Pdf ja 2931 plus suisse

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Sénégal La chute de la maison Khalifa Sall jeuneafrique.com

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 57e année • n° 2931 • du 12 au 18 mars 2017

Comment préparer les dirigeants de demain

RD Congo Wild Wild East

Spécial

12

pages

Notre envoyé spécial dans la fournaise du Nord-Kivu

M6 et Alassane Ouattara à Abidjan, le 24 février

MAROCAFRIQUE Après l’UA, la Cedeao… La demande d’adhésion du royaume à la communauté ouest-africaine est une étape de plus dans la stratégie continentale élaborée par Mohammed VI. Le pari est audacieux. Reste à le rendre réaliste…

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de Jeune Afrique

PANORAMA À l’heure de la transparence

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INTERVIEW Guillaume Barazzone, maire de Genève SECTEUR PRIVÉ Pics de technologie LUXE Top chrono!

SUISSE

JEUNE AFRIQUE

AGE FOTOSTOCK/MONTAGE JA

Cap sur l’Afrique N 0 2931 • DU 12 AU 18 MARS 2017


W W W. S A B C .C H

M E M B E R D I R EC T O R Y

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Le Plus de Jeune Afrique

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Prélude Alain Faujas

Pauvre petit pays riche!

L

économie de la Confédération helOrganisation mondiale de la santé, Union vétique vit un rude paradoxe. D’un internationale des télécommunications, etc. côté, sa santé est éclatante : grâce à la compétitivité de son industrie Les poussées populistes du Front natiopharmaceutique, de son horlogerie, de son nal en France, de l’AfD en Allemagne ou du négoce des matières premières et de ses Parti de la liberté aux Pays-Bas confirment le services financiers, les réserves en devises regain des réflexes identitaires sur le Vieux de la Banque nationale suisse (BNS) équiContinent aussi, ce qui n’est pas de bon augure pour une nation dévouée au librevalent au produit intérieur brut de la Suisse. Qui dit mieux ? échange commercial et financier. D’un autre côté, le franc suisse est trop Que faire à court terme? Chercher à faire fort et pénalise les autres secteurs. La fin baisser le franc ? Les États-Unis, qui ont déjà placé la Suisse dans leur liste des pays du secret bancaire réduit inexorablement soupçonnés de manipuler leur monnaie, l’attractivité des établissements bancaires locaux et les pousse à comprimer leurs pourraient prendre des mesures de rétorsion effectifs et à geler les salaires. Le taux de sous l’impulsion de leur fougueux président. croissance annoncé pour 2017 pourrait Réformer la fiscalité des entreprises, comme le demande la communauté internationale? atteindre 1,5 %. Comme en 2016. Ce n’est pas Les Suisses viennent de dire « non » par vraiment la franche reprise qui permettrait référendum. Revenir sur les mesures antid’effacer les années de crise et de stagnation vécues depuis 2009. migratoires adoptées en 2014 ? Aléatoire. Autre menace : la Suisse n’a pas assez Peut-être le salut consisterait-il à mettre d’immigrés, ce qui va à rebours du sens plus vigoureusement le cap sur l’Afrique. Ce commun helvétique. Les experts du Crédit continent longtemps à l’écart des échanges suisse ont élaboré cinq scénarios d’immigration, et, dans Le regain des réflexes identitaires tous les cas, la croissance de n’est pas de bon augure pour une la population active sera au nation dévouée au libre-échange. point mort en 2020 parce que les arrivées d’immigrés diminuent. Or ceux-ci contribuent pour un quart commerciaux internationaux – dans lesquels à la croissance de la consommation, et la il ne pèse que 3 % ou 4 % – est en train de croissance du pays s’en trouvera affectée. revenir dans le jeu mondial, et pas seulement grâce à ses matières premières. Il offre d’énormes opportunités tant ses besoins Ajoutez à ces nuages noirs le fait que le protectionnisme attendu de l’« America sont grands en matière de santé, de finances, First » de Donald Trump et du Brexit de de tourisme, de trading, d’industries agroTheresa May n’annonce rien de bon pour alimentaires ou de services aux entreprises, domaines dans lesquels la Suisse excelle. l’économie mondiale. Très hostile au multiEn attendant ce nouvel élan, la latéralisme,leprésidentaméricainnerisqueConfédération est condamnée à faire le t-il pas de mettre à mal un des piliers de la gros dos. Tout au plus peut-on avancer mondialisation qui a son siège à Genève, aujourd’hui que le Brexit y aura des effets l’Organisation mondiale du commerce limités… en 2017, que son franc demeu(OMC)? Sans parler de l’ONU, qui a un office rera fort, que ses salaires ne progresseront sur place, et de la pléiade d’organisations internationales qui ont fleuri sur les bords guère, que son taux d’inflation redeviendra du lac Léman et qui pourraient souffrir du positif et que ses exportations continueront à prospérer. retour du chacun pour soi nationaliste : Pauvre petite Suisse, riche et inquiète ! Organisation internationale du travail, JEUNE AFRIQUE

N 0 2931 • DU 12 AU 18 MARS 2017

PANORAMA À l’heure de la transparence

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INTERVIEW Guillaume Barazzone, maire de Genève p. 70 TRADING Stéphane Graber, secrétaire général de la STSA

SECTEUR PRIVÉ Pics de technologie LUXE Top chrono ! TOURISME Kempinski, la Suisse cinq étoiles MÉDIAS Quand une hirondelle fait le printemps

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p. 74

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p. 78

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Le Plus de Jeune Afrique

PANORAMA

À l’heure de la

Leader mondial du négoce et de la gestion de fortune, le pays doit jouer serré pour conserver sa position dominante tout en s’adaptant aux réformes exigées par la communauté internationale.


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transparence OLIVIER CASLIN, envoyé spécial

P

Genève, quartier des banques.

