Entre Terre et Mer

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Mémoire de fin d’études année universitaire 2006 / 2007

« Entre terre et mer » - ADAPTER L’URBANISME AUX ENJEUX DU LITTORAL Dimitri Boutleux

Directeur de mémoire

L Ecole Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage

Dominique Caire



Dimitri Boutleux Travail de fin d’études de l’Ecole Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage Année universitaire 2006/2007

Membres du jury - Président de session: M. Jean Grelier - Directeur de travail de fins d’études: Me Dominique Caire - Enseignant de l’ENSNP: M. Frédéric Maillard - Personnalité représentant la maîtrise d’ouvrage: Me. Laurence Lefebvre - Personnalité reconnue pour ses compétences professionnelles: Me. Catherine Bersani - Michel Brodovitch


Sommaire Remerciements p.6-7

Regard sur le littoral

Rappel du sujet p.8-9

Introduction Expérience d’une approche littorale

p.12-13

Contexte politique et économique actuel L’emplacement stratégique européen, p.14 un atout pour le redéploiement touristique La Communauté de Communes de Gros-Jacques, premier pas vers un regroupement p.15

Entités d’un paysage L’empreinte du dragon - texte introductif p.16-17 Les plateaux

p.18-19

lecture d’un plateau

p.20-21

Coteau et basse vallée de la Bresle La Bresle, le fleuve oublié

p.24-25

La crue, manifestation naturelle de la vie d’un territoire p.26-27

p.22-23

Histoire de la perception du littoral la montagne, le rivage et la mer

p.34-35

Fascination pour un paysage multiple

p.36-37

Société et risque littoral

p.38-39

Aménagements et perturbations anthropiques De la Loi Littoral à la GIZC

p.42-43

Quelle dynamique pour ce littoral?

p.44-45

p.40-41

Une vallée, les hommes et la mer Une rivière comme trait d’union entre la terre et la mer

p.48

L’histoire sous le signe de l’eau et du pouvoir

p.49

Eu, entre forêt et rivière, une ville à la campagne

p.50

Composantes urbain

p.51

Promenade en centre-ville

p.52-53

Poussons les portes du “grand jardin”

p.54-57

Entre rivière et mer, le Tréport p.58-59

Les milieux humides Le Grand Marais

p.28

Un milieu utile à préserver

p.29

Aujourd’hui quelle percetion ? p.30-31

Une ville et ses quartiers Les sirènes

p.60

p.61


Usage et maîtrise des éléments

p.62-63

Le port, évolution des infrastructures portuaires

p.64-65

Intentions de projets un territoire en devenir

Mers-les-Bains, une prairie devenue station balnéaire p.68-69 Un projet urbain «In litore floreo»

p.72-73

Schéma directeur

p.96-97

Le secteur sauvegardé

p.74-75

Eu renoue avec son port et ses jardins

p.98-99

L’esplanade

p.76-77

Prairies humides et marais, un coeur pour trois villes p.100-1

L’espace ferroviaire, le bout du monde

p.78-79

Evolution du système portuaire, une alliance entre nature et technologie p.102-3

Activités économiques et réseaux. Quel constat pour quelle évolution?

p.80-81

Voir la mer, redonner toute sa force à l’approche maritime p.104-5

Synthèsepotentialités du site

Conclusion p.107

Bibliographie Schéma des enjeux

p.108-9

p.84-85

Projets de la Communauté de Communes A l’école des grands espaces, projet pour un lycée p.88-89 Desserte portuaire

CD

p.111

p.90-91

Centre de loisirs intercommunal

p.92-93


Remerciements


Je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des membres du jury, et tout particulièrement les deux professeurs de l’Ecole Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage qui ont supervisé ce travail. Leur soutien et leur confiance m’ont beaucoup apporté. Mes pensées vont ensuite à Madame Catherine Bersani, pour son investissement personnel en faveur de la cause littorale. Merci, également à Laurence Lefebvre pour son soutien et sa bonne humeur. Malgré leurs plannings surchargés, toutes deux ont su m’accorder de ce temps précieux; je leur en suis très reconnaissant. Je tiens également à remercier les membres de l’équipe pédagogique pour leur investissement au sein de l’ENSNP. Au terme de cette expérience étudiante, je veux saluer mon fidèle ami et colocataire Thomas Hanss avec qui j’ai partagé ces « années paysage ». De même, je remercie Mathilde Thomassin pour la relecture de ce mémoire. Enfin, je veux remercier ma famille pour toujours m’avoir laissé la liberté d’aller découvrir la grandeur de notre petite planète.


« Entre terre et mer » - ADAPTER L’URBANISME AUX ENJEUX DU LITTORAL


Eu, Mers-les-Bains et le Tréport, trois villes sœurs situées à l’embouchure de la Bresle, un petit fleuve côtier dont la vallée marque la frontière naturelle entre la Normandie et le plateau de la Somme. En 1873, la compagnie des chemins de fer du Nord et de l’Ouest relie pour la première fois Paris à la côte normande. Cette révolution dans les transports et la vogue des bains de mer chez les classes aisées engendrent un essor sans précédent sur le littoral. Le Tréport devient dès lors « La plage de Paris ». Cette Belle Epoque reste mythique dans les esprits ; la construction des folies de bord de mer, les casinos, les défilés sur les esplanades sont autant d’images véhiculées, qu’un héritage culturel et architectural. Qu’en est-il aujourd’hui ? Le port du Tréport et la station balnéaire de Mers sont toujours réputés pour leur charme, mais souffrent d’un problème identitaire. Si la basse vallée de la Bresle n’échappe pas aux phénomènes d’industrialisation et de désir du littoral engendrant une pression immobilière grandissante, on constate néanmoins que les loisirs de bords de mer se sont moyennement développés.

Rappel du sujet

Les soirs d’été, l’esplanade de Mers et les quais du Tréport sont très vite désertés. Trop peu de gens profitent de la station balnéaire et du port. Toutefois certains dînent à l’extérieur de leurs cabines de plages et y accrochent des lampions avant de retourner marcher sur le sable mouillé. D’autres se promènent d’une ville à l’autre. Cependant ils préfèreraient ne pas avoir à passer par le No man’s land qu’est l’arrière-port où les activités industrialo-portuaires, enclos, perturbent les circulations. La gare du Tréport compte désormais une seule voie sur six en fonction. Les deux villes littorales sont aujourd’hui séparées par une friche, un vide de plusieurs hectares, qu’automobilistes et piétons doivent impérativement contourner. À l’origine du développement des activités locales, cet espace occasionne dorénavant un malaise spatial qui est une source de fragmentation entre les différents sites. Quels sont les enjeux paysagers pour ce territoire entre terre et mer ? Riches de leurs identités fortes et complémentaires, les trois villes ont longtemps exploité séparément leurs potentiels industriels, environnementaux et touristiques. Toutefois, les problématiques d’accès à la côte, de circulations entre les trois villes, d’interactions terre - mer, de gestion des secteurs submersibles et des zones humides font la singularité de ce site et ne peuvent plus être traitées séparément. En 2006, la ville du Tréport a fait l’acquisition du terrain des voies SNCF désaffectées. Cette opération est au cœur d’un projet de redynamisation globale de la basse vallée et du littoral, avec entre autres, la construction sur cet ancien site ferroviaire, d’un centre intercommunal de loisirs et de balnéothérapie. Quels types de projets peuvent associer aujourd’hui pari économique et revalorisation du patrimoine environnemental ? Quel dessin paysager donner à ces projets se trouvant dans des zones en prise à l’érosion du littoral et aux submersions marines (facteurs hydro-géomorphologiques et anthropiques)? Chalenge architectural face aux phénomènes naturels ou comblement inutile de la frange littorale ? À travers cette complexité, le littoral est actuellement une zone de contradictions multiples. La démarche du projet tentera d’apporter un regard critique et proposera un avenir pour ce territoire.


En trois heures par le train

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Somme Seine-Maritime Dieppe-Newhaven en quarante-cinq minutes

Bassin versant de la Bresle

Paris - le TrĂŠport en deux heures par la route

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Introduction Expérience d’une approche littorale Longtemps, j’ai fait comme tout le monde… pour rejoindre la côte depuis l’ancien port fluvial, j’ai empreinté l’ancien chemin de hallage qui longe le « canal de la mer ».

Les voies SNCF traversant les marais

Embarrassé, je regarde la rivière et lui demande :

C’est un lieu agréable bordé par quelques barres HLM et de vieux saules. On y croise quelques pêcheurs en mobylettes, des colonies de canards colvert et des ragondins.

« Est-ce bien toi ? … avec ce teint boueux et ces déchets multicolores ? »

Lorsqu’on se trouve sur ces berges, le château est masqué derrière de sombres feuillages. Il n’y a pas d’accès au Domaine Royal. L’endroit est mystérieux… je suis certain que l’on me cache quelque chose ! Le canal m’emmène lentement sous le pont de la « Rocade », au-dessus de ma tête le trafic est dense, j’accélère.

De l’autre côté du cloaque j’aperçois une immense roselière d’où jaillit le cri des poules d’eau, puis soudain, comme un appel, la verrerie pointe au bout du chemin. La chaleur des fours irise l’air autour de l’usine. A l’intérieur le grondement sourd et continu des machines m’évoque l’univers interdit de Vulcain.

L’eau, amorphe ne répondit rien ; le mystère resta entier.

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Au bout du canal, les fumées de deux autres usines flottent au-dessus d’un ancien bassin de chasse. J’y aperçois des mouettes, premier indice de la vie portuaire et de la mer que je devine à peine. Le chemin aboutit subitement au bord d’une route très passante, me donnant le sentiment d’être violemment seul. La ligne s’imprime sur mon iris, mon corps est devenu lui-même une frontière entre la vallée et la mer. Arrivé aux portes d’un « No man’s land », il me faudra passer par un petit tunnel exigu avant d’arriver sur la prairie de Mers. Les couleurs des villas balnéaires sont déjà une récompense, le signe que les plaisirs des yeux et du corps sont proches. L’odeur du sel et la vue de l’horizon me transcendent.

Ancienne chasse marine au bout du canal

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Contexte politique et économique actuel L’emplacement stratégique européen, un atout pour le redéploiement touristique

Ce territoire et ses débouchés sur la mer constituent une entité géographique, économique, culturelle et humaine méconnue. Les savoirs-faire locaux (verrerie, moulerie, serrurerie, linerie…), les paysages et la diversité des milieux mériteraient d’avantage à être valorisés. Il est vrai que le développement de ces atouts est encore trop souvent entravé par les découpages administratifs et les difficultés de création de projets interrégionaux.

Londres Bruxelles 200 Km

Paris

Représentant un gisement économique majeur de plus de 20 000 emplois sur les deux départements, la vallée de la Bresle avec son potentiel industriel, forme un bassin continu constitué par son environnement naturel, ses atouts touristiques et ses activités portuaires. Les vallées voisines de l’Yères et de la Vimeuse y contribuent avec un potentiel naturel exceptionnel. L’éloignement des chefs-lieux de département et de région a contribué à une certaine marginalisation de cette vallée. En effet, la basse vallée de la Bresle connaît un problème identitaire profond et historiquement ancré. Pendant des siècles, le fleuve a marqué une frontière naturelle et culturelle. Le passage vers le grand plateau, la baie de Somme.

Cependant, il me semble important de mentionner que ce développement jusqu’à présent modéré constitue un réel atout. En comparaison avec d’autres régions fortement industrialisées, cette vallée offre encore aujourd’hui un cadre exceptionnel en matière d’équilibre spatial et de qualité de vie.

Au moment où le redéploiement de l’offre touristique ouvre de nouvelles perspectives pour la côte normande et picarde, il est opportun de préciser qu’une gestion intégrée des espaces est nécessaire pour une mise en valeur de cette vallée. Ceci ne pourra se faire qu’à travers la concertation entre les deux rives et une simplification des procédures administratives.

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La Communauté de Communes de Gros-Jacques, premier pas vers un regroupement En 2000, vingt communes de la basse vallée ont créé la Communauté de Communes Interrégionale de GrosJacques. Ce fut le premier partenariat créé pouvant favoriser le développement de l’ensemble de la vallée et son débouché maritime.

La CCI revendique l’emplacement central à l’échelle de l’Europe de l’Ouest comme un atout majeur pour le futur développement de la vallée. Dans un rayon de 250 kilomètres, se trouvent en effet les plus grandes métropoles de l’Union Européenne .

La Chambre de Commerce et d’Industries d’Abbeville et du Tréport, après avoir incité cette opération interrégionale dans la vallée, en a tiré pour elle-même les conclusions en créant la CCI Littoral Normand Picard – Abbeville - Le Tréport

De prime abord, ce type de propos semble en inadéquation avec l’échelle et les moyens locaux Toutefois, rester une nuit sur le site des trois villes sœurs… voilà l’objectif à atteindre pour relancer le tourisme local.

Quant au dynamisme industriel, il ne dépend pas des mêmes facteurs de développement, il pâtit même d’un certain enclavement par rapports aux grands axes de communications.

Les trois villes soeurs limites communales et départementales

Le Tréport

8 081 habitants

5 900 habitants

3 394 habitants

1 793 hectares

677 hectares

539 hectares

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Entités d’un paysage

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l’empreinte du dragon L’espace émergé du monde est le territoire dont les hommes disposent pour évoluer. Ce paysage relevé des eaux primaires du déluge n’est pas un rocher sec au milieu de l’océan. Le continent est bien l’intervalle par lequel transite l’eau depuis le ciel jusqu’aux océans. Nos pierres sont intimement habitées par son esprit. Chaque ruisseau est garant de son action sur terre. Chaque rivière s’inscrit au sein d’un territoire et se nourrit de l’eau précipitée dans cette empreinte. Celle-ci bénéficie de son passage et permet la présence d’habitats pouvant abriter la faune. Le fleuve est à l’image d’un dragon faisant corps avec les aspérités du paysage. Jouant de son mimétisme, ses écailles prennent les couleurs des près, des aulnes, du sel dans les marais. Infatigable, la bête translucide et silencieuse glisse, accompagnée de son cortège de nymphes pour rejoindre secrètement la mer, immense.

