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Culture

1954 SANCTUAIRE DE BAALSHAMAN Fouilles du portique réalisées par l’expédition archéologique menée par Paul Collart

Le projet Collart-Palmyre de l’UNIL reçoit un soutien décisif

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2018 TEMPLE DE BÊL Vue du du monument hellénistique de la cité de Palmyre après sa destruction par Daech

Détruit par DAECH en 2015, le temple de Baalshaman fait l’objet d’un projet de reconstruction virtuelle grâce aux archives de l’archéologue suisse Paul Collart (1902-1981)

Par VALERY BANTON

Août 2015, le sanctuaire antique de Baalshamîn à Palmyre, un monument classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO, disparaissait, détruit à l’explosif par le groupe terroriste État Islamique. Deux ans plus tard, l’Institut d’archéologie et des sciences de l’Antiquité de l’Université de Lausanne (UNIL) lançait un ambitieux projet visant à reconstituer numériquement ce trésor perdu grâce aux clichés, notes ou plans récoltés en Syrie par l’archéologue vaudois Paul Collart durant les années 1950. Ambitieux, ce projet est désormais soutenu par l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH).

«PIERRE PAR PIERRE» Un paysage éteint fait de colonnes meurtries et de ruines mortes. Dans cet environnement sec et silencieux, une caméra avance parmi les vestiges, sinuant entre ce qu’il demeure de monuments antiques que l’on découvre reconstitués en 3D. Puis, sur ces images, apparaissent en surimpression des contours spectraux, d’abord, se faisant bientôt de plus en plus précis. Et que découvret-on? Les volumes et nuances des trésors architecturaux qui existaient là il y a encore peu! C’était avant que la guerre s’en mêle, condamnant à la destruction Palmyre, autrefois carrefour de routes caravanières reliant la Mésopotamie à la Méditerranée et à l’Égypte. La séquence est puissante. Montrée jusqu’en février dernier durant l’exposition Cités millénaires, Voyage virtuel de Palmyre à Mossoul organisée par l’Institut du monde arabe (IMA) à Paris, elle offrait de contempler pour la première fois un peu du projet lié aux archives de Paul Collart mené depuis deux ans à l’UNIL. En jeu ici: numériser l’ensemble des documents liés au temple de Baalshamîn récoltés par l’archéologue romand afin de préserver pour les générations futures la mémoire d’un patrimoine mondial évanoui.

«Après la destruction du sanctuaire en 2015, nous nous sommes demandés: que pouvons-nous faire, alors que nous disposons d’archives nous permettant de reconstituer pierre après pierre ce monument et son histoire? explique Patrick Michel, chargé de recherche, responsable du projet Collart-Palmyre à l’Institut des sciences et de l’antiquité de l’UNIL. Nous avons alors numé- risé l’ensemble des documents légués par Paul Collart afin de disposer d’un rendu en 3D le plus précis possible. À terme, l’idée est de spatialiser nos documents à des fins de recherches avec l’aide de la start-up française Iconem, à l’origine de l’exposition montrée à l’IMA. Offrir ce type de plateforme nous permettra ainsi d’ouvrir notre archive online et de faire vivre l’ex- ceptionnelle documentation léguée «C’est grâce par Pierre Collart». à ce travail de PREMIÈRE MISSION ARCHÉO LOGIQUE SUISSE - documentation À L’ÉTRANGER Professeur d’archéologie à l’Univer- d’une très grande sité de Lausanne, Pierre Collart fut un pionnier de l’archéologie suisse minutie que nous contemporaine. Spécialiste de la période antique gréco-romaine, pouvons aujourd’hui il voyage dans le bassin médi- terranéen dès les années 1930, restituer jusque amassant une collection de plus de 3’500 photos destinées à dans les plus être ensuite utilisées durant ses cours. Durant les années 1940, infimes détails ce l’UNESCO lui confie la charge de dresser un inventaire archéolo- que fut le temple.» gique du Levant. En 1954, on le retrouve ainsi en Syrie, dirigeant les fouilles du sanctuaire de Baalsha- mîn dans le cadre d’une opération financée par le Fonds national suisse de la recherche scien- tifique (FNS). L’épisode fait date. C’est en effet la première mission archéologique d’importance réalisée par la Suisse hors de ses frontières. «À la mort de Paul Collart, en 1981, ses héritiers ont décidé de léguer l’ensemble des archives de leur père à l’UNIL, explique Patrick Michel: des photos d’une précision étonnante et des plans d’une formidable qualité. C’est grâce à ce travail de documentation minutieux que nous pouvons aujourd’hui restituer dans les plus infimes détails ce que fut le temple.» Depuis juin 2019, le projet Collart-Palmyre est soutenu par l’ALIPH. Fondation de droit suisse basée à Genève et bénéficiant du statut d’or- ganisation internationale, son objectif consiste à «soutenir concrètement la protection et la reconstruction du patrimoine culturel dans des régions en conflit ou en situation de post-conflit.» Outre la reconstruction virtuelle du temple de Baalshamîn, le financement alloué servira égale- ment au développement d’un projet humanitaire et éducatif destiné aux réfugiés syriens actuelle- ment mené en collaboration avec le programme Future Heritage Lab du MIT, à Boston.

