Bruxelles Culture septembre 2021

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BRUXELLES CULTURE 5 septembre 2021 Brussels Diffusion asbl Contact et abonnement gratuit : pressculture4@gmail.com

RENCONTRE : MICHEL JOIRET


RENCONTRE MICHEL JOIRET Organisateur de débats, conférencier, écrivain et pédagogue, Michel Joiret a été nommé, en 1990 et par Jack Lang, ministre de la Culture, de la Communication, des Grands travaux et du Bicentenaire, tout en étant promu au grade de Chevalier dans l'Ordre des Arts et des Lettres. Animateur de la revue Le Non-dit, consacrée aux arts et à la littérature en particulier, ce Bruxellois a accepté de revenir sur son parcours sans fautes et de répondre à une série de questions pour circonscrire ses activités. Rencontre. Où et quand avez-vous vu le jour ? Je suis né à Ixelles, le 31 janvier 1942. On dit que j’ai été accueilli par la guerre et le froid. Si la guerre s’est diluée au fils de la mémoire, le Nord, par contre, a laissé en moi un appel et un désir. Mais pardessus tout, la représentation que je m’en fais. Votre papa, Rupert Joiret, était artiste à sa manière et était un ami de Michel de Ghelderode. Qui était cet homme réputé pour sa jovialité, mais également pour ses coups de colère ? Mon père était un homme de l’Entre-deux-guerres. Il adorait le spectacle, les cercles où sa verve faisait mouche et où il s’affichait dominant, en présence d’amis, de comédiens, d’artistes divers, de magiciens, de prestidigitateurs, sans oublier la compagnie du sulfureux Michel de Ghelderode, une amitié née au Régiment et qui s’acheva plus tard dans la ferblanterie des querelles d’égos. Amoureux du théâtre et chansonnier à ses heures, il a proposé une chanson à Maurice Chevalier (« Il y aura encore de beaux jours ») et, à la Libération, il a composé une comédie (« Cœur de Française »), interprétée par une troupe du Théâtre amateur. Peintre du dimanche, il est également l’auteur de plusieurs toiles qui ne manquent ni d’intérêt ni de caractère. Homme sévère, parfois tyrannique, il a été pour moi un père impitoyable, imprévisible et joyeux, redoutable dans l’arène des divorcés et des gardes non-partagées. Je retiens : il a fondu en larmes quand je lui ai lus mes premiers poèmes ! Petit, vous vous réfugiez souvent dans le silence et l’imaginaire. Pourquoi ce retrait ? Parce que, affecté d’une sensibilité suraiguë qualifiée par mon entourage de féminine, je craignais pardessus tout les échardes de l’existence et la vindicte des agressifs. Les autres me faisaient mal, me faisaient peur et ne pouvaient d’aucune manière entrer dans la guerre des figurines de plâtre que je menais entre deux forts articulés autour de boîtes à chaussures. A quel âge, le recours a l’écriture s’est-il avéré une nécessité ? De douze à quinze ans, je collectionnais de piteux succès d’estime, qui confortaient à peu de frais mes velléités d’écriture. J’avais enfin conquis le droit d’exister. Je disposais d’un statut dans le milieu scolaire grâce à la bienveillance de certains enseignants : Joiret, poète… Intouchable ? Il y a eu aussi la lumineuse convergence entre la naissance du sentiment amoureux et ma totale incurie pour le mener à bien. A seize ans, la fabuleuse découverte de l’Histoire littéraire a sans nul doute fait tourner la roue de mon projet d’écriture. Mais, à dix-huit ans, dès lors que je me prenais pour Rimbaud et optais moi aussi pour le divorce avec le monde, il m’est apparu que l’écriture, isolée de son emprise sociétale, deviendrait pour moi le cœur, la voix et l’énergie créatrice. Votre biographie évoque Le Grenier aux Chansons, cabaret consacré à la chanson, à la littérature et à la poésie, situé non loin de la Grand Place et tenu par Jane Tony. Parlez-nous de cette enseigne bruxelloise ! Cousine du Lapin Agile, de la rue des Saules, au cœur de Paris, le Grenier aux Chansons bruxellois de la rue du Marché-aux-Peaux, a éclairé de manière décisive, le Landerneau belge de l’époque. Le Grenier


des années 60, sous la houlette de Jane Tony, son infatigable et irremplaçable animatrice, et d’Alain Miniot, maître en comédie, lecteur inspiré, équilibriste ou « urgentiste » des mots, c’est selon, a plus qu’utilement secoué la vassalité timorée et accessoirement suspecte de la Belgique littéraire à la France. La carte des « bonheurs » fut considérable à plus d’un titre : chansons et poèmes offerts à la lumière, artistes en phase de reconnaissance, vedettes en passe d’être honorées. Maurane avant sa relation décisive avec Nougaro, Ann Gaytan apparue en première de Léo Ferré au Cirque Royal, bouquets d’artistes de toutes générations, ambiance providentielle de fumée joyeuse et de saluts d’artistes … Comment dire ? Épingler un visage au Grenier ne peut faire oublier tous ceux qui ont, peu ou prou, activé la formidable ligne créatrice de Jane Tony : auteurs en devenir, Académiciens chevronnés, poètes surréalistes, guitaristes, pianistes, comédiens, chanteurs, chanteuses, etc. Tous se sont croisés, affirmés, réjouis, aimés autour de tables improbables, souvent bancales, grasses de consommations résiduelles, de coudes serrés, de mégots, de bonnets et d’écharpes odorantes. L’accès aux commodités passait par un étroit escalier menant à la cave, à la fois réserve de boissons et centrale électrique, digne d’un thriller d’épouvante ! En proie à des pannes régulières, sinon systématiques, le courant traversait miraculeusement les lieux par un lacis de fils apparents et d’interrupteurs déboîtés. Mais, dans la salle du haut, rehaussée d’une avant-scène étroite et peu rassurante, chauffée par un appareil au gaz à bonbonnes et, surtout, par un enthousiasme collectif de bon aloi, Jane Tony risquait malicieusement ses histoires de « Jeffke » entre deux prestations. Sans oublier de fourrer hâtivement dans les mains bienveillantes d’Alain, le souriant enchanteur, des textes requérant un déchiffrement instantané et une interprétation immédiate ! Artistes, poètes et public se retrouvaient sur le trottoir, assurés que le miraculeux Grenier n’aurait jamais de fin, que la notoriété était en marche, que Jane Tony était touchée par l’immortalité et qu’Alain Miniot serait pour chacun de nous, le pérenne interprète de notre jeune écriture. Par quel type d’ouvrages avez-vous débuté comme écrivain ? La poésie a été ma première langue. Il me semblait à l’époque que toute autre forme d’écriture aurait trahi la parole intime que je voulais privilégier. J’ai cependant été séduit très tôt par la monographie, le commentaire de lecture, le recours pédagogique qui facilite l’approche des œuvres majeures. Oser l’écriture narrative m’est venu plus tard. Vous avez rédigé une monographie de Michel de Ghelderode. Quel était réellement ce personnage, ancien fonctionnaire de l’administration communale de Schaerbeek, journaliste, dramaturge joué un peu partout et homme enclin à mettre en scène sa propre existence ? J’ai eu la chance de le croiser quand on m’asseyait, un jouet dans la main, dans l’allée latérale d’une salle de spectacle alors que j’étais enfant. Ami provisoire de mon père, personnalité charismatique des années 30 avec cape noire, chapeau noir et canne noire, Ghelderode était par-dessus tout l’un des plus éminents dramaturges que compte notre pays. Son biographe le plus assidu, le professeur Roland Beyen, a consacré son énergie, son temps et son inlassable curiosité intellectuelle à relever, à travers la correspondance de l’auteur d’Escurial, patiemment et savamment annotée, les traces d’une écriture flamboyante, inventive et si personnelle. Amitiés, amour, désamour colorent la vie d’un homme imprévisible et rugueux, soucieux de sa liberté d’être et à ses emportements. Son lyrisme drôle et impertinent en a fait un épistolier redoutable autant que redouté. Absent de la Belgique littéraire, Ghelderode a malmené l’intelligentsia d’une communauté littéraire qui, par ailleurs, ne lui a jamais pardonné ses pulsions autarciques, ses frasques et ses débordements comportementaux répétitifs. Et cependant, le jeune homme sensible de « L’Homme sous l’Uniforme » et de « La Halte catholique », n’a pas jeté qu’un regard distrait sur les charmes de son environnement. Mais Michel de Ghelderode s’est inventé sa propre Genèse et a peaufiné en même temps une biographie intemporelle. Le XVIe siècle espagnol a nourri sa chimère et la Flandre mythique a logé son rêve. Mon père et lui se sont croisés


au cours de leur service militaire et leurs rapprochements se sont nourris d’une passion mutuelle pour le théâtre. La rupture, mélodramatique et tonitruante qui a suivi, a fait un grand trou dans la mémoire collective des Joiret ! Mais quand je relis, a contrario et non sans malice, le billet de rupture qui a scellé la désunion des deux compères, je ne peux que sourire. Le grand Michel élevait décidément, et jusqu’à l’excellence, l’art de se rendre insupportable ! En 1960, lors de mes premières recherches dans les milieux fréquentés par qui passe volontiers pour l’un des concepteurs du théâtre de l’absurde, j’ai reçu quelques volées de bois vert dès qu’il s’est agi d’évoquer la personnalité du sulfureux artiste. En citoyen du passé, Ghelderode avait dénoncé sans ambages la frilosité, voire l’ambiguïté des figures littéraires de ses contemporains. Non loin de lui, Jacques Brel en son emploi de Don Quichotte, au plus haut de la scène, mais nourri du même lait de la révolte, n’avait-il pas renchéri : « De tous les peuples de la Gaule, ce sont les Belges qui portent le mieux les valises » ? Vous avez été également conférencier. Quels thèmes défendiez-vous ou quelles personnalités cherchiez-vous à faire connaître ? A vingt ans, Ghelderode, encore et toujours lui ! Mais aussi le théâtre de l’absurde, Odilon-Jean Périer, Georges Simenon, etc. Et encore quelques idées-forces qui touchaient à la lecture. Ne sommes-nous pas nourris de littérature française ? Quid d’une littérature qui développerait l’idée d’une communauté de langue ? Franz Hellens et Charles Bertin y ont pensé. Dans les années 60, la littérature belge était approchée au dernier trimestre de la classe de rhétorique et on y évoquait presque exclusivement les poètes Emile Verhaeren et Maurice Maeterlinck ! Nous comprenions : dans les coulisses de l’étincelant Panthéon littéraire français, serions-nous les obscurs porteurs d’eau d’une langue et de son imaginaire ? En même temps, l’idée d’une production littéraire nationale faisait son chemin. Quels souvenirs gardez-vous de votre passage dans l’enseignement ? Avant tout, le formidable sentiment d’être en phase avec la vie qui marche ! Mais en même temps, la nécessité péremptoire d’inventer l’école au-delà des schémas de l’Institution scolaire. J’ai la conviction d’avoir été socialisé par mes anciens élèves, autant que toléré dans le chaudron du jour à faire ! L’adolescent inscrit ses propres codes à l’agenda de l’enseignant et c’est en partageant le meilleur, voire le plus secret de soi, qu’il m’a été possible d’entrer en relation avec lui. L’informatif est voué à la destruction s’il ne s’intègre pas dans un projet cautionné par le groupe. Chaque jour de classe est un nouveau monde et l’enfant le propre avatar de lui-même. Pourquoi êtes-vous parti enseigner en Tunisie ? Parce que j’avais lu « L’Atlantide » de Pierre Benoit et « Noces » d’Albert Camus. Surtout, parce que je rêvais d’un monde en devenir, plus conforme à mon imaginaire. Par ailleurs, la perspective militaire qu’on attribuait à tout jeune homme de l’époque, et à laquelle on affectait une connotation formative, ne rencontrait ni mon projet professionnel ni l’idée que je me faisais du service. De plus, le rapport temporel que je tissais entre mon pays de culture et la Tunisie n’en finissait plus d’alimenter ma réflexion. On m’a donc offert un poste d’enseignant dans une école secondaire du sud tunisien. Proposition que j’ai accepté avec joie ! Vous avez également travaillé comme chargé de mission dans le cadre de la Réforme de l’Enseignement professionnel. A ce moment, quels étaient vos objectifs ? Ici, les préoccupations sociales et pédagogiques ont émergé. Quelques idées-forces ont eu chez moi la primauté. A savoir, la conviction qu’il n’y a pas de fatalité dans les choix de formation professionnelles et que, en aucun cas, les filières nobles ne peuvent alimenter le réservoir pédagogique des nantis ! A


contrario, les filières trop souvent perçues comme déclassées ou moins prestigieuses ne peuvent souffrir plus avant d’une dégradante distinction. Il y avait à l’époque un clivage d’orientation singulier et interpellant qui demandait une correction et des aménagements. Les filières techniques et professionnelles, de même que les conditions d’accès aux Universités, devaient être reconsidérées. Pour moi, adolescence et mouvance vont de pair et les fluctuations sociales du quotidien peuvent modifier le cours d’un projet de vie autant qu’un projet d’étude. En rendant plus flexible l’accession à des filières quelquefois très éloignées l’une de l’autre, la Réforme a pris en compte l’exceptionnelle mobilité de l’apprenant. Comment ne pas me réjouir de l’évidence et d’avoir pu rendre aux enfants qui m’ont été confié, cette disposition de remettre inlassablement sur le métier l’ouvrage du jour qui vient. Y a -t-il des thèmes qui alimentent votre plume ? Vie et mort dans nos gestes les plus anodins, passé-présent, son théâtre de lieux et de visages en effacement, mais aussi l’imperceptible auquel on prête quelquefois une charge symbolique. Avec, dans la mire et sans nécessairement dresser pour elle un cadre qui l’isolerait d’une écriture voisine, la femme dans la cité, la femme associée aux arbres, aux rivières, aux fluctuations du temps qu’il fait et qui passe, ses innombrables postures d’Eve, de sœur, d’épouse, de maîtresse, de passante ou d’étrangère. La femme et la beauté, inlassablement dénotée. Thématique ouverte au désir, mais sans jamais épuiser les ressources de la langue, comme si l’usage du français entendait réserver, tout en retenue, l’oralité de l’étreinte au seul débordement verbal de l’instant. Dans la poésie, j’entends comme une incomplétude entre amour, langue et beauté, mais je poursuis sans répit un rêve de symétrie et de cohérence : détecter dans une même tessiture l’accord entre ce que j’écris et ce que je vis. Quelles qualités nécessite l’acte d’écrire ? Voir dans l’écriture un besoin et l’honorer, mais recourir en même temps à une connaissance intuitive et technique de la langue. On écrit « soi », alors que ce sont d’autres qui lisent un texte construit et qui attendent de s’y retrouver et de se reconnaître dans la chair d’une image, d’une émotion ou d’un accord. Il faut peut-être ne jamais se satisfaire d’un poème, mais se réjouir d’en avoir eu le projet ! La poésie suppose également des heures de lecture périphérique, qui permettent en outre de détecter le propos sublimé, l’invention métaphorique, dans d’autres formes d’écriture. Il faut aimer serrer des mains, serrer des mots … ne pas entrer dans des querelles égocentriques et, sans doute, préserver la disposition du cœur qui permet d’inventer la poésie chaque fois qu’elle émerge du tout-venant. A ce jour, combien d’ouvrages avez-vous signés et de quelle manière les regardez-vous rétrospectivement ? Une septantaine d’ouvrages : poèmes, roman et, monographies. Il faudrait peut-être y inclure quantité d’articles, de commentaires critiques, de présentations d’auteurs, etc. Je ne vois pas mon travail littéraire, alors que je l’aligne fidèlement sur la traversée des jours en ne faisant aucune distinction entre ma vie et ma vie en écriture. Ce que j’ai pu écrire ne m’appartient pas davantage que les pages d’un agenda. Les récrire ne m’appartient plus et ne me passionnerait guère, sans parler de la difficulté qu’on peut rencontrer en associant des temps d’écriture éloignés et a fortiori indistincts. Par lequel faudrait-il débuter pour se familiariser avec vos univers ? Dans « Madame Cléo » et « Le Carré d’Or », deux romans, il me semble avoir introduit un courant d’âme qui me ressemble. Toutefois, je reste convaincu que la sagacité du lecteur est souveraine. Le roman dont je suis le plus proche est celui que je termine actuellement. Une manière de me projeter en solitaire sur les terres inconnues de la lecture et de la relecture.


La poésie occupe toujours une place particulière dans votre existence. Quelle est-elle ? La première, sans aucun doute ! Dans sa qualité d’initiatrice et d’éveilleuse. Elle a été la première écriture à dompter mes émotions, à réguler le flux sensible qui tente obstinément de tout recouvrir. Elle est moins une démarche d’écriture qu’une disposition naturelle au chant, à la prière et (ou) au désir. Polymorphe dès lors qu’elle s’introduit dans le roman, l’œuvre théâtrale et dans les messageries les plus variées, elle apparaît comme l’éclat, le joyau d’un propos. Citez-nous quelques-uns de vos auteurs préférés ? Montaigne, Baudelaire, Alain-Fournier, Loti, Proust, Camus et, parmi beaucoup d’autres, Sollersv. Tous dans un grand sac, au bout du possible ! Mais aussi tant et tant d’autres compagnons muets, fidèles et d’une disponibilité sans égale. Je recours très souvent à leur sagesse et folie confondues, les rapprochant d’une perception plus fine encore de la réalité seconde qui m’anime et me fait vivre. Ainsi, la lecture de Combray, premier opus de « La Recherche du Temps perdu », a singulièrement élargi mon champ d’écriture. Marcel Proust s’y remémore une averse ordinaire – les perles de pluie dégouttant des feuilles de marronniers, avec une exactitude de clinicien, associant dès lors la réalité à une sorte de phonologie sensible. A la seule lecture de ce passage, il me revient d’avoir senti au bout des doigts des gouttes de pluie sorties pour un temps de leur littérarité ! Comment se porte l’univers du livre au XXIe siècle et à quel(s) défi(s) est-il confronté ? Même s’il a cessé d’être le compagnon exclusif de l’intériorité en même temps que le principal artisan de notre information sensible, le livre traverse et traversera les mauvais temps, un peu comme les hommes-livres, si justement modélisés par le cinéaste François Truffaut en 1966 dans « Fahrenheit 451 ». Dans un monde ébouriffé aux structures sensibles quelquefois peu lisibles, le livre n’a pas fini de rendre le meilleur de soi au profit d’une intimité d’âme à reconquérir. Selon vous, un bon livre, c’est … Un livre d’art où l’imaginaire, le fond de l’être et l’effet-miroir rendent, du monde inconnu, sa généreuse lisibilité. Retrouvez Michel Joiret sur le site www.micheljoiret.eu Propos recueillis par Daniel Bastié


EXPOSITION : JEAN-PIERRE VENTZISLAV DIKOV

CRANINX

&

Jean-Pierre Craninx a vu le jour en 1965 à Waremme. Ses recherches picturales l’ont poussé à explorer l’art abstrait émergent et, en particulier, la monochromie. Diplômé de la Haute Ecole Saint Luc de Liège, il a été professeur de design et a exercé diverses professions tout en n’abandonnant jamais le pinceau. Pierre Soulages reste à ce jour sa référence principale, même s’il voue une immense admiration à James Austin Murray, Gerhard Richter et Giancarlo Bargoni, des maîtres selon ses termes. Au moment de générer une œuvre nouvelle, il s’affranchit de toutes limites et s’abandonne pleinement à son imagination, sentant vibrer les couleurs pour donner corps à des effets structurés. A l’huile, il préfère l’acrylique, l’époxy, le polyester et les enduits minéraux. Comme ses œuvres s’agencent essentiellement sous la forme de noirs, le rôle de la lumière influence grandement chaque composition. De la sorte, rien ne l’empêche de mettre côte à côte plusieurs noirs bien distincts, jouant avec les nuances et les contrastes ténus qui contribuent à opérer toute la différence. Lors d’un entretien récent, il a parlé de son modus operandi de la sorte : L’utilisation judicieuse de la matière picturale noire permet selon moi et mieux que toute autre couleur, de mettre la lumière en scène. Cette dernière devient alors acteur principal, le peintre se muant en réalisateur tentant d’imposer un scénario imparfait à un comédien magistral aux talents infinis. Un autre aspect de mon travail est l’usage de contrastes très puissants entre les noirs brillants et les mats très absorbants, de manière à accentuer la « présence » du tableau. J’aime l’attraction que peut alors susciter l’œuvre d’art dans son environnement en la rendant plus présente par le fait de mettre certains noirs en « vibration » côte à côte au sein d’une même composition. Ventzislav Dikov est un artiste bulgare dont les peintures ont été exposées à l'échelle nationale, ainsi qu'en Allemagne, en Espagne, en France, au Japon, en Corée du Sud, en Slovénie, en Turquie et en Serbie. Artiste autodidacte, il débarque aujourd’hui en Belgique et a choisi Espace Art Gallery pour exposer ses travaux les plus récents. Il croit en l’art en tant que vecteur de contact. Plutôt que de privilégier une forme intellectuelle de la création, il opte pour des toiles qui tiennent à la fois du surréalisme et du folklore, laissant libre cours à son imagination féconde pour mettre en scène des animaux fantastiques, des personnages incroyables ou des formes qui se succèdent avec générosité. Son style unique et éclectique se traduit à travers des huiles qui sont autant d’invitations au dialogue. Sans jamais raconter d’histoires, ses toiles peuvent être interprétées comme des premiers chapitres qui happent le regard du public pour, ensuite, l’inviter à imaginer la suite. Le subconscient est également présent à de nombreux échelons, avec des instantanés qui semblent émerger d’un rêve consenti et consentant Cette exposition est à découvrir du mercredi au samedi de 11 h 30 à 18 h30 et du 3 au 26 septembre 2021 à Espace Art Gallery. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.espaceartgallery.eu Rue de Laeken, 83 à 1000 Bruxelles Daniel Bastié


