BC 15 mars 2019

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CINÉMA : C’EST ÇA L’AMOUR Drame de Claire Burger, avec Bouli Lanners, Justine Lacroix, Sarah Henochsberg et Cécile Remy-Boutang. France 2018, 98 min. Sortie le 27 mars 2019. Résumé – Mario est employé à la souspréfecture d’une mairie et sa femme vient de le quitter. Il se retrouve seul avec leurs deux filles : Frida, 14 ans et Nicki, 17 ans. Malheureux comme une pierre et dans l’attente de celle qui les a abandonnés après vingt ans de vie commune. Alors, pour tenter de revoir sa femme, il s’inscrit à un atelier de théâtre en quête d’acteurs et d’une pièce à jouer. Commentaire – On va suivre Mario dans sa nouvelle vie de célibataire et dans ses rapports difficiles, faits de tensions et de rejet, avec ses deux filles dont il doit s’occuper. C’est le même sujet que celui de Nos batailles de Guillaume Senez, mais c’est tourné par une réalisatrice qui y apporte sa touche féminine en cadrant les visages et les regards, où elle met à nu les sentiments qui animent chacun des personnages. Il y a d’abord l’amour du père pour sa femme qu’il aime encore et pour leurs deux filles. Un amour que Mario a tant de mal à exprimer mais qu’on ressent dans chaque regard qu’il leur adresse, dans chaque geste qu’il ébauche vers elles. Car aimer, c’est tout partager et faire confiance. C’est ça l’amour, comme le dit ce cinquième film de Claire Burger qui a obtenu la Flèche de Cristal – soit le Grand Prix – au Festival des Arcs 2018. C’est aussi le malaise de la cadette, Frida, mal dans sa peau et tentée par le lesbianisme qu’elle découvre avec une camarade de classe. Elle rejette son père qu’elle croit responsable du départ de leur mère, allant même jusqu’à essayer de l’empoisonner pour se séparer de lui. Mais au fond, elle l’aime, comme sa sœur aînée qui se désole pour lui et pour elles deux du mal que leur a fait leur mère en les quittant. Leur mère n’a pas su voir l’amour de son mari, qui a du mal à s’exprimer avec les femmes. Du mal à leur dire qu’il les aime. Et puis, surtout, il y a ce mari, ce père incarné par Bouli Lanners, l’acteur belge qu’on a vu dans bien des films, et notamment dans Tueurs de François Troukens. Il joue le rôle émouvant d’un Père Goriot dévoré d’amour, qui a beaucoup de peine à remonter la pente du désespoir sur laquelle il glisse. Toujours à deux doigts d’en finir avec la vie s’il n’y avait pas leurs deux filles qu’il aime, étant prêt à subir les injures de la plus jeune et prenant l’échelle pour aller voir si elle est bien dans sa chambre. Oui, c’est ça, l’amour d’un père que tous ses gestes expriment mais que ses mots, guidés par la pudeur, n’avouent pas. La caméra est tactile, subtile : elle suit les visages cadrés au plus près, les mouvements, les regards qu’elle scrute en profondeur. On rentre ainsi dans la psychologie des personnages qu’on découvre peu à peu au fil de l’histoire. Belle performance des deux jeunes sœurs qui sont jolies à croquer dans leurs émois d’adolescentes. Et magnifique prestation de Bouli Lanners qui a reçu, pour ce film, le Prix d’interprétation masculine au même Festival des Arcs. Avis – Sur la cassure d’un couple, sur les enfants qui doivent choisir entre leurs parents, et sur la difficulté de se reconstruire après une séparation. Une histoire hélas très actuelle, qui nous émeut et nous fait réfléchir. Michel Lequeux


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