, it doesn’t mean that we (…) shouldn’t change but we took it as a challenge to try to see how far we could rich without the necessity of people changing. But if we could get people to change life style, it would be even better.

(Entretien réalisé le 17/04/09) L’échec d’une gouvernance peu ambitieuse ?

Compte tenu des hypothèses proposées au début de ce travail, nous serions en mesure de nous demander si cette absence de concernement serait liée ou non à la réalisation d’un projet ayant fait l’objet d’une réflexion sur les modes de gouvernance plus que relative.

Une fois de plus, et toujours sans détour, les paroles d’Eva D. nous éclairent à ce sujet.

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ST : Do the inhabitants of Malmö were involved in this project ?

ED : Yes, we had a test pannel. So we advertised in the daily newspaper, and invited any inhabitant of Malmö that was intersted to be a member. So there were three hundred personns. So there were three hundred persons.

ST : And what was their power in the project ?

ED : No power. They were just consulted. We just consulted them. (…) This was clear, and I think that was very important, because people get very upset if they get the impression that they are going to have a lot of power. (…) And also, no people lived in the Western Harbour, it was empty. (…) It’s very difficult to have a good involvment.(…)

ST : So, do the inhabitants, now get involved in the life, the management, and the evolution of the district ?

ED : No. We continued with the test pannel until one year ago, but we found that the forms were too much repetition. We had four meetings a year and a few people turned up in our meetings. So we decided to change and tried to make just one workshop a year about some topics that were really engaged. (…) But maybe we could just stand there, and talking to people (…) We have to try to find new ways, because lot of people going to meetings. (…) We really tried to make some groups, and try to put all the difficults one in one group.

ST : Did it work ?

ED : Yes, (…) but after a couple of years, people were just a sort of tired, because in the beginning, about fourty people were coming and at the end, they were just eight or nine.

(Entretien réalisé le 17/04/09) Cet extrait nous montre qu’aucun dispositif de concertation des habitants de Malmö n’a été mis en place en phase de définition et de réalisation du projet, dont la raison principale semble être la nature même d’un projet créé ex-nihilo. Nous avons ici un exemple concret de la difficulté des pouvoirs publics d’imaginer des dispositifs 57

participatifs dans le cadre de projets qui ne relèvent pas d’un processus de renouvellement urbain. Les populations résidentes ont pu néanmoins participer à des groupes de travail, mais qui consistaient plus en des arènes de discussion que de décision, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ces arènes ont été rapidement désertées par les populations.

Dans ce cadre, il serait difficile de parler d’échec des modes de gouvernance adoptés tant il semble clairement assumé qu’il n’a jamais été décidé que les populations auraient la parole et mieux un pouvoir de décision sur le devenir du quartier. Par conséquent, nous pouvons parler, plutôt que d’échec, d’une absence de réflexion profonde sur le rôle potentiel d’une gouvernance en vue d’une appropriation progressive des axes opérationnels du projet, étape pour le moins nécessaire si le projet avait eu pour objectif de faire émerger un concernement environnemental chez ces populations. Mais cet objectif n’a jamais été à l’ordre du jour dans ce projet.

Ainsi, grâce à l’ensemble des informations obtenues auprès de populations vivant dans le quartier, ainsi qu’auprès d’Eva D., nous avons montré que malgré le fait qu’elles vivent dans l’un des quartiers dits durables les plus connus d’Europe pour le caractère écologique de son bâti, les populations semblent avoir développé un rapport passif à l’égard de leur environnement, à défaut d’un concernement environnemental vecteur d’engagement. Ce cas d’étude révèle à quel point une approche technico-écologique de l’environnement, dans le cadre d’interventions strictement descendantes ne peut à elle seule faire émerger un concernement environnemental chez les populations vivant dans le quartier. Nous serions ici en mesure de mettre en doute le caractère durable d’un tel projet, qui sur le plan écologique semble faire preuve de difficultés, notamment en termes d’efficience énergétique des bâtiments, et qui sur le plan social ne semble pas avoir favorisé une quelconque demande de vivre ensemble et d’individuation, mais semble avoir abouti à un quartier uniquement pour personnes à hauts revenus, et caractérisé par un résident de « ghetto for rich populations » (Résident du quartier Bo01, 16/04/09).

58

2.2 Augustenborg à Malmö, ou une approche de l’environnement affichée comme sociale mais peu appropriée par les habitants 2.2.1 Contexte Le projet de réhabilitation écologique d’Augustenborg à la fin des années 1990 s’intègre dans la démarche de revitalisation économique et résidentielle au travers de la démarche de planification environnementale dont nous avons décliné les principaux enjeux précédemment.

Carte n°3 : Augustenborg, au sud est du centre de Malmö

Source : Faburel, Manola, Davodeau, Geisler, Tribout, 2009.

Le quartier d’Augustenborg, de plus de 30ha et créé à la fin des années 1940 au sud-est de la ville était alors marqué par un environnement dégradé et des populations en grandes difficultés socio-économiques : « chômage très élevé (65% en 1998), forte dépendance

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des habitants vis à vis des aides sociales (environ 75% de la population), déclin économique (industries lourdes et commerces de proximité), rotation des habitants rapide, 65% de la population d’origine (première ou deuxième génération) immigrée (Balkans et Europe de l’est). » (Bouvier8, p.1).

La présentation du projet d’Augustenborg, notamment au regard de celle de Bo01, est d’autant plus intéressante, qu’elle met en lumière un projet bien moins médiatisé, et illustre à elle seule, les disparités entre une moitié ouest riche en activités et en populations aisées, et une moitié qui peine à s’intégrer dans la nouvelle dynamique économique de la ville et de sa nouvelle région internationale.

Le quartier durable d’Augustenborg constitue un projet du programme URBAN, Programme Européen de Revitalisation Urbaine et Industrielle, financé par la Commission Européenne, mis en œuvre à Malmö entre 1996 et 1999. « L’idée fondamentale de la CE est de prévenir à temps que des quartiers urbains ne tombent à l’abandon, de créer de nouvelles perspectives d’avenir et d’œuvrer pour une meilleure intégration des immigrés dans les quartiers exposés des grandes villes9. » Le projet « ekostaden » d’Augustenborg résulte ainsi de la convergence d’une politique de planification urbaine renouvelée et désormais tournée vers le développement durable, et d’une politique de renouvellement et/ou de rénovation urbaine au sein de quartiers en difficulté. Nous le montrerons ci-après, cette convergence explique une approche du développement urbain durable, beaucoup plus équilibrée en termes d’intégration des dimensions sociale, économique et environnementale que dans le cas précédent de Bo01.

8

9

Le document cité ne précise la date a laquelle il a été réalisé Cf. www.aktivstad.net

60

Les acteurs intégrés au sein du projet Ville de Malmö : A l’origine du projet découlant d’une planification urbaine renouvelée tournée vers le développement durable : « City of Malmö Environnemental Programme ».

MKB : Société de logement, bailleur unique du quartier d’Augustenborg. « Compagnie de logement fondée en 1948 pour développer le quartier » (Bouvier, p.1).

Cellule Ekostaden : « Cellule de projet (…) entièrement tournée vers une démarche de projet et de partenariat. L’équipe compte une douzaine de personnes. Cette structure se caractérise par sa forte implication sur le terrain en direction des habitants, par une certaine indépendance vis à vis de Malmö et de MKB ce qui facilite le contact avec les habitants ainsi que par sa souplesse et sa motivation. » (Bouvier, p.3). Cellule dissoute à l’issue de la seconde phase et potentiellement recréée dans un autre quartier.

Etat Suédois : Au travers du « Local Investiment Programme for Ecological Adaptation ».

Conseil LIP : Gestion du plan d’investissement local en matière d’environnement, financé en partie par le gouvernement suédois.

Commission Europénne : Au travers de l’ « European Union’s LIFE » (Fond européen d’aide au développement de projets à caractères environnementaux) et « URBAN » (Programme Européen de Revitalisation Urbaine et Industrielle).

Agence Nationale suédoise de l’Energie : soutien financier au projet de Bo01.

Habitants : Intégrés dans la définition et la mise en œuvre du projet.

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2.2.2 Le projet et ses objectifs Les objectifs du projet découlent de la convergence entre revitalisation économique et sociale par le développement durable à l’échelle de la ville et grandes orientations du programme URBAN, décrit précédemment : pallier les problèmes socio-économiques, notamment en terme de chômage

et d’exclusion ; renouveler l’image d’un quartier

dégradé et stigmatisé ; proposer des actions ayant des retombées positives sur la biodiversité ; pallier les problèmes d’écoulement des eaux pluviales afin d’éviter les inondations récurrentes dans ce quartier.

Dates clefs 1948 : Construction du quartier d’Augustenborg.

1956 : Construction de la première école au sud-ouest du quartier.

Années 1960 : Augustenborg devient un quartier pilote de la politique de logements suédoise. Quartier constitué d’immeubles collectifs, bâtis selon des formes géométriques et déconnectés des rues. « Un parc central fut crée et de nombreux espaces ouverts ont été conservés. Sa typologie n’est pas sans évoquer Le Corbusier ou encore les grands ensembles. » (Bouvier, p.1).

1995 : Lancement d’une nouvelle planification urbaine au travers de la démarche « Vision 2000 ».

1995-2000 : Construction du pont d’Ôresund.

1998-2002 : Mise en place d’un programme environnemental, afin de confirmer l’adhésion de la ville aux principes du développement durable.

1998 : Lancement de la première phase de réhabilitation du quartier d’Augustenborg.

2002 : Lancement de la deuxième phase de réhabilitation du quartier d’Augustenborg.

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Objectifs sociaux et économiques « Ekostaden met en avant les notions d’intérêt collectif et d’appartenance à une communauté locale. Le projet vise l’amélioration de l’image du quartier et entend répondre aux besoins de la population. La mobilité et le bien être des habitants ont été améliorés. » (Bouvier, p.1).

L’implication des habitants dans la définition et la mise en œuvre du projet, à la lecture des différents documents rédigés suite à des travaux de terrain et dont nous relayons ici certains paragraphes, semble constituer un enjeu fort du programme. Intégration des populations au sein d’une communauté locale certes, mais également au sein de la société par une première étape de réintégration des processus de décision de la vie politique. La dimension sociale est ici appréhendée bien au delà de la question de la mixité sociale, et les processus de participation ont une visée inclusive qui se doivent de dépasser les strictes limites du quartier.