HENRI VERNES EST PARTI, MAIS BOB MORANE RESTE AVEC NOUS TOUS Quand on parle de vous à l’imparfait, on sait à quoi s’en tenir. Notre cher Henri Vernes n’est plus1 et laisse Bob Morane, Bill Ballantine, le professeur Clairembart, Sir Archibald Baywatter, L’Ombre Jaune (même elle), et ses admirateurs dans la tristesse. Le héros continuera à vivre, sans nul doute, même si Henri Vernes avait souhaité que celui-ci disparaisse avec lui. Comprenons qu’il ne souhaitait pas qu’un auteur (ou plusieurs) s’empare(nt) de son héros. Ce à quoi il aurait finalement consenti. Quant aux admirateurs, c’est sûr, ils continueront d’admirer à la fois le héros et son créateur. Mais pourquoi cette admiration, qui perdure malgré les âges avancés de ses lecteurs, pourquoi? Nous sommes en 2021 et les premiers lecteurs de Bob Morane sont toujours à son écoute, voire à son affût2. La réponse est à la fois simple et complexe. Simple, parce qu’il suffisait (et il suffit toujours) de lire la première page d’un Bob Morane, quel qu’il soit, pour lire tout le reste du livre, sans répit. Complexe, car cette œuvre que l’auteur destinait à un tout jeune public a fait surtout école parmi les adultes. Henri Vernes lui-même en riait. Il traitait les quinquagénaires, les septuagénaires et même les octogénaires qui l’adulaient de grands enfants et se plaisait à dire de ses deux cent cinquante histoires3 qu’elles n’allaient pas plus loin. Autrement dit, qu’il ne fallait pas chercher le mérite là où il n’était pas et des réponses sérieuses là où elles n’étaient pas attendues. Cela dit, ce jeune public auquel se proposait Henri Vernes devait être sacrément compétent en langue française, car le vocabulaire, les descriptions, très littéraires pour la plupart, les références historiques, les commentaires scientifiques, les observations ethniques et éthiques, la syntaxe de l’auteur, tout cela était pour le moins consistant, trop consistant, pour un enfant de douze à quinze ans. C’est bien à cet âge-là, pourtant, que, dès 1953, les jeunes lecteurs se sont emparés fougueusement des aventures de Bob Morane et se sont ouverts l’esprit à la littérature (d’aventure). Mais, de 1953 à 1970, il faut reconnaître que l’éducation scolaire de la jeunesse se portait bien, à tel point que les professeurs de français regardaient d’un mauvais œil que leurs élèves lussent Henri Vernes plutôt que les auteurs classiques, qu’ils imposaient. Il faut dire aussi que les jeunes des golden sexties ne se laissaient pas rebuter par un mot nouveau, soit qu’ils lui trouvaient un propre sens par déduction ou par imagination, soit qu’ils allaient tout simplement consulter le dictionnaire, ce que l’on faisait encore volontiers en ce temps-là. Et ils sont quantité, ces vieux jeunes lecteurs, à avoir appris à aimer lire (voire à écrire eux-mêmes) strictement grâce à Henri Vernes. Ajoutons que cette jeunesse venue à Henri Vernes avait également le mérite d’aborder des éditions Marabout-Junior qui, à l’origine, dès 1953 donc, étaient particulièrement peu commodes du point de vue de la typographie, le fameux corps 11, des paragraphes plus ou moins longs, des marges de lecture étroites, du coloris du papier jaunissant, etc. Le seul attrait esthétique des éditions Gérard était bel et bien la couverture et les illustrations de Joubert et de Dino Attanasio. Henri Vernes est décédé à Saint-Gilles, sa commune d’élection, le 25 juillet 2021, à l’âge de 102 ans. Merci donc aux éditeurs belges Claude Lefranc et Claude Decnop, qui ont réédité l’intégralité de l’œuvre d’Henri Vernes et qui nous proposent depuis quelques années de nouveaux auteurs s’inspirant des personnages d’Henri Vernes, dans les éditions Anankè et L’Âge d’Or. 3 Estimation approximative, aventures de Bob Morane, récits historiques, romans divers, contes, films et bandes dessinées, le tout mélangé. Henri Vernes lui-même, en 2012, hésitait entre 220 et 250. 1 2


Éditions originales qui se sont fortement améliorées en cours de route et qui sont à ce jour des objets cultes pour les collectionneurs. En particulier, La vallée infernale. Le mérite d’Henri Vernes est grand, n’en déplaise à la modestie du défunt. Je viens de passer en revue une quinzaine d’ouvrages, tous consacrés à L’Ombre Jaune, cet infâme mongol aux yeux bridés qui ne sont plus qu’une étroite fente dans un visage d’un jaune olivâtre, aux pommettes marquées. Monsieur Ming, alias L’Ombre Jaune, est un terroriste notoire. Son objectif, détruire l’humanité, médiocre selon lui, pour lui substituer une nouvelle civilisation centrée sur… la nature. Un écologiste avant l’heure, en quelque sorte, ce Ming fortuné et disposant de toutes les armes nécessaires pour faire taire le monde, une fois pour toutes. J’ai été frappé par le savoir-faire de ces quinze récits, simples exemples pris au hasard dans l’œuvre complète d’Henri Vernes. La mise en place des circonstances, l’ouverture des récits, la récurrence et l’approche des personnages, leur convergence les uns vers les autres, le fonctionnement des chapitres, les rappels historiques, tout évolue là comme un film bien fait et vous tient, vous étonne, vous surprend jusqu’à la fin, qui n’est jamais qu’une fin provisoire, sachant que Bob Morane sera de retour dans une très prochaine aventure. Le contrat signé par Henri Vernes, dès 1953, imposait des dates de parution précises (tous les deux mois) avec des rigueurs à respecter, pas de violence, pas de sexe, pas de politique… Parmi les atouts d’Henri Vernes, il y avait l’ambiance. Celle du brouillard londonien par exemple, brillamment décrit dans Les yeux de l’Ombre Jaune (La jeune fille – presque une enfant – fuyait à travers le smog, ce brouillard londonien fait de brume et de fumée, qui l’entourait telle une chair molle et visqueuse à laquelle les maisons auraient servi de squelette). L’ambiance des rues, des villes, des forêts, l’ambiance des vieux temples en ruines, l’ambiance des Indes d’hier et d’aujourd’hui, l’ambiance des Caraïbes, l’ambiance de l’Afrique Centrale, tout élément géographique, terrestre, montagneux ou maritime, était un bon prétexte pour Henri Vernes à décrire. Mais la description chez lui cédait immanquablement le pas à l’action, autrement dit aucune description n’était jamais gratuite ni ludique. (On ne décrit pas pour se faire plaisir, disait-il, même si c’est agréable à l’auteur, mais pour placer clairement le cadre de l’action.) Il faut bien se souvenir que lorsque Jean-Jacques Schellens, le directeur des éditions de Marabout-Junior, a approché Henri Vernes en 1953, avec l’intention de lui demander six récits par an (Il nous fallait un héros qui paraisse tous les deux mois!), le doute était permis quant à la faisabilité du projet. À ce moment-là, alors qu’Henri Vernes travaillait sur la première aventure de Bob Morane ((La vallée infernale, futur n°16 de la collection Junior), voilà qu’un certain Edmund Hillary venait de conquérir l’Everest (29 mai 1953), trois jours avant le couronnement de la reine Elisabeth d’Angleterre. Pour mettre Henri Vernes à l’épreuve, disons pour le tester, Jean-Jacques Schellens le stoppe dans son élan et lui commande un récit sur les Conquérants de l’Everest, dans le cadre de la collection “récits historiques” qu’il vient de lancer chez Marabout (14 titres parus déjà, tous accompagnés d’un précieux Marabout Chercheur). Se prenant au jeu, Vernes emprunte quatre livres à la Royale, dont celui de Hunt, le colonel qui avait dirigé l’équipe de l’Anglais Hillary et du sherpa Tensing, et se met au travail. Le livre est écrit, imprimé et publié en un temps record, c’est-à-dire en un mois. Des mots de Schellens, ce livre prouvait sa tenue, sa qualité d’écriture, son intérêt. Démonstration était faite que quelqu’un, derrière ce récit, était bourré de capacités. (Quand on travaille vite, on travaille bien, dira souvent Henri Vernes). De fait, La vallée infernale sortira le 16 décembre 1953, plus ou moins


six mois après Les Conquérants de l’Everest (n°10). On connaît la suite. Les deux Bob Morane suivants (Sur la piste de Fawcett, n°26, et La griffe de feu, n°30) seront écrits à l’étranger, à la Martinique et en Colombie. Et tous les autres, d’année en année, contribueront grandement à l’essor des éditions MaraboutJunior, aux côtés d’André Fernèz (Nick Jordan) ou de René Philippe (Sylvie). Publiés sous le nom de Jacques Seyr ou d’Henri Vernes, plusieurs récits à la fois descriptifs et historiques sortiront chez Marabout-Junior, comme Les conquérants du Nouveau-Monde (n°37), Des hommes sur un radeau (n°56), La hache de guerre (n°64), Les compagnons de la fibuste (n°68) ou l’Or des Incas (n°72). Autant d’ouvrages qui ont pu être à l’appui des cours d’histoire pour jeunes élèves motivés. Il faut aussi noter que, bien avant que commence l’aventure prolifique avec Jean-Jacques Schellens, Henri Vernes avait déjà largement indiqué son intérêt littéraire pour l’aventure et les civilisations primitives ou disparues dans des ouvrages publiés entre 1945 et 1955, parfois sous le nom de Charles-Henri Dewisme (La forêt du temps, Un territoire encore inviolé), parfois déjà sous le nom de Jacques Seyr (La première hache, La poule mouillée, Dix mille ans après l’atome) ou sous celui de Ray Stevens (A la recherche du monde perdu), ou enfin des contes sous le nom d’Henri Vernes (La piste des éléphants, L’homme-qui-a-tué-la panthère)4. Autant de titres qui indiquent clairement la propension d’Henri Vernes pour les cultures d’avant, naturelles et originelles. Revenons à nos lectures exemplaires. Dans les Papillons de l’Ombre Jaune, le récit commence par un prologue, où l’on voit un guerrier Kikuyu, un certain Awolo, se faire mordre par un étrange papillon. On ne comprendra le sens de ce prologue qu’au premier chapitre, Bob Morane et Bill Ballantine étant en vacances à Nairobi, rares vraies vacances que s’offraient les deux amis dans un pays d’élection, le Kenya, et qui, naturellement, tourneront à l’aventure. Dans La forteresse de l’Ombre Jaune, même chose, le prologue nous présente un avion de reconnaissance de l’USAF qui se trouvera en perdition suite à un barrage électromagnétique. Il faudra lire le premier chapitre pour commencer à comprendre le sens du prologue. Dans Les Sortilèges de l’Ombre Jaune, Bob Morane et Bill Ballantine sont interpellés, dans l’appartement de Bob Morane, quai Voltaire, rien moins que par Merlin l’Enchanteur qui les prie de le délivrer d’une certaine Viviane (Tania Orloff, en vérité) qui l’a emprisonné. Dans Une rose pour l’Ombre Jaune, la subtilité est qu’il faudra attendre la 45ème page pour voir apparaître Bob Morane et Bill Ballantine au volant d’une Jaguar E. Belle subtilité, d’autant plus difficile pour un jeune lecteur qu’Henri Vernes se transporte au Moyen Âge et y développe à la fois un style, un vocabulaire et des éléments historiques propres à la littérature médiévale. Magnifiques quarante-cinq pages qui mêlent le charme d’une époque prisée par Henri Vernes (troubadours, châteaux, donjons, belle et très belle demoiselle courtisée par un preux chevalier auquel elle demande un cadeau qu’elle croit impossible, une rose impérissable) et le fantastique (un sorcier satanique, Zanhédrin-Az-Azal, capable d’indiquer au chevalier Yoland de Montalde où se trouve la rose en question). Un dernier exemple, Les poupées de l’Ombre Jaune, où Henri Vernes se ballade dans les rues de Chinatown (San Francisco) sous une pluie diluvienne, laissant Bob roucouler avec Nathalie Wong et Bill râler contre l’eau, qu’il a toujours détestée (Un Écossais, vous comprenez), jusqu’au moment où un Chinois (Comme on était à Chinatown, il 4

Charles-Henri Dewisme a écrit sous quelque onze pseudonymes, dont les moins connus sont Gaston Bogard, Cal W. Bogar, Robert Davids, Duchess Holiday, C. Reyns, Pat Richmond, Lew Shannon… Les éditions Anankè ont édité ou réédité les Contes et récits d’aventure d’Henri Vernes en 5 volumes de très belle tenue et fort agréables à lire.


s’agissait d’un Chinois) accourt en hurlant Les poupées!…les poupées!… Ce premier chapitre est une mise en bouche parfaite, pleine d’humour (Pourtant, il s’agissait bien d’êtres humains (…) Ils n’avaient pas de nageoires, leurs mains n’étaient pas palmées et ils ne semblaient pas posséder de branchies), laissant dès le départ faire et refaire connaissance avec les caractères typiques de Bob Morane (jeune, serein, sûr de lui) et de Bill Ballantine (jeune aussi, mais gigantesque, roux, grognon, et préférant de beaucoup le Vat 77 à la pluie). Le rapport du duo avec le Chinois effrayé est particulièrement bien narré dans ce premier chapitre qui, je le redis, regorge d’humour (Personne n’aurait été assez cruel pour mettre une canne à pèche dehors par un temps pareil). Visionnaire, Henri Vernes l’était. Cultivé, il l’était aussi, grandement cultivé, de par ses voyages, ses innombrables lectures et son goût pour l’objet rare, trouvé ici et là dans les brocantes hebdomadaires, en Belgique (quartier du Sablon, à Bruxelles), ou à l’étranger. Collectionneur et lecteur fervent5, liseur pour être plus précis, selon ses mots, Henri Vernes injectait dans ses récits la pure synthèse de ses trouvailles. Bob Morane est ingénieur, polyglotte, aviateur compétent (ex-Flying Commander de la Royal Air Force), habile au combat (toutes formes d’arts martiaux), amoureux des beaux objets (un vase en faïence de Faenza, par exemple, soigneusement enfermé dans une grande vitrine dans son appartement, Quai Voltaire, les armes du Moyen Âge, les vieux livres, les grimoires, les reliques, etc.), passionné de la nature et des peuplades primitives. On y voit beaucoup de traits propres à Henri Vernes, amoureux de l’Amérique du Sud. Comment en aurait-il été autrement? Un aventurier est forcément quelqu’un qui a tout vu, tout connu, tout jugé, tout combattu, même s’il n’a que 33 ans (jamais atteints, d’ailleurs). Sans être moraliste ni moralisateur, Henri Vernes aimait lâcher au hasard de ses récits des petites opinions sur le bien et le mal. En privé, il n’hésitait pas à dire que les grands conflits de l’humanité tenaient à la religion bien plus qu’à la politique. Le monothéisme, selon lui, a été le départ de la grande intolérance. Le polythéisme avait au moins ceci de bon qu’il pratiquait et permettait le syncrétisme, le Panthéon était donc le meilleur symbole de la tolérance. Intégrer le ou les dieux des pays conquis, c’était le plus sûr moyen de s’adjuger sinon leur fidélité, au moins leur apport à la grande culture gréco-romaine, qui deviendra universelle. Henri Vernes vous racontait tout cela avec force anecdotes. Universel, notre cher Henri Vernes l’est devenu, sans jamais avoir abandonné la Belgique pour autant (Ath, Tournai, ses villes d’attache, et Saint-Gilles, sa commune résidentielle) – cela malgré son grand intérêt pour la découverte du monde dans ses limites les plus éloignées, où il aurait pu s’établir. Certains pays le passionnaient, comme le Kenya, d’autres lui plaisaient, comme Haïti et Israël, où il s’est rendu à plusieurs reprises (L’anneau de Salomon a été commencé en Israël). Publiés dans une douzaine de langues, dont le japonais, l’hébreu et l’arabe, ses ouvrages se sont vendus par millions et son duo aventurier a motivé toutes les jeunes générations, depuis 1953 jusqu’à nos jours. Certes, de nos jours, ce sont plutôt les BD (quelque 85 titres) qui accrochent les pré-adolescents et adolescents mais, mieux vaut cela plutôt que rien. Ce qui est le moteur dans l’imagination féconde d’Henri Vernes, c’est évidemment l’héroïsme du duo Bob/Bill, deux baroudeurs inséparables, fidèles l’un à l’autre mais autocritiques, l’un et l’autre, deux invincibles, même s’ils prennent des coups ou se font torturer, deux défenseurs du bien qui viennent toujours à bout du mal, incarné par l’Ombre Jaune en particulier, mais L’appartement qu’occupait Henri Vernes à Saint-Gilles, depuis une quarantaine d’années, regorgeait de petites richesses artistement exposées, dont une Vierge romane du XIIème siècle, des éditions rares de la Bible, une édition originale de Rabelais, des armes et casques du Moyen Âge, des souvenirs amérindiens et haïtiens, etc. 5


aussi par d’autres vilains gaillards qui dérivent de L’Ombre Jaune, du genre de Roman Orgonetz. L’invincibilité ou le super-héroïsme (le critère actuel du cinéma) a toujours fasciné la jeunesse, celle d’hier, celle d’aujourd’hui et celle de demain. Henri Vernes avait très bien compris cela, comme tant d’autres romanciers, Kipling, Kessel, Conrad, Cendrars, Bombard, notamment, qu’il appréciait. Ou comme Hergé. Henri Vernes n’était pas homme à se reconnaître des “maîtres”. Il est pourtant un prodigieux conteur auquel il a dédié un de ses ouvrages (Trafic aux Caraïbes, n°206), son ami Tiger Jack, entendez Jean Ray… La mer des Caraïbes est un haut lieu historique de la flibuste et de la piraterie. De nos jours encore on y voit de criminels trafics. La réalité, comment en douter, a été elle aussi une toile de fond à l’écriture d’Henri Vernes. Quoi de mieux, pour garder auprès de vous cet homme qui avait voué sa vie à l’écriture (il écrivait comme il respirait, il écrivait même en dormant, le plus souvent à la main, la machine à écrire n’étant utile, à ses yeux, que pour la photographie en quatrième de couverture chez Marabout-Junior), quoi de mieux donc que de retourner à vos bibliothèques et d’en sortir une pile de Bob Morane, auquel Joubert et Dino Attanasio avaient été les premiers à donner un visage, et de lire un chapitre par-ci, un autre par-là, à moins que de tout relire, si vous tombez dans le piège – inévitable – de la séduction? Mieux encore, lisez ou relisez les Mémoires d’Henri Vernes, qu’il avait publiées en 2012 aux éditions Jourdan. Vous y rencontrerez une grande part du véritable Charles-Henri Dewisme, qu’on aurait voulu éduquer à la boucherie, mauvais élève à l’école mais premier en composition française, fugueur en Chine à dix-neuf ans, marié et divorcé très jeune, diamantaire, espion pendant la deuxième guerre mondiale, grand ami de Jean Ray et de Bernard Heuvelmans, le père de la cryptozoologie, et vous verrez que l’homme et son héros sont, comme bien des artistes, immortels. Quelque peu amer, ces deux ou trois dernières années, Henri Vernes est allé jusqu’à dire qu’il a vécu cent années de trop et que Bob Morane lui aurait mangé la moitié de sa vie, à raison de trente pages par nuit dans les nombreuses années de forte production (six volumes par an). D’aucuns se sont d’ailleurs permis d’estimer qu’Henri Vernes aurait pu être un grand écrivain sérieux, comme Simenon, par exemple, s’il ne s’était pas laissé accaparer par Bob Morane. La vérité est bien simple. La littérature, c’est ce qui se lit avec plaisir et les deux cent trente ou deux cent cinquante Bob Morane regorgent de ce plaisir. Que cet excellent homme, qui hantait le quartier du Sablon avec sa veste d’aviateur et son cynisme savoureux, sache, là où il est à présent, que ce plaisir qu’il nous a donné à tous ne s’éteindra jamais. Jean Lhassa


EXPOSITION : NAPOLÉON, AU-DELÀ DU MYTHE Avec une scénographie immersive s’étendant sur près de 3 000 m² à Liège-Guillemins, cette exposition retrace le parcours de Napoléon. Evitant de « dorer l’image » avec des figures d’Epinal, l’approche de sa carrière se veut objective et critique, nuancée par de nombreuses recherches historiques. Aujourd’hui, la personnalité de l’Empereur divise l’opinion. Certains voient en lui l’innovateur qui a fait aboutir les principes de la Révolution et qui a initié la France moderne. D’autres ne retiennent que ses guerres destructrices, les conscriptions forcées, les entêtements d’un chef obtus à la moindre concession sur la carte de l’Europe. En Angleterre, curieusement, on le glorifie parce que c’était un général prestigieux qui a été vaincu par Wellington. En Italie, on le respecte parce que sa famille était italienne. En Espagne, on le déteste parce qu’il a destitué le roi pour mettre sur le trône son frère Joseph Bonaparte, et parce que les Espagnols lui ont mené une guérilla sanglante. Quel roman, ma vie ! C’était ce qu’il aimait répéter pour résumer sa carrière. A neuf ans, Napoléon ne parlait pas le français. C’était un enfant de Corse, né dans une famille modeste d’Ajaccio dont le père était avocat. Ce père, d’abord hostile aux Français qui venaient d’envahir l’île, se rallie ensuite au gouvernement royal qui reconnaît ses titres de noblesse non avenus sous les Génois. Le 14 juillet 1789, alors que la Bastille est prise d’assaut pour mettre fin aux privilèges, Napoléon Bonaparte, dont le nom a été francisé, a 19 ans. Jeune officier à peine sorti de l’école militaire, il est caserné à Auxonne, sur la Saône. Passionné par les sciences, brillant en mathématiques – c’est pour cela qu’il a été versé dans l’artillerie –, il a aussi des ambitions littéraires. Il lit énormément. Il démontrera plus tard à Goethe, poète allemand, qu’il a lu sept fois Les Souffrances du jeune Werther parce qu’il aimait ce récit nourri d’un romantisme puissant. C’était un intellectuel qui s’exprimait dans un langage martial non dénué d’humour, avec des mots crus qui pimentaient ses sorties. Il retenait tout avec une mémoire photographique infaillible, lui permettant de reconnaître les soldats à leur simple visage : c’est ce qui le fit aimer d’eux. Mais Napoléon était aussi le roi des lapsus, confondant sur ses cartes d’état-major un point « fulminant » pour culminant et « amnistie » pour armistice. Il est vrai que le français n’était pas sa langue maternelle et qu’il s’exprimait aussi bien en italien. A 26 ans, après avoir écrasé l’insurrection royaliste à Paris en 1795, il est nommé général à la tête de l’armée d’Italie. A son retour d’Egypte où il a tenté de fermer les routes commerciales anglaises, il renverse le régime discrédité du Directoire et s’impose rapidement sur le devant de la scène. Il est nommé Premier consul le 1er janvier 1800. Le voici maître ainsi de la France à 30 ans. Quatre ans plus tard, il se fera proclamer empereur des Français, avec la bénédiction du pape Pie VII et sous l’assistance des


membres de sa famille réunie au chœur de Notre-Dame de Paris. On peut identifier, dans la peinture magistrale de David, plus de 200 personnages qui incarnent un monde où se croisent l’ancien et le nouveau régime. Le reste, c’est l’affaire des guerres, de plus en plus meurtrières, que Napoléon livra aux souverains d’Europe pour imposer les idées de la Révolution française et fermer les côtes aux Anglais par le Blocus continental. L’Autriche, la Prusse, la Russie et l’Angleterre lui ont répondu par sept coalitions qui aboutirent à Waterloo, le 18 juin 1815 – le clou du spectacle. Sur une soixantaine de batailles, Napoléon en a remporté 42, il a subi 11 défaites, dont la dernière à Waterloo, et 8 resteront d’une issue incertaine. Son œuvre On lui doit une œuvre majeure, inscrite en temps de paix : le Code civil ou Code Napoléon, publié en 1804, dont il a surveillé les travaux pendant dix ans et pour lequel il a désigné quatre juristes éminents. N’ayant reçu lui-même aucune formation juridique, il a néanmoins participé à près de la moitié des séances de travail qui commencèrent en 1794, sous la Convention. C’était sa plus grande fierté parce que le Code incluait les principes de la Révolution pour tous. Il a aussi institué les préfets qu’il a chargés de plusieurs rôles, leur donnant mission de faire des relevés démographiques, de construire des routes, d’améliorer l’hygiène et la sécurité. Les premières vaccinations datent du Consulat. Lui-même fit tracer des canaux pour la circulation des marchandises. L’idée d’un Sénat est la sienne. De même que celle d’instituer les lycées, le baccalauréat et l’université moderne. Il a inauguré la Cour des comptes et il a favorisé la recherche. C’est lui qui a permis à la France d’avoir, dès 1812, le sucre de betterave. En revanche, il a limité la liberté de la presse soumise à la censure (60 journaux interdits sur 70 à Paris). Et surtout, il a permis le retour à l’esclavage dans les colonies françaises. Aboli par la Convention de 1794, l’esclavage fut rétabli par Napoléon en 1802, sous la pression des hommes d’affaires qui avaient besoin d’une main d’œuvre bon marché. Son héritage De Balzac à Victor Hugo, en passant par Lamartine et Stendhal, nombre d’auteurs l’ont glorifié. Même les Anglais avec Walter Scott. D’autres au contraire l’ont détesté, comme Chateaubriand ou Mme de Staël qu’il fit exiler. Plus tard, le cinéma s’est emparé de lui avec Napoléon d’Abel Gance ou Guerre et Paix de Bondartchouk, d’après l’œuvre de Tolstoï. En tout, près de 200 films. Et l’on ne compte pas les reconstitutions historiques qui sillonnent l’Europe à sa mémoire. Ce destin hors normes a inspiré de nombreux auteurs qui ont forgé la postérité de l’Empereur : plus de 80 000 livres lui ont été consacrés, soit plus d’un livre par jour depuis sa mort en 1821, à Sainte-Hélène, dont cette exposition commémore le bicentenaire.