Depuis l’orée de la forêt d’Eu -les trois villes et l’horizon

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falaise

plateau

Le Tréport Mers-les-Bains forêt d’Eu

Eu

Bresle

coteau Le fond plat de la vallée vient s’inscrire entre les plateaux du Petit Caux et celui de Somme.

N 18


Il y a deux millions d’années, le Pays de Caux émerge au-dessus du niveau de la mer. De nature karstique*, le fragile socle sédimentaire s’altère sous l’effet des précipitations qui filent par les fissures (diaclases) et transforment la moindre aspérité en galerie pour regagner ensuite la mer. La dernière époque glacière s’achève il y a 20 000 ans. La fonte des glaciers creuse un immense chenal…la mer s’y engouffre et entame la partie aérienne du socle calcaire. La mer ne cessera d’écarter les deux rivages. L’étrange mimétisme des falaises de part et d’autre de la Manche nous rappelle avec quelle force et détermination l’eau à su s’imposer.

Dépôt de sédiments

Sur un plan géologique, la zone d’étude appartient entièrement au Bassin Parisien qui a été recouvert par la mer de l’Ere Secondaire jusqu’à la fin de l’Ere Tertiaire. Cette longue présence marine, le flux et le reflux des eaux expliquent le sous-sol sédimentaire. Les couches calcaires intercalées de bancs de silex dépassent plusieurs centaines de mètres. Elles sont elles-mêmes recouvertes de formations superficielles d’argile et de limon. Cette argile s’est formée lors des périodes chaudes de l’Ere Tertiaire par l’érosion de la craie à l’air libre. La topographie est orchestrée selon des failles tectoniques où s’est infiltré et organisé le réseau hydrographique, ce qui a eu pour conséquence d’accentuer les reliefs du plateau.

Morphogenèse du Bassin parisien Dépôts de sédiments puis altération du socle crayeux par le canal de la Manche et le système hydraulogique terrestre

- 97 à - 70 Millions d’années

Br esl

e

plateau de Somme

Karstique : façonné dans des roches solubles carbonatées, ici de la craie ( calcaire )

- 1,8 Millions d’années Altération maritime et continentale continue

plateau du Petit Caux

Le bassin versant de la Bresle se situe à l’extrême nord du pays de Caux à la limite du plateau de Somme. Les hautes falaises calcaires (d’où le nom Caux) et les plages de galets en ont fait un des rivages français les plus représentés dans le monde. La vallée drainée par son fleuve définit un creux dans le plateau, interrompant les falaises à son débouché, elle constitue de ce fait, la côte basse de cette façade littorale.

Phase glaciaire

Altération du socle par e Canal de la Manche

- 2 Millions d’années

La Bresle entaille le socle calcaire de façon quasiment parallèle aux autres réseaux hydrographiques. De part et d’autre de la vallée, deux plateaux ; celui de Somme et celui du Petit Caux. Recouverts de limons, le sol y est riche et favorable à l’agriculture. La surexploitation des surfaces agricoles débuta dans des années cinquante, et altéra progressivement la structure organique des limons de plateaux. La région connaît aujourd’hui des problèmes liés à l’érosion massive des terres arables qui par la suite polluent et envasent les cours d’eau.

“Mer de craie”

Mise à nu du socle calcaire

Les plateaux

Phase inter - glaciaire

Bruxelles

Paris

19 aujourd’hui


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Lecture d’un plateau

Véritable ode à l’horizontalité, les champs d’Open Field s’étalent à perte de vue.

Au mois de juin fleurissent les rivières de lin, en juillet, les blés, puis en août, ce sont les ballots de pailles au soleil couchant. Après la récolte de la betterave, le lourd manteau brun se repose tout l’hiver sous une pluie douce et constante. Dans ce type de paysage, la verticalité tient du vocabulaire du repère ou du signal. Exposés toute l’année aux vents dominants d’Ouest, les plateaux ont été équipés de parcs éoliens qui se sont joints aux clochers, aux silos et aux bosquets isolés. Si les entités paysagères surplombant la vallée de la Bresle sont les cultures et les villages de plateaux ; la forêt d’Eu vient également se positionner en hauteur sur un épis saillant offrant un panorama spectaculaire sur les trois villes sœurs et l’horizon.

Au mois de juin fleurissent les rivières de lin

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Coteaux et basse vallée de la Bresle D’amont en aval, la vallée n’a pas la même largeur ni la même configuration morphologique.

On nomme basse vallée l’espace final du bassin versant avant l’estuaire. En opposition avec la haute vallée où naissent secrètement les ruisselets dans les campagnes, la partie basse concentre le fleuve dans un large chenal au fond d’une vallée distinctement creusée. A l’intérieur des terres, les collines sont pâturées et le fond de vallée cultivé.

Lorsqu’on se rapproche du littoral, les coteaux aux sols calcaires ne sont pas exploitables, certains, de part leur orientation sud à sud-ouest, abritent un cortège d’espèces thermophiles. Depuis la ville d’Eu jusqu’à la mer, la vallée s’ouvre, encadrée par ces coteaux blonds, striés de toits alignés. Marquée par le relief, la basse vallée ne trouve pas son identité à travers son fleuve qui, bien que central s’évanouit dans les marais. La pente d’écoulement y est faible, le cours d’eau ralentit et ne draine plus forcément la nappe qui résurge parfois au-dessus du sol. Canalisée, la Bresle transite alors lentement aux cotés des roselières pour rejoindre l’ancien bassin de chasse marine, puis le port, et enfin l’écluse avant de gagner la mer.

A’ B’

Eu- les prairies de l’Îsle Bataille entrée de ville depuis la D 1015 en provenance de Paris

A B C coupes de principe évolution du paysage au fil du bassin versant

C’ D’

D

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“Tréport moderne”

Parc Ste Croix

Bras mort

Domaine Royal

Rocade D-925

Cité Notre Dame

A’ Bois du Grand Parc

A

Zone D’activités des “Près Salés”

Centre ville

Collegiale - Château

Ville basse

Zone d’activité “ Europolis”

Chapelle St lLaurent

B’ Mont Vitot

B

Quartier St Laurent

D-1915 Centrale béton

Anciennes balastières

Moyenne industrie

D-1015

Pavillons

peupleraies

D-1015

Pavillons

Plateau de Somme

pâtures

Crête boisé

Pavillons D-1915

Coteau végétation thermophile

Coteau pâturé

D’

Forêt d’Eu

D

Crête boisé

Pavillons

Coteau végétation thermophile

Coteau pâturé

C’

Forêt d’Eu

C

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La Bresle le fleuve oublié

Clichés satelites depuis la source jusqu’à l’embouchure de la Bresle la Bresle se jetant au Tréport - date inconnue

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La Bresle est un petit fleuve côtier de 70 kilomètres se jetant dans la Manche au Tréport. Son bassin versant s’inscrit entre le Pays de Bray et le plateau de Somme selon un axe Ouest – Nord ouest. Ce bassin présente une vallée à fond plat entièrement entaillée dans la craie. Les rives de la Bresle sont particulièrement lisibles; ses méandres sont marqués par les peupleraies et la ripisylve. Depuis sa source à Blargies (Oise), jusqu’à la ville d’Eu, se succèdent des paysages de collines et de pâtures perchées ou boisées… on y voit également de petites forêts alluviales. De nombreux villages et quelques villes sont répartis le long des deux voies départementales qui bordent son cours. Plus en aval, lorsque la vallée s’élargit, la rivière prend un tout autre caractère. Entre 1970-80, de nombreuses ballastières étaient exploitées dans le lit de la rivière pour l’extraction de graviers et de sable. Les industries ont cessé l’activité et, désormais, c’est d’un véritable chapelet d’étangs dont disposent les habitants.

L’espace de la basse vallée, entre la ville d’Eu et la mer, s’inscrit dans une typologie totalement différente. Les réseaux et les activités se concentrent à ce niveau, les étangs et les prairies faisant place aux zones d’activités. La Bresle disparaît à l’entrée de la ville, murée et en contrebas, elle est quasi invisible. Entre le château d’Eu et la mer, le fleuve a depuis longtemps été simplifié jusqu’à son débouché en un canal maritime.

Celui-ci est prolongé par un système de bassins isolés de la marée fermés par une écluse à clapet. Le port du Tréport et la ville de Mers-les-bains sont spatialement des espaces terminaux. Entre ces deux immenses falaises, la rivière rejoint la mer, les routes font demi-tour, les villes s’installent face à la mer.

Ce travail sur le secteur d’étude des trois villes soeurs relève le constat d’une négation de l’entité fluviale. Où sont les méandres serpentant qui nous promettaient la mer et nous montraient au loin la ville d’Eu ?

Depuis longtemps, le cours de la Bresle a joué un rôle de frontière naturelle, ainsi, il séparait les provinces romaines de Belgique et de Lyonnaise durant l’Antiquité. En 911, au milieu du Moyen Age et suite à l’affaiblissement du pouvoir royal débordé par les raids des Vikings, le roi des Francs Charles le Simple confie à l’un de leurs chefs, Rollon, les pays compris entre la Bresle et le Couesnon. Cette concession est l’embryon du Duché de Normandie.

L’espace de la basse vallée a connu plusieurs variations du niveau marin. La mer ne s’est pas seulement contentée de saper la base des falaises, elle a sédimenté la faille continentale creusée par la Bresle. L’estuaire (ou gueule du dragon) a été travaillé par deux entités : la Bresle et la mer. Ainsi, les alluvions transportés par le fleuve et refoulés par la mer s’y sont déposés uniformément, ce qui explique les faibles variation de niveaux.

Depuis la Révolution, le fleuve délimite les départements de la Somme et de la Seine-Maritime, autrefois Seine Inférieure, et ainsi, depuis les années 1950, les régions Picardie et HauteNormandie.

Autrefois, l’estuaire constituait sûrement une des entités les plus fortes de la Bresle. Oust-Marest, Ponts et Marais, L’îsle Bataille, la Mouillette, le Grand Marais, les Près Salés…la toponymie évoque parfaitement la variété du champ d’expression de l’eau.

Au creux de sa vallée, la Bresle est aujourd’hui un élément discret du paysage. Son statut n’est plus celui d’un fleuve sauvage se faufilant par les aulnaies et se jouant des galets dans son estuaire. Dès l’origine, les hommes ont aménagé ses méandres pour faciliter la navigation. Ils simplifièrent son cours en creusant des canaux pour ramener les navires jusque dans les terres…Ils trouvèrent du sable dans son lit et l’exploitèrent. L’eau a repris ses droits en cicatrisant les gouffres pour s’y inventer un nouveau vocabulaire… des miroirs aux saules.

Ma motivation quant à l’étude de ce site a débuté il y a quelques années lorsque j’ai découvert à quel point la typologie fluviale est limitée lorsque la Bresle sort de la ville d’Eu. En comparaison avec la richesse et la diversité des ambiances en amont, je me suis alors demandé ce qu’il était advenu du « dragon ».

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La crue manifestation naturelle de la vie d’un territoire Avec la crue, la rivière réinvente l’expérience du paysage. A mesure qu’il monte et absorbe le pays, le miroir d’eau révèle de nouveau paysages, suscitant de nouvelles rêveries. Un regard neuf sur la nature dans un paysage sans horizon, sans lointain ni premier plan, une image tendant à se confondre avec la surface picturale sans ciel, sans point focal, ni bord, ni cadre. Les poissons viennent patrouiller dans le territoire des hérons. Traît de coupe invisible, les peupliers se métamorphosent en grands échassiers, les ramures des frênes se renversent en entrelacs de racines. Lorsque la rivière sort de son lit, ces zones tampons stockent de grandes quantités d’eau et rechargent efficacement les nappes aquifères. Les « herbiers » filtrent physiquement les matériaux en suspension, ce qui empêche leur fuite vers la mer.

« Toutefois en échappant à son lit, l’eau ruisselante, divisée en artères et en artérioles sans nombre, n’en travaille que mieux. Réduite en filets assez minces pour être bue au passage par les radicelles des plantes, elle entre d’autant plus facilement dans le torrent de la circulation végétale pour se changer en sève, en bois, puis en feuilles, en fleurs et se répandre de nouveau dans l’atmosphère en se mêlant aux senteurs des corolles. Dans la plaine transformée en jardin immense, on ne voit d’eau nulle part, et pourtant, c’est elle qui donne au gazon la fougue de croissance et la fraîcheur ». Histoire d’un ruisseau, d’Elisée Reclus

photos de la Maine par Jean-Christophe Ballot

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Les milieux humides littoraux Le Grand Marais

zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique

En tant que commune littorale, la commune du Tréport est concernée par l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme. En application de cet article les « espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques » devront faire l’objet de mesures conservatoires dans le Plan Local d’Urbanisme. La commune est concernée par une proposition de site d’intérêt communautaire Natura 2000 « Littoral Cauchois », désignée selon les critères de la directive européenne du 21 mai 1992 dite « directive habitat » concernant la Bresle.

Courlis corlieu - Numenius phaeopus Spatule - Platalea leucorodia Pygargue - Haliaeetus albicilla Macreuse noire - Melanitta nigra Grand Cormoran - Phalacrocorax carbo Pouillot véloce - Phylloscopus collybita Pic vert - Picus viridis Choucas - Corvus monedula Goéland argenté - Larus argentatus

La présence d’eaux calcaires où se développent des herbiers à renoncules en font du petit fleuve un milieu original à l’échelle européenne. Concernant le Parc Sainte-Croix. Le prolongement du site classé attenant au château d’Eu est constitué de prairies humides au double intérêt paysager et écologique. Cet ensemble borde l’ancien canal de Penthièvre et dégage la perspective, tant vers le château que vers la ville du Tréport. Cette vallée est un lieu de gagnage et de repose pour les oiseaux qui stationnent sur le canal et les plans d’eau arrière littoraux, jusqu’à la limite du port.