© FRED MERZ | LUNDI13

«

ost tenebras lux. » « Après les ténèbres, la lumière », affirme la devise de Genève. Comme un vœu pieux pour davantage de transparence pour l’une des plus importantes places financières de la planète, qui est aussi un carrefour incontournable dans le négoce international des matières premières énergétiques, minières et agricoles. Deux secteurs d’activité qui pèsent lourd dans l’économie suisse – près de 4 % du PIB chacun – et qui ont davantage brillé jusqu’alors par leur opacité, au nom d’une discrétion depuis longtemps appréciée par leurs clientèles respectives. Mais la tendance semble s’inverser ces dix dernières années. Depuis la première restitution en 2004 des fonds Abacha – du nom de l’ancien président nigérian, qui avait détourné plusieurs centaines de millions de dollars –, les banques suisses ont dû mettre un terme à certaines pratiques qui avaient assuré leur fortune. Sonnés par la crise de 2008, les États-Unis et certains pays européens, dont la France, ont pesé de tout leur poids pour que les institutions financières helvétiques entrouvrent les portes de leurs coffres-forts. Si les fondements du sacro-saint secret bancaire – sur lequel, comme sur sa fiscalité avantageuse, se sont bâties la notoriété et l’attractivité du pays tout au long du XIXe siècle – n’ont pas été officiellement remis en question, ils ont été considérablement vidés de leur substance à partir de 2009, date à laquelle la Suisse accepte – timidement – de participer à la lutte contre la fraude fiscale. Cette annéelà, le géant UBS doit se résoudre à livrer les noms de plusieurs centaines de ses clients au fisc américain pour échapper à des poursuites. Quelques années plus tard, sermonnée par la communauté internationale, Union européenne en tête, la Confédération se joint aux efforts de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) pour élaborer une norme prévoyant l’échange automatique de renseignements en matière fiscale, norme entrée en vigueur en Suisse depuis le 1er janvier. « Tout cela a créé un véritable trou d’air », témoigne un professionnel genevois. Et les banques ont dû prendre leur bâton de pèlerin pour chercher dans les économies émergentes d’Afrique et d’Europe de l’Est l’argent qu’elles ne pouvaient plus trouver dans les pays développés. Si le pays reste leader mondial de la gestion de fortune privée, avec un quart du marché, le secteur n’en a pas moins subi une sévère restructuration. Le nombre d’établissements bancaires, 266 aujourd’hui, a baissé N 0 2931 • DU 12 AU 18 MARS 2017


Le Plus de JA Suisse

Les principaux marchés du négoce mondial Pétrole Singapour Autres

5% 15 %

25 %

Londres

*NY-Houston

Céréales et oléagineux Suisse Autres Reste de l’Europe

20 %

10 %

Amérique du Nord

Singapour

Café New York Autres Suisse Singapour

10 % 5% 5% 20 %

60 %

Londres

Sucre Suisse

Amériques

15 % Paris

15 %

Londres

20 %

« Ici, c’est un peu le forum de Davos tous les jours »

N 0 2931 • DU 12 AU 18 MARS 2017

35 %

15 % 20 %

Maire de Genève

É

35 %

20 %

ÉtatsUnis*

Questions à Guillaume Barazzone

lu en 2012 au Conseil administratif de la ville de Genève – le gouvernement municipal, composé de cinq membres –, Guillaume Barazzone en assure la présidence tournante depuis juin 2016. À 35 ans, le maire de la ville, dont le mandat court jusqu’au 1er juin, revient sur les relations très spéciales tissées au fil des décennies entre Genève et le continent africain. Avocat passé par l’université Columbia, aux

Suisse

États-Unis, cette figure montante du Parti démocratechrétien (PDC) connaît bien le monde du négoce international. Comment qualifiez-vous les relations entre Genève et l’Afrique ? Nos liens sont très étroits. Les ressortissants africains jouent un grand rôle dans les 270 organisations internationales et non gouvernementales présentes à Genève. Une grande partie

50 %

SOURCES : STSA

de 20 % par rapport à 2006. Mikael Wallenberg, vice-président de la banque privée EFG, estime que « ce processus de concentration devrait encore se poursuivre ». Tout comme la « normalisation » en marche de la place financière, qui a passé, avec un succès très relatif, les dernières évaluations du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales et celles du Groupe d’action financière (Gafi), ce dernier estimant que « des améliorations restent nécessaires en matière de coopération internationale et de surveillance des intermédiaires financiers ». Entre autres… Les banques ne sont pas les seules à devoir se racheter une conduite. Une autre activité, tout aussi rémunératrice et sulfureuse, est également dans le collimateur des législateurs: celle du négoce des matièrespremières,dont20%proviennentd'Afrique. Savoureux paradoxe que de voir un pays enclavé et dépourvu de ressources naturelles minières ou énergétiques occuper un rôle aussi central dans les flux internationaux de marchandises, le plus souvent transportées par voie maritime. Bien sûr, en dehorsdel’or,dontdeuxtiersdesvolumesmondiaux transitent chaque année par le pays, les matières premières ne pénètrent jamais physiquement sur le territoire helvétique. Il n’empêche que, selon les statistiques de la Swiss Trading & Shipping Association (STSA – lire p. 72), un litre de pétrole sur trois et deux kilogrammes de céréales sur trois sont vendus dans le monde depuis la Suisse, alors

©FRED MERZ | LUNDI13

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que pour le sucre ou le café la proportion est de un sur deux. Aujourd’hui, cinq des douze principales entreprises suisses sont des négociants, et, avec la libéralisation du marché pétrolier, dans les années 1970,lesrésultatsannuelsdes550sociétésdetrading répertoriées dans le pays ont explosé, pour atteindre systématiquement 800 milliards de francs suisses (750 milliards d’euros), en cumulé, ces dernières années.Elless’appuientsurdevéritablesspécialistes de la trade finance, comme BNP-Paribas, Crédit agricole ou ING, et tirent le meilleur parti d’une neutralité suisse qui leur a notamment permis d’esquiver les sanctions économiques et autres embargos décrétés par les grandes puissances ou les organisationsinternationalesàl’encontredel’Afrique du Sud, de l’Iran ou encore de l’URSS. Le secteur a en outre profité des largesses d’un cadre fiscal des plus favorables aux multinationales, autorisées à rapatrier leurs bénéfices réalisés partout ailleurs sans avoir à payer d’impôts. Ou si peu. Mais ce régime d’exception est appelé à disparaître. Goûtant peu ce genre de petites gâteries, l’OCDE et l’Union européenne ont demandé à Berne de revoir sa copie. La troisième réforme de l’imposition des entreprises, RIE III, jugée trop favorable aux multinationales, a été rejetée lors de la votation populaire du 12 février. La Suisse a maintenant jusqu’en 2019 pour faire de nouvelles propositions et tenter de dégager un consensus au sein de sa population. Sous peine de voir les barons du négoce partir sous d’autres cieux.


