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La grande messe du sport Il s’affiche au mur, entre deux distributeurs de soda pour rappeler, non sans hypocrisie, ses bienfaits. Il se plante sur des panneaux gigantesques de lumière pour réveiller le consommateur assoupi. Il inonde petit et grand écran. Le sport est partout. Il occupe, pour certains, une place de choix dans la progression frénétique de leurs vies. Pour d’autres, il fuit à grandes enjambées le terrain de leurs préoccupations quotidiennes. A la fois temple de la performance et de l’abandon, le sport convoque une multitude de forces parfois obscures, parfois contradictoires, qui sont autant de symptômes vendus à l’occasion comme des remèdes. Puisqu’il y a probablement autant de disciplines qu’il existe de sportifs, il subsistera sans doute autant d’idées préconçues sur le sujet que d’équilibristes de l’argumentation. Le grand écart est presque permanent entre ceux qui le pratiquent et ceux qui – non sans effort – le jugent. La frontière est toujours fragile entre les voies de l’élévation (promis à chacun) et ses mouvements les plus souterrains (réservés à quelques privilégiés). Entre intégration et intégrisme, il n’y a qu’un pas. Le sport est, à dire vrai, un terrain de jeu idéal pour celui qui, comme nous, voudrait simplement s’intéresser à la société à travers quelques furieux microcosmes bien choisis. Aspirations individuelles et couches sociales y pratiquent sans gêne l’échangisme.

En tournant ces pages, c’est un ballet d’enrichissements mutuels qui s’offre au lecteur prêt à se jouer des limites imposées. Au-delà des clichés abrutissants habituellement ressassés, le sport parle de questions de société essentielles, allant parfois jusqu’à diluer le culte de l’excellence corporelle dans le corps social qui l’abrite. Jamais très éloignés, univers artistiques et sportifs se nourrissent l’un de l’autre ; des pas chassés de rimes riches qui feront sonner répétition avec création. Guidés par leur goût commun pour la dramatisation, les héros du grand écran et ceux du stade, devant un parterre de fidèles exaltés, offrent depuis toujours la même provision d’images tantôt triomphantes tantôt déconfites par l’adversité. Avec le sport, ce sont autant d’histoires banales ou extraordinaires portées sur les planches du théâtre des petits miracles annoncés. Les aveugles verront-ils ? Les personnes à mobilité réduite passeront-elles en tête la ligne d’arrivée de l’ascension sociale ? Bienvenue dans la grande messe du sport.



Miroir, mon beau miroir …

Au-delà de l’horizon

Du stade au théâtre

Les lévriers aiment bien tourner

Le culte des corps zélés

Parler d’autre chose que de braquet

Vivement dimanche

Quand la danse est sanctuaire

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La valse des protège-tibias


Tentative de prendre de la hauteur, essai n°1 : les adieux du stade.


Écart(s)


Miroir, mon beau miroir … Qu’on en soit complètement dépendant ou totalement las, le sport fait partie de notre quotidien. Qu’on le veuille ou non. Il en fait suer certains sur les courts ensoleillés ou devant les écrans des salles de fitness mal aérées. D’autres le pratiquent dans un canapé de préférence confortable à l’aide d’une boisson maltée légèrement pétillante. Convenant à la fois aux solitaires confirmés et aux aficionados de l’esprit de meute, le sport est une lutte. Une course contre la montre. Un combat contre la montagne, contre soi, contre les autres. Mais si le sport était aussi un miroir, quelle image du monde nous renverrait-il ?

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« Le sport n’est pas vraiment un miroir déformant, mais plutôt grossissant. Il accentue les traits de notre société. C’est un petit objet qui concentre tout en lui. Tout ce qui se passe dans la société se passe dans le sport. Et il fonctionne tellement bien pour le moment. » Jean-Michel De Waele, professeur en sciences politiques et passionné de football, y voit un condensé de l’esprit du temps. « Le sport correspond très bien au logiciel néo-libéral dans lequel nous sommes.

Muybridge – 1977-1978 Animal Locomotion Précurseur du cinéma, Muybridge met au point un dispositif, convoquant plusieurs appareils photos, qui permet de décomposer les mouvements jusque là imperceptibles. Ici, la décomposition du saut à la perche.


Walt Disney, Alice au pays des merveilles, 1951 Ritournelle du lapin blanc : « Je suis en retard, en retard, en retard !»

Le miroir des sports – 25 février 1925 Faisant suite au Miroir, qui s’intéressait principalement aux têtes couronnées, le Miroir des sports offre a voir en images chaque semaine l’actualité sportive française.

C’est l’excellence exigée de tout le monde, tout le temps, toujours. Le néo-libéralisme demande que tout soit évalué, classé, pour pouvoir être acheté ou vendu. » Et ça tombe bien, car dans le sport, où règne la compétition, tout se compte, tout se mesure, tout se compare. Mais bien souvent, il ne suffit pas de participer : « seule la première classe vaut la peine ; ce qui compte, c’est d’être le premier ». La loi de la jungle Être en pole position. Mettre plus de goals. Soulever les poids les plus lourds. « Plus vite, plus haut, plus fort », comme le veut la devise des Jeux Olympiques. Ceux qui y parviennent sont dès lors sacrés champions. Ils gagnent une place de choix dans le cœur des jeunes qui veulent les imiter et des moins jeunes qui les adulent avec autant de fougue. 9


Ils brillent de mille feux, se frayant un chemin à l’équilibre fragile parmi les stars du cinéma et de la mode. Jean-Michel De Waele voit en eux les princes des temps modernes. « On a plus de rois, on a plus de reines. Et ceux qu’on a sont tristes à mourir… Les sportifs de haut niveau sont des stars, des fiertés nationales. Ils ont remplacé les rois et les reines dans le cœur… Et puis, ça unifie toute la famille parce que Monsieur peut regarder comment Beckham joue bien au football et Madame peut admirer combien il est beau et comme leurs enfants sont bien habillés. » Oui, le sport fédère. Mais pour mieux opposer. « Quand il y a un match entre deux équipes, forcément, il y a deux clubs », nous précise Philippe Godin, professeur en psychologie du sport. « Ce sont deux villages, deux villes, deux pays. Tout dépend du niveau hiérarchique où l’on se situe.

Cela génère un sentiment d’appartenance à un groupe auquel on s’identifie. Et par définition, on s’identifie par opposition à un autre groupe. » Le sport a une fonction quasi tribale qui remonte à son origine militaire, à l’époque où il permettait aux troupes de garder la forme entre deux combats. Cette hostilité à l’égard de l’adversaire est parfois poussée à l’excès, comme on a pu le voir dans les dérives des Jeux de 1936. Le nationalisme pointe alors le bout de son nez lors de rassemblements sportifs. L’individu est oublié au profit de sa nation. « Aux Jeux Olympiques, ce sont les drapeaux qui montent au fanion. Oui, bien sûr, on cite le nom des athlètes, mais ce sont les hymnes nationaux qui sont joués. » Entre les nations, c’est la course aux médailles. Mais au fond, « une médaille, ça représente quoi ? », s’interroge Marc Cloes, professeur en pédagogie des activités physique et sportives. « Ça ne représente finalement que quelques

Circa 1925-1936 Sous Mussolini, le Comité Olympique National Italien s’occupe d’encadrer politiquement la pratique sportive.

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personnes brillantes qui ont été bien structurées, bien suivies. Mais c’est peut-être l’arbre qui cache une forêt monstrueuse d’obèses, de sédentaires ou de malades. Je préfèrerais de loin gagner la médaille de la population la plus saine. Ne vaudraitil pas mieux un peuple qui soit en bonne santé physique et mentale que quelques champions qui font rêver des gens ? »

Jeux Olympique de 1968 – Mexico Alors que l’hymne national des Etats-Unis retentit dans les tribunes, les athlètes noirsaméricains Tommie Smith et John Carlos, détournent le regard de leur drapeau et fixent le sol, le poing ganté de noir en l’air, pour protester contre la ségrégation raciale. Jeffrey Friedl – Un peu de Tai Chi devant le temple Heian – 2010

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Golf de Monte-Carlo Affiche publicitaire.

Du ballon à la nation Seulement voilà, avec ses stars propres, la nation toute entière peut, pour quelques heures, se féliciter de son succès ou s’indigner de ses échecs. Pour Jean-Michel De Waele la défaite, et qui plus est la défaite injuste, soude plus encore que la victoire. Cela en étonne certains. Marc Cloes explique, par exemple, que notre relation à une même équipe varie en fonction de ses résultats. « On a gagné. Ils ont mal joué. » On s’identifie, d’accord. Mais pas tout le temps. Pas à n’importe quelles conditions. « A un moment donné, le citoyen a besoin d’un sentiment de compétence. Il se valorise par l’intermédiaire d’autres personnes, comme les parents qui se valorisent par l’intermédiaire des résultats de leurs enfants. »

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Gloire, renommée, célébrité, ne sont pas seulement l’apanage des sportifs. Certaines disciplines, elles aussi ont la cote.