L’association Ekostaden a été à l’origine de cette dynamique, bénéficiant de surcroît d’une indépendance totale vis-à-vis de la Ville de Malmö et du bailleur unique MKB.  Organisation et soutien d’évènements culturels communautaires ;  Intégration et mise en valeur de la diversité des populations au sein du quartier ;  Mise en avant de la solidarité intergénérationnelle ;  Intégration des habitants au sein des processus de réhabilitation et création d’une coopérative de résidents locaux :

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« Les espaces publics ont été traités en fonction des demandes des habitants. Ceux-ci ont été associés à la conception et même parfois à la réalisation des espaces extérieurs, en relation avec un architecte-paysagiste et avec l’aide d’interprètes pour les minorités ethniques. Les enfants ont été associés à la réflexion sur la création d’un jardin musical et sur la recomposition de la cour de récréation de l’école. Ils ont notamment proposé l’emplacement d’un petit amphithéâtre encaissé ayant, par temps de pluie, le rôle de bassin de rétention. Les élèves ont également la possibilité de planter des fleurs dans les nouveaux jardins situés à proximité de l’école. 0,7 hectare d’asphalte de la cour d’école a été remplacé par des surfaces perméables et semiperméables. Des habitants ont aussi proposé de se charger de l’entretien des espaces verts, une fois les travaux terminés. Un comité composé par les habitants a ainsi permis de créer des emplois à long terme concernant la gestion de l’environnement local, à savoir le système de gestion des eaux pluviales et le système de management des déchets. » (Charlot-Valdieu C., Outrequin P., 2009).  Formations et création d’emplois locaux pour les résidents, notamment en lien avec les projets écologiques et en vue de tendre à terme vers une « coopérative de développement communautaire » (Bouvier, p.5), permettant la création d’emplois plus pérennes.

Objectifs environnementaux Amélioration des conditions de mobilité, gestion des énergies, de l’eau comme ressource et source d’aménités paysagères, gestion des déchets ménagers par la mise en place de systèmes de tris par îlot, autant d’axes opérationnels ont été développés dans le cadre des objectifs environnementaux du projet.  Accessibilité et sécurité des déplacements « Sécurisation des voies de circulation et adaptation aux exigences et au confort des différents usagers : cyclistes, piétons, automobilistes (Zone 30 dans tout le quartier), (…) priorité aux cyclistes, aux piétons et aux transports en commun, ceux-ci devant être développés afin de satisfaire les besoins de déplacements des personnes à faibles revenus, des personnes âgées ou des personnes ayant des problèmes de santé (…) matériaux utilisés pour le revêtement des rues (…) choisis dans un souci de recyclage et pour leurs caractéristiques environnementales » (Charlot-Valdieu C., 64

Outrequin P., 2009), sont autant d’opérations développées pour répondre à l’objectif d’accessibilité et de sécurisation des déplacements.

D’autre part, un train électrique sur route au sein du quartier et reliant d’autres quartiers de l’Est du centre-ville a été mis en place ainsi qu’une offre de voitures électriques avec possibilités de se garer gratuitement dans toute la ville.

Les actions menées en terme d’accessibilité et de transports, révèlent une approche sociale et non strictement technique de la mobilité, puisqu’il ne s’agit pas simplement de limiter la place de la voiture au profit de transports en commun, mais de favoriser la mobilité de populations aux revenus faibles et/ou à mobilité réduite. On peut néanmoins regretter l’absence a priori de dispositifs d’aide cognitive à la mobilité.  Gestion de l’énergie : Les réflexions sur la gestion des énergies renouvelables a consisté d’une part en la mise en œuvre d’actions de sensibilisation des habitants en terme de consommation d’énergie à l’échelle urbaine : mise en place d’aménagements visibles tels que toits végétalisés sur habitations, école, locaux industriels, mise en service de véhicules privés ou publics électriques, construction d’une éco-classroom à proximité de l’école équipée de capteurs solaires, pompe à chaleur, toiture végétalisée, construction d’une maison de recyclage par les enfants du quartier, sont autant de mesures que les porteurs de projets ont souhaité mettre dans le cadre de ce projet.

Les réflexions sur la gestion des énergies renouvelables s’est traduit également par des aménagements lourds après la phase de sensibilisation au travers de la définition d’un Plan Climat pour le quartier, impliquant l’utilisation d’énergies renouvelables, la mise en œuvre de systèmes de récupération de chaleur, mais également de facturation individuelle de consommation des énergies, afin de poursuivre le programme de sensibilisation des habitants.

Comme dans le cadre des actions menées sur la mobilité, les actions visant à la consommation d’énergie n’ont pas été réduites à une action descendante vierge de toute explication sur les enjeux de tels efforts. La dimension sociale est une fois de plus

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intégrée notamment par des dispositifs d’actions communes, en vue d’une appropriation du territoire, de son paysage et des principes directeurs véhiculés par le projet.  Gestion de l’eau Les réflexions et actions menées sur le thème de l’eau, en tant que ressource vitale et paysagère ont constitué un axe opérationnel fort du projet, salué comme nous le préciserons en détail par les habitants du quartier.

L’ensemble des réseaux d’évacuation d’eau a été remis en état par les habitants et les services municipaux ; un nouveau système de collecte des eaux pluviales, permettant d’éviter les inondations fréquentes dans le quartier a également été réalisé. « Le système a été conçu par un habitant qui, par la même occasion, a créé sa propre entreprise pour la réalisation de ce système de collecte des eaux de pluie, en partenariat avec l’usine de traitement des eaux de Malmö. Le système, appelé « canal des gouttes », a une forme esthétique et lisse s’insérant parfaitement dans le paysage. Il est placé sur l’herbe avec une légère pente, afin de transporter l’eau superficielle dans des canaux ouverts. Des corps ou « boules en béton » situées le long des canalisations favorisent l’autonettoyage et réduisent ainsi les besoins en maintenance. » (Charlot-Valdieu C., Outrequin P., 2009).

Enfin, des canaux ouverts ont été aménagés dans tout le quartier et se déversant dans des bassins de rétention favorisant le développement de marécages, donc une amélioration de la biodiversité au sein du quartier.  Gestion des déchets ménagers Treize maisons spécifiquement dédiées au tri sélectif, toutes à moins de 130 mètres de chacune des habitations ont été construites. Dans ce cadre là également les habitants ont été associés à la démarche : « soixante ménages ont aidé à la mise en forme du système de recyclage. Ils ont participé aux démonstrations des schémas de fonctionnement, notamment en suivant les différentes étapes de la vie des déchets et en visitant des systèmes de collecte dans d’autres villes suédoises. Les habitants peuvent trier le papier, les cartons, le plastique, le verre, le métal, les batteries et les déchets organiques, ces derniers étant transformés en compost en quatre semaines. Par la suite, ils ont également eu la possibilité de trier les encombrants, les textiles, les déchets électroniques et les déchets dangereux (peintures, solvants, médicaments...). » (Charlot-Valdieu C., Outrequin P., 2009).

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En outre, un centre de troc et/ou de dépôt de vieux objets a été construit en concertation avec les résidents du quartier, et est géré aujourd’hui par certains d’entre eux.

Concernant la gestion de l’eau et des déchets ménagers, on constate une fois de plus que les habitants semblent avoir été fortement impliqués dans les démarches. Les créations d’emplois restent plus symboliques que salvatrices d’une situation socio-économique qui n’est pas et ne sera pas résolue entièrement par la création d’un quartier aussi durable soit-il. D’ailleurs, « entre 1998 et 2003, le taux de chômage a baissé de 65 à 55% (environ 47% officieusement) et cette tendance semble se poursuivre ; ce chiffre montre qu’Augustenborg suit la même tendance que la Suède dans son ensemble qui a vu son taux de chômage baisser d’environ 8% en 1998 à environ 4,5% en 2002. La « performance » d’Augustenborg est donc à relativiser. » (Bouvier, p.6). Néanmoins, l’approche transversale des dimensions environnementale, sociale et économique est à noter et à mettre en valeur.

2.2.3 Résultats Une approche phénoménologique de la durabilité urbaine Au vu du diagnostic réalisé, nous constatons une grande différentiation d’approche du développement urbain durable, qui, alors qu’il était basé sur une approche technicoécologique à l’échelle du bâti à Bo01, révèle dans ce projet une approche plus sociale et phénoménologique de la durabilité urbaine.

Aussi, nous ne saurions nier l’effort fourni pour associer à des aménagements, plusieurs objectifs aussi bien sociaux et économiques qu’environnementaux. Qu’il s’agisse des interventions réalisés dans le domaine des transports en vue de favoriser une mobilité douce, de la gestion des énergies renouvelables, de l’eau comme ressource et source d’aménités, et des déchets ménagers, les opérations réalisées ne se sont pas cantonnées à des interventions techniques et centrées uniquement sur leur caractère écologique.

Lorsque les élèves d’une école participent de la construction d’une maison de tris pour les déchets créés par les activités au sein de l’établissement, l’objet de l’implication qu’est la gestion des déchets n’est pas réduit à sa dimension écologique. Il y a derrière cette action, 67

la volonté d’une mise en culture d’enjeux d’échelles emboîtées, chez des populations de bas-âges, interventions à fortes dimensions sensibilisatrice et mobilisatrice. Lorsqu’il y a co-construction d’un centre de dépôt et de troc de vieux objets, il y a derrière des objectifs certes écologiques, mais également socio-économiques, dans la mesure où cette structure est à présent gérée par des habitants du quartier, ce qui implique la création d’emplois locaux, mais également la mise en place d’une activité qu’est le troc, dont la dimension sociale, au travers de l’échange, n’est pas moindre. Il ne s’agit ici que de simples exemples qui montrent néanmoins une ouverture des objectifs identifiés pour chacune des actions menées, et qui révèlent une approche plus phénoménologique de la durabilité urbaine, rendue plus ouverte à l’ensemble des dimensions qui s’y intègrent, mais également plus transversales concernant la nature des objectifs alloués à une même intervention.

Un vivre ensemble revendiqué par les résidents du quartier ?

Lorsque nous révélions le caractère individuel des relations entre les populations de Bo01 et leur cadre de vie, nous nous étions basés notamment sur la nature des réponses obtenues, pour analyser notamment l’importance des relations entre résidents dans la vie de quartier, en fonction des questions suivantes : « What do you appreciate the most in your neighborhood ? », « How could you describe the athmosphere/the ambiance in your neighborhood ? » et « Would you say you feel good in your neighborhood ? ». Nous proposons ici de procéder au même exercice, dans le cas d’Augustenborg. Il ne s’agit pas ici de considérer les chiffres autrement qu’en tant qu’ordres de grandeur à comparer avec les résultats obtenus dans le cas de Bo01.

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Tableau n°2 : Nombre de personnes évoquant l’importance des relations entre résidents du quartier

Can you talk to me about the place you live ?

What

do

you

in

Bo01

Augustenborg

6 / 27

14 / 30

appreciate

the

most

your

3 / 27

15 / 30

describe

the

athmosphere/the

3 / 27

11 / 30

2 / 27

10 / 30

neighborhood ?

How

could

you

ambiance in your neighborhood ?

Would you say you feel good in your neighborhood ?

Nous pouvons néanmoins constater que les inter-relations et échanges potentiels entre résidents et/ou usagers du quartier d’Augustenborg, semblent tenir une place plus importante dans l’identité collective du quartier qu’à Bo01. D’autant que si nous réunissons les quatre questions, la très grande majorité des personnes interrogées évoquent ce paramètre au moins à une reprise.