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Un si précieux conseiller Gestionnaire de fortune, Nicolas Pyrgos veille sur plus de 300 millions d’euros confiés par des clients à 80 % africains.

de nos programmes en matière d’aide économique et de coopération, cantonaux ou municipaux, est orientée vers l’Afrique, où nous essayons d’apporter nos compétences, en ce qui concerne la promotion aux investissements notamment. De nombreuses entreprises installées à Genève travaillent avec le continent, et nous accueillons très régulièrement d’importantes délégations africaines de très haut niveau. Genève, c’est un peu le forum de Davos tous les jours. Depuis le cœur de l’Europe, nous tenons le rôle de courroie de transmission entre l’Afrique et le reste du monde. Quelles sont les filières dans lesquelles le secteur JEUNE AFRIQUE

par ce système ». La formule rencontre en effet un succès certain auprès d’une clientèle internationale avide de faire les meilleurs placements tout en s’émancipant des banques. DIPLOMATE. Un peu plus de quatre ans après sa création, Emeraude Suisse Capital gère plus de 300 millions d’euros, à travers les portefeuilles de 115 clients privés, « à 80 % d’origine africaine ». Le continent, Nicolas Pyrgos le découvre à la fin des années 1990, lorsque SGS, l’ancienne Société générale de surveillance, l’un des leaders mondiaux de la certification, l’envoie en poste en Mauritanie. Il y reste deux ans, avant de rentrer à Genève retrouver le monde financier, qu’il avait déjà côtoyé quelques années après avoir été diplômé par l’Institut des hautes études internationales, « le Sciences-Po suisse ». À 47 ans, le diplomate dans l’âme, devenu un financier reconnu autant que redouté, s’appuie sur son parcours et sur une expertise qu’il

privé genevois est particulièrement performant ? Genève est évidemment une grande place financière, notamment en matière de gestion de fortunes et d’actifs, mais son image de paradis fiscal est révolue et n’a plus aucune raison d’être. Notre histoire de carrefour commercial, conjuguée à notre stabilité économique et monétaire, a favorisé l’arrivée des plus importants acteurs du négoce dans les matières premières. Au-delà de la banque et du trading international, Genève doit être vue comme un laboratoire d’innovations dans les domaines de l’urbanisme et des infrastructures, des sciences de la vie et de l’environnement. Notre ville

DAVID WAGNIÈRES

N

icolas Pyrgos aime le risque. Pas pour ses clients, mais pour lui. Passé par les plus grandes banques helvètes, il pourrait y être encore aujourd’hui, à contempler la progression des chiffres sur les marchés africains dont il avait la charge au sein de ces vénérables institutions. Sauf que ce financier aux trois passeports – français et suisse par sa mère, chypriote par son père – n’a de cesse de vouloir repousser les frontières. En 2012, il part donc du Crédit suisse pour lancer sa propre société de gestion de fortune, une activité financière qui, à de très rares exceptions près, ne se trouve qu’en Suisse. « Notre mandat se limite au conseil et à la gestion des biens de nos clients. Nous ne sommes pas une banque. L’argent de nos clients est déposé en sécurité dans des établissements de premier ordre. Nous agissons en multi-family office », explique Nicolas Pyrgos, qui estime « qu’un quart des actifs privés placés en Suisse est géré

Nicolas Pyrgos, directeur d’Emeraude Suisse Capital SA.

a peaufinée tout au long de la dernière décennie pour être aujourd’hui l’un des meilleurs spécialistes de l’Afrique sur la place financière genevoise. Au bon moment. « Il y a encore beaucoup de choses à faire à travers le continent en matière d’organisation des richesses et de gestion des fortunes », assure le patron d’Emeraude Suisse Capital, alléché par les perspectives que laissent présager l’explosion démographique à venir et l’accroissement de la classe moyenne africaine. O.C.

bénéficie d’une économie très diversifiée, baignée dans un multiculturalisme historique : la moitié de la population est d’origine étrangère. Nous avons connu la mondialisation avant les autres. Ne craignez-vous pas qu’entre un franc suisse fort et les dernières votations visant à renforcer la fiscalité des multinationales installées en Suisse les acteurs du négoce international ne soient tentés d’aller voir ailleurs ? Ce risque existe toujours. Notre fiscalité, remise en question par l’Union européenne, est pour l’instant favorable aux sociétés de trading. Nous tentons de mettre en place pour les dix

ou vingt prochaines années un cadre juridique clair qui soit en conformité avec les normes internationales, en matière de transparence notamment. Quant à notre franc, il est un peu la rançon de notre succès. Les observateurs considèrent que notre économie va bien. Notre force, c’est que les acteurs les plus importants du négoce international sont ici. L’ensemble des compétences est réuni à Genève, des banques spécialisées dans le financement des marchandises aux armateurs comme MSC. Il n’y a donc aucune raison de voir les grandes sociétés de trading partir. Propos recueillis à Genève par OLIVIER CASLIN N 0 2931 • DU 12 AU 18 MARS 2017


Le Plus de JA Suisse TRADING

Stéphane Graber « Chez nous, pas d’incertitudes » Le secrétaire général du lobby des négociants fait le point sur les réformes en cours dans son secteur.