Gentiane d’Allemagne - Gentiana germanica

(Source DIREN Haute-Normandie)

Grand Carex – Carex Limosa Néflier - Mespilus germanica Séneçon Blanc –Senecio Cineraria Scirpe maritime - Bolboschoenus maritimus Le Jonc de Gérard - Juncus gerardii

*

‘‘

Le Scirpe de Tabernaemontanus - Schoenoplectus tabernaemontani La Samole de Valérand - Samolus valerandi

*

)

*

Espèces relictuelles des eaux saumâtres

rare

*

très rare

28 prés salés

Canal de Penthièvre

ZNIEFF du Grand Marais


un milieu utile à préserver De la source au marais maritime, les milieux humides sont présents tous le long du bassin versant. Ils se répartissent en fonction de leurs exigences et de leurs tolérances aux différents degrés d’humidité. On distingue : les milieux humides d’eaux courantes, d’eaux stagnantes et les milieux humides côtiers. En périodes de crue, les plantes inféodées à ces milieux ont la capacité de fixer et d’absorber bon nombre de particules chimiques et microbiennes. Ces zones demeurent essentielles pour leur rôle épurateur et pour la richesse écologique qu’ils représentent.

La végétation des rives (ripisylve) sous ses trois formes ; herbacée, arbustive et arborée empêche l’érosion en fixant les berges. Elle abrite différents types d’habitats (niches écologiques) non négligeables. La Bresle est avec l’Authie, le seul fleuve de la Seine au Danemark à voir remonter le saumon atlantique de façon régulière ; le poisson fait d’ailleurs l’objet d’un programme de sauvegarde.

Sur la commune du Tréport, la ZNIEFF du Grand Marais constitue une zone d’intérêt majeur en terme de diversité et d’habitat pour plusieurs espèces d’oiseaux, d’insectes, de batraciens et de mammifères aquatiques. On peut regretter que les anciens marais maritimes ne soient pas considérés comme un espace où la Bresle puisse prendre le temps de circuler pour se purifier avant de rejoindre la mer. Ce type de gestion de l’espace bénéficierait directement aux ressources halieutiques (stocks d’animaux aquatiques exploitables). roselières - phragmitaies

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Aujourd’hui, quelle perception de la basse vallée ? Lorsqu’elle s’affirme à travers son relief et la possibilité d’entrevoir son cours d’eau, la vallée offre la plus forte représentation de son « bassin versant ». Les deux coteaux marquent l’espace géomorphologique de la vallée, l’empreinte du fleuve, l’accès au plateau et à la mer. La Bresle est avec la mer, l’élément qui a sculpté le paysage. Les deux routes nationales suivent, fidèles, la présence de l’eau en fond de vallée. Une vallée qui est comme un grand couloir où l’on se sent poussé, attiré par on ne sait quoi… à moins que ce soit cette lumière si particulière. En pied de coteaux, les villages se succèdent, alignés en direction de cette ouverture que l’on attend, que l’on pressent comme imminente.

La basse vallée constitue une unité de perception forte pour ceux qui y habitent où qui y passent. C’est un espace qui voit physiquement l’eau le sculpter et s’y inscrire, c’est aussi un territoire qui draine l’histoire complexe de l’homme et de son territoire. La Bresle est encore aujourd’hui considérée comme un espace physique où existe une réalité socioculturelle unique. « L’esprit du verre » habite cette vallée depuis des générations. Plus qu’un savoir faire, c’est bel et bien d’une façon de vivre et d’un langage dont il s’agit.

Si le bassin versant recueille en son empreinte toutes les eaux tombées du ciel, il en va de même avec les hommes et leurs activités qui se concentrent à l’embouchure. Dans sa partie finale, le paysage de la vallée se caractérise par les infrastructures nécessaires aux industries et à la vie quotidienne. Ces activités exercent de ce fait une pression anthropique sur les milieux naturels. L’interface à la mer est l’espace le plus propice qui soit aussi bien en terme d’échanges commerciaux que de richesses écologiques.

les étangs et la forêt à Bouvaincourt-sur-Bresle

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Les trois villes sœurs forment un triangle urbain où se mêlent les centres historiques, les espaces naturels et industriels. Au fur et à mesure de son développement, il semble que l’agglomération se soit peu à peu écartée des éléments physiques du paysage qui ont permis sa croissance. Posons nous alors la question d’un futur développement ou tout au moins d’une pérennité des activités.

Il serait bon de reconsidérer ces espaces à la fois comme les moteurs d’un paysage vivant, territoire de transit des fluides, territoire de combat du continent contre l’érosion, mais égalements comme nécessaires aux activités humaines. Cette double observation doit mener à une gestion concertée, intégrant alors les besoins du fleuve et ceux des hommes.

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Regard sur le l i t t o r a l

Pays sculpté par la violence des éléments - la mer puis la terre la muraille se dérobe... la lumière glisse sur « le poème de l’angle droit » rencontre saisissante du moment et de l’éternité - d’un territoire qui dit stop à l’immensité

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Shikoku - Japon

Boulogne-sur-mer

Chatelaillon

Cancale

Dieppe

Saint Malo

Photographies Michael Kenna

Vue du TrĂŠport depuis Mers-les-Bains

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Histoire de la perception du littoral

la montagne, le rivage et la mer

« A mi chemin des deux dangers de la nature et de la société, le jardin offre l’asile souhaité. Le jardin permet l’espace de la jouissance, le loisir, la liberté. La construction idéale de la sagesse, le repli hors du monde. Il faut la source, ou le ruisseau, le champ fertile, le bois et la vigne , le rocher moussu et quelquefois la vue. » Anne Coquelin

La sensibilité sociale à ces «paysages» est attestée historiquement à des époques déterminées et assez récentes. On en découvre la beauté, on fréquente ces lieux réputés jusqu’alors déserts, maléfiques, affreux. Ils deviennent à la mode, d’abord pour l’élite de la société, puis entrent dans le vocabulaire des besoins naturels et du bien commun pour tous.

Les mots peuvent mentir, l’image, elle, semble fixer ce qui existe. Comment évoquer les « premières plages » sans évoquer Eugène Boudin ? Ainsi la construction du paysage littoral est passée par des filtres symboliques : les voyages de Télémaque, Virgile , Jane Austin et Jules Verne.

Poèmes, méditations, récits de voyage du XVIIe ont frayé la route. La peinture prend le relais et fait partager une seconde fois à la vue l’image décrite par la langue. Une fois représenté en dessins et en couleurs, le paysage qui suscitait l’émotion des écrivains prend une certaine réalité… la preuve, j’y étais, derrière mon chevalet.

L’Occident a conservé depuis deux siècles et demi, le goût des rivages ; pourtant ses habitants n’y sont pas venus pour satisfaire les mêmes désirs. Il faudrait discerner les glissements successifs, les relais qui ont permis la permanence de l’essor d’une villégiature balnéaire dont les motivations n’ont cessé d’évoluer.

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Fascination pour un paysage multiple Le littoral est multiple, c’est une frontière, une limite, un territoire stratégique. Il s’agit surtout d’une entité linéaire « entre nature et société » mêlant des héritages superposés.

« Vivre avec l’image de cette beauté : c’est cela que je voudrais savoir faire. La netteté de ce pays, la transparence, la profondeur et le miracle de rencontre de l’eau, de la pierre et de la lumière : voilà la seule connaissance, la première parole. » Le Clézio, L’Inconnu sur la terre

Il est composé par des spécificités écologiques propres à un milieu d’interfaces modifiées en fonction des degrés d’anthropisation. Le paysage est une façon d’éprouver et d’apprécier l’espace. Cette lecture varie selon les individus et les groupes et ne cesse de se modifier au fil du temps. La manière de regarder a toujours évolué. Mais le paysage ne se réduit pas à un spectacle. Le toucher, l’odorat, l’ouïe surtout, sont aussi concernés par la saisie de l’espace. Tous les sens contribuent à construire les émotions que celui-ci procure. Les élites du XVIIIe siècle étaient tenaillés par l’inquiétude et la crainte de l’hystérie. Or la mer y a remédié. La vague par le choc qu’elle produit, agit sur tout le système nerveux. L’inquiétude, la mélancolie, l’hystérie sont de ce fait, soulagées par les « lames », la vue de l’immensité marine et de la mer en tempête.

Page de gauche Travaux photographiques Hiroshi Sugimoto - seas Dodo Jim Ming - elements

La mer est un formidable réservoir de puissance, qu’elle peut communiquer. Certaines convictions privilégient l’écoute des sensations, en fonction de la disposition d’un individu à réagir à un évènement extérieur à l’intérieur de ce paysage.

Le code du sublime est directement lié à ce nouveau paysage thérapeutique. Si l’on n’avait pas apprécié la mer dans l’ordre de l’esthétique, peut-être ne serait-on pas venus s’y baigner. Réciproquement, si l’on n’était pas venu si massivement s’y soigner, peut-être n’aurait-on pas autant apprécié sa beauté. Ces codes entrelacés mêlent les romantiques en quête de voyages dans la substance. L’appréciation du souffle du vent, des déchaînements de la mer… Il faudrait bien saisir l’évolution des codes esthétiques, évoquer la propagation et l’élargissement des objets de l’admiration, la conquête progressive de la beauté de ce que l’on peut considérer comme des « non-lieux ». Il faudrait réapprendre la substance ! Songeons au rôle, au sein de notre société, de ce qui relève de ce « baromètre de l’âme* » qui fait varier l’être intime selon les aléas du ciel. Cette étude tentera d’apporter une nouvelle vision sur cette portion littorale comme l’occasion de réapprendre la mer, d’observer ces furies, et de mieux saisir sa force pour en faire bénéficier nos êtres sensibles. * J-J Rousseau

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Société et risque littoral

1955 1957 1959 1961 1963 1965 1967 1969 1971 1973 1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995

Années d’apparition des fortes submersions de tempête ayant affecté Mers-les-Bains entre 1950 et 1996 . Source, Stéphane Costa, chercheur au CNRS, spécialiste en Géographie physique et morphodynamie du littoral

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La vallée bénéficie d’un climat tempéré océanique aux influences marines dominantes. Ces facteurs sont nécessaires à la dynamique littorale, du fait de leur agressivité qui permet le transit et la répartition du stock de galets.

L’évolution du trait de côte et des plages constitue un enjeu économique fondamental en raison de la concentration de certaines activités et des populations locales. Les causes de cette accentuation sont multiples.

Au-delà du cordon de galets mersois, le lieu-dit de la Prairie est inférieur au niveau des pleines mers de viveseaux. Le site présente donc un risque naturel d’inondation par la mer lors de paroxysmes météo marins.

Premièrement, l’épuisement progressif du stock sédimentaire accentué par les interventions humaines atténue la protection qu’assure le cordon de galets dans la dissipation de l’énergie marine.

Malgré ce risque, certaines activités touristiques, commerciales et industrielles s’y sont implantées. La multiplication des submersions survenues au cours des deux dernières décennies suscite une inquiétude grandissante.

Tempêtes sur Mers au début du siècle

Le deuxième phénomène inquiétant est l’élévation du niveau moyen de la mer et les modifications des caractéristiques de tempêtes ? Cette évolution peut constituer un premier facteur d’explication de la fréquence inquiétante des débordements au cours des vingt dernières années.

Mers-les-Bains Janvier 2007 - cordon de galets remanié par une violente tempête

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Aménagements et perturbations anthropiques Suites à ces problèmes, de nombreuses études ont mis en évidence les actions perturbatrices de l’homme sur la dynamique littorale. Elles font le constat d’un équilibre naturel rompu depuis longtemps par les interventions humaines actuelles et passées.

Auparavant, le cordon de galets formait une flèche libre au débouché de la Bresle. C’est derrière lui que les premiers pêcheurs du Tréport venaient protéger leurs barques. Les écrits évoquent les « batailles » des hommes contre l’obstruction de l’estuaire par les galets.

Réputés pour leur dureté et leur richesse en silice, depuis le début du siècle les « galets de mer » ont été ramassés à la main, transportés à dos de cheval, puis au bulldozer. Le cordon de galets étant une barrière naturelle contre l’assaut des vagues, une réduction de plus de 40% de son volume a perturbé l’équilibre naturel.

Les jetées ont été construites au siècle dernier, induisant des perturbations de transit de galets, le bloquant parfois définitivement. Interrompu, il constitut des stocks morts qui représentent près de 50% du volume existant entre Antifer et le Tréport. Bâtie en front de mer, Mers-les-Bains est la seule des trois villes qui pâtie des incursions marines.

La houle libère alors toute son énergie sur le trait de côte. Ceci accentue le recul des falaises et le risque d’inondation par la mer des côtes basses. Plus de deux millions de mètres cube de galets ont été extraits, sur un cordon qui en comptait initialement cinq millions entre Antifer et le Tréport. L.C.H.F., 1972

La basse vallée est essentiellement occupée par des sites industriels, le risque humain y est donc quasi nul. Le recul du trait de côte et les inondations par la mer, autrefois acceptés, ne le sont plus, de part l’accroissement de la valeur des dommages.

Ainsi les crues engendrent des inondation d’autant plus importantes qu’elles coïncident souvent avec les périodes de marée de vives-eaux.

Bilan sédimentaire du cordon de galets entre Etretat et le Tréport après les prélèvements de 1972 à 1987

Entrée du système en m3 Production de galets

“Apport réel” en m3 Production de galets

- 7 800

67 500

9 700

Fécamp / St. Valéry

- 13 800

83 400

69 600

St. Valéry / Dieppe

- 54 630

90 915

36 285

Dieppe / Le Tréport

- 19 750

22 485

2 735

264 300

168 320

1972 - 1987

Etretat / Fécamp

Etretat / Le Tréport

Sortie du système en m3 Extractions

Face à cette situation, les élus représentant les populations menacées ont mis en œuvre, une politique de défense contre la mer, conduisant à fixer le trait de côte par une série de batteries d’épis et d’enrochements massifs. Cette appropriation croissante du littoral par l’homme n’est pas sans conséquences, et a même parfois des effets inverses de ceux espérés. Les épis et l’écluse à clapet qui se ferme automatiquement interdisent les intrusions salines vers l’intérieur des terres. Cet aménagement provoque la poldérisation naturelle des prairies humides en amont par colmatage tout en réduisant l’évacuation des eaux continentales vers la mer.

- 95 980

source : Stéphane Costa

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A l’heure où les scientifiques et les décideurs prônent la mise en place de politiques de gestion environnementale douce, il paraît étonnant que perdurent certaines situations paradoxales. Doit-on continuer à adopter la même politique de défense contre la mer alors que l’on connait maintenant son caractère perturbateur pour les milieux littoraux? Tout en sachant que son efficacité sera très vite limitée du fait de l’évolution régressive du littoral ? il nous est très difficile de répondre à ces questions ; toutefois, la première étape consiste à faire en sorte qu’aucune implantation nouvelle ne se réalise en bord de mer.