Une co-construction avortée Nous avons également montré que la population du quartier avait été intégrée dans la réalisation de nombreux aménagements, de l’espace public aux maisons de tris des déchets, en passant par la construction de l’atelier de troc et de dépôt des matériaux usés par exemple. Mais cette participation habitante, semble-t-il active durant les phases de réalisation du projet, a-t-elle été maintenue une fois le projet considéré par les porteurs de projet comme terminé ? Les populations ont-elles aujourd’hui une prise sur le devenir de leur quartier, en termes d’orientation des aménagements futurs, ou même simplement de l’entretien des aménagements réalisés ? Comment ce projet de faire participer les populations a-t-il été maintenu dans le temps ?

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L’entretien réalisé auprès de Tor F. dont nous proposons ici un extrait, nous éclaire à ce sujet : Silvère Tribout : Do the population had been integrated in the project ?

Tor F. : In Augustenborg, this was a quit large department, because we had to consult the residents from the start and we organised some workshops … about how they actually what their court-yard to be designed, and also when they would change the waste system there was a lot of education of residents, by showing them how to do whit the different materials…, and also, I think there was an education in schools, looking after the new resources houses for kids … and this kind of things…

ST : Was there a process concerning the participation and the involvement of inhabitants?

TF : That was thought very much from the start. It was a very open participation project, people where invited in number of occasions and about different topics. But we always finished by having a number of really committed residents that wanted to do more.

ST : What means where used in order to help the participation ?

TF : Many different ones… There is a number of methodologist that tried to attempt different kind of participations … for design, for other subjects …

ST : Does the population now has a special place in the management and the evolution of the neighbourhood ?

TF : I’m not sure. I think in someway yes, because you have the municipal housing corporation MKB, and you have the residents… organisations… so there is always a dialog (…) and then you have some other organisations, NGOs, representing ethnic groups, there is always a dialog about different things…

(Entretien réalisé le 17/04/09)

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Il semble donc que des associations de quartiers aient été formées pour aujourd’hui rendre possible l’émergence d’un dialogue avec la société MKB, principal bailleur du quartier. Compte tenu de la réponse de Tor F., nous pouvons émettre l’hypothèse que les dialogues, aussi effectifs soient-ils n’ont pour but de pérenniser une politique de coconstruction du quartier, au sens où les populations auraient un réel pouvoir de décision et d’action a posteriori de la phase opérationnelle. Par conséquent, les dispositifs mis en œuvre pour insérer la population du quartier dans l’élaboration des aménagements n’ont été effectifs que dans une période courte du projet, et n’ont de ce fait pas été pensés comme d’intégrer sur le long terme les populations dans le devenir de leur quartier. Il semble donc que le processus d’inclusion et d’intégration sur la scène politique aussi micro-locale soit-elle ait été avortée une fois le projet considéré comme terminé par les porteurs de projets. Et c’est alors que nous pouvons soumettre cette expérience empirique à l’une des réflexions théoriques proposées en première partie de ce travail, qui visaient notamment à interroger le rôle des politiques dans l’émergence d’une mobilisation des populations, et ainsi de proposer le questionnement suivant : La mobilisation du monde profane doit-elle naître d’un projet ? Ou est-ce le projet qui doit naître d’une mobilisation habitante ? De toute évidence la mobilisation des populations dans ce cas là est née de la réalisation d’un projet décidé au préalable par les pouvoirs publics, mais qui semble-t-il a pris corps à mesure de la réalisation des aménagements, puisque nous avons par exemple montré qu’un habitant avait lui même inventé un système de drainage des eaux dans le quartier, afin de palier les problèmes récurrents d’inondation ; initiative dont il a fait aujourd’hui son métier. Cet exemple montre à lui seul la portée potentielle de l’intégration des populations dans les processus de décision concernant l’évolution de leur cadre de vie. Mais nous avons également montré que ce cas constituait plus une exception qu’une réalité applicable à la population dans son ensemble. Nous pouvons regretter l’émergence de processus inclusifs de participation habitante aujourd’hui avortés par la non pérennisation de ces initiatives, qui se doivent pourtant d’être renforcées notamment a posteriori du projet pour espérer une mobilisation pérenne des populations, qui se verraient non plus alors en situation de passivité et d’attentisme à l’égard de leur environnement, mais active et engagée pour le devenir de leur quartier.

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Nous souhaitons à présent coupler cette analyse, avec celle concernant les processus de sensibilisation mis en œuvre en phase de réalisation du projet, mais qui semblent aujourd’hui ne plus être impactante chez les populations du quartier.

Une sensibilisation peu suivie après le projet Les actions de sensibilisation à l’égard des enjeux environnementaux ont été nombreuses en phase amont et durant la réalisation du projet. Sensibilisation aux consommations individuelles d’énergie, sensibilisation et informations au sujet des règles de tris instaurées dans le quartier, sensibilisation au tri des déchets à l’égard des populations en bas-âge ont constitué notamment l’ensemble des interventions prévues à cet effet. Nous avons également vu que cette sensibilisation ne relevait pas simplement de l’apport d’information, ni même d’une simple mise en récit des enjeux environnementaux et de l’impact des populations de l’échelle mico-locale à l’échelle planétaire, mais constituait un objectif majeur de l’intégration des populations dans la réalisation des aménagements prévus.

Néanmoins, certains indices obtenus lors des entretiens réalisés auprès des populations nous invitent à prendre du recul sur ces actions de sensibilisation, qui semblent plus avoir été intégrés dans la première étape de réalisation du projet qu’a posteriori de celui-ci. Car nous pouvons déceler certaines incohérences, telles que l’absence totale d’interventions en termes de réhabilitation des appartements, toujours aussi énergivores qu’auparavant d’une part et bien trop mal agencés pour assurer notamment une gestion raisonnée du tri des déchets. Car si les maisons de tri proposent plus d’une dizaine de poubelles différentes selon les matériaux jetés, comment pouvons-nous envisager que les populations du quartier, pour la plupart précaires, puissent assurer la présence d’autant de poubelles différentes dans leurs appartements ? Une personne interrogée lors des entretiens nous confiait qu’elle aimerait bien trier ses déchets, mais que d’une part les cuisines n’étaient pas prévues pour, et que d’autre part, le centre de dépôt et de troc des matériaux usés était ouvert seulement durant les heures de travail, ce qui l’empêchait de s’y rendre, ce qui par conséquent l’avait poussée à ne plus trier ses déchets.

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Quelle importance accordée aux aménités environnementales par les populations du quartier ?

Nous avons souhaité déceler, à partir des réponses proposées par les populations interrogées, l’importance accordée aux aménités environnementales, puisque nous savions notamment que l’espace public avait fait l’objet d’une attention particulière dans les aménagements réalisés, notamment au travers d’une végétalisation du quartier et de la gestion des eaux de pluies. Pour chacune des questions suivantes : « Could you talk to me about the place you live ?, What do you appreciate de most in your neighborhood ?, What are the places that symbolize best the neighborhood ?, How would you describe the landscape in you neighborhood ? », la moitié des personnes évoquait et revendiquait la présence d’espaces végétalisés comme éléments caractéristiques du quartier. Plus encore, seule une personne n’a évoqué ces derniers dans aucune des réponses à ces questions.

Mais nous constatons à l’inverse, et avec surprise que la place de l’eau, ayant pourtant constitué un objet majeur d’intervention dans le cadre du projet, n’apparaît finalement que très rarement dans les questions présentées ci-avant. En cumulant les réponses à ces quatre questions, seules cinq personnes évoquent au moins une fois les aménagements aquatiques comme éléments caractéristiques du quartier.

Le rapport aux aménités environnementales, dont nous avons ici donné seulement deux exemples, car nous ne saurions les réduire seulement aux espaces végétalisés et aquatiques, reste ambiguë, mais pas irrationnel. En effet, nous constatons, au contraire de Bo01, que la demande sociale d’un vivre ensemble est prégnante dans les réponses observées. Or, si les espaces végétalisés sont vecteurs de création de lieux de rencontre, il n’en est rien pour les aménagements aquatiques, qui ont avant tout une fonction pratique de drainage des eaux, mais aussi esthétique. Autrement dit, les espaces végétalisés sont à la fois sources d’aménités environnementales et sociales, à l’inverse des espaces aquatiques, qui ne peuvent être dans leurs formes actuelles caractérisées en tant qu’aménités sociales.

Mais au delà du rapport aux aménités environnementales et sociales, qu’en est-il du rapport des populations à la dimension écologique du projet ?

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Une dimension écologique peu appropriée par les populations du quartier Nous avons dans un premier temps souhaité analysé le contenu des réponses des populations interrogées sur la question suivante : « I’ve been told that this is a sustainable neighborhood, do you think it is ? ». L’objectif ici n’est pas tant de savoir si les populations considèrent le quartier comme durable, mais de comprendre ce qu’elles entendent par quartier durable, et quels enjeux elles y accolent.

Sur les 30 personnes interrogées, une personne sur deux fait référence à la dimension écologique du quartier, qu’il s’agisse d’une critique positive ou négative sur la durabilité écologique du quartier, en évoquant les tris et recyclage des déchets, le traitement des eaux de pluie, les transports, l’efficience énergétique des bâtiments, etc. Nous constatons que la proportion de réponses évoquant la dimension écologique du développement urbain durable, est sensiblement plus faible dans le cas d’Augustenborg, que dans le cas de Bo01, où pour rappel, 21 personnes sur 27 avaient évoqué cette dimension.

Mais il convient à présent d’analyser le contenu de réponses aux questions moins orientées vers la durabilité urbaine, et de ce fait plus éclairantes encore pour comprendre la réelle place de la dimension écologique en tant que caractéristique ou non du quartier.

Nous proposons d’analyser le contenu des questions suivantes10 : « Can you talk to me about the place you live ? », « What do you appreciate the most in your neighborhood ? », « What are the places that symbolize best your neighborhood ? ». Une très grande majorité des personnes interrogées ne fait référence à la dimension écologique du quartier dans les questions définies ci-avant. Qui plus est, seules 7 personnes font référence au moins une fois à la dimension écologique du quartier. Ce résultat est deux fois inférieur au nombre de personnes ayant fait référence à cette dimension en réponse à la question : « I’ve been told that this is a sustainable neighborhood, do you think it is ? ». Nous pouvons ainsi mesurer la prégnance bien relative de la dimension écologique dans l’identité collective du quartier. Le point de vue de Tor F. semble tout aussi mitigé,

10

Nous n’avons pas intégré dans cette analyse la question « What led you to come to live here ? » puisque contrairement à Bo0, il s’agit d’un projet de renouvellement urbain où la très grande majorité des populations vit dans le quartier depuis bien avant la réalisation du projet.

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lorsque nous lui demandions si les populations d’Augustenborg semblaient avoir une sensibilité écologique : « I would say…mixed. Some people are very conscious, while other people not really again, that’s always the situation ».