L

a Swiss Trading and Shipping Association (STSA) est née en 2014 de la fusion des trois organisations régionales du négoce international du pays. Elle regroupe 185 membres, des traders de matières premières agricoles et énergétiques aux banques, en passant par les opérateurs de la logistique et de la certification. Une première pour ce secteur réputé pour son opacité et sa culture du secret. Rencontre à Genève, au siège de l’association, avec Stéphane Graber, secrétaire général depuis 2012 de la Geneva Trading and Shipping Association, et de la STSA depuis sa création. Dans quels dossiers intervient votre association ?

Le projet fondateur de la STSA a été de résoudre les problèmes de ressources humaines et de formation. Lors du supercycle des matières premières, de 2006 à 2012, alors que les sociétés se développaient très vite, elles avaient un vrai besoin de main-d’œuvre formée qu’on ne trouvait pas sur la place de Genève. Nous nous sommes ensuite occupés de problématiques réglementaires, liées notamment aux attaques de certaines ONG. Ces dossiers ont permis à tout le monde de comprendre l’importance de la concertation. Depuis 2012, nous communiquons davantage, en direction des médias mais aussi du grand public.

À Genève, en février.

pas développé d’expertise ni de capacités pour communiquer – ce qui a pu passer pour une certaine réticence à expliquer leur métier. Et c’est là-dessus que nous travaillons. Notre association a l’avantage de pouvoir parler de façon neutre, pour délivrer une information aussi objective et factuelle que possible. Nous avons déjà relevé le défi de faire collaborer, autour de problématiques communes, les différents acteurs de ce secteur hautement compétitif. C’est une véritable évolution culturelle !

La Suisse est actuellement la moins mauvaise des places financières en Occident.

Souhaitez-vous mettre fin à une certaine culture du secret chez les négociants ?

Ces derniers n’avaient jusqu’à récemment ni le besoin ni la volonté d’expliquer ce qu’ils faisaient. Ils n’avaient donc N 0 2931 • DU 12 AU 18 MARS 2017

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Après la restitution des biens détournés, la levée du secret bancaire et la révision du cadre fiscal, ne sommes-nous pas dans une logique de transparence ?

C’est en effet le mot à la mode. Il sera intéressant de voir ce que les consommateurs vont faire de ces informations, car le trader n’est qu’un intermédiaire entre l’offre du producteur et la demande du consommateur. Des investissements colossaux ont été réalisés pour que certaines filières soient certifiées soutenables ou équitables, mais le marché n’absorbe pas l’offre disponible. Est-ce que les gens accepteront de payer

les prix qu’imposent leurs nouveaux modes de consommation ? C’est une autre question. Est-ce que la révision en cours du cadre fiscal suisse peut remettre en question la position du pays sur le secteur ?

À nous de rassurer les traders à long terme pour qu’ils puissent organiser leurs investissements. Nous bénéficions pour l’instant du fait que l’incertitude est encore plus grande ailleurs. Personne ne sait ce qui va se passer aux États-Unis, en Grande-Bretagne après le Brexit, en France avec les élections. C’est cette insécurité qui renforce notre position et fait que la Suisse est actuellement la moins mauvaise des places financières en Occident. Comment est-ce que la Suisse s’est retrouvée au cœur du trading international ?

La fiscalité n’est qu’une composante de la conjonction d’éléments ayant permis à ces activités de se développer. Depuis le Moyen Âge, la Suisse est au cœur des échanges intra-européens, et la position commerciale du pays s’est constamment renforcée au cours des siècles. Les principaux acteurs internationaux se sont installés ici par vagues successives, en provenance des États-Unis, puis des pays de l’Est, aujourd’hui de la Chine, et peut-être demain d’Afrique. Propos recueillis à Genève par OLIVIER CASLIN JEUNE AFRIQUE


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AOT ENERGY, UN NOUVEAU NOM POUR UNE EXIGENCE TOUJOURS INTACTE AOT Energy est désormais la nouvelle marque sous laquelle opère AOT holding SA (AOTH) et ses filiales commerciales. AOT Energy est une société de trading privée internationale présente dans l’énergie depuis 1947. Elle fut créée lorsque le baron Frère fonda Transcometal, au service de l’industrie sidérurgique. En avril 2016, le groupe Frère a cédé 49 % d’AOT Holding SA (AOTH), le nouveau holding, aux employés du Groupe. Ils bénéficient en outre d’une option d’achat pour acquérir les 51 % restants dans les prochaines années. AOT Energy est présent dans le trading des commodités suivantes : pétrole brut, produits raffinés, énergies renouvelables, produits pétrochimiques, gaz naturel, gaz naturel liquéfié, charbon... L’activité de la société est menée à partir de huit bureaux situés en Asie, en Europe et en Amérique du Nord, où son personnel spécialisé s’occupe de tous les aspects : origination, transport, stockage, blending, finance, marketing... En appui de ses activités de négoce, AOT Energy exploite des infrastructures de stockage, d’expédition et de logistique à long terme qui lui ont permis d’acquérir des parts de marché dans les hubs stratégiques à travers le monde. Le groupe Frère, actionnaire majoritaire de AOTH, est également un investisseur majeur dans Total, SGS, Adidas, Imerys et LafargeHolcim.