Vous pourrez suivre l’Empereur à travers 300 pièces authentiques qui exposent son parcours. A travers aussi des scènes et des décors qui représentent les grands moments de son existence : ses campagnes militaires où il étudie les cartes d’état-major, le Sacre où il se couronne lui-même empereur devant le pape en arrière-plan, ou bien ses errances à Sainte-Hélène. Ici, c’est son bicorne qui s’affiche devant ses victoires, là c’est Waterloo qui a signé sa déroute après une journée d’épreuves, de tension et de boucheries. Il aurait pu l’emporter si Ney était arrivé à la place de Blücher. Le sort en a décidé autrement. L’exposition commence à l’île du bout du monde, au beau milieu de l’Atlantique, là où Napoléon dictera ses mémoires de Sainte-Hélène. Jusqu’à ce que la maladie le terrasse sur son lit de camp, après six années d’exil. Le « général Bonaparte » sera enterré dans une tombe sans nom, avant que ses cendres ne soient rapatriées à Paris en 1840. Tout cela est visible au fil de l’exposition. Venez la découvrir avec le Code civil toujours en vigueur aujourd’hui. Un très beau livre richement illustré vous sera présenté à l’issue de la visite que vous ferez avec l’audioguide. Tout vous y sera montré et expliqué. Tickets en ligne et infos : www.europaexpo.be. A la gare des Guillemins à Liège jusqu’au 9 janvier 2022. Michel Lequeux

EXPOSITION : DINO WORLD A travers un parcours intérieur et extérieur gigantesque, partez à l’aventure avec toute la famille pour découvrir le monde extraordinaire des dinosaures et faites un bond de plus de six millions d’années dans le temps. Découvrez de nombreuses nouvelles animations pour la rentrée à Dino World, agrémentées d’une plaine de jeux extérieure, d’une zone d’excavation et de châteaux gonflables, sans oublier la rencontre avec des dinosaures plus vrais que nature dans un parcours immersif agrémenté de projections vidéo. Laissez-vous impressionner par la taille et les rugissements du tricératops, du brachiosaure ou du célèbre Tyrannosaure. Evaluez l’envergure fantastique du Ptéranodon et comparez vos empreintes à celle d’une jeune Diplodocus. Une exposition à découvrir jusqu’au 27 novembre 2021 à Brussels Expo (Heysel). Voyez les tarifs et les heures d’ouverture sur le site www.expodino.be Place de Belgique, 1 à 1000 Bruxelles Sam Mas


EXPOSITION : MÉDAILLONS - DES MINIATURES SUR VERRE Les Musées royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles conservent une belle collection de vitraux, constituée de plus de trois cent cinquante œuvres datant du XIIIe au XXe siècle. Celle-ci demeurait peu étudiée et méconnue du grand public. Grâce au projet de recherche interdisciplinaire « Fenestra- Huit cents ans d’histoire du fenestrage, démarré en 2017, cet ensemble qui constitue une ressource importante pour l’étude du verre plat dans les anciens Pays-Bas est maintenant analysé, conservé dans de bonnes conditions, valorisé et en partie exposé. Dès le mois de juillet 2021, une sélection de médaillons issus de cette collection a été exposée au Musée Art & Histoire. Ces petits panneaux de verre incolore sont généralement circulaires, d’où le nom de « médaillon » ou « rondel ». Ils sont rehaussés d’un décor peint. Bien qu’ils soient actuellement méconnus, ceux-ci ont eu un grand succès dans toute l’Europe dès le XVe siècle. Leur petit format était idéal pour les insérer dans une vitrerie ou un vitrail. Les rondels exposés datent des XVIe et XVIIe siècles, période pendant laquelle les arts verriers des Pays-Bas et de la principauté de Liège étaient en plein essor. L’exposition retrace, dans un premier temps, l’évolution technologique et artistique du verre peint. La seconde partie de l’exposition s’attache aux thèmes représentés sur les rondels. Ceux-ci sont souvent délicatement peints de scènes religieuses illustrant les saints patrons ou les scènes bibliques ou encore de représentations profanes répondant aux goûts nouveaux de la clientèle aisée qui se développe à l’époque. Les rondels forment parfois des séries, illustrant différents épisodes d’un même récit. Ils sont souvent inspirés de copies de tableaux de peintres réputés circulant sous forme de dessins. L’essor de la gravure et l’invention de l’imprimerie permirent, par la suite, aux peintres-verriers d’avoir accès à de nouveaux modèles. Enfin, l’exposition aborde la question des centres de production. Si, au cours des XVIe et XVIIe siècles, la production de rondels devient une industrie florissante dans les Pays-Bas, leur attribution à l’un ou l’autre atelier, est souvent difficile. Pour distinguer le travail des peintres-verriers actifs à Anvers, Bruges, Gand, Malines, Bruxelles, Louvain, Liège et ailleurs, il faut se baser sur l’iconographie, la technique utilisée et le style, ou encore la provenance des pièces. Une exposition semi-permanente à découvrir au Musée Art & Histoire. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.kmkg-mrah.be Parc du Cinquantenaire à 1000 Bruxelles


CRÉATION : THE TIME OF OUR SINGING L’année dernière, au moment de présenter la programmation de sa saison 2020-21, la Monnaie annonçait fièrement la création mondiale de The Time of Our Singing, un nouvel opéra commandé au compositeur belge Kris Defoort sur un livret rédigé en anglais par le dramaturge Peter van Kraaij, adapté du roman éponyme qui valut à son auteur, Richard Powers, un grand succès public et critique. Cette production, au sujet toujours plus actuel, a dû être reportée d'un an en raison de la pandémie et inaugurera la saison lyrique 2021-22 sous la direction de Kwamé Ryan et mise en scène par Ted Huffman. Paru en 2003, le roman original suit la quête identitaire de la famille Strom à travers plusieurs décennies. Les parents, David et Delia, se rencontrent en 1939 lors du concert historique de la contralto Marian Anderson devant le Lincoln Memorial, une étape importante dans l'histoire de l'émancipation de la communauté afro-américaine. David est un physicien juif allemand immigré, Delia une jeune afroaméricaine, née à Philadelphie et dotée d’une voix sublime. Se découvrant une passion commune pour la musique, ils tombent amoureux et fondent une famille en dépit des préjugés racistes de la société. Ils ont trois enfants : Jonah, Joey et Ruth. Le premier devient un ténor particulièrement talentueux et se fait accompagner au piano par son frère, tandis que Ruth rejoint un groupe d’activistes luttant contre la ségrégation raciale. Après avoir été éloignés par les vicissitudes socio-politiques de leur époque, les trois enfants sont réunifiés dans l’école où Joey enseigne la musique grâce à une improvisation musicale collective où se mêlent le classique et le jazz. À travers le destin émouvant de cette famille métissée, Richard Powers raconte l’histoire des États-Unis du XXème siècle avec un véritable sens de l’épique. Rythmé par la musique qu’écoutent et qu’interprètent les personnages, ce roman a reçu de nombreux prix et distinctions prestigieuses tandis que la carrière de son auteur a récemment été couronnée par l’attribution du prix Pulitzer. Dès sa première lecture de The Time of Our Singing, Kris Defoort savait qu’il détenait la première ébauche de son nouvel opéra. Outre la puissance émotionnelle du récit et son ancrage historique, la présence continue d’œuvres musicales au sein de la narration semblait constituer le matériau idéal pour une adaptation lyrique. Le compositeur belge a donc proposé le projet à Peter de Caluwe qui lui avait commandé une nouvelle création pour la Monnaie. Il a donc noirci ses portées en songeant à un orchestre relativement restreint (une vingtaine de musiciens), où se mélangent instrumentistes classiques et jazzmen assurant les parties improvisées. Son langage musical se veut ici hybride, avec des accents contemporains, des parties délibérément mélodiques et du jazz. Aux sept solistes qui chanteront les rôles des membres de la famille Strom viennent s’ajouter quelques personnages secondaires et un chœur d’enfants. Ces derniers interviennent à la fin de l’opéra, non seulement pour représenter la classe de Joey, mais surtout pour incarner la possibilité d’un avenir sans barrières socio-culturelles. Dans sa mise en scène, Ted Huffman propose un univers dépouillé et modulable, afin de se concentrer sur la direction d’acteur et le poids des émotions. Il souhaitait décrire une famille en proie au déchirement à cause de la violence du monde qui les a vu grandir et qui se laisse submerger par l’Histoire et une société aux contradictions trop nombreuses. Sur un plateau en perpétuelle transformation, la scénographie explore simultanément notre histoire collective et les destins individuels des personnages selon une logique où se mélangent le présent et le passé. Cet opéra sera créé le 14 septembre 2021 à 19 heures 30 à La Monnaie. Voyez tous les renseignements pratiques sur le site officiel www.monnaie.be Place de La Monnaie à 1000 Bruxelles (photos de presse : Hugo Segers)


THÉÂTRE : LES MEILLEURS ALLIÉS Couronnée en 2017 par plus de cent représentations à Paris, jouée en 2018 à la Comédie Volter, rejouée ensuite, cette pièce fut écrite voici une dizaine d’années par Hervé Bentégeat, grand reporter dans les pages du Figaro. Elle confronte deux figures emblématiques de l’Histoire : Churchill et de Gaulle qui, bien qu’alliés, se détestaient cordialement. Bonjour les coups de griffes et les coups bas dans cette joute oratoire époustouflante, où Michel de Warzée et Pascal Racan se donnent à fond. Un duo infernal et un fabuleux moment d’Histoire sur le ton d’une comédie désopilante. Six représentations sont prévues au château du Karreveld, près de la Basilique, du 4 au 17 septembre. C’est le portrait croisé et convulsif de deux hommes qui ont été les pires alliés de la Seconde Guerre mondiale. Churchill et de Gaulle sont les protagonistes des Meilleurs Alliés, dans une mise en scène scrupuleuse de Jean-Claude Idée : exactitude des costumes et du montage vidéo qui accompagne la rencontre des deux hommes. Nous sommes à la veille du 6 juin 1944, à Portsmouth en Angleterre, où toute la flotte alliée s’est rassemblée pour porter le coup fatal aux Allemands qui occupent les côtes françaises. Dans ces quelques jours qui vont du 4 au 7 juin, Churchill et de Gaulle s’affrontent pour écrire leur page de l’Histoire. La Grande Histoire qui en cache une autre, celle de leurs querelles intestines où les deux hommes vont se déchirer et se porter des coups bas. C’est terrifiant et drôle tout à la fois de les voir argumenter et débattre dans le salon de l’Amirauté britannique. Leur diatribe est enlevée avec fougue et brio par deux acteurs magnifiques, imitant leur personnage à la lettre, comme deux gouttes d’eau. Pas facile pour Michel de Warzée, également directeur de la Comédie Volter, de garder l’accent anglais tout au long du spectacle, mais il le fait avec un sarcasme qui nous sidère. Il imite sir Winston Churchill à la perfection. Quant à Pascal Racan, il campe le Général sur un ton « vieille France » qui nous rappelle la voix du grand homme au képi. Churchill est un optimiste dépressif à qui l’alcool sert de gasoil ; de Gaulle est un pessimiste actif, rongé par le doute – par une interrogation que pointe sa montre qu’il ne cesse de regarder : à quoi bon tout cela ? Ces deux tempéraments s’affrontent comme dans une partie d’échecs. Superbe joute verbale sur l’issue de la guerre, qui nous rappelle les termes du Brexit d’aujourd’hui. On est frappé par l’actualité des propos échangés entre le petit gros et le grand maigre sur l’Europe. L’enjeu est toujours le même : c’est ce qui rend la pièce si contemporaine. L’Histoire est ainsi revisitée à travers ce duo antagoniste qui s’amuse et nous amuse avec ses passes d’armes. Et donc, c’est une superbe comédie, forte de ses formules lapidaires, de ses réparties cinglantes et de ses mots piquants. Elle nous fait revivre l’entente calamiteuse (à défaut d’être cordiale) de ces deux hommes qui finiront par devenir, plus tard, les « meilleurs alliés » du monde. A voir et à applaudir sans retenue dans les six représentations qui auront lieu au Karreveld, du 4 au 17 septembre, avenue Jean de La Hoese à 1080 Bruxelles. Plus d’informations sur www.bruxellons.be. Michel Lequeux


THÉÂTRE : LE BLASPHÈME La Comédie Volter fête ses 50 ans avec la reprise du Blasphème de Philippe Madral. Le dramaturge français a écrit ce drame à la suite des attentats qui ont frappé Charlie Hebdo et Le Bataclan à Paris, en 2015. Il y dénonce l’intolérance et l’extrémisme religieux qui continuent de se répandre dans le monde. Et il le fait à partir de « l’Affaire La Barre » qui défraya la chronique en France en 1766. Ce chevalier français issu d’une condition modeste fut en effet accusé de ne pas s’être découvert devant la procession du SaintSacrement à Abbeville. On lui reprocha aussi de ne pas s‘être mis à genoux devant le cortège religieux et de détenir chez lui des livres infâmes, parmi lesquels Le Dictionnaire philosophique de Voltaire. L’écrivain prit sa défense post mortem. Car ce jeune homme de 21 ans, n’ayant pas beaucoup d’appui familial ni d’argent, fut finalement décapité et brûlé en place publique, après avoir subi la torture pour avouer le mal qu’il avait commis. Ce mal s’appelait le blasphème. Ce fut la dernière fois qu’on condamna à mort un innocent accusé d’avoir outragé les signes de la religion. En France, la Révolution de 1789 abolira le délit de blasphème et consacrera, à sa place, la liberté d’expression. « Parler mal de Dieu » ne concernera plus que les fidèles d’une religion et les religieux, mais échappera aux lois qui jusque-là punissaient gravement les contrevenants au nom du roi. Cela fait longtemps qu’on n’est plus poursuivi en Europe pour avoir refusé de faire le signe de croix, ou de ne pas s’être agenouillé devant une effigie religieuse. Le monde musulman conserve, lui, la notion de blasphème comme faute, dont la gravité de la sanction varie selon les pays et les régimes, allant de quelques mois de prison à la peine capitale. Les blasphémateurs, du moins ceux qui sont considérés comme tels, sont souvent des intellectuels et des artistes exprimant une pensée libre. La figure emblématique de ces « libertins » reste Salman Rushdie, toujours en proie à la fatwa décrétée par l’imam Khomeiny en Iran. Et toujours caché loin des intégristes et de leur sanction. Voltaire, le chantre de la pensée libre, fit de « l’Affaire La Barre » l’éclatante démonstration qu’il fallait mettre fin à l’obscurantisme religieux dans la société et promouvoir la tolérance de l’esprit, purgé des interdits religieux. Voltaire s’appelle aujourd’hui Charlie. Il porte le nom de tous les caricaturistes qui œuvrent pour la liberté d’expression. C’est son message que la Comédie Volter affiche sur les planches avec Michel de Warzée, metteur en scène et comédien, Stéphanie Moriau, Pascal Racan, Jonas Claessens, Loriane Klupsch et Manuel Chemla dans leurs rôles respectifs. A voir à la Comédie Volter, qui n’a pas volé son nom, du 29 septembre au 17 octobre. Plus de renseignements sur www.comedievolter.be. Avenue des Frères Legrain, 98 à 1150 Bruxelles Michel Lequeux


EXPOSITION : HYPERRÉALISME Comme son nom l’indique, la sculpture hyperréaliste cherche à imiter les formes, les contours et les textures du corps humain, afin d’en offrir une illusion parfaite. Grâce à la précision technique mise au service de la reproduction fidèle du moindre détail, les spectateurs partagent le sentiment de se trouver en présence d’une réplique exacte de la réalité. En sculpture, l’hyperréalisme voit le jour dans les années 1960 en réaction à l’esthétique dominante de l’art abstrait, à l’instar du Pop Art et du photoréalisme. Aux États-Unis, où le mouvement est apparu en premier, des artistes tels que Duane Hanson, John DeAndrea et George Segal se tournent vers une représentation réaliste du corps, une voie considérée depuis longtemps comme désuète et dépassée. En utilisant des techniques traditionnelles telles que le modelage, le moulage et l’application polychrome de peinture à la surface de leurs sculptures, ces pionniers vont créer une imagerie humaine saisissante de vérisme. Les générations suivantes d'artistes vont poursuivre dans cette voie, tout en développant leur propre langage. Cette exposition présente le vaste champ des possibles exploré par les hyperréalistes. Chacune de ses six sections s’articule autour d'un concept formel fournissant les clés de compréhension nécessaires pour appréhender individuellement chaque œuvre. La sélection des pièces exposées offre pour la première fois un aperçu condensé du mouvement hyperréaliste et révèle à quel point la représentation de l’humain a toujours été sujette à évolution. Les origines variées des artistes présentés (des États-Unis à l’Australie, en passant par l'Italie, l’Espagne, la Belgique et la Grande-Bretagne) soulignent bien le caractère international du mouvement, dont les ramifications perdurent à travers le monde jusqu’à aujourd’hui. Un événement qui rassemble quarante sculptures emblématiques et à découvrir à Tour et Taxis jusqu’au 7 novembre 2021. Plus de détails sur le site www.tour-taxis.com Avenue du Port, 86C à 1000 Bruxelles


LES TRIBULATIONS DE LA FAMILLE ZOEGEMEEL À BRUSSELLES 1.5 — Je te l'ai déjà dit, Susse, j'aime pas zieverer avec Pierre, Pol et Jacques. Ici, dans mon stameneï, c'est souvent leugenoet, spekscheeter en companie. Quand tu es de Singilles, les Marolliens, tu sais pas les rieken of zien. Rien d'autre que des veuivechters, que je dis. D'ailleurs, tu as vu ce qui est écrit sur ma façade : Chez le Kuulkapper, comme ça ils sont prévenus. — Pourquoi tu es venu installer ton cafè ici, alors ? Alleï, Polle ! Des Marolliens, y a que ça dans la rue Blaes. — Ah car toi tu crois que j'ai fait ça en exprès ? Potverdekke j'avais rencontré ma Josette sur la foire du Midi, et direct j'avais un bountje pour elle. Ocherme dis, elle avait comme ça des poumonskes, fieu, net des ballons de foot que j'ai direct pensé à Jean-Marie Pfaff qui aurait bloqué deux penaltis en une fois. — Donc tu es tombé bleu à cause de ses nichons. Et alors ? C'est pas pour ça que tu deviens boes d'un café dans la rue Blaes, hein Polle ! — Ça que je savais pas, c'est que son poepa il tenait ce cafè, ici. Et quand la Josette m'a présenté, j'avais comme ça un tout petit peu les poepers : le Charel avait une carrure le lutteur de la Foire, fieu, un peu comme Jean L'Amour que personne savait battre, tu vois, et il rigolait pas avec les ceuss de Singilles. T'es un Kuulkapper, qu'il m'a dit, et tu viens traîner tes zwietvoeten dans les Marolles ? Et en plus tu viens froucheler sur ma fille ? Awel t'as pas peur, toi ! — Alors il t'a mis une bonne rammeling, sans doute ? — Justement non, cameroet, car ma Josette elle a dit comme ça que c'est moi et personne d'autre qu'elle veut dans son lit, et que si ça plaît pas à son poepa elle ira habiter à la barrière Singilles, nè tiens, pak vast ! Alors on s'est mariés et quand le père Sta a dit salue en de kost, je suis devenu le boes, et j'ai vite changé le nom du cafè, car avant ça s'appelait « Ba de ket van den Aemet ». — C'est quamême un peu dommage, car mennant « Chez le Kuulkapper » ça rime plus comme avec « ket » et « Aemet ». Ba de ket van den Armet, ça rime et ça rame, tu comprends ? — Si tu contunues comme ça tu vas plus boire grand chose, ici, menneke, ça je te préviens. — Salue, la companie, dit Jeuf Zoegemeel en faisant tinter la clochette de la porte d'entrée. Tu me mets une Mort Subite astableeft, Polle ? Eh ben il fait doef aujourd'hui. Tiens, mais c'est le Susse ! Tu vis encore, toi ? — Non, peut-être ? Allez Polle, verse moi ossi une Mort Subite, que je bois avec mon copain. Et quelles nouvelles, Jeuf, ça fait quamême une semaine que je t'ai plus vu. — Toujours le même, hein Susse, oep zen zokke. Juste que mon singe veut pas me donner d'oepslag car il dit que les temps sont durs. — Chez le Polle ossi les œufs ils sont durs. Pas juste, Polle ? — Il fait dur chez tout le monde, je crois, répond Polle sans trop se mouiller. — Oué mais j'ai des ruses avec ma Treene à cause de ça. — Awel, Jeuf, moi je vais te donner un bon conseil d'ami. Tu envoies ta Treene discuter avec le Staaf, et tu vas voir quelque chose. — Ocherme non, t'sais ! Si il lui dit non elle est capable de lui mettre une jwoenk que sa tête tourne trois fois sur son cou. Et moi après je peux aller fumer le cigare. Ça tu vois d'ici. La clochette de la porte d'entrée retentit à nouveau : — Tiens, s'écrie Jeuf en vidant sa gueuze, voilà le plus heureux : mon schuunbrû ! Dopper professionnel, fieu, ça c'est le métier d'avenir. Salue, le Miche ! Tu paies une tournée pour ta promôsse ? — Non, dis. Je viens de recevoir ça par le facteur : je dois me présenter à une chocheté de soudure, c'est encore une fois ces clowns du Forem pour inventer des stuuts comme ça. Y n'ont que ça à faire, hein, d'emmerder les gens, janvermille ! Y savent pas nous laisser tranquilles. De la soudure, dis ! Tu me vois faire des soudures ? — Non, Miche, soudeur, ça je te vois pas. Essayeur de matelas chez Beka, ça oué, mais souder du fer, j'ai quamême difficile.