RAPHAËL LUTZ LE DESIGN RADICAL ET RESPONSABLE

Talentueux touche-à-tout et designer férocement doué, le Lausannois s’est spécialisé dans les arts de la table avec succès. Échange avec un instinctif racé, patron d’un studio réputé et initiateur, parmi d’autres bonnes idées, du format Designer’s Table

Par DAVID BRUN-LAMBERT

«Je n’ai jamais été employé de ma vie, j’ai toujours suivi mes envies».

Disant cela, Raphaël Lutz rit de bon cœur, d’un timbre grave et immédiatement séduisant. Le Lausannois, trente-cinq ans cette année, on lui parle par téléphone alors qu’il s’offre une pause dans les préparatifs qui l’occupent à temps plein, soit la Biennale Design Zurich qui s’annonce et où il affichera ses créations, en habitué. «Entre les préparatifs pour la troisième édition des

Designers’ Table en novembre et les différents projets que mène actuellement mon Studio, je n’arrête jamais» concède-t-il dans un autre rire. Ainsi en va-t-il de l’emploi du temps chroniquement saturé d’un créateur-entrepreneur parmi les plus inspirants de sa génération.

Design thinking Comment envisager l’ensemble des talents que possède Raphaël Lutz, exactement? Si la question peut tarauder qui essaye de faire rentrer dans une seule case le designer vaudois, elle amuse l’intéressé, franchement. «Je suis fils d’indépendants ayant monté ma première start-up à dixsept ans, puis d’autres boîtes au cours des années suivantes au gré de mes désirs ou besoins», résume l’élégant parti vivre en Chine après le Gymnase, puis revenu au bercail «faire un apprentissage accéléré de mécanique de précision. Je voulais toucher la matière, ça m’intéressait de savoir comment les choses sont construites. Au bout de six mois, j’ai déchanté, comprenant que je voulais être la personne qui dessine l’objet, et non celle qui le fabrique.»

NEW WAVES Miroir inspiré des reflets et des mouvements de l’eau

Depuis plusieurs mois, il regardait de loin l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL). Il y posait un dossier de candidature «en filière design industriel», comme il le précise, puis filait en Allemagne pour suivre un stage dans une «boîte de design». À 24 ans, finalement admis à l’ECAL, Lutz renouait soudain avec les études. Mais problème: «Je n’avais pas d’argent. Du coup, j’ai lancé une autre start-up: Étudiant à tout faire. J’allais chez les gens avec ma perceuse-visseuse, je montais des meubles ou posais des lampes. Ça marchait bien. Ça m’a permis de financer ma formation.»

En 2012, son diplôme en poche, le Vaudois ne doutait toujours pas. Fondant son propre bureau de design, Studio Raphaël Lutz, il rebaptisait sa start-up Généraliste et intégrait Design Studio Renens (DSR), «une sorte d’incubateur à jeunes designers se lançant dans l’entrepreneuriat placé sous la houlette de mon ancien professeur de design, Christophe Marchand, explique-t-il. Là, j’ai appris le métier à la dure. J’ai commencé à être exposé et progressivement reconnu dans le milieu du design.» Plus tard, après une période durant laquelle le local de DSR devenait une petite maison d’édition (baptisée «Studio») comprenant un espace collaboratif pour créatifs, Raphaël Lutz s’échappait à Zurich. «Je m’y suis frotté au human centered design, explique-t-il, réfléchissant à utiliser le design dans une stratégie d’entreprise, dessinant des processus, des expériences clients, des services, travaillant sur des arborescences d’utilisation ou des résolutions de tension d’utilisabilité.»