Nous avons montré que les processus de sensibilisation semblaient s’être fait de plus en plus rares, tout comme les dispositifs de participation des populations dans le devenir de leur quartier. Mais nous avons également mis en avant la forte demande des populations en terme de « vivre ensemble » au sein du quartier, au travers notamment de la formation d’associations de quartier, ainsi que l’attachement fort aux aménités paysagères contribuant à favoriser les lieux de rencontre et de partage. Enfin, nous avons constaté la faible place de la dimension écologique dans l’identité collective du quartier.

Le rapport des populations à leur environnement révèle une importance accrue de sa dimension sociale, et un désir d’entrée au sein d’un collectif à l’origine de la vie de quartier. Le rapport privilégié aux aménités environnementales sources de rencontres et d’échanges en est un exemple. Ce collectif n’est pas au premier chef institutionnalisé, mais territorialisé à l’échelle du quartier. D’autre part, l’approche de l’environnement par l’écologie ne semble que le fait de cas isolés. Au sein d’une population précarisée, il en aurait fallu plus en termes de sensibilisation et d’intégration à la décision pour espérer un passage d’une sensibilité environnementale (comprise dans le sens d’une connaissance des enjeux environnementaux liés à nos modes de vie et d’habiter), à un concernement environnemental vecteur de mobilisation et d’évolution des modes de vie et d’habiter des populations.

Ce cas d’étude s’est révélé être un exemple bien distinct du précédent, au sein duquel l’environnement est avant tout perçu par les populations au travers de sa dimension sociale, constat que nous ne saurions détacher des caractéristiques socio-économiques des populations vivant à Augustenborg.

Nous proposons à présent de changer de pays, en direction des Pays-Bas, pour aborder le projet Wilhelmina Gasthuis Terrein à Amsterdam.

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2.3 Wilhelmina Gasthuis Terrein à Amsterdam, ou l’engagement habitant dans le devenir du quartier Au sein d’un tissu urbain dense du XIXème siècle, ce site de 12ha est longé au nord par le canal Jacob van Lennep. Situé dans le district central d’Oud West (32 000 habitants), à quelques minutes du Rijksmuseum et du musée Van Gogh.

Du XVIIème jusqu’au XIXème siècle le site de WGT accueillait un « Buitengasthuis », c’est-à-dire une « maison de la peste » (construite en 1635) qui accueillait non seulement les malades de la peste mais aussi les « vagabonds » et les « malades mentaux ».

Carte n°4 : Wilhelmina Gasthuis Terrein, en plein cœur de l’Oud West

Source : Faburel, Manola, Davodeau, Geisler, Tribout, 2009.

De 1890 à 1980, le site était un secteur hospitalier nommé Wilhelmina Gasthuis Hospital (WH). Selon les conceptions médicales de son époque de construction, l’hôpital était

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composé de pavillons libres, entourés par des espaces en pelouse. En 1983, le complexe hospitalier, ne satisfaisant plus les demandes modernes de soins, ferme pour être replacé en marges de la ville.

Les bâtiments vides, devant être initialement démolis par la ville, et suite à une mobilisation forte des habitants du quartier, sont alors réhabilités pour former des appartements, et des équipements dédiés à l’éducation mais aussi des commerces, sont installés dans le quartier.

2.3.1 Un quartier réhabilité suite à une forte mobilisation locale « Un cas a retenu notre attention à Amsterdam où le poids de la motivation des résidents a permis un processus de requalification participative d’un ensemble voué à la démolition. Une communauté d’artistes occupant un ancien hôpital se mobilise contre sa démolition et s’engage aux côtés de la ville pour un renouvellement en autogestion d’une partie des bâtiments. De nouvelles unités d’habitation sont créées à l’emplacement des démolitions sur une base écologique par la nature des matériaux utilisés, les toitures végétalisées et les capteurs solaires. L’îlot est sans voitures et les bornes de tri sélectif et de compostage sont intégrées à l’aménagement paysager. Le quartier s’est diversifié dans sa composition sociale même si la préoccupation culturelle et artistique demeure essentielle. » (Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole, Agence Pattou et Associes, Tribu, Dominique Mons, 2005, pp.26-27).

Dans les années 1980, la ville d’Amsterdam s’engage dans une politique de rénovation urbaine. Amsterdam, comme l’ensemble des Pays-Bas, dispose de peu de foncier pour aménager de nouveaux espaces, conduisant ainsi à une forte augmentation du prix des logements, et de surcroît dans les zones centres de la ville.

Afin de sauver le site d’un ancien hôpital, situé à Wilhelmina Gasthuis Terrein et voué à la démolition (suite aux rénovations lancées par la ville d’Amsterdam), des habitants et des artistes se mobilisent pour reconstruire un quartier.

Ce projet s’intègre également dans la politique de décentralisation des Pays-Bas démarrée dans les années 1990 et dont un des buts majeurs est de favoriser la participation citoyenne au niveau du gouvernement local (mairies et districts) (Agence de 77

développement et d’urbanisme de Lille Métropole, Agence Pattou et Associes, Tribu, Dominique Mons, 2005).

Le projet de renouvellement urbain est défini et mené en autogestion par ses habitants et en partenariat avec la ville (Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole, Agence Pattou et Associes, Tribu, Dominique Mons, 2005). Les valeurs écologiques et solidaires portées par la communauté des habitants se ressentent aussi bien dans l’aménagement physique du quartier que dans les activités qui y sont accueillies.

Le projet du WGT a permis non seulement un « contrôle » des prix des loyers mais est aussi devenu un lieu d’art avec l’installation de plusieurs artistes (qui partent en général vers d’autres villes des Pays-Bas, notamment Rotterdam, afin d’éviter les loyers trop élevés).

Comme projet-test pour l’incorporation des principes écologiques et favorables à l’environnement à l’échelle du bâtiment, le projet peut être considéré comme un exemple de « bonne pratique » dans le développement urbain pour les raisons suivantes (EAUE) :  Réhabilitation écologique des bâtiments existants ;  Mobilisation locale à l’initiative du projet ;  Mise en œuvre des études de faisabilité avec l’aide des groupes de travail locaux ;  Etablissement des arrangements financiers « acceptables » socialement ;  Mise en avant d’une volonté d’absence de voiture ;  Participation des habitants dans le processus de planification et de gestion.

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Dates clefs 1984 : la municipalité acquiert la totalité du site. Les projets initiaux de démolition sont contestés par la population qui s’organise en association : l’association WGT. 1985 : l’association signe un contrat d’administration de 5 ans avec la ville.

1987 : l’association s’engage dans le cadre de partenariats avec la société de logement et un sponsor financier.

1991 : un plan de réhabilitation est déposé.

1992-1994 : phase d’exécution des réhabilitations.

1994 : organisation d’un concours d’architecture pour 100 nouvelles unités d’habitation, à l’est ainsi qu’à l’ouest de l’hôpital.

1995 : construction des 26 premières nouvelles unités d’habitations.

En 1984 la municipalité d’Amsterdam devient le nouveau propriétaire des lieux. Leur intention de démolir l’ancien hôpital provoque de nombreuses protestations de la part de l’association WGT, qui souhaitant favoriser la réutilisation des bâtiments et non pas leur démolition/reconstruction, squatte deux pavillons au centre du site.

La même année, les habitants obtiennent l’accord de la municipalité pour soumettre eux mêmes des études de faisabilité de réhabilitation des bâtiments et plus généralement du site dans une période de cinq ans (1984-1989). Pendant cette période, aucun loyer n’est payé (avec l’accord de la municipalité) et le budget prévu pour le renouvellement du quartier est donné à l’association des habitants. Par ailleurs, en 1987, l’association s’engage dans des partenariats avec la société de logement et un sponsor financier (système Casco-plus). Cette même année, les artistes squattant jusqu’alors les pavillons centraux 1 et 2 de l’hôpital s’organisent en association, l’Atelier WG, pour tenter de pérenniser les activités artistiques dans les pavillons. Après trois ans de lutte avec les nombreuses autorités, c’est finalement en 1991 que l’ancien maire d’Amsterdam, Ed van Thijn, accepte que les pavillons 1 et 2 soient réservés pour l’Atelier WG.

79

Après planification du projet sur l’ensemble du quartier, la phase d’exécution initiale est réalisée entre 1992 et 1994. Durant cette période, le WGT subi un processus de renouvellement complet. L’utilisation fonctionnelle des bâtiments ayant évoluée de services médicaux en résidentiel, commercial, et industriel etc. chaque partie du site a exigé une solution adaptée pour être transformée, et si la majorité des bâtiments a été réhabilitée, certains bâtiments annexes de l’hôpital ont dû être démolis.

En 1994 un concours architectural pour 100 nouveaux logements est organisé. Le projet lauréat du concours considère alors ce site comme un secteur de design écologique. Ce nouveau projet propose de nouveaux bâtiments de logements conçus sur les bases de l’architecture bioclimatique. Toitures paysagées et capteurs solaires sont ainsi prévus, de même qu’un étang pour récupérer l’eau de pluie.

En 1995 les 26 premiers appartements sont construits à l’est du quartier.

Une forte implication habitante, avant, pendant et après le temps du projet de rénovation Le projet du WGT est caractérisé par la forte implication habitante tout aussi bien concernant le lancement du projet que dans sa gestion autonome par la suite.

L’association créée à l’occasion des contestations concernant la démolition du WH (« neighbourhood resistance and the squatter’s movement » (Document touristique sur le Oud West, p.2)) et maintenue pendant la période de la réhabilitation/transformation du WGT est encore en activité. Elle a toujours pour rôle de faciliter l’autogestion du site par les habitants et riverains motivés. En outre, elle agit comme associé de contact à la commission de l’avis d’experts et comme plate-forme pour incorporer les idées et les recommandations des habitats et futurs habitants.

L’association loue aujourd’hui deux pavillons, dont le propriétaire est la compagnie de logement Het Oosten, et poursuit l’objectif de maintenir les idéaux initiaux projetés sur ce terrain.

Les habitants du WGT membres de l’association sont eux-mêmes responsables du choix de nouveaux locataires. Dans le secteur commercial, seuls ces entrepreneurs appliquant 80

les principes de production durables et/ou de production « environmentally-friendly », sont acceptés dans le site du WGT. Les artisans ou les petites industries devenant trop importantes pour l’emplacement, doivent alors partir afin de laisser place à de nouvelles activités.

Les acteurs intégrés au sein du projet Les habitants formés en association Atelier WG : coopérative de 130 artistes.

La municipalité d’Amsterdam : propriétaire du site.

Het Oosten : société de logement.

Architectes du projet initial : Ytzen Tamminga, Rataplan Architecten et Bear Architecten.

2.3.2 Le projet et ses objectifs Les principaux objectifs du projet sont la préservation du caractère vert et ouvert du quartier, mais également de nombreux bâtiments en accord avec leurs valeurs historiques et culturelles. La recherche de mixité sociale et fonctionnelle, ainsi que le respect de principes écologiques constituent également des objectifs structurants du projet.