A l’écart des sports que l’on rejette avec mépris, il y a les sports branchés, bon chic bon genre. Le rugby est à la mode pour une frange déterminée de la population. « Car les étrangers ne jouent pas au rugby. Si vous mettez à Bruxelles vos enfants dans une équipe de rugby ou de hockey, les deux sports qui montent, tout à fait par hasard et bien justement ils se retrouvent entre ”bons blancs laïcs ou catholiques”. Se rajoute également à cela l’idée que le football est plus populaire avec des coups tordus, de la corruption. Alors qu’au rugby, au contraire, il y aurait des contacts virils, mais sains ! C’est le fameux dicton : ”Le rugby est un sport de voyous joué par des gentlemen tandis que le football est un sport de gentlemen joué par des voyous. ” C’est tout le mythe du rugby… » Les sports où les contacts physiques sont réduits, comme au tennis, vont également sortir du lot. « Et puis vous avez … le golf. Vous ne puez pas, vous ne suez pas, vous


2011 A l’ère du culte de la personnalité, il n’est pas rare de voir les hommes politiques prendre soin de leur physique. Ici, le président russe Vladimir Poutine en plein exercice de sa force.

n’êtes pas comme un ouvrier. » Jean-Michel Dewaele condamne avec véhémence ceux qui, par élitisme, dénigrent le football au détriment de disciplines soi-disant plus nobles. Derrière les modes se cachent parfois des motifs d’ordre idéologique qu’on n’affirmerait pas ouvertement. Du pain et des jeux Aux yeux de tous, le sport, c’est avant tout l’exercice physique. Mais il se prête parfaitement à ceux qui exercent une force d’un tout autre ordre. On le sait depuis des millénaires, divertir la population est une des clés du contrôle politique. La panse pleine de vedettes en maillots et de feux d’artifice permet de laisser nos préoccupations sur le côté. Pour Philippe Godin, ce sont justement ces moments où l’attention est détournée que choisiraient certains représentants politiques pour passer à l’action. « Ils peuvent très bien prendre des décisions politiques

controversées au moment de grands rassemblements sportifs, quand les gens ont un retour de patriotisme et qu’ils vont tous applaudir le match. » Tout au long de la rencontre, les supporters vivent avec émotions la moindre action. Le spectacle a pris le dessus sur leur vie quotidienne. « Quand vous regardez les conditions de vie sur le plan socio-économique de 80% des gens qui vont au stade, c’est quand même des gens qui vivent petits, qui sont limités financièrement. S’ils étaient vraiment conscients d’applaudir des gamins de 18 ou 20 ans qui roulent en Porsche pour taper sur un ballon, alors qu’eux gagnent 1400 euros par mois si tout va bien… Tous les ingrédients d’une révolution sociale sont là. C’est le côté cathartique de la pratique sportive où les gens hurlent pendant deux heures. Exténués, ils ont moins envie de se révolter. » Ils repartent ainsi chez eux apaisés par un spectacle qui pourrait en indigner certains.

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Si nos réactions à l’égard du sport sont conflictuelles, voire complètement contradictoires, c’est qu’il est, à l’image des hommes, complètement paradoxal et bigarré. Malgré la rigueur des règlements, le sport est sans cesse en transition. Un nouveau mouvement est répertorié, une discipline totalement réappropriée par quelques dissidents motivés. Le sport est un objet aux multiples facettes dont on n’arrive jamais à suivre toutes les directions.

J.-M.D.

Metro Boulot JO Passionné de tir, Lionel Cox sait que dans la vie, il faut avant tout faire ce que l’on aime, s’entraîner dur et garder les pieds sur terre. Le 3 août 2012, sa carrière va pourtant prendre de l’altitude quand il revient de Londres, une médaille d’argent dans la valise. Le rêve devient alors réalité.

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Ramener une médaille des Jeux Olympiques, c’est différent des autres compétitions ? Ça n’a rien à voir. Il vaut mieux gagner une médaille aux JO que cinq en Coupe du monde. Il y a des athlètes de tous les pays, de toutes les disciplines. C’est peut-


Marc Cloes Professeur à l’Université de Liège Pédagogie des activités physiques et sportives Philippe Godin Professeur à l’Université Catholique de Louvain Président actuel de la Société Belge Francophone de Psychologie du Sport Jean-Michel De Waele Professeur à l’Université Libre de Bruxelles Doyen de la Faculté des sciences sociales et politiques Editeur de Football et identités en collaboration avec A. Husting aux éditions de l’Université de Bruxelles en 2008.

être bizarre mais au moment des JO, on peut même parier sur tous les athlètes dans toutes les disciplines. C’est comme ça. Et puis, surtout, ce qui suit derrière est incroyable. Vous faites la une des journaux. Si vous gagnez une coupe ou un championnat du monde, vous avez trois lignes à la dernière page d’un journal. Et encore. Grâce à ça, aujourd’hui, les gens savent que la discipline existe. Comment expliquez-vous qu’on entende si peu parler de votre discipline ? Les armes ont peut-être une connotation négative… Malheureusement, pour certains, oui. Parce qu’ils n’y connaissent rien et puis les journalistes en font tout une mayonnaise. Le problème, avec eux, c’est qu’une arme c’est une arme. Ils ne comprennent pas la différence. Mais les armes, c’est comme les timbres : il y a énormément de modèles

différents. La plupart des armes n’ont pas été conçues pour tirer sur des gens. Heureusement, ça va mieux depuis les JO. Les gens comprennent qu’il y a aussi des armes de sport et que les tireurs sont inoffensifs. Le tir nécessite-t-il un entraînement quotidien ? Impossible. La semaine, je dois aller travailler. Je m’entraîne le weekend. Parfois je prends congé un après-midi. C’est très variable. Je suis moins régulier que certains, mais j’arrive à de bons résultats de temps en temps. La majorité de mes concurrents sont payés pour s’entraîner. Ils ont un statut de sportif professionnel ou de militaire. Je pourrais l’accepter aussi mais ce n’est pas intéressant. Il faut garder à l’esprit l’après-carrière. On ne peut pas être sportif et voyager dans le monde entier toute sa vie. J.-M.D.

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Au-delà de l’horizon

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Dans le ciel déchiré de la banlieue défilent les avions, décollant à intervalles réguliers depuis l’aéroport le plus proche. Tentant de les y rejoindre, les tours qui servent de logement à une population ramassée à la périphérie de la capitale tiennent encore debout avec un air léger de défiance. Au sol, c’est un tout autre envol qui semble se jouer. Au pied des habitations fanées de la cité Andromède, un homme s’échauffe. Terrain de jeu privilégié pour les traceurs du coin, l’endroit est à peu près désert. Seuls ses coups de semelles souples et répétés investissent les lieux, se répercutant encore et encore contre les façades aux fenêtres désespérément coupées de tout horizon. Tenue de sport aux retours amples et écouteurs greffés à l’oreille interne, Tarek, perché sur un muret, émerge de son intense concentration : « Le parkour, pour nous, ça a commencé avec le film Yamakasi. On est tout de suite sortis et puis, voilà, c’était parti. On a appris, par nous-mêmes, en se faisant mal. Maintenant, on trouve plein de tutos sur Youtube ».

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Depuis les premières chutes, de l’eau a coulé sous les ponts. Depuis les premiers sauts, le pied s’est affermi, le coup d’œil s’est affirmé. Au point de reconnaître, dit-il, chaque texture et d’estimer les distances d’un simple regard. Ses « sautsde-chat » côtoient désormais sur la toile ceux de son maître à penser. David Belle, fondateur du parkour avec les Yamakasis, incarne l’élévation (sociale, physique et spirituelle) rendue possible par l’art du déplacement ; une vidéo lancée à la figure du monde le sort finalement de quinze ans de pratique assidue tenue dans l’ombre. Fin de galère et coups de projecteurs sur son corps en mouvement. Cinéma français puis hollywoodien lui font un pont d’or, lui 19


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offrent le premier grand saut de sa carrière d’acteur et de chorégraphe (Babylon A.D., Banlieue 13, Prince of Persia, entre autres titres). Loin d’une telle visibilité, Tarek et ses complices de la voltige, avançant dans les traces de leur mentor, ont évidemment bien saisi toute l’importance de l’image, outil promotionnel et pédagogique qui permet de se voir en pleine progression. Figure après figure, l’escalier à peine descendu selon les usages les plus traditionnels devient une rampe de lancement, les cloisons s’abattent comme un voile délicatement soulevé : « C’est avant tout une philosophie, un apprentissage de l’endurance et de l’obstination, mais surtout, cela t’aide à prendre des chemins que personne n’a utilisé avant toi, à aller voir au-delà du mur, regarder au-delà de l’horizon. Je viens souvent ici, car cela offre un parcours assez complet mais il faut toujours s’expliquer pour ne pas donner l’impression d’être hors-norme ou dans l’infraction. En restant calme, on parvient toujours à faire comprendre notre démarche. Mais je comprends aussi que ça change un peu le rapport entre ce qui est public et ce qui est privé ». Quelques voltiges suffisent pour attirer l’attention dans le quartier. Des jeunes, principalement, s’arrêtent, s’attroupent, stationnent un instant. « Souvent, ils nous voient faire et puis essaient de reproduire par eux-mêmes, ce qui peut être dangereux. Depuis le film Banlieue 13, ça a complètement explosé. Avant, on était quelques dizaines de traceurs en Belgique, maintenant, on ne doit pas être loin des quatrecents. » Conscient des dérives possibles et

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en même temps poussé par l’envie de partager sa passion pour la discipline, Tarek, professeur d’éducation physique de formation, décide rapidement de créer, avec un partenaire, une association pour encadrer les jeunes qui le souhaitent. Parfois, certains cours collectifs sont même ouverts à ceux qui n’ont pas les moyens d’y participer. « On espère pouvoir leur apporter ce que nous n’avions pas. Avec eux, on s’en-

traîne d’abord en salle : c’est clean et safe ; ça permet de travailler la condition physique et d’éviter les blessures, de gagner en confiance. Mais le vrai apprentissage se fait en rue. C’est là qu’est la place du parkour. » A quelques dizaines de mètres, d’autres murs, d’autres obstacles. La végétation reprend ses droits, dans un chaos totalement organisé, rappelant que le traceur et son


environnement sont intimement liés, l’un par l’autre façonné. Reprenant son souffle, Tarek cherche ses marques avant de se relancer, entre deux salutations cordiales adressées aux habitants du coin. Son pas assuré et son sens du saut millimétré ne peuvent masquer une évidente modestie, un profond respect – sans détour – pour la discipline. Il n’est pas là pour impressionner. Pas au combat (un terme pourtant pas

si étranger aux lointaines origines militaires de la pratique), il retient ses coups, ne cherche pas l’exploit. « Notre mot d’ordre, c’est ”être et durer”. On voit passer beaucoup de traceurs très motivés, qui veulent évoluer très rapidement, qui cherchent la performance, le risque. C’est un sport à traumatismes. Ils finissent avec le corps fatigué, usé. Moi, j’aimerais pouvoir montrer ce que je fais à mes enfants. Je n’ai pas non

