JA 2685 DU 24 AU 30 JUIN 2012

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MAROC L’ORDRE HALAL

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jeuneafrique.com

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Spécial 22 pages

CÔTE D’IVOIRE RÉCONCILIATION IMPOSSIBLE ? MALI TRAORÉ : LE VRAI RÉCIT DE SON AGRESSION

MACKY SALL

« Avec moi, tout va changer » Wade, Hollande, Habré, audits, législatives, crise malienne, le pouvoir et lui… Une interview exclusive du chef de l’État sénégalais, élu le 25 mars dernier. ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285


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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 23 JUIN

L’Égypte de l’après-Moubarak

I

L FAUT REGARDER DU CÔTÉ DE L’ÉGYPTE, car ce pays s’est remis en mouvement après quelques mois d’immobilisme apparent. La grande majorité des Égyptiens est pauvre : le revenu annuel moyen par habitant est de 2 400 dollars, deux fois moins que celui de la Tunisie, quatre fois moins que celui de la Turquie. Mais avec plus de 80 millions d’habitants et une croissance démographique élevée – 2 millions d’Égyptiens de plus chaque année –, ce pays est déjà, et sera de plus en plus, un grand du monde arabe et du continent africain. C’est un pays doté d’un État constitué, héritier d’une grande civilisation, fort d’une tradition politique bien établie, dont les élites intellectuelles et la presse sont d’un bon niveau. L’Égypte est un pays emblématique du monde araboafricain, et ce qui lui arrive retentit aussi bien sur le Moyen-Orient, dont Israël, que sur les deux Afrique, au nord et au sud du Sahara. Il ne faut donc jamais perdre l’Égypte de vue, mais tout au contraire regarder de près ce qui s’y passe et tenter de discerner le chemin qu’elle va prendre. ■

C’est dans l’indifférence des Égyptiens que Hosni Moubarak s’en va pour de bon. Il aura accompli – depuis octobre 1981 ! – cinq mandats de six ans à la tête de son pays. Lui et sa femme Suzanne auraient voulu qu’il en entreprenne un sixième, avant de transmettre la présidence – en 2017 – à leur fils Gamal. Son peuple, qu’on croyait soumis, s’est soulevé contre sa dictature, et l’armée, qui l’avait installé au pouvoir, s’est résolue à intervenir pour empêcher ce funeste dessein de se réaliser. Tout au long des derniers mois, le monde entier a pu voir, non sans malaise, la triste fin d’un mauvais dictateur blanchi sous le harnais, et tout se passe, en ce mois de juin 2012, comme si l’ex-dictateur avait voulu quitter ce monde avant qu’on ne proclame, en Égypte, l’élection d’un autre président. Il n’en reste pas moins, cependant, que l’Afrique est le dernier continent où l’on continue de pratiquer, sans vergogne, la « monarchie républicaine de papa », qui nous couvre de honte. JEUNE AFRIQUE

Au XXe siècle et jusqu’au début du XXIe, quelque dix présidents africains ont délibérément choisi d’être des présidents à vie ; certains sont morts au pouvoir après l’avoir exercé pendant trente ou même quarante ans ; d’autres ont été renversés ou bien ont mal fini leur sixième ou septième mandat. Aujourd’hui encore, le mauvais exemple et la fin pathétique de Kaddafi et de Moubarak ne semblent pas faire réfléchir suffisamment les trois ou quatre présidents qui en sont à leur cinquième ou sixième mandat, et à vingtcinq ans ou trente ans de règne. Ils ne veulent pas voir que nulle part, hors d’Afrique, ne subsiste cette volonté anachronique de se maintenir au pouvoir coûte que coûte. Sauf à Cuba et en Corée du Nord, vestiges fossilisés de l’ère du communisme de type stalinien. Mais revenons à l’Égypte pour tenter de savoir où elle va. ■

D’abord quelques réalités sous-jacentes non encore exposées par la presse : 1) Le général d’aviation Ahmed Chafiq, dernier Premier ministre de Moubarak, a obtenu un si grand nombre de voix parce qu’il incarne une volonté de retour à l’ordre, au travail et à la sécurité, la reprise en main d’un pays gagné par l’instabilité et où la crise économique frappe de plus en plus durement. Il est soutenu, plus ou moins ouvertement, par la grande bourgeoisie, par l’armée, par la minorité copte et par une partie de la population, qui aspire à un retour de la loi et de l’ordre. 2) Les islamistes sont divisés et en perte de vitesse. Il suffit pour s’en convaincre de regarder l’évolution des chiffres électoraux entre les législatives et la présidentielle. Certes, leur candidat, Mohamed Morsi, aurait obtenu, au second tour, près de 1 million de voix de plus que le général Ahmed Chafiq, mais il n’est pas assez crédible et pourrait accentuer la marginalisation de l’Égypte. 3) Les révolutionnaires qui ont fait tomber le régime en 2011 pèsent beaucoup moins aujourd’hui et ne sont pas assez organisés. 4) Même si elle est « embourgeoisée », l’armée reste un centre de pouvoir important. Rien ne pourra se faire contre elle car c’est la seule grande institution du pays qui a des ressources stables et qui fonctionne. N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012


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Ce que je crois 5) Les pays du Golfe inondent les mouvements islamistes d’argent dans l’espoir de bloquer les idées novatrices et révolutionnaires du Printemps arabe, avec le dessein de transformer l’Égypte en théocratie pro-occidentale. ■

À la veille du second tour de l’élection présidentielle, les généraux égyptiens, qui exercent « à titre transitoire » le pouvoir depuis la chute de Moubarak il y a seize mois, ont pris trois décisions spectaculaires qu’il faut replacer dans leur contexte : – ils ont rétabli de fait la loi martiale ; – ils ont fait dissoudre par la Haute Cour constitutionnelle le Parlement fraîchement élu. Il est dominé par les islamistes, mais c’est la première Assemblée nationale démocratiquement élue depuis soixante ans ; – ils ont élaboré et mis en œuvre une Constitution provisoire qui leur donne de larges pouvoirs. Ces pouvoirs sont retirés au probable nouveau président, lui aussi démocratiquement élu : Mohamed Morsi, candidat des islamistes. Ce faisant, les généraux n’ont fait que consolider – et maintenir entre leurs mains – un pouvoir qu’ils s’étaient bien gardés de lâcher. ■

Àleursconcitoyensdetoutesobédiencesetaumondequi les observe, ils disent en substance ceci: en aucune manière il ne s’agit d’un retour à la dictature ou d’une « restauration ». L’exigence de dignité du peuple sera respectée; il a toute latitude pour s’exprimer. La critique demeure libre dans

le cadre des lois, les principes démocratiques resteront à l’honneur et les droits de l’homme sont garantis. Mais les services de sécurité sont de retour, et le système judiciaire exercera pleinement ses prérogatives. La révolution ? Oui. Mais pas la chienlit. Le pays doit retrouver le calme et se remettre au travail. Le président élu ? Le verdict des urnes sera honoré et le président, islamiste ou non, sera au volant mais « en double commande ». Il faut faire confiance à l’armée : elle aura un pied sur l’accélérateur, un autre sur le frein, elle gardera la haute main sur les secteurs économiques dont on lui a confié la responsabilité et qui sont dirigés par des militaires. ■

Conclusion: si les militaires parviennent à faire accepter leurs vues par les Égyptiens et par la communauté internationale, l’Égypte ne sera plus celle de l’ère Moubarak (1981-2011) ni même celle de l’époque Nasser et Sadate (1952-1980) où un président militaire concentre entre ses mains tous les pouvoirs. La « nouvelle » Égypte sera un État de quasi-démocratie qui tient un peu de la Chine et beaucoup de la Russie postcommuniste. L’armée y aura le même rôle, les mêmes pouvoirs et prérogatives que l’armée turque dans les années 1980. Si tout va bien, dans dix ou vingt ans, une nouvelle génération d’islamistes, mieux formés, plus modernes, du type de l’actuel AKP turc, pourra faire faire à ce grand pays un pas de plus – décisif celui-ci – vers la démocratie. ● (Lire aussi pp. 43-45.)

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì Quand l’argent précède, toutes les portes s’ouvrent. William Shakespeare

Ì Les jours sont peut-être égaux pour une horloge, mais pas pour un homme. Marcel Proust

Ì Notre vie est un livre qui s’écrit tout seul. Nous sommes des personnages de roman qui ne comprennent pas toujours bien ce que veut l’auteur. Julien Green

Ì Au paradis, on est assis à la droite de Dieu. C’est normal, c’est la place du mort. Pierre Desproges

Ì Il y a des pouvoirs collectifs qui sont aussi dangereux que le pouvoir personnel. François Mitterrand Ì De temps en temps, je me retirais dans la solitude, pour avoir quelqu’un à qui parler. Patrick Besson N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

Ì Il faut de l’esprit pour bien parler, de l’intelligence suffit pour bien écouter. André Gide Ì Mâcher et siffloter ne peuvent aller ensemble. Proverbe africain Ì Le meilleur moyen de prendre un train à l’heure, c’est de s’arranger pour rater le précédent. Marcel Achard

Ì C’est quand l’homme s’est redressé pour marcher debout que le cerveau s’est mis dans la tête. Les Nouvelles Brèves de comptoir Ì L’emprise de l’homme sur la nature est devenue telle qu’elle comporte le risque de destruction de la nature elle-même. Georges Pompidou Ì Si l’amour est une invention des femmes, ce sont les hommes qui exploitent le brevet. Hervé Bazin Ì C’est surtout ce qu’on ne comprend pas qu’on explique. Jules Barbey d’Aurevilly JEUNE AFRIQUE



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Éditorial

MALI

Marwane Ben Yahmed

MAURITANIE

Calvaires maliens

BURKINA FASO

L

YÉMEN

Al-Qaïda dans la péninsule arabique

TCHAD

Boko Haram

CENTRAFRIQUE

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ÉTATS-UNIS LEUR GUERRE SECRÈTE EN AFRIQUE De la Mauritanie aux Seychelles, les Américains tissent un vaste réseau de bases militaires.

« Pour nous, la charia doit être appliquée, que la population l’accepte ou non. […] Nous ne sommes vraiment pas des démocrates », a expliqué un des représentants du groupe intégriste à Tombouctou. Peut-être pourrait-il disserter avec le brillant historien et penseur tunisien Mohamed Talbi, qui lui expliquera, après l’avoir fait dans nos colonnes (lire sa tribune intitulée « La première laïcité musulmane ? » dans J.A. no 2648), que la charia, cela ne veut rien dire, et qu’« elle n’a aucun fondement coranique ». De conception humaine et relativement tardive, elle n’oblige aucun musulman en conscience et a pris, grâce à nos pseudo-exégètes moyenâgeux, une forme coercitive voire terroriste incompatible avec la liberté et la démocratie. Il pourrait également réfléchir avec notre professeur émérite sur les raisons profondes de l’obsession maladive des femmes en général et du sexe en particulier chez de nombreux islamistes…

N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

NIGER

NIGERIA

E MALI S’ENFONCE inexorablement dans un insondable abîme de violence, de barbarie et d’irresponsabilité. Chaque jour apporte son lot de nouvelles effarantes. Dans le Nord, dernier avatar en date de cette région qui bascule vers ce que le nouveau président sénégalais Macky Sall appelle un « Africanistan » (lire son interview pp. 26-32) : l’application de la charia à tout prix. Ainsi à Tombouctou, l’ex-« perle du désert », un jeune couple, Hamaradane et sa douce, Zebou, s’est-il vu infliger cent coups de cravache pour avoir entretenu une relation hors mariage qui a donné naissance à un enfant. Une punition d’un autre âge, administrée en public devant une foule conviée pour l’occasion, « sous contrôle médical », a tenu à préciser, sans doute dans un élan irrépressible d’humanisme, un responsable d’Ansar Eddine… Puis le couple a été contraint au mariage, devant le même cadi qui avait prononcé la sentence.

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CÔTE D’IVOIRE LA RÉCONCILIATION IMPOSSIBLE ? Difficile de faire la paix, un an après la fin de la crise postélectorale. Les attaques répétées dans l’Ouest et la violence du débat politique à Abidjan n’aident pas…

PHOTOS DE COUVERTURES : AFP PHOTO/FADEL, VINCENT FOURNIER/J.A.

Dans le Sud, si on n’en est pas encore là, et c’est heureux, il n’y a cependant guère plus de motifs d’espoir; un petit capitaine qui suinte l’acrimonie se prend pour le sauveur de la nation sans régler quoi que ce soit et qui rappelle chaque jour un peu plus Moussa Dadis Camara ; un Premier ministre dont on finit par se demander s’il n’est pas la plus grosse erreur de casting proposée par la médiation ; un président de la transition, le malheureux Dioncounda Traoré, que la junte a laissé – c’est le moins que l’on puisse dire – se faire lyncher par une foule de jeunes désœuvrés (lire p. 17) qui ont perdu tout repère et dont des politiciens cyniques et immoraux ont savamment attisé la haine pour parvenir à leurs fins et assouvir leurs petites ambitions personnelles. Il faut mettre un terme à ce scénario cauchemardesque, à cette insupportable litanie d’horreurs et à ces comportements veules et inhumains. Dans ces conditions, où l’indéfendable le dispute à l’ubuesque, il n’existe hélas aucune autre solution qu’une intervention militaire, africaine évidemment. ●

Al-Qaïda au Maghreb islamique

Al-Qaïda au Maghreb islamique

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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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États-Unis Leur guerre secrète en Afrique John Numbi Général en planque Salman Ibn Abdelaziz Au pied du trône RIO+20 Encore raté ! Jeux olympiques Tout ce qui brille n’est pas or Mali Lynchage à Koulouba Côte d’Ivoire-Israël De vieux amis se retrouvent Maroc Fini les peines d’amour ? Tour du monde

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G RA N D A N G L E

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Sénégal Interview de Macky Sall : « Avec moi, tout va changer »

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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E

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Côte d’Ivoire La réconciliation impossible ? Togo Citoyens ou opposants ? 57 bis Anatole Collinet Makosso, ministre congolais de l’Éducation civique et de la Jeunesse Sida Le livre qui accuse la colonisation

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JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs GRAND ANGLE

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MACKY SALL

« Avec moi, tout va changer » Wade, Hollande, Habré, crise malienne, le pouvoir et lui… Une interview exclusive du chef de l’État sénégalais.

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FRANCE LA MARIANNE ÉTAIT EN ROSE De la présidence de la République à l’Assemblée nationale en passant par la quasi-totalité des régions, le Parti socialiste monopolise presque tous les leviers du pouvoir.

MAROC L’ORDRE HALAL Entre un gouvernement islamiste adepte de l’« art propre » et des acteurs culturels entrés en résistance, c’est le temps du soupçon. Enquête sur un malaise moral et politique.

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RWANDA L’ÂGE DE RAISON • Vent d’Asie dans les rizières • La dynamique numérique en applications • Travelling avant sur Eric Kabera

ÉGYPTE LE COUP D’ÉTAT PERMANENT Pour beaucoup, le vrai vainqueur de l’élection présidentielle ne s’est même pas porté candidat. Et n’est autre que le Conseil suprême des forces armées…

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Nigeria Danger public

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M AG HREB & MOY E N-O R IE NT

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Égypte Le coup d’État permanent Tunisie L’appel du 16 juin Syrie Derrière l’écran de fumée… Mauritanie Ely Ould Mohamed Vall sort du bois

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EU ROP E, AM ÉR IQ UE S, ASIE

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France La Marianne était en rose Chine Sous la mer comme au ciel Diagnostic Un G20 très vain Parcours Franck Houndégla : métro, expo, photo États-Unis Pom-pom Bill Mexique Telenovela présidentielle

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LE P L U S DE J E UNE AFR IQ UE

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Rwanda L’âge de raison

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ÉCON OM I E

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Tabac À la santé des multinationales Maritime Abidjan veut reprendre sa place Télécoms Tunisie Télécom à la veille d’un tournant historique

JEUNE AFRIQUE

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Spécial 22 pages

Nigeria La guerre d’indépendance est déclarée Banque Ecobank fait sa mue Énergie Noureddine Boutarfa, en quête du juste prix Télévision Demandez le programme Bourse Alger, l’impossible réforme ? Baromètre DOSSIER Énergie C ULTURE & MÉDIAS Maroc L’art et la manière forte Tribune Les islamistes et la culture : entre le sermon et le compromis Algérie Dans la chair de l’Histoire Musique Le Cameroun métissé de Charlotte Dipanda La semaine culturelle de Jeune Afrique V OUS & N OUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum

N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

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MEERDING/BRUNOPRESS/SIPA

DÉVELOPPEMENT L’AIDE FRANÇAISE… A BESOIN D’AIDE

! ALBERT KOENDERS, représentant spécial des Nations unies en Côte d’Ivoire.

Côte d’Ivoire Koenders devant le Conseil de sécurité

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eprésentant spécial du secrétaire général des Nations unies en Côte d’Ivoire, Albert Koenders se rendra à New York le 18 juillet. Il y analysera la situation dans le pays devant les membres du Conseil de sécurité. Ces derniers doivent en effet décider de la durée de la prolongation et de la nature du mandat de l’Organisation des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci). Un temps, une réduction des effectifs militaires avait été envisagée, mais les récentes attaques dans l’Ouest plaident pour un maintien du dispositif. Voire pour un renforcement de la présence onusienne le long de la frontière libérienne. Afin d’enquêter sur les exactions et les violences commises dans cette région, l’Onuci souhaite par ailleurs déployer sur le terrain un plus grand nombre d’agents de la division des droits de l’homme. ● LE PREMIER MINISTRE MALIEN SOUS LE FEU DE LA CRITIQUE À QUOI SERT CHEICK MODIBO DIARRA ?

Le très émotif Cheick Modibo Diarra (il lui arrive de pleurer en public), Premier ministre de transition, agace tous ceux qui souhaitent voir le Mali sortir de l’abîme où il est plongé, au point que diplomates et personnalités politiques ne sont pas loin de reprocher au médiateur Blaise Compaoré de leur avoir imposé « la pire des N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

solutions ». Le président par intérim étant hors jeu depuis son agression barbare au palais de Koulouba (lire p. 17), Diarra reste seul à la tête de l’exécutif. Il est le chef du gouvernement, mais n’a jamais eu de poids politique dans le pays, où il n’a d’ailleurs jamais résidé. « Diarra, tranche, féroce, le chef d’un grand parti, n’a

Le rapport publié le 25 juin par l’ONG ONE, dont l’un des cofondateurs est le chanteur Bono, ne ménage pas ses critiques à l’aide au développement allouée par la France, qui serait, selon elle, « artificiellement dopée par la comptabilisation des annulations de dette et l’utilisation de plus en plus massive de prêts aux pays intermédiaires au détriment des dons aux pays les plus pauvres ». En 2011, l’aide publique a diminué de 287 millions d’euros (– 3,3 %), alors que la France s’est engagée à y consacrer 0,7 % de sa richesse nationale d’ici à 2015, prioritairement en Afrique et dans les pays les moins avancés. LE CHIFFRE QUI NE PÈSE PAS LOURD C’est le poids moyen d’un adulte africain, selon une étude britannique rédigée à partir de données fournies par l’Organisation mondiale de la santé et publiée le 18 juin. À titre de comparaison, un Asiatique pèse en moyenne 57,7 kg et un Américain du Nord 80 kg.

60 kg

LITTÉRATURE LE ROMAN DU CONGO

aucun plan, aucune stratégie. Il se contente de prendre ses ordres au camp de Kati [le fief de la junte dirigée par le capitaine Sanogo, NDLR]. » Même son de cloche chez un de ses concurrents: « C’est le mauvais homme au mauvais endroit. Grâce à la crise, il occupe un poste auquel il n’aurait jamais pu postuler autrement. »

Très attendue, la traduction du néerlandais au français de Congo. Une histoire, le best-seller du Belge David Van Reybrouck, paraîtra le 12 septembre (en Belgique et en France) aux éditions Actes Sud. Récompensé notamment par les prix AKO, l’équivalent néerlandais du Goncourt, et Libris Histoire, ce roman hors norme retrace 90 000 ans d’histoire JEUNE AFRIQUE


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Politique, économie, culture & société

RD Congo Quel chef pour l’opposition (suite)? LE FEUILLETON pour la désignation du porte-parole de l’opposition congolaise se poursuit. Les deux premiers candidats sont connus : Vital Kamerhe, le leader de l’Union pour la nation congolaise (UNC), arrivé en troisième position à la présidentielle de novembre 2011, et Samy Badibanga, de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti présidé par ÉtienneTshisekedi. Arithmétiquement, le second semble bien placé puisque sa formation dispose du groupe parlementaire le plus important : une cinquantaine de députés. Mais l’arrivée d’un troisième homme n’est pas exclue. Le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, qui avait d’abord choisi de rester en retrait, semble désormais résolu à pousser la candidature deThomas Luhaka, son secrétaire général. À moins qu’il ne décide de répondre favorablement à la demande de Kamerhe de se rallier à sa candidature. « Tout cela est à l’étude », explique l’un des plus proches collaborateurs de Bemba. Lequel suit de près le déroulement des opérations depuis sa cellule, à La Haye. ●

MALI NOUVEAU TEXTE À L’ONU

Le Conseil de sécurité de l’ONU ayant jugé insuffisant le projet de résolution conjoint de l’Union africaine et de la Cedeao sur le Mali, les deux organisations travaillent avec le Mali et la France à l’élaboration d’un nouveau texte, plus ambitieux. Il devrait s’agir d’une feuille de route prenant en compte un ensemble de facteurs : le retour à l’ordre constitutionnel, la dissolution de la junte, la priorité donnée au dialogue dans la résolution de la crise du Nord, ou encore la lutte contre le terrorisme et les divers trafics. En cas d’échec de la négociation, le texte pourrait prévoir le recours à la force. MINES MANGANÈSE TOGOLAIS

Le groupe minier australien Ferrex devrait commencer à exploiter la mine de manganèse de Nayega, dans le nord du Togo, avant l’année prochaine. Le gisement est estimé à un peu plus de 6 millions de tonnes. Le minerai devrait avoir sensiblement la même qualité (teneur en manganèse : 38 %) que celui produit en Afrique du Sud. Selon les JEUNE AFRIQUE

premières estimations, l’investissement devrait avoisiner 15 millions de dollars. Et la production, 250 000 tonnes par an. MAROC INVESTISSEMENTS EN BAISSE Inquiétudes concernant les investissements directs étrangers (IDE) au Maroc. Après une année 2011 morose (25,6 milliards de dirhams investis [2,3 milliards d’euros], soit 26,9 % de moins qu’en 2010), le début de cette

année ne s’annonce pas mieux. À en croire l’Agence marocaine de développement des investissements (AMDI), le montant des IDE n’a pas dépassé 7,33 milliards de dirhams entre les mois de janvier et d’avril, soit 7,1 % de moins que pendant la même période de 2010. « Nous souffrons de la baisse des investissements français et, surtout, espagnols », précise Ahmed Fassi Fihri, directeur à l’AMDI. Les secteurs de l’aéronautique

RWANDA-AFRIQUE DU SUD EMBELLIE

Depuis 2010, les relations rwando-sud-africaines étaient empoisonnées par une tentative d’assassinat visant Faustin Kayumba Nyamwasa, un ancien général rwandais exilé à Johannesburg. Les choses semblent s’améliorer. Le 21 juin, le général a témoigné devant la justice sud-africaine, mais cela ne devrait pas empêcher George Nkosinati Twala de prendre « dans les prochains jours ou les prochaines semaines » ses fonctions d’ambassadeur à Kigali. Gladstone Dumisani Gwadiso, son prédécesseur, avait été rappelé pour consultations en août 2010 (deux mois après l’assassinat manqué) et n’avait pas regagné son poste. Mais, en janvier, Paul Kagamé a participé à la célébration du centenaire de l’ANC. Quelques jours plus tard, South African Airways a inauguré une nouvelle ligne à destination de Kigali…

CENTRAFRIQUE

Ndoutingaï réagit Il se taisait depuis son limogeage-choc, le 1er juin. Mais un article le concernant paru dans le no 2683 de Jeune Afrique l’a fait sortir de son silence. Lors d’un entretien téléphonique le 19 juin, le colonel Sylvain Ndoutingaï, ancien ministre d’État centrafricain aux Finances et au Budget, affirme qu’il n’est pas en résidence surveillée à Bangui. Certes, celui qui était considéré comme le numéro deux du régime ne « s’explique ue pas » les raisons qui ont conduit le président à le démettre, mais il nie toute velléité de complot et ajoute que sa villa n’a jamais été perquisitionnée. Par ailleurs, il juge que ses divergences avec vec les bailleurs de fonds de la Centrafrique ont été « largementt exagérées ». À preuve, dit-il, « la signature d’un accord avec la Banque mondiale est prévue pour le 25 juin sur la base d’un programme [qu’il a] conclu ». Enfin, dans un message qu’il a fait parvenir à J.A. le 15 juin, Mahamat Ali Ahmat, le chargé d’affaires ffaires de l’ambassade du Tchad à Bangui, précise que le contingent nt tchadien de la garde républicaine centrafricaine a pour mission exclusive d’« assurer la sécurité du chef de l’État ». Ce contingent n’aurait donc en toute hypothèse pas pu participer à une perquisition de la villa de Ndoutingaï. N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

VINCENT FOURNIER/J.A.

congolaise, de la préhistoire à 2010. Il s’est déjà vendu à plus de 200 000 exemplaires.

et de l’automobile ne seraient toutefois pas concernés.


La semaine de Jeune Afrique

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ÉTATS-UNIS

Leur

guerre entretenir des Pilatus PC-12 qui sillonnent le ciel du Sahel et du Sahara. Leur rôle est devenu encore plus vital depuis que le nord du Mali est tombé entre les mains des islamistes et du Mouvement national pour la libération de l’Azawad.

De la Mauritanie aux Seychelles, les Américains tissent en toute discrétion un vaste réseau de bases militaires. Objectif : surveiller les organisations terroristes, lutter contre la piraterie et assurer la sécurité des compagnies pétrolières.

PIZZÉRIA. La présence à Ouagadougou ne date pas

d’hier. Selon une source militaire jointe par Jeune Afrique dans la capitale burkinabè, elle remonte à 2008 et au coup d’État, à Nouakchott, de Mohamed Ould Abdelaziz. « Les Américains ne pouvaient RÉMI CARAYOL CLAUDE LEBLANC

et

D

ans le ciel azuré du Niger ou du Tchad, un petit point blanc apparaît. Un vrombissement de moteur se fait à peine entendre. Il ne s’agit ni d’un avion de ligne à 10 000 mètres d’altitude ni d’un chasseur dont la vitesse et le bruit auraient été remarqués depuis longtemps. Il s’agit d’un simple appareil de tourisme – un Pilatus PC-12, pour être précis. Sans marquage particulier, ce petit avion de fabrication suisse, dont le principal atout est justement de passer inaperçu, est en réalité loin d’être comme les autres. Bourré d’électronique et de caméras, il appartient à une flotte d’une vingtaine d’autres dont la principale mission est de quadriller les zones où sévissent les groupes identifiés comme terroristes – Boko Haram, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Armée de résistance du Seigneur (LRA), Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (Aqpa) et Shebab. Outre leur équipement, les Pilatus PC-12 et autres PC-6 ont comme particularité d’appartenir à l’armée des États-Unis. Celle-ci dispose désormais, sur un territoire allant de l’océan Atlantique à l’océan Indien, d’une dizaine de bases à partir desquelles elle mène en toute discrétion une surveillance très serrée afin de repérer les déplacements de ces formations jugées dangereuses. L’existence de ce réseau discret de bases a été révélée le 14 juin par le Washington Post. Selon le quotidien américain, elles sont supervisées par les forces des opérations spéciales, mais gérées en grande partie par des sociétés privées (lire encadré p. 12). L’une des plus importantes en termes stratégiques est celle de Ouagadougou, implantée dans la partie militaire de l’aéroport international. Une soixantaine d’Américains y travaillent le plus discrètement possible pour N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

EST DE LA MAURITANIE

NZARA Soudan du Sud

Le Pentagone tagone y investit plus dee 8 millions llions de dollars lars pour rénover une base se qui pourra accueillir des Pilatus latus PC-6, dont la mission principale pale sera de surveiller le Mali.

En mar mars 2012, le général Carter Ham, qui dirige le commandement régional com comman pour l’Afrique, a annoncé pou son in intention d’y implanter une ba base destinée à la surveillance de cette survei rég sous tension. région

MALI MAURITANIE MAU

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OUAGADOUGOU Burkina Faso

ENTEBBE Ouganda

Dans la zone militaire de l’aéroport international, des sociétés privées sous contrat avec le Pentagone one organisent des vols de PC-12 pour collecter des données dans les zones où opère Aqmi.i.

Les Américains organisen organisent sent des opération opérations opération de surveillance avec des PC-12 -12 pour ur suivre sui les mouvements de l’Armé l’Armée rmée dee résista résistance du Seigneur.

JEUNE AFRIQUE


L’événement

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secrète en Afrique plus mener leurs opérations depuis la Mauritanie, explique un officier burkinabè qui a souhaité conserver l’anonymat. Ils se sont rabattus sur le Burkina. » Un pays que Washington juge stratégique au vu de sa position géographique et dont les diplomates américains ne cessent de louer la stabilité. Au fil des ans, Blaise Compaoré paoré a en effet su gagner leur confiance. Dans ans les câbles diplomatiques américains révélés élés par WikiLeaks en 2011, le président burkinabè rkinabè est décrit comme un allié de poids. En juillet uillet 2009,

ARBA MINCH Éthiopie Des drones Predator y sont stationnés et servent notamment au survol de la Somalie.

YÉMEN YÉM EN

un de ces câbles rapporte que le ministre de la Défense de l’époque, Yéro Boly, a proposé une zone retirée de la base aérienne de Ouagadougou pour rendre encore plus discrète la présence des avions américains. « Le problème n’est pas la présence de ces avions »», aurait indiqué le ministre. La discrétion est touj toujours de mise. « No comment », répond un proche proch collaborateur du président. La question de la présiden présence de soldats occidentaux dans le pays (qu’ils soient français ou américains) fran d dérange au plus haut point. « Il faut nous comp comprendre, indiquait CAMP P LEMONNIER ER Djibou Djibouti bouti il y a que quelques semaines un conseiller de Compaoré. Les Seule le bas basee permanente permane anente des des ÉÉtats-Unis s-U sur gens d’Aqmi lisent la presse. le continent, elle abrite des U-28A utilisés Quand nous négocions la libération pour la surveillance de la Somalie et du Yémen. On y trouve également des drones d’otages, ils nous en parlent. Cela ne Predator qui ont vocation à éliminer des facilite pas notre tâche. » Aujourd’hui, membres d’Al-Qaïda au Yémen. les Américains sont identifiés à Ouaga. Ils aiment notamment fréquenter une pizzéria située au cœur de la ville. Mais peu de Burkinabè savent ce qu’ils font ici. Officiellement, « de l’humanitaire », indique un responsable public. La tension qui règne dans le Nord malien incite aussi le Pentagone à renforcer sa présence en Mauritanie. Initialement implantée à Nouakchott, la base a été fermée après le coup d’État du 6 août 2008. Actuellement, affirme le Washington Post, les Américains auraient débloqué plus de 8 millions de dollars pour rénover une ● ● ●

Al-Q Al -Qaïda -Qaï aïda da dan d dans anss la pénin péninsule pén péninsu pén éninsu in ar arabique

AD SOMALIE

Armé Ar mé de mée résistan résist sist stan ance ance anc FRIQUE FRIQUE rési du SSeigneur Se eig eigneu gneu gneur eurr

SOUDAN DU SUD

ÉTHIOPIE ÉTH ÉTHIOPIE

MANDA BAY Kenya Une centaine de commandos américains y sont stationnés pour intervenir au large des côtes somaliennes en cas de besoin.