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AOT Energy is the new name under which AOT Holding SA (AOTH) and its trading offices are operating. AOT Energy is a private international trading company that has been active in the energy industry since 1947. It was established when Baron Frère founded Transcometal to service the steel industry. In April 2016, Group key employees agreed to acquire 49% of AOT Holding Ltd (“AOTH”), the new Group parent company and were additionally granted a call option to acquire the remaining 51% in the coming years. AOT Energy trades in key energy commodities worldwide, covering crude oil and oil products, renewable fuels, petro chemicals, natural gas, LNG and coal. The company’s business is conducted from eight offices located in Asia, Europe and North America, from where our specialist personnel handle every aspect of origination, transport, storage, blending, finance and marketing. In support of its trading activities, AOT Energy operates long term storage, shipping and logistical infrastructure which has enabled it to acquire market share in strategic trading hubs around the world. The Frère Group, the controlling shareholder of AOTH, is also a major investor in Total, SGS, Adidas, Imerys and LafargeHolcim. SWITZERLAND - BELGIUM - POLAND - RUSSIA - SINGAPORE - USA


Le Plus de JA Suisse SECTEUR PRIVÉ

Pics de technologie Traitements médicaux, biométrie, infrastructures… Les entreprises helvètes tirent leur épingle du jeu pour faire la course en tête dans les secteurs de pointe en Afrique. Et peuvent compter sur le soutien actif d’organisations professionnelles, au niveau cantonal comme au niveau fédéral.

Novartis gagné par le virus de l’Afrique To u t e s l e s p r é v i s i o n s annoncent d’ici à 2030 une explosion en Afrique des maladies non transmissibles comme le cancer, le diabète ou encore l’hypertension, imposant au groupe pharmaceutique Novartis de repenser sa stratégie industrielle sur le continent. Le géant suisse, avec ses 48,5 milliards de dollars (46 milliards d'euros) de chiffre d’affaires en 2016 et ses 118 000 collaborateurs à travers le monde, s’était jusqu’à ces dernières années essentiellement orienté vers le traitement des maladies transmissibles, comme la malaria et la tuberculose. Pour accompagner cette nouvelle stratégie, le groupe

bâlois devrait accroître ses capacités de production « de 50 % sur le continent dans les toutes prochaines années », affirme Harald Nusser, le directeur monde de Novartis Access, la gamme de médicaments à prix abordable lancée en 2015. Le groupe, numéro 3 en Afrique derrière ses concurrents Sanofi et GSK, compte quatre sites de production au sud du Sahara (Côte d’Ivoire, Nigeria, Kenya et Afrique du Sud) et deux au nord (Algérie, Égypte). Il dispose aussi des nombreux bureaux de sa filiale Sandoz en Afrique de l’Ouest. Le nombre de ses salariés a doublé à travers le continent ces deux dernières années, avec

1 255 personnes, et 1 800 de ses médicaments génériques ont été homologués entre 2013 et 2016.

éthiopiennes, kényanes et sud-africaines. L’entreprise poursuit ses essais cliniques sur la malaria et les maladies chroniques mais fait face, en Afrique plus qu’ailleurs, à MOLÉCULES. Le groupe est en permanence à la recherche un important défi. « Comme dans toutes les de partenaires, zones à faibles d a n s l e s e cLe géant revenus, nous teur tant privé dispose devons sans que public, cesse réflécar « il est très de quatre chir à notre difficile de sites de approche coms’imposer sans production merciale pour être implanté au sud du couvrir le plus localement », l a r g e s p e c t re reprend Harald Sahara. de demandes Nusser. Novartis possible. Aucun travaille notamdes médicaments que nous ment sur des programmes de offrons n’a de spécificité recherche développés en parafricaine, ils disposent tous tenariat avec des universités

Questions à Kais Marzouki Directeur de Nestlé pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale

« Se fournir localement est le meilleur moyen de faire face aux fluctuations des monnaies » Pour le numéro un mondial de l’agroalimentaire, le maître mot est l’adaptation aux contraintes de production comme aux goûts et au porte-monnaie des consommateurs.

N

estlé croit toujours en l’Afrique. Après avoir réduit la voilure en 2015, à la suite de résultats décevants, le géant suisse de l’agroalimentaire multiplie les investissements pour se rapprocher de ses consommateurs. La compagnie dispose aujourd’hui de 26 centres de production et de distribution, répartis dans quatorze pays, notamment en Afrique du Sud, en Égypte, au Nigeria ou encore en Côte

N 0 2931 • DU 12 AU 18 MARS 2017

d’Ivoire. L’Afrique ne représente encore que 3 % de son chiffre d’affaires global, mais Nestlé enregistre une croissance continue de ses résultats à travers le continent, atteignant en 2015 la barre des 3 milliards d’euros. Quelles sont les particularités du marché africain ? Les goûts sont très locaux et celui de nos produits varie dans le monde.

DR

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JEUNE AFRIQUE


Cap sur l’Afrique

© NOVARTIS AG

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Au Kenya, dans les entrepôts du grossiste Meds, distributeur de la gamme de médicaments à bas prix du groupe.

des mêmes molécules, mais nous devons les proposer à des prix accessibles pour le plus grand nombre, tout en restant rentables. Toutes ces

équations n’ont pas encore été résolues », assure Harald Nusser. Pour trouver la solution, le groupe compte s’appuyer

Nos cubes Maggi n’ont par exemple pas la même saveur au Nigeria et en Allemagne. Notre centre de recherche, établi à Abidjan, nous permet de coller aux goûts de nos consommateurs africains. Nos outils de communication sont également adaptés à un continent où la moitié de la population est illettrée. Nous sommes donc très visuels. Enfin, il y a le prix. Nous devons veiller à rester abordables alors que la majorité des gens ne dispose que de deux dollars par jour. Cela nous pousse, dans certains cas, à proposer des conditionnements plus petits que dans d’autres pays. Est-ce que l’émergence d’une classe moyenne africaine commence à se faire sentir pour vos produits ? Il est indéniable que cette catégorie de population augmente, malgré les JEUNE AFRIQUE

sur son programme Novartis Access, dans l’idée de rendre une quinzaine de médicaments plus abordables, avec des traitements à un dollar par

difficultés politiques et économiques qui touchent le continent. Depuis dix ans, chaque année, les marchés africains surpassent nos meilleures prévisions de croissance, ce qui prouve bien le poids que prend cette classe moyenne en matière de consommation. Il n’y a qu’à regarder le nombre de

mois. L’objectif est de toucher le plus de patients possible, en fidélisant les gouvernements, ainsi que les ONG. RÉMY DARRAS

au cours des quatre dernières années, rien qu’en Afrique francophone, dans nos centres de distribution et de production. Nous investissons en continu, quel que soit le contexte. Nous avons par exemple poursuivi nos projets en Côte d’Ivoire pendant les douze derniers mois. Nos produits sont très