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plus envie de me prostituer pour en vivre. Les propositions pour participer à des publicités qui n’ont carrément rien à voir sont nombreuses (comme pour des voitures, par exemple), pareil pour les démonstrations de free running, qui sont beaucoup plus spectaculaires ; moi, ça ne m’intéresse pas. Le parkour est trop important pour ça.» Probablement bavard au naturel, probablement aussi habitué aux sollicitations de médias qui n’hésitent pas à déformer ses propos, à s’arranger avec la réalité, à conforter les préjugés, il sait comment délivrer son message. Il n’est pas trop désagréable de se répéter pour celui qui tient à son authenticité. « Je ne m’inquiète pas pour l’avenir du parkour – il existera toujours dans la rue – mais plutôt pour ceux qui le pratiquent. Il n’y a pas vraiment de règles, plutôt une ligne de conduite qu’on s’impose personnellement. Je suis juste un porteur de la discipline, elle ne m’appartient pas. J’essaie de la laisser intacte et de la livrer telle qu’elle est, telle qu’elle m’a été transmise. » 24

R.G.


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Du stade au théâtre Depuis plus de vingt ans, l’association Fan coaching accompagne et encadre les supporters du Standard de Liège de tous bords : des excités du Hell Side aux défavorisés de Sclessin et d’ailleurs. Un seul but à ses actions : ouvrir toujours plus les enceintes du stade vers l’extérieur, colorer des vies trop grises avec du rouge. Frédéric Paulus, coach de l’association, nous a reçus dans le Fan Home pour nous parler de ses activités et en particulier l’atelier de théâtre qui a débouché sur le spectacle On s’en foot. Un soir à Sclessin. Dans une rue déserte, le long de la tribune 1, sous l’œil confiant de Roger Claessen, l’ancienne gloire du club, nous patientons. Autour de l’enceinte toute rouge, un paysage défiguré par les sidérurgies esthétiques. Tout est gris, terne, triste. L’autre enfer de Sclessin finalement ; celui qui se joue en permanence sur le terrain de la précarité. Alors que nous cogitons ferme sur le sujet, Frédéric Paulus arrive enfin et nous ouvre les portes d’un local minuscule baptisé le Fan Home. Avec son petit air de Dr House, le ton posé et lucide, il nous semble d’emblée sympathique, lui qui est rentré dans le Fan coaching car la violence lui faisait peur. « Quand j’étais moi-même supporter, il n’était pas rare que des policiers interviennent directement dans les tribunes, de voir les autopompes à la sortie, se souvient-il sans la moindre nostalgie. Les choses ont bien changé depuis. »

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Le Fan Home ressemble à une buvette passepartout ; les murs sont maculés d’écharpes de clubs européens, souvenirs de joutes homériques qui agitent encore l’esprit des supporters rouches les plus fervents. Olympiakos, West Ham, Newcastle, Betis Seville… Quelques tags à la gloire du Hell Side ornent encore les lieux. Dernier élément notable : une petite estrade, idéale pour faire du théâtre. Excursions pour noyau dur Retour en 1989. Le lendemain du drame du Heysel, le pays prend conscience du hooliganisme et instaure toute une série de mesures sécuritaires et logistiques afin de mieux encadrer les événements sportifs. L’aspect préventif n’est pas oublié : deux projets Fan coaching sont lancés à Liège et à Anvers. D’emblée, l’association liégeoise cible le noyau dur, soit une centaine de personnes. « A l’époque, les médias


donnaient d’eux une image très négative et pas toujours en adéquation avec la réalité. Nous, on a souhaité mettre un coup de projecteur sur leurs facettes positives. Contrairement à ce que l’on disait d’eux, ce sont aussi des supporters. » Progressivement, les éducateurs de l’association se rapprochent des « terribles hooligans » et les emmènent en excursions. Des activités encadrées faisant la part belle aux sensations fortes : rafting, randonnées, saut à l’élastique, etc. « C’est ce qu’ils recherchent constamment. Le ”kick” comme ils appellent ça, cette peur

au ventre qu’ils éprouvent lors d’une charge ou d’une fouille au corps alors qu’ils cachent des fumigènes. C’est un peu leur sport. » Casques bleus en terrain hostile Loin d’être la seule solution pour contrer la violence « inhérente au foot », l’association s’intègre dans un ensemble de mesures : présence des stewards, les lois football avec ses interdictions de stade et autres amendes, les clubs de supporters… 27


« On a surtout travaillé à créer un espace de dialogue entre les supporters d’une part, le club et la police d’autre part. Lorsqu’un incident se produit, on essaie de comprendre ce qu’il s’est passé, on fait office de courroie de transmission entre les forces de sécurité et les supporters. Nous sommes un peu des casques bleus de l’ONU envoyés pour dédramatiser certaines situations. » Petit à petit, le Fan coaching élargit sa cible d’origine via les projets « stade ouvert » : « Cela signifie qu’un club de foot peut, par son prestige, avoir un rayonnement sur son environnement et apporter des bénéfices à la population. » Un entrainement de foot proposé à des personnes socialement défavorisées, une école des devoirs dans les locaux du Standard à destination d’enfants de Sclessin ou encore une visite touristique organisée lors de la traditionnelle journée portes ouvertes constituent quelques projets s’inscrivant dans cette dynamique. Rien à foot de la culture ? « Il y a quelques années, j’avais l’impression d’avoir fait le tour, je n’avais plus trop de motivation. Ayant une certaine sensibilité artistique – j’aime aller au cinéma, au théâtre – je me suis dit : Pourquoi ne pas utiliser la culture pour réaliser des actions préventives avec les supporters ? Pour moi,

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les ultras qui confectionnent leurs tifos et qui exécutent de véritables chorégraphies, c’est déjà de la culture qui rentre dans le stade ! » Deux activités marquent cette nouvelle impulsion : l’implication des supporters à la décoration de colonnes du stade et la représentation d’une pièce de théâtre, Un fou noir au pays des blancs, jouée par Pie Tshibanda. Ce spectacle poursuivait un travail de réflexion de l’association sur le racisme. Le plus dur fut finalement de convaincre les propres dirigeants du Standard, persuadés que le théâtre ne pouvait intéresser les supporters. « Je dois avouer que je partageais leurs doutes, on était vraiment dans l’inconnu. On a insisté et le spectacle s’est joué devant 250 personnes. Un véritable succès ! La preuve que les supporters peuvent aussi se déplacer pour autre chose que du foot. » Et pour l’association Fan coaching, c’est le coup d’envoi d’une multitude de projets étiquetés « foot culture » : spectacles, ciné-clubs et surtout un atelier de théâtre. De la pelouse sur les planches… Plusieurs accidents heureux marquent la genèse de l’atelier théâtral : la rencontre improbable de Frédéric avec un comédien fan du Standard et l’inscription de plusieurs membres d’un groupe de (jeunes) supporters, le PHK,


désireux de se racheter une conduite suite à un incident. Avec des hauts et des bas, le projet suit alors son cours. « Ça n’a pas toujours été facile, il a souvent fallu s’adapter aux participants, changer les horaires, etc. » Petit à petit, les apprentis comédiens sont invités à élaborer des petites histoires à partir de leur propre quotidien de supporters du Standard, « sans tomber dans la private joke. » Les cogitations débouchent sur cinq saynètes qui formeront le spectacle On s’en foot. Après une répétition générale au Fan Home devant une poignée de personnes, les acteurs se retrouvent sur les planches du Théâtre de la Place de Liège, profitant d’une charte de collaboration culturelle. La collision de deux mondes généralement séparés. « C’était un défi pour nous de jouer dans un tel lieu de culture et d’y amener des supporters. » 130 personnes viennent supporter les artistes, rigoler et se retrouver dans les portraits présentés. « Comme il n’y avait pas assez de place, une deuxième représentation a été organisée au Fan Home. Puis, pendant un an, nous avons été demandés dans toute une série d’autres endroits pour jouer le spectacle. Ça s’est presque professionnalisé (les comédiens étaient défrayés pour leurs prestations) et d’autres supporters se sont associés au projet, apportant leur aide

pour la technique, les changements de décor, etc. » Mais la belle histoire se termine difficilement, quelques disputes éclatent entre certains comédiens à qui le succès était peut-être monté trop vite à la tête. Fin du championnat pour On s’en foot mais Frédéric travaille déjà à l’élaboration d’un nouvel atelier avec, qui sait, un autre spectacle au bout de l’aventure. Les leçons d’une saison Bien qu’il soit persuadé des bénéfices apportés par l’expérience aux participants, Frédéric Paulus botte en touche quand on lui parle de l’impact de l’atelier, se contentant de dire que des universitaires rendront sous peu leurs observations du projet. Mais pour lui, la plus grande victoire reste d’avoir réussi à changer le point de vue de certains supporters qui, l’espace d’un soir, ont troqué leurs froides tribunes pour les sièges douillets du théâtre.

S.B.