Les submersions de tempêtes constituent le risque majeur de ce littoral. La faiblesse des stocks actuels de galets, mais aussi l’implantation d’ouvrages longitudinaux de défenses contre la mer, empêchent le cordon de s’adapter aux variations hydrodynamiques paroxysmales. En outre, le recul des falaises, de part et d’autre de l’ouvrage, engendre une mise en saillie, accentue le transit local et amenuise le stock. Ainsi il semble que la gestion du littoral devienne problématique pour les décideurs.

Ce dilemme réside dans le choix d’une stratégie: Doit-on surdimentionner les ouvrages par anticipation ? -Accepter les dommages éventuels ? -Reculer ?

Le choix de la stratégie à adopter nécessite une enquête économique mettant en valeur des biens menacés et le coût de toutes les solutions techniques possibles, même celle de l’abandon des terrains à risques.

En connaissance des relations qui animent le système côtier, une résolution plus fine, peut permettre de concilier les impératifs d’une gestion économique du littoral, indépendamment de toutes limites administratives, et le souci d’une préservation d’un milieu dynamique et fragile.

41 Mers-les-Bains par Claude Pauquet - issue de l’exposition Au bout des Certains


Loi littoral

La loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 dite « loi littoral » poursuivait un quadruple objectif : préserver les espaces rares et sensibles, gérer de façon économe la consommation d’espace par l’urbanisation et les aménagements touristiques, ouvrir plus largement le rivage au public, enfin accueillir en priorité sur le littoral les activités dont le développement est lié à la mer.

Il relève ainsi la quasi-impossibilité d’établir au niveau national une interprétation unique des concepts qui fondent la mise en oeuvre de la « loi littoral » et, à l’inverse, les effets pervers d’une interprétation extensive de certains d’entre eux, en particulier celui d’espace remarquable.

Cette approche nouvelle s’inscrit résolument dans l’esprit de la décentralisation en proposant de définir la politique du littoral en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés et à un niveau géographique pertinent.

Or les dispositions de la « loi littoral » ne permettent pas de répondre de façon cohérente et adaptée aux défis posés par cette attractivité, alors même que son application, notamment celle qui en a été faite par une jurisprudence abondante, a parfois été ressentie comme excessivement contraignante par les élus locaux confrontés à l’évolution de leurs populations, aux demandes d’activités nouvelles et aux pressions qui en résultent sur le foncier et le maintien des activités traditionnelles.

La commission des Lois et la Commission des Affaires Economiques ont ainsi mis en place un groupe de travail, représentatif de toutes les sensibilités politiques ainsi que des différents espaces littoraux, qui a entendu, à travers plus de quarante auditions, tous les acteurs impliqués dans la gestion de cet espace. Au-delà du constat en demi-teinte établi sur le bilan de la « loi littoral », il a voulu redonner tout son sens à celle-ci, à travers des propositions mettant en place une gestion intégrée du littoral.

RAPPORT D’INFORMATION N° 421 du Sénat.

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Gestion Intégrée des Zones Côtières En débutant mes recherches j’ai découvert, que depuis le début des années 2000, une poignée de spécialistes pluridisciplinaires tentent de créer un nouvel outil de Gestion Intégrées des Zones Côtières ( GIZC) afin de résoudre les problèmes de mise en valeur, de protection et de préservation des ressources marines et côtières. «Ce processus vise à optimiser les choix à long terme privilégiant les ressources et leur usage raisonné et raisonnable». Dr. Biliana Cicin-Sain, Université du Delaware 1998

La GIZC est une recommandation du Parlement Européen et du Conseil Européen relative à la mise en oeuvre d’une stratégie de gestion intégrée des zones côtières en Europe. Cette gestion prent en compte simultanément la fragilité des écosystèmes et des paysages côtiers, la diversité des activités et des usages, leurs interactions, la vocation maritime de certains d’entre eux, ainsi que leurs impacts à la fois sur la partie maritime et la partie terrestre (protocole GIZC méditerranée mars 2005).

Si l’intégration terre - mer est fondamentale du point de vue de l’approche systémique, la GIZC ne doit cependant pas occulter la nécessité d’une approche opérationnelle pour toute démarche de gestion effective d’une ressource ou d’un milieu. L’intérêt de cet outil est qu’il réunit gouvernements et sociétés, sciences et décideurs, intérêts publics et privés en vue de la protection et du développement du système côtier à une échelle locale adaptée. Voilà comment j’ai eu l’occasion et l’honneur de m’entretenir avec Madame Catherine Bersani, Rapporteur général de la Commission «Littoral» du Conseil National d’Aménagement et de Développement du Territoire, pour lui faire part de mon sujet. Ses conseils m’ont été fort utiles. Je m’éforce depuis notre rencontre de garder cette fraîcheur d’esprit pour développer un projet offrant un regard neuf sur cet espace. En tant que paysagiste, je ne peux pas prendre en compte tous les aspects de la GIZC. Cependant je m’éforcerai de concilier ces enjeux de mise en valeur, de protection et de pérennisation des activités économiques.

Illustration - Hokusai Katsushika, Sous la vague au large de Kanagawa

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Quelle dynamique pour ce littoral ?

Au début de cette étude, la sectorisation des paysages dans la basse vallée m’a frappé. L’approche du littoral se fait dans un contexte urbain, cadré par un bâti haut et linéaire qui ne permet pas de ressentir une progression vers l’espace littoral. Ce n’est qu’une fois arrivé sur le port où sur l’esplanade que l’horizon s’étire infiniment… le bout du monde y est jalousement gardé par les ‘Folies de bord de mer’. Quant à la rivière, aux prairies humides et aux marais, ces sont des entités muettes que l’on aperçoit furtivement et dont les accès sont difficiles. Historiquement, les usines se sont installées le long de la rivière et sur le port. Ces espaces enceints créent aujourd’hui un complexe industriel qui fragmente l’espace et ne permet plus la lisibilité de la vallée depuis son centre. Les secteurs et leurs enjeux respectifs ont longtemps été traités au cas par cas.

Le Tréport - Prés salés, ville à l’arrière-plan

Source - Médiathèque de l’architecture et du patrimoine

Ces gestions sectorielles nous amènent aujourd’hui à constater certains malaises spatiaux. La terre, la rivière et la mer sont cependant les pièces maîtresses du paysage et des économies locales. Leurs aménagements respectifs font obstacle défaut à leurs interactions et à la lecture de ce grand paysage. Certes des efforts d’intégration sont effectifs, notamment à travers les SAGE*. Toutefois ces derniers oeuvrent uniquement en faveur des rivières. L’intégration des hydrosphères terre et mer est nécessaire et reconnue pour certains processus naturels. Ainsi, certaines pollutions maritimes sont digérées par le milieu estuairien. Sa présence limite également les pollutions des eaux littorales par les apports des bassins versants affectant certains enjeux spécifiquement côtiers (baignades, frayères).

* SAGE - Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux

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Une vallĂŠe, des hommes et la mer

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Gravure de 1830, survol de la ville en ballon.On distingue clairement le château et la collégiale au premier plan. Le parc et la Bresle ne forme qu’un seul et même grand jardin... une vallée tournée vers la mer

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Une rivière comme trait d’union entre la terre et la mer Schéma - implantations anthropiques au fil de l’histoire et leur relation aux éléments du paysage

Envahisseurs

Bretagne

( actuelle Angleterre )

( Nor mans )

3

Ulterior Portus le Tréport

Auga

2

Augusta Eu

1 2

Du Néolithique au Ier siècle Calètes ( celtes ) I-IV Castuslogi ( Gallo-Romains )

Site du “Bois L’Abbé”

IV ème siècle

Epoque mérovingienne

anthropisation de la vallée

Rivière Breitzel

1

Rivière d’Ou

Rome 1 Km

3

VI ème siècle 859 996

Construction de l’Ulterior Portus

Invasions Vikings Comté d’Eu

Rivière Briselle - Bresle

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L’ histoire, sous le signe de l’eau et du pouvoir

Telle qu’on la découvre aujourd’hui, l’agglomération des trois villes sœurs n’est plus liée à l’eau, comme elle le fut pendant des siècles, d’une manière intime. Pourtant, c’est bel est bien grâce à la rivière et à la mer, que se sont édifiées les villes d’Eu, de Mers-les-bains et du Tréport. L’élément liquide, présent sous différents aspects et consacré à différentes activités, se révèle être l’essence de ces trois villes. La vallée fut à l’origine habitée par des peuplades celtes qui s’établirent sur les hautes collines dominant la Bresle. Leurs embarcations légères leur permettaient à l’époque de remonter le cours du fleuve. Ainsi, dans un méandre, ils édifièrent le petit port fluvial d’« Ou » ( 1) sur le fleuve qu’ils avaient baptisé « Breitzel ».

Du premier au quatrième siècle après J-C, ce peuple s’est mêlé de manière hospitalière avec d’autres venus du sud. Ainsi, à l’emplacement du camp celte s’est établie une bourgade galloromaine. En 1820, des fouilles mettent à jour les restes d’une petite ville au faste insoupçonnable. Les recherches de ces dernières années attestent l’existence d’un temple cultuel, d’un théâtre, de thermes publics et de nombreuses villas. Le IVe siècle correspond à l’installation des hommes en fond de vallée ; le site gallo-romain est abandonné. Le pouvoir de Rome est à son apogée lorsque la nouvelle ville d’Augusta est désignée comme relais vers la « Bretagne ».

Pour se prémunir des multiples invasions, Augusta s’équipe d’un « Ulterior Portus » ( port maritime avancé), une forteresse qui deviendra par la suite la ville du Tréport. Le destin de la région bascule au IXe siècle, les « Nor Mans » auront raison du pouvoir romain fléchissant et du roi des francs dépassé par les évènements. En 911, incapable d’arrêter les envahisseurs, Charles le Simple propose un marché à Rollon, chef viking: lui abandonner une terre… en contrepartie, les barbares promettent de ne plus envahir le royaume et de se convertir au christianisme. Le traité de Saint-Clair-sur-Epte fixe les frontières de la Normandie comprise entre la Breitzel, rebaptisée « Brisselle », et le Couesnon.

Cette ville marquera l’emplacement de la ville d’Eu actuelle. Les traces et formes urbaines héritées sont les remparts qui deviendront les boulevards ainsi que le port fluvial au pied de l’actuel château.

Le XVIIe siècle marque le début du faste pour la ville d’Eu. En 1660, la duchesse de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle, cousine germaine de Louis XIV et plus riche héritière de France, achète le comté d’Eu. Elle s’installe au château, y aménage un jardin à la française, ainsi qu’un parc. La ville connaîtra son heure de gloire lors de la Monarchie de Juillet. Eu devient résidence royale et profite des fréquents séjours de Louis-Philippe et sa famille.

Alors que Rome impose sa présence sur le continent, les « hommes venus du Nord » entament une série de raids dévastateurs le long des côtes gauloises. Encadrée par ses falaises, la vallée est une porte ouverte incitant les Vikings à venir la visiter.

La région connut de riches échanges commerciaux durant toute l’Antiquité. Le cours d’eau permettait de faire le lien entre les hautes terres et la côte ouverte à d’éventuelles attaques ennemies.

logo des festivités du milénaire du comté d’Eu 996-1996

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3 2

4

1

50


Eu - entre forêt et rivière, une ville à la campagne composantes urbaines

1

Centre ville tissu dense et historique

2

Ville bassetissu hétérogène

3

Zone industrielle des Près Salès et «quartier du canal»

4

L’Îsle Bataille et «Chemin des étangs»

La ville basse est née des activités liées à la plaine alluviale. L’assèchement des marais et l’étalement urbain ne datent que du siècle dernier. Au pied du château on découvre d’anciennes dépendances royales et de petits ateliers industriels. La ville file ensuite sur un grand boulevard qui enjambe d’une traite la Bresle et la voir ferrée sans même pouvoir les voir. De l’autre côté, il s’agit d’une autre typologie urbaine. La Zone d’Activités des Prés Salés et le quartier dit du Canal n’ont pas le même cachet que le centre ville, cependant, ils offrent l’avantage d’êtres proches des services et des « voies douces » permettant l’accès au « Chemin des étangs » et au port par le canal.

échelle - 1 Km

Entre le centre ville et son caractère médiéval et la ville basse au tissu éparse - le château sur sa plateforme

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chasse au zèbres - poèmes de silex et de briques

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Promenade en centre-ville

La ville est constituée de différents quartiers imbriqués mais distincts par les architectures propres aux époques qui ont vu leur création. En observant l’ossature urbaine, on comprend que la Collégiale et le château sont les clefs de voûte du paysage environnant. Ce sont les deux « monuments vitrines » du centre ville. Le marché prend place autour de l’église près de la cour du château où s’est installé la mairie. La population entretient donc une relation particulière avec ces édifices.

La vieille ville haute s’étale du pied du « Mont Vitot » jusqu’à l’ancien port fluvial appelé désormais la « Busine ». Le réseau de petites rues organiques est à échelle humaine. Elles affichent sur leurs murs un champ d’expression extrêmement varié... je décrypte alors les poèmes de silex et de briques. Je m’invente des safaris et des chasses aux zèbres.

L’histoire est là, bien présente. Parfois il est même difficile de donner une date ou même qualifier un style. La halle d’un ancien marché du début du siècle m’amène sur le parvis d’une chapelle de style Renaissance. Un porche coiffé d’un chapiteau classique flirte avec de vieilles tuiles romaines. Je finis ma balade par la l’épicentre de la vie sociale eudoise… la « Grande Rue ». Cette voie pavée respire encore parfois l’ambiance commerçante du siècle passé. De retour vers la collégiale, une fontaine attire mon attention. Tourné vers la ville, il s’agit d’un dragon assoiffé au dessus d’une vasque vide.

Cet espace a beau être niché au cœur, il n’est pas moins une passerelle sur les paysages de la vallée. Sur leur terrasse, le château et l’église marquent donc une transition entre la haute et la basse ville.