Depuis dix ans, les marchés africains dépassent nos meilleures prévisions de croissance. voitures neuves que l’on peut voir aujourd’hui dans les villes africaines. Quels sont, dans ce contexte, vos plans d’expansion sur le continent ? Nous avons investi près de 300 millions de dollars (284 millions d’euros)

compétitifs car nous fabriquons localement et nous nous fournissons également, à hauteur de 70 %, auprès des marchés locaux. C’est le meilleur moyen de faire face aux fluctuations des monnaies, comme celles du naira. Propos recueillis par NICHOLAS NORBROOK N 0 2931 • DU 12 AU 18 MARS 2017


Le Plus de JA Suisse LE TRAVAIL EN RÉSEAU D’ÉCONOMIESUISSE

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our partir à la conquête des marchés étrangers, notamment africains, le secteur privé suisse peut compter sur le soutien de plusieurs organisations, au niveau cantonal comme au niveau fédéral. La Suisse compte 18 chambres de commerce et d’industrie (CCI), dont la plus active sur le continent reste celle de Genève. « Même si l’Afrique pèse encore peu dans nos échanges, elle est aujourd’hui un véritable levier de croissance pour nos entreprises », assure Vincent Subilia, son directeur adjoint chargé des affaires internationales. C’est lui qui s’occupe du dossier de jumelage avec la CCI de Dakar. « Un accord doit être signé en mars, en présence du président sénégalais, Macky Sall », annonce-t-il, avec l’espoir d’inverser la perception « pas toujours positive » du continent par les 2 500 membres de l’institution genevoise. La CCI de Genève, comme les 17 autres, est coiffée au niveau fédéral par l’organisation Économiesuisse, créée en 2000. Fonctionnant comme un lobby, elle regarde l’ensemble des politiques économiques discutées au parlement de Berne et pèse de tout le poids de ses 100 000 sociétés membres sur les négociations bilatérales et multilatérales engagées par le gouvernement confédéral. Économiesuisse étudie également l’environnement des affaires des différents pays pour épauler les sociétés helvétiques, composées à 95 % de PME, dans leurs décisions d’investissement ou d’implantation à l’étranger. Elle organise aussi les délégations du secteur privé accompagnant les visites des officiels confédéraux à travers le monde.Toujours au nom des O.C. entreprises suisses.

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Touchless Biometric Systems veut laisser son empreinte Créé en 2003 pour la recherche et lancé en 2010 pour la vente de ses technologies, Touchless Biometric Systems (TBS) a vite trouvé sa clientèle. D’abord en Suisse et en Europe, avant que cette société zurichoise ne regarde vers d’autres horizons ces dernières années, en direction du Moyen-Orient, puis de l’Asie et de l’Afrique. Pour réussir à s’implanter sur ces nouveaux marchés, TBS a pris le temps de développer les technologies biométriques qui font la différence, face à la concurrence du français Safran (ex-Morpho). « Nous proposons aujourd’hui la gamme la plus étendue au monde de systèmes biométriques », assure Alex Zarrabi, le directeur général de cette entreprise appartenant à de grands investisseurs suisses. Ces derniers semblent avoir trouvé le filon, vu la vitesse à laquelle

TBS engrange les contrats avec les ministères d’Oman et d’Arabie saoudite, les aéroports d’Abou Dhabi ou d’Asie du Sud-Est. En Afrique, la percée est encore timide, même si BMW lui fait confiance pour le contrôle de l’accès à ses sites en Afrique du Sud et en Algérie. TBS est également présent au Nigeria, via un partenaire sud-africain, et regarde avec insistance les pays du Maghreb et Madagascar. « L’Afrique a besoin de solutions pour lire les empreintes même à travers la poussière, par exemple dans l’industrie minière, et nous disposons de ces systèmes », explique Alex Zarrabi, qui s’intéresse également à la sécurisation des processus électoraux. « Nous devons mieux faire connaître nos technologies pour développer la demande africaine », estime-t-il. OLIVIER CASLIN

ABB, de l’énergie à revendre Pour Tobias Becker, le vice-président chargé du programme Afrique d’ABB, « le continent est aujourd’hui incontournable ». Cela ne se reflète pas encore sur le chiffre d’affaires – le géant helvético-suédois de l’énergie ne réalise encore que 4,5 % du sien en Afrique, soit 1,5 milliard de dollars (1,4 milliard d'euros), en 2016 – « mais en matière de dynamisme et de potentialité », précise le responsable, évoquant « de nombreux projets miniers et industriels ». Aprèsquatre-vingt-dixans de présence en Afrique, « le continent n’a jamais été aussi important pour ABB », assure-t-il. Implanté dans 23 pays et employant plus de 5 000 personnes sur place, le groupe d’ingénierie, spécialisé dans la distribution d’électricité, veut aujourd’huiaiderl’Afrique

DOMINIQUE MAURI/ABB

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Station de pompage Moubarak, en Égypte.

à développer ses propres solutions en matière énergétique, « comme elle a su le faire dans le passé pour les télécommunications », explique Tobias Becker. Avec en ligne de mire la promotion des énergies renouvelables pour assurer le développement économique du continent. Et l’Afrique peut compter pourcelasurlesavoir-faire d’ABB,l’undesprincipaux fournisseurs de turbines d’éoliennes du monde – déjà très présent dans les champséoliensduMaroc.

Le groupe suit également avec un grand intérêt le développement des puits gaziersduMozambiqueet la création de véritables filières dans les engrais ou les polymères qui pourrait en découler dès l’horizon 2020. « Dans dix ans nous verrons où en sera le continent et si notre stratégie d’accompagnement aura été la bonne », estime Tobias Becker, qui ne doute pas que son entreprise«seraencoreen Afrique dans cent ans ». O.C. JEUNE AFRIQUE



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© FRED MERZ | LUNDI13

François-Paul Journe, en février, dans sa manufacture, à Genève.