Shebab Sh Sheb ebab ebab VICTORIA Seychelles Principale zone d’influence des groupes armés jugés hostiles par les États-Unis

C’est à partir de la base située dans la capitale que des drones Reaper décollent pour assurer la surveillance de l’Afrique de l’Est. PHOTOS : DR

KENYYA KEN KENYA

Lieu d’implantation des bases américaines JEUNE AFRIQUE

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La semaine de J.A. L’événement

PASCAL MAITRE/COSMOS

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qui favorisent [nos] objectifs communs en matière de sécurité » sans avoir à faire une démonstration de puissance. Le général Carter Ham, qui dirige l’Africom, a souligné en mars dernier devant une commission du Congrès la nécessité pour les États-Unis d’accroître le RSR en Afrique, à savoir le renseignement, la surveillance et la reconnaissance. « Si nous ne disposions pas de bases sur le continent, nos moyens en RSR seraient limités et cela contribuerait à fragiliser la sécurité des États-Unis », a-t-il déclaré. TÉLÉCOMMANDÉS. Toutefois, ces opérations

secrètes ne se limitent pas à la collecte de renseignements et à la surveillance. Sur les bases implantées à Djibouti, en Éthiopie et aux Seychelles, ! MEMBRES DES FORCES les Américains ont déployé des drones Predator et SPÉCIALES AMÉRICAINES ● ● ● base proche de la frontière malienne et mener Reaper déjà utilisés dans la lutte contre Al-Qaïda entraînant des des opérations de surveillance conjointes avec les en Afghanistan et au Pakistan. Grâce à ces appamilitaires maliens. forces mauritaniennes. reils sans pilote et télécommandés, les militaires américains peuvent mener des opérations de bombardements ciblés pour éliminer des comMAIN-FORTE. Les deux autres points chauds qui ont incité les États-Unis à mettre en branle leur disbattants, notamment au Yémen ou en Somalie. Ils positif sont le Nigeria, avec la montée en puissance servent également à contrer les assauts des pirates de Boko Haram, et la Somalie, où les activités des dans l’océan Indien. Dans ces deux zones où les Shebab entretiennent une instabilité chronique. intérêts américains sont directement menacés, la Plus récemment, en Afrique centrale, dans présence militaire est beaucoup moins discrète. le nord de l’Ouganda et l’extrême est de la À Djibouti, le Camp Lemonnier, Collecte de Centrafrique, une centaine d’hommes des forces seule base permanente américaine spéciales ont été dépêchés pour prêter main-forte en Afrique, où sont stationnés renseignements, dans la chasse à l’homme qui vise Joseph Kony, le 1 200 hommes, abrite des U-28A, bombardements ciblés, appareils militaires de surveillance. leader de la LRA. Cette dernière mission tranche chasse à l’homme… Les activités de piraterie le long avec toutes les autres, car elle place en première de la côte somalienne expliquent ligne des uniformes américains. Partout ailleurs, leur présence est presque invisible. À Stuttgart en grande partie pourquoi les Américains sont moins enclins à se cacher que dans le Sahel. Aux (Allemagne), siège du commandement régional Seychelles, c’est le président James Michel luipour l’Afrique (Africom), on explique cette volonté de rester discret par « le besoin de travailler de même qui a demandé aux Américains de venir. concert avec [nos] partenaires africains pour faci« Michel a fait des pieds et des mains pour que liter la mise en œuvre d’opérations et de missions les Américains installent une base », explique une source gouvernementale seychelloise. Un accord bilatéral permettant le stationnement de militaires WASHINGTON PRIVATISE LA SURVEILLANCE américains a été signé en juin 2009. Lors de son passage devant les parlementaires, le AU COURS DES DIX DERNIÈRES ANNÉES, le Pentagone a général Carter Ham a aussi déclaré qu’il souhaitait renforcé ses liens avec des « contractors », des sociétés privées pouvoir établir une nouvelle base de surveillance spécialisées, pour des opérations de sécurité en Irak et en à Nzara, au Soudan du Sud. Là encore, ce projet Afghanistan. Dans les années 1990, la proportion était de 1 civil s’explique par le contexte local. Les tensions entre pour 50 militaires. Désormais, elle s’établit à 1 pour 10. Si leurs le Soudan et son voisin méridional riche en hydrométhodes dans ces pays ont parfois été décriées, cela n’a pas carbures ne laissent pas indifférent Washington, qui empêché Washington de se tourner vers ces entreprises pour doit assurer la sécurité des compagnies pétrolières qu’elles prennent en charge la surveillance et la collecte présentes dans la région. Quelle que soit la manière d’informations dans le Sahel et le Sahara. Elles fournissent dont les États-Unis mènent leurs opérations – en avions, pilotes, mécaniciens et analystes de données, tout en toute discrétion ou au grand jour –, leur intérêt garantissant la discrétion exigée par le Pentagone puisque leur pour l’Afrique démontre que celle-ci est devenue personnel ne relève pas de l’armée. L’exemple américain est un enjeu majeur dans leur stratégie depuis 2007, désormais suivi par d’autres pays comme la France, où des année où ils ont commencé à établir leur réseau de sociétés comme Strike Global Services (SGS) ont vu le jour. bases. Rappelons qu’au cours des cinq dernières Celle-ci assure notamment la formation de futurs détachements années les investissements directs américains sur de l’ONU à Djibouti. ● C.L. le continent ont augmenté de 40 %. CQFD. ● N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

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La semaine de J.A. Les gens

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JUNIOR KANNAH/AFP

! L’EX-INSPECTEUR GÉNÉRAL, suspendu de ses fonctions, avait été entendu comme simple témoin en 2011.

John Numbi Général fantôme Le procès en appel de l’affaire Chebeya a commencé le 19 juin, à Kinshasa. La famille du militant des droits de l’homme tué en 2010 veut que l’ancien chef de la police congolaise soit jugé.

A

u cours du premier procès, l’année dernière, pour le meurtre de Floribert Chebeya, le président de l’ONG La Voix des sans-voix, le général John Numbi avait été entendu comme simple témoin par le tribunal militaire à Kinshasa. « La justice n’a pas été rendue », dénonçait alors la veuve du militant des droits de l’homme (lire J.A. no 2673), Annie Chebeya, qui demandait que l’exinspecteur général de la police soit jugé et condamné. Selon les éléments de l’instruction, le 1er juin 2010, Floribert avait rendez-vous avec Numbi, dans ses bureaux, peu avant sa mort. À l’issue d’un procès-fleuve, cinq policiers ont été condamnés. Ils ont fait appel, se déclarant innocents. Les parties civiles également, réclamant la comparution du haut gradé. Un an plus tard, le 19 juin, tous les projecteurs étaient donc braqués sur la Haute Cour militaire de Kinshasa. John Numbi était attendu, il n’est pas venu. « Il

n’a rien à voir avec cette histoire », ont fait valoir les avocats de l’État congolais. « Il fallait malheureusement s’y attendre », commente un observateur averti. « Avec cette affaire, Numbi a été marginalisé, puis suspendu de ses fonctions. Mais depuis son fief du Nord-Katanga où il s’est retiré, il peut fragiliser le régime », ajoute un spécialiste des questions de sécurité en RD Congo. Pourquoi cette nuisance à distance ? « SÉCUROCRATE ». À partir des années

2000, Numbi – qui a rencontré une première fois les Kabila, père et fils, en 1989 dans les maquis de Pweto, près de la frontière zambienne – n’a cessé de gravir les échelons de la hiérarchie militaire : commandant de la région du Katanga, chef d’état-major de l’armée de l’air et inspecteur général de la police. C’était du temps de sa splendeur. L’homme du sérail – qui comptait parmi ses amis Augustin Katumba Mwanke, le conseiller

le plus influent du Palais, décédé dans un accident d’avion en février dernier – était devenu le « sécurocrate katangais » le plus en vue. Il avait un accès direct au chef de l’État. Le Mzee a fait de cet électronicien né en 1962 un militaire de carrière. Et Joseph Kabila l’a installé dans le premier cercle. Lors des échanges de tirs entre la garde présidentielle et les hommes de JeanPierre Bemba après l’élection présidentielle de 2006, Numbi est à la manœuvre. Les premières négociations secrètes, l’année suivante, avec le chef rebelle Laurent Nkunda – qui ont abouti à l’intégration des hommes du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) au sein de l’armée régulière en 2009 –, c’est encore lui. Le pilotage des opérations menées ensuite avec l’armée rwandaise, dans le Nord-Kivu, pour traquer les extrémistes hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), c’est toujours lui. Mais dans la foulée de l’affaire Chebeya, d’autres sombres aspects du personnage ressurgissent. En 1992, Numbi était l’un des fers de lance des sinistres milices katangaises de l’Union des fédéralistes et des républicains indépendants (Uferi) qui pourchassaient les Kasaïens. Autre dossier à charge, la terrible répression menée par des éléments de la police congolaise contre le mouvement politicoreligieux Bundu dia Kongo, entre février et mars 2008, dans le Bas-Congo. « Mon mari avait des dossiers précis sur ces exactions », assure Annie Chebeya. « Ils sont en lieu sûr », affirme un responsable de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), qui prévient: « Certains faits relèvent de la justice internationale. » Numbi n’en a sans doute pas fini avec les prétoires. À Kinshasa, le procès en appel doit reprendre le 17 juillet. ● PHILIPPE PERDRIX

NOMINATIONS

ZENANI MANDELA-DLAMINI AFRIQUE DU SUD La fille aînée de Nelson et Winnie Mandela va être nommée ambassadrice en Argentine à la place de l’ancien chef de l’opposition sud-africaineTony Leon.

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ANDRÉ SILVER KONAN CÔTE D’IVOIRE L’ex-collaborateur de Jeune Afrique a été nommé porte-parole du Premier ministre ivoirien, Jeannot Ahoussou-Kouadio.

JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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SEYBAH DAGOMA

Salman Ibn Abdelaziz Au pied du trône

Cette avocate d’affaires est la première femme de parents subsahariens (Tchad) élue à l’Assemblée nationale française. Candidate socialiste, elle a recueilli 70,1 % des voix dans la 5e circonscription de Paris.

Après la mort de son dauphin Nayef, le roi Abdallah d’Arabie saoudite a nommé son demi-frère comme successeur.

I

PANDORE. Avec cette nomination, la question de savoir si le roi Abdallah allait enfin organiser la transmission du pouvoir à la nouvelle génération a été balayée. Une boîte de Pandore gardée soigneusement fermée: des dizaines de prétendants pourraient se manifester, et le rôle très théorique du Conseil d’allégeance, créé en 2006 pour légitimer la succession, ne devrait pas simplifier le processus. Salman peut-il espérer être couronné? L’état de santé du roi Abdallah – lui-même monté sur le trône en 2005, à 82 ans – est bien plus préoccupant que celui de la pimpante reine d’Angleterre, de deux ans sa cadette. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER

ð À 76 ANS, LE NOUVEAU PRINCE

L’Algérien a reçu, le 21 juin, le prix du Roman arabe pour son livre Rue Darwin. Le jury s’est désolidarisé des mécènes, le Conseil des ambassadeurs arabes en France, qui voulaient le punir pour sa présence à un festival littéraire en Israël. RIGOBERTE M’BAH La footballeuse camerounaise du club de Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), qui avait été menacée d’expulsion à plusieurs reprises et placée en centre de rétention en février 2011, a obtenu un titre de séjour en France. EN BAISSE

IDELPHONSE NIZEYIMANA LeTribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) l’a condamné à la perpétuité, le 19 juin, pour sa participation au génocide de 1994. Ce capitaine, surnommé « le boucher de Butare », est le dernier officier de l’ex-armée rwandaise à être jugé. YOUSSOUF RAZA GILANI La Cour suprême du Pakistan a destitué, le 19 juin, le Premier ministre, condamné pour son refus de rouvrir des poursuites pour corruption contre le président, Asif Ali Zardari. Un verdict qui pourrait entraîner des législatives anticipées. ADIDAS Accusée de racisme, la marque allemande a renoncé à commercialiser des baskets conçues par le designer Jeremy Scott. En cause: les chaînes entourant les chevilles, vues comme une référence aux fers des esclaves. DR

JACQUELYN MARTIN/AP/SIPA

HÉRITIER aurait les faveurs des Occidentaux.

BOUALEM SANSAL

DR

l est un royaume où les princes héritiers se succèdent sans parvenir à s’asseoir sur le trône. Huit mois après avoir reçu ce titre, Nayef Ibn Abdelaziz vient de rendre l’âme à l’âge de 79 ans et le roi Abdallah d’Arabie saoudite, 88 ans, a choisi un autre de ses demi-frères, Salman, pour le remplacer. Une nomination conforme à la tradition dynastique saoudienne selon laquelle le pouvoir se transmet entre frères. Le choix de Salman – âgé de 76 ans et de santé fragile – parmi les dix-huit princes royaux de sa génération ne surprend pas. Comme ses deux prédécesseurs, Sultan et Nayef, il appartient à la puissante lignée des Soudayri, les sept fils d’Abdelaziz Ibn Saoud et de l’une de ses favorites, Hassa Bint Soudayri. Il aurait également les faveurs des Occidentaux et surtout de l’indispensable allié américain. Dans le spectre politique du wahhabisme saoudien, Salman est en effet classé parmi les modernistes. Il préside le groupe qui édite le quotidien panarabe modéré Asharq al-Awsat, et sa personnalité contraste avec celle de son réactionnaire prédécesseur, Nayef. Ministre de la Défense depuis 2011, il a déjà rencontré son homologue américain, Leon Panetta, en avril dernier et vient d’être nommé vice-Premier ministre. S’il siège depuis peu au gouvernement, il ne manque pas d’expérience : gouverneur de Riyad pendant cinquante-sept ans, il a géré la transformation de la capitale d’une petite bourgade en une métropole de 5 millions d’habitants.

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ILS ONT DIT

« Le prix Nobel est un conte de fées pendant une semaine, et un cauchemar pendant un an. »

RIO+20 Encore raté! TOUT ÇA POUR ÇA. Présentée par Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, comme « un rendez-voustropimportantpour échouer », la Conférence sur le développement durable organisée à Rio de Janeiro du 20 au 22 juin est loin d’avoir répondu aux attentes imposées « par une situationd’urgence»surlaquelle s’accordent experts et ONG du monde entier. La déclaration finale, obtenue à l’arraché et adoptée par les dirigeants présents au Brésil, a été critiquée pour son manque d’ambition par de nombreux participants, payseuropéensetreprésentants de la société civile en tête. Le concept d’économie verte, défendu à la tribune par Denis Sassou Nguesso, figure bien dans le document d’une cinquantaine de pages, mais sans engagement clair pour les années à venir. Porte-parole des chefs d’État africains, le président congolais a également proposé d’octroyer le statut d’organisation du système de l’ONU au Programme des

MARIO VARGAS LLOSA Écrivain péruvien, distingué en 2010

« J’ai décidé de me retirer de la vie politique. Peut-être que je m’engagerai politiquement à l’université, mais je ne mettrai pas sur pied un parti ou un groupe. » MAHMOUD AHMADINEJAD Président iranien (annonçant son retrait pour juin 2013, à l’issue de son mandat)

«

Je trouve choquant de me faire passer pour quelqu’un de raciste, alors que j’ai des amis qui sont justement arabes et que ma meilleure amie est tchadienne, donc plus noire qu’une Arabe. » NADINE MORANO Ex-ministre de l’Apprentissage sous Nicolas Sarkozy

c’est bon signe, c’est que je dois faire le boulot comme il faut ! Ce qui est sûr, c’est qu’à ce poste on n’est vraiment pas là pour être aimé. »

CHRISTINE LAGARDE Directrice générale du Fonds monétaire international

«

Ce n’est pas une promotion pour moi de ne pas jouer les Beurs. Je n’ai uer bien sûr pas envie de jouer nt à des rôles qui se réduisent rche cela, mais ce que je cherche ssants. ce sont des rôles intéressants. Arabes ou pas. » SAMIR GUESMI Comédien franco-algérien

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Nations unies pour l’environnement (PNUE) afin de renforcer ses prérogatives et ses moyens, avant de se heurter à l’opposition des États-Unis. Dans un contexte de crise économique, les pays développés n’ont pu confirmer leurs engagements financiers, malgré les demandes répétées du président congolais et de Jacob Zuma, son homologue sud-africain, qui a exhorté « ceux qui en ont les moyens » à faire des efforts. Cette question du financementaétélargementévoquée en marge du sommet et lors de la conférence organisée sur place par la Banque africaine de développement. De nombreux chefs d’État africains – du Gabonais Ali Bongo Ondimba au Nigérien Mahamadou Issoufou – ayant fait le déplacement ont insisté pour que la communauté internationale se mobilise en faveur d’une gestion durable des écosystèmes, à commencer par celui du bassin du Congo, deuxième poumon de la planète. ● OLIVIER CASLIN

Jeux olympiques Tout ce qui brille n’est pas or

« Si j’ai tant d’ennemis partout,

MIGUEL TOVAR/AP/SIPA ; LE ROUX/SIPA

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FUTURS CHAMPIONS, ATTENTION ! Les médailles d’or qui vous seront remises à Londres (du 27 juillet au 12 août) seront les plus grosses et les plus lourdes de toutes celles de l’histoire des Jeux olympiques d’été. Elles pèseront 400 grammes, soit deux fois plus que celles des cinq premiers Jeux modernes (à partir de 1896) et presque dix-sept fois plus que celles qui ont été attribuées à Stockholm en 1912. Ce fut d’ailleurs la dernière fois que l’on fabriqua des médailles entièrement en or. Depuis un siècle, elles sont principalement constituées d’argent et seulement recouvertes d’une fine couche du métal jaune. Bien que ce soient les comités d’organisation des villes accueillant l’événement qui choisissent le modèle et la composition des médailles, le Comité international olympique impose tout de même certaines règles : elles doivent contenir au minimum 92,5 % d’argent et au moins 6 grammes d’or. À Londres, elles contiendront 1,5 % de métal jaune, et seront maquillées de cuivre. En tenant compte du cours des deux métaux précieux, une médaille d’or version 2012 vaudra 706 dollars (562 euros). Selon The Economist, c’est beaucoup plus que lors des précédentes éditions. La raison ? Les prix élevés de l’or et de l’argent cette année, et des trophées plus lourds – le second métal pesant moins que le premier. ● MARIE VILLACÈQUE JEUNE AFRIQUE


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Mali Lynchage à Koulouba EXCLUSIF

De nouveaux témoignages et documents éclairent les circonstances de l’agression dont Dioncounda Traoré, le président de la transition, a été la victime le 21 mai. Accablant.

E

t si une commission d’enquête internationale se penchait sur l’agression de Dioncounda Traoré ? La question pourrait être à l’ordre du jour du sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui doit se tenir les 28 et 29 juin à Yamoussoukro. Car, à Bamako, l’enquête piétine. Seulement trois inculpations pour « troubles graves à l’ordre public », début juin. Depuis, rien. Pourtant, plus d’un mois après les faits, plusieurs témoignages et documents – audiovisuels notamment –, auxquels J.A. a eu accès, révèlent les secrets de cette agression. Bien plus violente et scandaleuse que l’on aurait pu imaginer. Retour sur cette folle journée du 21 mai. Combien sont-ils? Cinq mille, dix mille? Une marée humaine déferle dans les rues de Bamako, à l’appel de la Coordination des organisations patriotiques du Mali (Copam). La coalition, composée d’associations et de petits partis, soutient le coup d’État militaire qui a renversé Amadou Toumani Touré (ATT) le 21 mars. Surtout, elle rejette la décision de la Cedeao, qui a installéDioncoundaTraorédanslefauteuil présidentiel pour une année de transition.

c’est Traoré. « Il peut être président de la Cedeao s’il le veut, mais pas du Mali », hurlent-ils en envahissant le palais. Les gardes – des Bérets verts de l’armée de terre – ne font rien pour les en empêcher,prenantmêmelaposeavecdesadmirateurs. Ils ne réagissent pas davantage lorsque quelques audacieux escaladent

Ils le frappent à coups de poing, de pied, de livre… « Il est mort, c’est sûr ! » exultent-ils.

réfugié le chef de l’État. Ils se poussent, se piétinent, s’invectivent pour avoir le droit de le molester. À coups de poing, de pied et de livre. Deux manifestants tentent de raisonner leurs amis. Ils sont repoussés. Traoré tombe. Deux Bérets marron – la garde nationale – font rempart avec leur corps et lui mettent un casque sur la tête. Vite arraché, il est utilisé pour le frapper. Des renforts tentent de se frayer un chemin à coups de matraque. PROSTRÉ. Le président est transporté dans

le fond de la pièce. À ses côtés, l’un de ses collaborateurs, en larmes, qui a lui aussi reçudescoups.Traoréestàterre.Nisonâge (70 ans) ni son statut ne l’ont mis à l’abri. Alors, il se protège la tête. Autour de lui, militaires et manifestants s’affrontent, mais il reste prostré. Ces derniers s’acharnent à nouveau sur lui, lui arrachent ses chaussures et ses vêtements. L’un des assaillants

« convention nationale » avec un objectif: désigner le chef de la junte, le capitaine Amadou Haya Sanogo, président de la transition. Organisée au Centre international de conférences de Bamako, ladite convention tourne court: les leaders sont absents, et la foule, furieuse, marche sur la place de l’Indépendance, au centreville. Lequel des manifestants propose de rallier le palais de Koulouba ? « C’était spontané », assure l’un d’eux. La horde des mécontents passe devant la cité administrative qui borde le fleuve Niger, fait un détour par le 34e bataillon des commandos-parachutistes – ex-siège des Bérets rouges, fidèles à ATT, le président déchu – et gravit la route aux virages en épingle qui mène à Koulouba. Ils brandissent des pancartes hostiles à la Cedeao et à son président, l’Ivoirien Alassane Ouattara. Mais celui qui cristallise les rancœurs, JEUNE AFRIQUE

HABIBOU KOUYATE

HORDE. La Copam a donc organisé une

LES GRILLES DÉFONCÉES du palais présidentiel de Koulouba, à Bamako, le 21 mai.

la façade pour accéder aux coursives, ou qu’un groupe utilise une échelle en guise de bélier pour défoncer les grilles. Dans le hall, on s’adonne au pillage. À l’étage, un petit groupe s’est lancé à la recherche du président. Sur la coursive, il tombe sur cinq Bérets rouges. On parlemente,avantdes’affronter.Leseulmilitaire armé n’ose pas faire usage de son fusil. De toute façon, ils sont débordés par la meute. « Il est dedans ! » crie l’un des assaillants, qui a trouvé le bureau où s’est

brandit un morceau de chemise. Ils l’ont dénudé.«Ilestmort,c’estsûr»,exultent-ils. Avant que des renforts viennent exfiltrer le président exsangue. La scène de lynchage a duré une dizaine de minutes. Informé, Cheick Modibo Diarra, le Premier ministre, se précipite au palais. Après avoir vu le président, il sort s’adresser à une poignée de jeunes, restés dans la cour. « Il pleurait », raconte un témoin. Sur l’honneur bafoué du Mali, sans doute… ● MALIKA GROGA-BADA N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012


La semaine de J.A. Décryptage

Côte d’Ivoire-Israël De vieux amis se retrouvent

recevant Ouattara à sa résidence. Les deux hommes se sont retrouvés une seconde fois le 20 juin, lors de la quatrième édition de Facing Tomorrow, une conférence internationale organisée par Pérès. La visite d’Alassane Ouattara à Jérusalem ouvre de nouvelles Auparavant, Ouattara s’était entretenu avec Benyamin Netanyahou, le Premier perspectives à la coopération bilatérale, qui date des années 1960. ministre, avec qui il a été question du rapatriement des quelque 2 000 ressortissants ivoiriens présents en Israël, pour la plupart en situation irrégulière. « Nous allons examiner la liste et ramener nos citoyens dans leur pays, en pleine coopération avec Israël », a promis Ouattara au moment où une poignée d’entre eux manifestaient contre lui devant la Knesset. La visite du président ivoirien était souhaitée de longue date par les responsables israéliens, soucieux de rétablir un ! LE CHEF DE L’ÉTAT IVOIRIEN et son épouse, Dominique, au Mémorial deYad Vashem, à Jérusalem, le 17 juin. niveau de coopération semblable à celui qui n regagnant Abidjan le 21 juin, (Mines et Énergie) et Paul Koffi Koffi prévalait sous Laurent Gbagbo. Confronté Alassane Ouattara pouvait être en 2002 à une rébellion qui a abouti à (Défense). Tous ont été logés dans le satisfait. En quatre jours de visite prestigieux hôtel King David de Jérusalem. la partition du pays, ce dernier s’était en Terre sainte, le président ivoiLe président ivoirien répondait à l’invitourné vers l’État hébreu afin d’obtenir rien a pris la mesure des excellentes relatation de son homologue Shimon Pérès, une aide militaire. À Abidjan, certaines tions qu’entretient son pays avec Israël. dernier témoin d’un demi-siècle de relasources laissent entendre que la visite Le 16 juin, il avait été accueilli à l’aérode Ouattara serait elle aussi port Ben-Gourion de Tel-Aviv par son liée à des préoccupations Parmi les sujets évoqués, ami Stanley Fischer, le gouverneur de la sécuritaires. Devant faire le rapatriement de 2 000 Ivoiriens, Banque centrale d’Israël, qu’il avait côtoyé face à des tentatives de désla plupart en situation irrégulière. au Fonds monétaire international (FMI). tabilisation dans l’Ouest et Preuve de l’importance qu’il accordait à ce désormais privé de l’appui séjour, Ouattara était accompagné d’une tions bilatérales. « Je suis le seul à être de Nicolas Sarkozy, le président ivoirien forte délégation d’hommes d’affaires et de assez vieux pour me souvenir de la visite chercherait à opérer un rapprochement ministres, dont Daniel Kablan Duncan de Félix Houphouët-Boigny en 1962 », stratégique avec Israël. ● (Affaires étrangères), Adama Toungara a déclaré le chef de l’État israélien en MAXIME PEREZ, à Jérusalem MENAHEM KAHANA/AFP

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À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

1ER

JUILLET Le jour du 15e anniversaire de la rétrocession de Hong Kong à la Chine, Leung Chun-ying, un self-mademan proche de Pékin, prendra ses fonctions de chef de l’exécutif. N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

2-6

JUILLET Forum mondial de la langue française, à Québec. Parmi les thèmes abordés: le français dans le monde des affaires, sa place sur internet, et la diversité linguistique.

7-28

JUILLET 66e Festival de théâtre d’Avignon. Sont invités les performeurs William Kentridge et Steven Cohen, les chorégraphes Sidi Larbi Cherkaoui et Nacera Belaza… JEUNE AFRIQUE


F. NOY/COSMOS

TCHAD

H. VINCENT/REA

Le pétrole n’est pas éternel et le Tchad a fait du développement de ses ressources humaines l’une des clefs de son avenir. Autrefois sinistré, le département de l’éducation fait aujourd’hui l’objet de réformes en profondeur.

PUBLI-INFORMATION

H. VINCENT/REA

Miser sur le capital humain Vieil homme racontant ses souvenirs à des enfants sous l’arbre à palabres. La transmission traditionnelle du savoir ne suffit plus.

Focus Tchad - Avril 2012 III


Une approche globale pour une solution globale

D

de cantons, chefs coutumiers – qu’il convient de faire comprendre l’importance primordiale de l’école, tant pour aujourd’hui que pour demain. Dès lors, cette problématique de l’éducation ne peut être abordée que dans le cadre d’une vision sociétale, au sein de laquelle, depuis la construction de locaux jusqu’au versement de salaires décents aux personnels, en passant par l’information et la sensibilisation des parents, toutes les composantes sont prises en compte, font l’objet des mêmes soins et sont affectées du même degré d’urgence. Pour les familles, c’est une pédagogie de changement de mentalités qui s’impose, en même temps qu’une formule de

F. NOY/COSMOS

ans un pays pauvre, rural et dont la population est largement composée de nomades, comme au Tchad, le lien entre la population et l’administration est difficile à maintenir, voire à établir. Quant à l’enfant, il se retrouve très tôt, du fait de multiples contraintes, mis au travail à l’intérieur de son cadre familial. Les problématiques de l’éducation se présentent donc, au Tchad, sous un jour très particulier. Faire venir les enfants à l’école oblige à appréhender dans leur globalité les défis du sousdéveloppement et de la pauvreté. C’est à l’ensemble de la population – agriculteurs, éleveurs, parents, chefs

compensation pour le travail que leurs enfants, une fois scolarisés, ne leur fournissent plus. Pour les différents départements de l’État impliqués, c’est à une concertation et une coordination de plus en plus étroites qu’il faut aboutir. Aujourd’hui, après de longues années de tâtonnements, chacun est conscient du fait que seule une approche globale peut aboutir à la solution globale recherchée. L’éducation est une priorité et fait partie intégrante d’un combat plus vaste, la réduction de la pauvreté. Pour un pays qui n’en n’est qu’au début de son processus de développement économique et social, il s’agit là d’une lourde tâche. Il reste que, grâce à la stabilité retrouvée, aux revenus de l’exploitation pétrolière et à la pleine coopération des bailleurs de fonds, de gros efforts ont pu être entrepris en matière d’infrastructures, de formation de personnels qualifiés ainsi que de disponibilité des équipements et des fournitures indispensables.

L’éducation est une priorité et fait partie intégrante d’un combat plus vaste, la réduction de la pauvreté.

Cours de mécanique des fluides à la faculté des sciences exactes et appliquées de N’Djamena. L’enseignement supérieur devrait accueillir 15 000 étudiantes et étudiants grâce à une réforme du système d’attribution des bourses. II - PUBLI-INFORMATION


F. NOY/COSMOS

TCHAD Une difficulté majeure tient aux disparités existant entre milieux urbains et milieux ruraux. Récréation à l’école du site de déplacés de Koubigou, près de Goz Beïda, dans l’est du pays.

Un système éducatif en pleine réorganisation

P

our tenir compte, à la fois, de réalités strictement nationales et des objectifs définis par l’Assemblée générale de l’ONU, en septembre 2000, sous le nom d’Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), le gouvernement tchadien travaille à corriger les lacunes d’un système éducatif trop longtemps négligé par les administrations précédentes. Encaissés depuis quelques années seulement, les revenus de l’exploitation pétrolière lui ont permis de s’atteler à une tâche particulièrement lourde : mettre en place, sur toute l’étendue d’un vaste territoire, les infrastructures nécessaires ; concevoir des programmes d’enseignement adaptés à la stratégie de développement du pays ; former des enseignants de bon niveau et les rémunérer en conséquence ; enfin - et il s’agit peut-être là du défi le plus difficile à relever - changer progressivement les mentalités en les libérant du poids de pratiques et de coutumes qui n’ont plus vraiment leur place dans le monde d’aujourd’hui. Une difficulté majeure tient aux disparités existant entre milieux urbains et milieux ruraux, ces derniers abritant 80 % de la population. Or, cette large majorité de Tchadiennes et de Tchadiens se trouve

être la plus durement frappée par la pauvreté, ce qui entraîne, de sa part, une plus grande dépendance vis-à-vis des pratiques traditionnelles et de leurs contraintes. En son sein, nombreux sont celles et ceux qui n’ont pas encore pris conscience de l’absolue nécessité d’envoyer leurs enfants à l’école, le cas des filles étant encore plus délicat que celui des garçons. Les travaux des champs, la quête de l’eau, les multiples déplacements qu’impose l’éloignement des grands centres manquent toujours

ANNÉE SCOLAIRE 2010-2011

de bras et de jambes, d’autant plus que les hommes sont souvent partis, loin de chez eux, à la recherche d’un emploi, et que les femmes, restées à la maison, s’épuisent en longues journées harassantes. Aux yeux des parents, le travail des enfants apparaît donc trop souvent indispensable. Pour autant, à tous les niveaux de la société, les autorités se sont attelées à faire évoluer les mentalités et à remplacer les préoccupations parentales à courte vue par des ambitions à plus long terme.

Nombre d’écoles

Nombre de classes

Nombre d’élèves

Nombre d’enseignants

Enseignement préscolaire

290

132

22 347

657

Enseignement primaire

8 786

29 228

1 928 603

30 813

Enseignement moyen

924

5 676

315 754

7 177

Enseignement secondaire

345

2 109

134 260

6 553

37

191

6 534

545

3 274

4 971

142 227

5 751

Enseignement secondaire et technique Centres d’alphabétisation

Source: Annuaire statistique de l’éducation.