Les plans pour le projet de cette opération de renouvellement urbain ont été effectués par des autorités municipales d’Amsterdam, par la société de logement Het Oosten, et l’association locale de riverains, dans le cadre d’un groupe de travail formé spécialement pour le projet.

L’objectif du groupe de travail était de :  Préserver le caractère vert et aéré du quartier ;  Instaurer une mixité tant sociale par la présence souhaitée de logements sociaux mais aussi fonctionnelle avec le souhait de faire cohabiter logements 81

« classiques » et « moins classiques », activités culturelles et artistiques mais aussi de la petite industrie et de l’artisanat ;  Conserver des bâtiments existant et ainsi des caractéristiques architecturales et urbaines des lieux ;  Intégrer des principes écologiques dans les opérations de réhabilitation et de construction.

Les principes sur lesquelles la conception de ce nouveau quartier devait être basée, étaient :  Utilisation des matériaux écologiques et sains, réduction de la consommation d’énergie et d’eau, création d’un secteur libre de voiture, amélioration du « climat » extérieur par les espaces verts ouverts, orientation vers une conception et un design écologique, et participation des habitants ;  Participation des utilisateurs considérée comme un élément d’entraînement du processus concernant tout aussi bien les aspects de la planification que de l’exécution.  Engagement des habitants concernant : l’autogestion du WGT (par exemple la gestion des espaces verts communs), l’acceptation des actions communes (par exemple la régulation du trafic automobile), l’acceptation des arrangements financiers.

Les axes opérationnels du projet  Cadre de vie de qualité, espaces verts et espaces communs au cœur du projet Au sein du projet WGT, il s’agissait en priorité d’améliorer le cadre de vie, par la présence de végétation en tant qu’élément primordial du quartier. Dans la zone verte « commune » (maintenue par les habitants eux-mêmes), zone sans voitures, des jardins privés ont été aménagés. Enfin, l’ensemble du quartier est équipé de points de collecte sélective des déchets.

82

 Création d’unités d’habitation et de « villas urbaines » Le bâtiment central de l’hôpital a été démoli, et six autres bâtiments ont été rénovés et transformés en 112 petites unités résidentielles pour des ménages de 1 ou 2 personnes.

Un autre secteur de logement a été établi à l’emplacement de l’ancienne section psychiatrique. Sept « villas urbaines » ont été construites sur l’emplacement, lié par un parc paysagé. Au total 134 appartements de 3-4 pièces (faisant partie des programmes de construction de logements sociaux de la ville d’Amsterdam) ont été construits à l’ouest du quartier.

De plus, 60 appartements de 3-4 pièces ont été construits sur les berges du canal, situés au nord du quartier, à côté des équipements collectifs qui ont trouvé leur place dans l’ancien laboratoire de l’hôpital.

6 autres blocs de logements dans le même modèle que les « villas urbaines » ont été construits ; il s’agit de logements réservés aux patients de l’ancienne section psychiatrique.  Réhabilitation des pavillons centraux Le complexe central des bâtiments a été préservé et réaménagé en 86 espaces de vie privés, qui sont habités pour certains d’entre eux par les activistes initiaux. Ce secteur central accueille aussi 25 petites industries et activités artisanales,

ainsi que des

équipements socioculturels (théâtre et café qui est aussi utilisé comme un centre communautaire).

Les pavillons 1 et 2 près des portes/entrées du quartier, sont la Maison de l’association WGT.  Mixité fonctionnelle et sociale Outre les logements, le quartier abrite un ensemble d’activités de loisirs, de sport, des ateliers d’art et d’artisanat. Des PME et PMI sont accueillies sur le site dès lors que les entrepreneurs respectent des principes de durabilité et de respect de l’environnement.

La réutilisation de la vieille clinique de chirurgie a été adaptée pour accueillir l’administration de l’Amsterdam Business Centre qui fournit des emplacements pour de 83

nouvelles industries et d’autres activités. Dans cette même logique de mixité fonctionnelle, un centre médico-social, une crèche, des équipements culturels (comme le département du Dutch Film and Television Academy ou encore le bureau de la seule Cyclist’s Union des Pays-Bas), des artisans (notamment un fabricant de futons, un atelier de fabrication de jouets en bois et une entreprise de peinture) sont accueillis dans le WGT. Une nouvelle « policy station » est située dans le bâtiment pour des personnes plus âgées. Deux autres pavillons dans la zone centrale appartiennent au District Council of Oud-West et sont loués à des artistes pendant un temps court (même si il est envisagé de rendre cette disposition permanente afin de favoriser une certaine mixité sociale).

Par ailleurs, la mixité sociale dans l’habitat est assurée (logements sociaux, logements pour personnes âgées, 35 unités de travail pour des artistes ou des associations de solidarité).

Logements et services dans le WGT : 

112 appartements pour 1 à 2 personnes



7 « villas urbaines » (134 logements sociaux de 3 à 4 pièces)



86 unités résidentielles



25 petites industries



Des équipements culturels et commerciaux



60 appartements de 3 à 4 pièces construits le long du canal



6 groupes de logements réservés aux patients de l’institut

84

2.3.3 Résultats Une approche de la durabilité urbaine non confinée à sa dimension écologique Recyclage des déchets, panneaux photovoltaïques, toitures végétalisées, utilisation de matériaux de constructions écologiques, choix d’une architecture bioclimatique pour la construction des îlots à l’est du quartier, activités économiques empruntes d’objectifs écologiques, sont autant de manifestations de l’intégration de la dimension écologique du projet. Mais à l’évidence, ce qui frappe le plus l’attention des enquêteurs que nous étions au travers des séances d’observation et d’entretiens avec les habitants ainsi qu’auprès de Nicole V.L., est l’attention portée à l’espace public en tant que facteur d’interactions sociales. Car ici, dans ce quartier, la durabilité urbaine ne saurait rester confinée à sa dimension écologique.

Théodora Manola : Could you tell what is your definition of sustainable development ?

Nicole V.L. : It’s not only ecology. I mean it’s important, also this concept of transition town, that you are not completely dependant on some corporations. So I mean of course that’s an aspect, so that why we have in the garden some food, vegetables and (…) some chickens (…). But I think the social aspect is also very important (…). When people have health problem or some disabilities comes-up, we try to organize so they can stay in the same place. (…) It almost goes that this neighborhood is design to people can grow old.

(Entretien réalisé le 06/06/09) Dans les pavillons 1 et 2, la solidarité entre voisins semble constituer un facteur de durabilité aussi important que les aspects écologiques développés dans le cadre de ce projet. Mais cette conception ne saurait, aux vues des entretiens réalisés, se limiter aux seuls pavillons centraux.

Un désir partagé de « vivre ensemble » Au cours des entretiens réalisés auprès des populations du quartier, le désir partagé d’un « vivre ensemble », réuni autour de la revendication de l’existence de relations étroites

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entre les résidents a été évoqué à bien des reprises. Au travers des questions suivantes : « Can you talk to me about the place you live ? », « What do you appreciate the most in your neighborhood ? », « What are the different atmosphere or ambiances in your neighborhood ? », « Would you say you feel good in your neighborhood ? », seules 6 personnes n’ont jamais évoqué la qualité des relations entre populations du quartier.

Qui plus est, malgré les difficultés que nous avons connues pour obtenir des réponses argumentées lors de la dernière question : « I’ve been told that it’s a sustainable neighborhood, do you think it is ? », en raison du faible nombre de personnes connaissant le terme « sustainable », autant de personnes ont directement fait référence à la mixité sociale comme facteur de durabilité, qu’à sa dimension écologique. Bien que nous souhaitions rappeler une fois de plus la nécessité de considérer ces chiffres avec prudence, nous ne saurions omettre l’importance accordée à la dimension sociale de la durabilité urbaine, chez les populations du quartier.

Une implication forte des populations du quartier dans la réalisation du projet et le devenir du quartier Nous avons montré que le projet de renouvellement du quartier Wilhelmina Gasthuis Terrein était né de la mobilisation d’une population constituée essentiellement d’artistes ayant squatté les pavillons de l’ancien hôpital après le départ de ses activités. En vue de la réalisation de ce projet, ces populations se sont constituées en association, nommée atelier WG. Ce processus met tout en lumière la réalisation d’un projet urbain né d’une mobilisation habitante qui après de nombreuses années de dialogue et d’échanges avec la municipalité d’Amsterdam, a pu elle-même définir et mettre en œuvre un projet dans l’un des quartiers les plus convoités de la ville. La participation des populations dans le cadre de toute intervention touchant de près ou de loin leur cadre de vie n’est pas rare au PaysBas ; plus encore, il s’agit d’un trait culturel comme nous l’expliquait Nicole V.L., membre de l’association WG, et que nous avons pu rencontrer à de nombreuses reprises lors de notre phase de terrain. Nous lui faisions part de nos recherches réalisées et des grandes différences en terme de conception de la place des populations dans les processus de décision, en prenant notamment le cas de Bo01, qui révélait un processus de décision strictement descendant. Nous proposons ici un extrait de l’entretien, éclairant à bien des 86

égards pour notre recherche : « It’s a national difference (…) and also culturally. (…) In Netherland, everything is negociated. I mean yo have to be at least consulted. I think it’s very dutch. » (Entretien avec Nicole V.L., 06/06/09).

Mais bien plus qu’une simple participation aux négociations pour la réalisation du projet, les populations ont aujourd’hui un réel pouvoir dans le devenir de leur quartier, au travers de la définition et la réalisation des aménagements. « There is always a lot of participation, and involvement of the people that live and work here, when something new happens. Also, for example, the redesign of the square11 (…) was done in close relation with people living and working here, because people has a lot of knowledge about how these things work. » (Entretien avec Nicole, 06/06/09)12.

Plus encore, les pavillons 1 et 2, s’ils appartiennent à un organisme bailleur, sont autogérés par l’association WG, qu’il s’agisse de leurs aménagements intérieurs mais également extérieurs.

Theodora Manola : Who decide for the design ?

Nicole V.L. : Usually it’s someone or a couple of people who propose something. So there is an idea, like « maybe we should do something », (…) and people propose something in general meeting, because every six months, we have a general meeting with all the members of the association. So that’s all the tenants, living and working, and that’s when we decide together.

(Entretien réalisé le 06/06/09)

11

Le square ici évoqué constitue le terrain ouvert au nord est du quartier, qui est devenu, suite au travail de collaboration entre la municipalité d’Amsterdam et les populations du quartier, un terrain de basket entouré de bancs et d’espaces végétalisés.

12

L’extrait proposé ici est issu d’un entretien réalisé par Théodora Manola auprès de Nicole V.L. le 06 juin 2009 sur le site de Wilhelmina Gasthuis Terrein.

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Plus encore, le choix des nouveaux résidents des pavillons n’est pas soumis à l’organisme propriétaire des pavillons, mais à l’association WG, au travers d’une commission crée à cet effet : NVL : The people from association when they search for people, ask around in their circle friends and family if they know someone that wants to live here, and also we have a big book on internet where people can make their personal profile, and explain why they want to live here, and then when a new empty place comes-up, we look in the book, and eight or ten persons that we interview.