La collègiale

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Poussons les portes du “grand jardin”...

D

errière le château, un jardin lance ses perspectives en direction d’un parc.

L’endroit est à l’écart, les bruits de la ville se sont tus. Dans les parterres, les buis enserrent des boules de lavandes.

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Mon regard ne sait où se fixer. Serein, je laisse l’esprit du lieu me guider. Le jardin est une immense terrasse soutenue par d’épais murs de pierre. Tel un tapis brodé de motifs , il se déroule et ouvre la plus belle pièce du château… la salle du bal peut-être ? Les ifs pointent vers le ciel et assoient l’espace. Au centre, la fontaine retient mon attention. De bande en bande, de droites en couleurs, seul, je roule sur ce boulingrin. Je finis ma course au piédestal d’un Apollon déployant son bras sur la ligne d’horizon.

L’échelle, le temps, l’espace m’échappent. Après ces années passées à Eu, je réalise soudain que la vallée, la rivière et l’horizon composent un seul et même jardin. En contrebas, les reliques d’un parc du XIXe. Un bosquet de rhododendrons et un séquoia poussent au bord d’un ravin sec. Plus loin, d’autres conifères ornent le long bassin surnommé « le Bras mort ». L’atmosphère y est singulière. Tout le poids du passé est encore perceptible cependant, l’âme de cet ancien parc semble s’être évaporée.

Je m’invente « archéologue jardinier ». Près de la pièce d’eau passent des robes à cerceaux s’apprêtant à aller déjeuner au bord de l’île aux cygnes. A moins que cet après-midi nous décidions ensemble où planter cet arbrisseau ramené de l’ouest américain… A droite du Bras Mort, au milieu d’un près, plusieurs vieux arbres étendent librement leurs branches. Je passe les barbelés et pars à la découverte des pâtures où la Grande Demoiselle devait se promener.

Jardin du château d’Eu «La cime des bois du parc se déroule et fondent sur la ligne».

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le bras mort du Parc Sainte-Croix

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L’herbe dégorge ; le sol est saturé en eau. Nulle doute que ces terres doivent offrir un excellent fourrage. Le pas des bœufs y a laissé une multitude d’empreintes, j’y laisse les miennes. Une passerelle rouillée sans plateforme donnait accès à un îlot apparemment labouré. Il enjambe le ravin sec qui s’avère être en réalité un ancien bras de la Bresle coupé du flux. Plus loin, je découvre « l’île aux cygnes » et d’anciennes grilles en fer. Tout est trempé et impraticable. Cependant je m’obstine à vouloir comprendre comment l’eau circule. Les joncs que les bœufs ont laissés marquent les points bas et les anciens fossés. Cette piste me guide droit à un bosquet inondé dont l’atmosphère est à l’image des tableaux de Mr Waterhouse.

De bras morts en bosquets noyés, j’arrive au centre d’une immense prairie. A cet endroit, le point de vue qui m’est donné est unique. Ma perception de la vallée est complètement nouvelle. Le château s’est déjà effacé. Au loin devant moi, masquée par des arbres, la rocade laisse entendre le flux incessant des voitures. On devine également les cheminées de la verrerie et l’église du Tréport. Les trois villes et leurs circulations forment une ceinture…un anneau dont le centre se trouve ici dans ces prairies royales. Il m’a fallu ensuite traverser la rocade pour continuer et rejoindre le Canal de Penthièvre.

Je connais déjà cet endroit. La poésie sauvage du lieu m’a toujours frappé, tout comme le mystère de cet ouvrage inachevé. Le canal devait établir une liaison directe depuis le port du Tréport jusqu’au château. Le projet était de taille, mais fut avorté pour cause de moyens. Le canal est bordé par deux levées boisées. L’une d’entre elles est aménagée en parcours de santé. La plateforme offre un superbe point de vue sur un ancien marais maritime. Ce paysage composé de grandes roselières et de quelques saules isolés dégage des accents primitifs, comme une odeur de premier soir du monde. Le canal a perdu sa fougue de jeunesse et son statut d’ouvrage naval. Le grand geste paysager s’éteint doucement sous la vase et les phragmites.

Entrée de ville du Tréport - mélange des styles réussis - prés salés, usine contrastant avec le profil de la ville au loin, espace cadré à droite par canal de Penthièvre

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1 2 3

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300 m

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Entre rivière et mer, le Tréport Une ville et ses quartiers

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Les Cordiers

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Rue Suzanne

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Les Terrasses

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Tréport moderne

Les principaux quartiers résidentiels sont ; les Cordiers, la montée de la rue Suzanne et le Tréport Terrasse. Le quartier des « Cordiers » est remarquable pour ses longues rues géométriques et l’atmosphère qui y règne. A l’ombre de la falaise, c’est une cité de marins, un château de brique gardé jalousement par leurs femmes qui investissaient les rues pour y réparer les filets. La rudesse de son caractère architectural nous laisse entendre que tout le monde ne peut pas y habiter. Je parle de ce tempérament urbain, comme d’une acceptation de cœur dans un clan resserré. Les cordiers sont séparés du front de mer par une construction d’après-guerre qui vient séparer violement le vieux quartier culturel et l’esplanade.

Ces rues aux pentes raides sont bordées par des maisons mitoyennes formant parfois de longs corps bâtis ornés de quelques cabochons traditionnels. J’aime bien ce quartier; on y trouve un parfum éclectique dans d’architecture et chez ses habitants. Sur le plateau dominant la falaise, le quartier du « Tréport Terrasse » a été majoritairement construit dans les années 1960-70. Le lycée est au cœur de cet ensemble constitué de quelques barres HLM et de lotissements pavillonnaires.

En empruntant une rampe depuis le quai, on accède au niveau de la rue « Suzanne ».

2006 a vu se concrétiser le projet de réhabilitation du funiculaire. L’ancien ouvrage abandonné est au centre d’une opération de désenclavement de la partie basse de la ville. Ainsi lors de la saison estivale, les visiteurs stationnent leurs voitures en haut de la falaise et accèdent directement à la plage par le funiculaire.

Installé dans une valleuse* à même la falaise, ce quartier est abrité des vents dominants et bénéficie d’une superbe vue sur Mers.

Partagé entre Eu et le Tréport, le coteau dit du « Tréport Moderne » constitue une entité urbaine remarquable en réponse à celui de mers. * Valleuse: vallée sèche suspendue, tronquée par le recul rapide de la falaise

Le port de plaisance

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les sirènes Je me souviens c’était il n’y pas si longtemps, les bateaux étaient quille à terre et les ramasseuses de moules hurlaient sous le porche de la poissonnerie. La balade du dimanche prenait forcément un air de terre lointaine lorsqu’ils surgissaient avec leurs caisses chargées. Hommes ou créatures, difficile à dire. Une chose est sûre, ceuxlà avaient vus l’inconnu, l’impalpable. Lorsqu’ils plongeaient leurs pognes sous les rougets visqueux, les crevasses de leurs énormes doigts brillaient comme les écailles des sirènes qu’ils regrettaient déjà.

L’avant-port - les nasses et à gauche la gare masquée

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Le Tréport est aussi compliqué que le cœur d’un marin. Elle ne livre pas tous ses secrets de prime abord. Les vacanciers de passage ne peuvent pas appréhender la ville de la même manière que les autochtones. La métaphore peut paraître saugrenue… Pourtant, le Tréport est un peu à l’image d’une maison traditionnelle japonaise. Là-bas, la maison est conçue de manière à ce que les membres de la famille puissent continuer à vivre sans déranger l’invité qui est alors reçu dans la pièce principale. Le port, le quai et l’esplanade fonctionnent ensemble dans un parcours linéaire aboutissant aux pieds des falaises. C’est là que l’on ressent l’esprit de la ville…de la mer. L’atmosphère n’est pas celle de Deauville ni de Cabourg.

Ici, ce fut un port avant d’être une station balnéaire, alors ne soyez pas étonné si l’on vous parle de l’esplanade et du casino comme des accessoires. Aux yeux des tréportais, les quais, les bars et le sourire de la poissonnière ont bien plus de valeur. Mais soyons honnêtes, ces vingt dernières années la ville et le port ont beaucoup changé. L’industrialisation de la pêche et le départ à la retraite de nombreux anciens n’a fait que séparer l’activité de la ville qui se voit aujourd’hui être majoritairement une cité résidentielle. Le port et l’îlot central sont désormais des outils qui font de l’espace une enclave où la découverte du monde de la pêche n’est pas évidente.

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1 2

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Usage et maîtrise des éléments Comme je l’ai évoqué, la rivière a joué un rôle prépondérant au sein de la vallée dans son succès commercial et culturel. Le port du Tréport est la clef de cette réussite. Construire les infrastructures nécessaires à l’établissement d’un véritable port maritime a constitué un chantier qui s’est étalé sur plusieurs siècles. Vers 1101, Henri 1er, comte d’Eu, détourne le cours de la Bresle. Le port s’ensable et cette erreur fait perdre à la commune sa suprématie sur le port de Dieppe. En 1460, le comte d’Eu, Charles d’Artois, fait creuser le canal reliant Eu au Tréport. Celui-ci est utilisé pendant deux siècles pour permettre le déchargement au pied du château d’Eu. évolution 1 - les quais puis le nouveau port 2 - le front de mer

François 1er de Clèves, comte d’Eu, fait creuser un bassin et bâtir des jetées, rapidement envahies par les galets. Vers 1770, le duc de Penthièvre fait enlever les galets qui envahissent le port et ordonne la construction de l’écluse de chasse, qui est réalisée en 1776 par l’ingénieur Lamblardie. A la veille de la Révolution, sa proximité avec Paris lui vaut de participer à l’approvisionnement de la capitale en poissons au même titre que Dieppe.

Les grandes robes frôlent alors les barques sur les quais. Deux mondes aux antipodes bien obligés de se découvrir mutuellement. Les uns connaissent la mer, ils en vivent, ils y meurent aussi.

Sous Louis-Philippe, le creusement et l’agrandissement du chenal améliorent encore le port. C’est lui qui lance définitivement les plaisirs de la plage en y faisant construire les premières villas. Le Tréport devient dès lors une station balnéaire à la mode pour l’aristocratie parisienne.

De grandes entreprises comme SaintGobain-Desjonquères deviennent les nouveaux fleurons de la ville. Le port connaît alors encore des modifications et s’équipera d’un bassin dédié aux activités industrielles.

Les autres en rêvent, ils sont venus voir l’horizon et baigner leurs mollets dans quelques centimètres d’eau. Au cours du XXe siècle, la ville fait d’importants choix en matière d’industrialisation.

Aujourd’hui la ville est toujours une destination de week-end prisée. Elle tente de diversifier son offre. Les quais animés, les restaurants de fruits de mer, le casino, le phare, la jetée… le funiculaire.

De droite à gauche les falaises, front de mer ( esplanade et logements d’après-guerre) le casino , logements, au loin l’église St Jacques... et le manège

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Le port 1760

évolution des infrastructures 1810

le mouillage s’effectue dans les méandres

Le port de pêche du Tréport à connu de multiples modifications au cours des siècles. En 1991, la pose d’une écluse a permis la création d’un véritable port de pêche dans le bras où la Bresle rencontrait la mer. Cet ouvrage est équipé d’un passe à salmonidés. Le bassin abrite soixante bateaux immatriculés au quartier de Dieppe et à Boulogne-Sur-Mer. Le Tréport accueille en effet les pêcheurs picards qui, du fait de l’ensablement de la baie de Somme, ne peuvent plus y accéder. Le Tréport compte environ 200 matelots qui débarquent près de 6000 à 8000 tonnes de poissons par an, composées de 25% de poissons fins (sole, turbot, lotte, coquille, encornet). L’ensemble des installations portuaires du Tréport est géré par une Chambre de Commerce et d’Industrie.

créations de bassins - effacement du lit originel de la Bresle

2004

avant port écluse à clapet bassin de pêche port de plaisance

canal de Penthièvre

64 Bassin à flot - soleil couchant


1993

pose d’une écluse à clapet sur le bras estuairien de la Bresle - contrôle du débit - impossibilité pour les eaux marines de remonter vers les marais - difficultés quant à la gestion des phénomènes de crues couplées aux grandes marées ou aux tempêtes

chenal

avant port

écluse à clapet

port de plaisance

bassin de pêche bassin à flot

écluse de retenue bassin à flot industries - bentonites - engrais anciens bassins de chasse sens d’écoulement de la Bresle

ancien canal de Penthièvre

Le site est divisé en deux. Le nouveau bassin de pêche accueille la flottille et les bateaux de plaisance. L’immense bassin à flot est spécialisé pour l’industrie. En l’an 2000, 131 navires ont fréquenté le port de commerce du Tréport et 358 953 tonnes de marchandises ont transité sur les quais. A l’exportation ; 83000 tonnes de céréales, galets et verre pilé. A l’importation ; 275 439 tonnes de bois, bentonite, produits chimiques et engrais. L’îlot qui sépare les deux bassins est équipé d’une usine à glace qui permet aux pêcheurs, mais aussi aux restaurateurs et aux poissonniers de la région de s’approvisionner pour la conservation des produits frais.

65 Zone de dépôt près du bassin à flot


Place du marché la Prairie Piscine terrains de tennis

Secteur sauvegardé

Esplanade

Stade

Villa « la Fée des mers » Espace ferroviaire

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Mers-les-Bains, une prairie devenue station balnéaire Mers s’est lotie et construie en cinquante ans. Son schéma est tout à fait représentatif des villes nouvelles de bords de mer. Son originalité tient à la fois au détail des façades et à sa configuration urbaine actuelle. Des trois villes, Mers-les-bains est sûrement celle qui présente les espaces susceptibles de pouvoir porter certains des projets redynamisation. La prairie peut être considérée comme une particularité rare dont la ville de Mers n’est pas peu fière. Même si sa superficie a rétréci, elle ne continue pas moins de jouer son rôle de centre-ville, tout à la fois point de rencontre des grands axes de communication et lieu de loisirs et de commerces.