Made in Vaud En 2016, de retour à Lausanne, Lutz reprenait pour lui seul l’espace hier occupé par Studio et, le rebaptisant LAB, en faisait un «un laboratoire d’innovation dédié aux expérimentations pluridisciplinaires». Collaborations, workshops, rencontres entre créatifs, entreprises, start-ups ou particuliers: l’espace était entièrement dédié au «design pour l’innovation», voyant son patron bientôt contacté par le restaurant gastronomique l’Hôtel de Ville de Crissier. «Cette fois, on m’a confié un mandat extraordinaire, raconte-t-il: la conception du plat de présentation du Bocuse d’Or 2017, le concours culinaire le plus important au monde! Durant trois mois, j’ai travaillé sur des supports à nourriture ou des hiérarchies de présentation. Tous les supports qu’on a fabriqués pour ce concours ont été réalisés par des artisans vaudois. Là, j’ai eu un déclic, réalisant: on a des artisans géniaux ici, avec un savoir-faire formidable et qui ne demandent qu’à travailler, quand nous, créateurs, voulons que nos objets soient réalisés de façon irréprochable.» Depuis, le travail de Raphaël Lutz s’applique à faire la part belle aux artisans de la région, estampillant «Made in Vaud» l’immense majorité de ses objets, séries, mobiliers sur mesure ou encore pièces uniques destinées aux galeries de design. «Cette démarche vise à mettre en valeur le savoir-faire exceptionnel des artisans de ce canton, mais aussi à avoir un impact sur l’écologie, précise le Lausannois. Je défends que les industriels avec qui collaborent les designers sont responsables d’une part importante de la

«Je désirais questionner le rapport de l’humain avec son repas, analyser la gestuelle propre à l’acte de manger»

pollution mondiale. De fait, en tant que créatifs, notre responsabilité écologique est énorme concernant nos choix de matière, de type de production ou de transport. En faisant fabriquer un objet chez l’artisan du coin ou en éduquant les industriels et en supprimant le plus d’intermédiaires possible, tout le monde y gagne: l’objet est durable et fait sens sur le plan écologique.»

Radical Cette philosophie «écoresponsable», Raphaël Lutz l’applique également depuis 2017 à un format qui a profondément nourri sa renommée bien au-delà des frontières romandes: les Designer’s Table. Un projet de «design expérimental des arts de la table» lancé dans le cadre de la manifestation Lausanne à Table. «À l’origine de ce programme, il y a l’idée d’organiser des tables d’hôtes dans les 200 m 2 qu’occupent mon studio et où se trouve également une belle cuisine, détaille-t-il. Je voulais inviter à manger des mets cuisinés avec des ingrédients locaux et de saison dans une vaisselle spécialement dessinée pour l’occasion: assiettes en céramique, bois, imprimés en 3D ou métal, outils pour servir et pour manger. Le design apporte une expérience unique aux convives qui mangent par exemple sur un plat à la verticale, ou avec une saucière directement intégrée dans l’assiette, à l’envers. Mais aussi, par ce type de dispositif, je désirais questionner le rapport de l’humain avec son repas, analyser la gestuelle propre à l’acte de manger, observer dans quelle mesure l’expérience de la table évolue si l’on change un détail.» Passé le succès remporté lors la première édition, les Designer’s Table ont été reconduits l’année suivante, accompagnés de nouveaux concepts, souvent radicaux, au gré des douze dates programmées. En novembre prochain s’ouvrira la troisième saison d’un rendez-vous très select qui vaut à son initiateur d’avoir intégré le comité éditorial informatif du guide gastronomique Gault et Millau, de connaître désormais des appuis prestigieux (Piguet Galland, etc.), ou encore d’être invité à Copenhague et Barcelone à présenter le savoir-faire acquis avec ses «tables d’hôtes». «Oh! Cela, c’est un honneur», souffle Raphaël Lutz, reconnaissant.

«En tant que créatif, notre responsabilité écologique est énorme concernant nos choix de matière, de type de production ou de transport»

Studio Raphael Lutz: www.raphaaellutz.ch Designer’s Table: www. designerstable.ch

tendances PRODUITS

Par NATHALIE BRIGNOLI

BUREAU SUR MESURE Un rêve de meubles de bureau design? Romain Luppi fait du sur mesure. Depuis cinq ans, il réinvente le bois dans son atelier de Chaumont. Il a été le premier en Suisse à créer des tables en résine bio-sourcée.