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Les lĂŠvriers aiment bien tourner 31


Sacrifiant un peu de sueur sur l’autel de la dépense, le meilleur ami de l’homme se mue, à l’occasion, en sportif accompli. Véritable formule1 sur pattes, les lévriers poursuivent sans répit des proies artificielles lors de compétitions disputées et particulièrement réglementées. A la fois coach, préparateurs physiques, supporters et vainqueurs par procuration, les propriétaires des chiens entretiennent l’ambiance de ces courses endiablées, jamais à l’abri de débordements affectifs. A l’occasion d’une de ces compétitions homériques, Ecart(s) a pu prendre la mesure d’un univers qui a du chien. A quelques centaines de mètres de notre destination, nous collons au train d’une voiture suspecte dont le pare-brise arrière présente le dessin d’un lévrier en pleine course. Elle nous emmène recta au cynodrome d’Awans, perdu au milieu des champs, à flanc d’autoroute. D’emblée, nous mesurons l’ambiance, digne d’un tour de France. Des caravanes en pagaille, attroupées à la mode « conquête de l’ouest » forment une muraille presque infranchissable. Quelques chaises pliantes aux couleurs des meilleurs produits canins traînent ça et là. Un peu hésitant, nous pénétrons dans cet univers inconnu et peut-être hostile – qui sait ? – armés d’un appareil photo et d’un micro poilu.

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Notre passage déclenche pleurs et grognements stressés. Nous ne sommes pas seuls. Ils sentent notre peur. Chaque caravane célèbre la gloire des courses de


lévriers. Illustrations stylisées de chiens dans des postures toujours plus divines, toujours plus kitsch. Quelques personnes nous fixent étrangement, étonnées par notre attirail et notre démarche nonchalante qui nous mène tout droit vers le lieu névralgique du cynodrome : la buvette ! A l’intérieur, un bref silence accueille notre arrivée – souvenirs de western – avant de laisser place à une joyeuse cacopho-

nie aux accents multilingues ; les participants semblent venir de loin. Première observation essentielle : les membres de la bruyante assemblée font la file pour acheter des tickets « repas » et « boissons » ; on sert des croquettes au fromage ce midi. Deuxième observation : la buvette fait remonter en moi des souvenirs longtemps refoulés de l’époque où je jouais encore au football. Troisième observation : il est dix heures du matin mais la bière est

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de mise. Après avoir identifié l’un de nos obscurs contacts, nous recevons la permission officielle de bourlinguer autour du cynodrome avant et pendant les courses. Le tireur n’a peur de personne (ou presque) Nous n’allons pas très loin avant de tomber sur un sympathique bonhomme accompagné d’un jeune chien à la robe gris clair, prénommé Tito. Il nous met au parfum de la course, nous indiquant les points de départ et d’arrivée. Lui-même participe à l’organisation : il a la fonction très peu prisée de tireur, ce qui demande une « bonne dose de self control », comme il le précise d’emblée. En résumé, le tireur, placé au milieu de la piste, manipule une imposante télécommande digne des plus gros avions téléguidés. Nul aéroplane ici, seulement un moteur accroché à un rail qui suit le tracé de la piste. Un leurre, la « bibiche », est accroché au moteur ; c’est après lui que les lévriers courent. « Je règle la vitesse de la bibiche et je dois faire bien attention : elle doit toujours rester à une distance de 15 mètres du chien de tête, pas plus, pas moins. » Une tâche qui ne le met pas l’abri de pépins techniques ou d’erreurs d’inattention, avec pour conséquences fâcheuses de devenir l’objet de la vindicte de propriétaires s’estimant floués. « Ce n’est pas toujours facile », dit-il avec l’air de celui qui en a déjà vu et qui espère – dans la mesure du possible – ne plus trop en voir. Les canaris du chef de course Autre fonction importante : le chef de course. C’est l’intermédiaire entre le jury, les commissaires de virage et les propriétaires, dans le cas où ces derniers auraient des plaintes. Cela ar-


rive donc si souvent ? L’œil goguenard, Philippe Halleux nous répond : « Oui, très souvent. Comme partout, il y a toujours des petites plaintes : ”untel a poussé mon chien, un autre a blessé le mien dans le bac à sable”, etc. C’est parfois une vraie cour de récréation, vous savez ! » Avant de nous quitter à cause de l’imminence du départ, il nous confie être arrivé dans ce milieu à cause des… canaris ! « Mes oiseaux mouraient tous et pendant que le vétérinaire faisait des analyses, j’ai remarqué deux lévriers dans la salle d’attente. J’ai tout de suite voulu en acheter. Un soir, en revenant du foot, ma femme me dit qu’elle en avait trouvé un

à vendre et elle le voulait tout de suite. On s’est tapé Charleroi à 23h pour aller le chercher chez l’éleveur. » Faire « bien tourner » les chiens Inception rentre dans la boîte en pleurant. L’excitation est si forte que tout son corps en tremble. Les encouragements de son maître résonnent encore en lui. A sa droite, Dady cool. A sa gauche, Max. De sérieux concurrents. Tous étouffent dans cette si petite boîte alors qu’ils n’aspirent qu’à s’élancer ! Convulsivement, ils grattent les parois en aboyant et grognant. La bibiche se rapproche et… ça y est !

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Les portes s’ouvrent et les trois chiens partent comme des balles de revolver. L’instant est magique, une pure dépense d’énergie. Chacun suit sa propre ligne, les yeux rivés sur la proie qui « fuit » devant lui. Inception accélère, Dady cool est déjà largué, Max s’accroche. Ils franchissent le virage et Dady Cool sort complètement de son couloir. Disqualifié. Les deux premiers halètent, toujours à la poursuite de la bibiche pétaradante, encouragés par des cris gutturaux incohérents en provenance des abords de la piste. Inception gagne la course d’une truffe – c’est la photo finish qui le dit – mais tout comme Dady cool, il continue à suivre la bibiche, éjectée mécaniquement dans un bac à sable. Les deux chiens se ruent sur la proie, prêts à en découdre avant que leurs maîtres respectifs ne les séparent dans un joyeux chaos.

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« Il faut compter au moins un an d’entraînement pour les faire bien tourner, c’est-à-dire pour qu’ils gardent leur ligne sans changer de direction brutalement », nous explique le tireur. Et les courses s’enchaînent à une vitesse de mitraillette, par trois ou quatre chiens, femelles et mâles séparés. Plus les tours passent, plus les cris des maîtres se font tendus et secs. L’enjeu se fait sentir. Une femme à l’accent néerlandophone fort prononcé crachote en permanence les résultats dans un micro assourdissant ; le message nous paraît totalement incompréhensible ou sérieusement codé.




Le manège se poursuit jusqu’aux six chiens finalistes qui auront l’honneur de monter sur le podium en compagnie de leur maître. Mais qui mérite le trophée : l’homme ou la bête ? Discipline sportive et amour des bêtes Vu comme un gage de convivialité, l’aspect « amateur » est résolument assumé par les organisateurs et les participants. Au contraire de certains pays anglo-saxons où la discipline s’est professionnalisée au point de faire du gain l’enjeu majeur des compétitions, les paris sont interdits autour du cynodrome, ce qui ne semble poser aucun problème aux personnes concernées. Derrière cet amateurisme de façade, la préparation des animaux n’est en rien le fruit du hasard et exige une véritable rigueur, quasi professionnelle. Philippe Halleux assène : « On fait de son chien un sportif ! Il ne s’agit pas de le laisser toute la journée sur le canapé. Faut le sortir régulièrement, regarder comment il court et surtout surveiller son poids ! En compétition, un centième en plus ou en moins fera que l’animal atteindra la finale ou pas ! » En se baladant le long des caravanes, nous nous rendons compte que certains maîtres bichonnent leur poulain avant et pendant la course : temps de récupérations dans un endroit calme et à l’abri de la chaleur (une caravane ou derrière une toile tirée à l’arrière d’une voiture), échauffement, hydratation, alimentation et même conditionnement mental. Cette préparation digne d’un ath-

lète professionnel exprime l’inébranlable passion des maîtres ainsi que leur affection pour les petites bêtes poilues. Marie-Ange et Alain, propriétaires de pas moins de six lévriers, nous affirment que leur vie tourne autour de leurs chéris. « Ils dorment même avec nous ! Durant la course, on espère toujours ; on frôle la crise cardiaque ! C’est vraiment très fort, c’est difficile à expliquer… » Plus loin, une dame active dans le milieu depuis 1976 me présente son dernier chien comme étant « son bébé » avant que celui-ci n’essaie d’attraper mon micro pour lui faire un sort. Un véritable lien affectif qui explique parfois les débordements de certains maîtres un peu trop sensibles… Un hobby en voie de disparition La plupart des personnes que nous avons rencontrées nous ont fait part de leurs craintes pour l’avenir de leur passion, désertée par les plus jeunes. Selon Philippe Halleux, les jeunes d’aujourd’hui seraient plus attirés par les ordinateurs et autres consoles de jeu plutôt que par une vie dédiée aux chiens. La relève ne serait pas assurée. « Notre situation ma fait penser à celle des courses de pigeons : ce sont souvent des personnes âgées qui ne sont pas remplacées lorsqu’elles décèdent. C’est comme ça. Nous sommes un hobby en voie de disparition. » Dès lors, à l’instar des convoyeurs, les passionnés de courses de chien attendent. S.B.

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Le culte des corps zélés

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Dans la pénombre des gradins, cris d’encouragement déchaînés et beats électroniques assourdissants se succèdent, les uns couvrant les autres dans un déferlement moite d’exaltation. « Numéro 18… » La musique s’arrête subitement. « Numéro 21 … » Auréolé d’une lumière quasi divine, le speaker, se tenant sous l’unique projecteur, énumère. « Numéro 19 …» Les participants se massent à l’appel. « Alleeez ! » Le public joue son rôle, encourage son candidat. La tension est maximale. Contorsions. « Relax… » Relâchement. Depuis les coulisses, attendant son tour, Dogan, « new face » dans le circuit, regarde la scène à travers un coin de rideau relevé. Cette première compétition nationale a pour lui tout du challenge. Tout à prouver, rien à perdre. Le muscle saillant, il s’apprête à monter.