La ville se divise en plusieurs secteurs ayant chacun leur propre vocation. A l’origine, la prairie était immense puisqu’elle s’étendait jusqu’aux berges de la Bresle ; en partie constituée de marais, elle offrait aux agriculteurs une pâture idéale aux vaches. Elle fut amputée de moitié en 1872 lors de l’implantation de la gare du Tréport. Avec l’urbanisation en front de mer, la prairie est encore aujourd’hui un vrai centre en retrait de la mer. Véritable plaque tournante enserrée entre les dépôts portuaires, le vieux village et le quartier balnéaire la prairie a été l’emplacement rêvé pour la construction d’hôtels, le premier fut le « Grand Hôtel des Bains ». La prairie accueille toujours de multiples activités, cependant elle a perdu sa fonctionnalité originelle.

espace central, le stade emmuré constitue une enclave et perturbe la compréhension du schéma urbain

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Au fil des rues

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Arrivée des touristes à la gare

La prairie

Place du marché

Premier casino

Avenue de la gare

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Un projet urbain Si le Tréport vit de la mer, sa cadette, Mers-les-Bains est une ville qui est née du rêve de la mer. Jadis petit village de pêcheurs, la station balnéaire a connu un essor fulgurant dès 1860, notamment avec l’explosion de la mode des bains de mer. Mers-les-bains est aujourd’hui la plus belle représentante d’une traduction architecturale du « désir de rivages ». A travers sa configuration, ses folies colorées, la ville témoigne encore de la légèreté et de l’insouciance d’une « Belle Epoque ».

La Prairie

- au deuxième plan, le marché - à gauche, le Grand Hôtel des Bains

Sous Louis Philippe, le pouvoir royal joue un rôle déterminant dans l’aménagement du territoire. Soucieux de se doter d’un lieu de villégiature proche de son château d’Eu, il cherche un site qui le permette. Le Tréport étant alors entièrement dévolu à la pêche, et surtout, complètement conçu pour cela, le roi porte son choix sur Mers-les-Bains. Le site offre des dispositions topographiques qui se prêtent parfaitement à cet usage : une longue plage de galets, un front de mer quasiment vierge qui laisse le champ libre à la construction de villas. Le monarque ne compte pas profiter seul de l’endroit. Il tient à y attirer aussi l’aristocratie parisienne et s’en donne les moyens en créant, en 1875, le chemin de fer reliant Paris au Tréport.

Le rail va permettre à des familles entières de parisiens aisés de découvrir les bienfaits de la mer et de l’air iodé. Mers n’étant plus qu’à trois heures de train de la capitale, l’aristocratie multiplie alors ses week-ends et courts séjours.

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1 2

La prairie

1869 - 1892 Îlots centraux

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1844 - 1876

1881 - 1896 L’esplanade

1869 - 1896

Plan des lôts et leurs dates de construction

L’esplanade bordée par les villas du front de mer et les cabines de plage En arrière plan, les falaises du Tréport, le quai et la silhouette de la gare

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“in litore floreo”

Le “village”, portion de plage investie par les cabines sur un schéma de type “îlots urbains”

Il y a trois phases rapprochées de constructions de 1850 à 1896. Cette progression s’est faite dans le cadre d’îlots bien dessinés : Le plan régulier dote la ville d’un cadre urbain solide afin de garantir un accès systématiquement perpendiculaire au front de mer, et suffisamment divers pour éviter toute impression de monotonie, mal venue dans une station de plaisance. Au sein même de ces îlots, les parcelles sont vendues individuellement, ce qui assure une grande variété de construction. Sur les plus grandes de ces parcelles, les promoteurs ont pu dresser des villas doubles ou triples qui font l’originalité du patrimoine bâti mersois.

Cet ensemble remarquablement cohérent justifie la mise en place d’un « secteur sauvegardé » approuvé dès 1986 qui a motivé la création d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur permettant d’identifier le style des villas (anglo-normand, flamand, picard, mauresque, Renaissance, Louis XIII, Napoléon III, années 30, etc.) et assurant une juste appréhension des travaux à y effectuer.

En 2001, la ville se pare d’une devise : « Près de la mer, je m’étale » , « In Litore Floreo ».

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Le secteur sauvegardé L’expression secteur sauvegardé est passée dans le langage courant, elle désigne un « espace urbain marqué par une architecture spécifique, un quartier ancien dont la valeur historique justifie la conservation, la restauration et la mise en valeur ». Le périmètre de ce secteur comprend l’esplanade, le quartier balnéaire et les façades ceinturant la prairie. Lorsque l’on se gare autour de la prairie, c’est bel et bien par ce secteur que l’on passe avant d’arriver sur l’esplanade. Ses petites rues renferment les mondes du rêve de la mer, et des comtes de Monsieur Lewis Carroll. Il est essentiel pour la pérennité de la ville de valoriser ces corridors qui conditionnent les inconscientes fantaisies du baigneur.

# 82 Avenue de la Gare

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L’esplanade longeant le secteur sauvegardé

L’esplanade au-delà de la Fées des mers

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l’esplanade Elle marque l’interface entre le monde des hommes et celui des eaux. Ce fut la dernière partie de la station à être achevée en 1896. Elle est encore et plus que jamais l’endroit où il faut être si l’on veut être vu.

D’un point de vue urbanistique, le front de mer est structurant dans ce que dégage son architecture et dans sa ligne qui joint fictivement les deux falaises. Le site se prêtait déjà à une promenade face aux éléments naturels qui composent parallèlement l’espace. L’architecture est à mon sens une réponse à ces parallèles, à ces vides horizontaux où l’on se sent libre d’écrire ses rêves.

Comparée à l’extrême richesse ornementale des villas, cette section ne présente plus d’élément que le regard puisse attraper au vol…le détail que l’on avait encore jamais vu alors qu’il a toujours été là. La ballade devient unilatérale. La pauvreté des aménagements de cette partie n’aide en rien, et beaucoup préfèrent rebrousser chemin plutôt que de rejoindre le Tréport.

La promenade sur l’esplanade perd brutalement de son intérêt au-delà de la « Fée des Mers », dernière villa de l’esplanade avant l’espace ferroviaire. C’est un tout autre paysage sans aucune comparaison. La circulation routière y est rapide et bruyante.

On peut parler d’un espace en crise. Cette section finale subit les assauts de la mer et est susceptible d’être submersible. Le « Syndicat de défense conte la mer » a fait massivement enrocher le bout de cette section puisque le perré montrait des signes de faiblesse. Cette solution, même si elle s’avère techniquement efficace, prive aujourd’hui les promeneurs d’une vue immédiate sur l’horizon.

La “fée des mers”, mélange magique d’un manoir à la Walter Scott et d’un luxueux pignon Renaissance flamande, termine magnifiquement la promenade

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l’espace ferroviaire... le bout du monde

Le développement des cités balnéaires est directement lié au rail. Les « trains de la mer » n’ont jamais aussi bien porté leur nom. Ici, les voyageurs peuvent admirer la mer dès leur arrivée depuis le wagon. La gare du Tréport est un monument… les portes de la capitale à quelques mètres de la plage.Pour faire aboutir les voix face au Tréport, il a fallu séparer l’espace de la Prairie. Pendant plus d’un siècle, dans l’histoire des hommes et de la perception du paysage, le rail a été une façon inouïe de se déplacer et de faire du commerce. espace ferroviaire

Jusqu’au jour où le train n’a plus été le principal mode de transport, contourner cet espace n’a jamais posé de problème. Il est certain que cette emprise représente une importante surface inexploitable impossible à traverser.

passerelle

gare

hôtel

hangar

parking

Cette enclave est en majeure partie sur la commune du Tréport, pourtant d’un point de vue du paysage, elle fait entièrement partie de cette élancée mersoise. Depuis quelques années la communauté de communes réfléchit à la possibilité de déplacer le terminus sur l’espace de la Prairie et d’y créer un pôle multimodal.

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Le voyage...

la gare

la friche ferroviaire en dormance

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Activités économiques et réseaux; quel constat pour quelle évolution ? Pôle verrier mondial Le travail du verre apparaît dans la région à la fin du Moyen Age. C’est la forêt d’Eu qui offrait le bois de chauffe et la fougère dont la potasse permettait d’obtenir la fusion du sable et du calcaire. En 1873, le chemin de fer s’installe dans la vallée et alimente les verreries en charbon. N’utilisant plus le bois, les verreries quittent la forêt et s’installent le long de la voie ferrée. Le XXe siècle est celui de l’industrialisation. La vallée se spécialise alors dans le flaconnage pour la parfumerie avec l’apparition des premières machines automatiques. Subsistent de nos jours plusieurs verreries comme Waltersperger ou Saint-Gobain-Desjonquères qui fabrique à elle quatre millions de flacons par jours.

La “Cité Saint-Gobain” dominant la verrerie

Par le train... Près de 80% de la production de la flaconnerie mondiale est produit sur la Bresle, ce qui lui vaut le nom de « Glass Valley ». Présente sur le site d’étude, la verrerie Saint-Gobain emploie 4 500 personnes. C’est le cœur industriel de la basse vallée. Son activité génère celle de nombreuses autres entreprises. D’un point de vue urbanistique, l’usine est visible de presque partout. Nichée entre le coteau et le canal, l’énorme structure est venue poldériser un méandre et les marais.

L’origine des activités de la vallée de la Bresle est intimement liée à la rivière et à la mer. Le port est encore aujourd’hui la porte d’entrée des richesses économiques et suscite un grand intérêt de la part des décideurs. La rivière ne sert plus aujourd’hui à aucun échange, mais porte les stigmates du passé.Ceux-ci se font essentiellement par la route à l’aide des poids lourds. Quant au rail, il a contribué au développement des richesses à travers les déplacements rapides des hommes qui ont pu investir sur la côte.

Son territoire est fortement marqué par les pavillons de la « Cité Saint-Gobain » qui viennent s’appuyer sur la pente derrière l’usine. J’évoquerai dans la partie consacrée aux futurs projets, celui lié à la desserte portuaire qui concerne bien évidemment ce site.

Le fret a étalé les petites usines dans la vallée, ce qui a permis au port de s’industrialiser. Le chemin de fer est l’investissement le plus durable qui ait été fait pour le développement de la vallée.

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Plaisance et loisirs Les villes se penchent aujourd’hui sur la reconversion de l’espace ferroviaire qui fut la source du développement local. Il faut faire un long détour pour le contourner, ce qui pénalise les circulations entre Mers et le Tréport. Quelle mémoire pour ce site ? Quelle vocation pour la ligne Paris Nord – Le Tréport ? A l’heure où l’Europe imagine les solutions à un futur sans pétrole, il me semble que les trois villes sœurs doivent tirer leur épingle du jeu dès maintenant.

Trente millions d’euros ont été investis sur l’ensemble du port du Tréport depuis 1982. Le Conseil Général verse chaque année 2,5 millions d’euros pour le dragage, le fonctionnement, l’amortissement et le remboursement des emprunts. Le bilan économique du port est positif ce qui est bénéfique son hinterland*. Côté plaisance, le port dispose aujourd’hui de 110 anneaux et peut accueillir de façon saisonnière une centaine d’autres bateaux.

L’engouement de notre société de loisirs pour le nautisme ne fait que compliquer la gestion des ports de plaisance. Au Tréport comme partout ailleurs, la demande surpasse l’offre d’accueil. Actuellement en retrait dans l’ancien bras de la Bresle, le port de plaisance prend place en contrebas d’une zone passante. Ceci n’aide pas à la mise en en valeur cet espace qui pourrait constituer un élément intéressant dans le paysage portuaire.

C’est en offrant une vision contemporaine de ce qu’elles peuvent offrir en termes de services, de loisirs et de proximité par le rail que l’agglomération gagnera sa deuxième Belle Epoque. L’espace portuaire se prête également au futur redéveloppement du fret. De grands espaces sont encore disponibles.

Toutefois la liste d’attente est déjà longue (avec une centaine de demandes) et compte tenu de l’important déficit de places dans tout le pays, on considère que 300 nouveaux anneaux seraient nécessaires. La Chambre de Commerce et d’Industrie se base sur sa proximité avec Paris où se trouvent 50 % des plaisanciers du pays.

Compte tenu du souhait émis par la CCI de remodeler certains équipements, le port de plaisance fera partie des éléments à repenser comme espace d’interface entre la mer, les hommes et la terre. Hinterland: arrière pays continental d’un port que ce dernier approvisionne ou dont il tire les marchandises qu’il expédie.

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Synthèse - potentialités du site Actuellement, l’agglomération s’organise à travers ses trois villes sous forme de façades ayant chacune un rapport différent aux éléments. Eu est adossée au coteau avec les pieds dans la Bresle. A mi-pente, une large terrasse offre une vue sur l’horizon et la vallée; l’invitation est donnée. A l’ombre de la falaise, le Tréport vit en relation directe avec son port. Deux bassins permettent aux bateaux de rentrer dans les terres. La ville basse est une enclave. La ville haute communique avec le plateau. Le port fonctionne sur lui-même, mais n’offre pas de liaison agréables jusqu’à Mers. Les deux villes s’observent, mais n’échangent pas. Mers ne vit pas de la mer, mais grâce à elle. Une partie de son tissu urbain est tournée vers l’horizon dans l’attente de la saison estivale. L’autre vit toute l’année repliée sur la prairie. C’est une ville ambivalente aux potentiels insoupçonnés. D’un point de vue environnemental, il serait bon de rétablir les connexions naturelles entre la rivière et la mer afin de s’inscrire dans une politique de gestion intégrée de la zone côtière. N’oublions pas que ce qui bénéficie aux uns ne doit pas pénaliser les autres. Le blocage intempestif de la Bresle en aval posera des problèmes hydrauliques en amont et des complications en prédiction des phénomènes annoncés dus au réchauffement climatique.

Les trois villes sœurs sont accolées et forment un anneau autour de la Bresle et de ses territoires marécageux. Cet espace central est d’une grande qualité paysagère. C’est le premier grand atout de ce diagnostic.

Alors que ces villes se cherchent un centre, c’est bel et bien d’un poumon vert dont elles disposent. La configuration du château, du jardin et de son parc encourage à continuer l’exploration de cette vallée tournée vers la mer. Mais le Domaine Royal l’interdit. On peut regretter l’accès difficile aux zones humides qui offrent un point de vue unique sur le cœur de la vallée. Une belle façon de découvrir autour de quel environnement la vie urbaine s’organise. Le « Chemin des Etangs » pourrait trouver une continuité à travers le parc du château et les marécages qui mènent sur le port et à la mer. Ce pourrait être aussi un pôle de rencontres entre un réseau de sentiers transversaux permettant de nouvelles connexions entre les villes et les personnes.