— Et même que je dois aller demain à 7,30h à Haren ! À quelle heure je vais devoir me lever, donc ? C'est presque temps que je vais me coucher direct pour avoir quelques heures. — Ça oué ! Car si tu n'as pas tes dix heures, tu vaux rien, je vois ça presque tous les jours. — Dis Miche, tu vas faire ça longtemps, souder du fer ? — Ouille non, t'sais. Juste deux ou trois jours pour qu'ils me laissent un peu tranquille au Forem, mais je vais bien trouver un truc pour me faire jeter dehors. Moi, travailler, c'est bucht en kloddene. J'ai trop de talent pour faire des soudures et des bazars comme ça. Mon truc, c'est la schoeiftrompet. C'est bon que le Lange Jojo et Arno ne m'ont jamais entendu jouer, car ils me prendraient direct dans leur orchestre. — Dommage que Léonard Bernstein est mort, surenchérit le Polle en riant, il t'aurait engagé pour jouer « Geire ba » en soliste à Nouillorque. — Rigole pas avec moi, Polle. Je sais que j'ai un talent fou... — Et des balles en dessous des bras, ajoute Jeuf. —Eh ben ça me gène pas pour jour mon instrument, j'ai toujours mes deux coudes en l'air, comme ça. — Pour boire ton demi, tu es besoin que d'un coude, hein, Miche ? — Dis, les amis, c'est bien toute cette zwanze, mais qui va payer toutes ces tournées ? s'informe Polle. — On peut jouer ça au vogelpik ou à la mijole, comme tu veux. — Eh ben allez-y, car moi j'ai besoin de mon poen. — Eh là, pas si vite, le Polle ! Tu zwanzes avec, tu joues avec ! Et si tu perds, tu paies, arra ! La vie quotidienne d'un stamcafé est peuplée de défis quelquefois inexorables, mais la gueuze est ainsi faite, qu'au plus que tu la goûtes, au mieux qu'elle te goûte, et au plus que tu vois ta vie en rose et en verre. Georges Roland

LEXIQUE zieverer : stameneï : leugenoet : spekscheeter : en companie : rieken of zien : veuivechters : Kûulkapper : habitant de Saint Gilles avoir un bountje : Potverdekke : Ocherme : poumonskes : penaltis : tombé bleu : boes : poepers : zwietvoeten : froucheler : Awel : rammeling : cameroet : nè tiens, pak vast !:

papoter, discuter café menteur vantard, tartarin et cœtera les voir en peinture fiers à bras coupeur de chou, tomber amoureux juron bruxellois mon dieu poitrine pénalties été séduit patron la frousse pieds puants peloter eh bien tannée camarade tiens attrape !

salue en de kost : adieu Ba de ket van den Aemet : Chez le gamin du Vieux Marché astableeft : s'il te plaît doef : lourd oep zen zokke : doucement oepslag : augmentation jwoenk : gifle schuunbrû : beau-frère Dopper : chômeur promôsse : promotion chocheté : société stuuts : contrariétés janvermille : juron bruxellois bucht en kloddene : choses inutiles schoeiftrompet : trombone à coulisse Geire ba : content d'être là (chanson) vogelpik : jeu de fléchettes mijole : jeu de café bruxellois poen : argent arra : voilà


BRSF ET BRIFF SE DISPUTENT LA PALME EN SEPTEMBRE Cette année, Covid oblige, deux festivals se tiennent en parallèle les 10 premiers jours de septembre. Le courtmétrage et le long vont mêler leurs pinceaux à Bruxelles en permettant aux spectateurs d’aller de l’un à l’autre. Comme on le faisait déjà voici cinquante ans dans les cinémas de quartier où un film court précédait le long durant la séance. Les sexagénaires et les plus vieux s’en souviendront. Retour donc à la séance « à l’ancienne » qu’impose la restructuration des deux festivals, suite au confinement de la pandémie.

Le court-métrage du BRSF La 24e édition du BRSF, le Festival du court-métrage à Bruxelles, se tiendra du 28 août au 5 septembre à Flagey, au Vendôme de la porte de Namur, au Kinograph de l’avenue de la Couronne, au mont des Arts avec des projections gratuites en plein air, et au cinéma Galeries. Verre de l’amitié et des retrouvailles sous deux chapiteaux situés place Ste-Croix (à côté de Flagey) et place De Brouckère. En tout, vous pourrez voir 345 « petits films » venus du monde entier, et notamment du Portugal auquel deux programmes inédits sont consacrés, étant donné la présidence portugaise au Conseil de l’Union Européenne durant le premier semestre 2021. Vous pourrez donc découvrir, en l’espace de six minutes, A Brief History of Princess X de Gabriel Abrantes qui nous raconte comment le buste de Mathilde Bonaparte, la nièce de l’Empereur, devint un pénis au repos sous le coup de ciseau de Brancusi. Les images vous révéleront si les Portugais apprécient autant l’Empereur français que les Espagnols, ce qui n’est pas peu dire. De nombreux invités sont annoncés (et pas seulement pour ce film), dont Frederike Migom, réalisatrice de Boos, Guillaume Senez, réalisateur de Mieux que les rois et la gloire, et Yoann Zimmer, le jeune acteur qu’on a pu découvrir dans Des hommes avec Gérard Depardieu (voir notre chronique cinéma). Des prix d’une valeur de 37 000 € seront décernés par un jury d’experts présidé par Anne Paulicevich, la réalisatrice des Filles de joie. Il y aura même, nous dit-on, une initiation pour les jeunes de 10 à 18 ans à la critique des films : les vieux n’ont qu’à bien se tenir. Encore faut-il que les jeunes sachent écrire aujourd’hui. A vos copies, les profs, pour surveiller leur orthographe et leur syntaxe ! Et peut-être aussi l’enchaînement de leurs idées... Du 28/08 au 5/09. Tarif du Pass pour tout le festival : 33 €. Séance pour 5 films : 6 €. Ouverture ou clôture du festival : 10 € à partir du 20 août. Rendez-vous sur le site et les réseaux sociaux : www.bsff.be.

Le long-métrage du BRIFF Après un court entracte, place au « long film » de la séance. Le BRIF, le Festival international du film à Bruxelles, refait son apparition avec cette 4e édition et ses dates décalées. Il s’ouvrira à l’UGC de la place De Brouckère le 1er septembre avec Serre-moi fort, le nouveau film du comédien-réalisateur multi-césarisé Mathieu Amalric qui y sera présent. Lisez notre chronique cinéma pour en savoir plus long sur son film. Le festival se poursuivra jusqu’au 11 septembre, avec notamment Benedetta de Paul Verhoeven, très remarqué au dernier


Festival de Cannes et très attendu par les spectateurs. Il s’agit du dévoiement d’une jeune religieuse dont Diderot avait déjà fait le portrait. Si l’on vous dit Mammuth, Louise-Michel ou Effacer l’historique, vous répondrez certainement Kervern et Délépine. Ils seront à l’honneur pour cette quatrième édition avec leurs compères Bouli Lanners, Yolande Moreau, Albert Dupontel, Miss Ming, Corinne Masiero, Blanche Gardin, Mathieu Kassovitz, Jean Dujardin, Gérard Depardieu, Benoît Poelvoorde... C’est parti pour de grands soirs et un sacré « Feel Good Festival » en présence de nombreux invités. Compétitions Trois compétitions seront en jeu. D’abord la compétition internationale avec une sélection de films venus des quatre coins du monde. « Faut que ça change » avec 10 films d’ailleurs et même de chez nous (Moneyboys coproduit par la Belgique sur la prostitution chinoise). La compétition nationale ensuite. Véritable vitrine pour notre cinéma « made in Belgium », elle vous permettra de découvrir en avant-première neuf de nos étoiles montantes, tous genres confondus. Cocorico pour Kom hier dat ik u kus de Sabine Lubbe Bakker et Niels Van Koevorden, qui traite de la libération de la femme dans la Flandre profonde. On est de tout cœur avec l’héroïne qui veut échapper à sa condition de femme soumise.

Et enfin, le Directors’Week mis en place par l’ARRF (Association belge des réalisateurs et réalisatrices francophones). Cette épreuve a pour mission de révéler des réalisateurs ambitieux et des œuvres « made in Europe », à la mise en scène riche et singulière. On cherche toujours la traduction en français de cette épreuve qui passera au peigne fin 8 films, dont Azur d’Andreas Fontana sur deux banquiers suisses en Argentine. Ils sont les complices d’une colonisation qui ne dit pas son nom en Amérique du Sud. Colonisation discrète et impitoyable. Redécouverte aussi de la rumba, cette musique congolaise qui s’est fondue avec la musique cubaine dans les années 40. Le Briff fait le point sur elle avec deux documentaires exceptionnels. Plus qu’une musique, la rumba congolaise d’Indépendance cha cha est un hymne panafricain inscrit dans les cœurs. On pourra poursuivre les soirées sur des rythmes endiablés au Village du Briff, place De Brouckère, avec la complicité des experts du genre. Cha cha cha en se dandinant ! Du 1 au 11/09. Le Pass est à 40 € à partir du 23 août. Ticket pour chaque séance : 8,75 €. Soirée d’ouverture ou de clôture à 12 €. Contact : info@briff.be ou www.briff.be . Michel Lequeux


EXPOSITION : JARDINS INTÉRIEURS L’intérêt pour les plantes et leur étude sont sans doute aussi anciens que l’humanité. Au début des Temps Modernes sont constitués, en Europe, les premiers jardins botaniques universitaires et privés, véritables prolongements, dans certains cas, des fameux cabinets de curiosités où s’entassaient, dans un ordre méticuleux, les productions les plus étonnantes. Fruits d’un nouveau rapport aux choses, des voyages de découverte ou commerciaux qui scandèrent le développement des empires européens et de leurs réseaux diplomatiques. C’est dans ce même berceau des 16e et 17e siècles que commence à se développer un commerce de plantes exotiques, dont une des expressions les plus folles demeure la spéculation autour des bulbes de tulipes, cause de nombreuses ruines aux Pays-Bas (17e). La possession de plantes rares et chères accroît le prestige des élites sociales et, plus, généralement, d’une bourgeoisie qui se fait sa place au soleil. A Bruxelles, en 1822 se constitue la Société de Flore de Bruxelles dont les principaux animateurs sont, précisément, des aristocrates ou de riches bourgeois, cependant que les horticulteurs locaux n’y bénéficient que d’un statut secondaire. De nombreuses sociétés commerciales accompagnent la naissance de ce type d’associations, où se côtoient, souvent, producteurs et amateurs de plantes. La Société Royale Linnéenne (fondée en 1835) plus démocratique, dans son esprit, en est un bon exemple, comme la Société d’Horticulture et d’Agriculture de Schaerbeek (1878), ou tant d’autres qui rythmeront la vie sociale bruxelloise de leurs expositions et concours, tout au long du 19 e et durant une partie du suivant. Notons qu’alors les élites investissent les alentours de la capitale (les fameux « faubourgs » que resteront longtemps des communes comme Schaerbeek ou Evere, parmi d’autres) pour y fuir le bruit, les odeurs et la saleté de la ville, et y établir des « campagnes », le plus souvent dotées de serres, ne serait-ce que pour cultiver des fruits et des légumes. Dans une situation où, durant quelques décennies l’horticulture devra sa prospérité à une clientèle avide de raretés directement importées des Tropiques, la question du chauffage pèsera lourd. Il faudra charger le poêle durant de longs hivers. A cette dernière, s’ajoute encore la phalange des jardiniers, profession qui, bientôt, se forme dans des écoles d’Etat (1849), véritables symptômes des tocades d’une époque. Les jardins d’hiver deviennent également extrêmement courants dans la seconde moitié du 19e siècle. A y bien réfléchir, jardins et autres structures de fer (ou de bois) et de verre, témoignent d’une forme de bipolarité bourgeoise : positiviste, elle aspire à contrôler, intellectuellement et pratiquement, la nature, mais ne peut s’empêcher de se laisser aller à l’évocation romantique de sa sauvagerie, notamment à travers les récits de voyages. Le 19e siècle est aussi, corrélativement, le temps de l’explosion de l’industrie horticole belge, la belle époque des naturalistes-collecteurs payés par cette dernière, un temps où l’on se dote de manuels d’instruction destinés à guider les observations et la collecte. L’introduction permanente des plantes dans les demeures est révélatrice du rapport que la société industrielle tisse avec la nature. Entretenir des plantes est une activité édifiante et pacificatrice : on cultive chez soi au lieu d’aller au cabaret… Souvent négligée par l’histoire de l’art, elle est pourtant incontournable pour comprendre l’évolution esthétique des intérieurs de cette période. Une exposition à découvrir jusqu’au 6 mars 2022 à la Maison Autrique et ce du mercredi au dimanche de 12 à 18 heures. Plus de détails sur le site www.autrique.be Chaussée de Haecht, 266 à 1030 Bruxelles


EXPOSITION : TREES FOR MEMORIES Les arbres racontent notre histoire. Ils en gardent du moins la mémoire dans leurs entrailles, sous l’écorce où les balles les ont atteints. La Fondation Boghossian accueille 31 artistes de réputation internationale qui exposent leurs œuvres. Chacune est un plaidoyer pour la paix dans le monde un siècle après la fin de la Première Guerre mondiale qui est ici évoquée. Ces œuvres ont pour origine un bloc de chêne carré de 30 cm de côté. Le bois, issu du front alsacien où les combats firent rage, porte encore en lui les stigmates de la guerre. Par les blessures qui leur furent infligées, les fragments de projectile en métal encore incrustés sous l’écorce ainsi que par le noircissement de leur surface, ces blocs de bois sont les reliques de la guerre. Ils nous disent, si nous les écoutons, si nous les regardons : Plus jamais cela ! Trees for Memories rassemble à la Villa Empain des artistes qui insufflent une voix au bois, afin que les arbres puissent raconter leur histoire qui est la nôtre. Ils représentent, ces artistes, les 31 pays qui se sont affrontés durant quatre ans en 14-18 : le bloc de l’Entente contre celui des Empires centraux d’Europe et d’Asie (Allemagne, Autriche-Hongrie et les Ottomans). Au total, la guerre a coûté 9 millions de morts et plus de vingt millions de blessés. Un horrible bilan en pertes humaines dont témoignent ces blocs qui furent débités et partagés entre les 31 artistes. « Les arbres ont été les témoins silencieux de la Première Guerre mondiale, explique Mattijs Visser, le commissaire de cette exposition collective. S’ils pouvaient prendre la parole, ils nous raconteraient une histoire faite de souffrances indicibles. Certains ont été touchés par des armes d’artillerie, d’autres par des grenades ou par des balles de fusil. Tous ont assisté aux mêmes horreurs. Pendant un siècle, les traces de ces événements sont restées cachées sous leur écorce. » Aujourd’hui, on découvre les blessures indélébiles sous le scalpel des artistes. Jana Sterbak nous montre la grenade d’assaut prise sous une souche (Canada). Huang Yong Ping, artiste chinois récemment décédé à Paris, a incrusté des yeux d’oiseau dans le bois à la place des trous d’impact laissés par les balles : ils nous épient pour voir si nous recommencerions la même horreur. Günther Uecker a parsemé son bloc de clous tordus pour évoquer les destructions de la guerre (Allemagne). Fiona Hall y a mis la sciure des tranchées, les ongles déchirés, le fil de fer barbelé du no man’s land pour nous dire qu’avec la sève contenue elle aussi dans la sculpture, la vie pourrait reprendre son cours à la place des images de la mort (Australie). Jana Želibská a sculpté un corps déchiqueté par un oiseau de proie sous un crâne qui ricane, symbole de toutes les agonies de la guerre (République tchèque). Plus loin encore, un bloc enchaîné de Sándor Pinczehelyi (Hongrie) nous crie « plus jamais cela ! ». Ce n’est qu’un aperçu des 31 sculptures que vous pourrez voir en visitant l’exposition Trees for Memories. Elles se dressent devant nous à la mémoire des guerres pour que celles-ci n’aient plus jamais lieu. Imaginées d’après une idée maîtresse de Volker-Johannes Trieb, ces œuvres ont été présentées une première fois au Varusschlacht Museum de Kalkriese et au Bundestag de Berlin en 2018. L’exposition se tiendra également au Parlement européen de Bruxelles en novembre 2021, avant d’être présentée en 2022 à l’ONU (New York). Elle est visible actuellement au Project Space de la Villa Empain jusu’au 24 octobre 2021. Voyez davantage d’informations sur le site officiel www.boghossianfoundation.be. Avenue Franklin Roosevelt, 67 à 1050 Bruxelles. Michel Lequeux


EXPOSITION : DE PÉKIN À HANKOU – UNE AVENTURE BELGE EN CHINE Cette aventure belge en Chine vous fera entrer dans l'histoire méconnue mais néanmoins incroyable de la construction par notre petit royaume, au début du XXe siècle, de la ligne Pékin-Hankou, la plus grande ligne de chemins de fer de Chine, reliant le nord au sud du pays. Pendant sept ans, plusieurs dizaines de milliers d'ouvriers ont travaillé à ce chantier pharaonique. Cette aventure hors normes est le fruit d’une collaboration entre ingénieurs, techniciens, ouvriers mais aussi diplomates et financiers occidentaux et chinois. A leur tête, Jean Jadot, un jeune ingénieur belge alors âgé de trente-sept ans, coordonna et mena à bien ce projet colossal. Outre cette aventure historique, cette exposition présente également le développement impressionnant des chemins de fer en Chine aujourd’hui à travers son réseau à grande vitesse. Des œuvres originales en lien avec la construction de la ligne Pékin – Hankou réalisées à quatre mains par les artistes Li Kunwu (Chine) et François Schuiten (Belgique), apportent une dimension artistique contemporaine à ce que les visiteurs découvrent dans les salles. D’autres œuvres de Li Kunwu, inspirées de l’univers ferroviaire chinois, viennent également enrichir cette vision. Un événement à découvrir jusqu’au 10 octobre 2021 à Train World. Plus de détails sur le site www.trainworld.be Place Princesse Elisabeth, 5 à 1030 Bruxelles

EXPOSITION : MATHIEU PERNOT Mêlant photographies, vidéos et supports manuscrits, cette exposition place en son cœur un espace-temps aussi précis qu’emblématique : l’île de Lesbos au cours de l’année 2020. Située en mer Egée, à quelques kilomètres des côtes turques, cette île a connu en 2020 une succession de crises qui en font un point nodal de notre histoire e t de notre conscience. C’est à ce titre que le Musée Juif de Belgique a imaginé cette exposition, création originale qui interroge des thématiques qui font écho à l’histoire longue des collectivités juives : l’exil, la violence et la solidarité. Montré pour la première fois, le travail que Mathieu Pernot a mené à Lesbos en 2020 est ici ancré dans une œuvre au long cours. Depuis plus de dix ans, le photographe se confronte à la question migratoire et à la présence des demandeurs d’asile sur le continent eur opéen. Si les premières images rendaient compte d’une forme d’invisibilité de ces individus cachés sous des draps dans les rues de Paris ou chassés de la forêt de Calais, les séries réalisées par la suite explorent de nouvelles formes de récits partagés. En recueillant des textes écrits sur des cahiers d’écoliers ou en réceptionnant des images enregistrées sur leur téléphone portable, l’auteur se fait aussi le passeur de « la vie des autres », indiquant combien celle ci, avant même d’être celle des autres, est une Histoire commune qu’il faut raconter ensemble. Lauréat du Prix Cartier-Bresson 2019, Pernot s’inscrit dans la démarche de la photographie documentaire pour finalement en détourner les protocoles. Interrogeant sa propre pratique, explorant les formules alternatives, son travail construit ce qui manque si souvent, des récits à plusieurs voix. L’exposition à voir jusqu’au 19 septembre 2021 au Musée juif de Belgique. Découvrez tous les détails pratiques sur le site www.mjb-jmb.org Rue des Minimes, 21 à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : UNITED COMICS OF BELGIUM L’exposition intitulée « United Comics of Belgium » présente le travail de vingt-sept autrices et auteurs de bande dessinée belge issus de différentes générations, genres et communautés. Ils ont été sélectionnés par neufs commissaires également auteurs. Chaque artiste expose un projet en gestation ou publié au cours de l’année, qu'il s'agisse de planches originales, d’œuvres numériques, d’installations et de diverses sculptures. Miroir de la création locale en 2020, l’exposition se veut « un instantané de la création » bouillonnante, diverse et multiple, contradictoire, chaotique, novatrice, prometteuse, provocatrice, créative, artistique, riche, diversifiée et marquante ! Cette expérience souhaite susciter des échanges constructifs entre les artistes et entre les œuvres. Elle entend également éveiller la curiosité des visiteurs et les encourager à s’interroger sur la création actuelle en bande dessinée. Les artistes retenus sont Marec, Kim Duchateau, Max de Radiguès, José Parrondo, Hermann, Benoît Feroumont, Chariospirale, Thijs Desmet, Mathilde Vangheluwe, Aurélie William Levaux, Léonie Bischoff, Ptiluc, Jean-Claire Lacroix, Ephameron, Romain Renard, Wide Vercnocke, Valentine Gallardo et Elodie Shanta. Une carte blanche à découvrir jusqu’au 12 septembre 2021 au Centre belge de la Bande dessinée et ce du mercredi au dimanche. Voyez toutes les informations pratiques sur le site www.cbbd.be Rue des sables, 20 à 1000 Bruxelles

