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IV.2. Une jeune génération d’ architectes dépolitisées
from Les chemins de l'engagement : les architectes face à l'urgence climatique - Mémoire de fin d'étude
“Dans ma pratique, je sens bien qu’aujourd’hui j’ai plus une approche militante. Je me sens plus militant qu’architecte. J’essaye de faire avancer les choses et c’est ce qui me motive le plus. J’utilise mon métier pour militer. Je milite pour des valeurs sociales et environnementales. ” (Frédéric Denise, Archipel Zéro)
Il affirme ses valeurs à travers l’ exercice de sa profession qui se transcende en un exercice militant. Pour cela, sa pratique architecturale s ’ est adaptée. Par exemple, il organise des chantiers participatifs, met en place des démarches inclusives, il travaille avec des entreprises d’insertion professionnelle, il bannit le béton de ses constructions et promeut les matériaux de réemploi. L’ acte de construire se transforme en un acte politique, non pas au sens d’ un parti politique mais au sens du bien commun. Ici, le politique ne correspond pas à ce que font les politiciens, ce n ’ est pas partisan ou coloré. C’ est une démarche orientée vers le bien commun.
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IV.2. Une jeune génération d’architectes dépolitisées
A contrario, les deux architectes de la jeune génération interrogés ne se sont pas positionnés sur la question du politique et du militantisme. De manière générale, la France voit les jeunes générations se désintéresser de la politique. Par exemple, les dernières élections présidentielles ont connu une importante baisse de la participation chez les 18-25 ans. Ce détachement s ’ explique par plusieurs phénomènes. Ils n ’ ont pas connu de grandes mobilisations et pour celles qu ’ils ont vu, elles se sont terminées par des échecs. (MILCENT, 2019) La sociologue Anne Muxel a partagé un constat dans le hors-série du mensuel Sciences Humaines, Où va la France ? : “N’ ayant connu que les crises sociales, économiques et aussi politiques taraudant la société française depuis une bonne trentaine d’ années, les jeunes sont de fait porteurs d’ une défiance globale ” . Entre déceptions et désillusions, les jeunes ne se sentent pas représentés dans les discours. (MILCENT, 2019) Ils n ’ admettent aucun parti politique particulier. Jacques Ion affirme qu ’il existe une multitude de manières d’être acteur de la société. Il distingue des formes d’ engagement qui vont de l’ engagement militant à l’ engagement distancié. Il dit dans son ouvrage La fin du militantisme ?, “Si la modernité se caractérise par l’ affaiblissement des modes d’ appartenance et la pluralité des univers d’ expérience, l’ère des individus n ’ est pour autant pas nécessairement celle de la fin du politique ; au contraire, elle peut
précisément susciter de nouvelles aspirations à définir le cadre commun du vivre ensemble. ” (ION, 1997) Ce phénomène est également présent chez les jeunes architectes. Ils ne sont pas forcément dans une posture militante, au sens du militantisme politique, mais sur une posture du “faire ” .
“Cette question d’engagement, on ne se l’est jamais vraiment posée. On prend rarement de recul sur ce qu’on fait, sur notre démarche, notre travail. Ça fait deux ans que l’on a la tête dans l’eau, on fait ce qu’on fait mais on ne se pose pas pour définir nos valeurs, notre mission et nos engagements. ” (Mathilde Héraut, Collectif ARTI/CHÔ)
Il est aussi important de noter que ces deux collectifs ont moins d’ expériences et ont peut-être plus de difficultés à se positionner clairement sur leur lien à la politique dans leur discours.
Ces désirs d’ engagements formulés par les architectes de notre étude de cas, se traduisent de manières plurielles dans leur activité professionnelle. Ces échanges nous indiquent qu ’ils vont largement au-delà de l’ acte de construire. A travers ces positionnements, ils participent à une nouvelle forme de militantisme. A l’heure d’ une prise de conscience mondialisée et de profonds changements dans le métier d’ architecte, nous nous demandons de quelle manière se projettent les professionnels de la construction.