LUXE

Top chrono! Horlogerie parmi les plus emblématiques des rives du lac Léman, la manufacture F.P. Journe fabrique des montres haut de gamme dont la distribution en Afrique est encore confidentielle.

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hez F.P. Journe, les pendules sont toujours à l’heure. À commencer par celle, monumentale, inventée par Constantin-Louis Detouche pour l’exposition universelle de Paris en 1855, qui trône dans le vaste hall d’entrée de la manufacture genevoise. C’est dans ce bâtiment en pierre grise, qui abritait à la fin du XIXe siècle l’usine de fabrication de becs de gaz de la ville, qu’est installée depuis 2000 l’une des marques d’horlogerie les plus prestigieuses de la place.

Alors que c’est le bouche-à-oreille qui, depuis plus de trente ans, assied « à plus de 90 % » la notoriété de la production F.P. Journe, François-Paul, lui, est plutôt du genre taiseux, se laissant le temps de la réflexion entre des mots choisis. Et débarque, en toute simplicité, en jeans et blouse siglée de ses initiales plutôt qu’en costume cintré. À 59 ans, il n’a que faire des conventions. Le Français n’a d’ailleurs cessé de les contourner pour élever ses montres au firmament de l’horlogerie mondiale, imposant sa griffe face

aux grandes manufactures suisses, dont il s’est vite démarqué. « Incompris » à ses débuts par l’industrie, il a vite conquis sa clientèle grâce à des modèles – estimés à 60 000 euros en moyenne – alliant à la perfection élégance et innovation technologique, le tout poinçonné : or rose 18 carats. Il n’y a pas de mauvais jeu de mots à dire que F.P. Journe a toujours un temps d’avance sur ses concurrents. Sa signature est reproduite à 900 exemplaires chaque année sur des modèles, comme aime à le rappeler le maître horloger, « 100 % made in Geneva » – à l’exception toutefois des cadrans saphir et des aiguilles. ACÉTONE. Invenit et Fecit [« inventé et

fait », en latin], indique l’inscription sur la porte en verre qui semble séparer le reste de l’univers du lieu où sont créées ces merveilles de précision. Un

KEMPINSKI, LA SUISSE CINQ ÉTOILES

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’accord, c’est bien du côté de Berlin, en Allemagne, que la chaîne hôtelière Kempinski a vu le jour en 1897. Mais, en 1986, la prestigieuse marque a choisi d’établir son siège sur les bords du lac Léman, à Genève, là où trône justement le Grand Kempinski, navire amiral des 75 établissements que compte aujourd’hui le groupe

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à travers le monde. La compagnie a exporté son savoir-faire cinq étoiles en Afrique au début des années 2000, avec un premier hôtel à Marrakech. Celui-ci est désormais géré par Mövenpick, mais Kempinski a essaimé ailleurs sur le continent, en fonction des partenariats qu’elle a pu tisser avec d’autres investisseurs, à Djibouti, en

RD Congo, en Égypte, au Kenya et aux Seychelles, sans oublier le dernier-né, ouvert à Accra en 2016. En attendant de futurs établissements au Nigeria, au Congo ou encore au Maroc. « Nous nous concentrons sur les pays avec un fort potentiel sur le créneau du voyage d’affaires, qui représente plus des deux tiers de notre activité », précise Mike Haemmerli, le

vice-président de la chaîne chargé du développement. Sans jamais transiger sur l’impératif de qualité, véritable signature de la marque, que le changement de majorité survenu le 16 février ne saurait remettre en cause. Le roi de Bahreïn a en effet succédé à son homologue thaïlandais, et détient désormais 70 % du O.C. capital de la chaîne. JEUNE AFRIQUE


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Le Plus de JA Suisse MÉDIAS

Quand une hirondelle fait le printemps Depuis plus de vingt ans, la fondation aide les radios indépendantes africaines à prendre leur envol.

Dans l’atelier.

monde du silence et de l’exigence, au parfum d’acétone et aux murs habillés de la même loupe blonde de bouleau que les écrins qui renferment les pièces rares et d’art remises aux amateurs éclairés et fortunés. Arborer une F.P. Journe, c’est entrer dans un club restreint qui compterait « quelques clients africains », murmure, sans en dire plus, Brigitte Bocquet-Makhzani, directrice de la communication. Il y a bien eu « deux ou trois demandes ces dernières années, notamment depuis le Nigeria, pour qu’un détaillant puisse voir le jour sur le continent ». Mais sans succès jusqu’à présent. Maître Journe évite également le name dropping. Tout juste se souvient-il du président Bongo, « le père », achetant sa montre-bracelet auprès du détaillant de la marque place Vendôme, à Paris. Aujourd’hui, les meilleurs clients africains sont « nigérians et ivoiriens ». Le marché est aussi confidentiel que l’identité des acheteurs. Les ventes ont beau y connaître une hausse de 20 % par an, l’Afrique ne représente encore que 2 % des exportations horlogères suisses, loin derrière l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Nord, selon la Fondation de la haute horlogerie (FHH). « L’Asie et plus encore les États-Unis concentrent la majeure partie de notre clientèle », précise Brigitte Bocquet-Makhzani. Sept des onze boutiques que compte aujourd’hui la marque à travers le monde sont installées dans ces deux zones. Et à peine rentré de Singapour, François-Paul Journe s’apprête à redécoller pour rencontrer quelquesuns de ces collectionneurs américains qui, plutôt que de porter leur rêve en bandoulière, préfèrent l’afficher à leur OLIVIER CASLIN, envoyé spécial poignet. N 0 2931 • DU 12 AU 18 MARS 2017