L’aboutissement violent sur le port sans aucune circulation douce n’encourage pas les gens à se rendre à la plage par le chemin de la rivière. En été, alors que la circulation sur le littoral est déplorable, le stationnement à Eu serait une alternative à développer.

Il serait bon d’accentuer la vocation spécifique à chacune des villes à travers un projet global. Entre forêt et rivière, la ville d’Eu est déjà un jardin qu’il faudrait prolonger jusqu’à la mer aux côtés de la Bresle. Le Tréport porte sur ses épaules le devenir économique de la basse vallée. Il est important que la ville développe ses équipements portuaires d’une manière qui lui soit propre et en rapport avec son site. Avec son rail, le Tréport dispose déjà des atouts nécessaires à un développement raisonné pour le futur.

Avec son programme de renovation, la ville de Mers fait déjà figure de bonne élève en matière de valorisation de son patrimoine. Cependant la ville est fragile sur plusieurs plans. Mers ne bénéficie que de peu de retombées fiscales et doit faire face à des investissements importants. C’est la saison balnéaire qui rythme le peu de commerces de la commune. Enfin, une partie de la ville est potentiellement submersible. Cependant, Mers-les-Bains porte les espaces qui peuvent permettre aux trois villes de bénéficier d’un changement. Il faut tout de même mentionner que l’espace ferroviaire et le dernier îlot bâti de l’esplanade appartiennent à la ville du Tréport. Une coopération entre les deux villes est nécessaire si l’on souhaite que les futurs projets permettent des liaisons et la fusion des potentiels.

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Schéma des enjeux Mers-les-Bains

Abbeville X

le Tréport

Eu 1 km

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Dieppe


X

fronts de mer

espaces fonctionnels d’importance majeure surtout durant la saison estivale

espaces ferroviaires

«No man’s land» créant un vide conséquent et une carence en terme de circulations

projet de pôle multimodale

délocalisation du terminal ferroviaire passagers

projet de centre de loisirs intercommunal

projet à l’étude

projet de résidences balnéaires

projet à l’étude

circulations entre les deux villes

actuellement très difficiles que ce soit en voiture ou à pied

emprise industrielle et de services

espace naturel exceptionnel venant s’inscrire dans le lit majeur de la Bresle

D 925 Dieppe - Abbeville

superbe « survol » des marais vue sur la ville d’ Eu et le Tréport

tracé de la future desserte portuaire

voie de délestage industrielle et touristique

bassin de pêche et de plaisance écluse à clapet

équipement affectant l’entité fluviale et montrant ses limites quant à la gestion des crues et des grandes marées

entrée de ville du Tréport

espace à fort potentiel d’accueil et de grande qualité environnementale

espaces naturels marécageux

espace naturel exceptionnel pouvant marquer le centre des trois villes

reliques fluviales - bras morts

excellent support de renaturation partielle de la Bresle sur certains tronçons

site du futur lycée

équipement venant s’inscrire dans un cadre exceptionnel

patrimoine historique et jardiné

parc et jardins enclavés

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Projets de la CommunautĂŠ de Communes

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A l’école des grands espaces... projet pour un lycée

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vue aérienne présentant la situation des lycées actuel lycée général

actuel lycée technique futur lycée général

Une série de projets sont actuellement à l’étude en prévision du futur développement des trois villes.

C’est au bord du canal de la Bresle, entre le château et la gare, que la ville d’Eu va relocaliser le Lycée Michel Anguier. C’est un véritable changement d’environnement pour les élèves qui vont passer du centre ville aux berges du canal. Les raisons : -problèmes de circulation dus à son imbrication dans le centre urbain -facilités depuis le canal à rejoindre les grands axes de circulation -volonté de fusionner avec le pôle technique déjà sur place -opportunité de prendre l’emplacement d’une ancienne usine

Cette opération urbanistique va permettre au lycée de gagner en autonomie et de pouvoir construire certains équipements avec le pôle technique. C’est aussi la chance de voir revivre ce quartier de la ville marquée par l’industrialisation. De plus, le cadre exceptionnel du parc du château et de la Bresle sont des éléments avec lesquels le lycée devra fusionner. Tout le quartier de l’ancien port fluvial se prête véritablement à devenir une école jardin où l’eau, les marais et le parc font partie d’un paysage que l’on comprend mieux parce que l’on y vit.

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Ouvrage de la RENFE près de Barcelone

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Desserte portuaire

La Chambre de Commerce et d’Industrie du Tréport est le maître d’ouvrage d’un projet d’une voie de désenclavement de la Zone d’Activités à Vocations Portuaire et Industrielle. La vie des riverains est en effet affectée par le trafic que génère l’usine SGD (150 poids lourds / jours).

Cette voie permettrait : - le désenclavement du port par un accès direct à la rocade d’Eu.

Cette desserte est envisagée afin de supprimer les difficultés de circulation liées aux activités industrielles et portuaires. Ces difficultés sont amplifiées en été par le tourisme balnéaire. Quels sont les enjeux pour ce nouvel équipement ?

- la desserte directe de l’usine SaintGobain-Desjonquères - d’être le catalyseur du développement de la zone d’activités portuaire et industrielle - de redonner aux routes communales un statut de voies urbaines plus compatible avec le cadre de vie des riverains et la vocation touristique de ces communes.

Cette voie pourra permettre de marquer la limite entre la ville et les marais, et par la même occasion mettre un terme à la poldérisation du milieu. La zone des marais a subit depuis les années 1970 de nombreux remblais dans le cadre d’extensions industrielles où dans l’illégalité (remblais sauvages).Dans ce sens, je pense qu’il serait bon de concevoir un projet adapté aux conditions du milieu.

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Centre de loisirs intercommunal

centre de loisirs

projet de rĂŠsidences

Simulation spatiale de l’emplacement des futurs projets

Gare

50 m

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Les Trois villes sœurs sont dépourvues d’équipement nautique qui puisse répondre aux attentes du public et aux besoins des groupes scolaires. La Communauté de Communes de GrosJacques mène actuellement des études de faisabilité pour la construction d’un centre de loisirs à eau de mer. Il est prévu que le bâtiment soit construit derrière le dernier îlot du quartier sauvegardé, juste derrière la « Fée des mers ». Cette excellente initiative ne doit pas se finaliser simplement par la construction d’un équipement qui viendra combler un manque. L’espace ferroviaire offre aujourd’hui l’occasion unique de pouvoir profiter des bienfaits de l’eau de mer, face à la mer. Or, la position actuelle du centre ne l’offrira pas.

En revanche, c’est un projet de résidentiel qui pourra bénéficier de la vue. Reliant la « Fée des mers » à l’actuelle gare du Tréport, le complexe viendra achever le front de mer. Quelle justification à la fermeture du secteur le plus soumis aux tempêtes ?

C’est un enjeu de taille que de réussir à combiner besoins, espace et loisirs.

L’agglomération connaît certes des besoins en termes de logements, mais le patrimoine immobilier à rénover est considérable.

Posons-nous alors la question de savoir ce qui, à long terme, a toujours été lucratif pour cet espace. Devons-nous privilégier une économie immédiate ou bien travailler à préserver ce paysage qui ne cessera d’attirer des visiteurs?

D’autres secteurs situés en dehors du périmètre concerné par le risque littoral peuvent faire l’objet d’opérations immobilières ou de requalification urbaine.

Hammam en Turquie

En Suède

Piscine flottante de Berlin

Projet pour Beijin

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94 D’après la toile du maître Za Wou KI


Un territoire à redécouvrir

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SchĂŠma directeur

1 km

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une « folie » - la ville se fond dans un jardin maritime et s’ achève dans la fantaisie des “nouveaux bains”

Mers -les - Bains

un port - recentré sur son fret et une nouvelle organisation spatiale

une route - limite entre l’industrie et les marais

un train - pour venir depuis Paris et se reposer

le Tréport un centre

un lien « Terre - Mer »

- sanctuaire fluvial où l’on découvre le coeur de la vallée... on y passe, les oiseaux s’y posent

- la Bresle borde la ville son caractère sauvage vient marquer la pluridisciplinarité de ce territoire

une entrée de ville - vocabulaire urbain aux accents portuaires et rappel des conditions environnementales humides

un jardin

Eu

- accroche entre la ville, le lycée et la Bresle... on y découvre les portes du marais pour rejoindre la mer

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4

2

5 1

3

La prairie expérimentale. De l’autre côté du canal, le lycée accessible par la passerelle

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Eu renoue avec son port et ses jardins Le projet du nouveau lycée va nécessiter de retisser des liens entre les deux parties de la ville. Ces circulations seront l’occasion de retrouver un dialogue avec la Bresle. Les lycéens bénéficieront de la proximité du parc du château qui deviendra un espace de détente et de passage. L’ancien port fluvial pourra donc être à la fois ce nouveau « jardin-école » et marquer l’entrée du « grand site » des marais… les portes de la mer.

5

1

Une ferme et la station de relevage salmonicole constituent l’accroche entre le tissu urbain et le lycée

4

3

2

1

2

En contrebas du château, un fossé longe le bras de la Bresle, ce sont les «les jardins perdus» de la Grande Mademoiselle. On y découvre des sujets hérités du passé et de nouvelles compositions venant souligner la fraîcheur du lieu

3

Série de passerelles reliant la ville, le lycée et les espaces naturels.

4

Entrées du «Grand site»

5

Prairie expérimentale - lieu d’expression en relation avec les matières artisitiques enseignées au lycée

100 m

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Promenade au fil des bosqués noyés et de la Bresle retrouvée

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2

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1

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1 Transition entre les «jardins perdus» et les marais. Promenade au fil des bosqués noyés et de la Bresle retrouvée.

2

Espace de la ZNIEFF compris entre la desserte portuaire, les voies ferrées et le canal. Zone interdite au public.

3

Desserte portuaire. A l’image des ponts chartrains, la voie vient délicatement se poser sur les marais et les séparer des emprises industrielles

4

Espace de découverte des milieux humides sur la ZNIEFF du «Grand Marais», on peut également rejoindre le Canal de Penthièvre pour surplomber l’ensemble

Prairies humides et marais... Un cœur pour trois villes Depuis la ville d’Eu, vous avez découvert ses jardins largement arrosés par la Bresle. Vous vous laissez glisser au creux de ce ruisseau végétal. Petit radeau, coquille de noix, vous voilà alors aux portes d’une prairie bordée d’eau de toutes parts. Les traces du parc oublié, sont délicatement soulignées par les lignes contemporaines des sentiers flottants.

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7

6

5

Cet espace central vient souligner la nature des conditions naturelles de la basse vallée. Paysage ambivalent, parfois austère; la véritable richesse du lieu est dans la rencontre des éléments. Nous sommes au cœur de l’agglomération et pourtant tout paraît si calme. C’est pourtant bien ici que la magie opère lorsque l’air se bloque, que le fossé respire le temps d’une lune avant que la marée ne revienne.

4 3 2

1

5

Entrée de ville du Tréport, les Près salés et leurs moutons.

6

Derrière la peupleraie existante, l’espace enclavé entre les deux usines accueillera la nouvelle station phyto-épuratrice

7

Sur le site de l’ancien incinérateur; le nouveau camping vient s’incrire entre nature et ambiance portuaire

8

Sur le site de l’ancien camping concours d’idées architecturales pour une pépinière d’entreprises constituant la nouvelle entrée de ville

200 m

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Evolution du système portuaire une alliance entre la nature et la technologie

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1 2

Camping et pépinière d’entreprises

En continuité des travaux réalisés sur le carrefour pour limiter les inondations. Le canal de collecte des eaux constitue un «axe vert» qui se prolonge jusqu’à la Bresle et borde le nouveau boulevard qui dessert les nouvelles entreprises et aboutie au camping

3 4

Espace de services et de spectacles

Sur l’emplacement de l’ancienne station d’épuration - le « parc fluvial » est un espace polyvalent où peuvent stationner ceux qui vont assister à des concerts (3) ou ceux qui se rendent au travail (1)

Le Tréport s’annonce comme une porte sur le monde, l’alliance entre certaines traditions et un choix pour la modernité. En venant depuis les marais, le camping s’inscrit entre une nature sauvage et les bruits du port tout proche. A travers les feuillages du, nous apercevons un étrange village où chaque petit module présente une architecture différente. Depuis les marais jusqu’aux bassins à flot, certains bateaux sont entreposés à sec sur un îlot bordé par la Bresle. Alignés en rang, certains y ont passé tout l’hiver, d’autre ne sont que de passage, le temps de se refaire une beauté avant l’été. Sous le pont qui s’élance au-dessus des bassins, débute la zone d’entrepôt. La grue charge quelques wagons.

9

5

Au pied des immenses silos; du bois, du verre pilé et du sable attendent d’êtres emmenés. La variété des couleurs et des matériaux vient rompre avec la tranquillité des marais. A son débouché, la Bresle change de caractère, elle se fait plus agitée à la rencontre des flots salés. En la longeant, elle nous amène sur les quais où l’on peut la voir se fondre dans l’avant-port. Après avoir arpenté ses territoires secrets, elle nous confie à la mer.

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4

3

2 1

Port à sec et services d’entretien des bateaux de pêche. Entrée de ville mettant en scène les activités portuaires

6

Nouveau bassin à flot consacré à la pêche. Le port de plaisance se fera majoritairement à sec (5) ou sur le port fluvial d’Eu en remontant le canal (Projet à l’étude)

7 8

9

Gare d’accueil et de stockage pour le commerce portuaire via le rail Zone de déchargement. Systèmes éoliens intégrés aux structures des bâtiments portuaires Au pied de la ville, la Bresle retrouve son caractère sauvage, ses variations de niveaux et sa végétation spontanée

200 m

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Voir la mer...

redonner toute sa force à l’approche maritime

Les “jardins de la mer”

104 l’esplanade en été


1

Espace industrialo-portuaire Gare de commerce ferroviaire

2

Entrée de ville depuis le train, les voyageurs apreçoivent les grues et les silos à travers cet espace semi-naturel

3

Espace ployvalent de la prairie

4

Parvis du Pôle multimodal et son parc où vient s’écrire le tracé du schéma urbain

5 6

Centre de loisirs à eau de mer

L’ancien espace ferroviaire et celui de la prairie fusionnent à travers un langage nouveau venant s’appuyer sur les lignes du passé. Paris Nord - le Tréport; le temps d’un week-end, ils viennent se reposer. Depuis le parvis de la gare, ils découvrent la ville posée sur sa prairie où à travers les allées d’un parc qui les amènent sous les porches des villas. Doucement bercés au fil des rues par les comtes balnéaires, ils découvrent finalement l’esplanade et l’immensité.