TM : And you decide what kind of criteria ?

NVL : In order to come to live here, you have to support the basic ideas of the association which are that you live and work in an environmentally sustainable way, and also not only environmentally but also socially, and we have a maximum income which is like one and a half times basic income, and a minimum which is the basic income from the government around 850 euros.

Au sein de ces deux immeubles, toujours selon Nicole V.L., chaque étage correspond à un groupe formé en fonction de pratiques communes, et au sein desquels des critères spécifiques de choix des populations susceptibles de venir y habiter ont été définis.

Notons également que chaque personne intégrant l’un des deux pavillons et ainsi l’association WG doit réaliser un certain nombre d’heures par mois dans le cadre de celle-ci. Ces informations livrées sur le fonctionnement de cette communauté sont au combien éclairantes, en ce qu’elles montrent d’une part le degré d’auto-gestion des pavillons et leurs alentours directes, et d’autre part le regroupement de personnes réunies autour de pratiques durables. Or, les groupes étant bien différents les uns des autres et impliquant certaines pratiques durables et singulières à chacun d’entre eux, il s’agit ici d’une communauté au sein desquelles les populations auraient des styles de vie communs par leur caractère durable plutôt que des modes de vie en tout point semblables, au sens que nous avons souhaité donner à ces deux notions selon l’acception proposée par Salvador Juan.

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Qui plus est, nous avons ici un exemple d’entrée en collectif autour de valeurs communes, sous la modalité d’un engagement affilié, qui reflète un concernement environnemental des populations vivant dans ces deux pavillons.

Un projet urbain toujours en cours d’évolution Au contraire des quartiers Bo01 et Augustenborg, le projet de Wilhelmina Gasthuis Terrein semble toujours en évolution, en attestent les différents aménagements et constructions réalisés progressivement depuis ces 25 dernières années autour des pavillons centraux, toujours selon une logique de co-élaboration avec les populations du quartier.

Plus encore, à l’occasion des 25 ans du projet, fêtés au début du mois de juin 2009, l’association WG s’est réunie en assemblée générale pour discuter des grandes orientations du quartier pour les 25 prochaines années, ainsi que l’évolution de l’association durant cette même période.

Nous sommes ici en présence d’un projet qui ne s’est pas arrêté lorsque les pavillons de l’hôpital eurent fini d’être rénovés. Nous ne saurions ici parler d’un projet devenu quartier, mais d’un quartier qui accueille depuis un quart de siècle un projet en constante évolution et dont l’épaisseur historique donne toute la profondeur des valeurs véhiculées par le site. Le voici donc ce temps long dont les pratiques ont besoin pour évoluer, et forger l’identité d’un lieu.

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3 En guise de synthèse et de conclusion prospective : une durabilité sous conditions des quartiers durables ?

3.1 Les modes de vie et d’habiter comme révélateurs de la durabilité des quartiers durables 3.1.1 Dynamiques d’action descendantes, dynamiques d’action ascendantes, pour quelle écolution des modes de vie et d’habiter au sein des quartiers durables ?

Au travers des trois projets analysés que sont Bo01, Augustenborg et Wilhelmina Gasthuis Terrein, nous avons été confronté à trois modalités d’intervention, en ce que le premier révélait une approche strictement descendante des processus de décision, le deuxième un effort d’implication des populations dans la réalisation des opérations d’aménagement bien qu’avorté en phase post opérationnelle, et le troisième né précisément d’un mouvement ascendant au travers d’une mobilisation des populations du quartier.

Dans le cadre de ce travail, nous avons souhaité confronter ces modalités d’intervention avec la nature des modes de vie et d’habiter des populations vivant dans ces quartiers.

Le cas de Bo01 a révélé une absence significative de concernement environnemental qui se traduisait dans les modes d’habiter le quartier, par un rapport individuel aux aménités environnementales offertes, et dans les modes de vie, par des pratiques éventuelles de tris des déchets, liées à la présence de centres créés à cet effet, mais en aucune manière de processus d’engagement affilié ou affranchi à l’égard de l’environnement dans son approche écologique mais également sociale. Comme nous le signalait Eva D. en toute franchise, et comme nous l’avons nous-même constaté lors des entretiens avec les populations du quartier, le caractère écologique du projet n’a pas constitué un facteur de choix résidentiel pour ces populations. Nous pouvions alors nous poser la question proposée en introduction de ce travail : Comment les projets de quartiers durables peuvent-ils permettre une évolution progressive des modes de vie et d’habiter chez les

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populations vivant dans ces quartiers ? Autrement dit, quand bien même les populations ne se sentirent pas concernées en amont du projet, comment au travers du quartier, les populations auraient pu voir naître chez elles un concernement environnemental, et ainsi une évolution des leurs modes de vie et d’habiter ? Sans pour autant prétendre livrer des solutions clefs pour répondre à cette question, nous pouvons néanmoins prétendre que les modalités d’intervention strictement descendantes n’auraient su à elles seules insuffler une mobilisation habitante a posteriori et ainsi de nouveaux modes de vie et d’habiter plus durables chez les populations vivant désormais dans le quartier. Nous devons dès lors certes rappeler la difficulté que constitue la réalisation d’un tel projet dans le cadre d’une construction ex-nihilo, mais rappeler alors également que cette caractéristique devrait d’autant plus être prise en compte pour définir les modalités d’intervention et de mobilisation vers de nouvelles pratiques. Réalisation d’études de faisabilité des enquêtes auprès des différentes populations de la ville de Malmö pour connaître l’intéressement possible à l’égard de ce type de projets, notamment sous l’angle des ambitions résidentielles et de leurs conditions (environnementales) de réalisation ; suivi de tels projets, non seulement par l’observation in vivo mais aussi par des actions de suivi et d’encadrement des objectifs sociaux, économiques et bien sûr environnementaux.

Le cas d’Augustenborg nous a révélé quant à lui que si les efforts d’intégration des populations dans les différentes opérations d’aménagement ayant une dimension environnementale avait effectivement permis une mobilisation des populations durant cette phase, celle-ci ne s’est manifestée que dans un temps court, celui de la phase de travaux. Cet effort des porteurs de projets s’est trouvé avorté, car non planifié en phase post opérationnelle, ce qui a empêché une pérennisation de l’implication des populations, et ainsi une appropriation véritable des enjeux de ce projet. Aujourd’hui les populations semblent détenir un rapport actif et collectif à l’égard des aménités environnementales qui constituent un facteur de sociabilisation, mais ne semblent en revanche que peu marquées dans leur majorité par un

concernement environnemental vecteur

d’engagement et d’évolution profonde des modes de vie et d’habiter. Le rôle des porteurs de projets n’était-il pas au-delà d’une sensibilisation environnementale avant et pendant les opérations, de pérenniser leurs efforts an phase post opérationnelle afin de favoriser l’émergence et le maintien dans le temps long d’un concernement environnemental des 91

populations du quartier ? Nous interrogeons par cette réflexion les temporalités mêmes du projet, mais également celles de l’engagement.

Enfin, le projet de Wilhelmna Gasthuis Terrein, s’est révélé comme la preuve de l’importance et de l’efficacité des mouvements ascendants pour la réalisation et le suivi d’un projet qui depuis 25 ans demeure en perpétuelle évolution, au travers d’une mobilisation renouvelée des populations du quartier. Ce projet montre que le concernement et l’évolution des modes de vie et d’habiter inhérents à celui-ci sont d’abord le fait d’une mobilisation des populations et qu’ils ont besoin d’un temps long pour s’exprimer et s’ancrer.Ce cas d’étude a révélé toute sa pertinence en vue d’articuler les termes structurants de ce travail, en ce qu’il a permis de montrer que des modes de vie singuliers pouvaient intégrer un même style de vie, autour desquelles les populations elles-mêmes s’étaient regroupées au sein d’un même territoire, sans avoir pour autant subi d’injonctions descendantes sur des pratiques standardisées à développer quotidiennement. Plus encore, nous avons alors montré qu’en garantissant aux populations un pouvoir majeur de maîtrise de l’évolution physique de leur quartier, la municipalité avait permis la création d’un espace d’expression de valeurs communes qui se sont déployées progressivement au travers d’un projet qui n’a fait que commencer à l’issue des travaux de réhabilitation d’un l’hôpital désaffecté.

Ainsi, nous souhaitons valider l’hypothèse n°2 proposée en début de travail : des injonctions issues d’une dynamique d’action strictement descendante, dans le cadre d’un projet de quartier durable, ne sauraient façonner à elles seules de nouveaux modes de vie et d’habiter des populations en place. La nécessité de la participation active des populations concernées par tout projet urbain est aujourd’hui plus que jamais mise sur le devant de la scène, revendiquée ou simplement acceptée tant bien que mal par le monde de la décision urbaine, en ce que les populations seraient porteuses de connaissances vernaculaires que tout projet ne saurait nier ou écarter, surtout lorsque l’adaptation des comportements et plus largement des modes de vie est ostensiblement visée, mais également parce que les projets et leurs enjeux ne sauraient être appropriés par les populations s’ils sont imposés. Ainsi, prétendre tendre vers une durabilité urbaine sans une intégration des populations dans les processus de décision en amont comme en aval

92

des simples phases opérationnelles, ou même sans se défaire des simples interventions sporadiques et classiques de sensibilisation qui contribuent à accroître la distance entre mondes politique et profane, serait nier la place pourtant centrale que le développement durable

accorde

dans

son

fondement

théorique

aux

pratiques

sociales,

et

environnementales qui s’inscrivent dans le temps long du projet.

Ceci conduit alors à aborder la conception même de ce qui fait durabilité urbaine, en interrogeant la pertinence d’une approche qui serait simplement écologique et qui plus est normative et globalement technique.

3.1.2 Approche normative et technique / approche phénoménologique de l’environnement Les projets analysés ont révélé des approches de la durabilité urbaine bien différentes les unes des autres. Ici, nous avons pu déceler quelles étaient notamment les différentes conceptions de l’environnement qui se cachaient derrière ces projets, mais plus encore les champs exploités pour la mise en durabilité des territoires d’intervention. Nous avons constaté que la mobilisation des populations était d’autant plus forte que les projets développaient d’autres conceptions de l’environnement que de simples gestes strictement écologiques et d’autres modalités d’intervention que les injonctions strictement techniques sous l’égide de normes a-territoriales.

Le projet de Wilhelmina Gasthuis Terrein véhicule et assume une conception sociale et phénoménologique de l’environnement en plaçant les pratiques des populations au cœur de la durabilité urbaine. Point d’artifices et de gestes architecturaux modernes déployant toutes les techniques écologiques bien souvent appliquées à l’échelle du bâti, le caractère durable de ce quartier nécessite une réelle immersion pour en saisir tous les fondements et toute la portée. Il s’agit bien plus de déployer des styles de vie durables au travers de pratiques durables aussi singulières soient-elles les unes par rapports aux autres, plutôt que de simples normes en termes d’efficience énergétique.

