Léon Tolstoï - De la Tromperie de l'Église, un essai (Les Rayons de l'Aube 1901 (p. 203-214))

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Les Rayons de l’aube/Chapitre 17 < Les Rayons de l’aube Léon Tolstoï

De la tromperie de l’Église Traduction par J.-Wladimir Bienstock. Les Rayons de l’aube Dernières études philosophiques, Stock, 1901 (p. 203-214). ◄ XVI.

XVIII. ►

XVII DE LA TROMPERIE DE L’ÉGLISE

J’ai reçu et je continue de recevoir vos nombreuses lettres, mon cher X***, et je voudrais répondre de façon complète à ce qu’elles contiennent de plus important pour moi. Répondre à vos injustes suppositions : d’abord que je suis fâché contre vous ; ensuite que, selon moi, notre vie finit ici-bas ; enfin, que je puis et dois mettre mes soins à fournir des secours pécuniaires à quelques personnes choisies par vous parmi les millions d’hommes qui m’entourent, serait, je pense, bien superflu, puisque les réfutations que j’en pourrais faire ont été déjà présentées par moi dans mes écrits avec tout le développement que je suis capable de leur donner. (Je vous envoie la collection de mes œuvres). C’est comme vous savez, dans les ouvrages interdits que vous trouverez toutes ces réfutations. Je ne puis être fâché contre vous parce que je vous aime. Ce même motif me fait désirer de vous aider dans la pénible et dangereuse situation où vous vous trouvez. Je veux parler de votre désir de vous laisser hypnotiser dans la foi de l’Église. Cela est très dangereux, parce que dans tel hypnotisme l’homme perd le plus précieux de tous ses biens : sa raison. Je commencerai par le commencement. Avant la réception de votre lettre j’ai reçu celle d’Isaac Cyrine avec la copie de la requête au gouverneur, et cette requête et votre lettre ont encore excité davantage en moi le désir, la conscience du devoir d’essayer de vous aider, et je dirai franchement, non pas d’aider à vous seul, mais à beaucoup d’hommes qui se trouvent dans la même situation que vous ou marchent vers elle. Je parle des hommes francs, purs, qui acceptent telle ou telle conviction, non pour justifier leur situation avantageuse, mais seulement parce qu’ils voient en elle la vérité. Une dame qui jouit d’une grande fortune et d’une haute situation à la Cour, m’entretenait un jour de la foi. Elle me disait avoir quant à elle, la « foi du charbonnier ». Et visiblement, elle croyait faire tenir quelque chose de subtil, de profond même dans cette marque d’honneur qu’elle donnait, elle, une personne si raffinée à la foi du charbonnier. Or ce qu’elle disait là était sot, et de plus inexact. Cette dame sait lire et écrire en plusieurs langues ; elle a étudié la cosmographie, l’histoire ; elle a entendu parler de Voltaire, de Renan, du brahmanisme, du bouddhisme, du confucianisme. Et c’est pourquoi elle ne peut pas avoir la foi du charbonnier. Le charbonnier qui croit à la Sainte Vierge, à saint Nicolas, au Père éternel qui est dans les cieux, etc., va jusqu’au terme de sa


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