Dégradé de pommes. 15 x 40 cm.
Paul Dumestre
DES COMPOSITIONS MAÎTRISÉES Délaissant (temporairement?) la veine hyperréaliste, Paul Dumestre a embrassé le pastel et avec lui le thème de la nature morte. Depuis quelques années, il développe avec parcimonie de petites compositions fruitières qui lui permettent de se « lâcher », comme le lui a judicieusement conseillé son ami Chris. Avec succès, puisqu’il remporta en 2011 le premier prix Royal Talens à la 1re Biennale internationale du Pastel organisée par l’ASPAS en Espagne. Pratique des Arts : Paul, vous avez longtemps évolué dans ce cercle très fermé des artistes du trompe-l’œil. Comment avez-vous découvert le pastel? Paul Dumestre : En exposant un jour avec des pastellistes! J’ai trouvé la technique originale et, après avoir discuté avec un artiste, j’ai eu envie de m’y mettre. À ma grande surprise, dès que j’ai essayé, j’ai accroché. Avec le pastel, on est en contact direct avec la matière brute que l’on travaille avec les doigts, des sensations très différentes de celles auxquelles j’étais habitué avec l’huile. Au départ, ma tentation était de reprendre les mêmes sujets et de faire de l’hyperréalisme Soupe à la citrouille. 48 x 70 cm.
mais je me suis vite rendu compte que le pastel ne convenait pas à ce style. C’est possible en termes techniques, mais ce médium ne s’y prête pas. Au lieu de me sentir frustré, je me suis au contraire senti libéré. Je me suis tourné vers des œuvres moins détaillées, moins poussées tout en gardant le réalisme auquel je suis attaché. Du coup, j’ai lâché l’huile, mais ce n’est pas définitif… PDA : Vous avez changé de style et de sujets. Fini les compositions ultra-complexes qui vous caractérisaient? P. D. : Avec le pastel, je ne suis plus obligé d’aller aussi loin. Hors du trompe-l’œil, plus rien n’est codifié. Le pastel m’a donc vraiment poussé dans une autre direction. J’ai changé mes formats : plus petits, allongés ou carrés, ils m’ont permis de penser des compositions plus originales. En simplifiant mes sujets, j’ai pu travailler plus en profondeur les harmonies colorées et les textures. PDA : Héritage ou non du trompe-l’œil, vos compositions sont très équilibrées et semblent savamment orchestrées. Suivez-vous des règles précises? P. D. : Elles sont moins réfléchies qu’il n’y paraît. Je dispose les objets à l’œil jusqu’à ce que je trouve
16 Pratique des Arts GRANDS MAÎTRES DU PASTEL
l’ensemble satisfaisant. Il s’agit avant tout d’équilibrer les volumes, les couleurs, de gérer l’occupation de l’espace. Bien sûr, je tiens compte de certaines lois de base : j’évite les doublons, la symétrie, les vides au centre. C’est une étape qui peut prendre du temps mais j’y réfléchis en général à l’avance. Avant de prendre mes objets et de les arranger, j’ai clairement visualisé ma composition. Cela demande souvent de faire des compromis avec la réalité mais il faut savoir improviser… PDA : Votre galerie de natures mortes compte de nombreuses compositions aux fruits et légumes. Pourquoi ces motifs en particulier? P. D. : Au début, je peignais de vieux objets tels que des outils, dont j’aime les matières et textures. Mais je me suis rapidement trouvé limité dans les teintes qui tournent souvent autour des gris et des bruns. Les fruits ont ce même caractère intemporel, des textures et matières intéressantes mais offrent en plus de très belles harmonies colorées. Je compose mon sujet en partant de deux ou trois tons dominants. Il peut s’agir d’harmonies proches (abricots-prunes, poires-clémentines) ou contrastées (tomate-basilic, cerises-pamplemousse).