Sur ce point précis, le projet Bo01 assume une conception à priori opposée de l’environnement. Addition d’interventions purement écologiques à l’échelle du bâti pour

93

proposer à l’Europe entière au travers de l’Exposition Européenne de l’Habitat, un moyen de rendre un quartier entièrement autonome d’un point de vue énergétique, sans que les populations n’aient de véritable sensibilité environnementale. Cette conception de la durabilité urbaine propose de caractériser un quartier comme durable, à partir du moment où l’ensemble du bâti serait auto-suffisant énergétiquement. Cette conception de la durabilité urbaine donc exclut ni plus ni moins certaines pratiques dans les processus de mise en durabilité de territoires. Qui plus est, elle propose de n’appréhender le développement urbain durable, et notamment l’environnement, que par sa dimension écologique, et au travers de nouveaux standards de construction, qui au passage ont montré leurs limites puisqu’une partie des bâtiments est aujourd’hui en travaux pour cause de non efficience énergétique. Et cette absence de considération de la diversité et de la complexité des modes de vie et d’habiter a eu pour conséquence immédiate d’accueillir des populations à très faible concernenemnt environnemental, manifestant plutôt une approche individuelle des relations potentielles qu’elles ont tissées avec leur environnement ; approche individuelle qui se traduit par l’importance donnée à la valeur architecturale du bâti, ainsi qu’à la présence d’aménités environnementales au travers d’approches plus esthétiques que sociales.

Le caractère durable d’un projet ne peut ainsi être défini au travers de seuls critères strictement écologiques soumis à une batterie de normes, au risque de ne couvrir qu’une part réductrice du champ des possibles en matière de durabilité urbaine voire d’aller à l’encontre celle-ci. C’est la raison pour laquelle nous considérons que la conception défendue de l’environnement phénoménologique constitue peut-être la seule conception qui permettrait de réellement ouvrir le développement durable aux considérations et enjeux sociaux qu’il prétend prendre en compte Dès lors, nous proposons de valider les hypothèses H2 bis et H1 définies en introduction de ce travail. La première affirmait qu’un quartier ne saurait être durable si les modes de vie et d’habiter des populations concernées ne déploient pas d’autres conceptions de l’environnement (le cadre de vie, et plus largement le vivre ensemble) que les simples gestes strictement tournés par la maîtrise raisonnée de techniques écologiques par les figures classiques de l’expert, très souvent développés dans les projets de quartiers 94

durables. La deuxième qui découlait logiquement de la première, était que les modes de vie et d’habiter constituent des marqueurs de durabilité des quartiers durables, et plus généralement de projets de développement urbain dits durables. Le cas de Wilhelmina Gasthuis Terrein tend à valider cette hypothèse de travail.

3.1.3 Le concernement environnemental, concept opératoire de révélation des modes de vie et d’habiter dans les quartiers durables Dans le cas d’une approche d’avantage phénoménologique que technico-normative de ce qui fait environnement à ce jour, et de ce à quoi la durabilité urbaine devrait peut-être, pour ne pas dire surtout, s’ouvrir, l’analyse des modes de vie et d’habiter des populations vivant au sein des territoires d’intervention constitue un travail essentiel. Et pour cela, il s’agit d’identifier des modes opératoires permettant de révéler les fondements et spécificités de ces modes de vie et d’habiter. Leur durabilité nécessite aujourd’hui une évolution profonde des pratiques quotidiennes, et plus encore de la définition des relations entre les sociétés et leur milieu, non plus unilatérales, mais circulaires. Malgré l’apparition ou souvent le « recyclage » des enjeux d’un développement qui se voudrait plus durable, l’évolution des modes de vie et d’habiter nécessite certes une adhésion cognitive, mais également un engagement individué. L’étude du concernement environnemental, en ce qu’il serait justement vecteur d’engagement affilié ou affranchi, constituerait alors un concept opératoire de révélation de modes de vie et d’habiter qui se voudraient orientés vers plus de durabilité, ce qui nous permet de valider la troisième et dernière hypothèse définie en introduction. Car, ce qui se joue particulièrement dans les crises écologiques, épreuves environnementales, controverses socio-techniques avec lesquelles nos sociétés doivent composer activement, c’est bien le changement, donc la modification de nombre de nos représentations et pratiques. Et c’est par l’étude du degré d’engagement induit par ce concernement qu’il serait alors possible d’identifier si les populations sont marquées par des modes de vie durables (se référant à l’identité des pratiques) ou plus encore par des styles de vie durables (se référant à l’identité des individus).

95

Ainsi, dans le cas d’un projet qui privilégie une approche phénoménologique de la durabilité urbaine, deux cas de figure s’offrent aux acteurs décideurs, qui tout deux interrogent directement le temps du projet : soit un projet de territoire naît d’une mobilisation collective et du concernement environnemental des populations, comme ce fut le cas à Wilhelmina Gasthuis Terrein, et a d’autant plus de chances de voir ses objectifs atteints car appropriés puisque décidés par les populations en place ; soit le concernement des populations naît progressivement de la réalisation d’un projet (ce que nous n’avons pu constater à Augustenborg et Bo01) mais nécessite alors une conception du temps du projet non pas limité au temps des opérations, mais cohérent avec les nouvelles échelles de temps prônées par le développement durable. Autrement dit, des projets qui se voudraient durables ne peuvent conduire à des interventions limitées dans le temps court.

Si l’intégration de nouvelles échelles de temps dans les modes de penser et d’agir des politiques publiques semble inévitable pour tendre vers plus de durabilité urbaine, quelles seraient en parallèle les nouvelles échelles spatiales à intégrer en vue de converger vers ce même objectif ? Qu’en est-il de la pertinence du quartier en tant qu’échelle d’intervention et d’évolution des modes de vie et d’habiter ?

Nous pensons qu’une analyse de l’articulation des échelles spatiales dans les cadre des projets de quartiers durables nous permettrait également d’interroger la durabilité de ces derniers toujours au travers des modes de vie et d’habiter. Plus encore, nous ne saurions analyser la durabilité des quartiers durables en restant focalisés sur l’analyse stricto sensu de ces derniers, et considérons qu’une approche par l’articulation des échelles spatiales permettrait de nourrir et donner suite à ce premier travail.

96

3.2 Quelle pertinence de l’échelle du quartier pour une évolution des modes de vie et d’habiter ?

Les territoires intimes dépassent aujourd’hui plus que jamais les limites territoriales du quartier, si bien que nous pouvons nous demander si les interventions qui auraient pour objectif l’évolution progressive des modes de vie et d’habiter au travers d’un concernement environnemental des populations, se doivent d’être effectuées à l’échelle du quartier.

3.2.1 Le quartier, une échelle de référence aujourd’hui dépassée ? « Le type de structure que l’on vient d’évoquer est précisément mis en cause par ce que A. Sauvage et M. Bassand appellent « l’effritement des quartiers » et « la victoire des territorialités sur les quartiers » (…) Les voisinages dans le travail, dans la consommation et dans les loisirs sont défaits par les affiliations dispersées et par la mobilité quotidienne.

L’identité collective et

les solidarités

reculent

devant

l’individualisme. La mobilité résidentielle diminue les relations privilégiées (…) et est accompagnée d’une fréquentation importante du centre de la ville, en particulier pour les loisirs, et c’est cette fréquentation qui permet d’accéder à l’identité locale. (…) Les proximités qui se constitueraient sur un sentiment d’appartenance à un groupe, sur une représentation claire d’être du même ensemble social et d’entrevoir un destin parent, semblent disqualifiées, dépassées. » (Haumont, 2006, p.36).

Parallèlement à la multiplication des conditions et potentialités offertes en termes de mobilité, le zonage, la spécialisation et la hiérarchisation des espaces urbains ont conduit bien souvent, selon des critères normatifs et quantitatifs de plus en déconnectés des espaces réellement vécus, à une archipélisation des territoires de vie des populations désormais peu cohérente avec l’échelle spatiale que constitue le quartier. Cette spécialisation fonctionnelle et cette fragmentation territoriale et sociale participent directement d’une évolution des modes d’habiter, et du renouvellement des figures de la spatialité et de la territorialité des individus . Ces deux notions sont respectivement définies par Jacques Lévy et Michel Lussault comme l’ « ensemble des actions spatiales

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réalisées par les opérateurs d’une société » (Lévy, Lussault, 2003, p.866) et comme la « relation au territoire, et (l’) existence d’une dimension territoriale dans une réalité sociale » (Lévy, Lussault, 2003, p.919).

L’évolution actuelle des organisations territoriales se doit alors d’être couplée avec les mutations profondes des organisations sociologiques qui se traduisent par la « transformations des relations entre la sphère domestique et la sphère professionnelle, la transformation du rapport au logement liée aux structures familiales, la diversification des trajectoires résidentielles liées aux transformations du cycle de vie, l’évolution des rapports au logement et au quartier en liaison avec la transformation des rapports de proximité. » (Haumont, 2006, p.5) Les pratiques qui découlent de ces nouveaux cadres d’orientation des modes de vie, se traduisent aujourd’hui par des ancrages territoriaux de moins en moins calqués sur l’échelle des quartiers.

Or, si les spatialités et territorialités des modes de vie et d’habiter ne trouvent plus d’ancrage à l’échelle des quartiers, quelle serait la pertinence des interventions ayant pour objectif un développement urbain durable à l’échelle micro-locale ? Autrement dit, comment penser une évolution des modes de vie et d’habiter au travers de projets de quartiers durables alors mêmes que ces modes de vie et d’habiter ne s’expriment plus que modestement à l’échelle du quartier ?

3.2.2 Le quartier, nouveau référentiel spatial de modes de vie et d’habiter durables ?

Alors que le quartier semble constituer de moins un moins un cadre cohérent pour exprimer ses modes de vie et d’habiter, dans un contexte d’archipélisation des territoires habités par les acteurs, on peut se demander si les quartiers durables, au travers des principes et valeurs véhiculés, ne pourraient pas constituer un moyen nouveau de rehaussement de la place du quartier en tant qu’échelle de référence pour exprimer des modes de vie et d’habiter plus durables. « Les types de quartiers jugés les plus exemplaires sont des types historiques, au sens où ils relèvent d’un moment particulier. Ces quartiers ont une structure forte, perceptible

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dans des proximités (domicile-travail, école, paroisse) sensible dans la diffusion de modèles d’action qui gouvernent les sociabilités (au travail, dans les loisirs, dans les rôles familiaux) et les solidarités. Les références identitaires sont connues et revendiquées « eux et nous ». La mémoire collective et l’espace comme support de l’identité collective sont d’ailleurs des thèmes classiques de l’étude des quartiers dans la sociologie de la ville (Y. Fijalkow). » (Haumont, 2006, p.36).

Par la revendication d’un désir de « vivre ensemble », autour des modes de vie et d’habiter dits durables, les territoires ne feraient quartier non plus seulement en raison de leur ancrage historique, leur architecture homogène ou encore leurs caractéristique socioéconomique, mais au travers de valeurs et pratiques partagées et revendiquées.