PUBLI-INFORMATION - III


TCHAD Des résultats encourageants

L

IV - PUBLI-INFORMATION

DIFCOM/DF

F. NOY/COSMOS

es premiers résultats de cette multiplier les établissements au cours 20 % des dépenses publiques, hors politique volontariste sont des cinq dernières années : pour les dons - a été à peu près atteint au d’ores et déjà enregistrés. seules années 2008 et 2009, ce ne Tchad entre 2000 et 2007, avec 19 % En matière de scolarisation sont pas moins de 10 lycées qui ont des dépenses publiques affectées à brute, le taux est de l’ordre vu le jour dans la seule commune de ce département. Aujourd’hui, un net de 98 % en moyenne nationale. Le N’Djamena, aux côtés de 10 nouvelles relèvement de ce niveau - en baisse, taux d’achèvement du cycle primaire écoles primaires. Quant à l’enseigneau Tchad, depuis quelques années - se est en progrès depuis les années 1990, ment supérieur, il se propose d’accueillir révèle indispensable pour que le pays même s’il n’est pas encore possible de 15 000 étudiantes et étudiants, par le atteigne, à l’échéance fixée, l’OMD n° 2. le chiffrer avec précision. Le taux de biais, notamment, d’une réforme du sysCelui-ci préconise que tous les enfants redoublement a fortement diminué : tème d’attribution des bourses. L’accent d’Afrique, garçons et filles, et sur toute alors qu’il atteignait 31 % en 2000, y est mis sur la professionnalisation l’étendue du continent, se trouvent en il n’était plus que de 10 % en 2011 de l’enseignement, ainsi que sur une mesure, dès 2015, d’achever leur cycle (22 % en 2005). Le ratio peut-être le meilleure adaptation des compétences d’études primaires. plus significatif, celui du rapport garçon/ fille, a for tement progressé de 2005 à 2011, passant, dans ce laps de temps, de 0,67 à 0,87. Des progrès ont été enregistrés pour ce qui Le taux de concerne le ratio scolarisation élèves/maître, qui brute est s’établissait à 61 en moyenne nationale, de l’ordre avec de fortes disde 98 % en parités en fonction des régions. Dans la moyenne ville de N’Djaména, nationale. on comptait, en 2009, 47 élèves en moyenne, un chiffre de l’ordre de celui Leçon de français à l’école de Yiligui, un village du Kanem, dans l’ouest du pays. Les aude la moyenne de torités se sont attelées à faire évoluer les mentalités. Les résultats sont encourageants. l’Afrique sub-saharienne (48 élèves par classe en 2008). aux nécessités du marché du travail. Il reste que les efforts entrepris doivent, Le TCHAD en bref L’Université de N’Djamena comprend un non seulement se poursuivre, mais institut – l’Institut national des sciences Superficie : 1 284 000 km² même s’intensifier, tant les besoins se humaines – ainsi que quatre facultés : Capitale : N’Djamena sont accrus en termes de qualité de sciences exactes et appliquées ; droit locaux, de nombre de salles de classe et sciences économiques ; lettres et Date d’indépendance : 11 août 1960 et de fournitures diverses aux élèves. La sciences humaines ; sciences de la Population : 10,8 millions d’hab. compétence des enseignants est égalesanté. Hors de la capitale, les princiIndice de fécondité : 6,5 ment mise en cause, notamment depuis paux établissements d’enseignement Espérance de vie : 44 ans que se sont multipliées, dans les zones supérieur sont l’Université de Moundou, Taux de croissance rurales, les écoles communautaires, qui l’École supérieure des sciences exactes démographique : 2,41 % représentent aujourd’hui environ la et appliquées de Bongor, les Universités RNB par habitant (PPA) : 1 280 $ moitié des établissements du primaire. d’Ati et d’Abéché, les instituts universiRNB : 5,76 milliards de $ En 2010/2011, 1 928 603 élèves étaient taires de Sarh et de Mongo. IDH : 0,388 ; rang : 170/177 inscrits dans l’enseignement primaire Dans l’ensemble et en moyenne, et 1 288 692 d’entre eux fréquentaient le niveau du budget de l’Éducation Langues officielles : français, arabe des écoles implantées en milieu rural. nationale préconisé lors du Forum Monnaie : franc CFA L’enseignement secondaire a vu se mondial de Dakar d’avril 2000 – soit


La semaine de J.A. Décryptage

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Une ONG marocaine demande l’abrogation d’un article du code pénal qui interdit les relations extraconjugales.

L

Association marocaine des droits humains (AMDH) a franchi le pas. Elle demande officiellement l’abrogation de la loi qui punit les relations sexuelles en dehors du mariage. Transposant en droit positif un interdit moral très fort, l’article 490 du code pénal marocain dispose que « sont punies de l’emprisonnement d’un mois à un an toutes personnes de sexe différent qui, n’étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles ». Une sanction sévère que ne prévoient même pas les législations de pays voisins comme l’Algérie ou la Tunisie, où la liberté sexuelle reste soumise à une forte pression sociale. HYPOCRISIE. Au Maroc, il ne s’agit pas

seulement de « protéger » l’institution du mariage en punissant l’adultère, mais d’interdire plus généralement le zinâ – le délit de fornication. Dans les trois pays du Maghreb, en effet, les poursuites pour adultère se font à l’initiative de « l’époux offensé » et peuvent être arrêtées par son pardon. « L’article 490 traduit l’hypocrisie de notre système juridique vis-à-vis de la

liberté sexuelle, qui est l’une des libertés individuelles que nous défendons », déclare Khadija Ryadi, présidente de l’AMDH. Auteur dans le journal Le SoirÉchos d’une tribune explicitement intitulée « Clandestinité sexuelle, clandestinité politique », l’essayiste Omar Saghi va plus loin en soulignant qu’« une société qui fait semblant [de croire] qu’une fille ou un garçon de 20 ou 25 ans n’a pas de vie sexuelle se condamne à la clandestinité globale ». Et d’ajouter que « la répression sexuelle légalisée par l’État, prolongeant la répression par la famille patriarcale, produit les germes de l’autoritarisme ». Même si le délit est difficile à établir – sauf aveux ou flagrant délit constaté par un officier de police judiciaire –, sa simple présomption pèse telle une épée de Damoclès sur les couples non mariés, qui se voient régulièrement refuser un bail commun ou une chambre d’hôtel, et encourage les pressions policières. « Nous savons tous que les relations sexuelles en dehors du mariage sont courantes au Maroc. Le fait que tout cela soit caché favorise les abus et les atteintes aux libertés individuelles », dénonce Khadija Ryadi. ● YOUSSEF AÏT AKDIM

JEUNEAFRIQUE.COM

VIDÉO

Henri-Claude Oyima, PDG de BGFI Bank (Gabon)

VINCENT FOURNIER/J.A.

Maroc Fini les peines d’amour?

« Nous voulons garder les meilleurs élèves à la BGFI Business School »

SONDAGE

Dans les pays musulmans, la loi doitelle punir les relations sexuelles hors mariage ?

FOCUS Développement durable Éolien, hydraulique, solaire… L’Afrique verte en dix projets phares

Ü DÎNER DE NOCES. Les couples non mariés se voient, eux, souvent refuser un bail commun ou une chambre d’hôtel.

Projet : solaire hydraulique éolien grande muraille verte

VINCENT FOURNIER/J.A.

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Côte d’Ivoire Affaire des déchets toxiques : Charles Koffi en grève de la faim JEUNE AFRIQUE

N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012


La semaine de J.A. Tour du monde AFGHANISTAN

Vague de suicides

PETROS GIANNAKOURIS/AP/SIPA

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! FRESQUE SUR UN MUR À ATHÈNES : le monde entier nous regarde. UNION EUROPÉENNE

La Grèce sur un fil

L

E PIRE A ÉTÉ ÉVITÉ lors des législatives grecques du 17 juin : une victoire de Syriza, la coalition de la gauche radicale conduite par Alexis Tsipras, farouchement hostile au « mémorandum de rigueur » adopté avec l’Union européenne. Ce résultat aurait sans doute débouché sur une sortie de la Grèce de la zone euro aux conséquences incalculables. Mais le score obtenu par ce parti (26,8 % des voix, 71 députés) donne la mesure des souffrances et de l’exaspération de la population. Ce sont les conservateurs de Nouvelle Démocratie (29,6 %, 129 députés) qui l’ont emporté. Et c’est Antonis Samaras, leur chef, qui a été chargé de former un gouvernement de « salut national ». Un accord a été difficilement conclu avec le Pasok (socialiste), qui votera la confiance mais ne participera pas au gouvernement, et la Dimar (Gauche démocratique). Samaras ne remet pas en question les engagements pris envers les créanciers, mais souhaite en assouplir certaines dispositions – ce qui ne paraît pas déraisonnable. Le sommet européen des 28 et 29 juin s’annonce capital. ● WIKILEAKS

Coup de poker POUR ÉCHAPPER À SON EXTRADITION vers la Suède, le cybermilitant australien Julian Assange a tenté un coup de poker en déposant une demande d’asile politique auprès de l’ambassade d’Équateur à Londres, où il s’est réfugié. Depuis que la Cour suprême britannique a rejeté l’ultime recours déposé par ses avocats, le fondateur de WikiLeaks, accusé de N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

viol et d’agression sexuelle par deux Suédoises, est dans de sales draps. Pour le moment, sa requête est en cours d’examen à Quito. Mais le président Rafael Correa a déclaré qu’il l’accueillerait s’il est établi qu’il « court un danger de mort » aux États-Unis. S’il devait y être jugé pour espionnage, Assange risquerait en effet la peine capitale.

À EN CROIRE le magazine Time, 154 soldats américains stationnés en Afghanistan se seraient donné la mort depuis le début de l’année. Par rapport à 2010, l’augmentation est de 25 %. Le nombre des suicidés serait de presque 50 % supérieur à celui des soldats morts au combat ou victimes d’un attentat. Parmi les causes de cette hécatombe : le stress post-traumatique, l’abus de médicaments, les problèmes financiers et l’insupportable pression provoquée par la répétition des missions de combat. PERFIDES, CES ANGLAIS !

Tapis rouge

DAVID CAMERON promet de le dérouler quand la France instaurera la taxe de 75 % sur les plus hauts revenus promise par François Hollande durant sa campagne. Ce qui permettra aux Britanniques d’accueillir « davantage d’entreprises françaises qui paieront leurs impôts chez nous », a ironisé le Prime Minister lors du sommet du G20. JAPON

Redémarrage nucléaire UNE PREMIÈRE depuis la catastrophe de Fukushima, en mars 2011. Le 16 juin, bravant une opinion toujours sous le choc, le Premier ministre, Yoshihiko Noda, a donné son feu vert au redémarrage de deux réacteurs nucléaires à Oi, dans l’ouest du Japon. « L’arrêt des réacteurs nous prive de 30 % de notre production électrique », s’est-il justifié. Une décision qu’un membre de l’opposition juge « horrible », l’instance indépendante de régulation et de surveillance réclamée par JEUNE AFRIQUE


Andrea Comas • Reuters

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ANDREA COMAS/REUTERS

ARRÊT SUR IMAGE

ESPAGNE

Madrid par temps de crise UN ESPAGNOL SUR CINQ VIT EN DESSOUS DU SEUIL DE PAUVRETÉ (666 euros par mois). Alors, quand un magasin de prêt-à-porter madrilène fait savoir que, le 21 juin, il offrira un vêtement gratuit aux cent premiers clients – pas un de plus – qui se présenteront à ses caisses vêtus de leurs seuls sous-vêtements, c’est la ruée, le rush, l’affluence. Exhibition humiliante ? Sans doute. Mais imaginons un instant la réaction du cent unième client !

l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) n’ayant toujours pas été mise en place. BOLIVIE

Parlementaire en fuite RÉFUGIÉ à l’ambassade du Brésil à La Paz depuis le 28 mai, il a fini par obtenir l’asile politique. Leader de l’opposition au Parlement bolivien, le sénateur Roger Pinto accuse certains proches du pouvoir d’être liés à des trafiquants de drogue et se plaint d’être persécuté par le gouvernement d’Evo Morales. Lequel rappelle qu’il est accusé de corruption pour des faits remontant à l’époque où il était le gouverneur de l’État de Pando. ROYAUME-UNI/ARGENTINE

Référendum de la discorde ALORS QUE LE DIFFÉREND sur le statut des îles JEUNE AFRIQUE

Malouines semblait en voie de règlement, la situation s’envenime de nouveau entre le Royaume-Uni et l’Argentine. Après l’annonce par les autorités de l’archipel de leur intention d’organiser un référendum, début 2013, sur la souveraineté britannique, Cristina Kirchner a réclamé l’ouverture d’un dialogue devant le comité onusien de la décolonisation. David Cameron s’y refuse catégoriquement et se déclare favorable au référendum. Le 19 juin, en plein sommet du G20, il a exigé de Kirchner qu’elle respecte la volonté des habitants de l’archipel. CHINE

L’avortement qui fait scandale LA PHOTO POSTÉE sur internet d’une jeune femme et de son fœtus sanguinolent posé à ses côtés fait scandale. Faute d’avoir payé l’amende de 40 000 yuans (près de 5 000 euros) pour infraction à la loi sur l’enfant unique, Feng Jianmei (22 ans) a en effet été battue, puis forcée

d’avorter à sept mois de grossesse. Les autorités chinoises ont condamné cette exaction, présenté leurs excuses à la jeune femme et suspendu les trois fonctionnaires responsables. Mais pas question pour autant de renoncer à la politique de l’enfant unique. ÉTATS-UNIS

Rodney King est mort TERRIBLE COÏNCIDENCE. Héros malheureux d’une bavure policière qui, un an plus tard, en 1992, après l’acquittement de ses tortionnaires, allait provoquer de graves émeutes à Los Angeles, Rodney King venait de publier un livre racontant son histoire et, dans la foulée, avait accordé à Jeune Afrique une interview publiée dans notre dernier numéro. Le jour même de sa parution, le 17 juin, son corps sans vie a été retrouvé dans une piscine à Rialto (Californie). Il ne portait aucune trace de violence. Une autopsie a été ordonnée. N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012


Grand angle

ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.

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JEUNE AFRIQUE


Grand angle

SÉNÉGAL

Macky Sall « Avec moi, tout va changer » Méthode, relations avec Abdoulaye Wade, ambitions, législatives, audits, crise malienne… Dans sa première grande interview, le nouveau chef de l’État, élu le 25 mars dernier, se dévoile.

Propos recueillis à Kaolack par

K ð À SON DOMICILE DE DAKAR, le 27 février, au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle. Un mois plus tard, il était élu avec plus de 65 % des voix. JEUNE AFRIQUE

Marwane Ben Yahmed

aolack, le 14 juin. Le nouveau chef de l’État, Macky Sall, réunit son deuxième Conseil des ministres décentralisé, après celui de Saint-Louis. Une première dans l’histoire du pays, l’occasion d’emmener avec lui non pas quelques ministres, comme le font souvent les présidents africains pour démontrer qu’ils se soucient du pays profond, mais tout le gouvernement, dans des conditions de confort parfois spartiates, pour prendre le pouls de cet autre Sénégal, à moins de deux cents kilomètres de la capitale mais à près de quatre heures de route… Le cortège a quitté Dakar la veille de bon matin, le président – contraint d’utiliser son 4x4 personnel, car Abdoulaye Wade est parti avec plus d’une demi-douzaine de véhicules présidentiels – ayant souhaité faire une halte dans son fief de Fatick, où il n’a pas eu le temps de se rendre depuis son élection, pour transmettre sa charge de maire à son successeur. Il enchaîne les audiences, reçoit notables et représentants de la population, recueille mille et une doléances. Depuis la fin de l’ère Senghor, cette région du Saloum, jadis centre névralgique du commerce de l’arachide et du sel, a été délaissée. Les Sérères, l’ethnie majoritaire dans cette partie du Sénégal, ont beau avoir une réputation d’hommes honnêtes, travailleurs, fidèles et peu portés sur l’argent, leur patience a des limites. Et ils attendent énormément du nouveau président, ce Halpulaar, natif du Sine voisin, qui partage leur culture sérère. C’est dans le salon de la gouvernance (c’est ainsi qu’on appelle ici le bâtiment qui abrite les services du gouverneur) de Kaolack que Macky Sall nous a reçu pour répondre à nos questions, juste avant le Conseil des ministres programmé à 10 heures. La première grande interview accordée à la presse depuis son élection, le 25 mars dernier : sa conception du pouvoir et sa feuille de route, ce qu’il pense de Wade, les audits qu’il a lancés, les législatives du 1er juillet, les attentes des Sénégalais, les crises malienne et bissau-guinéenne, l’élection de François Hollande ou le procès Habré… Sans préparation aucune (il n’a demandé aucun protocole d’interview) et sans exiger de relire la version finale de l’entretien, le nouveau chef de l’État n’a éludé aucune question. Fidèle à lui-même: toujours zen, affable et décontracté. C’est aussi, son prédécesseur l’a appris à ses dépens, un homme sûr de lui et déterminé. Il faut toujours se méfier de l’eau qui dort… N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

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Grand angle

Sénégal

JEUNE AFRIQUE: Trois mois après votre élection à la présidence, dans quel état se trouve le Sénégal? Conforme au diagnostic, sévère, formulé pendant la campagne électorale ? MACKY SALL : Mes appréhensions ont hélas été

confirmées. Mon prédécesseur avait donné le ton, en expliquant durant la campagne que, compte tenu de la gravité de la situation, il serait le seul capable de diriger le Sénégal, précisant même que, s’il ne l’emportait pas, son successeur ne pourrait payer les salaires des fonctionnaires… Dieu merci, nous n’en sommes pas là. Les mesures drastiques que nous avons prises pour juguler l’énorme déficit budgétaire dont nous avons hérité, qui est désormais de 7,4 % du produit intérieur brut (PIB), ainsi que l’aide de nos partenaires nous permettent d’envisager l’avenir plus sereinement. Nous ramènerons ce déficit à 5 % dès 2013 puis à 4 % en 2015.

Comment comptez-vous incarner la rupture promise, vous qui avez tout de même participé, comme ministre puis chef du gouvernement, au régime d’Abdoulaye Wade et compte tenu de votre marge de manœuvre économique et financière pour le moins étroite ?

La rupture n’est pas qu’un slogan. C’est un comportement, celui que les dirigeants de ce pays doivent adopter. Humilité, sobriété et rigueur doivent régir notre action politique. Je vous assure qu’il s’agit bien là d’une rupture, profonde, avec les pratiques en vigueur sous mon prédécesseur… Avec moi, tout va changer. J’ai renoncé à deux ans de pouvoir, en ramenant le mandat présidentiel de sept à cinq ans et en m’appliquant immédiatement cette mesure, comme je m’y étais engagé. J’ai tenu, pour la première fois dans l’histoire de ce pays, à déclarer publiquement mon patrimoine, malgré les polémiques entretenues à dessein par mes adversaires. Visiblement, il vaut mieux ne rien publier et cacher son patrimoine, cela attire moins de problèmes. À la fin de mon mandat, je ferai le même exercice, et l’on pourra comparer… Les Sénégalais ont réclamé une gouvernance plus vertueuse, plus éthique. Nous avons l’obligation de rendre des comptes, de réduire le train de vie et les dépenses naguère somptuaires de l’État. J’ai, par exemple, pris la décision de vendre le second avion de la présidence. J’ai aussi trouvé un gouvernement composé de 38 ministres en arrivant, et je l’ai ramené à 25. C’est désormais l’un des plus réduits d’Afrique, et je vous assure qu’il aurait été plus simple pour moi de distribuer plus largement les maroquins. Enfin, j’ai décidé de mettre fin à un certain nombre de projets qui n’ont que très peu d’incidence sur le développement du pays et illustrent un gaspillage de nos ressources dont les Sénégalais ne veulent plus. J’ai supprimé plus de 60 agences et directions nationales dont l’utilité n’était pas avérée. Autant de coupes qui

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RAYMOND KHOURY/APANEWS

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DEPUIS LA PASSATION DES

PALAIS, le 2 avril à Dakar, le nouveau et l’ex-chef de l’État ne se sont pas revus. POUVOIRS AU

ne réduiront en rien l’efficacité du gouvernement et de l’administration, bien au contraire… Les Sénégalais souffrent et l’expriment. Ils éprouvent des difficultés à se nourrir, à se loger, à se soigner… Compte tenu de leurs attentes, immenses, ne craignez-vous pas de les décevoir ?

Je suis pleinement conscient de la difficulté de la tâche à laquelle nous sommes confrontés, mais je n’ai pas peur des défis. Il nous faut cependant, pour espérer changer les choses, modifier notre manière de gouverner et élaborer un nouveau paradigme en matière de conception de nos politiques de développement, avec plus d’efficacité. Il n’y a pas de miracle en la matière, seulement du travail, une vision, des compétences mises au service de l’optimisation de nos ressources. Pourquoi Taiwan, la Corée du Sud ou, plus près de nous, la Tunisie, qui étaient

Au sein de la coalition, nous discutons de tous les sujets. Mais, au final, c’est moi qui décide, seul. comparables au Sénégal au début des années 1960, ont-ils pu parcourir tout ce chemin et pas nous ? Pourquoi devons-nous toujours importer ce que l’on consomme dans nos assiettes ? Pourquoi ne pourrions-nous pas remplir les objectifs que nous nous fixons ? Rien ne sera simple. Il faudra beaucoup de sueur, de volonté, et consentir à certains sacrifices. J’ai pris des engagements durant la campagne et je mettrai tout en œuvre pour les tenir. Ensuite, les Sénégalais jugeront… JEUNE AFRIQUE


MACKY SALL en chasse aux sorcières. Quel est l’objectif réel et quelles en sont les limites ?

Vous avez bien fait de préciser qu’il ne s’agit pas là de l’audit d’un régime mais de celui d’une gestion. Nous ne sommes pas là pour salir qui que ce soit. Nous nous intéressons donc uniquement aux actes posés, aux chantiers lancés et aux projets mis en œuvre. Certains de ces audits ont été transmis à la justice lorsque de sérieux doutes existent relatifs à des fautes graves ou à des délits. D’autres ont été

J’aurais préféré que Wade se mette au service de notre pays plutôt que de son parti, ou de ce qu’il en reste…

Prochaine étape, les élections législatives, qui se dérouleront le 1er juillet. Qu’en attendez-vous? Ne craignez-vous pas la revanche du PDS d’Abdoulaye Wade, qui n’a pas l’air de vouloir prendre sa retraite ?

Mon seul objectif est évidemment d’obtenir la majorité au Parlement, ce qui serait la suite logique de la confiance que m’ont témoignée les Sénégalais le 25 mars dernier. Un président sans majorité n’a pas la possibilité de gouverner, et nous nous retrouverions dans une sorte d’impasse. Mes compatriotes le savent…

Comptez-vous revoir la composition du gouvernement à l’issue de ce scrutin ?

Sauf surprise liée aux résultats, il n’y a aucune raison de la changer. J’ai nommé un gouvernement composé de personnalités qui disposent des compétences requises et qui sont issues de la coalition qui m’a porté au pouvoir. Certains pensent que vous pourriez être prisonnier de cette coalition. D’autant que cet attelage entre libéraux et socialistes paraît bancal…

Je ne suis prisonnier de rien du tout. Je suis à la tête de cette coalition, et c’est moi qui ai été élu par les Sénégalais. Chacun a un rôle à jouer, mais chacun connaît les limites de son rôle. Nous échangeons beaucoup, nous discutons de tous les sujets d’importance, mais au final c’est moi qui décide, seul.

Vous avez lancé une vague d’audits destinés à faire la lumière sur la gestion du pays pendant les années Wade (2000-2012), en précisant toutefois que vous ne souhaitiez pas qu’ils se transforment JEUNE AFRIQUE

lancés par Wade lui-même. La seule chose qui nous intéresse, c’est que les erreurs du passé ne se reproduisent pas. En outre, il me semble logique lorsqu’on arrive au pouvoir de procéder à un état des lieux, sans aucun procès d’intention. Les grands chantiers de Wade, comme entre autres l’aéroport Blaise-Diagne, ont englouti d’énormes ressources. Comment les contrats ont-ils été signés? Sur quelles bases ? Où en est l’exécution ? Comment l’argent public a-t-il été dépensé? Autant de questions qu’il nous faut poser pour décider de la marche à suivre. Tout cela n’a rien d’extravagant, c’est même logique. Y aura-t-il des personnalités intouchables? Wade lui-même ou certains de vos proches ?

Personne n’est au-dessus des lois. Le temps de l’impunité est révolu.

Que pensez-vous de la proposition d’Abdoulaye Wade d’étendre la période examinée par ces audits jusqu’à l’indépendance ?

Cela me fait rire… Pourquoi ne l’a-t-il pas fait lorsqu’il est arrivé au pouvoir, en 2000 ? Ah si, j’oubliais, il a lancé des audits dès son élection, contre des dignitaires du Parti socialiste. Leur choix était simple : se convertir au nouveau pouvoir ou la prison. Franchement… Wade vous a-t-il surpris en quittant le pouvoir et en redevenant chef de l’opposition ?

Oui. Le statut d’ancien chef de l’État impose respect et considération. Mais aussi un certain devoir de réserve. À partir du moment où l’on fait fi de cet équilibre pour s’inscrire dans l’opposition – ce qui n’est pas franchement une sinécure en Afrique, je suis bien placé pour vous en parler –, on s’expose. J’ai toujours respecté son parcours personnel, remarquable au sens propre du terme, et je ne souhaiterais pas qu’il soit traité comme un opposant. Il est d’un certain âge, les temps ont changé et les Sénégalais ont tourné la page. N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

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Grand angle

Sénégal

Je me garde de polémiquer avec lui, je n’en ai pas le temps. Ce qui me préoccupe, c’est de conduire le Sénégal à bon port, pas le sort de Wade. Mais il est vrai que j’aurais préféré qu’il mette son expérience au service de notre pays plutôt que de son parti, ou de ce qu’il en reste…

le temps d’une citoyenneté moderne, beaucoup plus connectée à ce qui se passe ailleurs dans le monde. Ce que définissait, en somme, Senghor quand il parlait d’enracinement et d’ouverture. Une évolution que les Asiatiques, par exemple, ont su mener. « NTS: nouveau type de Sénégalais » est une expression inventée par les jeunes du mouvement Y’en a marre pour exprimer le besoin de changement des mentalités et des comportements. Selon vous, sur quoi doivent reposer ces changements? Quel est le portrait-robot, si l’on peut dire, de ces nouveaux Sénégalais?

Entretenez-vous des relations depuis votre arrivée à la présidence ?

Depuis la passation des pouvoirs, où tout s’est passé comme si de rien n’était, non, pas directement. Mais si nous devions nous retrouver, disons au hasard de nos agendas respectifs, je n’aurais aucun problème à discuter avec lui.

IBA DIALLO/PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

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La seule solution pour l’armée malienne est de coopérer avec la force d’intervention. Pourriez-vous travailler avec son fils, Karim ?

Je ne souhaite pas personnaliser les débats. Et la question ne se pose même pas. D’un côté, une jeunesse ouverte sur le monde, dynamique mais exaspérée. De l’autre, le poids des traditions, des castes et des confréries. Comment réconcilier ces deux faces du Sénégal ?

Le Sénégal est un pays à l’alchimie complexe. Le poids des traditions, effectivement, y côtoie l’influence de l’ouverture et de la modernité. Mais nous avons toujours su gérer ces impératifs. Et ce n’était pas simple: l’islam a trouvé chez nous une culture traditionnelle africaine solidement ancrée, avec laquelle il a dû cohabiter. Puis est arrivé le christianisme et, enfin, la colonisation. Une accumulation d’influences parfois contradictoires. Le monde évolue extrêmement rapidement, et avec l’impact des nouvelles technologies, de la révolution informatique ou l’émergence de nouvelles générations, le poids des traditions aura tendance, inévitablement, à diminuer, sans pour autant disparaître. Arrivera alors N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

Il faut rendre hommage à ce mouvement Y’en a marre, issu des cultures urbaines et du hip-hop, qui s’attache au changement des mentalités, qui s’adresse au chef de l’État comme aux jeunes des banlieues, et qui tente de faire évoluer notre société. Il prône le civisme, le respect du bien commun, la responsabilisation des citoyens, l’intérêt collectif, la solidarité entre les générations, le respect des droits fondamentaux dans un État de droit, etc. Je suis entièrement d’accord avec eux sur ces points, qui ne sont pas des détails et qui peuvent sembler être des évidences. C’est pourtant loin d’être la réalité sénégalaise, alors que nous devrions tendre vers cela. Pour une fois que ce ne sont pas des dirigeants qui assènent ces objectifs…

La crise de votre voisin malien s’enlise : le Nord est toujours aux mains des indépendantistes touaregs du MNLA, des islamistes d’Ansar Eddine et des djihadistes d’Aqmi; le Sud, lui, entre celles du capitaine putschiste Amadou Haya Sanogo. La perspective d’une intervention militaire, réclamée par la Cedeao, se précise. Êtes-vous pour ou contre ?

Je suis évidemment pour. Ce qui se passe au NordMali dépasse le simple cadre national et menace la stabilité régionale. À la situation que vous avez décrite, j’ajouterais le développement de nombreux trafics, dont celui de la drogue, qui ne fait qu’emmêler un peu plus un écheveau déjà inextricable. L’Union africaine, avec la Cedeao et le Conseil de sécurité, doit de toute urgence voter une résolution d’interposition pour, d’une part, restaurer réellement la légalité républicaine et institutionnelle en sécurisant les autorités de la transition et en leur donnant les moyens de leur mission, et, d’autre part, recouvrer l’intégrité territoriale en reprenant la partie septentrionale du Mali. Dans le Sud, le maître du jeu semble toujours être le capitaine Sanogo, surtout depuis l’agression dont a été victime le président de la transition, Dioncounda Traoré. Peut-on réellement discuter avec lui ?

Nous avons discuté avec le capitaine Sanogo juste après le coup d’État. Et grâce à la médiation burkinabè, nous avons pu éviter le pire. Aujourd’hui, des autorités de transition ont été nommées et c’est avec elles qu’il faut discuter. Je condamne d’ailleurs de la manière la plus ferme l’agression barbare et sauvage dont a été victime le président Traoré. La seule solution pour l’armée malienne est de coopérer avec la force JEUNE AFRIQUE


SEYLLOU/AFP

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! LE 4 FÉVRIER, l’opposition demande le retrait de la candidature d’Abdoulaye Wade à la présidentielle (de g. à dr. : Alioune Tine, Youssou Ndour, Macky Sall, Moustapha Niasse, Talla Sylla, Amath Dansokho, Idrissa Seck, Cheikh Tidiane Gadio, Tanor Dieng et Cheikh Bamba Dièye). Aujourd’hui, le chef de l’État doit gouverner avec l’ensemble de ces partenaires.

d’intervention qui sera mise en place, dont elle doit être le cœur. Autre voisin, autre crise, en Guinée-Bissau. Comment, selon vous, en est-on arrivé là ?

Ce pays vit un véritable drame. Depuis son indépendance, il cumule les échecs alors que son potentiel est réel. Premier problème : le poids de son armée, pas franchement composée de militaires, disons, « modernes », mais qui tire cependant sa légitimité de la guerre de libération. Deuxième problème: la drogue et les narcos. À cela s’ajoutent un véritable parti-État pris de convulsions politiques, une Constitution qui ne facilite rien puisqu’elle instaure un bicéphalisme de fait à la tête de l’exécutif et donc des tensions quasi permanentes… L’instabilité est chronique. La Cedeao est cependant là aussi intervenue rapidement et a déployé une force d’interposition, les Angolais sont partis. Je viens de recevoir le président de la transition, Manuel Serifo Nhamadjo. Je lui ai promis que nous ferons tout pour les aider, dans le cadre de la Cedeao. La route est longue. Pour l’instant, il me semble que nous empruntons la bonne voie… Le procès de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré, qui vit en exil au Sénégal, confine de plus en plus au serpent de mer. C’est peu dire que votre prédécesseur a peu fait pour qu’il réponde enfin de ses actes devant la justice. Vous avez décidé de créer un groupe de travail chargé d’étudier les modalités de son procès. Certains, notamment parmi les familles des victimes, craignent que l’on perde encore un temps précieux et que, finalement, il ne soit jamais jugé…

Je viens seulement d’arriver, il est donc normal que je me penche d’abord sur ce dossier sensible et tente de comprendre pourquoi nous en sommes encore

JEUNE AFRIQUE

là. Ce comité est justement chargé de faire toute la lumière sur cette affaire et d’étudier les contraintes qui se posent à nous, sachant que j’exclus d’office son extradition vers la Belgique, qui le réclame. Il n’y a aucune raison valable de ne pas le juger en Afrique, et je rappelle d’ailleurs que c’est l’Union africaine qui a donné mandat au Sénégal d’organiser ce procès. Habré sera jugé ici.

Il n’y a aucune raison de ne pas juger Hissène Habré en Afrique. Sitôt arrivé à la présidence, vous avez déclaré vouloir redorer le blason de la politique étrangère du Sénégal. Qu’entendez-vous par là ?

En diplomatie, il faut déjà commencer par une bonne gestion de son voisinage immédiat. Le Sénégal est entouré de pays qui traversent des crises importantes, et nous devons restaurer la confiance avec ces voisins. Idem avec la Mauritanie, un pays important pour nous, où je me rendrai sitôt les législatives terminées pour rencontrer le président Abdelaziz. La Gambie, elle, se trouve au sein de notre territoire. Elle partage en grande partie la même langue, les mêmes ethnies, et a une influence naturelle sur la Casamance. C’est en partie pour ces raisons que j’y ai effectué ma première visite officielle. Pour l’instant, même si je suis le petit dernier au sein du club des présidents en exercice, je m’entends bien avec chacun des chefs d’État de la région… Au contraire de votre prédécesseur Abdoulaye Wade…

[Rires.] Franchement, je ne veux pas parler de mon prédécesseur, et ce qui se passait avant ne m’intéresse

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Sénégal

pas. Ce qui m’importe, c’est le présent, donc les relations que j’entretiendrai avec mes voisins. Nous sommes tous dépendants les uns des autres. Autant que cela se passe bien, dans l’intérêt de tous. Vous allez participer, à la mi-juillet, à votre premier sommet de l’Union africaine. Le duel pour la présidence de la Commission entre le Gabonais Jean Ping et la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma a largement perturbé le précédent sommet et semble bloquer l’institution, sans que l’on sache ce qui pourrait advenir à Addis-Abeba. Quelle est votre position ?