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Quelques heures plus tôt. La pression monte déjà. Dans un petit local isolé, au bout d’un couloir mal éclairé, deux juges, représentants officiels de la N.C.O.B.B. (la fédération nationale de bodybuilding), invitent les candidats à monter sur la balance. Le moment de la pesée est essentiel. Dogan est un peu anxieux. La veille, l’aiguille ne passait pas la barre espérée des 70 Kg. Ce matin, soulagement : un bol de riz à peine ingurgité lui ouvre les portes de la catégorie visée. Le moment n’est pourtant pas au relâchement. Quelques papiers à remplir, en signe de bonne foi et, déjà, il est temps de se joindre à l’excitation des participants arrivant au compte-goutte.

Des embouteillages infernaux infligent à l’organisation, dans un élan de nervosité supplémentaire, de sérieux retards. Pour accéder à l’arrière-salle (qui fera à la fois office de coulisses et de vestiaires pour l’occasion), il faut montrer patte blanche à un cordon de sécurité zélé, une joyeuse farandole d’uniformes rouges au sourire tran-


chant et à l’accent prononcé. Rangées d’abdominaux en étendard et pectoraux pour écusson ne suffisent pas toujours à forcer ce premier rideau. A peines soulevées, les draperies sombres qui servent de cloisons aux bodybuilders en plein échauffement libèrent tout un tas d’effluves caractéristiques, qu’elles avaient jusqu’alors réussi à contenir. « Clac. Clac. » Cordes à sauter frap-

pant le sol. « Clac. Clac. » Paumes des préparateurs physiques martelant les muscles encore froids de leurs poulains. L’odeur qui envahit toute la pièce, l’emportant sur toute autre, c’est celle du « tan », cette substance dont sont enduits les corps pour paraître particulièrement halés, et qu’on pourrait parfois être tentés de confondre avec celle de la testostérone en fermentation.

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Les bancs disposés dans la pièce sont tels des paddocks, par-dessus lesquels nul n’hésite à lorgner. Derrière les salutations cordiales, on se dévisage, on constate les progrès effectués depuis la dernière compétition. S’ils étaient quinze au départ, Dogan et ses partenaires ne sont désormais plus que quatre. Dans la discipline, les abandons sont plus fréquents que les consécrations. Parader devant un parterre de jurés

exigeants et un public déchaîné n’est certainement pas la partie la plus ardue de la pratique. Ces corps prêts à être célébrés sur l’autel de la ferme beauté ne sont pas arrivés ici sans quelque sacrifice. Par temps de compétition, la feuille de route individuelle offre peu d’aires de repos. Pommes. 100gr. Protéines en fusion. 30 gr. Olvarit vanille (nourrissons : 4 mois). Riz. 50gr. Protéines. Olvarit vanille. Pommes, œuf blanc.


Protéines. Riz. 50gr. Protéines. Cabillaud, épinards. Protéines. 2080 Kcal. 6 repas. 12 semaines. Objectif : corps sec, 5% de masse grasse. Dans ces moments de privation extrême, entrecoupés d’exercices physiques soutenus, chaque gramme compte. L’homme en survêtement qui s’apprête à tenter sa chance aujourd’hui dans les catégories des « +70 » évoque difficilement

celui qu’il était encore huit mois plus tôt. Le tas de muscles qui se dessinent sous ses effets feraient presque oublier le jour où Dogan, las de son image, bascula. Oubliés les 100 kg d’autrefois. Les penchants pour la bonne chère ne font désormais plus le poids. Son rythme de vie est totalement calqué sur celui qu’impose la discipline : 2 heures de « cardio », 1h de « body » et journée de travail complète – souvent en-

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tamée aux aurores – doivent apprendre à coexister au-delà de toute tension. Une cadence difficile à tenir sans le soutien d’une compagne elle-même mordue de bodybuilding. Voilà un régime de l’extrême lancé comme un défi à son sens de la détermination. Ses ascensions sont rapides, lorsqu’il s’agit de transformer son corps, lorsqu’il s’agit de gravir sans traîner les échelons. L’odeur persistante du « tan » prend au nez. Comme pour faire oublier les parfums du quotidien. Devenu rapidement responsable dans un fast-food le jour, Dogan passe parfois les plats, les pectoraux emmaillotés dans une chemise aux couleurs de la célèbre chaîne qui l’emploie. Comme une respiration dans l’air saturé par la friture permanente, ses efforts sont aussi soutenus lorsqu’il s’agit de distribuer les rations de gras à des clients généralement déjà bien pourvus que lors de ses séances de transformation assidues visant, justement,


à s’en débarrasser. Grand écart entre la cosmétique des corps secs et celle des tranches de lard dégoulinant, placardés à tout va et vénérés avec autant de constance par les prêcheurs de tous bords. Pour l’heure, lui et ses co-équipiers sont dans l’attente, toujours habillés, le ventre à peine empli. Pour prévenir les crampes musculaires inhérentes aux figures qui vont leur être imposées, certains culturistes avalent des cachets « à sec » (étrange para-

doxe que ces si fragiles montagnes de muscles, vides d’énergie et susceptibles de tant de blessures). Le programme délivré par leur coach leur interdit en effet de boire. Et ce coach, justement, fait défaut. Dogan n’a plus bu une goutte d’eau depuis la veille, fin d’après-midi. Une certaine inquiétude se lit sur son visage. Coups de fils sur coups de fils, les membres de l’équipe et leurs proches venus pour l’occasion tentent de joindre l’entraîneur. Il est retenu depuis plusieurs heures dans

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les embouteillages qui fragilisent toute la compétition (et ceux qui s’apprêtent à la faire vivre). C’est lui qui décide quand boire, quand manger, quand s’échauffer. Lorsque celui-ci, finalement, arrive, sacs sous le bras et assistants à sa suite, tout semble se débloquer. Comme catalysée par toutes les attentes et les tensions suscitées par son absence, son aura prend possession du lieu, illumine, d’un même coup, salle et coulisses toujours plongées dans une demi-obscurité aveuglante, dans une ambiance électrisée. Chris Power, coach réputé pour ses champions sortis de nulle part et vice-président de la ligue nationale, a de la poigne. Une main de fer qui ne souffre aucune concurrence. Pas même celle des vainqueurs à venir. Un attroupement se crée presque instantanément : spectateurs souhaitant récupérer les tickets achetés en prévente, représentants de la ligue dans l’attente d’instructions et bodybuilders tournés vers la compétition se côtoient dans le flot des sollicitations. Dans son veston rouge frappé du sceau de la ligue, rien ne laisse présager qu’il est un coach venu encadrer ses protégés. Agent double, arbitre balloté entre juge et partie, mentor ou gourou, son influence est partout perceptible. Jusqu’à la trainée de particules en suspension née de son va-et-vient de la scène aux backstages. Une feuille placardée sur les murs en bétons des coulisses rappelle le programme du jour. Les seniors de la compétition ouvriront le bal. Du fatras de sacs en pagailles, Dogan sort ce petit quelque chose qui l’aidera à mettre la touche finale, ce petit 50



supplément délicat logé sous la peau et guidé par des veines assez saillantes pour indiquer le chemin à n’importe quel globule égaré. La couche de chocolat en pâte à tartiner ou le filet de miel luisant – luxe du choix – qui accompagne ces galettes de riz soufflé constituent l’apport final en sucres rapides. Corps toujours plus sec. Résultat garanti (pour celui qui aura pré52

alablement pris la peine de se convertir en un tas de muscles présentables). Dans une ligue vendue comme « naturelle » et qui se défend de célébrer des tricheurs, ce sont ces petits détails qui font la différence. Loin des dérives à l’américaine, où l’objectif des 3% de masse grasse tient moins du rêve que des produits dopants, les cas de fraude, même rares, existent. Si


les tests anti-dopage – comme ceux imposés systématiquement aux participants par la N.C.O.B.B. – sont désagréables, perdre la face pour un flacon d’urine ingrat l’est encore plus. Les risques : amende salée et suspension de longue durée. En coulisses, entre adversaires, ça blague, ça provoque et ça rit jaune à la vue de la moindre seringue – gage de convivialité. Le doute

est toujours permis, des stimulants autorisés à ceux qui ne le sont pas. Les tests anti-dopage, imposés par tirage au sort, ne révéleront aujourd’hui rien de litigieux. La file des premiers candidats, massée aux pieds des marches menant vers la scène, se lance à l’appel du speaker. Les règles sont simples et connues de tous. Le jeu se joue en 53


trois temps. Après un premier défilé collectif de figures successives, chacun des challengers se retrouve sur scène pour la phase de « posing », moment de show énergique et minuté. Avec plus ou moins de talents, chacun d’eux se transforme en entertainer, dansant, gesticulant ou feintant l’excellence sur la musique de son choix. L’ardeur du public, bien qu’elle n’en ait pas totalement besoin, dépend avant tout de ce passage obligé, déversant depuis des enceintes poussées au maximum des hits parade plus ou moins entraînants. Quelques heures plus tard, Dogan descend de scène. Il a toujours en tête les cris d’encouragement particulièrement soutenus, bercé par ce doux sentiment de celui qui, offensif et provocateur, a tout donné. Il est temps pour lui de quitter son unique maillot mauve. En temps normal, les candidats gardent leur tenue de compétition sous leurs survêtements. Il faut rester chaud et concentré pour la super finale, qui, aujourd’hui, enverra les plus irrésistibles montreurs de biceps représenter les couleurs nationales à la prochaine compétition européenne. Dogan, lui, sait qu’il peut se rhabiller. Malgré tous ses efforts, il est encore un peu tôt pour lui qui débarque à peine. Tout à prouver, rien à perdre. La nuit s’annonce longue et pleine de récompenses. De celles que se refusent les gourmets. 54

R.G.