EXPOSITION : MATHILDE MAHOUDEAU ET LUCAS CASTEL Les photographes Mathilde Mahoudeau et Lucas Castel explorent à travers l’image et le son, les différentes problématiques liées à la possible réouverture d’un site d’extraction minière en Ariège (France). L’exposition mêle le médium photographique à une pièce sonore, résultats des témoignages recueillis sur place. En février 2020, une première version de Deuxième saison a été présentée au Centre culturel Wolubilis à Bruxelles pour l’exposition Prix Médiatine, à l’occasion de laquelle le duo d’artistes a obtenu le Prix de la Ville de Bruxelles. En 2021, le duo propose une nouvelle version de Deuxième saison dans la Centrale Box. À cette occasion, Lucas Castel et Mathilde Mahoudeau présentent une autoédition rassemblant les différentes pièces de leur documentaire. Ce projet est présenté à la Centrale for Contempory Art jusqu’au 12 septembre 2021. Ne vous privez pas de cet événement et voyez tous les détails concrets sur le site www.centrale.brussels Place Sainte-Catherine, 44 à 1000 Bruxelles


EXPOSITION : FAKE FOR REAL Dans la grisaille de la routine quotidienne, le sensationnel, le spectaculaire et le surnaturel nous permettent d’échapper à l’ordinaire. Mais le jeu de l’imposture n’est amusant que si nous en acceptons les règles. Ceux qui se laissent abuser risquent gros : argent, crédibilité, intégrité... Certains y ont laissé la vie. Aujourd’hui, la désinformation est partout, mais le mal est ancien. L’histoire regorge de faux-semblants de toutes natures. Le Cheval de Troie, modèle mythologique de la supercherie, fait ainsi écho aux problèmes contemporains d’un monde dominé par Internet. Embarquons pour un voyage dans le temps et aventuronsnous au gré des fraudes et falsifications qui ont jalonné l’histoire tout en gardant un œil sur la réalité des choses. La Maison de l’histoire européenne, située dans le parc Léopold, inaugure une nouvelle exposition, « Fake for Real : une histoire du faux et de la contrefaçon ». Elle explorera le monde fascinant des faux, du mensonge et des contrefaçons et entrainera les visiteurs dans un récit allant de l’antiquité à nos jours. Un astucieux dispositif de miroirs à l’entrée et un chemin labyrinthique à travers les différents thèmes de l’exposition donnent immédiatement le ton de la visite - comment trouver ou échapper à la vérité ? Comment jouer avec les illusions ? Les visiteurs sont invités à réfléchir à la manière dont les mensonges sont racontés et dans quel but. Comme l’explique la commissaire d’exposition Joanna Urbanek : « Nous devons être conscients que parfois nous voulons être trompés, pour pouvoir transcender notre quotidien, rêver. Il est humain de croire à certaines contrefaçons. Mais cette inclination peut être exploitée et les conséquences peuvent être considérables. » Répartie sur six thèmes tout au long d’un parcours chronologique, l’exposition présente plus de deux cents objets remarquables venus de toute l’Europe. Emblématique, chacun raconte une histoire édifiante de falsification et de tromperie - des archives effacées des empereurs romains, des biographies manipulées de saints médiévaux, des histoires de voyages qui ne se sont jamais produits - à une fausse armée utilisée par les Alliés durant la Seconde Guerre mondiale. Ils incluent également des documents d’une importance cruciale dans notre histoire tels que la donation de Constantin et les lettres utilisées pour accuser Dreyfus. Tous démontrent que les émotions et les croyances personnelles ont une influence sur la façon dont nous voulons comprendre le monde, ou délibérément nous le représenter de manière déformée. La communication sur la pandémie liée au Covid-19 et la désinformation qui l’entoure sont également examinées dans cette exposition. Le terme «désinfodémique» est le rappel opportun que les vérités et les contre-vérités circulent constamment et que la pensée critique et l’action civique sont de précieux gardiens contre la tromperie. La dernière section de l’exposition, intitulée « Une ère de post-vérité? » est un espace interactif fait de jeux et de vidéos où les visiteurs peuvent devenir des vérificateurs de faits, décider de ce qui est publié, ou encore jouer avec une « bulle filtre » innovante qui explore la façon dont les médias sociaux fonctionnent. Comme un voyage à travers les motifs et l’impact des faux mais aussi sur notre façon de nous exposer à eux, cette exposition nous bouscule et met en lumière toute la complexité et les contradictions qui jalonnent notre passé, présent et futur. Heureusement, nous avons des outils à notre disposition: faire preuve d’esprit critique, ne pas se fier à ses premières impressions, être conscient de ses préjugés et évaluer la fiabilité des sources sont autant d’éléments qui peuvent nous aider à distinguer les faits de la fiction et à nous frayer un chemin dans les méandres de la réalité. Une exposition à découvrir jusqu’au 28 octobre 2021 à la Maison de l’Histoire européenne. Plus de détails sur le site www.historia-europa.ep.eu Rue Belliard, 135 à 1000 Bruxelles


PREMIER ACCROCHAGE AU P.O.C Bienvenu au P.O.C. Passion — Obsession — Collection) dans l’univers de Galila pour ce premier accrochage de sa collection intitulé « Overdose », qui permet d'emblée de saisir le propos. Fidèle à son esprit créatif débordant, la collectionneuse boulimique a créé une installation emblématique de sa lecture décomplexée et ouverte de l’art. L'exercice n’est pas anodin car une collection s'élabore dans un premier temps à l’intérieur de l’esprit de sa créatrice. Pour la première fois elle compose ‘de visu’ et en actes en révélant un échantillon de sa collection. La surprise est aussi enthousiasmante pour la fondatrice que pour le spectateur, et révèle un joyeux capharnaüm qui, comme l'écrit François De Coninck, “s'organise, selon ses modalités subjectives à partir d’un principe d'ordonnance interne.” Cette ordonnance comporte une vaste série de thématiques : allumettes, arbre, balai, bic — dessin, black and white, chaise, chaussure, cigarette, corps humain, eau, écriture, électro, érotique, Hitler, liquide, livre, mesure, money, obsession répétition, œil, œuf, pastèque, pneu, pubis, religion, robinet, scotch, tapis, tuyau, valise, vêtement, WC, etc. À travers un agencement organique et intuitif qui reprend une partie de ces thématiques, cet accrochage éclectique est surtout caractérisé par le capital passion et la débordante énergie à l’image de sa créatrice “artcoholic”. Dans ce processus une œuvre a inspiré le choix d’une autre et résulte en un assemblage qui évoque d'emblée la charge symbolique des objets surréalistes. A ce titre Overdose se déploie en un univers personnel qui conjugue des formes, des textures, des couleurs et des matières comme autant de matérialisations d'idées, d'émotions, d’interrogations, de rêves et de phantasmes des artistes et de la collectionneuse. Le résultat est foisonnant, riche en surprises non dénué d’une touche d'humour. A l'instar de cette collection “self-curated” entamée au décès de son mari, c’est l'esprit de curiosité débordant et la générosité, tant humaine qu’artistique, qui a présidé à cette composition. Elle a d’ailleurs invité l'artiste Jonathan Sullam à participer à l’accrochage d’Overdose. Partant de son œuvre intitulée Knocking on heaven’s door (2017) il a élaboré, en dialogue avec Galila, une section consacrée à une thématique qui transcende les limites et les frontières culturelles : l’interreligieux et l’inter-confessionel (Interfaith). L'art permet une mise à distance et une vision critique de sujets universels tels que les religions, les croyances, le pouvoir, la politique, l’argent, les dictatures, etc. Nombreuses œuvres de la collection de Galila en offrent une approche à la fois impliquée et détachée, voire tragi-comique. Galila témoignait lors de l'exposition Private Choices à la CENTRALE for contemporary art (Bruxelles) en 2018, qu’elle a du mal à endosser le rôle de collectionneur. “C’est une question de passion. On devient collectionneur quand on continue d’acheter des œuvres sans tenir compte ni des murs dont on dispose, ni de la place pour entreposer, ni même des dimensions des œuvres acquises.” Avec la création du P.O.C. celle qui se considère comme “une SDF accueillie par ses œuvres qui lui accordent un petit espace de vie”, entame désormais une nouvelle étape dans cette aventure. En ouvrant la boîte de pandore elle souhaite partager sa passion et ses questionnements sur les limites mêmes de l'œuvre et de l’art et permettre une lecture sans hiérarchisation et surtout en toute liberté. Une collection à découvrir le jeudi 16 septembre à 18h30 par le truchement de la galerie Arielle d’Hauterives. Participation aux frais : 30 euros. Inscriptions via l’adresse info@arielledhauterives.be Carine Fol


THÉÂTRE : DANS LA NUIT / ÉLOGE DE LA VULNÉRABILITÉ Cette nuit, Anna fête le démarrage en flèche de l’appli développée par la start-up de son compagnon. Dans ce bar chic du centre-ville, le champagne coule à flots. Nanna surgit pour entraîner sa sœur avec elle, et qu’elle se reconnecte au pacte qu’elles avaient fait adolescentes de ne pas obéir à l’ordre établi, de s’opposer au modèle suranné de la réussite et de combattre l’injustice. Dans la nuit, un espoir rugit, l’esp oir d’inventer un nouveau monde, les muscles se tendent, les corps se mettent en mouvement pour participer à son éclosion. C’est au rythme de la langue riche et slamée de Louise Emö et de la mise en scène enlevée de Coline Struyf que nous suivons les deux sœurs et plongeons dans les rues de la ville. Dans cette fiction haletante, l’obscurité devient le révélateur d’une métamorphose, la mise en écho d’une révolte intime et d’un soulèvement collectif le lieu d’un questionnement. Contre quoi, contre qui, quand et comment sommes-nous amenés à nous défendre ? Une pièce à applaudir au Théâtre Varia du 28 septembre 2021 au 16 octobre 2021. Davantage d’informations sur le site www.varia.be Rue du sceptre, 78 à 1050 Bruxelles

PARCOURS D’ARTISTES D’UCCLE, DE LINKEBEEK ET DROGENBOS C’est devenu une tradition et malgré les conditions sanitaires strictes, près de cent ateliers et une quinzaine de lieux publics ouvriront leurs portes pour vous accueillir pour l’une des plus belles fêtes aux artistes du mois à venir. Il s’agit d’environ deux cents plasticiens d’Uccle, Linkebeek et Drogenbos qui vous accueilleront pour vous faire découvrir leurs créations. Démonstrations, animations et rencontres sont les points forts de ces deux journées qui, au fil des années, sont devenues un rendez-vous culturel à ne pas manquer. En prime, et en collaboration avec la Stib, près d’une centaine d’œuvres d’artistes ucclois embelliront la chaussée d’Alsemberg pendant les travaux de voirie. Ce parcours d’artistes est un événement à découvrir sans modération le week-end du 25 et 26 septembre 2021. Voyez toutes les informations pratiques via le site www.uccle.be Sam Mas

JOURNÉES DU PATRIMOINE Les organisateurs des Journées du Patrimoine vous ont concocté une trente-troisième édition très féminine. La mise en valeur des femmes dans le patrimoine - dans leur rôle, leur fonction, leur apport, leur gestion, leur empreinte, leur souvenir - sera à l’honneur en septembre. Les biens patrimoniaux en lien avec l’évolution des droits sociaux et politiques des femmes en Belgique seront également mis en avant. Gageons que cette édition nous en apprendra beaucoup sur les relations qui se nouent entre la majorité de l’humanité et le patrimoine immobilier. Cette année encore, les masques, la distance et la réservation seront de rigueur pour toutes les activités. Inscrivez d’ores et déjà les dates dans votre agenda et soyez prêts à vous mettre en route les 11 et 12 septembre 2021. Voyez tous les détails pratiques sur le site www.journeesdupatrimoine.be Sam Mas


EXPOSITION : ICONS Des premières icônes d’Europe et du Moyen-Orient aux œuvres modernes et contemporaines, les icônes ont inspiré de nombreux croyants et artistes, à travers les âges. L’exposition dévoile comment les dimensions spirituelles ont été intégrées dans les œuvres d’art depuis l’Antiquité. La tradition attribue les premières icônes à Saint-Luc qui, après la Pentecôte, aurait peint trois représentations de la Vierge Marie. Des premières icônes d’Europe et du Moyen-Orient aux œuvres modernes et contemporaines, ces représentations imagées du divin ont inspiré de nombreux croyants et artistes. L’exposition Icons, curatée par Henri Loyrette, ancien Directeur du Musée d’Orsay et Président-Directeur du Musée du Louvre, dévoile comment les dimensions spirituelles ont été intégrées dans les œuvres d’art depuis l’Antiquité à nos jours. L’exposition présente une sélection d’icônes anciennes en provenance d’Europe et de Russie – représentant tour à tour le Christ, la Mère de Dieu, ou des Saints individuels – dont la simplicité frappante les distingue en tant qu’objets de vénération intemporels. Un second ensemble d’œuvres d’artistes du XIXe et XXe siècle, tels Charles Filiger ou encore Lucien Levy-Dhurmer, explore la composition frontale et sans profondeur des icônes. L’exposition aborde également l’utilisation que font les artistes contemporains du langage iconographique, à l’instar de Yan Pei-Ming et Wim Delvoye. Un événement à voir jusqu’au 24 octobre 2021 à la Villa Empain. Plus de détails sur le site www.villaempain.com Avenue Franklin Roosevelt, 67 à 1050 Bruxelles

EXPOSITION : TECHNOPOLICE Le collectif Technopolice présente une installation cartographique dans la vitrine de Constant. Le déploiement des outils de "Smart city" visant à contrôler, surveiller, classer, punir afin d’orienter et réguler les comportements se fait souvent dans l’indifférence la plus totale, grâce à la complicité liant l’industrie et les décideurs politiques ; ces derniers sont dans le meilleur des cas coupables de négligence ou de naïveté, quand ils ne sont pas eux-mêmes à l’origine de l’adoption de ces gadgets liberticides (caméras à reconnaissance de plaques d’immatriculation - ANPR, reconnaissance faciale, drones survolant l’espace public et notamment les manifestations, compteurs d’énergie intelligents, etc.). L’objectif de la campagne Technopolice est de rendre visibles les menaces liberticides que représentent ces outils de contrôle, en centralisant les informations les concernant sur une plateforme accessible à toutes et à tous. Par ce travail informatif, nous souhaitons donner à chacun la possibilité de comprendre ces enjeux, de construire des outils et des stratégies de résistance à la surveillance, afin que le déploiement de ces outils policiers soit stoppé, que la militarisation de l’espace public soit mise en échec et qu’in fine, la technopolice trépasse ! Une exposition à découvrir jusqu’au 19 septembre 2021 à Constant VZW. Voyez tous les détails concrets sur le site www.constant.vzw Rue du Fort, 5 à 1060 Bruxelles


THÉÂTRE : POUCET Lorsque l’on découvre un monstre sous son lit, il y a trois façons de réagir. On peut se cacher sous les couvertures, fermer les yeux en le suppliant de disparaître. Ça c’est pour les faibles, les trouillards, les lâches… les enfants. On peut aussi construire un lit sans pied, avec le matelas au ras du sol, ou boucher l’espace sous le lit avec de grands tiroirs remplis de vieux habits pour empêcher le monstre de s’y installer. C’est la solution des pragmatiques, de ceux qui savent tout, qui ont toujours raison… Des parents. Ou alors on peut aller voir le monstre, pour causer deux minutes et savoir s’il n’y aurait pas une possibilité de se faire aimer. C’est ce que font les orphelins, les perdus, ceux qu’on a abandonnés. « C’est ce que je ferais, moi, Poucet » Dans leur réécriture de ce classique de Perrault, les Royales Marionnettes nous présentent un Poucet devenu adulte. Il nous raconte ce qu’a été son histoire : l’abandon, l’ogre et des bottes de sept lieues évidemment. Mais aussi celle d’un Poucet qui n’a jamais plus pu faire confiance à personne, confondant les pères et les mères avec les loups et les ogres… Une pièce à découvrir au Théâtre de Poche jusqu’au 18 septembre 2021. Voyez plus de détails sur le site www.poche.be Chemin du Gymnase, 1a à 1000 Bruxelles

THÉÂTRE : IPHIGÉNIE À SPLOTT Effie habite Splott, un quartier de Cardiff -capitale du Pays de Galles-, miné par la fermeture des usines, le chômage et la précarité. Effie, c’est le genre de fille qu’on évite de regarder dans les yeux quand on la croise dans la rue car on a l’impression qu’elle va nous exploser au visage. Effie, on croit la connaître, alors on la juge l’air de rien, mais on n’en connaît pas la moitié …Tous les lundis, elle picole comme une sauvage, se came à fond et émerge au bout de trois jours d’ « une gueule de bois pire que la mort » pour mieux recommencer. Un personnage de démesure, jusqu’au-boutiste et qu’on croirait sorti d’une tragédie grecque. Et puis, un soir, l’occasion lui est offerte d’être autre chose que ça… Iphigénie à Splott a gagné le prix de la meilleure pièce en 2015 aux prestigieux Theatre Awards (Londres). Le texte a été lu à la Comédie française la saison dernière et est proposé au Poche pour la première fois en langue française. Georges Lini signe la mise en scène de ce texte organique. Trois musiciens rock entourent la comédienne et offriront un décor très « Guinness et punk is not dead ». Une pièce à applaudir du 14 septembre au 2 octobre 2021 au Théâtre de Poche. Trouvez tous les détails en ligne via le site www.poche.be Chemin du Gymnase, 1a à 1000 Bruxelles


THÉÂTRE : LARGUEZ LES AMARRES ! Tout commence par une journée à peine différente des autres pour Isabelle. Elle embrasse son mari qui part, comme souvent, travailler deux semaines à Abou Dabi et elle enchaine avec le train-train du quotidien : voiture à déposer au garage, soirée copine à préparer… Mais… sa soeur arrive à l’improviste pour lui parler d’un « truc » qu’il faut démêler avec leur mère… Ensuite, son fils revient passer quelques nuits à la maison… Et pour finir, ce vieil ami metteur en scène, qui fait une carrière incroyable aux Etats-Unis, arrive, par surprise, dans la vie d’Isabelle … Aujourd’hui, la vie met bas les masques et Isabelle s’en trouve déboussolée… Il faut réagir ! Mais en chemin : quiproquos, invraisemblances, incompréhensions, visions fantaisistes, personnages hauts en couleurs, slam, bouts de refrain, cachettes secrètes, et nettoyage de printemps… Voici de l’humain dans ce qu’il a de touchant, c’est-à-dire dans sa normalité, ses peurs, ses ratés, ses hésitations, ses erreurs, ses petits mensonges de rien du tout… de l’humain dans lequel on peut se projeter. Marie-Paule Kumps résume sa pièce avec ces mots : « Larguez les amarres ! » pour moi, c’est concret : c’est ce moment où on a décidé d’y aller, de quitter le quai, on laisse filer le bout qui rattachait le bateau à la terre ferme et…. C’est parti ! On lâche ! On ne connaît pas à l’avance comment va se passer le voyage… il y a toujours une part d’inconnu… la mer est changeante, la météo ne nous obéit pas… L’aventure est devant. Ça va rouler, ça va tanguer, on va tenir et se laisser faire aussi…. C’est ce qui arrive à Isabelle ! » A découvrir au Théâtre royal des Galeries du 8 septembre au 3 octobre 2021. Vous trouverez tous les détails pratiques sur le site www.trg.be Galerie du Roi, 32 à 1000 Bruxelles

THÉÂTRE : LA DERNIÈRE NUIT DU MONDE Imaginez un monde sans nuit. Un monde où l’homme, épaulé par la science, mettrait fin à ses besoins physiologiques de sommeil. Une pilule lui permettrait de dormir 45 minutes sans effet de fatigue. Dans « l’ère de la nuit fragmentée » – celle où chacun choisit le moment où il souhaite dormir – les étoiles ne bercent plus aucun rêve, aucun silence. La vie active, furieuse, sans relâche, court dans les veines d’une humanité jouissive et toute puissante. Fantasme pour certains, cauchemar pour d’autres, La Dernière nuit du monde aborde un thème à peine tabou. Une planète H24 sous le fallacieux prétexte que le jour déborde et qu’il est donc grand temps pour l’homme d’habiter le temps autrement. Dans cette création aux accents d’anticipation, Laurent Gaudé et Fabrice Murgia retrouvent un terrain propice à la collaboration. L’opéra Daral Shaga les avait réunis en 2014 aux côtés de


la Cie Feria Musica. Les deux hommes s’étaient proposés de retravailler un jour ensemble. L’essai de Jonathan Crary 24/7, Le Capitalisme à l’assaut du sommeil leur a donné cette occasion. Pour évoquer ce terrible destin d’un monde sans repos, Laurent Gaudé imagine un jeune couple : Gabor (Fabrice Murgia) et Lou (Nancy Nkusi). Lui, se jette corps et âme dans la réalisation de cette pilule funeste. Elle, tente de le raisonner, de le sensibiliser. En vain. La dernière nuit survient, pour l’humanité mais aussi pour le couple. Lou disparaît. Débute une enquête que troublent finalement le manque de sommeil et un capitalisme effréné. Une création à découvrir au Théâtre national du 14 au 18 septembre 2021. Voy ez davantage de détails sur le site www.theatrenational.be Boulevard Emile Jacqmain, 111-115 à 1000 Bruxelles