La Cedeao s’est déjà exprimée : nous soutenons Jean Ping. Maintenant, cette position doit être clarifiée lors d’un prochain sommet de l’institution régionale, à Yamoussoukro, les 28 et 29 juin prochains. Il n’y a ! LE 14 JUIN aucune raison que notre position évolue, mais vous À KAOLACK, lors comprendrez que j’attendrai l’issue de cette réunion de l’entretien.

et par l’émergence d’un terrorisme international que nous peinons à endiguer. La zone sahélienne s’est muée en « Africanistan ». Nous avons échangé à deux reprises depuis son élection, sur les relations bilatérales et sur les risques auxquels est confrontée notre région. Sa démarche est empreinte de respect et l’esprit est nouveau: un véritable partenariat dans lequel chaque partie s’y retrouve. Quelle est votre principale fierté dans la vie ?

D’avoir su écouter et appliquer l’éducation que mes parents m’ont prodiguée: respecter les autres, ne jamais être envieux, faire preuve d’abnégation, fournir les efforts nécessaires à la réalisation de ses objectifs. Mais j’ajouterai désormais : avoir su ne compter sur personne. Ni papa, ni maman, ni même, et je dirais surtout, sur un quelconque mentor. Ce qui signifie : croire en sa légende personnelle, comme l’a écrit Paulo Coelho dans L’Alchimiste, un ouvrage qui m’a beaucoup marqué. Je sais que le destin joue évidemment dans tout ce qui est arrivé, mais j’ai fait ma part du « job », comme on dit: croire en moi et me donner les moyens d’aller au bout de mes convictions. Et je vous assurequecelan’ajamaisétéuneévidence…

IBA DIALLO/PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

Et votre principal regret ?

Avoirperdumesparents.Ilsn’ontpuêtreà mescôtéslorsquej’aiaccédéàlaprésidence. On ne peut pas tout avoir dans la vie… Quel est le personnage historique qui vous a le plus marqué ?

Je ferai tout pour rester le même homme, j’espère que mon entourage m’y aidera… pour me prononcer définitivement et officiellement. Les uns et les autres nous ont approchés. L’essentiel, c’est que l’UA ne soit plus paralysée. Le nouveau chef de l’État français, François Hollande, a été élu peu de temps après vous. Les similitudes entre vous sont nombreuses : vous n’étiez pas particulièrement attendus il y a un an de cela, les attentes de vos populations respectives sont très fortes, vous êtes discrets et revendiquez votre « normalité »… Qu’attendez-vous de lui ?

M. Hollande a son style et son caractère. Je regrette que certains confondent humilité avec faiblesse. Il est, je crois, surtout efficace. Son arrivée au pouvoir survient dans un contexte particulier, marqué par deux coups d’État sur le continent, au Mali et en Guinée-Bissau, N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

Celavavousparaîtrecurieuxpourunlibéral, mais je dirais Mao Zedong. Le monde rural est fondamental, il le sera encore plus demain. Mao l’avait compris. Son abnégation, son engagement et sa persévérance m’ont profondément marqué. Sur un autre plan, le général de Gaulle est une autre référence pour moi. Il a fait un choix difficile, celui d’oser la bataille pour la libération de la France quand tant d’autres de ses collègues de l’état-major français ont capitulé. Un acte héroïque qui aurait pu rester sans lendemain. Mais il a obtenu ce qu’il recherchait, sans jamais cesser d’y croire, alors que les circonstances étaient pour le moins défavorables. Le pouvoir corrompt, dit l’adage. En êtes-vous conscient et comment comptez-vous l’éviter ?

J’en suis pleinement conscient, dire le contraire serait naïf. J’ai déjà exercé le pouvoir, à des échelons inférieurs certes, et j’ai déjà été confronté aux sirènes de l’argent facile. Mon éducation fait que je suis relativement insensible aux fastes et aux lambris dorés. Mon ego n’a jamais été surdimensionné et, jusqu’à présent, j’ai toujours gardé les pieds sur terre. Je ferai tout pour rester le même homme et j’espère de tout cœur que mon environnement, familial, amical ou professionnel, m’y aidera… ● JEUNE AFRIQUE



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Afrique subsaharienne

CÔTE D’IVOIRE

La réconciliation

impossible? Difficile de faire la paix, un an après la fin de la crise postélectorale. Les attaques répétées dans l’Ouest et la violence du débat politique à Abidjan n’aident pas. Pas plus que les accusations de complot portées contre des proches de l’ancien président.

PASCAL AIRAULT

D

iéhiba, Para, Saho, Sakré… Des villages attaqués les uns après les autres. La frontière avec le Liberia n’est pas loin et, en moins de deux mois, vingt-huit personnes (vingt civils, sept Casques bleus nigériens et un militaire) ont été tuées au cours de raids menés par des hommes en armes. Un an après la fin de la crise postélectorale, les violences ne se sont pas tues dansl’extrêmeouestdelaCôted’Ivoire,compliquant le travail des humanitaires et le retour des réfugiés et des déplacés de guerre. Selon les Nations unies, 140000d’entreeuxdevaientpourtantrejoindreleurs villages cette année. À Abidjan, pouvoir et opposition se renvoient la responsabilité de ces attaques. Si l’ONU reste prudente sur l’identité de leurs commanditaires, l’ONG Human Rights Watch (HRW) y voit la main d’anciens combattants pro-Gbagbo et de mercenaires libériens. Ces derniers seraient près de 400, qui s’entraîneraient dans des camps au Liberia et y recruteraient des enfants-soldats avant de passer la frontière. L’argent, ce sont d’anciens caciques du régime de Laurent Gbagbo qui le leur fourniraient. Ils le trouveraient aussi en exploitant des mines d’or artisanales. Ils auraient également de nombreuses caches d’armes en Côte d’Ivoire, dissimulées dans la forêt ou dans les villages. La végétation est dense, la frontière est poreuse et les assaillants passent facilement d’un pays à l’autre, compromettant les efforts de réconciliation. Les autorités ivoiriennes ont d’ailleurs affirmé, début N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

juin, avoir déjoué un putsch ourdi par des proGbagbo en exil (lire p. 37). L’Ouest a toujours été une région difficile. Ses populations ont d’abord résisté au colonisateur français avant de défier l’autorité du président Félix Houphouët-Boigny. Depuis vingt ans, les conflits fonciers opposent autochtones, allochtones et allogènes originaires du Burkina Faso et du Mali venus travailler dans les plantations de cacao et d’hévéas. Lesagriculteursétrangersontparfoisétéchassésdes terres qu’ils cultivaient. Après septembre 2002, des affrontements sanglants ont opposé des miliciens pro-Gbagbo et des rebelles venus du Nord. « C’est le carrefour de la haine », explique le professeur Francis Akindès, de l’université de Bouaké. Fidèles à Laurent Gbagbo, les natifs de larégion ont beaucoup perdu à la faveur de la crise postélectorale: nombre d’entre eux se sont vus chassés de leurs maisons et de leurs terres, à l’exemple des Oubis, expropriés au profit de nouveaux arrivants. KALACHNIKOVS. L’installation des étrangers et des

travailleursagricolesoriginairesduNordestappuyée par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI, dont le commandement est assuré dans la région par Losseni Fofana, dit Loss, un ex-rebelle) et par les Dozos, ces chasseurs traditionnels d’Afrique de l’Ouest qui ont troqué leurs vieux fusils contre des kalachnikovs. Ces derniers seraient aujourd’hui 10000,contreunpetitmillieravantlacrise:ilsrègnent en seigneurs de guerre et font payer un droit de protection aux nouveaux arrivants. En ville, c’est la même chose. Les commerçants doivent verser leur obole. « Sous l’ancien régime, les étrangers craignaient les miliciens pro-Gbagbo, explique un cadre onusien. Aujourd’hui, les autochtones redoutent les exactions des FRCI et des Dozos, c’est-à-dire les vols, les viols, les tortures et les exécutions sommaires. » Il y a aussi les miliciens burkinabè installés avec les hommes dans les forêts classées de l’Ouest. Parmi eux:IssiakaTiendrébéogoetAmadéOuéremi–lequel est soupçonné par HRW d’avoir joué un rôle dans les massacres de Duékoué, en mars 2011. « Ces mercenaires de guerre sont connus mais jamais interpellés », dénonce Laurent Akoun, le ● ● ●

! PATROUILLE DE L’ARMÉE À PROXIMITÉ DE PARA, un village proche du Liberia attaqué le 8 juin. JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

ISSOUF SANOGO/AFP

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JEUNE AFRIQUE

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Afrique subsaharienne ● ● ● secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI, parti de Laurent Gbagbo). Surtout, reconnaîton à Abidjan, ils entretiennent avec les FRCI un système d’activités illégales mais fort lucratives : trafic d’armes, exportation de cacao vers le Burkina Faso, exploitation aurifère, forestière, et vente de terres.

DIALOGUE DE SOURDS. La police et la gendarmerie

ont bien commencé à se redéployer dans la région, mais leurs hommes ne sont pas armés. Pour tenter de régler les conflits et d’apaiser les tensions, le ministèredel’Intérieuraégalementcréédescomités d’alerte rapide composés de chefs traditionnels et de représentants des autorités locales, des partis politiquesetdela sociétécivile. Avec peude résultats pour l’instant. Les préfets s’impliquent, eux aussi, dans la réconciliation, mais les autochtones n’ont guère confiance : leur champion est emprisonné à La Haye, et les fils de la région (Alphonse Voho Sahi, ex-conseiller et plume de Gbagbo, et Marcel Gossio, ancien puissant directeur du port d’Abidjan) sont en exil. Pour ne rien arranger, ils subissent chaque jour arrestations arbitraires, rackets et vexations en tout genre. Sur le plan national, le dialogue entre le pouvoir et l’opposition n’enregistre pas plus d’avancées

! LE VILLAGE DE SAKRÉ a été la cible de plusieurs attaques ces dernières semaines. Plus de 20 personnes y ont été tuées.

Dans la région, ils règnent en maîtres !

Issa Ouedraogo

Daloa

Gregbeu

Duékoué

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Issiaka Tiendrebeogo Zagné

Kouanda Lassane

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Guibéroua Lac de Buyo

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CÔTE D’IVOIRE

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100 km

UNE DIZAINE de seigneurs de guerre fidèles à l’ancien président Gbagbo ou bien ralliés aux Forces armées de Côte d’Ivoire (FRCI) font régner la terreur près de la frontière avec le Liberia. N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

significatives. Hamed Bakayoko, le ministre de l’Intérieur, reçoit régulièrement, dans un cadre plus ou moins formel, les anciens fidèles de Gbagbo. Mais le FPI, qui a boycotté les législatives de décembre 2011, exige toujours la libération de tous « ses » prisonniers, le dégel de leurs avoirs, le retour des exilés volontaires… Les plus radicaux demandent la libération de Gbagbo et la réorganisation des dernières élections. Des exigences jugées aberrantes par le pouvoir. « Pour dialoguer, il faut être deux, explique un proche du président Alassane Ouattara. Les cadres du FPI ne sont pas disposés à s’accorder sur quoi que ce soit au niveau politique. » Dans ce dialogue de sourds, les durs des deux camps, toujours animés par un esprit de vengeance, mènent la danse, et les modérés n’arrivent pas à imposer leurs vues. La participation de l’opposition – qui n’est représentée que de manière marginale à l’Assemblée nationale – aux élections municipales et régionales programmées fin 2012 est donc très incertaine. Rien de tout cela ne facilite la tâche de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR), présidée par l’ancien Premier ministre Charles Konan Banny. Installée en grande pompe à Yamoussoukro en septembre, celle-ci avance en terrain miné. Censée être financièrement autonome et juridiquement indépendante, elle a tenu plusieurs missions consultatives, mais peine à rassembler les financements des bailleurs de fonds. Du coup, son déploiement sur le terrain, à travers la création de 36 commissions locales, n’a pas encore débuté. C’est pourtant de cette manière que seront recueillis les témoignages des victimes et que des réparations pourront être accordées. « La réconciliation est sur de très mauvais rails », confie un diplomate ouest-africain. Début juin, devant les blocages, Banny a envoyé JEUNE AFRIQUE


LUC GNAGO/REUTERS

Afrique subsaharienne un de ses émissaires rencontrer Laurent Gbagbo, postélectorale. Toutes faisaient partie ou étaient à La Haye, pour jauger son état d’esprit. Difficile proches du régime de Laurent Gbagbo. Ce qui n’a fait que renforcer le sentiment d’une justice de toutefois d’envisager de l’impliquer dans le provainqueurs et d’une situation d’impunité pour cessus de réconciliation tant qu’il sera derrière les barreaux et que les pires charges les forces qui ont porté Ouattara (crimes de guerre et crimes contre au pouvoir. Pour la société civile, « L’ouest de la toutes les questions sont intimel’humanité) pèseront sur sa tête. Côte d’Ivoire, Lors d’un séminaire de la CDVR, ment liées. « La réconciliation c’est le carrefour nationale passe par une remise à Bouaké, les participants ont de la haine. » également évoqué la possibilité à plat de tous les problèmes, plaide N’Gouan. Il faut trouver d’une amnistie pour les crimes FRANCIS AKINDÈS, postélectoraux, ce qui permettrait un consensus sur les questions de université de Bouaké de libérer la parole et d’aider à justice, de sécurité et de refonte la manifestation de la vérité. « Je n’y suis pas de l’armée, de règlement des problèmes fonciers, favorable sans concertation préalable ni accord de politique d’immigration et de naturalisation, national, réplique Patrick N’Gouan, président de relance de l’emploi. » Les représentants de la de la Convention de la société civile ivoirienne. société civile ont rencontré le président Ouattara Les victimes ont droit à la justice. » le 16 mai au palais présidentiel d’Abidjan. « Il À ce jour, 148 personnes ont été formellement paraît plus ouvert au dialogue, conclut N’Gouan. accusées de crimes commis pendant la crise Gbagbo, lui, ne nous avait jamais reçus. » ●

Conspirateurs et… pieds nickelés Des procès-verbaux d’audition dont Jeune Afrique a eu copie attestent l’existence d’un ou de plusieurs complots… plus ou moins bien préparés en amont.

A

mateurisme, inorganisation, rivalités internes et une dose de mysticisme… Si l’on en croit les documents saisis par la police sur deux militaires proches de l’ex-président Gbagbo arrêtés ces derniers mois en Côte d’Ivoire ainsi que les procèsverbaux d’interrogatoires, les opposants en exil, pour déterminés qu’ils soient à reconquérir le pouvoir perdu, paraissent plus proches des pieds nickelés que des redoutables conspirateurs décrits par le pouvoir. Un rapport de la direction des renseignements généraux dont J.A. a pris connaissancefaitainsiétatd’uneopération « Esaïe 60 » (nom de code tiré d’un texte biblique), dont certains détails, passablement confus, auraient été saisis sur l’ancien aide de camp de Simone Gbagbo, le commandant Séka Yapo (dit Séka Séka), lors de son arrestation à bord d’un avion en transit à Abidjan, le 15 octobre 2011. Ce plan qui, si l’on en croit ce rapport, visait à « l’extraction du couple Golf plus collaborateurs » (Laurent et Simone Gbagbo, alors en résidence surveillée dans le Nord) est extrêmement vague, voire surréaliste, avec un « inventaire de forces amies » composées de troupes ougandaises, sud-soudanaises et sud-africaines. Il y JEUNE AFRIQUE

est également question de commandes d’armes via un général de gendarmerie de Guinée-Conakry nommément cité et d’un certain nombre de sociétés-écrans sises à Abidjan et favorables à la « cause ». RÉUNION SECRÈTE. Plussérieuxetsignificatifsembleêtreleprocès-verbald’audition par le directeur de la DST, le commissaire Diomandé Inza, du lieutenant-colonel Paulin Gnatoa Katé, interpellé le 8 mars dernier à Grand-Bassam accompagné de trois hommes, alors qu’il s’était introduit clandestinement en Côte d’Ivoire en provenance du Ghana. Gnatoa, 47 ans, n’est pas un inconnu: il était l’un des patrons du groupe de sécurité présidentielle de Laurent Gbagbo et était à ses côtés dans son bunker, avant de prendre la fuite avec des mercenaires libériens. Selon le PV, signé par l’intéressé, il aurait été recruté à Accra par le pasteur Moïse Koré, célèbre guide spirituel du couple Gbagbo, puis mis en présence de trois anciens ministres du dernier gouvernement de Laurent Gbagbo lors d’une réunion secrète tenue dans la capitale ghanéenne le 19 novembre 2011: Justin Koné Katinan (venu du Cameroun), Richard Kouamé Sécré et Amara Touré. L’opération « Faucon rouge », dont les détails ont été discutés au cours de cette

rencontre, prévoyait une triple offensive contrelepouvoirenplaceàAbidjanàpartir des frontières ghanéenne et libérienne ainsi qu’à l’intérieur de la Côte d’Ivoire, en utilisant une force d’assaut hétéroclite composée de militaires en exil, de démobilisés des forces ivoiriennes et de mercenaires libériens. Plusieurs officiers, figures connues de la galaxie sécuritaire du présidentdéchuetréfugiéesauGhana,sont de la partie, selon Gnatoa: le commandant Abehi (ex-chef de l’escadron blindé de la gendarmerie),lecapitaineZadi(quidirigea le blocus du Golf Hôtel pendant la crise postélectorale), les colonels Gouanou et Dadi Tohourou, les commissaires Loba, Gnahoua et Djédjé Gbagro, etc. Il est questionégalementd’argent,decachesd’armes et de commandes de matériel en Ukraine. Tout ce petit monde d’exilés baigne dans un climat de paranoïa et de suspicion mutuelle.Quantàlafacilitéapparenteavec laquelle ces opposants entrent en Côte d’Ivoire puis en ressortent, elle en dit long sur la porosité de la frontière ghanéenne. Reste que si l’authenticité des deux documents auxquels J.A. a eu accès ne fait pas de doute, il convient de préciser que les déclarations de Gnatoa Katé ont été recueillies hors procédure judiciaire et sans la présence d’avocats. Ce dernier, tout comme Séka Séka, est aujourd’hui détenu à Abidjan dans le cadre d’une enquête préliminaire conduite par le procureur militaire Ange Kessy Kouamé. ● FRANÇOIS SOUDAN N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

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Afrique subsaharienne

JEAN-CLAUDE ABALO

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ð RASSEMBLEMENT LE LONG DE

LA LAGUNE,

le 12 juin. TOGO

Citoyens ou opposants?

Les manifestations organisées depuis mi-juin ont donné une visibilité nouvelle à des partis politiques en perte de vitesse.

M

anifestations à Lomé, échauffourées, arrestations… En quelques jours, le collectif Sauvons le Togo (CST) a réussi à attirer l’attention des médias. « Mouvement citoyen » selon ses fondateurs, il est pourtant accusé d’être une plateforme purement politique par ses détracteurs. Tout a commencé avec l’adoption, le 25 mai, d’un code électoral que le CST juge favorable au parti au pouvoir avant les législatives qui doivent se tenir en octobre. Le collectif tente alors d’obtenir le retrait du texte et appelle à une série de manifestations pacifiques. Celles-ci devaient se tenir les 12, 13 et 14 juin à Lomé – les protestataires rêvant de faire du carrefour Deckon, dans la capitale, une nouvelle place Al-Tahrir. Mais dès le premier jour, tout dégénère: des casses et des affrontements font des blessés dans les rangs des forces de l’ordre et dans ceux des manifestants. Inaudible ces derniers mois, l’opposition togolaise vient ainsi de gagner une visibilité nouvelle. Un proche du pouvoir regrette d’ailleurs que le collectif, « qui dit se battre pour les droits de l’homme, [ait] des revendications qui, curieusement, sont toutes politiques ». Pour Jean-Pierre Fabre, leader de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) et candidat malheureux à la présidentielle de 2010, « ce débat N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

est inutile ». Ancien bras droit de Gilchrist Olympio, le patron de l’Union des forces de changement (UFC), Fabre trace son propre chemin depuis que son ex-mentor a conclu un accord avec le pouvoir. Il assure qu’il est « réducteur de ramener les revendications du CST au seul retrait du code électoral », puisque le collectif dénonce aussi la mauvaise gouvernance et le manque d’indépendance de la justice, et réclame le retour des députés de l’ANC sur les bancs de l’Assemblée nationale. Qu’est donc le CST ? Créé le 4 avril, il regroupe huit associations de défense des droits de l’homme et de la société civile, ainsi que six partis politiques, dont l’ANC et Obuts, la formation d’Agbéyomé Kodjo, ex-président de l’Assemblée nationale et ex-Premier ministre. De fait, il se concevait à l’origine comme un regroupement

Jil-Benoît Afangbédji (respectivement rapporteur général et trésorier général), sont, comme Ajavon, des avocats qui défendent Kpatcha Gnassingbé, le demi-frère du chef de l’État, condamné en septembre dernier à vingt ans de réclusion pour une tentative de coup d’État. LIMITÉS. Début2012,laCommissionnatio-

nale des droits de l’homme a affirmé dans son rapport que Kpatcha et ses coaccusés avaient été torturés. C’est sur ce point que les avocats ont d’abord cherché à attirer l’attention, avant même la création du CST. « Nous avons organisé plusieurs manifestations, mais nous étions limités dans nos actions. Nous avons donc estimé qu’on pouvaitmettreensembletousceuxquisont concernés parnos revendications », justifie Ajavon. Soupçonné de vouloir récupérer un mouvement de société civile à des fins politiques, ce dernier rejette l’accusation, sans parvenir à convaincre ses adversaires. « Son objectif inavoué, c’est de récupérer une partie de l’électorat du parti au pouvoir qui serait divisé par l’affaire Kpatcha », estime un proche du chef de l’État. Car s’il est une personnalité politique en vue au Le collectif Sauvons le Togo Togo depuis la création du demande l’abrogation du code CST, c’est bien lui. Avocat, électoral adopté le 25 mai. professeur de droit à l’université de Lomé, ex-député d’organisations de défense des droits du parti de l’ancien Premier ministre de l’homme, explique Zeus Ajavon, son Edem Kodjo, l’Union togolaise pour la coordonnateur, mais il a fini par rassemdémocratie (UTD), Ajavon est, à 67 ans, bler plusieurs des figures de l’opposition parvenu à revenir sur le devant de la scène traditionnelle. politique locale. Preuve de cette visibilité À Lomé, on n’a pas manqué de remarretrouvée, il a été reçu par le président, quer que deux des principaux meneurs du Faure Gnassingbé, avant la manifestation CST, Raphaël Nyama Kpandé-Adzaré et du 12 juin. ● STÉPHANE BALLONG JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne Il nous a rendu visite au 57 bis

Anatole Collinet Makosso À la force du poignet

VINCENT FOURNIER/J.A.

E

N CETTE FIN D’APRÈS-MIDI, Anatole Collinet Makosso, 47 ans, arrive au siège de Jeune Afrique. La surprise est de taille: avec quarante-cinq minutes d’avance sur l’heure du rendez-vous, il est plus que ponctuel! Ministre de l’Éducation civique et de la Jeunesse du CongoBrazzaville depuis août 2011, ce natif de Pointe-Noire a connu un parcours dans lequel la formation aura été le fil conducteur. Instituteur, licencié en droit public, professeur de lycée… Dès 1998, il est nommé conseiller à la présidence de la République. Protégé d’Antoinette Sassou Nguesso, l’épouse du chef de l’État, à laquelle il est très dévoué, il devient son directeur de cabinet. Ce qui ne l’empêche pas de passer deux ans à l’École nationale d’administration et de magistrature, avant d’être promu substitut du procureur de la République près le tribunal de première instance de Brazzaville. Il perfectionne sa formation au Centre

Ministre de l’Éducation civique et de la Jeunesse du Congo

d’études diplomatiques et stratégiques de Paris, à l’Institut d’études diplomatiques du Caire, avant de soutenir une thèse de doctorat en droit international à l’université Panthéon-Assas. « Alors que j’étais déjà dans la vie professionnelle, j’avais toujours l’impression qu’il y avait, dans ma vie, quelque chose d’inachevé, explique-til. J’étais complexé à l’égard de ceux qui en savaient plus que moi. J’ai fini

par comprendre que rien ne vaut une bonne formation. » Pour la première fois ministre,Anatole Collinet Makosso a une idée précise de sa mission: « Le président a bien défini les choses en me confiant le portefeuille de l’Éducation civique et de la Jeunesse. Il n’a pas dit “éducation civique de la jeunesse” pour une simple raison: cela concerne tout le monde. » Son action comprend trois volets : l’éducation morale, l’éducation civile et l’éducation à la citoyenneté. Il dit vouloir inculquer à ses compatriotes le goût des valeurs anciennes et le respect des symboles de l’État, des droits et des devoirs du citoyen. « Il faut amener les Congolais à renoncer aux antivaleurs, à développer des comportements qui les conduiront vers la créativité, le mérite, l’effort », assène-t-il. Il espère pousser la jeunesse à développer l’esprit d’entreprise. Marié et père de quatre enfants, Il ne boit pas, ne fume pas. Ses loisirs? Le travail. ● TSHITENGE LUBABU M.K.

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Afrique subsaharienne SIDA

Le livre qui accuse la colonisation

Sans les Occidentaux, affirment deux Américains, auteurs de Tinderbox, jamais le virus n’aurait réussi à se propager aussi rapidement hors des forêts du Cameroun.

D

es chiffres qui donnent le tournis. Trente millions de décès dans le monde en trente ans ; 34 millions de personnes infectées, dont 68 % en Afrique ; près de trois millionsdenouvellescontaminationspour la seule année 2010… Et tout cela à cause d’un singe, d’un chasseur et des colons. Dans l’essai Tinderbox. How the West Sparked the Aids Epidemic and How the World Can Finally Overcome It (« Poudrière : comment l’Occident a déclenché l’épidémie de sida et comment le monde peut enfin la surmonter »), l’épidémiologiste Daniel Halperin et le journaliste Craig Timberg ont tenté d’aller au-delàdesmotifscommunémentavancés pour expliquer la rapide propagation du virus. Pour eux, la véritable coupable est toute trouvée : c’est la colonisation. Sans elle, expliquent-ils, l’Afrique n’en serait pas là. L’apparition de l’épidémie est liée au développement du continent au début de l’ère coloniale, via l’intrusion massive de populations et de nouveaux moyens de communication dans des zones jusque-là peu accessibles et inexplorées. La propagation du virus sur le continent a été favorisée par ce que les auteurs appellent la « scramble for Africa », la ruée vers l’Afrique. « Le monde occidental a construit une poudrière et y a provoqué une étincelle », affirment-ils. Pour asseoir leur thèse, ils reprennent à leur compte la théorie de la transmission de l’animal à l’homme. Le virus est apparu pour la première fois à la fin du XIXe siècle dans une forêt dense du sud-est du Cameroun qui abritaitd’importantesréservesdeprimates parfois porteurs du SIV, l’ancêtre du VIH. Probablement contaminé par un chimpanzé après s’être blessé en le dépeçant, un chasseur a ainsi contracté ce virus, qui a muté en VIH-1 (du groupe M) au contact de l’homme. C’est là que la colonisation entre en piste, permettant au virus de se frayer un chemin jusqu’aux quatre coins du monde. Ces cent dernières années, N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

RUE DES ARCHIVES/VARMA

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CHARGEMENT D’IVOIRE ET DE CAOUTCHOUC À LÉOPOLDVILLE (KINSHASA), au début du XXe siècle.

99 % des décès liés au sida concernent ce VIH-1, en Afrique mais aussi à Moscou, Paris, Londres, Bangkok, Rio de Janeiro, San Francisco…

transporter lecaoutchouc des profondeurs de la forêt jusqu’au comptoir commercial de Moloundou, situé à plusieurs dizaines dekilomètresdelà.L’ivoireetlecaoutchouc sont ensuite acheminés à pied jusqu’à LUCRATIFS. Depuis le XVe siècle, l’Afrique l’Atlantique, ou évacués par bateau : on est convoitée par les Européens (Portugais, vogue sur la rivière Ngoko et sur la Sangha, Espagnols, Anglais, Allemands, Français), affluent du fleuve Congo, qui permet de quiyontorganisélecommercetriangulaire rallier Léopoldville. d’abord, puis de nombreux trafics très Cité la plus importante de la région en 1881 et capitale du Congo belge en 1920, lucratifs: or, ivoire, caoutchouc, huile de l’actuel Kinshasa devient vite palme… À la fin du XIXe, avec l’évolution de la science et de la une ville industrielle densément médecine et la concurrence que peuplée, avec des usines, des se livrent les principales puischantiers navals et des dortoirs sances colonisatrices, l’Afrique où les travailleurs, esseulés, devient plus fréquentable : les vivent dans une grande promiscolons ne se contentent plus cuité… Tous les ingrédients d’un de s’installer sur les côtes en cocktail explosif. Pour Daniel s’appuyant sur des relais locaux Halperin et Craig Timberg, cela Tinderbox, de Tinderbo – rois, chefs traditionnels… – ne fait aucun doute : Kinshasa Craig Timberg et pour organiser les trafics. Ils est le « Ground Zero » de l’exploDaniel Halperin, pénètrent désormais bien plus sion du virus. Penguin press, avant, à l’intérieur des terres, Des échantillons de sang pré2012, 432 pages. et ont besoin d’une abondante levés dans la région, en 1959 main-d’œuvre, qu’ils trouvent sur place et 1960, montrent que le VIH y était présent et à bon marché. avant le déclenchement officiel de l’épidéC’est ainsi qu’en 1895 les Allemands mie dans les années 1980. D’autres études découvrent que ce fameux sud-est du ont également révélé qu’une variante du Cameroun regorge d’ivoire et de caoutVIH-1 avait migré de Kinshasa vers l’est du chouc. En Europe, bicyclettes et voitures continentenpassantparlelacVictoria.Une autre s’est dirigée vers le sud, gagnant la ont besoin de pneus. Des milliers de porteurs sont aussitôt réquisitionnés pour Zambie, le Botswana et l’Afrique du Sud. JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne OUBANGUI-CHARI (CENTRAFRIQUE)

Itinéraire d’un tueur

CAMEROUN LES

Moloundou

DU SUD-EST DU CAMEROUN SONT

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CONTAMINÉ EN DÉPEÇANT UN

SINGE PORTEUR DU VIRUS.

Ce n’est pas la première fois que cela arrive, mais c’est la première fois que le VIH-1 peut se propager et parvenir jusqu’au comptoir de Moloundou, via la maind’œuvre locale utilisée pour le transport de l’ivoire et du caoutchouc.

Sans laa colonisation et le développement des voies de communication, rien de tout cela n’aurait été possible – en tout cas pas si vite: les rapprochements de plus en plus fréquentsdepopulationsneseseraientpas produits, et le VIH-1 aurait difficilement pu franchirlesfrontièresduSud-Estcamerounais pour tuer des dizaines de millions de personnes. Lorsque les Belges quittent le Congo, en 1960, le sida y a probablement déjà tué entre 1000 et 2000 personnes. Et comment est-il parvenu à traverser l’Atlantique? Là aussi, les auteurs de Tinderbox reprennent à leur compte une théorie déjà avancée pardes chercheurs. Si

CONGO FRANÇAIS (RÉPUBLIQUE DU CONGO)

lesida lesidan’estpasrestécantonnéàl’Afrique, c’estenpartieàcaused’employéshaïtiens de l’ONU déployés à Léopoldville dans les années 1960. Au moins l’un d’entre eux est rentré à Port-au-Prince avec le virus, qui s’est ensuite propagé en raison de l’existence d’un centre de collecte de sang en direction des États-Unis et du tourisme sexuel américain sur l’île. « Chaque VIH présent aux États-Unis, en Europe ou dans les Caraïbes peut être rattaché à un ancêtre unique, un virus unique, Rivière

saïï sa Kasa Ka

CONGO FRANÇAIS (RÉPUBLIQUE DU CONGO) TRÈS

3

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Tous les ingrédients d’un cocktail explosif sont réunis… Pour les chercheurs, la ville est le « Ground Zero » de l’épidémie qui se déclenchera cinquante ans plus tard.

Léopoldville (Kinshasa) CONGO BELGE (RD CONGO) CO

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LA FIN DU

UN CHASSEUR EST

par la forêt ou par bateau. Les maladies (syphilis, variole ou sida) voyagent avec les porteurs et les colons.