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réée en 1995 par trois journalistes suisses, dont JeanMarie Etter, un ancien de la Radio suisse romande (RSR), la fondation Hirondelle prend la même année sous son aile Radio Agatashya (« hirondelle », en kinyarwanda), lancée par Reporters sans frontières au lendemain du génocide « pour que les Rwandais aient une alternative aux médias de la haine », explique Caroline Vuillemin, la directrice générale de la fondation. Dès l’origine, l’organisme installé à Lausanne n’a cessé d’implanter des radios dans des pays africains en situation de conflit armé, de postconflit et de crise sociale endémique, « où l’accès à l’information non partisane est difficile ». Après le Rwanda, la fondation Hirondelle a contribué à diversifier les ondes au Liberia (1997), en Centrafrique (2000), en RD Congo (2002), au Soudan (2006), en Sierra Leone (2007), en Tunisie (2011), au Mali (2013), en Guinée (2014), au Burkina Faso (2015) ou encore au Niger (2016). Au fil des ans, la fondation a évolué, et privilégie désormais deux axes d’intervention : elle met en place des studios dont les productions sont diffusées via les radios locales partenaires et elle accompagne certaines radios publiques, comme la Radio nationale tunisienne et la Radio

télévision burkinabè, dans leur réorganisation technique et leur gestion. « Notre valeur ajoutée ne consiste plus à lancer des radios, mais plutôt à aider les stations locales, privées ou publiques, à se restructurer ou à renforcer leur savoirfaire, grâcenotamment àlamise àdisposition de productions et de formations », précise Caroline Vuillemin. Et parmi les experts et les formateurs auxquels la fondation a recours figurent de plus en plus d’Africains, en provenance des rédactions qu’elle a aidées à démarrer. MÉCÉNAT. Pour financer ses opérations,

la fondation Hirondelle bénéficie depuis vingt-deux ans de l’aide indéfectible de la coopération suisse. Un soutien qui peut également être diplomatique: « Lorsque l’un de nos journalistes a été assassiné en RD Congo, l’ambassadeur suisse a mobilisé ses homologues et contacté les autorités congolaises », se rappelle ainsi la directrice. L’Union européenne et de nombreux pays contribuent également à la fondation, pour laquelle l’aide publique représente 95 % des ressources. Elle compte également faire appel au mécénat privé. « Pour consolider l’existant et investir dans les technologies, nous devons diversifier nos sources de financement », indique Caroline Vuillemin. MURIEL DEVEY MALU MALU

Le Studio Tamani, à Bamako. JEUNE AFRIQUE

SÉBASTIEN RIEUSSEC

© FRED MERZ | LUNDI13

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COMMUNIQUÉ

« AVANT DE PARLER DE MODÈLE ÉCONOMIQUE, IL FAUT PARLER DE MODÈLE SOCIAL » En marge de l’Africa CEO Forum qui se tient à Genève, rencontre avec Jean Claude Gandur, l’un des investisseurs privés les plus importants en Afrique, qui se livre sur la manière de faire évoluer le modèle d’affaires africain.

Comment atteindre ce résultat ? L’éducation est une priorité dans le développement d’un pays. Ensuite, il faut un cadre juridique stable

Jean Claude Gandur, fondateur d’AOG

pour permettre de nouveaux investissements productifs, générateurs d’emplois et de revenus, et donc d’impôts pour les États. Il faut aussi une simplification des processus administratifs. À partir de là, afin que la confiance se créé, les clés du succès sont : un climat politique stable, une protection des investissements et une utilisation rationnelle des fruits de l’impôt dans les infrastructures du pays. Il faut pour cela une bonne gouvernance au sommet de l’État ? Effectivement, une bonne gouvernance, une utilisation normale de l’argent, tout cela permet d’accompagner le changement. Il convient aussi de responsabiliser les citoyens qui ne doivent pas tout attendre de l’État. L’État a aussi une obligation de moralisation des mœurs politiques. Quelle place accordez-vous à l’entrepreneuriat ? La classe moyenne, quel que soit le pays, repose sur un tissu de PME, entre autres. L’élite africaine doit se prendre en main, devenir entrepreneurs, développer des sociétés nationales, devenir cadres dans des entreprises. Afin de soutenir le développement des petites entreprises, l’accès au crédit est essentiel. Les banques doivent donc s’impliquer. L’État ne doit pas être la béquille du mauvais investisseur. Vous ne faites rien avancer ainsi.

Quel est le poids de la démocratie dans cette évolution ? Je suis un grand défenseur de la démocratie, elle fait partie de ces paradigmes de changement. Il y a encore beaucoup de pays qui ont besoin de leur glasnost et de changer leur manière de gouverner afin de libérer les forces vives du pays. Comment voyez-vous l’avenir de l’énergie ? L’énergie est essentielle au développement d’un pays. Si l’énergie fossile reste la première énergie du continent, il y a deux sources d’énergies peu utilisées en Afrique : le gaz naturel et le réseau de distribution de l’électricité qui représentent de lourds investissements. Il faut que le cadre légal puisse encourager ces investissements. Si vous amenez le bien-être jusque dans la campagne, vous allez stabiliser une grande partie de la population sur place. L’Afrique est jeune. N’est-ce pas un énorme enjeu en termes d’emplois et d’avenir ? Absolument. La formation sur le terrain, ainsi que la formation en ligne, sont essentielles. Il faut encourager cet esprit d’entreprise. Trop de citoyens espèrent être engagés par l’État d’où une pléthore de fonctionnaires qui vivent à son crochet… Le rôle de l’État est d’encourager l’entrepreneuriat individuel.

oryxenergies.com

DIFCOM- © Oryx Energies

Comment faire évoluer le modèle économique en Afrique ? Avant de parler de modèle économique, il faut parler de modèle social. La population africaine est en majorité rurale, vit du secteur primaire, a un niveau scolaire bas et une organisation basée sur les clans et les chefferies. Il faut opérer une mutation des habitudes afin d’intégrer la population à l’effort de croissance des pays africains. Cela permettra de voir émerger une classe moyenne solide, base de toute société structurée.


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