THÉÂTRE : PHÈDRE(S) Dans une oscillation constante entre transgression et rappel à l’ordre, Phèdre(s) exhibe les passions réprimées par une société patriarcale impuissante à les contenir, et le flow du hip-hop se heurte à la Grèce antique et au rythme viscéral de la langue racinienne. Phèdre(s), c’est une expérience troublante et corrosive qui mêle à la danse destructrice de la tragédie le beat entêtant des poésies rageuses qui traversent les langages et les corps, un pari tenu par Pauline d’Ollone dont nous avions déjà programmé l’éclatant Reflets d’un banquet d’après Platon. Phèdre brûle en secret pour Hippolyte, fils de son époux, le roi Thésée auquel elle fut mariée de force, absent du royaume depuis longtemps et dont l’annonce du décès ouvre les vannes de sentiments réprimés. La jeune reine ne contient plus les passions qui l’habitent, con e son trouble et se voit rejetée par le jeune homme aimé. Au retour du vieux monarque prétendu mort, c’est l’équilibre du palais qui vacille et le monde de chacun qui s’écroule… Les sensualités condamnées éclatent au grand jour, les désirs enfouis et les luttes intérieures se révèlent, se glissent entre les êtres, déforment les carcans et mènent à l’implosion des systèmes établis. Entre alors en irruption toute la révolte d’une jeunesse en quête de liberté. Une pièce à découvrir au Théâtre des martyrs du 21 septembre au 3 octobre 2021. Infos et réservations via le site www.theatre-martyrs.be Place des Martyrs, 22 à 1000 Bruxelles


THÉÂTRE : ÇA N’ARRIVE PAS QU’AUX AUTRES ! Voici une visite immobilière qui vire au cauchemar. Alors, si vous prévoyez d’acheter une maison prochainement, évitez ce spectacle. Parce qu’effectivement, ça n’arrive pas qu’aux autres ! Mais, si vous avez besoin de vous détendre : ce spectacle est pour vous. Quand ils débarquent pour la découverte de la maison normande de leurs rêves, deux parisiens très bon chic bon genre, sont reçus par un couple déjanté de proprios un peu beaufs, qui les invitent à prendre un apéro très, très arrosé… et leur feront vivre une soirée en enfer. Voici la rencontre explosive de deux couples qui n’auraient jamais dû se rencontrer, de deux mondes incompatibles qui vont se provoquer l’un l’autre au petit jeu de : C’est qui qui est le plus heureux des deux ? Une pièce débordante de bonne humeur et complètement barrée. Des personnages qui perdent toute retenue et partent en vrille, des acteurs ébouriffants, une mise en scène explosive... Au propre comme au figuré : ça va déménager ! Une pièce Maxime Anselin, Laure Godisiabois, Pascale Oudot et Fabio Zenoni à découvrir au Théâtre Le Public du 10 septembre au 11 octobre 2021. Plus de détails sur le site www.theatrelepublic.be Rue Braemt, 64-70 à 1210 Bruxelles

THÉÂTRE : INTRA MUROS Tandis que l’orage menace, Richard, un metteur en scène sur le retour, débarque, plein d’illusions et de bonnes intentions à la prison centrale, pour y dispenser son premier cours de théâtre. Il espère ouvrir une fenêtre sur l’art, secouer les esprits et les corps, apporter une bouffée d’air. Il espère aussi une forte affluence, qui entraînerait d’autres cours – et d’autres cachets. Mais seuls deux détenus se présentent, deux durs à cuire : Kevin, un jeune voyou, et Ange, la cinquantaine mutique, en tôle depuis 27 ans, qui ne vient là que pour accompagner son comparse. Richard, secondé par une de ses anciennes actrices – accessoirement son ex-femme – et par une assistante sociale naïve et inexpérimentée, choisit de donner quand même son cours. Mais très vite, ça dérape, car on va plutôt jouer à « qui est qui » dans cette histoire. Après le succès du road trip Le Porteur d’histoire, après le triomphe du flamboyant Edmond, Alexis Michalik ouvre sa réflexion au social et nous emmène à la découverte de nos sentiments enfouis. Avec toujours autant d’enthousiasme, de rythme et de bouillonnement vital, ce formidable raconteur d’histoires nous entraîne au cœur du milieu carcéral et ouvre une fenêtre inattendue sur les humains. Edwige Baily, Itsik Elbaz, Marwane El Boubsi, Caroline Ribot et Fabrice Rodriguez se donnent pleinement sous la direction de Julien Poncet au Théâtre Le public jusqu’au 12 septembre 2021. Plus de détails sur le site www.theatrelepublic.be Rue Braemt, 64-70 à 1210 Bruxelles


THÉÂTRE DE TOONE : NAPOLÉON & WATERLOO C’est à la demande de Yves Vander Cruysen, échevin de la Culture de Waterloo que V. José Géal - Toone VII a créé en 2000 Napoléon & Waterloo, à… Waterloo. Vaincu sur le champ de bataille, Napoléon n’a cependant rien perdu de son aura. L’empereur exerce toujours une fascination sur le public. Déjà en 1903, Jean-Antoine Schoonenburg - Toone III jouait avec succès Napoléon, sur base d’un canevas dont le journaliste Louis Quiévreux relata quelques savoureux passages. Toone VII a écrit un récit parodique de la naissance du héros jusqu’à Waterloo en passant par la lutte pour l’indépendance de la Corse (toujours d’actualité), la rencontre avec Joséphine, le Directoire, la Campagne d’Egypte, le Consulat, le Sacre, les épousailles avec Marie-Louise et enfin, l’ultime affrontement. Comme dans toutes ses œuvres, le marionnettiste met également en scène des personnages de la tradition populaire. Ici, le grognard Jef Pataat raconte ses campagnes à son ami Woltje, aide de camp de l’empereur. A l’instar de ses prédécesseurs, Toone se permet des anachronismes et des allusions à la vie politique belge. Une pièce pour marionnettes à applaudir chez Toone du 2 septembre au 2 octobre 2021. Voyez tous les détails concerts sur le site www.toone.be Rue du Marché-aux-Herbes, 66 (Impasse Sainte Pétronille) à 1000 Bruxelles

THÉÂTRE : SHIRLEY VALENTINE Shirley Valentine a quarante-cinq ans. Et comme pour beaucoup de femmes de cet âge, une période de sa vie s'achève : ses enfants devenus grands viennent de quitter le domicile parental pour voler de leurs propres ailes. Ce qui crée un énorme vide. Il lui reste donc à s'occuper de son mari. Elle se confie à son mur, à qui elle parle ... beaucoup. C'est alors que tout se complique ! Grâce à un concours, une de ses amies a gagné un voyage en Grèce pour deux... Et elle propose à Shirley de l'accompagner. La vie de Shirley risque de commencer. Il n'est jamais trop tard pour réussir sa vie ! Une vraie performance pour Marie-Hélène Remacle dans ce seul en scène de plus de deux heures écrit par le talentueux Willy Russell (également auteur de « Blood brothers » présenté cet été dans le cadre du festival Brusselons !). Rires et émotion sont au rendez-vous. Une pièce à revoir au Château du Karreveld du 21 au 23 septembre 2021. Plus de détails sur le site www.bruxellons.be Avenue Jean de la Hoese, 32 à 1080 Bruxelles


VEERLE BAETENS COMMENCE LE TOURNAGE DE SON PREMIER FILM « HET SMELT ». Eva vit à Bruxelles et s'apprête à retourner, pour la première fois depuis treize ans, dans son village natal de la profonde Campine anversoise, pour y solder quelques comptes, emportant dans le coffre de sa voiture un cube de glace. Lequel va, forcément, commencer à fondre à un certain moment. Voilà pour le synopsis ! Le vendredi 6 août dernier, Veerle Baetens (actrice flamande remarquée du côté francophone par son interprétation remarquable dans « Duelles » d’après Barbara Abel) a débuté le tournage de son premier film Het Smelt en tant que réalisatrice Un récit adapté du best-seller éponyme de Lize Spit, roman coup de poing d’une jeune autrice sur l’enfance et les violences que les gamins s’infligent. Le livre Het Smelt (intitulé dans sa traduction française « Débâcle ») a été transposé dans plus de neuf langues, dont l'anglais, l'allemand, l'espagnol et le danois. Veerle Baetens a rédigé le scénario avec Maarten Loix. Bart Van Langendonck de la maison de production Savage Film (à qui l’on doit déjà Rundskop, De Patrick, D'Ardennen, Le Fidèle et Dealer) assure la production du film. La société belge francophone Versus Productions en est coproductrice. Le tournage aura lieu dans toute la Belgique. Charlotte De Bruyne incarne Eva adulte, tandis que le rôle d’Eva jeune est tenu par la nouvelle venue Rosa Marchant. Sébastien Dewaele endosse le rôle du père et Naomi Vellisariou celui de la mère. Les autres enfants sont interprétés par Amber Metdepenningen (Tesje), Anthony Vyt (Tim), Matthijs Meertens (Laurens) et Charlotte Van Der Eecken (Elisa). Femke Van der Steen (Tess adulte), Olga Leyers (Elisa adulte), Spencer Bogaert (Tim adulte) et Simon Van Buyten (Laurens adulte) complètent la distribution. Un long métrage attendu !

EXPOSITION : CINQUANTE ANS POUR LA COMÉDIE CLAUDE VOLTER Il y a un demi-siècle, la commune de Woluwe-Saint-Pierre invitait Claude Volter, le metteur en scène et acteur belge de renom, à s’installer à l’école du Chant d’oiseau. Claude Volter y créa un théâtre indépendant avec pour objectif d’offrir une programmation classique susceptible, par ses décors, ses costumes et la qualité de ses choix, de donner un soupçon de rêve et d’émerveillement à un public de proximité. Depuis près de 20 ans, Michel de Warzée s’est inscrit dans cette continuité tout en proposant de saisons en saisons une programmation variée, moderne et audacieuse. La Comédie Claude Volter, la commune de Woluwe-Saint-Pierre, et le Whalll centre culturel, profitent de cet anniversaire pour organiser une exposition-anniversaire qui retracera cette aventure peu commune. Ce sera l’occasion de revenir sur les grandes heures du théâtre, sur les années Volter, et sur l’héritage porté, déployé et renouvelé par Michel de Warzée. L’exposition se tiendra au Whalll, centre culturel de Woluwe-SaintPierre (Salle Passerelle) du 26 septembre au 31 octobre 2021. Le vernissage, en présence des représentants de la Comédie et de la Commune aura lieu le samedi 25 septembre à 18 heures. Av. Charles Thielemans, 93 à 1150 Bruxelles


CINÉMA : BENEDETTA Drame historique de Paul Verhoeven, avec Virginie Efira, Charlotte Rampling, Daphné Patakia, Lambert Wilson et Olivier Raboudin. France 2020, 126 min. Sortie le 8 septembre. Résumé du film – Au XVIIe siècle, la nonne Benedetta mène une vie pieuse au couvent de Pescia, en Toscane. Quand elle prétend que le Christ lui apparaît la nuit et qu’elle se laisse séduire par une jeune novice, la communauté monastique entre en émoi. Ses visions sontelles vraies ou Benedetta trompe-t-elle ses sœurs ? Alors que la peste fait ses ravages au dehors, le couvent se divise sur son cas. On appelle l’Eglise à la rescousse pour juger ces deux lesbiennes. Commentaire – Virginie Efira est tout simplement superbe dans le rôle de cette nonne mystique tentée par le péché de la chair. Elle croit au Christ qui la « visite » chaque nuit, mais c’est une novice, alias la jeune Daphné Patakia, qui va lui révéler l’extase avec le sextoy qu’elle a taillé dans une statuette de la sainte Vierge. De vierge qu’elle était, la nonne devient une femme sous les mains expertes de sa compagne délurée. Celle-ci lui montre que l’amour céleste peut devenir charnel et que la jouissance donnée peut remplacer l’extase chez une sœur vouée à Dieu. Avec Benedetta qui devait d’abord s’intituler Sainte Vierge, Paul Verhoeven continue d’explorer le corps et ses pulsions sexuelles d’une manière qu’il qualifie « d’hyperbolique » afin de les rendre aussi visibles que possible (y compris les bubons de la peste). Le cinéaste voit dans le sexe la « base de l’évolution », le basic instinct qu’il lui semble naturel de porter à l’écran. Ici en gros plan derrière le voile qui peu à peu, à la moitié du film, découvre les amours lesbiennes à travers un judas pratiqué dans le mur de la cellule monastique. Scènes érotiques fortes mais non pornographique. Le réalisateur hollandais s’est inspiré du roman de Judith C. Brown, Sœur Benedetta, entre sainte et lesbienne, qui fut écrit en 1986. L’histoire de cette religieuse, durant la Contre-Réforme en Italie, constitue l’un des premiers cas documentés sur l’homosexualité féminine en Europe occidentale. L’autrice la qualifie comme « un scénario imaginatif et envoûtant qui explore l’intersection de la religion, de la sexualité et de l’ambition humaine à une époque où se conjuguent la peste et la foi ». Scénario écrit d’après le verbatim du procès. La vedette incontestable du film, c’est Virginie Efira qu’on a vue récemment dans Le grand bain, Un amour impossible ou Adieu les cons. Depuis que l’actrice a obtenu la double nationalité belgo-française, les Français s’arrachent cette ancienne présentatrice et animatrice de la télévision belge. Paul Verhoeven lui a consacré Benedetta après lui avoir donné un petit rôle dans Elle (2016). A ses côtés, Daphné Patakia incarne la novice avec une légèreté et une fantaisie qui rendent leurs ébats ludiques. La jeune Grecque a joué dans Djam de Tony Gatlif (2017). C’est interprété par une palette de bons acteurs, où l’on reconnaît Charlotte Rampling qui tient le rôle de l’abbesse, Lambert Wilson celui du nonce, et Olivier Raboudin comme le prévôt de Prescia. Peutêtre que Wilson y met une dose d’affectation qui nuit à son personnage. Le film a été tourné durant l’été 2018 entre la Toscane et le sud de la France, d’abord dans l’abbaye de Silvacane puis dans celle du Thoronet, où eurent lieu les scènes érotiques filmées à la bougie (comme d’ailleurs toutes les scènes d’intérieur) par une caméra mobile, portée sur l’épaule. On vous passe le détail des scènes de jouissance des deux femmes tournées dans une abbaye où il y avait des visiteurs. Avis – Un drame historique poignant sur deux lesbiennes au XVIIe siècle filmé par le réalisateur de Basic Instinct. Entre mysticisme et voyeurisme, un film très attendu avec Virginie Efira qui fait des miracles et montre à l’écran son beau corps. Michel Lequeux


CINÉMA : PASSION SIMPLE Drame de Danielle Arbid, avec Laetitia Dosch, Sergei Polumin, Lou-Taymour Thion et Caroline Ducey. FranceBelgique 2019, 1 h 39. Sortie le 11 août. Résumé du film – « A partir du mois de septembre, je n’ai plus fait qu’attendre cet homme : qu’il me téléphone et qu’il vienne chez moi pour me faire l’amour. Tout en lui m’était précieux : ses yeux, sa bouche, son sexe, ses souvenirs d’enfant, sa voix... » Ce jeune Russe est devenu l’obsession d’Hélène, professeure de littérature qui élève seule son fils, un ado de 14 ans. Elle a son amant dans la peau et il est devenu sa drogue quotidienne, comme elle dit à son psy. Commentaire – A partir du roman autobiographique d’Annie Ernaux qui relate une passion interdite entre l’héroïne et un homme marié venu des pays de l’Est, Danielle Arbid, réalisatrice française d’origine libanaise, a tiré un drame lancinant. Passion simple explore la psychologie d’une femme mûre qui s’est éprise d’un homme plus jeune qu’elle. Il va et vient entre Paris et Moscou, entre l’ambassade russe qui l’emploie et sa maîtresse qu’il voit épisodiquement. On ne saura pas qui est ce jeune Russe, s’il est un espion, un homme d’affaires ou un bellâtre qui profite de son charme à Paris. Il est l’amant insaisissable qui exerce sa domination sexuelle. Tout se presse et défile dans la tête de cette enseignante qui s’est amourachée d’un homme rencontré en vacances, et qui passe sa vie à l’attendre. Durant ses absences répétées, elle l’imagine au lit et se donne en spectacle aux toilettes d’un restaurant. Elle apprend le russe pour être plus proche de lui, se rend à Moscou pour respirer son air, sentir sa présence. Elle livre ses pensées au psychothérapeute dont elle est la patiente. Tombe malade et demande des médicaments pour dormir, un congé de maladie pour s’absenter de ses cours à la faculté. Elle en oublie même son fils qu’elle a failli un jour renverser avec sa voiture. On est dans la tête de cette femme obnubilée par sa passion. La caméra la suit avec des gros plans rapprochés qui étudient ses réactions. C’est ponctué par des musiques additionnelles qui mettent sa passion à l’épreuve, comme I Want You de Bob Dylan ou If You Go Away inspiré d’une chanson de Jacques Brel, Ne me quitte pas. « En général, mes films exposent des secrets, confie la réalisatrice dans une interview. A cause de cela, beaucoup de gens estiment que je suis une provocatrice, que je le fais avec une impertinence jouissive. Et que je ne suis pas du tout représentative du monde arabe d’où je viens. Moi, je trouve dans cette détestation une force motrice pour faire mes films. Car au-delà de la provocation pure, c’est la désobéissance qui m’intéresse. » Presque tous les films de Danielle Arbid ont été censurés ou interdits au Liban et au Moyen Orient pour atteinte aux bonnes mœurs. Que dire alors de cette cougar dont Passion simple fait l’analyse, sinon qu’il en sera de même. Le couple interdit est interprété par un duo volcanique. On a vu Laetitia Dosch dans Nos batailles de Guillaume Senez (2018) et dans Fourmi de Julien Rappeneau (2019). Elle a l’âge de son personnage dans lequel elle se fond corps et âme. Quant à Sergei Polumin, danseur, acteur et mannequin d’origine soviétique, il est plus taciturne et oppose une présence diffuse, avec son corps tatoué et ses disparitions inopinées. Avis – L’analyse à fleur de peau d’une cougar qui s’est entichée d’un blanc-bec. Elle l’a dans la peau et c’est là tout le drame de cette passion qui ne mènera à rien. Simple et sans retour. Michel Lequeux


CINÉMA : DES HOMMES Drame de Lucas Belvaux, avec Gérard Depardieu, Catherine Frot, Jean-Pierre Daroussin, Yoann Zimmer, Félix Kysel et Edouard Sulpice. France-Belgique 2020, 101 min. Sortie le 1er septembre. Résumé du film – Ils ont été appelés en Algérie en 1960, à l’époque où la guerre d’indépendance faisait rage. Deux ans plus tard, Bernard, son cousin Rabut, Février et d’autres sont rentrés en France, bouches closes. Ils se sont tus sur les horreurs qu’ils avaient commises et sur celles qu’ils ont vu commettre. Ils ont vécu chacun leur vie. Mais il suffit parfois d’un cadeau d’anniversaire pour raviver les souvenirs. Pour que le passé, 40 ans plus tard, fasse irruption dans les familles et que les langues se délient sur l’indicible. Commentaire – Ce drame est tiré du récit émouvant, fort, pathétique, écrit par Laurent Mauvignier en 2009. Une écriture syncopée, haletante, brisée par les blessures de la guerre d’Algérie. Elle fait naître la tragédie de l’insignifiant, de l’ordinaire et du silence où se cantonnent les personnages. Lucas Belvaux, réalisateur belge (Rapt sur l’affaire Empain et Chez nous sur la montée de l’extrêmedroite en France) s’est inspiré du style de l’auteur pour faire revivre le traumatisme de ces jeunes recrues à travers des flashes-back, des soliloques, une voix off et un récit morcelé. Le réalisateur confronte des destins solitaires avec la grande Histoire. Il fait surgir les souvenirs, la culpabilité, les blessures secrètes et les marques indélébiles que la guerre a laissées dans les consciences. Des hommes ont fait ce qu’ils pensaient être leur devoir et ils se sont rendu compte, plus tard, qu’on les avait manipulés dans une mécanique infernale. On les a condamnés à ce silence qui est la marque de la guerre d’Algérie. « C’est ce que j’avais envie de porter à l’écran depuis que j’ai lu le livre, commente le réalisateur. J’ai trouvé que le projet arrivait naturellement après Chez nous qui parlait de la montée de l’extrême-droite en France. Le FN s’est en grande partie construit sur les cendres de la guerre d’Algérie. » Gérard Depardieu, taiseux, colérique et vindicatif, incarne le vieux Feu-de-bois qui se souvient des crimes passés, personnage à la fois mutique et explosif. On le voit à deux époques de sa vie, distantes de plus de 40 ans. A son arrivée en Algérie, il a vingt ans et s’appelle Bernard. Il va découvrir à la fois la beauté de l’amour avec celle qu’il serre dans ses bras, et l’horreur dont l’humanité peut faire preuve. Il ne s’en remettra jamais. Le jeune Yoann Zimmer, écrasé par la mission dont on l’a chargé, interprète le rôle de Bernard avec la conviction et la fougue de la jeunesse. Il a de l’allant et se tait comme celui qu’il va devenir. On lit l’horreur dont il est témoin dans son regard fermé. Quant à Catherine Frot, elle incarne sa sœur avec la justesse de celle qui pardonne tout à son frère devenu excentrique et truculent : il a payé cher ses souvenirs de guerre qui le pousseront au suicide. Le film, parsemé des images d’archives en noir et blanc, a été tourné au Maroc, dans les montagnes de l’Atlas qui rappellent à s’y méprendre l’Aurès algérien et sa boucherie. Avis – A partir d’un cadeau mal compris, c’est toute la guerre d’Algérie qui défile dans cette querelle de famille. Un Depardieu miné par le passé, qui va au-devant de ses fantômes. Poignant. Michel Lequeux