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L’ATLANTIQUE

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GABON BON BO N

2 RESSOURCES

en provenance de Kinshasa,danslesannées 1960. » A priori sujette à polémique, la thèse de Daniel Halperin et de Lukolela Craig Timberg pourrait trouver crédit auprès de certains chercheurs. Pour l’anthropologue Jean-Pierre Dozon, directeur de recherche à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), les taux de prévalence de 10 % à 40 % dans les pays d’Afrique ne sauraient s’expliquer par le seul mode de transmission qu’est le sexe, en dépit des comportements à risque, très fréquents dès les années 1980 et 1990. Il va plus loin, évoquant les vaccinations à tour de bras – souvent avec du matériel réutilisé – contre la maladie du sommeil, dans les années 1940 et 1950, notamment au Cameroun. Daniel Halperin et Craig Timberg estiment pour leur part que si aujourd’hui l’épidémie n’est pas davantage circonscrite, c’est parce que les anciens pays colonisateurs et les États-Unis ont estiméqu’ilspouvaientdicterauxAfricains la conduite à tenir. Affectant des sommes considérablesdansdesplansdelutteinappropriés pour le continent et n’admettant que très tardivement que la circoncision, par exemple, pouvait contribuer à limiter les risques d’infection. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

JEUNE AFRIQUE

N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

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Afrique subsaharienne

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NIGERIA

Danger public

Traqué par les forces de sécurité dans le Nord, Abubakar Shekau est le chef de la secte Boko Haram. Les images de lui sont rarissimes.

ANONYMOUS/AP/SIPA

ð Extrait d’une vidéo datée du 10 janvier dernier. C’EST EN 2009 QUE SHEKAU A SUCCÉDÉ À

P

MOHAMMED YUSUF, tué par la police.

our les membres de la secte islamiste Boko Haram, c’est le « connaisseur du Coran » mais, pour les forces de sécurité nigérianes, c’est surtout l’homme à abattre. Abubakar Shekau est un exlieutenant de Mohammed Yusuf, le fondateur de Boko Haram mort en 2009 entre les mains de la police. C’est lui qui a repris le flambeau du djihad. C’est lui aussi que Washington a ajouté, le 21 juin, sur sa liste noire antiterroriste. Début juin à Maiduguri (État de Borno), la traque lancée contre Shekau

et ses hommes a tourné à la guerre de religion dans toute la moitié nord du pays : violences policières, attentats islamistes contre des églises et représailles de la part des chrétiens… Mi-juin, en moins d’une semaine, et en dépit du couvre-feu total décrété par les autorités, les affrontements interconfessionnels ont fait une soixantaine de morts dans l’État de Kaduna. PLAISIR À TUER. On sait peu de chose sur le nouveau leader de Boko Haram, si ce n’est qu’il vient de Shekau, un

village situé non loin de la frontière nigérienne. Âgé de 34 ans pour les uns, 43 ans pour les autres, il est présenté tantôt comme un fondamentaliste, tantôt comme un brigand opportuniste et violent. Solitaire, il vit reclus dans un lieu tenu secret et n’a pas fait d’apparition publique depuis 2009. Il a signé son grand retour dans une vidéo diffusée sur internet en janvier, une espèce de discours d’orientation générale : guerre sans merci contre les politiques, les policiers et surtout les chrétiens, notamment le président Goodluck Jonathan. « Je prends plaisir à tuer tous ceux qu’Allah me demande de tuer, de la même façon que je prends plaisir à tuer un poulet ou un bélier », a-t-il déclaré dans une deuxième vidéo revendiquant les attentats de Kano, les plus meurtriers depuis la création du mouvement (180 morts le 20 janvier). Abubakar Shekau ne serait toutefois pas sur la même ligne que Mohammed Yusuf. « Yusuf était capable de comprendre les conséquences économiques et politiques de sa démarche. Alors qu’avec Shekau on risque d’aboutir à une somalisation du nord du Nigeria », analyse un fin connaisseur de la secte. Le 6 juin, le grand imam de Bauchi, Sheikh Dahiru Bauchi, avait essayé de jouer les médiateurs. Il avait annoncé une trêve et le début de négociations entre les islamistes et le gouvernement. Onze jours plus tard, trois églises de Kaduna et Zaria (Nord) étaient la cible d’attentats. ● MALIKA GROGA-BADA

Coulisses CÔTE D’IVOIRE TAIS-TOI ET MANGE Dernière victime en date de l’affaire des déchets toxiques : Charles Koffi, le président du Réseau national pour la défense des droits des victimes des déchets toxiques de Côte d’Ivoire. Condamné le 18 juin à six mois de prison pour trouble à l’ordre public et dénonciation calomnieuse (il a dénoncé le détourneN o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

ment d’une partie des dédommagements et demandé la démission du Premier ministre), il a entamé une grève de la faim. CAMEROUN TOUS LES PRÉTEXTES SONT BONS La prison aussi pour Polycarpe Abah Abah. Accusé de corruption et incarcéré en 2008, l’ex-ministre des

Finances avait été autorisé en mai à quitter sa cellule pour se faire soigner. Ce qui n’a pas empêché la police de venir l’arrêter à son domicile au motif qu’il s’était évadé… Il a écopé le 19 juin d’une peine de six ans de réclusion – la première, puisqu’il était toujours en détention préventive. Quatre de ses gardiens ont également été condamnés à des peines de prison.

BURUNDI PAS DE JUSTICE Et, enfin, la prison pour Hassan Ruvakuki, correspondant de RFI au Burundi. La justice a eu la main lourde : le journaliste a été condamné, le 20 juin, à la réclusion à perpétuité pour avoir assisté, dans le cadre de son métier, à la naissance d’une nouvelle rébellion burundaise enTanzanie. JEUNE AFRIQUE


Maghreb & Moyen-Orient

! L’ARMÉE

S’EST POSÉE DE FAIT EN

43

ARBITRE DE LA

VIE POLITIQUE.

Le coup d’État

permanent

Pour de nombreux partisans de la révolution, le vrai vainqueur de l’élection présidentielle ne s’est même pas porté candidat. Et n’est autre que le Conseil suprême des forces armées, qui n’en finit pas de s’arroger de nouvelles prérogatives. TONY GAMAL GABRIEL

«

J

e ne sais pas quoi dire, soupire Wafiq al-Ghitani, coordinateur général du parti historique Wafd. Nous allons nous retrouver avec un président sans prérogatives. Le Conseil suprême a arnaqué tout le monde. L’armée est convaincue que le pays doit rester sous tutelle militaire et se refuse à transférer le pouvoir aux

JEUNE AFRIQUE

civils. » Pourtant, ces derniers jours, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) fait de son mieux pour convaincre les Égyptiens de sa bonne foi. Le 18 juin, l’agence de presse officielle Mena a rapporté les propos du général Mohamed al-Assar, un des membres du CSFA, qui réitérait l’engagement de son institution à ne pas conserver le pouvoir. « L’armée va transférer le pouvoir au président élu, lors d’une grande cérémonie organisée à la fin du mois et dont sera témoin le monde entier. L’Égypte est un pays moderne et démocratique qui respecte tous les principes de la démocratie », pouvait-on lire. Dans une conférence de presse organisée le même jour, Assar avait assuré que « le nouveau chef de l’État aura[it] toutes les prérogatives présidentielles », expliquant que les forces armées N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

MAGALI COROUGE/DOCUMENTOGRAPHY

ÉGYPTE


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Maghreb Moyen-Orient allaient simplement conserver une partie du pouvoir législatif « jusqu’à l’élection d’un nouveau Parlement ». DROIT DE VETO. Mais en Égypte comme ailleurs,

Ü DES MILLIERS ont manifesté, le 19 juin, au Caire, contre les nouveaux amendements constitutionnels. D’ÉGYPTIENS

complémentaire ». Aux termes de son article 53, « les membres du Conseil suprême sont les seuls habilités à prendre des décisions concernant les affaires de l’armée ». Ledit article précise également que le président ne peut entraîner l’Égypte dans une guerre sans l’accord du Conseil militaire. L’article 60 quant à lui octroie aux généraux le droit

les actes valent plus que les paroles. Les citoyens ont désormais du mal à croire aux promesses des militaires alors que la seule institution démocratiquement élue du pays, l’AssemDissolution de l’Assemblée blée nationale, a été dissoute le 14 juin sur démocratiquement élue et décision de la Haute Cour constitutionadoption d’une mini-Constitution. nelle. La veille avait été rendu public un décret du ministère de la Justice promulgué le 4 juin qui autorise la police militaire et les services de dissoudre la Constituante élue par le Parlement de renseignements à arrêter des civils. Des décile 12 juin et accorde à l’institution militaire un droit de veto sur le travail de la Constituante au cas où une sions perçues par de nombreux révolutionnaires comme « un coup d’État judiciaire » orchestré par décision serait en contradiction avec « les objectifs les généraux. Un sentiment conforté par l’adoption, de la révolution » ou avec « les principes entérinés le 17 juin, d’une « déclaration constitutionnelle par les précédentes Constitutions » du pays. Des


Maghreb Moyen-Orient dispositions qui rappellent la norme supraconstiFrères musulmans détenaient le pouvoir législatif, tutionnelle déjà proposée en novembre 2011 par il monopolisait le pouvoir exécutif. Maintenant que la confrérie va accéder à la présidence, il a dissous l’ancien vice-Premier ministre Ali al-Selmi. Et qui l’Assemblée et s’est arrogé le pouvoir législatif. » avaient été à l’origine des violents affrontements Même les Frères musulmans ont vu rouge. Plutôt entre manifestants et forces de l’ordre. Au Caire, tout le monde s’attend donc à la dissoluencline traditionnellement à fermer les yeux sur les agissements des militaires, la première force tion de la Constituante. Sa composition actuelle est en effet loin de faire consensus, les libéraux accusant politique du pays s’oppose fermement aux amenlesislamistesdevouloirimposerleuridéologie.Pour dements constitutionnels adoptés par le Conseil Nathan J. Brown, spécialiste de l’Égypte et professuprême. « Nous participons aux manifestations seur de sciences politiques à l’université George de protestation contre ces amendements, a déclaré Washington, « les militaires se voient comme les Alaa Awad, l’un des organisateurs de la campagne ultimes protecteurs de la nation. Avec ces nouveaux du candidat des Frères, Mohamed Morsi. Le peuple amendements, l’armée se pose en arbitre de la vie égyptien a fait chuter un président. Il est au-dessus politique durant la période de transition ». Un rôle des lois, et si une loi ne lui plaît pas, il a le droit de que les généraux pourraient conserver pendant au la faire annuler. » Selon Awad, le Conseil suprême moins dix ans. « Certains souhaitent que l’Égypte n’est pas disposé à quitter le pouvoir le 30 juin, suive l’exemple de la Turquie, où l’AKP a réussi à contrairement à ce qu’il a promis. De nombreux observateurs sont tentés de faire délivrer la vie politique de l’emprise des militaires, estime Alaa al-Din Arafat, directeur de recherche au le rapprochement entre la situation politique Centre d’études et de documentation économiques, actuelle de l’Égypte et celle de l’Algérie au début juridiquesetsociales(Cedej)duCaire.Lespartis politiques veulent arriver à ce stade sans passer « Les militaires se voient par toutes les étapes qui l’ont précédé. Dans comme les ultimes un pays qui sort de soixante ans de dictature protecteurs de la nation. » militaire, c’est impossible. » « Le président va avoir un rôle important en matière de politique NATHAN J. BROWN, professeur à l’université George Washington intérieure, analyse Nathan J. Brown. Il représentera en outre le pays sur la scène internationale. des années 1990. Une comparaison qui n’a pas Mais chacune de ses décisions devra être validée par lieu d’être malgré les similitudes, nuance Omar les militaires, et il devra donc négocier avec eux. » Ashour, professeur de sciences politiques spécialisé dans le monde arabe à l’université d’Exeter, au COLÈRE. Chez les jeunes révolutionnaires, la Royaume-Uni. « En Algérie, il y a eu une guerre colère gronde. Le 19 juin, des dizaines de milliers civile et des affrontements sanglants. En Égypte, il y de manifestants se sont réunis dans le centre-ville aura beaucoup d’incertitudes et de tensions, mais du Caire pour protester contre les nouvelles prérol’heure est à la négociation, tempère le professeur, gatives que s’est arrogées le CSFA. « Les militaires invité au centre Brookings de Doha. Les Frères ne respectent pas le droit. Ils manipulent les lois musulmans ont le choix entre faire pression sur et en créent de nouvelles en fonction de leurs le Conseil suprême ou alors accepter les règles envies, s’indigne Bassem Fathi, chef de projet du jeu imposées par les militaires. Au vu de leur au sein de l’ONG Freedom House. Le Conseil histoire, il est très probable qu’ils optent pour la suprême joue un jeu très intelligent. Lorsque les seconde solution. » ●

Taux de participation au second tour :

moins de

50 % SOURCE : HATEM BAGATO, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA COMMISSION ÉLECTORALE

MAGALI COROUGE/DOCUMENTOGRAPHY

TROISIÈME VOIE ALORS QUE L’ANCIEN RÉGIME et les Frères musulmans se disputent une présidence vidée de sa substance, la troisième voie, celle de la révolution, attend patiemment son tour et prépare le terrain. En avril, Mohamed el-Baradei, ancien directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), lançait le Parti de la Constitution,

auquel se sont ralliées de nombreuses personnalités de la société civile. Le 31 mai, l’équipe de campagne du nassérien Hamdine Sabahi, troisième homme du premier tour de la présidentielle, annonçait la création du Courant du rêve égyptien. L’islamiste modéré Abdel Moneim Aboul Foutouh serait lui aussi en train de réfléchir à la création

d’un parti. « La révolution ne va pas réussir du jour au lendemain. Nous allons devoir attendre plusieurs générations avant de pouvoir débarrasser l’État de son héritage autoritaire, concède, un brin amère, Boutheina Kamel, ex-candidate à la présidentielle. Mais notre rêve n’a pas pris fin. Il est simplement retardé. » ● T.G.G. N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

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Maghreb Moyen-Orient TUNISIE

L’appel du 16 juin L’ex-Premier ministre Béji Caïd Essebsi veut fédérer derrière lui les destouriens mais aussi la gauche pour faire contrepoids aux islamistes.

L

ancé le 16 juin, au Palais des congrès à Tunis, par l’ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi (BCE), l’Appel de la Tunisie n’est-il qu’un parti politique de plus parmi les 141 déjà reconnus, ou peut-il se poser, comme l’ambitionnent ses membres, en alternative sérieuse à la coalition gouvernementale dirigée par le parti islamiste Ennahdha, majoritaire au sein de l’Assemblée nationale constituante (ANC) démocratiquement élue le 23 octobre 2011 ? Les avis sont partagés. Pour les uns, l’Appel, qui rassemble de nombreuses sensibilités, a toutes les chances de fédérer et de faire contrepoids efficacement aux islamistes. Pour les autres, l’initiative de BCE, assimilée à un retour au passé, n’a aucun avenir. De fait, l’ex-Premier ministre n’aura pas réussi à convaincre les partis de l’opposition (issus de la gauche) de fusionner au sein d’un grand mouvement meeting de l’ex-parti au pouvoir, tant les ex-cadres du RCD, pourtant pas si nomdont il serait le parrain. Mais il pourrait tout de même obtenir le ralliement de breux, étaient visibles. Mais après tout, la Voie démocratique et sociale (VDS, le courant destourien, historiquement ex-Ettajdid, d’obédience communiste), incarné par le PSD et dont le RCD était comme l’a annoncé, le 20 juin, son portel’avatar benaliste, est la famille politique parole, Samir Bettaïeb. Le patron de la naturelle de BCE, qui fut ministre de VDS, Ahmed Brahim, rejette cependant l’idée d’une fusion Les ex-communistes se disent dans l’Appel. intéressés par une alliance En attendant d’autres ralliemais rejettent l’idée de fusion. ments ou un éventuel front électoral, l’Appel puise ses forces essentiellement dans la vingtaine de Bourguiba, président de la Chambre partis issus de l’ex-Rassemblement des députés (1990-1991), député RCD (1989-1994) et membre du comité cenconstitutionnel démocratique (RCD, tral du RCD jusqu’à juillet 2001. ex-Parti socialiste destourien, PSD), dissous au lendemain de la chute de PIVOT. Les ex-RCD-PSD constituent Zine el-Abidine Ben Ali. Les journadésormais la colonne vertébrale de listes présents au Palais des congrès l’Appel, qui disposera de leurs locaux s’accordent à dire que le lancement de et de leurs cadres dans les principales l’Appel de la Tunisie ressemblait à un NICOLAS FAUQUÉ

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villes du pays. Le Parti national tunisien (PNT), dirigé par le richissime homme d’affaires et ancien député RCD Faouzi Elloumi, a été le premier à s’autodissoudre dans le nouveau mouvement. Elloumi aurait même mis à la disposition de l’Appel le siège du PNT dans le quartier d’affaires des Berges du lac et devrait prendre la responsabilité de ses structures. Presque tous les groupes de partis ex-RCD sont acquis à BCE, à l’exception de l’ancien ministre Kamel Morjane, encore réticent, mais qui était présent au Palais des congrès. « Comme en football, résume Mohamed Jegham, qui coiffe un groupe de partis ex-RCD sous la bannière de l’Alliance nationale, si BCE est le pivot du mouvement, c’est nous qui marquons les buts. » Cet afflux des hommes de l’ancien régime n’est pas fortuit. Pour eux, l’Appel est une planche de salut qui pourrait leur JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

permettre de se refaire une virginité, mais aussi et surtout de résister aux velléités du gouvernement d’interdire les candidatures des anciens responsables du RCD (mais pas des adhérents) aux élections de 2013. BCE peut également compter sur des « amis », dont certains apparaissent

publiquement et d’autres demeurent civile. On ne lui connaît cependant encore dans l’ombre. Dix hommes et pas la moindre critique contre Ben Ali. Dans un télégramme de l’ambassadeur femmes forment avec lui le comité constitutif de l’Appel, normalement américain à Tunis en date du 26 mai jusqu’au prochain congrès. Ils ne 2006 et diffusé par WikiLeaks, Marzouk s’étaient pas tous affichés avec le RCD, est présenté comme le représentant de Freedom House, l’ONG américaine même si plusieurs d’entre eux ont frayé avec Ben Ali à un moment ou à un autre. qui gère les fonds budgétaires destinés Tous se sont engagés derrière BCE à titre aux associations au Moyen-Orient et en individuel, sont d’envergures inégales et viennent d’horizons Un comité constitutif composé variés. Taïeb Baccouche, ancien de dix hommes et femmes ministre dans les gouvernements provisoires de Mohamed venant d’horizons différents. Ghannouchi et de BCE en 2011, s’est imposé comme le numéro deux de Afrique du Nord. Selon le télégramme, Marzouk défend l’idée que « ceux qui l’Appel. Universitaire linguiste de gauche, il fut secrétaire général de l’Union génésont dans l’entourage du président [Ben rale tunisienne du travail (UGTT) de Ali] » devraient recevoir des assurances 1981 à 1984. Il est aussi président de qu’ils « seront bien traités » lorsque ce l’Institut arabe des droits de l’homme, dernier ne sera plus au pouvoir. Depuis basé à Tunis et dont le rôle se limite à 2008, Marzouk est secrétaire général de la formation. Le choix de BCE d’en faire la Fondation arabe pour la démocratie le numéro deux s’explique notamment (FAD), basée au Qatar et dont la présipar le fait que Baccouche pourrait l’aider dence est assurée par Cheikha Mozah, épouse de l’émir. La FAD opère dans à obtenir le soutien de l’aile gauche le même sens que Freedom House et de l’UGTT, où il que la fondation Kawakibi, au sein de ne compte néan! BÉJI CAÏD ESSEBSI moins pas que des laquelle siègent Baccouche et Marzouk. (à dr.) AVEC TAÏEB BACCOUCHE, amis. Dans ce rôle Au lendemain de la fuite de Ben Ali le homme de de récupération 14 janvier, Marzouk a débarqué à Tunis gauche et de la puissance de pour y résider et se poser en gourou numéro deux la centrale syndiet « bienfaiteur » des militants de la de l’Appel de la cale, qui vient de société civile, auprès de qui il prêche Tunisie, le 16 juin, au Palais des lancer une initiala désobéissance civile contre le goucongrès, à Tunis. tive de dialogue vernement de la troïka, qu’il qualifie nationale favorad’« illégitime ». Au mois de mai 2012, il blement accueillie par le gouvernement, a fini par présenter sa démission de la Baccouche est accompagné par deux FAD pour se mettre au service de BCE, autres membres du comité constitutif : sous l’étiquette d’« expert en transition Mohsen Marzouk et Boujemaa Remili. démocratique ». Ancien syndicaliste au sein de l’UGTT, LOBBYING. Gauchisant depuis son jeune ancien dirigeant du Parti communiste âge, Mohsen Marzouk a travaillé toute tunisien (futur Ettajdid, puis la Voie), sa vie au sein d’instances de la société Boujemaa Remili, outre son lobbying ● ● ●

HUMOUR CAUSTIQUE DANS SON DISCOURS annonçant la naissance de l’Appel, Béji Caïd Essebsi (BCE) s’est taillé un franc succès auprès de ses supporters avec ses traits d’esprit et ses flèches à l’endroit de ses adversaires politiques. À Rafik Abdessalem, ministre des

JEUNE AFRIQUE

Affaires étrangères, qui a raillé son âge (85 ans), laissant entendre qu’il était fini, l’intéressé a répondu: « Il ne faut pas lui en vouloir. Il ne connaît même pas le nom de la capitale de la Turquie. » Riposte immédiate d’Abdessalem, qui défie BCE de participer

avec lui à un concours de culture générale sur une chaîne de télévision. Mohamed Ben Salem, ministre de l’Agriculture, qui dit avoir apprécié d’entendre BCE critiquer le bilan de Bourguiba il y a quelques années, s’étonne qu’il veuille ramener laTunisie à un

passé révolu. Réponse de BCE: « Il était venu me voir quand j’étais à la Casbah [siège de la primature], mon sens de l’État m’interdit de vous rapporter ce qu’il m’avait dit. Il doit certainement s’en souvenir. Ce qui me dispense de le lui rappeler! » ● AZ. B.

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Maghreb Moyen-Orient ● ● ● auprès de ses amis de la centrale peuvent aider l’Appel à conquérir le pouvoir. Parmi eux, Kamel Eltaief, qui syndicale, a tout fait pour que son propre a aidé Ben Ali à accéder au pouvoir parti rejoigne BCE, peut-être avec succès. Quatre anciens membres du gouveren 1987, mais aussi Noureddine Ben nement de BCE en 2011 figurent aussi Ticha, un proche d’Eltaief opérant dans parmi les fondateurs de l’Appel : Lazhar plusieurs médias de l’audiovisuel, de la presse écrite et électronique, qui se Karoui Chebbi, qui était ministre de la Justice, Ridha Belhaj, qui était au premier trouvait au premier rang des invités au ministère, Lazhar Akremi, dont la proPalais des congrès. Premier ministre en motion inexplicable par BCE en tant que 2011, BCE a eu le temps de placer ou de ministre – auprès du ministre de l’Intérieur –, chargé des BCE peut compter sur Kamel réformes demeure l’une des Eltaief, un homme de l’ombre curiosités de la révolution, et Slim Chaker. Les trois premiers réputé pour son entregent. sont avocats, comme BCE. Trois femmes d’affaires, Wafa Makhlouf, promouvoir ses hommes dans la plupart Sameh Damak et Salma Rekik (sœur de des médias publics et privés sous l’œil Faouzi Elloumi), auxquelles s’ajoute Anis bienveillant des syndicats concernés. Ghedira, y figurent également, apparemMais le soutien pro-BCE le plus puisment pour assurer un équilibre régional sant demeure le trio formé par Tarak et générationnel. Ben Ammar (dont la tante, Wassila, exépouse de Bourguiba, était proche de BCE), Nabil Karoui et Silvio Berlusconi, CHEBBI DIT « NON ». BCE peut aussi s’appuyer sur d’autres amis politiques, tous trois propriétaires de la chaîne dont des hommes de l’ombre qui Nessma TV, qui diffuse vers les pays

du Maghreb. Ce trio a également pris des contacts à l’étranger. En mai, Ben Ammar, Berlusconi et le prince saoudien Al-Walid Ibn Talal étaient ainsi avec Caïd Essebsi à l’hôtel George V, à Paris. BCE s’est ensuite envolé dans l’avion personnel de Ben Ammar vers Doha, où il a eu un tête-à-tête, en présence de Nabil Karoui, avec le Premier ministre qatari et ministre des Affaires étrangères, Cheikh Hamad Ibn Jassem Al Thani. Quant à la rencontre avec le prince Al-Walid, elle ne pouvait avoir lieu qu’avec l’assentiment du cabinet royal saoudien. Mais c’est bien en Tunisie que se joue l’avenir de l’initiative de BCE, dont le succès dépendra de sa capacité à rassembler les destouriens et les opposants de gauche – le Parti républicain d’Ahmed Nejib Chebbi n’a pas souhaité rejoindre l’Appel, avec lequel il se déclare désormais en « compétition » –, et à séduire les abstentionnistes et les mécontents. ● ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis

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JEUNE AFRIQUE


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NICOLE TUNG

Maghreb Moyen-Orient

SYRIE

Derrière l’écran de fumée… Entre la répression systématique d’un côté et la violence aveugle de l’autre, ce sont deux jusqu’au-boutismes qui s’affrontent, sous le regard impuissant d’une communauté internationale incapable – ou peu désireuse – d’imposer une solution négociée.

L

e régime du président Bachar al-Assad a indiscutablement multiplié les erreurs et les crimes ces quinze derniers mois. Cela a commencé par la punition barbare infligée à une douzaine d’enfants qui avaient barbouillé des graffitis antirégime sur un mur, en mars 2011, dans la ville méridionale de Deraa. Les choses ont ensuite excessivement empiré avec la répression à balles réelles de manifestations pacifiques. S’il avait fait le voyage de Deraa pour présenter des excuses aux parents des enfants brutalisés, limogé le gouverneur et rappelé fermement à l’ordre ses services de sécurité, le président aurait été acclamé en héros. Mais il a opté pour une politique de répression aveugle et jusqu’à présent ininterrompue. Les massacres à grande échelle ont jeté une ombre sinistre sur ses réformes timides et trop tardives, à l’image des élections pluralistes tenues JEUNE AFRIQUE

le mois dernier, après l’amendement constitutionnel qui a mis fin à un demisiècle de monopole politique du Baas. L’opposition s’est aussi égarée, se rendant coupable de crimes graves. Sa première faute a été de prendre les armes contre le gouvernement. Une réponse compréhensible à la répression peutêtre, mais surtout un acte politiquement irresponsable qui a fourni au régime un prétexte pour écraser toutes les poches de rébellion armée, où qu’elles apparaissent. Cela a débouché sur la tragédie de Baba Amr, à Homs, quartier investi par les rebelles, puis détruit à l’arme lourde par le régime. Il y aurait aujourd’hui une centaine de groupes armés rebelles. L’argent des pays du Golfe et d’hommes d’affaires syriens de l’étranger coule à flots et alimente un intense trafic d’armes. Un grand nombre de djihadistes, combattants islamistes

! UNE MÈRE PENCHÉE SUR LA DÉPOUILLE DE le 9 juin, à Maarat al-Noman, dans l’ouest du pays.

SON FILS,

radicaux, ont afflué des pays voisins, mais aussi du Koweït, de Tunisie, d’Algérie et du Pakistan pour venir grossir les rangs des insurgés. Dans certains pays arabes, des religieuxmusulmansappellentlesjeunesà aller se battre en Syrie. Les groupes rebelles tendent des embuscades, attaquent les check-points, détruisent les biens publics et tuent des soldats loyalistes – environ 250 d’entre eux sont tombés en dix jours, fin mai-début juin. Ils enlèvent, violent et exécutent des civils pro-Assad. STRATÉGIE DU PIRE. La stratégie du

régime est d’empêcher les rebelles de s’emparer d’un territoire et de le tenir, quitte à bombarder les quartiers résidentiels où ils se concentrent. Les insurgés savent qu’ils ne pourront pas vaincre l’armée sans aide extérieure et cherchent à provoquer une intervention militaire de l’Occident pour des motifs humanitaires (mais personne n’évoque les nombreuses victimes civiles que font les drones américains dans une demi-douzaine de pays, dont les 18 civils tués en Afghanistan le 6 juin). Ils espèrent que les récents massacres de Houla et d’Al-Qubair ● ● ● N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012


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! OBSÈQUES D’UN JEUNE HOMME abattu la veille par un sniper de l’armée loyaliste, le 8 juin à Anadan, au nord d’Alep. ● ● ● pousseront les États-Unis et leurs alliés à faire un pas supplémentaire vers l’action militaire. Mais qui est réellement allé fracasser des crânes et égorger des enfants dans ces deux villages ? L’opposition accuse sans détour les chabiha, ces tristement célèbres milices du régime essentiellementconstituéesd’Alaouites.EnOccident, les dirigeants et la majorité de la presse ont adopté cette version sans examen. L’ONU a été plus prudente. « Les circonstances qui entourent cet incident ne sont pas claires », a affirmé la porte-parole de la mission de l’ONU, Sausan Ghosheh, après l’entrée des observateurs à Al-Qubair. Selon une enquête du très sérieux Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), principal quotidien allemand, le massacre n’aurait pas été perpétré par les

chabiha mais par des militants sunnites anti-Assad. Leurs victimes étaient presque toutes chiites et alaouites, rapportent les sources du FAZ. Ces atrocités ont eu lieu pendant les quatre-vingt-dix minutes de combat qui ont suivi l’attaque par des forces rebelles de trois barrages de l’armée en périphérie de Houla. Selon le FAZ,

pas étonnant de découvrir que les deux camps se sont rendus coupables d’actes de barbarie dans ce qui est en train de devenir une guerre civile interconfessionnelle.

« AXE DU MAL ». Quel rôle jouent les puissances étrangères? Chacune poursuit ses intérêts stratégiques. Les clés de la crise syrienne se trouvent hors de Syrie, car on ne peut la disSelon un quotidien allemand, socier des intenses pressions le massacre de Houla aurait été exercées sur l’Iran. Le président perpétré par des insurgés. américain Barack Obama est maintenant mobilisé contre les les auteurs du massacre ont alors filmé deux régimes. Il semble avoir enterré l’idée leurs victimes et les ont présentées sur d’un accord gagnant-gagnant avec l’Iran internet comme des sunnites exécutés sur son programme nucléaire et sabote le par le régime. Une enquête indépendante plan de paix de Kofi Annan en se faisant doit impérativement établir laquelle de le complice des livraisons d’armes aux ces deux versions est exacte. Et il ne serait rebelles syriens. Obama, parce qu’il voit

UN KURDE AU SECOURS DU CNS « NOUS N’AVONS PAS RÉUSSI À ÊTRE À LA HAUTEUR des sacrifices du peuple », a reconnu Burhan Ghalioun en démissionnant de la présidence du Conseil national syrien (CNS), la plus influente coalition de l’opposition au régime d’Assad. Abdel Basset N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

Sayda, son successeur élu le 10 juin, parviendra-t-il à élever la contestation politique au-dessus des discordes qui la paralysent? Un défi de taille pour cet universitaire kurde de 56 ans, exilé depuis 1994 en Suède. Sur le terrain, le CNS a été désavoué par les militants et

n’a pas d’emprise sur l’Armée syrienne libre. Présenté comme un homme neuf, consensuel et modéré, Sayda « a fait partie du comité exécutif du Parti kurde de gauche et a une expérience politique, contrairement à Ghalioun », souligne Sève Izouli de

l’Institut kurde de Paris. Son appartenance à la communauté kurde, dont la plupart des représentants ont claqué la porte du CNS, n’est pas étrangère à son élection, destinée à rassurer les minorités, notamment les Alaouites. ● L.S.P. JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

INCONNUES. L’Arabie saoudite et le Qatar,

principaux soutiens des rebelles syriens, semblent essentiellement animés par des passions confessionnelles. Pour eux, le chiisme est une menace contre la suprématie sunnite. Ils cherchent aussi à abattre les régimes iranien et syrien. Pourtant, ils feraient mieux de soutenir ces États, qui essaient de tenir tête à Israël. Privés d’une telle protection, les États pétroliers du Golfe pourraient se découvrir un beau jour dans le viseur de l’incontrôlable puissance israélienne. Bien d’autres questions continuent de se poser en Syrie. La chute d’Assad conduira-t-elle forcément les officiers et le parti Baas à abandonner le combat ? Les extrémistes islamistes, avides de revanche, prendront-ils le pouvoir ? Le pays serat-il disloqué, avec une montagne refuge pour les Alaouites, à l’instar du miniÉtat kurde dont la création a démembré l’Irak ? Qui protégera les minorités ? Les chrétiens de Syrie, 10 % de la population, seront-ils forcés de se disperser dans le monde comme ceux d’Irak ? La Jordanie et le Liban survivront-ils à un tsunami syrien, sans parler des Palestiniens, qui continuent de vivre sous le joug israélien? Les puissances occidentales seraient bien avisées de s’unir à la Russie et à la Chine pour exercer d’intenses pressions sur chaque camp afin que les armes se taisent et que tout le monde s’assoie à la table des négociations. Plutôt que la guerre, la diplomatie est le seul moyen de préserver ce qu’il reste de la Syrie pour ses citoyens meurtris. ● PATRICK SEALE JEUNE AFRIQUE

Échanges de mauvais procédés Quand les médias, les communicants et certains hommes politiques occidentaux frayaient avec les dictateurs.