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Tentative de prendre de la hauteur, essai n°2 : stÊroïdes en orbite.


Écart(s)


Parler d’autre chose que de braquet Bienvenue à la RTBF : des gardiens zélés en manque de considération, un labyrinthe de couloirs défraîchis parsemés de studios, plateaux et bureaux, des employés en mode « conversations de machine à café », puis enfin la rédaction des sports. C’est là que nous retrouvons Rodrigo Beenkens, le journaliste sportif aux vingt-deux tours de France et aux six coupes du monde. Juste avant un match de coupe de Belgique et un déplacement à Florence pour les championnats du monde de cyclisme, il nous parle de son métier sans cesse écartelé entre la raison et l’émotion.

Quel est le rôle du journaliste sportif ? Le distinguez-vous du commentateur ? Ce qui me gêne par rapport à notre métier, c’est que l’on fasse toujours des distinctions. C’est vrai que l’on est déjà très cloisonné et dans les journalistes amenés à parler de sport, beaucoup sont spécialisés dans un seul sport. Je pense qu’il faut distinguer le journalisme et le commentaire mais je n’aime pas le mot « journaliste sportif », je le déteste et ça fait vingt-cinq ans que je me bats contre cela. Non pas que je le trouve réducteur mais pourquoi être journaliste sportif ? Le terme « journaliste sportif » serait péjoratif ?

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Pour certains, oui. Mais ça n’a pas de raison d’être : vous êtes journaliste ou vous ne l’êtes pas ! Le problème, c’est la confusion

des genres et des conflits d’intérêt. Il y en a énormément et certainement pas moins dans le microcosme des journalistes sportifs. Qu’est-ce que ça veut dire faire du journalisme sportif ? Est-ce que ça sous-entend que l’on est asservi ? Qu’il y a des complicités, des connivences voire des manipulations ? Non, je n’aime pas le terme de journaliste sportif. Quelle est alors la différence entre le commentaire et le journalisme sportif ? Moi, j’ai le privilège d’avoir une double casquette. Commentateur, je suis un homme de terrain, j’essaie de faire vivre un événement en direct – il est évident que je n’ai pas le recul nécessaire pour faire une analyse objective comme il se doit. Dans ce rôle, je suis là pour décrire un événement et puis essayer de le faire vivre ; c’est le registre de l’émotion. Et puis il y a ce rôle de journaliste et d’éditorialiste dans lesquels


je me suis un peu plus spécialisé ces dernières années : je donne des points de vue. Là, c’est un travail purement journalistique où l’on doit aussi dénoncer des dérives, etc. Les deux rôles sont-ils complémentaires ? Oui et c’est très riche. Le journaliste amené à parler de sport trouve ce privilège : aller vers l’émotion à certains moments – le téléspectateur veut se détendre, se divertir et avoir des émotions. Mais ce même téléspectateur peut acheter un journal spécialisé, regarder des émissions spécifiques pour aller plus loin, qu’on lui dise la vérité, qu’on lui donne des clefs pour comprendre. Le journaliste éditorialiste essaie de trouver la raison. Tout le problème dans ce métier réside dans le fait qu’on n’arrivera jamais à trouver l’équilibre entre la raison et l’émotion, entre le besoin de

vibrer et le besoin de vérité. C’est aussi notre mission de la rechercher, quitte à déplaire et toute l’ambiguïté tient au fait que l’on doit plaire durant le commentaire. On passe toujours de l’un à l’autre et on arrivera jamais à trouver un équilibre. Le commentateur a-t-il les moyens d’introduire des éléments de raison ? Bien sûr. Mais un sport n’est pas l’autre. Au football, lors du gros plan d’un joueur, le spectateur ne veut pas qu’on lui parle d’architecture. Même lors du plus mauvais match de foot, c’est toujours « X donne la balle à Y ». Vous pouvez aussi faire une analyse après le quart d’heure, lors d’un temps mort. En revanche, en cyclisme, il y a de nombreux moments où il ne se passe rien – je vais d’ailleurs commenter durant six à huit heures ce dimanche à Florence. 61


Là, il y a de la place pour parler de culture, de littérature, on peut s’amuser. Je peux aussi en profiter pour aller plus loin dans l’analyse et dire « c’est quoi cette sélection de l’équipe belge ? Est-ce logique que toute l’année on court pour un sponsor et là, les rivaux deviennent les coéquipiers et vice versa ? ». Le cyclisme convient donc parfaitement à cela ? C’est pour cette raison que j’adore le tour de France. Presque la moitié du temps, je peux parler d’autres choses que de braquet. C’est un livre ouvert : chaque jour, une nouvelle étape avec des villages différents et des possibilités nouvelles. Il y a un public qui regarde le Tour mais pas les classiques durant l’année. Il faut trouver l’équilibre entre le vrai passionné de cyclisme qui sait très bien pourquoi le gars en tête au classement ne fait pas le sprint, par exemple, et les autres pour qui il faut rester compréhensible et accessible. Vous savez, une personne sur deux demande qu’on lui parle de paysage ; ils veulent qu’on les emmène en vacances, faute de pouvoir y aller eux-mêmes pour raisons économiques ou de santé. Quelque part, c’est aussi une mission de service publique. Mais tous les sports ne se prêtent pas à cela. Et le fait de parler de culture aux spectateurs ? Depuis que je suis dans le milieu, l’idée que, sous prétexte que l’on parle de sport, on ne peut pas parler de culture m’horripile. On fait

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du sportif un écervelé et ça me rend malade. C’est faux ! Ayant eu le privilège d’être un homme de terrain, j’ai entendu des histoires, des morceaux de vie passionnants. Pour revenir à la culture, je crois qu’il faut rester accessible et en sport, on s’adresse à un public tellement varié. Cependant, j’ai eu la chance de travailler avec Frank Baudoncq – vous êtes peut-être trop jeune pour vous en souvenir… Oui, je m’en souviens. Il utilisait des mots magnifiques et on lui disait : « Frank, tu crois que les téléspectateurs sont en train de nous écouter avec un dictionnaire ? » Pour lui, c’était un jeu et il l’a poussé à son paroxysme. Et il était très populaire, sans doute d’avantage dans une couche de la population que dans une autre. Moi, je crois qu’il faut rester accessible. La langue française est magnifique et en tant que journaliste c’est notre premier outil de travail. D’ailleurs, je pense qu’on ne l’utilise pas suffisamment. Je vais vous donner un exemple : sans vouloir critiquer, je constate que l’un des exercices les plus sous-estimés du journaliste aujourd’hui, c’est l’interview. A quel niveau ? De plus en plus, on oublie une chose essentielle : dans une interview, il y a un point d’interrogation au bout de la question. A l’heure actuelle et c’est souvent le cas dans le sport, l’interviewer pose une question interminable se concluant par un point d’exclamation et qui est plus importante que la réponse. On abêtit le gars devant soi.


Or, les questions les plus courtes sont parfois les plus intéressantes. Une question ouverte met la personne à l’aise et puis après, libre au journaliste de prendre le contre-pied ou pas. Donc, selon vous, certains journalistes réduiraient d’emblée l’interviewé à un rôle préconçu ? Bien sûr. Inconsciemment, on crédibilise la thèse que l’interlocuteur n’a pas grand-chose à dire. J’ai pu travailler avec le cycliste Laurent Fignon – paix à son âme – qu’on appelait « le professeur ». Il était redouté par les journalistes car il tournait tout en dérision. C’était un jeu et aujourd’hui on bride ces personnalités-là. Avant, le vestiaire nous était pratiquement ouvert. Maintenant, la communication est refermée, aseptisée ; il y a des attachés de presse partout. C’est tout juste si on ne doit pas donner les questions à l’avance ! Vous imaginez ? Le milieu essaie de se protéger, sans doute aussi parce qu’il a des choses à cacher et c’est notre métier d’essayer de les comprendre. Mais je constate que plus on veut cadenasser la communication, moins on la contrôle et là, il y a un vrai souci. Pour revenir aux commentaires en direct. Vous avez tweeté qu’ils étaient en majorité de la pure improvisation…

il faut assumer. On a des émotions et forcément, on ne contrôle pas tout. Surtout en cyclisme, lorsque vous commentez pendant quatre heures et qu’il ne se passe rien et puis tout d’un coup, un coureur démarre. Lors du dernier tour de France, j’ai dit « Lance, sors de ce corps ! » en voyant Froome attaquer sur le Mont-Ventoux… Tout à l’heure, vous avez abordé le sujet des dérives du sport qu’il fallait dénoncer. Je suis peut-être un grand naïf mais il est clair que le milieu du sport est corrompu. Il est au minimum laxiste et complice. L’attribution des deux dernières coupes du monde ne peut s’expliquer autrement. Je ne peux pas apporter des preuves. J’aimerais bien mais je n’ai pas le temps pour l’instant. Pour être clair : le sommet de la pyramide sportive est certainement laxiste, plus que certainement complice et très probablement corrompu mais pas à tous les niveaux. J’aimerais que les choses changent. Malheureusement, les enjeux sont inimaginables. Cela dit, je pense qu’un jour, le système actuel se plantera. Et pas seulement au niveau du sport.

S.B.

Vous savez, lors de la toute première course cycliste que j’ai commentée, j’ai réussi à dire que quelqu’un avait crevé de la roue arrière gauche… Parfois, vous dites des choses que vous n’expliquez pas et après

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Vivement dimanche Des stades grandioses, des gamins stars au comportement détestable, des joueurs de légende élevés en héros de la nation, des sponsors, des compétitions lucratives, la guerre des retransmissions, des coupes trop lourdes à porter, la gloire, l’argent… Bref, le football dans toute sa splendeur. Le temps d’un match, Ecart(s) Magazine s’est intéressé à une autre dimension du ballon rond. Celle qui se joue dans les petits clubs, en amateur, grâce à l’énergie de bénévoles inépuisables, de passionnés de la première heure et de supporters acharnés.