Ainsi, en quoi les projets de quartiers durables peuvent-ils redonner du sens à l’échelle micro-locale que constitue le quartier, en tant qu’échelle spatiale pertinente et cohérente pour la traduction de modes de vie et d’habiter qui se voudraient plus durables ?

3.2.3 La mise en valeur d’une conception phénoménologique et actante de l’environnement pour repenser le quartier dit durable dans le tout territorial Plus encore, au travers de la conception phénoménologuique et actante de l’environnement, nous pouvons repenser le quartier dans le tout territorial, en tenant mieux compte de l’évolution des modes de vie et d’habiter, dans leurs liens essentiels aux enjeux de la durabilité urbaine.

Aussi, penser les modes de vie et d’habiter comme éléments de révélation de la durabilité des quartiers durables doit nous permettre de mener une réflexion sur la réarticulation des échelles de traduction de ces modes de vie et d’habiter. Cette réflexion plus spatialisée des modes de vie et d’habiter a été peu développée dans le cadre de ce travail et pourrait constituer un angle d’approche au combien pertinent dans le cadre d’une recherche complémentaire plus affinée, autour des questionnements généraux suivants : en quoi les quartiers durables, s’ils peuvent redonner du sens au quartier en tant qu’échelle spatiale pertinente et cohérente pour la traduction de modes de vie et d’habiter qui se voudraient

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plus durables, se doivent-ils d’être néanmoins et peut-être avant tout pensés comment des moyens de diffusion progressive de nouvelles pratiques durables ? De ce fait, en quoi les quartiers durables, par les modes de vie et d’habiter dits durables qu’ils traduisent potentiellement, peuvent-ils participer de la mise en durabilité de territoires non plus strictement inscrits à l’échelle de proximité du quartier, mais à celle urbains ?

100

des devenirs

Annexes

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Annexe 1 : Grille d’entretiens habitants Enquête sur la qualité du cadre de vie – Questionnaires courts exploratoires

Eléments à renseigner par l’enquêteur Quartier : Enquêteur : Questionnaire n° : Adresse exacte ou lieu : Jour et heure de l’entretien (noter période de l’année) : Météo : Durée de l’entretien : Remarques autres sur le déroulement de l’entretien : Genre : Age : CSP :

1. What’s your name?

2. How old are you ?

3. What’s your occupation/activity ?

4. How long have you been living in this district ?

5. Do you live in an apartment or a house ?

6. Are you a tenant/renting or an owner ?

7. Where did you live before?

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8. What led you to come to live here?

Relance : What made you decide to choose this place to live ? What reasons brought you to come here to settle in ?

Consigne enquêteur : Si les caractéristiques extérieures au logement ne sont pas spontanément évoquées => Which are the characteristics of the neighbourhood (beyond those of your home/apartment) that have led you to live hear ?

Qualification du lieu habité, du quartier et des pratiques 9. On this map, can you show me the boundaries/limits of your neighbourhood ?

10. Can you talk to me about the place you live ?

Relance : Si le quartier n’est pas évoqué directement => Can you describe to me the neigborhoud where you live?

11. What do you appreciate the most in your neighbourhood ? What do you appreciate the least ? Why? 12. What are the places that symbolize best the neighbourhood of… ?

13. If you had to take a friend to the place you like the most in your neighbourhood, except your apartment, where would you take him or her ?

14. What do you appreciate at this place ? What describes this place ?

15. What are pathways you take most often in the district ?

16. What’s your favourite pathway? Why?

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Qualification ambiances et paysages 17. What are the different atmospheres/ambiances in your neighbourhood ?

18. How would you describe the landscapes in your neighbourhood ?

19. Would you say that you feel good in your neighbourhood ? Are you satisfied with the quality of life in your neighbourhood ? Why? 20. For you, what’s an atmosphere/ambiance ?

21. For you, what’s a landscape ?

22. For you, what is well-being ?

23. I’ve been told that this is a sustainable neighbourhood, what’s a sustainable neighbourhood according to you ?

24. Would you like to take part in the next stage of this study ?

Consigne enquêteur : Expliciter la prochaine étape (interview, “go-alongs”, multisensorial notebook)  Yes  No Coordonnées téléphoniques Adresse Déclaration de l’enquêteur : Je certifie sur l’honneur que j’ai personnellement conduit l’entretien avec la personne mentionnée et que j’ai rempli le questionnaire conformément à ses réponses. Je m’engage à ne divulguer ni les informations recueillies, ni le nom et l’adresse de cette personne.

Nom

..................................................................................................

Prénom

..................................................................................................

Signature

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Annexe 2 : Questions choisies pour l’analyse empirique  What led you to come to live here ?  Can you talk to me about the place you live ?  What do you appreciate the most in your neighbourhood ? What do you appreciate the least ? Why?  What are the places that symbolize best the neighbourhood of… ?  What do you appreciate at this place ? What describes this place ?  What are the different atmospheres/ambiances in your neighbourhood ?  How would you describe the landscapes in your neighbourhood ?  Would you say that you feel good in your neighbourhood ? Are you satisfied with the quality of life in your neighbourhood ? Why?  I’ve been told that this is a sustainable neighbourhood, what’s a sustainable neighbourhood according to you ?

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Annexe 3 : Grille d’entretiens acteurs Enquête auprès d’acteurs sur la qualité du cadre de vie

Eléments à renseigner par l’enquêteur : Terrain : Adresse exacte ou lieu : Jour et heure de l’entretien (noter période de l’année) : (Si à l’extérieur) Météo : Durée de l’entretien : Remarques autres sur le déroulement de l’entretien :

Entretiens menés par une seule personne Lieu : Au choix de l’acteur, de préférence leur lieu de travail ou encore mieux dans le quartier Élu/Technicien : E, Concepteur : C, Associatif : A

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1. Signalétique de l’acteur Hypothèse : Le portage et la construction institutionnelle des tâches et missions de l’acteur ont une influence sur la prise en compte des paysages multisensoriels.  How long have you been working in this area ?  What brought you to this area ?

What’s your original studies, discipline ?

What are the different stages of your professional course (previous functions and missions) ?  What do your functions currently consist in?  To what extent are environment (problems, issues), landscape and atmospheres taken into account within your functions ?  What are the 4 terms which would define best your profession and your practices?

Can you clarify the sense of these words?

2. Terminologie utilisée Hypothèse : la mise en action du sensible, notamment par le biais du(des) paysage(s) multisensoriel(s), dépend des termes utilisés et la dotation en sens de ces termes (notamment en terme des objets du sensible, et la place du bien-être et du vécu)

 What’s your definition for sustainable development ? What’s a sustainable neighbourhood ?  What’s a landscape for you ? What is it made of (sounds, urban aesthetic , smells…) ? Is there a link between sustainable urbanism and lanscape ? What’s an urban atmosphere/ambience to you ? What is it made of (sounds, urban aesthetic , smells…) ?  How do you differentiate both atmosphere/ambience and landscape ?  According to you, do urban well-being, personal experiences, and the satisfaction of the inhabitants depend on the landscapes (and the atmospheres) and their multisensoriality ? Why ?  Are well-being, personal experiences, satisfaction, measurables ?

If not, why ?

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If yes, how? from what observations ? From the observation of their many components ? What are these components ?

3. Le projet, les objectifs, les moyens We are now going to talk about the project …  What are the special features, the specificities of this project ?

And compared with other projects you participed in?  Is this neighbourhood representative of sustainable neighbourhood ? Why ?  E => What objectives were setted for this project ?  C => What objectives guided most your work ?  A => What expectations/requests have been satisfied ?

 What means have been used to answer these objectives ?  Witch were the results ?

4. Le projet par le paysage, les ambiances, les modes de vie …  Have some objectives been setted in term of landscape ?

Relancer pour le sonore (sound), l’odeur (smell), le goût (taste), le toucher (touch)  What means have you used to reach these objectives ?

What were the observation methods, diagnostics and assessment methods used ?

Relancer pour le sonore (sound), l’odeur (smell), le goût (taste), le toucher (touch)  What have been the results in terms of landscape at the end of the construction work ?

Relancer pour le sonore (sound), l’odeur(smell), le goût(taste), le toucher(touch) Can you give me a precise example ?  Today, does this district differ from other districts in terms of landscape qualification ?

Relancer pour le sonore (sound), l’odeur(smell), le goût(taste), le toucher(touch)

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 Have some objectives been setted in terms of atmospheres ?

Relancer pour le sonore (sound), l’odeur (smell), le goût (taste), le toucher (touch)  What means have you used to reach these objectives ?

What were the observation methods, diagnostics and assessment methods used ?

Relancer pour le sonore (sound), l’odeur (smell), le goût (taste), le toucher (touch)  What were the results in terms of atmospheres at the end of the construction work ?

Relancer pour le sonore (sound), l’odeur(smell), le goût(taste), le toucher(touch) Can you give me a precise example ?  Today, does this district differ from other districts in term of atmospheres ?

Relancer pour le sonore (sound), l’odeur(smell), le goût(taste), le toucher(touch) Can you give me a precise example ?

 Have some objectives been setted concerning ways of life ?  What means have you used to reach these objectives ?

What were the observation methods, diagnostics and assessment methods used ?  Do the inhabitants of this district have singular or particular ways of life today (compared to other districts) ?

Notably in terms of ways and public spaces?

Can you give me a precise example ?

 Have some objectives been setted concerning well-being ?  What means have you used to reach these objectives ?

What were the observation methods, diagnostics and assessment methods used ?

 Have some objectives been setted concerning quality of life?  What means have you used to reach these objectives ?

What were the observation methods, diagnostics and assessment methods used ?

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 Was there thinking process on the participation and the involvement of the inhabitants ?  What means have been used to make the inhabitants participate and feel involved?

What were the observation methods, collaborations and assessment methods used ?

What were the results in term of inhabitant involvement?  Are the inhabitants involved in the life, the management and the evolution of the district ?

Can you give me a precise example ?  Is there another project or approach in wich durability, landscapes, armospheres/ambiences, well-being, quality of life or inhabitant’s involvment… have been better taken into account?  What did you learn from this project ? What have you retained from this project?

What meaning can you now associate with durability ? Did your view on sustainable neighbourhoods change ?

5. Les verrous pour une prise en compte des paysages multisensoriels Hypothèse : La mise en action du paysage multisensoriel est freinée/bloquée par l’approche technique du paysage, par sa limitation au visuel, par sa traduction par des outils et méthodes « classiques »…  What have been the easy parts and the difficult parts in taking into account sensory modalities/multisensory landscapes (dits avec les mots de l’acteur) in this project ?

Do you consider that there is a political will to understand this issue ? Have the various partnerships with other departments or competencies been helpfull or have they been sources of problems ?

Do you consider that the tools you use or that are used nowadays are problematic ?

C Do you think that the conception methods that you use or that are used nowadays are problematic ?

C Do you think that your way of designing and making project can be a curb ?  What improvements could be considered in order to better take these elements into account?

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