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Et aussi…

riz, blé, soja,…Grâce aux capitaux que lui confie sa firme Platinium Winch, il fait et défait ces différents marchés au gré de ses humeurs et de ses informations privilégiées. En fait, le poids de sa firme sur les marchés est tel que c’est elle, avec deux ou trois autres, qui détermine de facto le prix de ce qu’elle décide d’acheter ou de vendre. Brad a-t-il un avis sur les subprimes ? Les subprimes, il adore. Plus le marché est volatil, plus il a perdu ses repères, et plus on peut faire du fric. Mais cela va de soi, sa banque n’a pas un cent de subprimes dans ses livres. Les banquiers américains, explique Edouard Tétreau, se distinguent de leurs homologues européens par deux éléments. D’abord ils sont tout sauf des banquiers ; ensuite ils entretiennent un rapport assez étrange avec la vérité. Les trois petits cochons du Cipriani 55, comme il les nomme, sont emblématiques dans ce registre. Des trois, aucun, strictement aucun n’exerçait le métier de banquier. Ils font des métiers beaucoup plus lucratifs : des métiers de trafiquants d’argent, de la même façon qu’il y a des trafiquants de drogue. Et, sur le second plan, il découvre, un an plus tard, que les « trois petits cochons » n’ont pas hésité à lui mentir de la façon la plus directe, ce soir-là : la Golden Bear de Sam, la Silver & Stone de John et la Platinium Winch de Brad étaient rayées de la carte ou ne durent leur survie qu’aux nombreuses et coûteuses interventions des autorités américaines. Que signifie une finance, interroge-t-il, qui ne finance plus rien d’autre qu’ellemême, et pas l’économie ? L’Amérique, après avoir exporté avec succès ce modèle dans le monde entier, sera-telle capable d’en écrire un autre, moins illégitime et moins dangereux pour nos sociétés ?

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OUVERTURE N° 84 • mars 2011

Born again, made in USA Après avoir enterré l’Amérique, Edouard Tétreau reconnaît qu’il est allé un peu vite en besogne. Il raconte – dans la deuxième partie de son ouvrage – sa découverte d’une autre Amérique, de New York à Palo Alto, en passant par Washington DC et Nogalès. Au gré de ses rencontres et de ses voyages s’imposait une réalité nouvelle, écrit-il : l’Amérique n’avait pas dit son dernier mot. Sa vitalité démographique et démocratique ; sa capacité à innover et à se renouveler dans tous les domaines, un mélange rare d’optimisme et de résistance à la douleur constituent sa dynamique de première puissance mondiale, que rien ne semble devoir arrêter. Rien, à une exception près : l’Amérique a un gros problème avec l’argent. La vitalité démographique C’est à Nogales, Arizona à la frontière avec le Mexique, explique l’auteur que l’on prend en pleine figure cette réalité : le miracle américain du XXI° siècle n’est rien d’autre que le flux continu et grossissant de l’immigration, officielle ou clandestine. Grâce à leur modèle fondé sur l’immigration choisie ET subie, les Etats-Unis seront le seul grand pays développé à voir leur population connaître une formidable croissance au XXI° siècle : 400 millions, voire 500 millions avant 2050 contre 300 millions aujourd’hui.

La capacité à innover Palo Alto, la Mecque du capitalrisque américain, le Saint des Saints des nouvelles technologies mondiales. L’auteur y rencontre le gérant d’un fonds venture. Il s’attend à des envolées stratosphériques sur les clean techs, l’économie du futur, la biomasse, la génétique… No nonsense lui fait comprendre son interlocuteur. Ne pas se raconter d’histoire. Quand un créateur d’entreprise vient présenter ses idées, on ne lui demande pas son CV. On ne lui demande même pas s’il a des fonds – on les trouvera pour lui. On lui demande simplement deux choses : does it work ? et does it sell ? La vitalité démocratique. La réalité du pouvoir à Washington DC est sans équivoque : l’exécutif, élu


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