CINÉMA : SERRE-MOI FORT Drame de Mathieu Amalric, avec Vicky Krieps et Arieh Worthalter. France 2020, 97 min. Sortie le 8 septembre. Résumé du film – Clarisse est partie, abandonnant mari et enfants. A moins que ce ne soit le contraire, comme elle le prétend. Son mari travaille dans une usine qui fabrique des rails de chemin de fer. Paul fait du hockey sur glace. Lucienne apprend le piano et rêve d’entrer au Conservatoire de Paris. Mais à quoi rêve-t-elle, Clarisse qui a pris la poudre d’escampette ? Elle rêve de la mer et de refaire sa vie mise en boîte par sa famille. Commentaire – Serre moi fort sans le trait d’union consomme la rupture du couple et de la famille. Ce drame, qui vire rapidement au mélodrame, est le huitième long-métrage de Mathieu Amalric qu’on a vu comme acteur dans Quantum of Solace où il incarnait un homme d’affaires crapuleux face à James Bond. Un rôle qui lui allait comme un gant. Le réalisateur s’inspire ici de la pièce de théâtre contemporaine Je reviens de loin de Claudine Galea, qui traite de la séparation d’une famille. Une autre source d’inspiration pour Amalric a été le travail du peintre américain Robert Bechtle qui aborde ses sujets d’une manière hyperréaliste, représentant chaque détail avec une précision photographique. Le résultat, c’est le portrait d’une femme perturbée, hantée par le remords de sa séparation et ne pouvant y mettre fin parce qu’elle est prisonnière de son passé. Elle est prisonnière de tout ce qui l’a empêchée d’être elle-même : sa mère pianiste qui la destinait à devenir une pianiste célèbre, sa propre fille qui fait des gammes pour le devenir, et son mari qui a jeté sur elle une chape de plomb. Tout le film montre son naufrage de vie qui n’en finit pas de faire des vagues. Avec de violents remous où elle invective un père trop paternel lors d’une visite au port qu’elle commente en allemand, la langue de sa mère. Le sujet est intéressant et il aurait pu devenir emblématique pour un certain nombre de couples en voie de séparation, mais à force de peindre ce caractère tourmenté, Mathieu Amalric l’a surchargé et il nous donne l’image d’une femme brouillonne qui se répète. Il le fait avec une voix off qui redit les mêmes mots, par la pensée, entre le mari et la femme, entre la femme et ses deux enfants restés près de leur père. Comme si, malgré la distance, le dialogue était permanent entre eux. La fin vient couper le fil et tourne au mélodrame quelque part dans les neiges, à la frontière des Pyrénées. Cette fin, tournée avec le passage des saisons, est fort confuse, au point qu’on finit par s’y perdre. C’est interprété par Vicky Krieps, actrice luxembourgeoise d’expression allemande, qu’on a pu voir dans Hanna, sorte de Jason Bourne au féminin, et dans Anonymous de Roland Emmerich. On l’a vue aussi interpréter l’épouse du Jeune Karl Marx qu’elle soutient contre ses détracteurs. Elle aime interpréter les rôles de maîtresse et de muse comme dans Phantom Thread où elle donne la réplique à Daniel Day-Lewis (2018). Quant au mari, il est campé par Arieh Worthalter, acteur belge polyglotte qui a joué dans plusieurs films, notamment dans Girl de Lukas Dhont où il incarne le rôle du père et dans Duelles d’Olivier MassetDepasse où il est l’un des deux maris. Il jouait aussi le rôle de Joe dans Razzia de Nabil Ayouch (2017). Dernière petite chose : la maison familiale est celle de Pierre Loti bâtie en 1722 et située à Rochefort, où le film fut partiellement tourné. Avis – Cette rupture familiale aurait pu être celle de nombreux couples, si elle ne tournait pas au mélodrame. Le réalisateur a emmêlé ses pinceaux à force de peindre son modèle. Michel Lequeux


LES VOIX DE LA FORÊT Kenya. Vera vit en communion avec la nature. Une relation paisible et saine. Dès son plus jeune âge, elle a pris le temps de s’extasier et de s’unir avec son environnement. Puis, par les hasards de l’existence, elle prend doucement conscience des dangers qui menacent la beauté sauvage. Des étrangers convoitent des plantes protégées pour combattre une infection en train de se répandre un peu partout. Toutefois, il s’avère que ces végétaux sont en voie d’extinction. Les protéger devient une nécessité à laquelle s’emploie la jeune femme, aidée par Marius son frère de lait. Ne s’agit-il tout simplement pas du combat du pot de terre contre celui du pot de fer ? Les laboratoires internationaux possèdent des moyens que la spontanéité d’êtres humains mal organisés ne peut pas contrer. Bien documenté, ce roman signé Brigitte Adès se veut un pamphlet en faveur de la sauvegarde des milieux naturels, de sa flore et de sa faune. La nature semble posséder des codes auxquels les humains seuls pensent pouvoir se soustraire. La grande erreur n’est-elle pas simplement de se croire supérieur à la Création et de s’en enorgueillir, au point de mettre ce subtil équilibre en péril et d’accentuer davantage une catastrophe qui, inexorablement, se met en place par imprévoyance, par profit ou par mépris du vivant. ? Un message se met ici en exergue : L’urgence de la situation planétaire nous rappelle, aujourd’hui davantage que hier, que nous devons sceller une alliance avec la terre et ne plus lui faire de violences en renonçant à tout discernement raisonnable. Ed. Portaparole – 186 pages Julie Plisnier

LE MARIAGE DE LA TOUFFE Ce livre d’Ana P Llorens est une bouffée d’oxygène, une bulle d’air frais. Il nous fait rire tout au long des aventures rocambolesques d’Emy, maman célibataire de trente-sept ans qui part à l’autre bout de la planète pour assister au mariage de sa meilleure amie. Emy avec son franc-parler et ses grossièretés vous fera oublier votre quotidien et sourire tout au long de son périple. Le langage cru, l’humour décalé, la maladresse et le personnage déjanté d’Emy sont tellement rafraîchissants que vous ne lâcherez pas ce roman du début jusqu’à la dernière page. Humour et second degré au milieu de scènes torrides, d’inventions de mots et de citations surprenantes. Je vous invite à lire ce roman et partager le voyage d’Emy sur une île paradisiaque avec ses « morues » et Cédric, son « BG » qui donne chaud. Un voyage à l’autre bout du monde qui fait un bien fou en ces temps difficiles que nous connaissons tous. J’ai rencontré Ana P Llorens lors d’une soirée entre auteurs dans le Sud de la France, je ne connaissais pas ses écrits mais si ma première lecture a été « Le mariage de la touffe », j’apprécie que cet auteur nous démontre que l’écriture peut conjuguer érotisme, amour et humour. Ce roman est un pur plaisir de détente. Auto-édition - 435 pages Elise Jane


PENSÉES ET APHORISMES La pensée en quelques petits mots. Facile, rapide, succincte. Le plus souvent héritée et reformulée de la réflexion qu’ont eue tant d’auteurs et tant de sages avant nous. Quant à la comprendre, cette pensée repensée, qui se plaît souvent dans des jeux de mots outranciers ou dans des variations thématiques, tout dépend de l’auteur et de son lecteur. Certaines maximes auront l’air d’être hermétiques, d’autres donneront lieu à la critique, d’autres mêmes enfonceront des portes ouvertes, d’autres enfin susciteront la réflexion. MarcAurèle et Épictète, en leur temps, La Rochefoucauld et Voltaire dans le leur, sont probablement les maîtres à penser du genre. Et comme disait Picasso, trois règles peuvent s’imposer à cette technique, le savoir, le savoir-faire et le savoir-connaître. Je n’ai aucune de ces trois compétences. Mais ce que j’ai apprécié et pratiqué dans l’aphorisme, c’est le raccourci, c’est la faculté de dire beaucoup avec peu de mots et en toute sincérité. Vérités d’un instant qui se fixent pour toujours. Au temps de vérifier si elles méritent cette éternité. Et de voir pourquoi la pensée, même non contraignante finit toujours par devenir affolante. À titre d’exemple critique, une pensée sexiste et misogyne, qui ne saurait être mienne mais qui a le mérite de la comparaison cinglante : Les femmes sont comme des miroirs, elles réfléchissent mais ne pensent pas. (Un certain X., dont j’ai perdu la référence.) Une autre pensée forte en humour pourrait convenir au présent ouvrage : La critique littéraire, selon Philippe Bouvard et Bernard Pivot, s’applique à un livre que quelqu’un n’a pas écrit, qui est faite par quelqu’un qui ne l’a pas lu et pour des gens qui ne le liront pas. Ed. Ménadès – 245 pages Sam Mas

ILSA, LA LOUVE DES SS – ESSAI Malgré toute l'appréhension qu'amène un tel titre, « Ilsa la Louve des SS » est un essai qui décode les ficelles d’un créneau cinématographique appelé « nazisploitation » et mis en place durant les années 70. Il s’agit d’un sous-genre du film d’horreur qui combine des éléments tels que camps de concentration ou lupanars nazis, tortures gratinées, nudité et uniformes à croix gammée. Le succès a principalement tenu dans le premier opus, grâce à présence de la comédienne Dyanne Thorne qui incarne avec un indéniable sérieux la fameuse Ilsa, incarnation totale de la dominatrice sadique, peu farouche et entièrement convaincue par la cause qu’elle défend. Si ce long métrage est américain, les Italiens et les Français se sont bien vite engouffrés dans cette veine pour distribuer des suites qui ne font que copier le modèle original. Après une série de livres consacrés à La Hammer Production, Jess Franco, Jean Rollin, Roger Corman et le Cannibal Movie, Daniel Bastié continue d’explorer l’univers de la série Bis en recensant des sujets cinématographiques qui ne faisaient pas (ou rarement) l’objet de livres, même si les objets publiés n’intéresseront qu’un nombre limité de lecteurs. En partant des films (vus à la télévision, en VHS ou en DVD) et en les comparant avec les œuvres littéraires lorsqu’elles existent, son objectif consiste à replacer chacun d’eux dans son époque pour en relever les ficelles et parler de son influence sur le public d’alors. Bien entendu, il ne s’agit jamais de faire l’apologie du nazisme ! Ed. Ménadès – 202 pages Sam Mas


EXORCIZEM À BERCHEM SAINTE-AGATHE Quand Eric Lamiroy m'a informé que Joske Maelbeek avait commandé mon roman "Exorcisme à Berchem SainteAgathe", j'étais aux anges. Aussitôt s'est ancré en moi, le secret espoir d'une adaptation en bruxellois ! Espoir partagé par Eric Lamiroy d'ailleurs. Joske Maelbeek avait déjà fait une adaptation du roman de Bruno Brel ("La bête du Tuitenberg"/"La biest du Tuitenberg") en bruxellois pour les Editions Lamiroy. J'étais d'ailleurs présent le jour où le neveu du Grand Jacques et Joske étaient venus dédicacer leur livre respectif à la librairie Mot Passant (située à Jette). Dès lors, était-ce un fol espoir ? A tout bien réfléchir, pas vraiment... En effet, quand tu as eu la chance de vendre de nombreux apéropuscules (ce qui allait permettre l'édition du roman), quand tu as eu la chance que l'excellent artiste peintre David Peeters accepte de faire la couverture de ton opus (pour ne pas répéter "roman"), il n'y avait aucune raison pour que... D'ailleurs, ne dit-on pas "jamais deux sans trois" ?... Et bien, une nouvelle fois, l'adage s'est avéré. Une semaine plus tard donc, Eric Lamiroy et moi recevions un message commun de l'ami Joske qui nous signifiait qu'il n'était qu'à la page 37 et que, déjà, il imaginait une adaptation dans sa "notje" ("tête") ! Je croyais rêver mais non, je ne rêvais pas, tout cela était bien réel ! Et Joske de préciser que dans mon roman "il aimait les apartés avec le lecteur et l'usage fréquent des parenthèses dont il abusait lui-même de façon "z'éhontée" !" Tout est alors allé très vite : Joske demandait à Eric Lamiroy d'envoyer le texte, c'était plus facile de travailler comme ça qu'avec le livre en main et proposait un rendez-vous rapide au "Poechenellekelder" (situé en face du Manneken-Pis) afin de signer le contrat !... Et c'est le 10 juillet 2021 que le contrat de l'adaptation en bruxellois était signé. Vous imaginez la joie qui me transportait ce jour-là. Ed. Lamiroy -110 pages Alain Magerotte


ALAIN MAGEROTTE, L’HOMME À DEUX FACES ! Ce qui m’étonne chez Alain Magerotte, ce n’est pas tant son humour dévastateur et bon enfant ni son côté « gentil » qui évite souvent de froisser inutilement les gens qui parfois le mériteraient amplement, mais son côté ambivalent ! On connait bien son « Exorcisme à Berchem-Sainte-Agathe » qui est une belle réussite littéraire et dont on ne soulignera jamais assez qu’une bonne nouvelle est avant tout le produit d’un vrai travail d’écriture, même et surtout lorsque cela ressemble à une grosse blague. « Je l’ai écrit comme ça, sans vraiment m’en rendre compte, même que j’ai pensé dans un premier temps le deleter (supprimer) car je trouvais ce texte, marrant mais sans importance ». Puis on connait la suite, Alain a quand même décidé de la sortir sans trop croire et cette nouvelle a cartonné révélant à la surprise générale un auteur qui ne se prenait pas au sérieux, alors qu’il était tout simplement talentueux mais peu connu. Désormais on va le tenir à l’œil, s’apercevoir qu’il a déjà rédigé plus d’une trentaine de textes dont certains de réelle valeur et attendre ses prochaines sorties avec curiosité et intérêt, bref le prendre au sérieux et surveiller ses prochaines parutions histoire de voir s’ils seront aussi riches et étonnants que son « exorcisme" ! Le problème, c’est qu’un auteur est vite catalogué et que souvent on le confond avec son dernier succès en librairie alors qu’il a rédigé beaucoup d’autres textes qui n’ont rien à voir mais me semblent tout aussi bons ! J’en veux pour preuve « Le Café de la Paix » qu’il vient de signer voici quelques jours et me parait tout aussi riche, quoique totalement différent. Dans cette courte nouvelle qu’on pourrait à la limite cataloguer de « réflexion » tant elle est courte, Alain Magerotte donne une autre facette de son talent. Celui d’un écrivain différent, qui évoque son passé avec une certaine mélancolie mêlée de tendresse et parle de ses amis d’enfance avec la pureté tranquille d’un souvenir presqu’effacé. « Le café de la Paix » existe, a existé, à l’angle de l’avenue de la Paix et de l’avenue du Panthéon, près de l’A.R.K (Athénée Royal de Koekelberg). « Ce n’était pas un café comme un autre, c’était le nôtre avec son poster défraîchi mal punaisé près de la porte menant aux toilettes… et son écriteau sur la loi pour la répression contre l’ivresse ». C’était dans les années 70, on y jouait aux fléchettes près d’un flipper rutilant et Alain se souvient qu’il y buvait (parfois) des Rodenbach Grenadine avant de rentrer en douce au bahut en essayant ne pas se faire remarquer par les pions qui surveillaient la cour de l’école… « Le café de la Paix », c’était les filles aussi bien sûr et M… Mimi, la meilleure des affaires horizontalement, mais verticalement une emmerdeuse de première. Aujourd’hui, ce bistrot d’étudiants a fermé ses portes et il se souvient avec émotion de ce jour fatidique (un 21 novembre) où son copain d’alors devenu adulte lui a annoncé avec humour mais un déchirement dans la voix que le crabe l'avait atteint et commençait déjà à bouffer ses poumons ! Quelques mois plus tard, il mourrait. Et Alain de conclure : « Depuis, j’ai compris que j’aurais toujours un peu froid… ». Et Alain d’entendre en bruit de fond, comme un défi à la vie ou à la mort, quelqu’un crier à la cantonade « René, tu nous en remets deux, s’il te plait… ». Ceci pour vous rappeler qu’on peut savoir rigoler et se « foutre du monde tout en écrivant d’excellentes nouvelles sans pour autant s’enfermer dans un genre déterminé. Car un vrai essayiste, un véritable auteur de nouvelles est avant tout un écrivain et qu’écrire bien et propre est avant tout une question de travail et de talent ! Bob Boutique


ÉTOILE : C’EST LA RENTRÉE Marie-Claude Pietragalla est danseuse étoile de l’Opéra de Paris, chorégraphe et fondatrice du Théâtre du Corps Pietragalla-Derouault En s’inspirant de son parcours, elle a raconté à travers une série de romans jeunesse l’histoire de Marie Pietro. Après un tome I pour faire connaissance, Marie fait ici sa rentrée à l'Opéra Garnier comme petit rat stagiaire. Le stress monte, tout comme l'envie de progresser et de montrer le meilleur d’elle-même. Elle sait que seule une trentaine d'élèves sera acceptée en juin pour rester en formation. Au sein de ce nouveau groupe, elle se fait des amies comme Emilie et Elsa, des jumelles inséparables, mais aussi une grande rivale, Aurore, qui dès le début s’amuse à lui jouer de mauvais tours. Un slogan est harangué tous azimuts : rigueur, discipline et travail. Trois mots qu’il convient de graver dans l’esprit de chacune ! Véronique Grisseaux, écrivaine et journaliste, a adapté le texte original pour le séquencer en mode bédé. Quant à Emilien Varela de Casa, il a travaillé du crayon pour donner un visage aux protagonistes et les faire évoluer dans des décors nimbés de couleurs rouges, roses et jaunes. « Etoile : c’est la rentrée » est son deuxième album de bandes dessinées. Un livre qui plaira beaucoup aux petites filles sportives ou qui le sont moins. Il y a fort à parier qu’elles s’identifieront à Marie, persévérante et talentueuse. Ed. Michel Lafon – 56 pages Julie Plisnier

GÉRALD II Gérald est de retour ! Ceux qui ont déjà lu le tome I de ses aventures savent à quel genre de gaillard ils ont affaire. Un gars pas méchant, mais qui a l’heur de tout accepter au premier degré. Bref, un garçon qui ne possède aucun humour et qui ne parvient jamais à prendre du recul lorsque la situation l’exige. Exemple : lorsque Juliette, dont il est éperdument amoureux, lui a asséné : « Va voir au bout du monde si j’y suis ! », il a démarré au quart-de-tour et s’est envolé loin de chez lui pour vérifier. De malentendu en malentendu, il génère de l’affection. Puis, au moment de dégoter un emploi, il a pris la poudre d’escampette. Motif : la recruteuse lui a fichu les boules avec son allure de serial-killeuse. Inspiré des vidéos créées par Léopold Lemarchand, spécialiste des univers décalés et titulaire de plus de vingt millions de vues sur Youtube, Gérald est bien vite devenu son personnage fétiche. Ses gags mis en images par Mister Box et dont le volume 1 s’est déjà vendu à plus de quinze mille exemplaires s’inscrivent parfaitement dans l’air du temps, avec un antihéros sympathique, un zeste lunaire et incapable de la moindre méchanceté. Sa naïveté ainsi que son comportement en font quelqu’un qu’on a envie de saisir par la paume de la main afin de le diriger sur la bonne route à suivre. Un euphémisme que d’écrire que la suite de ses péripéties était attendue ! Ed. Michel Lafon – 48 pages Paul Huet


L’ESPOIR DES POUPÉES RUSSES Années 50. La guerre froide oppose la Russie et les Etats-Unis sur l’échiquier des nations. Perdue dans sa Sibérie lointaine, Katarina rêve des phares de la capitale. Pour elle, Moscou représente le moyen d’abandonner une région désertique et sans avenir. Elle désire devenir artiste et rutiler sur les écrans des cinémas. Alors, lorsque l’opportunité se présente, elle s’embarque les yeux fermés, confiante et prête à tout miser sur la bonne étoile qui lui sourit. Pour subvenir à ses besoins, elle accepte un emploi de vendeuse, mais se retrouve à écouler des marchandises de contrebande pour un patron peu scrupuleux. En échange de son silence, ce dernier lui promet de l’envoyer à New York, afin de débuter une nouvelle existence. Du coup, Katarina se met à rêver, prête à tous les sacrifices. A travers les espoirs d’une femme, Ahava Soraruff propose une réflexion sur les limites qu’on doit s’imposer. Il y est aussi question de la vie quotidienne dans l’ancienne URSS, refermée sur elle-même et régie par des lois implacables. Il ne suffit pas de raconter des histoires aux petites filles gentilles pour qu’elles puissent les concrétiser ! Katarina devra franchir bien des étapes avant de découvrir que la vie n’a rien d’une sinécure. Ici ou ailleurs ! Ed. City – 398 pages Amélie Collard

UN SQUELETTE DANS LE PLACARD Cela fait peu de temps que Ginger Gold, veuve un chouia excentrique, a quitté les Etats-Unis pour respirer l’air londonien et se replonger dans ses racines. Un come-back a priori banal et, au cours duquel, elle espère vendre à bon prix sa maison d’enfance. Ses projets sont bousculés lorsque son chien Boss découvre le corps momifié d’une femme dans le grenier. Comment se nomme la victime et depuis combien de temps est-elle là ? Il n’en faut pas davantage pour inviter la jeune héritière à se lancer dans une enquête à sa façon. Laissant la police mener les investigations de son côté, elle décide de rassembler un maximum d’indices pour confondre le ou la coupable. Pour ce faire, elle convie lors d’une soirée celles et ceux qui étaient déjà présents voilà une décennie. Une bonne idée ? Pas vraiment, puisqu’un nouveau meurtre a lieu au terme de la rencontre. Côté intrigue, Lee Strauss nous mitonne un classique à la manière d’Agatha Christie, avec une énigme, des suspects et une enquêtrice pas farouche, dotée d’un sens de la répartie qui fait mouche et d’un flair de limier. Le style cosy est vif et enlevé pour servir une construction habile. Sans avoir l'air d'y faire, l’autrice embarque le lecteur avec une maestria et le comble. Ni une ni deux, pour lever le voile du mystère, Ginger Gold répond toujours présente ! Ed. City -283 pages Sylvie Van Laere


LES FIANCÉS DE L’ÉTÉ 1939. Un été ensoleillé. L’existence fait irradier Ariane qui se croit à l’abri du malheur. Tout lui sourit. Elle possède la jeunesse dans ses bagages, projette de devenir créatrice de souliers dans l’entreprise de son géniteur et attend d’épouser Raphael, son amoureux de toujours, un garçon charmant que le destin appelle à de hautes fonctions puisqu’il sera architecte. Néanmoins, une ombre se dessine sur la ligne d’horizon avec la menace nazie qui se fait de plus en plus pressante. De l’autre côté de la frontière, les forces armées s’agitent et s’apprêtent à surprendre tout le monde en passant à l’offensive. Deux mois plus tard, le jeune homme est mobilisé, avant de s’engager dans la résistance jusqu’au jour où la Gestapo l’arrête et le déporte à Buchenwald. Retenue à un souffle ténu, la fiancée ne sait plus à quel saint se vouer. Toutefois, elle refuse de demeurer les bras ballants le long de la couture de sa robe. Puisque tout la pousse à agir, elle s’apprête à affronter le pire, quitte à se surpasser et à se faire violence. L’alternative se présente en la personne d’un officier de la Wehrmacht. Elle s’offre à lui, espérant qu’il intercèdera auprès des autorités compétences. Face au regard méprisant de ses proches et du voisinage, elle décide de fuir à Paris, où elle occupe un poste de femme de chambre. Peu à peu, ses dons de dessinatrice lui permettent d’entrer en contact avec les artistes de la butte de Montmartre. Christian Laborie nous convie à suivre une grande histoire d’amour et de cendres et nous raconte deux existences piétinées dans les remous de la guerre. Entre la Lorèze et la capitale, il parle de l’Occupation, du glas des journées de félicité, d’opprobre, mais surtout de mémoire. Jamais Ariane ne met en berne les sentiments qu’elle éprouve pour ses parents et, bien sûr, pour Raphaël ! Ed. Presses de la Cité – 462 pages Daniel Bastié