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Un dimanche d’automne. Le petit village de Biesmerée s’apprête à vivre un duel acharné. Son club de football local, l’Union sportive Mettet-Molignée, rencontre l’autoritaire leader de sa série en 2e provinciale, le club de Chevetogne. Enchaînant les mauvais résultats depuis plusieurs semaines, l’Union, elle, est en pleine crise ; son entraîneur vient de rendre son training. « Comme la sauce ne prenait pas, il a préféré s’en aller », m’explique Nicolas Honnay, l’un des coordinateurs des jeunes du club. Et c’est à l’ancien adjoint, Vincent – dit « Pipo » pour les intimes – que revient la lourde tâche de reprendre l’équipe. « Pipo a été un très bon joueur et il aurait été bien plus haut s’il n’avait pas tant fait la fête… Je crois qu’il a envie de poursuivre ici. Ce qui dépendra des résultats… »


La nostalgie des derbies d’antan Comme son nom l’indique, l’Union sportive est née de la fusion de plusieurs clubs de villages voisins « à cause du manque de finances et de bénévoles », explique Nicolas. Même son de cloche du côté de Luc Van Derweyden, actuel président d’honneur de l’Union : « Les petits clubs avaient deux solutions, soit disparaître, soit fusionner. Des deux maux, on a choisi le moindre même si on a perdu une certaine identité. ». Animé par un certain « esprit de clocher »,

nos deux interlocuteurs regrettent la disparition des derbies, ces matchs « souvent tendus et difficiles » mais où tout le monde se connaissait et faisait la fête. Ce temps des rivalités régionales semble révolu pour Nicolas : « J’ai l’impression qu’à l’avenir, il n’y aura plus qu’un club par commune. Les infrastructures coûtent cher, il faut tout le temps trouver des sponsors. Et puis, les clubs ne sont pas sécurisés, il y a des vols dans les buvettes et les vestiaires. C’est très dur de pouvoir continuer ». 65


PREMIERE MI-TEMPS Les multiples couleurs du supporter Bruits de crampons qui claquent sur le béton. On frappe dans les mains. On s’encourage. Des « allez les gars » et des « tous ensemble » résonnent virilement. Dans leurs traditionnelles couleurs jaune et bleu, les joueurs de l’Union s’haranguent.

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Les maillots rouges de Chevetogne se la jouent tranquille. La confiance d’une équipe leader. En montant sur le terrain, l’un de

ses joueurs imite la musique de la Ligue des Champions. Le coup de sifflet de l’homme en noir inaugure un véritable brouhaha. Joueurs, entraîneurs et supporters s’en donnent à cœur joie. Les spectateurs se concentrent entièrement sur la rencontre. Enfin, presque car plusieurs d’entre eux ne peuvent s’empêcher de suivre en même temps le direct radio de Bruges-Anderlecht via oreillette. Lui-même fan des mauves, Nicolas est l’un de ceux-là. « Ici, il y a beaucoup de supporters des rouges, explique-t-il. On s’allume un peu sur les réseaux sociaux ou


ailleurs mais toujours pour rire. On regarde parfois les matchs ensemble à la télé. Ce sont les plus belles soirées. » Sur la pelouse, Chevetogne survole les débats et inscrit un premier goal, pour le plus grand malheur de Pipo dont les « Jamais ça ! Jamais ! » résonnent tragiquement. Le pire scénario pour l’Union. J’en profite pour me déplacer parmi les supporters des deux camps, les deux mains prises – micro et bières que l’on m’offre à un rythme soutenu. Parents ou proches de joueurs,

hommes et femmes, vieux et jeunes, voire très jeunes. Je croise le journaliste d’une télé locale namuroise qui a l’air de se demander ce que je fais sur son terrain. Des cris de joie résonnent soudain tout autour de moi. Contre le cours du jeu, l’Union vient d’égaliser, ce qui rend euphoriques les spectateurs, jusqu’à la fin de la première mi-temps.

MI-TEMPS (…)

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L’école des champions Tandis que les joueurs regagnent les vestiaires, je rejoins Gérard Fauville, l’autre coordinateur des jeunes. « Je suis dans le monde du foot depuis cinquante ans . Avec les fusions, nous sommes passés de 9 à 85 jeunes ! » . Au club, sa tâche est finalement autant logistique (matériel, transport, convocation) que sociale. « Deux enfants sur trois ont des parents divorcés et nous devons parfois jouer un rôle. Il faut être à l’écoute de tout. Pour certains parents, le foot n’est qu’une garderie et c’est malheureux. Mais c’est à nous d’en faire abstraction et de nous focaliser sur l’enfant, voir qu’il progresse, qu’il prend du plaisir. C’est déjà bien. » Pour l’ancien instituteur et directeur d’un établissement scolaire qu’il est, Gérard Fauville voit le foot comme une autre école pour les plus jeunes. « Ils se défoulent, s’extériorisent et l’esprit d’équipe peut leur apporter énormément. » DEUXIEME MI-TEMPS Le match reprend selon la même physionomie : Chevetogne domine, l’Union résiste. Près des vestiaires se tient une grande silhouette arborant un brassard blanc. « Il indique que je suis responsable en cas d’incident : je dois intervenir et protéger l’arbitre et l’équipe adverse s’il le faut. » Tombé dans le foot quand il était petit, Jean-Philippe Kolodziej est le délégué du club. Il prend également en charge l’accueil des visiteurs. «C’est à moi de m’assurer qu’ils soient bien reçus et pourquoi pas nouer des liens de camaraderie avec eux. Ce sont toujours les mêmes équipes dans la série, donc on finit par recroiser les mêmes personnes. » Nous sommes interrompus : 68


un joueur local marque d’une tête rageuse sur coup de coin. 2-1. Les supporters du coin exultent, ceux de Chevetogne ne comprennent pas et s’énervent. Pipo le coach hurle à ses joueurs, « On mène, on ne sort plus hein ! ». La solitude de l’homme en noir Je contourne le terrain pour me diriger vers l’épicentre de la tension: le banc des entraîneurs. Pipo vit son match. Il fume clope sur clope, encourage et engueule ses joueurs tout à la fois, passe ses frustrations sur un panneau publicitaire. Sous son regard inquiet, les actions se suivent. Puis survient un incident : un jaune et bleu fauche un rouge qui s’effondre sur le sol. L’arbitre siffle, appelle le joueur fautif – tous les acteurs retiennent leur souffle – et sort le carton rouge. En un instant, l’homme en noir devient la cible de toute la fureur locale et le responsable de tous les malheurs du monde. Tous se déchaînent contre lui – « Référé, la rouge là-dessus ? », « t’es visionné hein ! », « référé tu fais quoi, là ? » – mais l’officiel demeure stoïque, laisse passer l’orage. « Ici ou ailleurs, je crois qu’il y a des supporters qui feraient bien de réfléchir avant de s’énerver. L’arbitre doit parfois se boucher les oreilles, déplore Nicolas. C’est ridicule, nous sommes là avant tout pour nous amuser ! » Les choses finissent par se tasser. Le foot reprend ses droits. En infériorité numérique, l’Union fait mieux que résister : sur un contre rondement mené, les joueurs parviennent à inscrire un troisième goal. Complètement inespéré. Mais loin de baisser les bras, Che-

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vetogne revient à 3-2, rendant la fin du match électrique. L’équipe locale fait le gros dos pour résister aux assauts répétés des rouges ; dans ses filets, son gardien réalise des prouesses dignes de Spiderman. Les supporters se rongent les ongles, regardent sans cesse leur montre et dépérissent. Et finalement, le référé met un terme au supplice. Le club tient sa victoire. TROISIEME MI-TEMPS Joueurs, supporters et dirigeants célèbrent la victoire. Les joueurs vident le « bac » de circonstances devant les vestiaires dans une joyeuse hilarité. Plus rien ne peut arriver. Je me prête à l’exercice d’usage pour tout journaliste sportif, l’interview d’après match, avec William Edebouw, le capitaine de l’Union. A chaud, il me sert le discours attendu : « Je pense qu’on a fait une belle performance. Quand on joue en équipe, on peut détrôner tout le monde, même les premiers. » Puis, William me parle de sa passion. « Le foot m’apporte du plaisir, on se retrouve entre potes. C’est notre moment, où on peut relâcher la pression après une semaine de boulot. » Perdre dix minutes de vie tous les dimanches

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Complètement défoncé à l’euphorie et à l’adrénaline, Pipo vient à son tour près de mon micro : « Que dire ? Je suis content de la victoire et puis de la manière, de la mentalité des joueurs – ils ont été exemplaires et je leur dit chapeau. C’est magnifique. ». Concernant

son stress et son agitation durant le match, il me dit tout naturellement: « Je crois que j’ai perdu dix minutes de vie aujourd’hui ! Mais si ça peut apporter des résultats, je veux bien le faire tous les dimanches ! » Outre la préparation des entraînements, la composition d’équipe à établir, le coach doit, selon lui, jouer un rôle de rassembleur en-dehors du terrain en « restant disponible pour les joueurs, les aider à résoudre leur problème. ». Un peu plus loin, l’arbitre sirote une bière, désormais au calme. Préférant « ne pas trop prendre de risque », il refusera de répondre à mes questions. De l’importance de la troisième mi-temps Désormais déserté, le terrain est devenu l’aire de jeu de plusieurs enfants. A leur tour, ils frappent la balle, marquent des goals, mimant leurs idoles du FC Barcelone et d’ailleurs. Juste à côté, les adultes s’activent dans la buvette, résolus à gagner la fameuse « 3e mi-temps ». Les plateaux de bières défilent à un rythme toujours soutenu. Supporters, membres du comité, joueurs des deux équipes et même l’arbitre s’y donnent à cœur joie. Autour d’une petite mousse, nous retrouvons le président d’honneur qui nous évoque les bienfaits de ce moment spécial, quasi magique : « Une victoire, ça doit se vivre ensemble, tout comme la défaite. C’est là que les joueurs peuvent s’interpeller de manière positive, s’auto-évaluer. C’est important pour ne plus commettre les mêmes erreurs. Cela vaut pour le foot mais aussi pour la vie, le monde professionnel… » Profitant de la tournure philosophique que prend


la discussion, je lance Luc Van Derweyden sur les incidents qui marquent parfois le foot. « Vous savez, c’est toute la société actuelle qui est agressive et c’est déplorable quand cela arrive. Lors d’un match, chaque personne réagit de façon complètement différente selon son club, son éducation, ses tripes ; la difficulté vient du fait que le foot brasse quantité de personnes venant de milieux très différents ! »

S.B.