N

ée de révélations publiées par le quotidien britannique The Daily Telegraph, la polémique a fait la une du Herald Tribune le 12 juin sous le titre « Comment les Assad ont manipulé les médias occidentaux ». Au cœur du dossier, l’interview accordée en décembre 2011 par le président syrien à Barbara Walters, pour la chaîne américaine ABC News. De son propre aveu, la journaliste vedette de 82 ans avait obtenu l’entretien grâce à l’entregent de Shéhérazade Jaafari, 22 ans, ancienne conseillère d’Assad et fille de l’ambassadeur de Syrie à l’ONU. En retour, Walters avait recommandé la Syrienne pour un stage à CNN et une inscription à l’université

a été l’élogieux portrait d’Asma, femme de Bachar, intitulé « Une rose dans le désert»,publiéparVoguefinfévrier2011. Mais le Herald Tribune évoquait aussi des articles des magazines Elle et Paris Match. En effet, les pages à la gloire d’Asma ont fleuri dans les kiosques de France depuis qu’en 2007 le président Nicolas Sarkozy a voulu la réhabilitation internationale d’Assad, alors ostracisé pour son rôle supposé dans l’assassinat du Premier ministre libanais Rafic Hariri, en 2005. Belle, jeune et brillante, l’épouse du président était, pour les spin-doctors du régime, l’instrument idéal pour redorer l’image de l’autocrate: sans objection, la presse française en a fait une icône orientale, avant de la transformer plus récemment Un élogieux portrait d’Asma en « Marie-Antoinette arabe ». Les scandales mêlant al-Assad intitulé… « Une rose médias, pouvoirs et sorciers dans le désert ». de la communication posent Columbia, à New York. Trahie par des régulièrement la question des complaiéchanges de mails piratés, la journaliste sances journalistiques pour des régimes a reconnu et regretté le conflit d’intérêts. souvent plus « généreux » que recomMais la jeune Syrienne, finalement prise mandables. En juin 2011, Le Canard à Columbia, affirme que Walters n’a été enchaîné avait ainsi révélé l’existence pour rien dans son admission et s’est du réseau d’influence médiatique mis à la disposition du président tunisien dite victime d’une campagne de manipulation, précisant que l’interview, très Ben Ali par l’agence Image 7 d’Anne peu obligeante, lui avait valu la disgrâce Méaux : de grands patrons comme présidentielle. Étienne Mougeotte (Le Figaro), Nicolas L’affaire a été pour le Herald Tribune de Tavernost (M6) et Dominique de l’occasion de revenir sur l’indulgence Montvalon (Le Parisien) s’étaient ainsi de la presse occidentale pour le couple vu offrir de luxueux séjours en Tunisie. Assad. La plus fameuse illustration en C’était en 2009. Ben Ali était alors « notre bon ami ». Et Bachar rimait encore avec Ü BARBARA WALTERS interviewant espoir. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER Bachar, en décembre 2011.

ROB WALLACE/AP/SIPA

l’Iran comme un rival dans le Golfe ou pour gagner les faveurs des sympathisants américains d’Israël dans la perspective de la présidentielle de novembre, semble aujourd’hui vouloir abattre les régimes de Damas et de Téhéran. Israël a clamé haut et fort qu’il espérait vivement voir Assad renversé. Le président Shimon Pérès – un loup déguisé en agneau dont les tractations avec la France ont permis à Israël d’obtenir ses premières armes nucléaires – a déclaré qu’il appelait de ses vœux la victoire des rebelles syriens. Le Premier ministre Benyamin Netanyahou est allé encore plus loin. Reprenant la formule de George W. Bush, il a parlé d’« axe du mal » pour désigner le front de résistance Iran-Syrie-Hezbollah. L’État hébreu pousse ouvertement les États-Unis et leurs alliés à abattre l’ensemble de cet axe qui écorne sa suprématie au Levant.

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Maghreb Moyen-Orient MAURITANIE

Ely Ould Mohamed Vall sort du bois

Après un long silence, l’ex-président de la transition est de nouveau en guerre ouverte contre le chef de l’État. Il joint sa voix à celle de l’opposition pour réclamer son départ.

D

écidément,ElyOuldMohamed Vall aime à jouer les invitéssurprises.Sastratégieestdésormaisbienrodée:semurerdans lesilence,nepassefaireoublieràl’intérieur du pays, puis saisir le moment opportun pour sortir de l’ombre. Ainsi a-t-il pris tout le monde de court le 12 mars en apparaissant aux côtés des leaders de la Coordination de l’opposition démocratique (COD), au milieu d’une foule immense scandant: « Aziz dégage! » À l’issue du meeting, il n’a pas mâché ses mots, martelant que « l’armée traverse une crise profonde à l’instardureste dupays»,legouvernement ayant « usurpé le pouvoir ». Après avoir refusé de prendre part au Dialogue national, scellé le 19 octobre par un accord sur une série de propositions de réformes constitutionnelles, la COD a multiplié les offensives contre le régime. Reclus dans son n imposante villa rose située à quelques encablures de la présidenceou en déplacement cement à l’étranger, l’ex-président de la transition nsition (2005-2007) s’était prudemment tenu enu à l’écart de la crise. « Je reprends du service jusqu’à ce que soit trouvée, qu’une solution politique confirme-t-il, installé dans un des salons de sa résidence. Le pays ys est à la dérive, je ne peux plus rester indifférent. fférent. » Son retour, « Ely » ne l’avait jamais exclu. Mais il dit l’avoir subordonné à des conditions exceptionnelles, nelles, qu’il estime aujourd’hui réunies. Alors, comme la frange de l’opposition la plus radicale, il a un discours pour le moins alarmiste. « L’institution présidentielle entielle est dirigée par une rébellion légalisée sée par la fraude, l’Assemblée nationale légifère en toute illégalité et la justice est piétinée, insiste-t-il. Il n’y a plus de pays! » oncer son Sans jamais prononcer nom, l’ancien colonel est entré à nouveau en guerre ouverte evenu contre son cousin, devenu son ennemi intime: le préd sident Mohamed Ould Abdelaziz. Ce dernier étant fortement

contesté à mi-chemin de son quinquennat, l’occasion était idéale. « Il doit avoir mûrement réfléchi, il est très calculateur, analyse un journaliste mauritanien. Il a senti le vent tourner en faveur de la COD et envisage certainement un nouveau mandat. » À Nouakchott, on murmure qu’« Aziz » n’aurait pas digéré le retour

justice et la démocratie (CMJD) s’était officiellement tenu à l’écart. Mais en coulisse, il travaillait déjà contre son cousin auprès des notables nouakchottois, des chefs d’État africains et des diplomates français. Il a attendu la présidentielle de juillet 2009 pour, là encore, sortir brusquement de sa réserve en annonçant le premier sa

Je reprends du service. Le pays est à la dérive. Je ne peux plus rester indifférent.

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de son ex-compagnon d’armes. D’ailleurs, le lendemain de la grande marche du 12 mars, il était apparu furieux lors d’un meeting à Nouadhibou et n’avait cessé de tirer à boulets rouges sur l’opposition. « Il ne dérange ni par son activisme politique ni par les foules qu’il draine », ironise Mohamed Mahmoud Ould Jaafar, secrétaire exécutif chargé des affaires politiques au sein de l’Union pour la République (UPR, au pouvoir).

candidature, deux jours seulement après la signature de « l’accord de Dakar ». Mais la défaite a été cuisante, et le ressentiment, tenace: alors qu’Aziz est porté au pouvoir au premier tour avec 52,48 % des voix, Ely n’en recueille que 3,81 %. « Les résultats étaient prévisibles, puisque le scrutin a été manipulé », juge-t-il. Il réclame

CONTACTS. Les deux hommes se

connaissent bien : sous Maaouiya Ould Taya, ils ont travaillé en duo – Ely à la direction des renseignements, Aziz à la tête de la sécurité présidentielle –, avant de s’associer pour le renverser en août 2005. Après le coup d’État du 6 août 2008 fomenté par Aziz, l’exprésident du Conseil militaire pour la ! Il a toujours aimé à jouer LES INVITÉS-SURPRISES.

DR

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Coulisses

Maghreb & Moyen-Orient

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alors, avec le chef de file de l’opposition, Ahmed Ould Daddah, et le leader de l’Alliance populaire progressiste (APP), Messaoud Ould Boulkheir, la mise en place d’une commission d’enquête. « J’ai aussitôt dénoncé ce que je considère être

la rébellion d’un homme et je ne me suis jamais départi de ma position, jure-t-il. L’impasse politique actuelle était prévisible. Malheureusement, beaucoup de Mauritaniens ne m’ont pas cru. » Aujourd’hui, Ely Ould Mohamed Vall travaille étroitement avec les leaders de la COD, à qui il rend régulièrement visite, pour trouver ensemble une solution pacifique pour sortir de la crise. « Une élection présidentielle anticipée est la seule issue possible, lâche Vall. Faute de quoi la situation actuelle ne pourra que dégénérer. » Ses journées, désormais bien remplies, il les passe à prendre des « contacts politiques tous azimuts ». Mais il sait que s’il veut réussir son retour, il doit soigner son image. Il dispose pour cela de précieux atouts : un carnet d’adresses en Afrique et au Moyen-Orient bien rempli et la réputation d’être un homme de parole pour s’être retiré, comme promis, après le scrutin de mars 2007. Il tâche également de faire bonne figure en réfutant d’emblée toute ambition personnelle : « La question de mon éventuelle candidature à la présidentielle ne se pose pas encore, c’est aux Mauritaniens de décider. » Mais à peine revenu, il se trouve déjà dans la tourmente. Il est accusé d’avoir nié, le 3 juin, sur les ondes de Radio Mauritanides, les déportations de NégroMauritaniens en 1989. Il s’est aussitôt fendu d’un communiqué pour dénoncer une « campagne de désinformation » à son égard, regrettant que ses propos aient été déformés. Mais pardelà la polémique, c’est tout le passé du système Ould Taya qui ressurgit, sur lequel il devra, tôt ou tard, s’expliquer. ● JUSTINE SPIEGEL, envoyée spéciale à Nouakchott

DR

Ses atouts : un carnet d’adresses bien rempli et une réputation d’homme de parole.

! LE PRÉSIDENT MAHMOUD ABBAS (à g.) avait remis un passeport palestinien au militant israélien, le 21 avril 2011, à Paris.

ISRAËL-PALESTINE OFER BRONSTEIN RELANCE LE PLAN ABDALLAH Cofondé par l’Israélien Ofer Bronstein, ex-collaborateur d’Yitzhak Rabin, et par le Palestinien Anis al-Qaq, ambassadeur de Palestine en Suisse, le Forum pour la paix va relancer l’initiative de paix arabe proposée par le roi saoudien Abdallah en 2002. Adoptée par la Ligue arabe mais négligée par l’État hébreu, cette proposition prévoyait la normalisation des

LIBYE RACISME ORDINAIRE Selon un rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), les migrants subsahariens continuent d’être victimes de préjugés racistes en Libye. Accusés d’être des « mercenaires de Kaddafi », la plupart d’entre eux ont tenté de fuir le pays pendant la guerre, mais beaucoup ont été interceptés par des milices qui contrôlent des centres de détention « improvisés ». La FIDH pointe aussi l’existence d’un

relations entre les 22 États arabes et Israël en échange d’un retour aux frontières de 1967, de la création d’un État palestinien ayant Jérusalem-Est pour capitale et d’une solution au problème des réfugiés. La réactivation de l’initiative a reçu l’aval du président palestinien Mahmoud Abbas, de membres du gouvernement et du Parlement israéliens, et le soutien de Paris, Rabat, Alger et Tunis. Deux grandes conférences seront organisées en Cisjordanie et en Israël, et une autre pourrait avoir lieu au Maroc.

système de racket des migrants (de 700 à 1 000 dollars par personne), couvert par les gardes-côtes.

mouvement. Les Frères dénoncent la nouvelle loi électorale comme « arriérée et provocatrice ».

JORDANIE BOYCOTT « FRATERNEL »

KOWEÏT DISSOLUTIONS À RÉPÉTITION

Le 19 juin, les Frères musulmans jordaniens ont annoncé « un boycott ferme » des législatives anticipées prévues cette année. « Nous sommes en contact avec plusieurs partis pour former un “gouvernement fantôme” et un “Parlement fantôme” », a déclaré Zaki Bani Rsheid, numéro deux du

Moins de cinq mois après des législatives marquées par la montée en puissance des islamistes, la Cour constitutionnelle a déclaré illégal le nouveau Parlement et rétabli celui élu en 2009, puis dissous en décembre 2011. De nouvelles élections seront organisées dans les mois à venir, les sixièmes depuis 2006. N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012


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Europe, Amériques, Asie

FRANCE

La Marianne était

en rose

De la présidence de la République à l’Assemblée nationale, en passant par le Sénat, la quasi-totalité des régions, la majorité des départements et celle des grandes villes, le Parti socialiste monopolise presque tous les leviers du pouvoir. Que va-t-il – et que peut-il – en faire ?

É

HENRI MARQUE

trange surenchère sur les plateaux des émissions électorales, où la droite n’en finit pas d’énumérer les pouvoirs de la gauche afin de susciter le soupçon d’un État PS hégémonique et d’un Parlement croupion à ses ordres, et où les dirigeants socialistes promettent au contraire la restauration d’une démocratie parlementaire par le rééquilibrage des institutions. La liste des conquêtes socialistes est, de fait, impressionnante : l’Élysée, Matignon, le Palais-Bourbon, le Sénat, la quasi-totalité des régions, la majorité des départements, sans oublier de nombreuses villes de plus de 100 000 habitants. Première région économique, notamment pour l’accueil des investissements étrangers, l’Île-deFrance bascule à gauche, y compris le fief très sarkozien des Hauts-de-Seine. Même évolution à l’autre bout de la planète, dans les départements et territoires d’outre-mer et jusque parmi les Français de l’étranger, malgré une réforme du scrutin et un découpage territorial accusés de favoriser les candidats de droite. On a plus vite fait d’indiquer ce qui échappe à la gauche : le Conseil constitutionnel, en attendant sa probable réforme ; la majorité des trois cinquièmes nécessaire au Parlement pour éviter les référendums à risque, par exemple sur le vote des immigrés. On ne voit cependant pas pourquoi les socialistes, sous prétexte d’une hypermajorité qui les oblige autant qu’elle les renforce, répéteraient les erreurs de l’hyperprésident Sarkozy, qui, a force de monopoliser les pouvoirs, accumula les mécontentements. François Hollande n’a rien à

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craindre de la nouvelle Assemblée, malgré la semidéception des écologistes, qui comptaient bien jouer de leur force d’appoint pour peser sur les choix gouvernementaux. Cécile Duflot conseille néanmoins à ses alliés de « faire attention avec tant de pouvoirs entre les mains » et se promet, avec son groupe de dix-sept élus, « d’agir comme cent ». La cuisante défaite de Ségolène Royal, dont on se demande comment elle a pu se fourvoyer en pareil piège, délivre en revanche le chef de l’État des pénibles arbitrages du perchoir. GARE AUX SÉNATEURS. C’est avec le Sénat,

une de ses plus flatteuses conquêtes pourtant, que la gauche risque de rencontrer d’inattendus problèmes de cohabitation. Elle n’y dispose que de six voix d’avance, avec un groupe communiste en embuscade et des sénateurs « loyaux mais libres » qui n’entendent pas renoncer à leur mission d’amélioration des lois hors des clivages partisans. Elle en a modifié près de la moitié sous le précédent quinquennat. L’Assemblée, malgré son privilège de « dernier mot », a eu la sagesse de les accepter en seconde lecture. Les négociations avec le nouveau gouvernement s’annoncent épineuses sur les sujets les plus sensibles : le nucléaire, le non-cumul des mandats, la condamnation du génocide arménien censurée par le Conseil constitutionnel… Nicole Borvo Cohen-Seat, la présidente du groupe communiste,


JOEL SAGET/AFP IMAGEFORUM

Europe, Amériques, Asie ajoute à la liste le traité européen, « qui pourrait ne pas trouver de majorité ». En se présentant comme un président « normal », Hollande a voulu signifier qu’il dirigerait le pays selon les normes des institutions. C’est sa « rupture ». Il a tout intérêt à laisser agir JeanMarc Ayrault, son Premier ministre. Il pourra ainsi mieux se consacrer à son vrai domaine de pouvoir, la conduite des affaires étrangères et tout particulièrement la gestion de la crise européenne, où il a souffert jusqu’à l’élection d’un constant handicap de compétence et de confiance par rapport à Sarkozy. Dans les rudes batailles diplomatiques qui l’attendent, il bénéficiera certes du surcroît de légitimité acquis par sa victoire, mais sans que le succès en soit pour autant garanti, malgré l’évolution significative du G20 en faveur de son projet d’aide à la croissance. Si la chancelière allemande Angela Merkel est disposée à des aménagements techniques sur le remboursement des dettes, elle persiste à affirmer que le dilemme rigueur budgétaire/croissance économique est « un faux débat » dont chaque terme est la condition indissociable de l’autre. La France ne sera donc pas dispensée, avant toute concession, de prouver sa volonté d’assainissement budgétaire. Une facture qui n’aura jamais si bien mérité le sobriquet populaire de « doulou-

reuse » : entre 10 et 15 milliards de recettes supplémentaires ou d’économies pour boucler 2012, entre 20 et 25 milliards pour 2013. Avec une prudence en forme de litote – « ce ne sera pas facile » –, le gouvernement se borne à annoncer « des efforts », tout en se hâtant de démentir les premières révélations sur les coupes « drastiques » dans les dépenses de l’État.

Le Premier ministre prétend réduire les déficits publics sans recourir à l’austérité. Défi ou déni ?

PARADOXE. Telle est la conséquence paradoxale d’une élection présidentielle où adhésion et rejet se confondent ; où les électeurs ont en grand nombre voté Hollande contre Sarkozy, Sarkozy contre Hollande, et Le Pen contre les deux réunis ; et dont les 6 % de votes blancs allaient s’amplifier en 44 % d’abstention aux législatives – presque 1 inscrit sur 2. Ces désabusés n’attendent pas grand-chose de la politique, et certainement pas la rigueur. Ils n’y ont pas été préparés par les assourdissants silences de la campagne sur ses véritables enjeux. Leurs suffrages, comme leur abstention, montrent qu’ils n’en veulent pas. Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, ne s’y trompe pas quand il craint que, « faute d’une démocratie apaisée », on ait « la rupture et les violences dans l’ensemble du pays ». Beaucoup de ceux qui ont voté socialiste ont surtout voté social en faveur du candidat qui leur paraissait le plus capable de garantir les protections de l’État providence. C’est pour les rassurer qu’Ayrault et Pierre Moscovici, son ministre des Finances, ne cessent de répéter que les promesses de réduction des déficits publics faites à l’Europe seront tenues sans recours à l’austérité, grâce à une politique de justice qui, affirment-ils, permettra d’épargner non seulement les bas revenus mais aussi les classes moyennes. Défi ou déni ? Gageure en tout cas, et qui ne date pas de notre monarchie présidentielle. « En matière d’administration, observait déjà Louis XIV, toute réforme est odieuse. » ●

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QIN XIAN’AN/CHINE NOUVELLE/SIPA

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CHINE

Sous la mer comme au ciel

L’espace, les grands fonds océaniques, la banquise du pôle Nord… Aucune terra incognita n’est plus à l’abri des convoitises des dirigeants communistes.

E

lle a 34 ans, les cheveux courts et un large sourire. Le portrait de Liu Yang s’étale à la une de tous les journaux chinois. Ce major de charme, pilote de chasse au sein de l’escadrille de Wuhan, est la première femme taïkonaute – comme on appelle ici les cosmonautes. Pour ce quatrième vol spatial habité, la propagande du régime s’en est donné à cœur joie: retransmission du départ en direct sur les chaînes de télévision nationales, drapeaux chinois à tous les carrefours et portraits élogieux de cette « fille du ciel dévouée à ses parents et dotée d’un sang-froid incroyable », comme la décrit Le Quotidien du peuple. Lors de la conférence de presse qui précéda le décollage, elle fut la dernière des trois taïkonautes à prendre la parole. Pour remercier son pays et promettre de faire partager à ses compatriotes « les merveilles de l’espace ». Un vrai conte de fées, doublé d’un bel élan de ferveur patriotique comme les autorités ont l’habitude d’en orchestrer. Reste que la mission est importante. La fusée Longue Marche, qui transportait Shenzhou-9, alias le « Divin Vaisseau », a réussi son délicat « rendez-vous de l’espace ». Autrement dit son amarrage à la station Tiangong-1. Jusqu’ici, seuls N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

les États-Unis et la Russie maîtrisaient cette technique. C’est le premier élément d’un Meccano de l’espace qui devrait aboutir à l’horizon 2020 à la mise en place d’une station orbitale concurrente de la Station spatiale internationale, le fameux programme ISS dont la Chine fut exclue par les États-Unis. Belle revanche. GUERRE FROIDE. Faire vivre et travailler

en apesanteur des taïkonautes au service des intérêts suprêmes du Parti communiste, et faire ainsi la démonstration du très haut niveau atteint par la science chinoise… On se croirait revenu au temps de la guerre froide. La République populaire a, ces dernières années, multiplié les lancements de satellites militaires et espère, à terme, installer une base permanente sur la Lune. Elle dispose désormais des trois Environ

4 milliards

de dollars par an : le coût du programme spatial chinois. Soit dix fois moins que celui des États-Unis. Prochain objectif : une mission sur la Lune, dans cinq ans.

! JING HAIPENG (centre), LIU WANG LIU YANG à l‘entraînement dans la capsule Shenzhou-9.

ET

ingrédients qui définissent une puissance spatiale : une gamme de lanceurs, la maîtrise des rendez-vous spatiaux et l’expérience des vols habités de longue durée. Alors que les programmes américain et européen sont frappés par de sévères restrictions budgétaires. La grande différence avec l’époque de la rivalité Est-Ouest, c’est l’importance prise par les considérations économiques. Le programme spatial, sur lequel l’Armée populaire de libération (APL) a la haute main, mêle en effet guerre des étoiles et chasse aux matières premières. Cette dernière conduit les autorités à se lancer à l’assaut de toutes les terres inexploitées. Ce n’est sans doute pas un hasard du calendrier si, vingt-quatre heures avant le décollage du Divin Vaisseau, un submersible chinois, le Jiaolong (du nom d’un dragon mythique), a réussi à descendre à plus de 7 000 m, établissant du même coup un nouveau record de plongée sousmarine. La Chine est devenue en 2003 le troisième pays à placer un homme sur orbite. Elle intègre aujourd’hui le « club des cinq » puissances capables d’explorer les grands fonds, avec les États-Unis, la Russie, le Japon et la France. Dans ce domaine aussi, elle a mis les bouchées doubles pour combler une partie de son retard. Elle fut le cinquième pays à lancer une mission habitée au-delà de 3 500 m de profondeur. En juillet 2011, dans la fosse des Mariannes, un de ses submersibles atteignit 5 057 mètres. Du JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie coup, 70 % des fonds océaniques lui devenaient accessibles… Selon les experts, la mission du Jiaolong est de collecter des échantillons de vie sous-marine et d’étudier les structures géologiques à des fins de prospection minière. Comme le renforcement de ses capacités militaires, l’appétit de la Chine pour les richesses minérales des grands fonds inquiète ses voisins. L’an dernier, le Jiaolong avait symboliquement planté le drapeau national au fond de la mer de Chine méridionale, dont plusieurs pays se disputentlasouveraineté.Ungesteressenti dans la région comme une provocation. DRAGON DES NEIGES. Troisième étape

de cette conquête tous azimuts: les pôles. La Chine bataille dur pour obtenir un siège de membre permanent du Conseil arctique. En 2004, elle a ouvert une base dans les îles Svalbard (Spitzberg), dans l’océan Arctique. Le brise-glace Xuelong (« Dragon des neiges »), qui y est stationné, prépare sa cinquième expédition. Un second navire de 8 000 tonnes, plus puissant, est en cours de construction. Tout ça au nom de la science ? À vrai dire, les Chinois ont des raisons moins désintéressées de se lancer à l’assaut de la terra incognita arctique. Par exemple, l’ouverture d’ici à trente-cinq ans d’une route du Grand Nord qui raccourcira de 6400 km le trajet Hambourg-Shanghai. Il y a aussi le gaz (30 % des réserves mondiales

Et le Divin Vaisseau décolla, dans un élan de ferveur patriotique bien orchestré… espérées sont situées sous le pôle Nord), le pétrole et les nodules polymétalliques (ou nodules de manganèse), ces concrétions rocheuses reposant sur le lit des océans. « Ni le ciel ni la mer ne sont plus une limite », titrait ainsi récemment, sans modestie excessive, le quotidien China Daily. Pour le Parti communiste chinois, englué dans une série de scandales, il s’agit aussi de tourner la page et de préparer en grande pompe la transition, lors du plénum du mois d’octobre. Tous les caciques étaient d’ailleurs réunis dans la grande salle de contrôle installée sur une base militaire du Sichuan pour applaudir le major Liu et ses deux coéquipiers. ● SÉBASTIEN LE BELZIC, à Pékin JEUNE AFRIQUE

DIAGNOSTIC

Opinions & éditoriaux Alain Faujas

Un G20 très vain

L

e sommet du G20 à Los Cabos, les 18 et 19 juin, ne laissera pas un souvenir impérissable. Sa préparation a été bâclée en sept mois par le Mexique, qui tenait à l’organiser avant ses élections générales du 1er juillet et non en fin d’année comme le précédent sommet de Cannes (novembre 2011). Voici les grandes lignes de ce qu’il faut retenir de cette réunion des chefs d’État et de gouvernement des vingt principaux pays, représentant les deux tiers de la population du globe. Et 90 % de sa richesse.

• Les financements du développement en panne.

Le mode de financement des infrastructures nécessaires au monde en développement n’est précisé nulle part, ni dans la déclaration finale du sommet ni dans le plan d’action qui lui est attaché. Aucune mention de la proposition faite à Cannes par Bill Gates, ancien patron de Microsoft, de prélever une taxe environnementale sur la marine mar c han d e a f in d e financer la lutte contre le réchauffement climatique. De même, la mention du projet de taxe sur les transactions financières que Nicolas Sarkozy avait réussi à imposer a disparu.

La croissance, certes. Mais comment soutenir une demande flageolante ?

• 456 milliards de dollars (352 millions d’euros) pour le Fonds monétaire international.

Celui-ci n’a plus en réserve que 380 milliards de dollars pour se porter au secours de pays en difficulté. Il a donc obtenu de trente-sept de ses États membres la promesse de nouveaux prêts d’un montant de 456 milliards. Principaux contributeurs : la zone euro (197,9 milliards), le Japon (60), la Chine (43), l’Arabie saoudite, la Corée du Sud et le Royaume-Uni (15 milliards chacun).

• La zone euro critiquée.

Américains, Chinois, Canadiens et Russes ont exprimé de vives critiques à l’égard de la zone euro, qui n’arrive pas à juguler les crises de la dette (Grèce, Espagne, Italie) en raison de divergences entre les Allemands, qui préconisent plus de rigueur, et les autres Européens, qui leur demandent plus de solidarité. Les Européens ont promis qu’ils feraient un pas significatif vers l’intégration lors de leur sommet des 28 et 29 juin.

• Vive la croissance !

À la mode de la rigueur budgétaire a succédé à Los Cabos celle du soutien de la croissance, préconisé à de nombreuses reprises dans la déclaration finale. François Hollande, dont c’était la première participation à un G20, où il a défendu sa conviction que « l’austérité pour l’austérité ne peut être la solution », a estimé qu’il avait fait évoluer les esprits. Il s’est félicité d’avoir mis « la croissance au premier rang [des] priorités ». Mais, là encore, manque le détail des mesures pour soutenir une demande mondiale flageolante pour cause de chômage. ● N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

Franck Houndégla Métro, expo, photo Discret, adepte de la simplicité, ce Béninois a su se faire une place dans le monde de l’art en réalisant la scénographie d’expositions. Il a également réaménagé une station du métro parisien.

F

« Biométrie » et « Bon appétit » pour la Cité des sciences et de l’industrie (Paris), repensé l’aménagement de la station de métroVillejuif-Léo-Lagrange, imaginé le musée des Sciences de la bibliothèque d’Alexandrie (Égypte), le Museum of the Land of Frankincense de Salalah (Oman) et le Musée historique d’Abomey (Bénin), travaillé pour le Centre WallonieBruxelles, etc.

Comme souvent, l’histoire a comranck Houndégla est à l’image des mencé pendant l’enfance, avec des exigences de son métier: discret. crayons de couleur. « Petit, je dessinais « La scénographie est au carrefour beaucoup de maisons et de voitures, des intentions artistiques et des confie Houndégla.Très vite, j’ai su que préoccupations techniques, explique-t-il. je voulais travailler dans le domaine de Entre architecture, design, spectacle vivant, le scénographe doit prendre en compte le point de vue des éclairagistes, des ingénieurs, des bureaux d’études, du conservateur, sans oublier le contenu intellectuel et les contraintes économiques… » Pour le dire plus simplement, le scénographe est celui qui conçoit l’ensemble de l’architecture visuelle d’une exposition… en évitant de trop se faire remarquer. « Je me méfie des effets de style, soutient Houndégla. J’ai un souci d’ergonomie, de simplicité, de couleurs. » On pourrait même ajouter: et d’environnement. En n o v e m b r e 2 011 , Fr a n ck Houndégla était le scénographe attitré des Rencontres de Bamako (Mali), la biennale africaine de la photographie. Recyclant, utilisant un minimum de matière, jouant avec le bois, le bambou et les textiles, il collait au plus près du thème choisi par les commissaires d’exposition: « Pour un monde durable ». S’il s’échine à passer inaperçu pour mieux mettre en valeur le ! CE CONCEPTEUR D’ESPACE S’ÉCHINE À PASSER travail des artistes, Franck INAPERÇU pour mieux mettre en valeur le Houndégla serait bien en droit travail des artistes. de verser, de temps en temps, dans l’immodestie. Outre l’Institut français, qui finance les Rencontres l’art. J’ai été encouragé par mes parents, de Bamako, d’importantes institutions qui m’ont dit : “Tu peux faire ce que tu ont fait appel à ses services. Il a ainsi veux, mais il faut le faire sérieuseconçu la scénographie des expositions ment.” » Son père, arrivé en France dans

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les années 1950 pour suivre l’enseignement de l’École vétérinaire de MaisonsAlfort, a épousé une sage-femme, elle aussi béninoise, et ils ont eu trois enfants, dont Franck en septembre 1967. Si la famille bouge beaucoup – Picardie, Allier, Haute-Loire, région parisienne –, la maison vibre toujours au son du jazz, de la musique classique et des rythmes cubains. « Il y avait toujours beaucoup d’amis à la maison et je vivais dans une culture hybride franco-béninoise », se souvient Houndégla, qui passait ses vacances à Porto-Novo et à Ouidah. « À l’école, j’étais le seul Noir, dit-il. Bien qu’observé, j’étais tout à fait accepté. Il y avait plus de préjugés qu’aujourd’hui,

mais aussi plus d’acceptation. Le racisme était surtout dirigé contre les Portugais, les Arabes, les Gitans, qui subissaient vraiment les enseignants. » Nourri des lectures de son père – des livres de médecine et d’anatomie, France-Soir, L’Événement du jeudi… –, JEUNE AFRIQUE


Le scénographe s’installe en indépendant et multiplie les activités : enseignement, interventions pour l’École du patrimoine africain de PortoNovo (EPA), commissariat d’expositions (« A comme Afrique »), écriture d’essais (LaVie des systèmes, éditions Comp’Act, 2005), d’articles et de textes littéraires… À l’instar de l’architectestar David Adjaye, il s’intéresse de près aux évolutions architecturales des villes africaines où « apparaissent des formes nouvelles ». Un projet de livre est d’ores et déjà visible sur son site (www.franckhoundegla.com). Pour le père vétérinaire, le projet de retour au pays « s’est évaporé », notamment à cause de la conjoncture politique de l’époque. Né en France, nourri d’Afrique, Franck Houndégla retourne, lui, plusieurs fois par an sur le continent, parfaitement en équilibre sur le fil qui relie entre elles les cultures, solidement attaché aux deux piliers qui ont pour nom « dialogue » et « écoute ». ● NICOLAS MICHEL Photo : ANTOINE TEMPÉ pour J.A. JEUNE AFRIQUE

DR

Houndégla passe son bac en 1985, étudie aux Beaux-Arts de Lyon de 1986 à 1991, s’attelle à une thèse de doctorat en architecture sur l’innovation dans l’habitat de la région côtière au Bénin, part dix-huit mois en coopération au Centre culturel français (CCF) de Bamako… À cette occasion, pour la première fois, l’Afrique n’est plus vue à travers le prisme familial mais sous « un angle personnel ». Marié à une Malienne, Franck Houndégla débute dans la scénographie chez l’architecte Philippe Délis et monte en 1997 l’agence de design Bi.cks, qui produit jusqu’en 2002 des objets en collaboration avec des artisans ivoiriens, béninois et maliens. Notamment un portemanteau Black Power inspiré par le poing levé de l’athlète africainaméricainTommie Smith protestant contre les discriminations raciales. « J’aimais le contact direct avec les artisans, le temps court entre la création et la réalisation, soutient Houndégla. Il y a une immédiateté assez agréable dans le design. » En 2003, les effets de la guerre du Golfe et les possibilités offertes par de gros projets mettent fin à l’aventure Bi.cks.