8

7

6 5

Nous sommes en mars, il fait froid, ils sont seuls et c’est ce qu’ils recherchaient. Pour rejoindre le Tréport ils passent devant « les Bains ». Le bâtiment achève le l’ architecture du front de mer. Il vient s’immiscer entre le parc(4) et un jardin installé parmi les anciennes voies ferrées qui les guident jusqu’à l’ancienne gare. Désormais coupé de tout, « l’Hôtel de la gare » bénéficie d’une vue imprenable sur le port du Tréport et les falaises. C’est ici qu’ils séjourneront pour profiter des Bains et passer la soirée sur les quais.

4 3 2

1

Souci de légèreté et de transparence dans cet espace d’approche du littoral. Les «jardins de la me»r mêlent les traces d’un passé ferroviaire aux nouveaux axes de circulations douces

7

Au bout du monde: la gare. Le parvis est un vaste espace consacré aux manifestations culturelles. Aux pieds des jardins de la mer, la terrasse d’un café a pris place sur les anciens quais

8

L’espace minéral de l’esplanade s’ouvre largement sur l’horizon. La sobriété de son traitement l’adapte aux situations multiples. Parfois balayée par les bourasques ou envahie par les touristes, l’esprit du lieu réside dans l’ambivalence de son caractère saisonnier

150 m

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Conclusion

Nous portons tous en nous un peu de cette eau, de ce paysage littoral. Vous et moi sommes des amas de petites molécules qui impactent le paysage et le transforment. Les fluides qui nous constituent nous sont invisibles; ils n’en sont pas moins vitaux. Les rapports de l’homme à l’eau et de l’eau au territoire, que ce travail de fin d’études m’a permis d’aborder, n’ont cessé de me m’étonner à travers les similitudes et les enjeux qu’ils concentrent. Exceptionnellement territoire du vide, le littoral constitue une économie basée sur la pêche en mer, et sur ceux qui viennent profiter de ses attraits pour leur détente. Afin que perdurent ces deux piliers de l’économie littorale, il serait bon de considérer le paysage où ils s’inscrivent comme une ressource qui leur est indispensable, mais bel et bien épuisable. Car hélas, il est facile d’établir le constat d’une population mondiale en crise avec elle-même et donc avec l’espace.

Le « paysage zéro » Septembre 2005 - Mers-les-Bains

Les pratiques actuelles liées au bord de mer ont instauré de nouveaux rapports entre l’homme et ce milieu. A trop se rapprocher de la mer, les villes finissent parfois les pieds dans l’eau et considèrent l’élément naturel comme une menace. En cessant d’être à l’écoute des phénomènes, l’homme a entamé un véritable duel avec son propre espace vital. Or, aucun élément de ce paysage littoral ne peut être compris si on le sépare intellectuellement de ce qui le borde vers les terres, vers la mer et les éléments voisins. La conscience de l’insertion du paysage dans une continuité temporelle est malheureusement peu fréquente. Les mentalités semblent aujourd’hui évoluer en faveur de développements concertés pour cet espace sensible.

En reconsidérant les territoires des fluides (bassins versants et estuaires) et les échanges terre / mer , les outils de gestions et de planification redonnent une place centrale à ces éléments naturels. Repositionner l’homme en cohabitation avec les éléments dont il dépend n’est pas une utopie; c’est une obligation, si l’on veut garantir la pérennité de l’urbanisme et des équipements industriels. Choisir de ne pas aménager est aussi une forme de gestion. Le vide est une respiration nécessaire à l’expression de la vie des territoires, un désert où l’on peut s’échapper, et aller retrouver la ligne de ce que l’on pourrait nommer en somme un « paysage zéro ».

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Bibliographie Livres Acot Pascal, Histoire du climat du big bang aux catastrophes climatiques , Ed. Perrin. Ambitte Bernard, Mers-les-Bains , Ed. Alan Sutton Basilico Gabriele, Bord de mer , mission photographique de la DATAR, Ed. Point Du Jour Bellec François, La France des gens de mer, 1900 -1950 , Ed. du Chêne Berland-Darque Martine et Kalaora Bernard, Du pittoresque au tout paysage, Revue Études rurales, N·121-124, 1991.- pp.185-195 Cadou Bernard, Histoire du Tréport , imprimerie du Messager Eudois 1970 Cauquelin Anne, L’invention du paysage , Ed. Quadrige -Presses Universitaires de France. Corbin Alain, Hélène Richard, La mer, terreur et fascination, Ed. Seuil - Bibliothèque nationale de France. Corbin Alain, L’homme dans le paysage, Ed. Le Seuil. Corbin Alain, Le ciel et la mer , Ed. Bayard. Corbin Alain, Le territoire du vide , l’occident et le désir du rivage, Ed. Champs-Flammarion Croutier Alev Lytle, Les trésors de l’eau , Ed. Abbeville-Paris. De Palmaert Albérie, Un siècle de bords de mer 1850 - 1950 , Ed. Ouest-France. Faure Robert, L’esprit du geste, philosophie de la peinture tch’an et sumi-e , Ed. du Chêne. Grenier Lise, Villes d’eaux en France , Ed. de l’Institut français d’architecture - Fernand Hazan. Labesse Paul, Le Quartier Balnéaire de Mers-les-Bains, mars 2001, imprimerie Chantrel Lebret Patrick, BRGM de Haute et Basse-Normandie, LITTORAL “ Toute falaise est destinée à s’écrouler “, l’Humanité, Article édition du 11 août 2001. Malézieux Jacques , Le milieu littoral , chapître de Michel Rainis. L’eau et le sable-lieu de consomation de loisirs corporels, Ed. Comité des travaux histoirques et scientifique. Malissard Alain, Les Romains et l’eau , Ed. Réalia-Les Belles Lettres. Miossec Alain, Les littoraux , entre nature et aménagement, Ed. Armand Colin. Reclus Elisée, Histoire d’un ruisseau , Ed. Plume de carotte. Simon Gérard, Le paysage, affaire de temps , Revue Le Débat N· 65, 1991.- pp.43-50 Verger Fernand, Le littoral , Ed. Rue D’ULM. Vernes Jules, Le roman de la mer. Ed. du Seuil. Musée national de la Marine.

Films Bidou Jacques et Portron Jean-Loïc, Etretat , DVD Paysage II, 26 mn, publication 2005, ARTE Camoirano Christophe et Vieuille Ludovic, Tout corps plongé dans un liquide , Documentaire 52 min, publication, 2003, distrib. APCVL. Camoirano Christophe et Rojo Charlie, Cargo , documentaire , publication 2004 , distrib. APCVL Fleischer Richard, 20000 Leagues Under the Sea , adapté du roman éponyme de Jules Verne, Walt Disney Pictures, publication 1954 Neumann Stan, Les Thermes de pierre de Peter Zumthor à Vals-les-Bains , DVD Architecture tome II, (2004). Parré Michel et Tessier René, Deux villes soeurs les pieds dans l’eau, VHS, 45 min, vidéo amateur Riedelscheiner Thomas, Rivers and Tides. Andy Goldsworthy et l’œuvre du temps, Ed. La Compagnie des phares et balises. Samani Julien, La peau trouée , Documentaire, Durée : 56min. Année de production : 2004, Distribué par Shellac Van der Keuken Johan, LA JUNGLE PLATE , documentaire 90 min, publication 1978, DOCUMENTAIRE SUR GRAND ECRAN Radio - France Culture - Planète Terre - émission de Sylvain Kahn, sujet : Le littoral face aux évènements brutaux, invités: Hervé Regnauld ( professseur de géographie physique à l’université Renne 2) et Sege Suanez ( laboratoire Geromer )

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Documents techniques Beauchamp Jacques, Maintien du traît de côte et accès aux ports sur le littoral picard, laboratoire de sédimentologie et géochimie littorale, faculté de sciences d’Amiens. Chapon Jean, Travaux maritimes, Tome I et II, ouvrages intérieurs et extérieurs des ports maritimes, Ed. Eyrolles, 1972. Sellier Nicolas, DDAF Seine-Maritime, Projet de Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux du bassin versant de la Bresle , 2000. Costa Stéphane, Dynamique littorale et risque naturel, l’impact des aménagements, des variations du niveau marin et des modifications climatiques entre baie de Seine et baie de Somme, thèse de fin d’études Paris I. Costa Stéphane , Pirazzoli Paolo Antonio, Le risque de submersion de tempête en Manche Orientale, analyse météo-marine sur la période historique récente , Université de Caen Basse-Normandie Dolique F. , L’évolution du littoral entre Dieppe et le Hourdel ( 1939-1989 ) , mémoire de maîtrise, Université de Picardie Jules Verne. Chambre de Commerce et d’Industrie Littoral Normand-Picard, Etude prospective de développement du port départemental du Tréport, septembre 2005 Etude de cohérence urbaine liée à la pénétrante portuaire et industrielle de Mers-les-Bains, le Tréport et Eu - Diagnostic, maître d’ouvrage: CCI LIittoral Normand-Picard Plages A Risques (PAR) ; Beaches At Risk (BAR) , programme d’étude franco-anglais sur l’érosion du littoral

WEB La loi n° 82-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral http://www.legifrance.gouv.fr/textes/html/fic198601030002.html loi 63-1178 du 28 novembre 1963 http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/UPEBC.html La directive cadre sur l’eau http://www.ifremer.fr/envlit/surveillance/directive.htm La zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République http://www.ifremer.fr/envlit/actualite/20030507.html SCOT et loi “Solidarité et Renouvellement Urbains” http://www.logement.equipement.gouv.fr/actu/loi_SRU/default.htm le Conservatoire de l’Espace Littoral et des Rivages Lacustres http://www.conservatoire-du-littoral.fr/ Rapport du Sénat - Les inondations de la Somme, établir les causes et les responsabilités de ces crues, évaluer les coûts et prévenir les risques d’inondations http://www.senat.fr/rap/r01-034-1/r01-034-1.html www.seinemaritime.net, La nouvelle politique départementale en faveur du littoral http://www.cg76.fr/article-actualites-la-nouvellepolitique-departementale-en-faveur-du-littoral-184.html Réseau universitaire de l’Ouest atlantique (RUOA) www.ruoa.org Lettre d’information du Syndicat Mixte d’aménagement de la côte picarde www.smacopi.com

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« Entre terre et mer » - ADAPTER L’URBANISME AUX ENJEUX DU LITTORAL Eu, Mers-les-Bains et le Tréport, trois villes sœurs situées à l’embouchure de la Bresle, un petit fleuve côtier dont la vallée marque la frontière naturelle entre la Normandie et le plateau de la Somme. En 1873, la compagnie des chemins de fer du Nord et de l’Ouest relie pour la première fois Paris à la côte normande. Cette révolution dans les transports et la vogue des bains de mer chez les classes aisées engendrent un essor sans précédent sur le littoral. Le Tréport devient dès lors « La plage de Paris ». Cette Belle Epoque reste mythique dans les esprits ; la construction des folies de bord de mer, les casinos, les défilés sur les esplanades sont autant d’images véhiculées, qu’un héritage culturel et architectural. Qu’en est-il aujourd’hui ? Le port du Tréport et la station balnéaire de Mers sont toujours réputés pour leur charme, mais souffrent d’un problème identitaire. Si la basse vallée de la Bresle n’échappe pas aux phénomènes d’industrialisation et de désir du littoral engendrant une pression immobilière grandissante, on constate néanmoins que les loisirs de bords de mer se sont moyennement développés. Les soirs d’été, l’esplanade de Mers et les quais du Tréport sont très vite désertés. Trop peu de gens profitent de la station balnéaire et du port. Toutefois certains dînent à l’extérieur de leurs cabines de plages et y accrochent des lampions avant de retourner marcher sur le sable mouillé. D’autres se promènent d’une ville à l’autre. Cependant ils préfèreraient ne pas avoir à passer par le No man’s land qu’est l’arrière-port où les activités industrialo-portuaires, enclos, perturbent les circulations. La gare du Tréport compte désormais une seule voie sur six en fonction. Les deux villes littorales sont aujourd’hui séparées par une friche, un vide de plusieurs hectares, qu’automobilistes et piétons doivent impérativement contourner. À l’origine du développement des activités locales, cet espace occasionne dorénavant un malaise spatial qui est une source de fragmentation entre les différents sites. Quels sont les enjeux paysagers pour ce territoire entre terre et mer ? Riches de leurs identités fortes et complémentaires, les trois villes ont longtemps exploité séparément leurs potentiels industriels, environnementaux et touristiques. Toutefois, les problématiques d’accès à la côte, de circulations entre les trois villes, d’interactions terre - mer, de gestion des secteurs submersibles et des zones humides font la singularité de ce site et ne peuvent plus être traitées séparément. En 2006, la ville du Tréport a fait l’acquisition du terrain des voies SNCF désaffectées. Cette opération est au cœur d’un projet de redynamisation globale de la basse vallée et du littoral, avec entre autres, la construction sur cet ancien site ferroviaire, d’un centre intercommunal de loisirs et de balnéothérapie. Quels types de projets peuvent associer aujourd’hui pari économique et revalorisation du patrimoine environnemental ? Quel dessin paysager donner à ces projets se trouvant dans des zones en prise à l’érosion du littoral et aux submersions marines (facteurs hydro-géomorphologiques et anthropiques)? Chalenge architectural face aux phénomènes naturels ou comblement inutile de la frange littorale ? À travers cette complexité, le littoral est actuellement une zone de contradictions multiples. La démarche du projet tentera d’apporter un regard critique et proposera un avenir pour ce territoire.

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