LE REGARD DE JEANNE Alors que rien n’était écrit dans son horoscope, Jeanne décide de fuir sa condition modeste de paysanne et d’aller sur les routes. Si cette aventure aurait pu mal tourner, il n’en est heureusement rien. Chemin faisant, elle croise Florimont, un photographe qui l’adoube. A deux, ils se mettent à vivre de leur art en se rendant sur toutes les foires de la région et en passant de village en village pour immortaliser celles et ceux qu’ils croisent. Puisque nous sommes en 1860, la photographie n’en est qu’à ses balbutiements et, aux yeux de certains, elle peut apparaître comme de la magie. Au-delà d’une belle description des mœurs du XIXe siècle, Jean-Guy Soumy nous propose un récit d’émancipation extrêmement coloré et nous emporte dans l’univers itinérant des artistes. Le tout servi par une écriture délicate sans être précieuse ni prétentieuse, à l’instar du clair-obscur des clichés en noir et blanc avec les mille et une nuances de gris, d'ombres et de lumières que les protagonistes saisissent lorsque l’occasion se présente. Leurs douleurs, leurs failles et leur urgence de vivre font de cet ouvrage un véhicule romanesque a découvrir sans appréhension, d’autant plus que le plaisir de lire n’est jamais entravé. Ed. Presses de la Cité – 268 pages Paul Huet


ZINNEKE PIS MORD SUR SA CHIQUE Dans ce métro-polar zwanzé, "Roza", la plus célèbre rame de métro, n'a qu'un rôle secondaire. Toute notre attention sera soutenue par le crime... que dis-je, les crimes, puisqu'il y en a deux, que le fameux commissaire Guy Carmel doit élucider. Va -t-il y parvenir ou va-t-il se vautrer lamentablement comme il l'a fait précédemment dans une autre enquête ? (Ce que certains esprits "complaisants" ne manqueront pas de lui rappeler). La question mérite d'être posée mais je m'empresserai de ne pas répondre... je ne tiens pas à vous gâcher le plaisir de la découverte de ce nouvel opus jouissif de Georges Roland. C'est qu'en matière de zwanze, il en connaît un bout, le gaillard, je dirais même que c'est un orfèvre en la matière. Les dialogues savoureux qui jalonnent ce roman sont dispensés dans un humour sentant bon la gueuze et la Pils. Notamment ceux qui mettent en scène Mesdames Bertha, Gigi et Godelieve (grande amatrice de biceps, de tablettes de chocolat, surtout le chocolat noir, si vous voyez ce que je veux dire...) Sans oublier Mamy Castagnette dont la volubilité trahit des origines hispaniques. Et puis, il y a les collègues de Carmel, pas "tristes" non plus les gonzes... Jésus Floche (le bien nommé) ou le Turpin, toujours pas sorti des jupes de sa mère. Autre personnage haut en couleur, le propriétaire du "Trou du Loup" (sorte de café théâtre), un certain Baldewijn Winkel de Wezet (Baldy pour faire plus court). Amusant le patronyme, non ? Si vous aimez, vous en découvrirez d'autres tout au long de cet ouvrage : Robert Deniraux (ça vous rappelle quelqu'un?...), l'inspecteur Bertrand Dughesclain, Charly Belles Oreilles, Aimée de Schaveiger, ou encore Pieter Vollenbak... Alors, si vous n'êtes pas encore parti(s) en vacances, voilà un chouette livre qu'il faudrait songer à emmener dans vos bagages et si vous êtes revenu(s) de vacances, voilà un "tof" bouquin qui vous fera oublier les affres de la rentrée. Le Livre de Votre Région - 197 pages Alain Magerotte

LA PYRAMIDE DE L’OMBRE JAUNE En 1966, les éditions Marabout sortent un coffret spécial incluant les dix premières aventures de Bob Morane contre l’Ombre Jaune, un coffret devenu aujourd’hui quasi introuvable. En 2021, projet initié et coordonné par l’écrivain canadien Yves Trépanier, les éditions L’Âge d’Or préparent la sortie d’un nouveau coffret, d’une dizaine de titres, consacré à nouveau au meilleur et plus fidèle ennemi de l’aventurier Bob Morane. L’édition des volumes – rien que des nouveautés – se déroulera sur deux années. « La Pyramide de l’Ombre Jaune », écrit par Yves Trapenier en est le premier tome. Situé entre les aventures d’Indiana Jones et la série de science-fiction Stargate, le récit entraîne le lecteur dans une cité merveilleuse digne des Mille et une nuits où d’improbables tapis volants servent de moyens de communication. Les ingrédients : une enquête discrète menée sur le trafic d’antiquités par le professeur Aristide Clairembart pour le compte d’Interpol, une jeune et jolie femme férue d’histoire dont le père, richissime, n’hésitera pas à mobiliser une armée entière du Moyen-Orient pour la lancer au secours de sa progéniture, une pyramide perdue dans le désert dont les flancs pourraient receler une forme d’énergie ancienne et maîtrisée (et fort peu coûteuse) qui serait la bienvenue dans notre monde gaspilleur. Du coup, les personnes intéressées se bousculent au portillon et l’apparition de l’Ombre Jaune - devenu un écolo extrémiste - sur l’échiquier n’est pas pour arranger les choses. Ed. L’Âge d’Or – 168 pages Mythic


CHASSE AUX SORCIÈRES En version Poche, Agatha Raisins signe son grand retour pour la rentrée de septembre avec ce récit à (re)découvrir pour le bonheur de lire. Une histoire qui reprend les codes d’une série acclamée depuis de nombreuses années et qui s’est vue déclinée en feuilleton télé avec la délicieuse Ashley Jensen dans le rôle principal. Des enquêtes qui tirent leur inspiration du côté des classiques d’Agatha Christie, mais qui n’en sont jamais des plagiats. M.C. Beaton est une écrivaine qui parvient à poser des univers personnels et qui, touche par touche, tisse des ambiances cosy où évolue une sorte de miss Marple diantrement rajeunie et qui attend l’épilogue pour annoncer froidement le résultat de ses investigations. Cette fois, notre héroïne se trouve confrontée à une énigme dont elle doit démêler l’écheveau avant que ne se commettent de nouveaux meurtres. Une vieille fille a été pendue à ce qu’on nomme dans la région « L’arbre aux sorcière ». Des indices laissent entrevoir qu’il ne s’agit nullement d’un suicide. Quand un policier zélé est retrouvé sans vie au pied du même arbre, ainsi que l’épouse d’un habitant du lieu, Agatha sait qu’un assassin rôde. Reste à le mettre hors d’état de nuire. Avec plus de huit cent mille exemplaires vendus, les enquêtes d’Agatha Raisin peuvent être qualifiées de valeur sûre dans la sphère du polar. Ed. Albin Michel Poche – 302 pages Daniel Bastié

SONNENT LES CLOCHES ! Agatha Raisin peut s’intégrer dans un créneau qu’on peut communément qualifier de littérature populaire, avec de l’action, des émotions, de l’humour et un suspense bien troussé. On n'achète pas ses aventures pour frémir au quart-de-tour comme lorsqu’on se procure un Harlan Coben ou un Stephen King. On joue ici dans une tout autre dimension, en privilégiant les récits racontés à hauteur de lecteurs, pas du tout cérébraux et faits pour être dévorés d’une traite. Dès que cette héroïne pointe le bout du nez, on sait que quelque chose va se passer. Puis, comme elle maîtrise à la perfection l’art des investigations bien menées, on comprend qu’elle supplantera bien tôt la police dans le dossier ouvert. Alors que le petit village des Cotswolds semble profiter d’une sérénité bienvenue, le corps d’un flic municipal est retrouvé au fond d’une fosse de l’église locale. Puis les morts suspectes se multiplient : une carillonneuse trucidée dans l’édifice religieux et un journaliste avec lequel Agatha a échangé des baisers. Bien vite, tous les regards se portent sur l’évêque, dont l’ex-fiancée s’est volatilisée mystérieusement voilà bien des années et dont personne n’a jamais retrouvé la trace. Se fiant à son instinct de limier, Agatha décide de faire toute la lumière sur cette énigme qui a l’heur d’agacer tout le monde et de faire chauffer les esprits. Un régal ! Ed. Albin Michel Poche – 302 pages Daniel Bastié


LA NUIT DU FAUNE Quel foisonnement dans « La nuit du faune » ! On connaissait le talent de Romain Lucazeau pour enchaîner les réussites et les lover à la science-fiction avec une alacrité débordante. Cette fois, après « Latium I » et « Latium II », il nous raconte l’histoire d’une petite fille prénommée Astrée qui vit au sommet d’une montagne avec pour uniques compagnes des vieilles machines silencieuses. Un après-midi, elle est surprise par un faune en quête de gloire et de savoir. Ce dernier souhaite sonder les mystères du cosmos et appréhender le destin qui attend ceux de sa race. Sans trop réfléchir, l’enfant accepte de lui venir en aide. En fait, derrière une apparence juvénile, la jeunette dissimule une nature mystérieuse. Elle est en effet l’une des dernières représentantes d’un peuple disparu et qui était doté de pouvoirs considérables. A la nuit tombée et de concert, ils se lancent dans un voyage intersidéral qui les expédie au-delà du système solaire, à la recherche de civilisations et de formes inconnues des humains. Bien entendu, il faut aimer la SF pour adhérer à ce roman imaginatif, accepter d’abandonner au vestiaire le cartésianisme bourgeois dont on nous affuble à l’école et respirer un grand coup pour visiter des univers aux formes complexes, excessivement bien rendus et prompts à nous faire oublier la morosité d’une époque qui ne parle plus que de distanciation, de masques et de gel hydroalcoolique. On aurait bien tort de se priver de cette lecture galvanisante, virevoltante et chargée d’espoir. Un bon livre de rentrée ! Ed. Albin Michel – 249 pages André Metzinger

LE JARDIN DES MONSTRES Il ne faut pas se fier au titre et croire avoir affaire à un roman d’horreur ou, du moins, nimbé de fantastique. Lorenza Pieri nous raconte le destin de deux familles par le truchement de la fille de chacune d’elles. La première, Annamaria, enfant de Sauro Biagini, éleveur de chevaux, peine à trouver sa place et à s’épanouir dans la société. Quant à la seconde, Flaminia, dont le père est Filippo Sanfilippi, un politicien bon vivant, elle irradie de beauté, bien dans son corps. Puis, totalement par hasard, la première découvre un domaine peuplé de statues gigantesques dues à Nikki de Saint Phalle. Un lieu qui lui paraît envoûtant et vers lequel elle se sent irrésistiblement attirée. Puis, il y a l’artiste, avec laquelle elle entretient progressivement un dialogue. De cette rencontre fortuite, Annamaria parvient à se raccrocher à quelque chose, à voir l’avenir sans animosité et à prendre plaisir de chaque instant qui se présente. Pour elle, il s’agit d’une délivrance. Lorenza Pieri a travaillé longtemps dans l’univers de l’édition avant de se lancer dans l’écriture. Un choix mûrement réfléchi. Avec « Le jardin des monstres », elle nous propose une variation autour du thème inoxydable qu’est les relations humaines, émaillées de heurts, d’incertitudes et du besoin d’être aimé pour ses qualités propres. Il est avant tout question d’un récit pudique qui se colle aux années 80 et qui prouve que vivre mérite largement d’être assumé. Ed. Préludes – 375 pages Julie Plisnier


DU VILLAGE À LA RÉPUBLIQUE Alexis Thambwe-Mwamba est né le 6 mai 1943 à Longa dans le territoire du Kasongo au Congo. Très jeune, il est remarqué pour ses facultés intellectuelles qui lui permettent de surpasser ses camarades d’école. Il ne sait pas encore qu’il sera appelé à de hautes fonctions. Envoyé en Belgique, il achève brillamment ses études secondaires avant de revenir au pays. Là, il est intégré dans un important groupe minier, où il gravit progressivement les échelons. De retour à Bruxelles, il s’inscrit à l’ULB et y décroche deux diplômes, avant d’obtenir une licence en droit à l’université de Bujumbura. En 1991, Kengo wa Dondo fait appel à lui pour soutenir Mobutu, mais l’arrivée au pouvoir du parti adverse le pousse à s’exiler pour rejoindre l’opposition. Au terme d’un conflit sans solution, il retourne en Afrique et s'aligne aux côtés de Jean-Pierre Bemba pour devenir ministre. A travers ses mémoires, il nous livre non seulement un récit personnel, mais toute une tranche de l’histoire congolaise. Plus d’un demi-siècle de relation amour-haine, de luttes intestines pour la gouvernance et des passages obligés dans la clandestinité, avant de se retrouver à la tête du rouage étatique. Rédiger ses mémoires équivaut également à faire œuvre de transmission, à faire connaître des éléments tenus plus ou moins secrets, oubliés ou mal mis en lumière par les médias locaux ou étrangers. Enfin, coucher par écrit un vécu revient à pérenniser ce qui doit l’être et à faire entrer la petite histoire dans la grande et inversement. Ed. M.E.O. – 412 pages Sam Mas

L’HEURE DES OLIVES Claude Donnay signe ici un roman dont il a le secret, baladé par des ondes raffinées, de jolis instants d’émotion et une écriture qui doit énormément à son charme de poète. Avec « L’heure des olives », il nous convie à connaître Nathan Rivière, un homme qui simule un burn-out pour ne pas perdre pied, se retrouver et fuir une société où il a de plus en plus de difficultés à s’épanouir. Il part se ressourcer à Saint-Walfroy. Là, il fait la connaissance d’une femme mystérieuse et fascinante. Un de ces êtres qu’on ne croise qu’une fois et dont il importe de ne pas perdre le contact. Une chose ne laissant guère de place aux conjectures, il découvre que son père a rédigé le roman que, lui-même, comptait écrire. Bousculé par des sentiments contradictoires et des émotions intenses, il sait que ce séjour sera pour lui un grand moment de transition, un temps d’introspection. Sortira-il mûri de cette expérience et de ses réflexions ? Ed. MEO – 272 pages Sam Mas


CENDRES Lila, Violette et Hélène s’embarquent pour Ishia, une île dans la baie de Naples. Objectif : prendre quelques jours de vacances, mais surtout disperser les cendres de Robert, le père de l’une d’entre-elles selon ses dernières volontés. Ce qui apparaît dès le départ comme un trajet de toute sérénité se transforme bien vite en moment fusionnel, qui les amène à se remémorer des souvenirs lointains et communs, à revivre certains pans de leur enfance et à réveiller des contradictions. Le temps qui passe efface certaines douleurs, mais peut également réveiller des cicatrices que tout le monde croyait refermées. Avec les souvenirs qui remontent, les non-dits et les conflits leur font cortège. Anne Duvivier signe un roman court qui se lit d’une traite, servi par des dialogues saisis dans le quotidien. « Cendres » est son quatrième roman. Ed. MEO – 105 pages Sam Mas

LES ORAGES POSSIBLES Claude Raucy n’est plus vraiment à présenter. Poète et écrivain de chez nous, il a longuement exercé dans l’enseignement avant de se consacrer à plein temps à l’écriture. Chaque nouveau livre fait office de surprise. Cette fois, il nous entraîne dans la vie de Charlotte, veuve fort jeune qui choisit d’endosser la cornette des religieuses. Pour ce faire, elle entre dans les ordres et se met au service d’un orphelinat. Malgré des heurts réguliers avec la sœur supérieure, son existence suit le cours d’un fleuve tranquille, sans bonheurs particuliers mais sans malheurs non plus. Quant à la guerre qui gronde partout, elle feint ne pas s’en soucier. Néanmoins, son quotidien bascule le jour où un aviateur britannique déboule dans sa chambre, sollicitant qu’on le cache. Avec les Allemands à ses trousses, il sait que ses heures de liberté sont comptées. Peut-être sa vie ? Peignoir sur les épaules, Charlotte comprend que le temps de la tergiversation est révolu et qu’elle doit agir, avec les faveurs de Dieu ou sans. Divisé en trois parties, ce roman nous parle d’une époque révolue, de sentiments forts et de courage. Aussi de douleur et de résilience ! Ed. MEO – 147 pages Amélie Collard LA CHAMBRE DU PREMIER De retour d’Australie, Sylvie revient auprès des siens. Trop tard pour embrasser sa grand-mère qui vient de mourir. Avec Thomas, son frère qu’elle n’a plus vu depuis longtemps, les regards sont froids et manquent de chaleur. Puis, le notaire chargé de la succession leur apprend que l’héritage sera divisé en trois parts. Une tierce personne a été couchée sur le testament. Un inconnu dont ils ignorent tout et qui semble pourtant avoir dressé des liens profonds avec la défunte. Débute pour Sylvie une enquête sur celle qu’elle aimait affectueusement et qui semble avoir vécu des zones d’ombre, dont elle souhaiterait dénouer les secrets. En creusant dans le passé, elle ne sait pas encore qu’elle ouvre une Boîte de Pandore avec son cortège de surprises (bonnes et mauvaises), ses nondits et une série de mensonges qui ont altéré les rapports. Monique Bernier signe un roman tout en finesse, qui prend le temps de se développer et qui traite de l’incommunicabilité, d’une existence faussée par la perception des siens et de la quête d’identité. Ed. MEO – 185 pages Amélie Collard


GREEN MAN Lorsque la sauvegarde de la planète se conjugue au thriller, cela donne « Green man », un récit fictionnel fait pour nous amener à réfléchir au compte à rebours qui est inexorablement lancé afin d’éviter l’apocalypse à venir. Non pas que la terre explosera ou implosera, mais elle sera nettement moins agréable à vivre ! Alors, dans son coin, un homme a décidé d’agir. Un être seul, sans empathie pour ses semblables et qui se croit chargé d’une mission. Son objectif : éradiquer une partie de la population dans l’intention de faire chuter les demandes diverses, bannir du monde des vivants celles et ceux qui gaspillent et polluent à tour de bras. Tom, jeune recrue du FBI, est un fervent défenseur des valeurs écologiques et, pour cette raison, ses supérieures le chargent de mettre un terme aux agissements de celui qui se prend pour un justicier en multipliant les victimes et en accumulant une série d’attentats plus meurtriers les uns que les autres. Avec un flic partageant le même intérêt que le bourreau pour notre sol, celui-ci aurait peut-être une chance d’entrer dans son mode de pensées et d’anticiper ses crimes ? David Klass nous offre un thriller froid et efficace qui allie suspense et psychologie, tout en nous invitant à réfléchir sur notre manière de vivre et de consommer. In fine, ce roman possède tous les atouts pour devenir un best-seller : une histoire qui tient en haleine, du suspense, des rebondissements, un protagoniste attachant et une écriture fluide. Jolie découverte ! Ed. Equinox – 437 pages Sam Mas

J'AI TUÉ CATHY Un nouveau livre de notre rédacteur Georges Roland. Voilà l’avis de trois lecteurs. Barbara Y. Flamand : Laurent, noceur, viveur, recueille dans son studio de Bruxelles la petite Cathy, qui va transformer sa vie. Il prend conscience de l’opinion des autres : une petite fille et un adulte, seuls dans un studio, où cela peut-il mener ? Comment peut agir un tel homme à l’égard d’une fillette de neuf ans dont il n’est ni le frère ni le père ? Une écriture entièrement adaptée au sujet, une écriture par laquelle le lecteur visualise les personnages, les situations et en perçoit le ressort et l’essentiel et, grande qualité : l’auteur n’a pas donné le moindre coup de pouce pour atteindre le tragique. Il est dans la matière même du livre. Guy Delhasse : Je trouve que vous avez traité le sujet avec pudeur et tact, laissant peu de place au voyeurisme. Le côté "policier" n'est pas mal du tout et votre roman est très réussi par sa construction, par la préface, incompréhensible -on a l'impression que le début de roman est catastrophique car on ne pige rien de cette Catherine J, mère de famille- et puis tout au bout du roman, on relit ce texte et tout s'éclaire brusquement. C'est original et maîtrisé. Joseph Bodson : Un livre étrange, avec un sujet peu habituel, mais que l'auteur a su traiter avec beaucoup de maîtrise et de délicatesse. Ses personnages sont bien typés, décrits de main de maître, et le côté festif n’empêche pas que çà et là les questions essentielles soient posées, que ce soit le sens de la vie, ou la pauvreté à laquelle sont condamnés certains des personnages. Le tout dans des quartiers de Bruxelles auxquels on sent l’auteur très attaché, pour leur sens de la zwanze, et cette valeur essentielle qu’est l’amitié entre les gens. Le Livre de votre Région - 276 pages Sam Mas


VOUS PRÉSENTE PARMI SES COLLECTIONS DEUX AUTEUR.E.S BRUXELLOIS.E MARIE-CHRISTINE LEFEBVRE Chers ancêtres Une chronique de 150 ans d'une famille bruxelloise. GEORGES ROLAND Le libérateur de Bruxelles Un roman historique, en hommage à l’échevin Éverard ‘t Serclaes, le gisant de la Grand Place. J'ai tué Cathy Un roman noir dans une impasse au Sablon : elle avait neuf ans et moi trente… je n’ai pas voulu ça. Le brol aux Marolles Un métro polar zwanzé signé Roza-la-Rame, persillé d’expressions bruxelloises. Un lexique en fin de volume peut servir aux ceuss qui sont nés à Houte Si Plou. Zwanze une fois, juste pour voir Un recueil pour les Bruxellois, avec les Chroniques du Ket de Brusselles et un texte en Brussels Vloms. Entrée gratuite Tous les livres sont aussi disponibles sur commande en librairie et sur www.lelivredevotreregion.com SAMEDI 18 SEPTEMBRE 2021 à partir de 15heures Chaussée de Boondael 32 (salle du CFA) à 1050 Bruxelles


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