! BILL CLINTON ENTOURÉ DE TASHA REIGN ET DE BROOKLYN LEE, deux stars du cinéma porno, lors de la soirée de gala Nights in Monaco, en mai. ÉTATS-UNIS

Pom-pom Bill Ami des stars, l’ancien président ne ménage pas ses efforts afin de collecter des fonds pour la campagne de Barack Obama. Un soutien à double tranchant !

À

65ans,BillClintonremontesur scène et joue les chauffeurs de salle pour Barack Obama. Objectif : faire affluer l’argent dans les caisses du candidat démocrate. Le 4 juin, Bill a ainsi chaperonné Barack lors d’un grand raout new-yorkais. Dîner chez le milliardaire Marc Lasry, à 40000 dollars le couvert. Gala au Waldorf Astoria, où 500 invités ont applaudi le hard-rockeur Jon Bon Jovi pour 2 500 dollars. Enfin, Barack on Broadway, un concert à 250 dollars la place en présence de 1 700 spectateurs et d’une pléiade de stars. Les recettes de cette quête devraient dépasser 3,6 millions de dollars. Et un tirage au sort permettant à trois heureux élus de rencontrer les deux compères en tête à tête pourrait doubler la mise. Du temps où il était candidat, Clinton excellait dans cet exercice. À ceci près qu’en 1992 sa campagne présidentielle avait coûté 61 millions de dollars, une somme inférieure à celle dépensée le 7 juin lors de l’élection du gouverneur de l’État du Wisconsin! Ce qui n’a pas changé, c’est l’aisance avec laquelle l’ex-président charme son auditoire. Vantant le « bon

bilan » d’Obama dans un « contexte très difficile », il a éreinté Mitt Romney, son adversaire, estimant que, s’il venait à être élu, sa politique « serait calamiteuse pour les États-Unis et pour le monde ». « Qui aurait imaginé que les républicains, dont le fonds de commerce a été pendant des décennies de se moquer de la “vieille Europe”, finiraient par adopter sa politique économique? a ironisé Clinton. Faisons la politique de la zone euro. Ils ont un taux de chômage de 11 %. On peut y arriver si on essaie vraiment ! » DÉSINVOLTE. L’ennui, c’est que Bill est aussi le roi de la gaffe. En 2008, quand Hillary disputait l’investiture démocrate à Obama, il avait trébuché à plusieurs reprises en voulant prêter main-forte à son épouse. Comme d’habitude, son soutien est à double tranchant, note le Financial Times. Bavard et désinvolte, il a commis deux impairs. D’abord, en estimant que Romney s’est forgé une « solide expérience d’homme d’affaires », alors que les démocrates s’escriment à démontrer le contraire. Ensuite, en déclarant qu’il faut généraliser les baisses d’impôts décidées sous l’ère Bush, au moment où la croissance s’essouffle. Certains louent son franc-parler, d’autres mettent ces couacs sur le compte d’une santé déclinante. Depuis son quadruple pontage cardiaque, l’ancien président paraît moins fringant. Encore que… Lors d’un gala au casino de Monte-Carlo, en mai, il a posé auprès de deux stars du porno, le visage épanoui entre leurs poitrines siliconées. Sacré farceur ! ● JOSÉPHINE DEDET N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012


Europe, Amériques, Asie

ALEXANDRE MENEGHINI/AP/SIPA

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MEXIQUE

Telenovela présidentielle Il ressemble à un héros de feuilleton, et les étudiants le détestent. Qu’importe, les électrices sont folles de lui. Le 1er juillet, Enrique Peña Nieto accédera sans doute au Palais national.

G

rand favori de l’élection présidentielle du 1 er juillet, Enrique Peña Nieto, le candidat du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), affronte depuis plusieurs semaines de forts vents contraires. Le 10 juin, un mouvement étudiant baptisé Yo soy 132 (« je suis le 132e »), en référence à une vidéo lancée sur YouTube par 131 jeunes opposants, a réuni 90 000 manifestants dans les rues de México et d’autres villes du pays. Il réclame « un processus électoral transparent et la démocratisation des médias ». INVINCIBLE ? De fait, plusieurs agences

de presse indépendantes ainsi que le quotidien britannique The Guardian ont révélé que le candidat du PRI avait payé les médias mexicains pour s’assurer que leur couverture de la campagne lui soit favorable. « Televisa et Televisión Azteca ont occulté des informations concernant Peña Nieto. Elles ont surtout suggéré avec insistance qu’il ne pouvait pas être battu », explique l’universitaire Héctor E. Bezares. Les étudiants reprochent aussi au candidat un discours trop « évasif ». Le 11 mai, il est sorti sous les huées lors d’une visite à l’université Iberoamericana, à México. « Gouverner N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

le Mexique n’est pas un feuilleton », lui ont lancé les contestataires. Avec son physique d’acteur américain, Peña Nieto est un pur produit marketing. Cela lui vaut d’être présenté par ses adversaires comme un « candidat de telenovelas ». Cela lui vaut aussi – et c’est assurément plus important – les faveurs de l’électorat féminin. Selon une récente étude, 56 % des Mexicaines seraient prêtes à tromper leur mari avec lui ! Elles se moquent

! LE CANDIDAT DU PARTI RÉVOLUTIONNAIRE INSTITUTIONNEL (PRI) (au centre) en campagne à México, le 17 juin.

de la révolution démocratique (gauche), et Josefina Vázquez Mota, du Parti d’action nationale (droite), dont les scores oscillent entre 25 % et 29 %. Sa victoire reste probable, mais la mobilisation étudiante a quand même ouvert une brèche. « Il est très clair qu’une grande partie de la population veut que les choses changent, estime Bezares. Les Mexicains sont conscients de l’hypocrisie et de la corruption des politiques. Ils veulent un redressement moral. » RUPTURE. Durant toute sa campagne,

Peña Nieto s’est donc présenté comme le candidat de la rupture. S’il est élu, il promet de rompre définitivement avec l’autoritarisme et la corruption qui marquèrent l’interminable On l’accuse d’avoir payé règne du PRI (1929-2000). Il les médias pour s’assurer leur annonce qu’il nommera à la concours dans la campagne. tête de la sécurité un ex-général colombien, grand spécialiste de bien qu’il soit incapable de citer corla lutte contre le narcotrafic et le crime rectement le titre de trois livres, comme organisé, et se déclare favorable à un il en a fait l’accablante démonstration renforcement des troupes déployées au cours d’une conférence de presse. dans tout le pays depuis 2006 par Felipe En 2007, après deux mois de veuvage, Calderón, l’actuel président. Or cette strail a épousé en secondes noces une certégie a déjà fait plus de 50 000 victimes… taine Angélica Rivera, une actrice de L’ennui est que deux gouverneurs protelenovelas produites et diffusées par vinciaux membres du PRI sont accusés Televisa. Tiens, tiens ! d’entretenir des liens avec les cartels de la drogue ! « La victoire du PRI ne AU ZÉNITH. En dépit des critiques, la changera pas grand-chose », estime popularité de Peña Nieto reste au zénith. donc Bezares. À une semaine du scrutin, Les sondages lui accordent entre 37 % et 20 % des électeurs n’avaient pas encore 42 % des intentions de vote, loin devant fait leur choix. ● Andrés Manuel López Obrador, du Parti MARIE VILLACÈQUE JEUNE AFRIQUE


LE PLUS

de Jeune Afrique

INTERVIEW Anastase Shyaka, DG de l’Office de la gouvernance

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AGRICULTURE Vent d’Asie dans les rizières TECHNOLOGIES La dynamique numérique en applications CINÉMA Travelling avant sur Eric Kabera

RWANDA

L’âge de raison Le 1er juillet, le pays des Mille Collines célébrera le cinquantenaire de son indépendance. Des années de douloureuse tourmente d’où sont nés le désir acharné de reconstruction et l’énergie créatrice qui le caractérisent aujourd’hui.

! LE PARC VOLCANS (les Virunga), classé au patrimoine mondial naturel et culturel de l’Unesco.

JEUNE AFRIQUE

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TOM MARTIN/CORBIS

NATIONAL DES



LE PLUS

Le Plus de Jeune Afrique

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de Jeune Afrique

RWANDA

Prélude

L’âge de raison

François Soudan

Cinquante ans

L

E RWANDA EST, AVEC L’AFRIQUE DU SUD, le seul pays africain où l’anniversaire de l’indépendance – a fortiori son demi-siècle – est une sorte de non-événement. Pour les Sud-Africains, le 31 mai 1910 n’eut aucune autre signification qu’un passage de témoin entre oppresseurs blancs. Pour la plupart des Rwandais, le 1er juillet 1962 fut le jour d’une mascarade tragique, celui où le pouvoir fut remis par le colonisateur belge à une partie du peuple contre une autre.

En ce 1er juillet, il y a cinquante ans, le chef de l’État a pour nom Grégoire Kayibanda. Il est le cofondateur d’un parti aux fondements racistes, le Parmehutu, ouvertement soutenu par l’administration coloniale et l’Église catholique. Depuis près de trois ans, sous le couvert d’une « révolution sociale » érigée en totalitarisme mathématique, une épuration des élites tutsies qualifiée par le gouverneur Harroy d’« opération chirurgicale » est à l’œuvre. Elle a pris la Depuis dix-huit ans, forme de pogroms en novembre 1959, puis de massacres qui perdureront jusqu’en 1964 avant la renaissance de connaître un retour de flamme au début des du Rwanda peut années 1970. Peu à peu, le régime Kayibanda se lire comme la sombre dans l’incohérence et se met à dévorer longue et patiente ses propres enfants. Il est renversé en 1973. refondation d’une

1962-2012 La Passion rwandaise

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TRIBUNE Faustin Kagamé, consultant à la présidence p. 69 INTERVIEW Anastase Shyaka, DG de l’Office rwandais de la gouvernance p. 73 PORTRAITS De l’enthousiasme à revendre

p. 76

ÉCONOMIE Agriculture Vent d’Asie dans les rizières p. 80 Énergie Une fée venue du Maghreb

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indépendance

Les vingt années qui suivent seront celles d’une marche inexorable vers le génocide. Côté avortée. pile, le pouvoir du général Habyarimana cultive à usage extérieur l’image d’une gouvernance intègre, modeste et pieuse. Il est l’enfant chéri des ONG et de la coopération internationale. La France de François Mitterrand, fascinée, s’engage à fond à ses côtés. Il est aussi une dépendance du Vatican, le royaume de Dieu sur terre : 14 séminaires, 42 collèges catholiques, 1 500 ecclésiastiques. Côté face : un régime de quotas ethniques, de régionalisme et de népotisme sous l’étroit contrôle de son noyau dur, l’Akazu, matrice opérationnelle du Hutu Power. La suite ne se raconte plus. Depuis dix-huit ans, la reconstruction et la renaissance du Rwanda peuvent donc se lire comme la longue et patiente tentative de refondation d’une indépendance avortée. Comme la volonté aussi d’éradiquer une fois pour toutes l’idéologie meurtrière des deux peuples, l’un exogène – les Tutsis –, l’autre endogène – les Hutus –, introduite par le colonisateur dans le corps social rwandais tel le ver dans le fruit. Comme le désir, enfin, de rattraper trois décennies de perdues. Au nom de tous les morts. ●

JEUNE AFRIQUE

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Technologies La dynamique numérique en applications p. 84 Aérien Kigali se sent pousser des ailes p. 87 ÉCOTOURISME Le gorille, star des montagnes

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CYCLISME Le vélo pour vitrine

p. 92

CINÉMA Travelling avant sur Eric Kabera

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Le Plus de Jeune Afrique

1962-2012

La Passion

rwandaise Une fois n’est pas coutume, le 1er juillet, le petit État célébrera l’anniversaire de son indépendance, en même temps que la victoire du Front patriotique rwandais et le début de la reconstruction du pays qu’il commémore chaque 4 juillet. Sans faste, dans la cohésion et la réflexion.

PIERRE BOISSELET,

L

envoyé spécial

a dernière saison des pluies n’a pas été clémente avec le Rwanda. De mi-avril à début mai, à plusieurs reprises, les rivières se sont changées en torrents, inondant les vallées, sur lesquelles ont déferlé des glissements de terrain provoqués par le ruissellement des eaux. Au moins 17 personnes ont été tuées, plus de 500 habitations détruites, des routes endommagées et des parcelles agricoles dévastées. Pour faire face, le gouvernement a décrété l’umuganda avant l’heure. C’est ainsi que se nomment les travaux d’intérêt général auxquels tous les Rwandais sont tenus de participer, habituellement une fois par mois. On s’est donc réuni, par village ou par quartier, pour accomplir en commun les tâches qui devaient l’être : travaux de drainage et de stabilisation des sols, avec plantation d’arbres et construction de terrasses, pour limiter les dégâts la prochaine fois. Telle est

la réaction du Rwanda face à l’adversité : effort, cohésion et discipline, avec une certaine aversion pour les solutions venues de l’extérieur. À l’échelle du pays et des défis qu’il a eu à relever, les résultats sont spectaculaires et incontestables. Aucune nation au monde n’a connu pareil développement humain depuis 1990, et ce malgré la guerre civile et le génocide de 1994 qui l’avaient fait plonger dans les tréfonds du classement onusien. Les progrès sont plus impressionnants encore en matière de climat des affaires : le pays

EN DATES 1er juillet 1962 Indépendance Décembre 1963-janvier 1964 Répression contre les Tutsis après une tentative de retour en force conduite par des exilés au Burundi (près de 20 000 morts) Juillet 1973 Putsch de Juvénal Habyarimana. Il sera élu président en 1978 et réélu en 1983 et 1988. La même année, création, au Kenya, de la Rwandese National Union (Ranu), N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

dominée par les Tutsis, qui, en 1987, devient le Front patriotique rwandais (FPR)

4 juillet 1994 Victoire du FPR, qui s’empare de Kigali et de Butare

1er octobre 1990 Offensive du FPR depuis l’Ouganda. Début de la guerre civile, qui prend fin le 4 août 1993 avec la signature des accords de paix d’Arusha (Tanzanie)

2 août 1998 Guerre avec la RD Congo, jusqu’à l’accord de paix du 30 juillet 2002

6 avril 1994 Habyarimana meurt dans un attentat. Début du génocide, qui décimera plus de 10 % de la population

23 mars 2000 Paul Kagamé, le leader du FPR, est élu président par l’Assemblée nationale. Il sera réélu au suffrage universel direct le 25 août 2003 et le 9 août 2010 JEUNE AFRIQUE


DR

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LE PRÉSIDENT PAUL KAGAMÉ s’adresse à des habitants du district de Kicukiro (Centre), après la journée mensuelle d’umuganda (travaux d’intérêt général), le 26 mai.

JEUNE AFRIQUE

est désormais classé 45e au niveau mondial par le rapport « Doing Business » 2012 de la Banque mondiale, ce qui le place à la troisième place du continent, derrière Maurice et l’Afrique du Sud. Conséquence, les investissements étrangers sont devenus le pilier d’une croissance particulièrement élevée (8,8 % en 2011).

86), dans lequel le pays a massivement investi, Kigali espère même rivaliser, voire dépasser ses grands voisins. Il lui reste encore bien des problèmes à résoudre, comme sa dépendance à l’aide internationale, toujours très importante (lire p. 70), ou le déficit de son commerce extérieur. En revanche, la réduction de la pauvreté – autre talon d’Achille ÉNERGIE CRÉATRICE. Poussés par un leadership du « modèle rwandais » des années 2000 – semble politique déterminé, qui incite sans cesse ses résolument enclenchée. Selon le dernier rapport sur les conditions de vie concitoyens à « voir les choses en grand » et à faire des ménages, mené en L’ancien colonisateur preuve d’énergie créatrice, 2010-2011 par l’Institut belge n’a pas été convié les Rwandais sont de plus national des statistiques en plus nombreux à lanaux cérémonies. du Rwanda, le taux de paucer leur propre affaire (lire vreté (calculé sur la base pp. 76 à 78). Ici, même les petites entreprises de 118 000 francs rwandais, soit 153 euros, par semblent saisies d’une irrépressible envie de personne et par an) a reculé de près de douze franchir les frontières. Leurs ambitions sont points depuis 2006, passant de 56,7 % à 44,9 %. aiguisées par l’intégration à la très dynamique Insuffisant pour satisfaire le gouvernement, qui zone de libre-échange de la Communauté a annoncé une augmentation de 50 % des fonds d’Afrique de l’Est. Dans certains secteurs comme alloués l’an prochain à sa Stratégie de développecelui des nouvelles technologies (lire pp. 84 à ment économique et de réduction de la pauvreté. N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012


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Le Plus de J.A. Rwanda Au Rwanda, plus encore que dans les autres pays en développement, obtenir des résultats en la matière est une nécessité pour souder la société et s’assurer que les tensions du passé ne réapparaissent jamais. Car la cohésion nationale demeure une préoccupation dans un pays traumatisé par le génocide de 1994. Un baromètre, mis en place en 2010 par la Commission nationale pour l’unité et la réconciliation, doit d’ailleurs permettre de suivre l’évolution des tensions. « Les premiers résultats sont très satisfaisants, cela va dans le bon sens », affirme Pierre Rwanyindo Ruzirabwoba, le directeur de l’Institut de recherche et de dialogue pour la paix (IRDP), qui se penche sur ces questions

EN CHIFFRES OUGANDA Ruhengeri Lac Kivu Kiv RD CONGO

TANZANIE Byumba

Gisenyi

Kigali Kibungo

Gitarama

Kibuye

R WANDA Butare BURUNDI

50 km

POPULATION 10,7 millions d’habitants

TAUX D’ACCÈS À L’EAU POTABLE 64 %

SUPERFICIE 26 340 km2

TAUX D’ASSAINISSEMENT 60 %

INDICE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN (IDH)

0,429 (166e rang sur 187 pays classés)

8 7 6 5 4 3 2 1 0

PIB (en milliards de dollars, en prix courants, éch. de gauche)

Croissance (en %, en prix constants, éch. de droite)

10

8

6

2009 2009 * prévisions

2010

2011

2012*

2013*

4

au travers de groupes de parole et est partenaire de l’opération. La grande catharsis nationale des audiences, en plein air et en public, des présumés génocidaires par les gacaca (tribunaux populaires et traditionnels créés il y a exactement dix ans), qui s’est terminée le 18 juin, y a largement contribué. Le dernier rapport de l’IRDP, qui doit être publié dans les prochaines semaines, conclut toutefois N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

que, en dépit des progrès, « le conflit ethnique […] cristallisé par le génocide reste au cœur de la vie quotidienne », et que le système politique comporte des faiblesses importantes, telles que « la déconnexion entre l’élu et l’électeur », la « culture d’autocensure » de la société rwandaise, ou encore le fait que les partis politiques peinent à « se prononcer publiquement sur les options politiques prises par les gouvernants ». FERMETÉ. C’est notamment pour remédier à ces

faiblesses qu’a été créé, en novembre, l’Office rwandais de la gouvernance (Rwanda Governance Board, RGB, lire p. 73). En la matière, le petit pays revendique « un rythme de construction et une architecture démocratiques qui [lui] QUELLE PLACE AU SEIN DE LA sont propres », ainsi que l’a rapCOMMUNAUTÉ D’AFRIQUE DE L’EST ? pelé le président Paul Kagamé dans Jeune Afrique fin avril (voir PIB PAR HABITANT En dollars, 2011 J.A. no 2677 du 29 avril au 5 mai 2012). « Nous sommes ouverts Kenya 851 605 Rwanda à tous les conseils en matière 553 Tanzanie d’évolution démocratique, à 478 Ouganda condition qu’ils soient de bonne 279 Burundi foi, mais nous n’aimons pas les prescriptions, encore moins les CLIMAT DES AFFAIRES ordres », a-t-il ajouté. Lorsque, Rang sur 183 pays classés, 2011 dans les semaines suivantes, Rwanda 45e un rapport de la Mission de Kenya 109e l’ONU en RD Congo (Monusco) Ouganda 123e a accusé le Rwanda de souTanzanie 127e tenir une rébellion chez son Burundi 169e grand voisin, Kigali en a fait la démonstration, démentant fermement ces allégations et INVESTISSEMENTS En % du PIB, 2011 n’hésitant pas à déclarer son Tanzanie 31,8 hostilité contre la plus vaste 25,3 Rwanda opération internationale de 24,7 Ouganda maintien de la paix. 23,1 Kenya Contrairement à nombre de 20,7 Burundi pays africains, le Rwanda n’a pas non plus convié son ancien INVESTISSEMENTS colonisateur, la Belgique, aux DIRECTS ÉTRANGERS cérémonies marquant le cinEn millions de dollars, 2010 quantenaire de l’indépendance, 848 Ouganda le 1er juillet. Ses rapports sont 700 Tanzanie restés plus frais encore avec la 133 Kenya France, même après le rétablis42 Rwanda sement des relations diploma14 Burundi SOURCES : FMI, BANQUE MONDIALE, CNUCED, INS RWANDA ET RGB tiques, en 2009, après trois ans d’interruption. Le départ d’Alain Juppé – coupable, aux yeux de Kigali, d’avoir soutenu le régime génocidaire – du ministère français des Affaires étrangères après l’élection de François Hollande, le 6 mai, devrait permettre de repartir sur de nouvelles bases. Il est certain, en revanche, que rien ne sera plus jamais comme avant avec Paris. C’est aussi à cela que l’on reconnaît la véritable indépendance. ● JEUNE AFRIQUE


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3ème pays d’Afrique en termes d’attractivité pour les investisseurs (Rapport du World Economic Forum sur la compétitivité)

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L’âge de raison

TRIBUNE

Opinions & éditoriaux

Une indépendance piégée

VINCENT FOURNIER/J.A.

P FAUSTIN KAGAMÉ Consultant en communication à la présidence de la République

OUR FÊTER l’indépendance retrouvée après un demi-siècle de domination belge, en ce 1er juillet 1962, j’étais allé planter notre nouveau drapeau sur le mont Huye avec les élèves de mon école. Du haut de ce sommet qui domine le sud du Rwanda, on survole du regard collines et vallons jusqu’à l’extrême nord du pays où, telle une sentinelle postée aux confins de l’Ouganda, le volcan Muhabura fait la garde depuis la nuit des temps. Coiffé de son petit nuage en guise d’auréole, son sommet se dresse comme le bout d’un sein pointé vers le ciel. Je suis né au pied du Muhabura. En dépit de mes trois ans d’éloignement forcé, je pouvais en voir le moindre détail en fermant les yeux. Trois ans. Trois longues années durant lesquelles j’ai été « provisoirement » séparé de ma famille en attendant que les choses s’arrangent après les pogroms anti-Tutsis de 1959. Parents et fratrie avaient été jetés sur la route de l’exil vers l’Ouganda, aux premiers rangs du premier contingent de réfugiés du continent africain. C’est dire si, au sommet du mont Huye, en ce jour de fête, la joie de voir flotter notre drapeau au grand air se bousculait, dans ma tête, avec l’idée de ma famille perdue là où se ferme l’horizon, derrière ce Muhabura dont la sérénité silencieuse semblait tout approuver.

guise de réparation pour une guerre que nos premiers « possesseurs » avaient perdue. Être possession des autres ?Tout est dit. Et que ceux qui cherchent à nous prêcher les bienfaits légués à l’Afrique par le colonialisme veuillent bien songer à une vache qui serait redevable au fermier d’avoir inventé la machine pour la traire avec plus d’acharnement. Période évocatrice de liberté, le temps de l’indépendance fut une étape dont le souvenir reste ambigu. Une anecdote donne la mesure de la désillusion qui a suivi. « Les Blancs sont venus et ils ont fini par retourner chez eux, aurait dit un vieil homme nostalgique de ses jeunes années. Mais l’indépendance, elle, quand est-ce qu’elle partira ? »… Ironie cruelle et autodérision, l’Histoire suggère que deux coups d’État et un génocide plus tard, en tout cas, le gâchis de notre émancipation ratée n’a pas échappé à la lucidité implacable de nos aînés.

Les souffrances de notre fait ont pratiquement effacé le souvenir de l’ancienne occupation étrangère.

Je ne savais pas que les choses n’allaient s’arranger d’aucune manière et que la séparation d’avec les miens serait définitive. Ce n’est qu’avec le temps que j’allais comprendre la réalité derrière les mots dont tout le monde se gargarisait à l’époque : indépendance, démocratie et compagnie. Des mots fétiches dont nous allions user et abuser tout au long du chemin qui serait le nôtre, sans que la magie de leur martelage ne donne rien qui vaille. À l’évidence, je m’en voudrais de regretter le statut formel hérité de ces années, avec cette indépendance qui nous remettait la tête à l’endroit au bout de soixante-treize ans passés dans la peau d’une possession d’abord allemande, avant d’être refilée à la Belgique en JEUNE AFRIQUE

Encore plus que dans d’autres pays africains, me semble-t-il, les souffrances de notre fait ont pratiquement effacé le souvenir de l’ancienne occupation étrangère, en dépit de ce que nous savons sur le rôle de l’aliénation coloniale dans la macération du génocide. Pourquoi célébrer les prémices d’un génocide annoncé dès les premiers massacres parrainés par l’autorité coloniale en partance ? « Révolution assistée », se vante ainsi le gouverneur belge de l’époque dans ses Mémoires, à propos des pogroms de 1959 stupidement assimilés à une révolution française opposant des « serfs hutus » à « des aristocrates tutsis » pour la cause. Des aristocrates dont les châteaux n’étaient que des huttes que l’on voyait brûler par centaines sur des collines surpeuplées. Possession des autres, les mots des autres. Non. Dans le Rwanda d’aujourd’hui, l’indépendance est davantage perçue comme un état d’esprit à cultiver que comme une journée à célébrer. ● N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

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Le Plus de J.A. Rwanda AIDE INTERNATIONALE

Comment couper le cordon?

Plus de 40 % du budget de l’État est encore alimenté par l’étranger. Kigali fait tout pour réduire cette dépendance et renégocier les conditions d’utilisation de ces subsides, au nom de l’Afrique. en millions d’euros, échelle de gauche

L’influence de l’aide extérieure doit fléchir à l’horizon 2014

en % du PIB, échelle de droite

800

15

Record actuel

700

Année charnière

600 12

500 400 300

539

200

9

694

100 0

2007-08

2008-09

2009-10

2010-11

2011-12* 2012-13* 2013-14* 2014-15* 2015-16* * Prévisions

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écembre 2008. Un rapport des Nations unies accuse le Rwanda de soutenir un groupe rebelle dans l’est de la RD Congo. Kigali s’en défend, mais le mal est fait. Les Pays-Bas et la Suède suspendent leur aide au développement. « Le peuple du Rwanda doit être prêt à survivre en toute circonstance, y compris en l’absence d’aide », réagit le président, Paul Kagamé, lors d’une conférence de presse. Heureusement pour Kigali, la Banque mondiale, le Royaume-Uni et l’Union européenne, les trois plus gros contributeurs de son budget, ne suivent pas. Mieux : dès 2009-2010, l’aide internationale à l’État rwandais remonte à un niveau record de près de 540 millions d’euros, contre 322 millions l’année fiscale précédente. « AGACIRO ». Mais le problème de la dépendance aux subsides internationaux reste posé. En 2011-2012, ils représentaient 41 % du budget de l’État et 11,3 % du PIB, et, grâce aux bons résultats en matière de lutte contre la corruption et de gestion de l’aide, les fonds des donateurs continuent d’affluer. En 2012-2013, ils vont contribuer au budget à hauteur de 46 % (+ 5 points), et près de 700 millions d’euros sont déjà prévus pour 2013-2014, N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

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SOURCE : MINISTÈRE DES FINANCES

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riches, est même à l’étude), étant donné que sa stratégie de développement économique repose sur les investissements étrangers, que le gouvernement ne veut surtout pas décourager. La seule solution est donc de long terme, avec une croissance très soutenue, en particulier dans les secteurs exportateurs. Car si l’aide étrangère alimente le budget de l’État, elle est également essentielle pour financer un déficit commercial grandissant, qui devrait atteindre 1 milliard d’euros cette année (+ 21 %). SURCOÛTS. En attendant, le Rwanda s’efforce d’optimiser l’efficacité de ce qu’il reçoit. « Nous avons par exemple un problème avec l’aide américaine », indique John Rwangombwa. Cette dernière, qui s’est élevée à 185 millions d’euros en 2011, est gérée par des agences américaines plutôt que par l’État rwandais, qui ne peut contrôler son utilisation. « Dans ce genre de situation, quand vous enlevez les frais administratifs et les éventuels surcoûts, jusqu’à 60 % du montant de l’aide initiale peut se révéler inefficace. »

soit 18 % de plus en deux ans. Au pays de l’agaciro (« dignité », en kinyarwanda), le leitmotiv du président, on aimerait néanmoins sortir de cette situation au plus vite. « Nous avons une vision très claire pour notre développement, des projets planifiés, rappelle fermement le ministre des Finances, « On ne peut pas soumettre John Rwangombwa. On nos projets de développement à ne peut pas les soumettre un financement aussi aléatoire. » à un financement aussi JOHN RWANGOMBWA, ministre des Finances aléatoire. » D’autant plus aléatoire que la plupart des pays donateurs sont frappés par une crise Ce combat, le pays le mène au niveau financière dont on ne voit pas le bout. international. Il a été choisi, avec le Mali, Ainsi, en 2011, pour la première fois pour représenter l’Afrique subsaharienne depuis quatorze ans, le montant global (hors Afrique du Sud) au Forum de haut de l’aide publique au développement a niveau sur l’efficacité de l’aide, organisé reculé. Le Canada est allé jusqu’à geler en novembre 2011 à Busan, en Corée du ses transferts vers huit pays en voie de Sud. La délégation rwandaise a tenté développement, dont le Rwanda – une d’obtenir la fin de la pratique des « aides décision « qui n’aura pas d’impact », a liées », qui oblige les pays en voie de immédiatement assuré le gouvernement développement bénéficiaires à dépenrwandais. ser une partie de ce qu’ils reçoivent sur Cependant, la voie qui permettrait de les marchés des pays donateurs. « Nous remplacer l’aide extérieure par des recettes n’avons pas obtenu ce que nous voufiscales est d’autant plus étroite que Kigali lions, déplore John Rwangombwa. Les ne veut pas augmenter les impôts et taxes engagements des pays donateurs ont été (un projet d’impôt à taux unique, par rédigés de manière très vague, mais nous continuons de négocier pour l’Afrique. » ● opposition à l’impôt progressif qui taxe dans une plus grande proportion les plus PIERRE BOISSELET JEUNE AFRIQUE



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Le Plus de J.A. Rwanda DÉCRYPTAGE Alain Faujas

Le meilleur élève du continent

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E RWANDA est une Afrique un peu spéciale. Les rues de ses villes sont propres, la sécurité y est assurée, les services publics fonctionnent, la corruption y est rare. On peut être agacé par le pilotage autoritaire de ce pays où l’opposition est jugulée, mais, comme avec la Malaisie sous la férule de Mahathir ou la Côte d’Ivoire cornaquée par Houphouët-Boigny, il faut bien reconnaître que ce despotisme éclairé donne des résultats spectaculaires. Dans quasiment tous les domaines, Kigali peut prétendre à l’excellence. La capitale a réalisé presque 8 % de croissance annuelle depuis 2005, et même 8,8 % en 2011, année où l’ensemble de l’Afrique subsaharienne a vu son PIB croître de 5 %. Elle s’est hissée à la 45e place

Le Rwanda a arrêté un programme baptisé « Vision 2020 », qui devrait le transformer d’ici à huit ans en un pays « à revenu intermédiaire », ce qui, dans le jargon de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), le mettrait au niveau du Ghana ou de l’Afrique du Sud. Aujourd’hui, la croissance n’est pas tout à fait assez forte pour maintenir le pays sur cette trajectoire, mais le cadre d’action est là, qui a pour ambition de faire du Rwanda un Singapour africain. Priorité a donc été donnée au secteur tertiaire pour compenser l’enclavement, un sous-sol peu riche et une agriculture handicapée par la surpopulation et le relief. Les services représentent 47 % du PIB et se développent à vive allure, entraînés dans le sillage d’un secteur bancaire dynamique et solide, et d’un tourisme en pleine expansion grâce à une compagnie aérienne de qualité, Rwandair, grâce aux gorilles du massif desVirunga et grâce à l’accueil de congrès.