Quand la danse est sanctuaire

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La pièce est claire. Les murs blancs. Sous la peinture, les briques incitent mon imagination à voyager. Ces murs n’ont pas toujours été l’enceinte d’un studio. Ils ont vécu d’autres vies. Je ne connaitrai pas leur histoire. Aujourd’hui, les fenêtres sont ouvertes sur l’arrière d’appartements un chouïa délabrés. Des enfants jouent sur les toits. Ils épient discrètement ce qui se trame à quelques mètres d’eux.

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Louise Vanneste a posé un tapis sur le sol. Orange. Elle s’assied en tailleur, ferme les yeux, respire. Son corps commence à bouger. Doucement. Elle s’étire, s’installe, maintient la pose. Elle noue ses cheveux. Les dénoue. Les rattache. Un chignon. Une queue. Jamais libres. Tout en souplesse. Son regard est lointain, mais loin de se perdre. Intérieur. Extérieur. Un vaet-vient permanent. Elle ne danse pas encore et pourtant, les vêtements noirs qu’elle porte valsent au gré des postures de yoga qui s’enchainent. Ses mouvements sont précis, contrôlés. De temps en temps, j’entends le son d’articulations qui craquent, comme pour rythmer la mélodie de ses respirations profondes. Denses. L’échauffement prend fin. Vient maintenant le moment de répéter sa pièce. Home. Elle se dénude partiellement, libère sa chevelure. Tout d’un coup, une musique affranchie de rythmes emplit la scène : des riffs de guitare, des sons, lancés en continu. Le rituel peut prendre place. Introspection. Elle appose ses mains sur ses paupières closes. Respiration. Petit à petit, elle commence à se déplacer. Lentement. Au ralenti. Ses yeux sont ouverts. Ils pourraient être fermés. Je ne sais pas si elle me voit tourner autour d’elle, la photographier, m’approcher, m’éloigner. La regarder.

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Elle circule dans l’espace qu’elle a délimité. Un rectangle qu’elle parcourra à quatre reprises. Tout comme on ne traverse jamais deux fois la même rivière, chaque passage diffère. D’abord rigide, son corps se contorsionne peu à peu. Il est attiré par le centre, par le sol. Être dans l’opposition, puis dans

l’acceptation. Pénétrer l’espace et ne plus se contenter de le contourner. Être tout simplement présente. Ici et maintenant. Dans une narration qui lui est propre, Louise Vanneste explore sa maison dansée. Ce lieu que l’on habite et qui nous habite. Un parcours initiatique. Une aventure dans laquelle elle m’invite à plonger. Son corps parle, exprime avec sensualité ce que les mots ne peuvent pas raconter. L’équilibre précaire sur lequel chacun se repose est brisé, transformé. Tout d’un coup, le silence revient. Elle me regarde, me sourit. C’est le retour à une autre réalité.

J.-M.D.


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Louise Vanneste est une chorégraphedanseuse bruxelloise formée à l’école P.A.R.T.S. en danse contemporaine. Créée en 2010, Home, est sa deuxième pièce. Elle travaille actuellement à la réalisation de Going West, un roadmovie muet avec pour acteurs principaux le corps et son environnement.

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La valse des protège-tibias


Presque invisible depuis la route, un bâtiment reculé apparaît enfin. Encerclé d’une végétation ayant de toute évidence repris ses droits, une lande d’asphalte légèrement craquelée sert de parking aux visiteurs. Depuis l’intérieur résonnent les bruits étouffés de roues semblant lécher en boucle les marquages au sol. Probablement aussi confidentielle que doit l’être la discipline elle-même, la salle, habituée à accueillir tous types de sports, offre depuis peu l’hospitalité à l’équipe féminine de roller derby locale. Aussi délicates que le nom de guerre qu’elles ont choisi pour se représenter, les filles de la Holy Wheels Menace sont en plein entraînement. Après quelques exercices ludiques d’échauffement, jammeuses et blockeuses (généralement reconnaissables à leurs casques) s’élancent sur la piste ovale constituée pour l’occasion. Le track, bricolé à l’aide de quelques plots, n’évoque pas tout de suite les surfaces inclinées à l’américaine. Le décor est loin de rivaliser avec celui de Bliss, ce succès populaire à l’origine de nombreuses vocations. Les difficultés pour trouver une salle adaptée et qui ferait fi des préjugés font partie du quotidien de l’équipe. Perchées sur leurs quads (plutôt des patins que des rollers en ligne), les joueuses se lancent dans la bagarre ; le roller derby est une course de contact, où – en principe – tous les coups sont permis, tant qu’ils sont circonscrits audessus de la mi-cuisse. Au cours d’un match, tout usage fait des coudes et des avant-bras sera immédiatement sanctionné par l’arbitre. 79


« Ici, en entraînement, on est entre amies, donc on fait quand même attention, on s’aide à se relever, on regarde si tout va bien… » Et lorsque la pression se fait intense, lorsque les équipes sont au coude à coude, la physionomie du match pourra vite dépendre de celle des joueuses en lice : « Tout à son importance lorsqu’il s’agit de bloquer une concurrente ou de mettre des points, la taille comme la corpulence sont des éléments essentiels dans la stratégie de l’équipe ; les joueuses doivent pouvoir se compléter ». 80

Pourtant, les clichés sexys imposés par le minishort et largement diffusés par les médias ont la vie dure. Ils imposent d’emblée une certaine méfiance. L’imagerie véhiculée avec le renouveau de la discipline, au Texas dans le début des années 2000, n’y est sans doute pas étrangère. Depuis ces premiers shows hauts en couleurs reviennent en boucle quelques motifs imprimés, faisant de la discipline une croisée de tous les chemins, une convergence de styles pointus et codés, surfant sur une nouvelle


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vague d’un féminisme enlevé. Des incursions dans l’univers visuel du rockabilly de ces mentors aux influences punk rock dans lesquels ses participants sont allés piocher, le roller derby serait donc peut-être plus qu’une simple discipline sportive, un peu plus qu’un sport de contact spectaculaire, frôlant dans ses multiples déséquilibres tant de velléités artistiques. Pas-de-deux, pointes saccadées, déploiements gracieux partagent la piste avec coups d’épaules, blocages et esquives dans le ballet agile de la pure dépense physique où les figures sont libres (et toujours pleines de surprises). 82

R.G.


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Tentative de prendre de la hauteur, essai n°3 : des illusions à domicile.


Écart(s)


Équipe Rédaction : Sylvain Bayet, Julie-Marie Duro, Renaud Grigoletto Graphisme et mise en page : Gérôme Mariette Photos : Renaud Grigoletto, Julie-Marie Duro («Quand la danse est sanctuaire») Illustrations : Julien Mariette (entractes illustrés)


Remerciements Merci à Marc Cloes (Professeur à l’Université de Liège, Pédagogie des activités physiques et sportives), Philippe Godin (Université Catholique de Louvain, Président actuel de la Société Belge Francophone de Psychologie du Sport) et Jean-Michel De Waele (Université Libre de Bruxelles, Doyen de la Faculté des sciences sociales et politiques) pour leurs regards éclairés, tantôt passionnés, tantôt critiques, rapportés en préambule de ce numéro.

Merci à Dogan K., son coach et son équipe, pour avoir levé, à bout de bras, le voile sur une discipline musclée souvent mal connue. Merci à Rodrigo Beenkens pour la faveur faite à notre équipe en lui proposant une plage libre dans son agenda journalistique saturé d’événements sportifs, pour commenter son métier et ses expériences au cœur même de la rédaction des sports de la RTBF.

Merci à Tarek S., président de la Brussels Parkour School et traceur de l’ombre, pour nous avoir ouvert les portes de son univers à ciel ouvert et celles de son association.

Merci à Nicolas Honnay ainsi que tous les autres membres du Comité de l’Union Sportive Mettet-Molignee pour leur accueil et à tous les acteurs de ce match de football dominical aux multiples rebondissements.

Merci à Frédéric Paulus qui nous a reçus dans le fan home, point névralgique des supporters rouches les plus fervents, théâtre de ce projet complètement foot mené sous la supervision bienveillante de son association Fan coaching.

Un grand merci à Louise Vanneste, danseuse et chorégraphe, qui nous a permis de nous faufiler dans son studio lors de la préparation de sa récente représentation de Home.

Un grand merci au comité du C.N.B.C.L. Awans pour nous avoir laissé traîner au milieu des aficionados de la course canine, à peine moins féroces que leurs poulains respectifs mais tout aussi attachants.

Enfin, merci à la Holy Wheels Menace pour l’initiation – dans la bonne humeur – à la discipline du roller derby et les quelques chutes qui en auront découlé.



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