Ses créations ? Des meubles uniques (bibliothèques encastrées, tables, armoires etc.), réalisés sur mesure, dans un esprit contemporain. Romain Luppi va chercher son bois dans les forêts suisses, il utilise des matériaux locaux ou répondant à la norme FSC, respectueux de l’environnement. Prix sur demande.

Prix sur demande. Atelier Insolite Ebénisterie, rte de Chaumont 6, 2067 Chaumont /Neuchâtel, atelierinsolite.ch CLASSIQUE & TENDANCE L’indispensable dans votre sac ou sur votre bureau ! Nommé d’après la marque historique PIX, on aime cet instrument d’écriture au design épuré, dans une couleur rafraîchissante et pétillante ! La nouveauté de 2019? De la résine précieuse et élégante en orange manganèse avec garnitures dorées et trois anneaux plaqués or avec inscription Montblanc en relief. Chaque année, une nouvelle couleur apporte une touche de fraîcheur à la ligne PIX qui inclut aussi des articles de papeterie.

BOISSON AFTERWORK Du cognac français aux reflets bruns-doré, une bouteille iconique, un peu d’eau tonique, des glaçons et un zeste d’orange : le Grand Tonic de Grand Marnier est prêt ! C’est la nouvelle boisson rafraîchissante, parfaite pour un afterwork, pour prolonger l’été, après une réunion de travail, entre amis ou collègues. La marque, rachetée par le groupe Campari, n’a jamais perdu son caractère intemporel et devient tendance, avec une philosophie épicurienne « Live Grand » : savoir ranger son smartphone et déguster un Grand Tonic - avec élégance, autour d’une discussion conviviale!

Disponible partout en Suisse, prix indicatif Frs 39,90.- Stylo roller Pix Orange Montblanc, CHF 280.-, disponible dans toutes les boutiques Montblanc et chez Globus

DESIGN Ce réveil aux couleurs vives a plus d’un tour dans son sac : pour arrêter l’alarme, il suffit de tourner le réveil. Pour savoir quelle heure il est lorsqu’il fait nuit, frappez simplement dans vos mains ou touchez la table sur laquelle se trouve le réveil et le tour est joué ! L’affichage numérique s’arrête automatiquement lorsque la pièce est calme. Le Gravity Cube Click Clock peut être également réglé sur mode permanent, affichant en continu les chiffres qui semblent flotter sur le bloc. Gravity Cube Click Clock, existe en 5 couleurs, CHF 24,50.- everydaydesign.ch

STYLE PILOTE La marque débarque tout juste de Los Angeles ! C’est une version sobre et moderne de la montre de pilote, avec le chronographe en grès métallisé de MVMT. Un verre minéral trempé protège le cadran épuré et le bracelet en cuir marron se marie parfaitement au boîtier noir. Avec cette montre au poignet, on arbore un élément vedette tendance au poignet, en même temps qu’un accessoire de haute qualité. La montre idéale pour tous les jours. MVMT, Chronographe, brun clair Frs. 155.- Manor Genève

FUTURISTE Souple et léger, le sac porté main « Moonshot 271 » en toile PVC et polyester séduit par son design élancé, son intérieur spacieux et ses lignes minimalistes. C’est un accessoire indispensable pour l’homme chic et pressé. Avec sa bandoulière amovible, il peut se porter en travers, à l’épaule ou à la main. Cette ligne technique associe l’esprit futuriste au look décontracté Californien de la collection. Conçue dans une toile néoprène, son style sportif est accentué par un bicolore contrasté. Frs. 460.- Boutique Longchamp Genève, place du Molard 8 -1204 Genève, longchamp.com/ch LIGHTING DANOIS Pas de bureau fonctionnel sans un bon éclairage ! Les luminaires primés de designers créent toujours un bel effet lumière ! Lampes de table et de bureau, petits meubles, Gubi, une entreprise de conception danoise propose désormais ses produit design en Suisse. Fondée fondée en 1967 par Lisbeth et Gubi Olsen, elle continue de créer des pièces fortes. Ce lampadaire en acier et laiton de 1,25 m de hauteur, est idéal pour éclairer votre coin bureau. Lampadaire Gubi Gräshoppa, rouille, CHF 799.-, existe en 4 couleurs, globus.ch

PLAN URBAIN Palomar révolutionne notre façon de voyager et de découvrir une ville avec ces Crumpled City Maps, des cartes souples pour les jungles urbaines ! Compactes, résistantes, ultralégères et imperméables, elles se déplient en deux secondes pour se ranger tout aussi vite, froissées au fond de sa poche ou de son sac à dos. Chaque carte est enrichie de 10 lieux choisis pour rêver ou découvrir la destination de votre choix (Londres, Barcelone etc.) et livrée avec un petit sac de voyage pour en faire un compagnon idéal lors de vos périples. Crumpled City Maps, CHF 7,50.- everydaydesign.ch

Le mur comme frontière et espace-temps

Le céramiste et plasticien genevois JACQUES KAUFMANN propose une somptueuse exposition où ses installations monumentales investissent le parc du musée Ariana. Béton!

Par VALERY BANTON

C’ est une première. Avant cette exposition majeure présentée par Jacques Kaufmann, artiste-bâtisseur franco-suisse de renommée internationale, jamais le musée Ariana de Genève n’avait accueilli d’installations architecturales dans son parc. L’attente valait bien cette réussite! En cinq pièces monumentales réalisées à partir de briques, MUR|Murs invite à l’émerveillement, au cheminement contemplatif et aux questionnements souvent oniriques.

«TOUS CES MURS QUE L’ON CROYAIT IMMUABLES»

Une exposition autour des murs: ceux qui rassemblent ou ceux qui séparent, ceux que l’on érige pour l’éternité ou bien pour quelques temps, seulement. Autour de ce thème universel, riche d’une symbolique souvent poignante, Jacques Kaufmann rend d’abord «un hommage au désir de liberté», comme il l’affirme. Car pour ce céramiste amoureux de la brique et qui, depuis plus de vingt-cinq ans, imagine partout dans le monde des installations composites souvent monumentales et d’une puissance évocatrice formidable, cette exposition événement est d’abord une «tribune», comme il dit. «Les œuvres présentées font référence à tous ces murs que l’on croyait immuables et qui, sans que l’on puisse le prévoir, sont tombés, explique le natif de Casablanca. Le Mur de Berlin est à ce titre dans l’imaginaire collectif le dernier exemple en date. Ce projet se veut également une tribune contre les murs indignes, ceux qui doivent tomber ou, mieux, ne devraient jamais exister: le mur entre Israël et la Palestine, le mur de Trump aussi, entre les États-Unis et le Mexique.» Dans sa méditation, l’artiste songe également à ces remparts que sont les forteresses administratives dans lesquelles nous sommes chacun contraints de vivre. Ou encore à ces édifices dressés n’ayant jamais servi rien d’autre que la «paranoïa ou l’orgueil» de leur commanditaire. Les exemples sont si nombreux, cruels ou déroutants. MUR|Murs leur tord le cou.

OUVERTURE OU FERMETURE

À l’invitation d’Anne-Claire Schumacher, conservatrice en chef du musée Ariana et commissaire de l’exposition, Jacques Kaufmann a ainsi conçu des installations éphémères souvent époustouflantes: on songe à ce mur créé entre le musée suisse de la céramique et du verre et l’ONU, à cette maison de terre déroutante évoquant un tipi singulier, ou encore à cette passerelle aérienne qui franchit élégamment l’architecture des lieux. Si le créateur genevois, par ailleurs enseignant à l’école Supérieure d’Arts Appliqués de Vevey, aime depuis toujours donner «à voir et à penser les infinies propriétés des matériaux mêlées à la richesse des cultures», comme il le défend, cette fois il bouleverse par ses interrogations menées sur deux espace-temps: «ouverture» ou «fermeture». Trop habile pour offrir au visiteur des éléments de réponse, il laisse chacun décider par lui-même: est-on face à un mur exprimant la barrière ou la protection, la permanence ou le symbole? On demeure d’autant plus touché par cette exposition qui, depuis le parc, se poursuit ensuite au sous-sol du musée, quand on apprend que l’artiste a tenu à l’élaborer avec l’aide de jeunes sortis des systèmes scolaires et «en voie de se réinsérer dans un cursus». À ceux-là, comme à qui viendra goûter à cet ensemble présenté dans l’un des plus beaux lieux d’art de la «Cité de Calvin», Kaufmann propose de participer à une rêverie joueuse, politique et grave sur ce qui fonde la folie des hommes, et leur humanité.

Exposition MUR|Murs: Jacques Kaufmann, architectures céramiques, Ariana, Musée suisse de la céramique et du verre, Genève > Jusqu’au 10 novembre 2019

www.institutions.ville-geneve.ch/fr/ariana

«Ce projet se veut une tribune contre les murs indignes, ceux qui doivent tomber ou, mieux, ne devraient jamais exister.»