Kigali a arrêté un programme baptisé Vision 2020, qui a pour ambition de faire du pays un Singapour africain. en 2012, au lieu de la 150e en 2008, dans le classement « Doing Business » qui évalue 183 pays selon la facilité avec laquelle on peut y faire des affaires. De 2000 à 2011, le revenu moyen par habitant y a doublé, passant de 227 à 467 euros. Le taux d’inflation (5,7 % en 2011) est nettement inférieur à celui de ses voisins de la Communauté de l’Afrique de l’Est, même si les prix alimentaires ont bondi de 20,5 % de décembre 2010 à décembre 2011. Enfin, avec plus de 56 % de femmes parmi les députés, le Rwanda est politiquement le pays le plus féminisé au monde. « Ce pays utilise l’aide extérieure de façon très efficace et il n’est pas étonnant que son taux de pauvreté ait reculé de douze points en cinq ans, soit deux fois plus vite que le reste de l’Afrique, commente Shantayanan Devarajan, chef économiste pour l’Afrique à la Banque mondiale. Sa protection sociale y a beaucoup contribué ; elle est remarquable parce qu’elle est déterminée par les communautés et parce qu’elle comporte une assurance maladie rarissime sur ce continent. Ainsi, le taux de mortalité infantile a chuté spectaculairement parce que les médecins sont incités financièrement à vacciner les enfants. » N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

Autre talent rwandais : l’art de séduire les bailleurs de fonds. En 2010, ils étaient 28 partenaires, de la Banque mondiale aux ONG, plus modestes, à apporter 750 millions d’euros à Kigali. C’est remarquable, mais c’est une véritable perfusion, qui représente un cinquième du PIB du pays et de 40 % à 45 % du budget national. Le gouvernement de Paul Kagamé sait que cet atout peut se révéler un talon d’Achille si la crise limitait la générosité des donateurs, mais il est obligé de compter sur ce cordon ombilical qui vient combler un déficit commercial exorbitant et compenser des handicaps sévères. Le plus grave d’entre eux est la mauvaise qualité des infrastructures, qui en fait l’un des pays de la région où il est le plus coûteux de travailler. La Banque africaine de développement (BAD) rappelle que le coût du kilowattheure s’y élève à 0,14 euro, contre 0,09 en moyenne pour les pays voisins, et que la tonne transportée y coûte 130 euros, contre 75 en moyenne dans la région. Les projets de centrales électriques de Rusumo et de Rusizi III, tout comme le goudronnage des grands axes routiers et la réhabilitation de la voie ferrée vers le Burundi et laTanzanie, ne seront pas du luxe. Le meilleur élève de la classe africaine devra le rester longtemps pour oublier le génocide qui a prolongé sa très grande pauvreté. ● JEUNE AFRIQUE


L’âge de raison

Anastase Shyaka « Notre système ne peut être antidémocratique » Les dossiers sensibles de la transparence de l’administration ou de la liberté de la presse lui ont été confiés. Le directeur général de l’Office rwandais de la gouvernance explique ce qui va changer.

R

éforme des médias, enregistrement des partis politiques, contrôle des services administratifs… La sensibilité des dossiers confiés à Anastase Shyaka le prouve : cet homme de 44 ans jouit d’une grande confiance au sommet de l’État. Universitaire formé en Pologne et ayant enseigné aux États-Unis (grâce à une bourse du département d’État américain), il est le directeur général de l’Office rwandais de la gouvernance (Rwanda Governance Board, RGB), une institution publique créée en septembre 2011. Son objectif est de faire du pays un modèle de bonne gouvernance, au même titre qu’il l’est devenu danscelui du développement. Un véritable défi. JEUNE AFRIQUE : Vous être chargé de la réforme des médias, alors que la liberté de la presse est fréquemment décrite comme très insuffisante au Rwanda. Comment améliorer la situation ? ANASTASE SHYAKA : Nous menons

général ne sera plus nommé en Conseil des ministres, mais par un comité indépendant. Enfin, nous allons mettre la régulation des médias entre les mains des journalistes eux-mêmes, avec un organe qu’ils devront mettre en place. Les délits de presse vont-ils être dépénalisés ?

Nous avons fait le choix de réduire les peines encourues pour ces délits plutôt que d’en faire des infractions civiles, car la plupart de nos médias sont trop faibles pour être capables d’indemniser un plaignant. L’autocensure et la crainte de se lancer dans un secteur trop sensible n’empêchent-elles pas l’émergence de médias puissants et critiques ?

L’autocensure n’est pas mesurable, mais il est tout à fait possible qu’elle existe. Il faut rappeler le poids du passé : nous avons vu ce que les médias de la haine o n t p ro d u i t .

une série de réformes très ambitieuses, et je dirais même risquées. Par exemple, toutes les JUI N2 administrations seront 012 bientôt obligées de livrer leurs informations non classées à tout citoyen qui en fera la demande. Dans le domaine de la presse, nous À Kigali, Conférence allons réformer la loi sur les de haut niveau médias : jusque-là, les titres sur la de presse devaient respecter gouvernance et unepériodicitéetenvoyerune la démocratie, copie de chaque exemplaire en partenariat avec la au ministère de l’InformaConférence tion. Ce ne sera plus le cas. internationale sur L’Orinfor [Office rwandais la région des d’information, NDLR], média Grands Lacs, le d’État, va être transformé en Pnud et le secrétariat du média public sur le modèle Commonwealth de la BBC ; son directeur

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JEUNE AFRIQUE

Mais aujourd’hui, les journalistes bien formés, qui restent dans des normes professionnelles, traitent les informations sensibles comme partout ailleurs. Le vrai problème, c’est qu’ils sont peu nombreux. La loi sur l’idéologie du génocide, jugée très sévère et formulée de façon floue, va-t-elle être réformée ?

Oui. Nous avons rassemblé les doléances de la société civile et des médias, et avons consulté des experts d’autres pays pour nous inspirer de leurs lois. Nous avons transmis des recommandations au gouvernement, qui doit se prononcer.

Lors des élections de 2009, certaines formations d’opposition n’avaient pas pu présenter de candidat, faute d’enregistrement. Le processus va-t-il changer?

À l’époque, l’enregistrement des partis politiques dépendait du ministère de l’Administration locale, donc du gouvernement. Cette responsabilité nous a été transférée. Sur le fond, en revanche, les critères sont simples à respecter : il suffit d’avoir au moins cinq membres fondateurs du parti dans chacun des 30 districts. Cela ne devrait pas changer.

Le Rwanda est souvent cité en modèle pour son développement, mais en contreexemple pour son système politique. Que vous inspire ce jugement ?

Que c’est impossible : un système qui assure le développement, la lutte contre la corruption et la redevabilité des gouvernants ne peut pas, dans le même temps, être mauvais en termes de gouvernance. Notre système est peut-être unique, différent, mais pas antidémocratique. ● Propos recueillis par PIERRE BOISSELET

! CET UNIVERSITAIRE DE 44 ANS jouit d’une grande confiance au sommet de l’État.

VINCENT FOURNIER/J.A.

RÉFORMES

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N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012


Jean-Malic Kalima Président de l’association

L’exploitation minière au Rwanda a une longue histoire et joue un rôle très important dans le développement du pays, tant au niveau local que International. Elle est actuellement régie par la loi n° 37/2008 du 11 août 2008, portant exploitation des mines et des carrières.

RWANDA CROISSANCE SOUTENUE DES ACTIVITÉS MINIÈRES

D

epuis que le programme de privatisation a été lancé en 1996 par le Rwanda, plusieurs secteurs de l’économie nationale, notamment celui des mines longtemps considéré par l’État comme sa chasse gardée, sont entre les mains des entrepreneurs privés, personnes physiques ou morales. Suite à ce programme, les activités minières au Rwanda connaissent un boom vertigineux.

COMMUNIQUÉ

C’est dans cette optique, que le Gouvernement rwandais, fidèle à sa politique minière et soucieux d’associer les coopératives à ses efforts de développement, n’a ménagé aucun effort pour les inciter à s’investir profondément dans le secteur minier, qui s’est révélé à tous égards prometteur. En témoigne d’ailleurs le nombre grandissant des coopératives minières œuvrant dans ce secteur, à travers tout le pays. Actuellement, la méthode d’extraction et de traitement de minerais connaît un développement spectaculaire, suite à l’introduction de nouvelles techniques dans ce domaine, qui privilégient l’exploitation semi-industrielle. Cependant, pour relancer un secteur aussi stratégique que celui des mines, qui contribue pour beaucoup à la croissance tous azimuts de l’économie nationale, il revient toujours à l’État d’arrêter les normes professionnelles et celles en matière de protection de l’environnement, en vue d’une exploitation minière parfaitement rationnelle. Tout comme l’État est appelé à jouer un rôle primordial dans l’application du mécanisme de traçabilité des minerais, ce dont peuvent

raisonnablement se réjouir les investisseurs miniers au Rwanda, qui exploitent aisément leurs concessions minières et exportent sans difficulté aucune, leurs divers produits miniers. Encouragés par cet événement, quelques nouveaux opérateurs miniers, se sont, pour plus d’efficacité dans la défense de leurs intérêts, regroupés en une association dénommée Rwanda Mining Association (RMA), composée de 24 membres fondateurs et de 148 membres adhérents. Cette association qui est relativement jeune, a, entre autres pour objectifs de représenter ses membres au sein des autres organes, développer l’exploitation et le commerce des minerais ainsi que l’échange d’information entre les membres pour qu’ils aient l’information sur le marché, faire respecter les directives ainsi que les règles qui régissent l’exploitation et la vente des minerais.

RWANDA MINING ASSOCIATION PO BOX 241 KIGALI - RWANDA Tél. : +250 2551214 02 E-mail : contact.rma2012@yahoo.com


NATURAL RESSOURCES DEVELOPMENT Natural Ressources Development (NRD) Rwanda est une société minière ayant base aux États Unis, très concernée par le bien-être de ses employés ainsi que les questions relatives à l’environnement partout sur ses sites miniers. Étant le plus grand investissement dans le secteur minier au Rwanda, elle a construit de l’une des premières usines de traitement des minerais dans le pays. Développement durable par le biais des pratiques entrepreneuriales transparentes et progressistes. Natural Resources Development Avenue du Lac Muhazi - P.O. Box 7391 Kigali, Rwanda

ETS MUNSAD MINERAL

MINERALS SUPPLY AFRICA LTD

L’ETS MUNSAD MINERALS est une entreprise qui exploite ses mines propres et ayant un comptoir d’achat avec une usine de traitement des minerais. Dans ses objectifs, il se veut exploiter durablement et rationnellement ses gisements de coltan, cassitérite et wolframite dans le respect de la législation nationale y relative. Cela contribue à la création de l’emploi.

Minerals Supply Africa Ltd (MSA) est une societe rwandaise de commerce des minerais de Cassiterite, Wolfram et Coltan. MSA s’est engage a maximiser la production minière du Rwanda a travers les partenariats de financement des coopératives et sociétés minières.

B.P 2673 Kigali-Rwanda / Parc Industriel de Gikondo E-mail : ets.munsad@yahoo.fr Mob. : (+250) 78 830 33 31 Tél. : +250 (0) 25 250 36 23 Fax : +250 (0) 250 250 36 22

Une chaîne d’approvisionnement saine dans le développement du secteur minier. P.O Box - 6509 Kigali – RWANDA E-mail : gm.msa.ltd@gmail.com Tél./Fax : +250 28 0900555

RWANDA RUDNIKI SARL PHOENIX METAL Phoenix Metal est une société industrielle axée sur 3 directions : la fonte d’étain, L’enrichissement et l’exportation de minerai telle que la cassiterite (oxyde d’étain), le Wolfram (Tungstène) et la colombo tantalite. Phoenix Metal s’approvisionne auprès de mines rwandaises, quelles soient industrielles ou artisanales dans un esprit de partenariat et de vision à long terme.

contact.rma2012@yahoo.com

RWANDA RUDNIKI SARL est incorporée au Rwanda depuis le 26 juin 2006. Apres deux permis spéciaux de recherches et d’exploitation couvrant 9 concessions minières ,elle a deux permis d’exploitation minière depuis le 10/04/2012.Son activité minière couvre un champ pegmatitique stannocoltanifere étendu sur 25 km x 25 km Avec pour devise le développent minier responsable, cette société évolue vers l’exploitation semi-industrielle. RWANDA RUDNIKI SARL Bralirwa street, Zone A 0979, Kicukiro, Kigali, Rwanda, P.O.Box 4352

E-mail : contact@phoenix-metal.com Site : www.phoenix-metal.com

E-mail : rwandarudniki@gmail.com

WOLFRAM MINING AND PROCESSING LTD (W.M.P. LTD) Wolfram Mining and Processing Ltd (W.M.P. Ltd) est une société de droit rwandais Elle est née le 22 décembre 2006 et exploite à ce jour, deux concessions minières situées à GIFURWE, Province du Nord et à Rwinkwavu, Province de l’Est, qui produisent respectivement du tungstène et de l’étain. Recherche et innovation pour une exploitation rationnelle de nos concessions minières, tel est notre mot d’ordre.

RUTONGO MINES (LIMITED) SINDAMBIWE SIMON L’Ets SINDAMBIWE Simon est dans l’exploitation de l’extraction minière de Coltan, de Cassitérite et du Wolfram. Sensibles aux questions environnementales sur nos 6 sites miniers et visons aux projets publics locaux (Education, Habitat , micro finances…).

WOLFRAM - 428 rue Depute Kayuku, B.P. 1856 Kigali Rwanda

De l’Extraction artisanale à la Transformation et l’Industrie.

Tél. : 0255101479 - Site : wmprwanda.com E-mail : info@wmprwanda.com

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Rutongo Mines (Limited) est une société rwandaise d’exploitation minière qui s’est engage a contribuer d’une maniere sensible au développement de l’économie du Rwanda et de son peuple. “Minerais Sans Conflits” avec le projet pilote “MetTrak hands free Electronic Tagging System” P.O. Box 6132 Kigali / Republic of Rwanda Tél. : +250 788305193 E-Mail : martkat@bigpond.net.au Site : http://tincogroup.com


Le Plus de J.A. Rwanda

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PORTRAITS

De l’enthousiasme à revendre

VINCENT FOURNIER/J.A.

Qu’ils soient rwandais ou étrangers, ils n’ont pas hésité à sortir des sentiers battus et à prendre des initiatives, plutôt réussies.

Dativa Mukanyangezi Fleur des prisons La directrice du centre de Rilima a réussi à imposer une vision humaine de sa fonction.

U

n groupe de musique, avec batterie de fortune et guitare électrique, joue à plein volume pour accompagner les danseurs traditionnels dans la cour. Hormis le garde armé posté à l’entrée, peu de chose rappelle que ce bâtiment est un centre pénitentiaire : les détenus sortent sans escorte, avec bétail et outils agricoles. Dans un pays où tout écart est sévèrement réprimé (l’avortement est par exemple puni de cinq à dix ans de prison), on s’étonne de voir des sourires sur les visages des prisonniers. La responsable s’appelle Dativa Mukanyangezi. Cette femme de 39 ans à la bonne humeur communicative et au parcours hors du commun imprime N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

sa marque au centre de Rilima (Sud-Est) depuis début avril. Devenue en 2006 la première Rwandaise à diriger une prison, elle a officié, pour son premier poste, dans le difficile pénitencier 1930 de Kigali. À l’époque, l’atmosphère était lourde : la

ne l’ont pas quittée : « Ces gens ne sont pas perdus pour la société. En leur redonnant l’espoir, on peut faire d’eux de bons citoyens. » Cette philosophie a détonné à son arrivée à Rilima, après un intermède d’un an et demi à la mission des Nations unies en Haïti. « Ces gens ne sont pas perdus « Quand j’ai demandé que pour la société. On peut encore l’on plante des fleurs, on faire d’eux de bons citoyens. » m’a répondu : “Vous êtes sûre que c’est nécessaire?” » peine de mort était encore pratiquée, s’amuse-t-elle, sous le regard du responsable de la sécurité, un gaillard de 1,90 m l’établissement surpeuplé de génocidaires et les émeutes courantes. Mais ses au crâne rasé et en uniforme. Maintenant, convictions, acquises lors d’une première c’est lui qui détonne. ● expérience avec de jeunes délinquants, PIERRE BOISSELET JEUNE AFRIQUE


L’âge de raison

Sandra Idossou Services compris Cette Béninoise a lancé The Service Mag, un trimestriel spécialisé dans le secteur tertiaire.

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J.A.

vec ses hôtesses de l’air en couverture, ses articles en trois langues (kinyarwanda, anglais et français) et son papier glacé, The Service Mag a tout d’une revue de compagnie aérienne. Mais ce trimestriel, distribué gratuitement à Kigali, cible les employés du secteur des services. Lancé en 2010 et tiré à 5 000 exemplaires, il est l’œuvre de Sandra Idossou, une Béninoise de 38 ans. Ex-chroniqueuse du quotidien progouvernemental The New Times (qui aimait son expertise mais supprimait ses critiques nominatives), gérante d’une société de conseil, cette ancienne formatrice du groupe hôtelier Accor est tombée au bon endroit et au bon moment. « Le président insistait sans cesse sur la nécessité de fournir des services de qualité, se souvient-elle. Et c’est exactement ce que ce magazine permet d’améliorer. » Prochaine étape : distribuer The Service Mag dans toute l’Afrique de l’Est. ●

Tharcisse Sinzi Le karaté l’a sauvé Ceinture noire, il a survécu au génocide grâce à la combativité que ce sport lui a enseignée.

P

remier contact téléphonique: comme souvent au Rwanda, la voix tutoie d’emblée. Mais impossible de rendre la pareille. Une lenteur qui traduit l’expérience, une diction esquintée par la vie et un brin de majesté imposent un respect énigmatique. Ce n’est qu’au fil de la discussion suivante – les yeux dans les yeux, cette fois – qu’on comprend pourquoi… Tharcisse Sinzi est aujourd’hui directeur du patrimoine de la vénérable Université nationale du Rwanda, à Huye (nouveau nom de Butare). Mais à 49 ans, il continue,

à ses heures perdues, de pratiquer le karaté. Ceinture noire depuis 1984, il prépare son sixième dan. Comment pourrait-il arrêter ? C’est à la combativité que ce sport enseigne, assure-t-il, qu’il doit la vie. Car c’est un miraculé du génocide. Retour au mois d’avril 1994. D’abord, l’afflux, dans la confusion, de réfugiés vers son village natal de Songa : « Il y avait des Tutsis mais aussi des Hutus. On ne comprenait pas encore ce qui se passait. » Puis les jours et les nuits à se serrer les coudes pour repousser les assauts des miliciens. Jusqu’à l’attaque de l’armée, avec armes à feu et hélicoptère, qui ne laissait plus qu’une seule solution: attendre la tombée de la nuit et fuir. La voix s’arrête de longues secondes, les yeux dans le vague : « On nous tirait dessus à chaque kilomètre. » Et puis, le temps passé à convaincre les camarades ayant perdu famille et espoir

DR

P.B.

de ne pas se suicider. En vain, parfois. Tharcisse Sinzi a guidé 118 personnes jusqu’au Burundi. Au premier décompte, à Songa, ils étaient 3 500. ● P.B.

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Le Plus de J.A. Rwanda

Emmile et Betty Mulego La nuit leur appartient La capitale manquait de loisirs nocturnes ? Depuis qu’ils ont ouvert le K-Club, « alors on danse »…

I

l est le patron d’un centre commercial éclectique: supermarché ouvert vingtquatre heures sur vingt-quatre au rez-dechaussée, centre de soins au deuxième étage et, au premier, le K-Club, une boîte de nuit courue du Tout-Kigali, qu’il gère avec son épouse Betty. Et ça n’est pas fini: Emmile Mulego projette d’ouvrir un café et une salle de cinéma. Mais le nouveau pape de la nuit rwandaise, 43 ans, est surtout un professionnel très réfléchi. Sa décision d’investir à Kigali n’a pas été prise à la va-vite. Ancien juriste pour une ONG à Londres, il se rappelle: « Je voulais venir en Afrique, sans savoir exactement où. Bien sûr, mon cœur allait au Rwanda. Mais quand il s’agit deplacerleséconomiesdetouteunevie,on prend ses précautions. » Alors il compare: le Kenya? l’Ouganda? Et ce n’est qu’après avoirétudiétouteslespossibilitésetconstaté que Kigali manquait cruellement de loisirs nocturnes qu’il a sauté le pas. ● P.B.

VINCENT FOURNIER/J.A.

Sameer Hajee Le génie électricité Grâce à ce Canadien, la lumière n’est plus qu’à un coup de pédales.

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J.A.

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idée de Sameer Hajee pourrait changer le quotidien de millions de ruraux dans le monde. Ce Canadien de 39 ans veut apporter la fée électricité partout où elle est absente grâce à des générateurs électriques… à pédales. Ces derniers, dont 170 sont déjà en service au Rwanda – le pays qu’il a choisi pour se lancer – et dans quelques villages du Kenya, permettent à leur propriétaire de recharger, moyennant vingt minutes d’effort, cinq batteries de petites lampes offrant une dizaine de jours d’autonomie chacune. Dans la maison de Kigali qui sert de bureau principal à sa société, Nuru Energy, une nouvelle version de l’appareil, prête à être distribuée, a fait son apparition. Car depuis la conception du premier modèle, en 2008, le fonctionnement a été revu de fond

en comble. L’idée originelle était de vendre lampes et générateurs à des commerçants bien implantés, avec l’appui du microcrédit. Mais, le développement des services bancaires mobiles aidant, Sameer Hajee a trouvé mieux. Pour utiliser les nouveaux générateurs, reliés au réseau GSM, ses clients devront les « recharger » en crédit via leur mobile – ce qui ne les dispense pas de pédaler. Pour Sameer Hajee, les avantages de ce modèle, qu’il espère écouler à 10 000 exemplaires d’ici à 2016, sont multiples : les utilisateurs n’ont plus à s’endetter (ils louent le matériel), le suivi de chaque générateur est fait à distance, Nuru Energy perçoit des crédits carbone et, surtout, l’entreprise dispose, avec la commission prélevée sur chaque transaction, d’un flux de liquidités aussi renouvelable que son énergie. Lumineux ! ● P.B. JEUNE AFRIQUE


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PHOTOS : PIERRE BOISSELET/J.A.

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AGRICULTURE

La main (verte) de Pékin

Pour optimiser la productivité, l’accent est mis sur la recherche et la formation. Reportage à Rubona (Sud), où un centre sino-rwandais de démonstration des techniques agricoles vient d’être inauguré.

D

ans l’avion qui l’a fait venir de Chine, il n’était pas le seul à s’expatrier en Afrique. Chefs de chantier, géologues, ingénieurs des mines ou du pétrole… À elle seule, la liste des passagers aurait pu témoigner de l’intérêt de Pékin pour les ressources du continent. Mais depuis son arrivée à Kigali, Lin Zhansen ne sonde pas les entrailles des collines à la recherche d’hydrocarbures – à l’exception du gaz piégé dans le lac Kivu, qui n’a pas retenu l’attention des Chinois, personne n’en a jamais découvert au Rwanda. Lui passe son temps à arpenter les rizières et autres plantations dans une petite vallée de la région de Huye (anciennement Butare, Sud). L’or dont il est venu faciliter l’extraction n’est donc pas noir, mais vert. Le secteur n’en est pas moins stratégique : plus de 75 % des Rwandais dépendent de l’agriculture, qui représente plus de 60 % des exportations du pays. Pékin a mis le prix pour lui permettre de remplir cette mission : son salaire N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

et ceux de onze de ses collaborateurs sont payés par le gouvernement chinois pendant trois ans. Il s’agit de gérer le Centre sino-rwandais de démonstration des techniques agricoles de Rubona, officiellement inauguré par le Premier ministre, Pierre-Damien Habumuremyi, le 24 avril. Le coût de ce centre, près de 5 millions d’euros, a lui aussi été financé par la Chine. L’objectif est double : améliorer les techniques agricoles par de la recherche sur le terrain et les enseigner aux agriculteurs locaux.

L’agronome LIN ZHANSEN et son équipe ont formé 400 Rwandais en un an.

sont à maturité. Des dizaines de variétés doivent encore être testées pour déterminer celle qui donnera les meilleurs rendements au pied des collines. « Je suis très content d’eux, assure Louis Butare, directeur régional de l’Office rwandais de l’agriculture (Rwanda Agriculture Board). Avant même la fin de la construction du centre, ils s’étaient déjà mis au travail pour que tout soit en place. » PEINTURE FRAÎCHE. La transmission des

connaissances, elle, est moins efficace. Le centre, désespérément vide en cette matinée de mai, sent la peinture fraîche comme au premier jour. Si les outils utilisés pour la récolte du riz n’étaient pas maculés de terre (ils sont prêtés aux paysans du voisinage), on pourrait même douter de Des dizaines de variétés de riz l’utilité du lieu. Un peu plus doivent être testées pour trouver d’un an après son ouvercelle aux meilleurs rendements. ture officieuse, en avril 2011, quelque 400 Rwandais sont Pour remplir leur première mission, les venus apprendre à faire pousser des agronomes chinois n’ont pas perdu de champignons, construire des terrasses temps : les roseaux, plantés pour abriter qui retiennent sols et eau (un problème du soleil les cultures de champignons, majeur sur les collines)… On est encore dépassent déjà les 4 m de haut, et les loin de l’objectif de 600 techniciens et plants de riz (de variété chinoise) irrigués 3 000 agriculteurs formés en trois ans. JEUNE AFRIQUE


L’âge de raison Très à cheval sur la maîtrise de son budget (lire p. 70), Kigali accorde un soutien souvent parcimonieux aux projets de développement qu’il ne maîtrise pas pleinement. Ainsi, les logements que le Rwanda devait construire pour héberger les agriculteurs le temps des formations (de trois à cinq jours pour les plus courtes) ne sont pas encore sortis de terre. « Je n’ai le budget que pour faire venir entre 200 et 300 personnes tous

les six mois, indique Louis Butare. Mais je peux payer le transport aux experts chinois pour qu’ils aillent enseigner leurs techniques dans les villages », ajoute-t-il, évoquant la méthode habituellement employée par le ministère de l’Agriculture. Le centre de démonstration sino-rwandais de Rubona, lui, pourrait bien sentir la peinture encore longtemps. ● PIERRE BOISSELET

Les terres, « c’est presque cadeau » Les exploitations rétrécissent à mesure que la population se densifie. Pourtant, des baux longue durée sont concédés à des sociétés étrangères. Les raisons de ce paradoxe.

kényane a ainsi signé, cette année, un bail de quarante-neuf ans pour 50 ha de pâturages, qu’elle transformera en plantation d’avocatiers. SURPLUS. Plus lucratif et moins gour-

mand en terres, le business de l’horticulture a rapporté 2 millions de dollars (1,5 million d’euros) en 2011, mais le est le pays le plus densément RDB espère arriver à 300 millions de peuplé d’Afrique. Sa populadollars par an d’ici à 2017 (autant que tion, majoritairement rurale, le total des exportations rwandaises augmente de 2,1 % par an, faisant en 2011). « Nous ne l’aurions peut-être décroître la taille moyenne des exploipas fait il y a quelques années, concède tations d’une année sur l’autre. Pourtant, Tony Nsanganira. Mais en 2011, notre le Rwanda offre ses terres sur un plateau production de nourriture a dépassé la d’argent. L’Office rwandais du dévelopconsommation. Depuis cinq ans, nous pement (Rwanda Development Board, avons une croissance solide du secteur, RDB), qui promeut les investissements de 5 % par an en moyenne. Il y a donc privés, s’apprête ainsi à publier une un surplus. Et nous voulons le charte pour faciliter et accélécommercialiser. » rer les cessions de terre sur L’objectif du RDB est une longue durée (jusqu’à clair : il s’agit de passer quarante-neuf ans). Pour d’une agriculture de subl’instant, sont principalesistance à une agriculture ment concernées les surcommerciale. Et le pari faces appartenant à l’État pourrait bien réussir : ce (entre 10 % et 15 % du foncier). sont 78 millions de dollars Les prix oscillent entre 1 000 et qui ont été investis dans le secUn 2 000 francs rwandais (entre teur en 2011-2012, soit 150 fois « loyer » 1,30 et 2,60 euros) par hecle montant de l’année 2000. dérisoire tare et par an. « C’est presque Les projets d’agrobusiness cadeau, reconnaît Tony renforçant la sécurité aliEntre 1,30 et Nsanganira, responsable de mentaire sont également 2,60 euros l’agriculture au RDB. Mais encouragés : le Rwanda doit par hectare et nous attendons des investiscontinuer d’augmenter son par an seurs une productivité optimale niveau de production pour coudes terres, et il faut que le projet corresvrir une demande grandissante. ponde aux besoins du Rwanda. » La prioReste un bémol : si le besoin se faisait rité du pays étant la réduction du déficit sentir, par exemple, de replanter du du commerce extérieur, les cultures riz à la place des plants d’avocatiers d’exportation, si possible à forte valeur kényans, il faudrait convaincre les nouajoutée, sont particulièrement choyées. veaux locataires… ou attendre quelques Dans la province de l’Est, une société décennies. ● P.B.

C’

JEUNE AFRIQUE

N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012


Le Plus de J.A. Rwanda

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ð Grâce à un système basse tension largement éprouvé en Tunisie, la Steg doit réaliser 50 000 CONNEXIONS.

un tableau simplifié incluant une lampe, une prise de courant et assez de crédit pour deux semaines d’électricité. À la charge des bénéficiaires, ensuite, d’étoffer l’installation. Même les petites entreprises, équipées d’appareils plus gourmands en puissance électrique, peuvent y trouver leur compte, grâce à des transformateurs capables de changer le courant monophasé en courant triphasé.

CYRIL NDEGEYA

Écoles, dispensaires et lieux de culte figurent parmi les branchements prioritaires. ÉNERGIE

Une fée venue du Maghreb

Depuis un an, la Société tunisienne de l’électricité et du gaz installe le courant dans la province de l’Est.

C

e jeudi 7 juin, Mohamed Salah Bellili, ingénieur de Steg International Services (SIS), filiale de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg), supervise l’installation du réseau basse et moyenne tension dans le district de Gatsibo (Est). Pendant encore une semaine, son équipe va planter des pylônes de 12 m de haut afin de brancher huit gros villages dans la zone de Rugarama. « Dès que l’on s’écarte de la route, tout se fait à la main et il faut quinze paires de bras pour les sceller dans le sol », explique-t-il. Une fois le gros œuvre achevé, deux monteurs grimperont au sommet des poteaux pour installer une ligne en almelec, un alliage à base d’aluminium plus résistant, plus léger et surtout moins cher que le cuivre. PYLÔNES. Depuis près de un an et pour

encore au moins six mois, Mohamed Salah Bellili est l’un des quatre responsables tunisiens du projet d’électrification de la province de l’Est. Un contrat de 69 millions de dollars (55 millions d’euros) remporté fin 2010 après une phase test dans la région de Nyagatare (NordEst). Grâce à un système basse tension N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

« Sur 6 000 connexions dans le district de Gatsibo, je n’ai enregistré qu’un refus. Au contraire, beaucoup se plaignent de ne pas pouvoir être raccordés car leurs maisons sont trop éloignées de la ligne principale. Nos câbles de branchement n’excèdent pas 40 m », explique Mohamed Salah Bellili. Bien que subventionnée à 50 %, l’opération coûte tout de même 28 000 francs rwandais (36,30 euros), soit plus de un mois de salaire pour un instituteur. « Quelque 80 % des personnes branchées ont réglé cette facture et, pour les plus démunis, le gouvernement réfléchit à une formule à 15 000 francs rwandais », précise l’ingénieur tunisien.

largement éprouvé en Tunisie, l’entreprise doit réaliser 50 000 connexions dans une région où 6 % seulement des habitants avaient du courant – grâce à des groupes électrogènes et quelques panneaux solaires – avant le début du programme. « À la fin du chantier, 34 % des gens auront l’électricité », précise Mohamed Salah Bellili. Encore loin de COUPURES. Enthousiaste, l’objectif de 70 % fixé par le Mohamed Salah Bellili ne président Paul Kagamé. Au regrette pas sa première Au terme de total, les 80 expatriés tuniexpérience subsaharienne, l’opération, siens, aidés de leurs collamême si « les coupures de borateurs rwandais, ont déjà courant, d’internet, de routes dressé plus de 1 700 pylônes pendant la saison des pluies de la population dans six districts et raccordé et les pénuries d’essence ont aura accès 33 000 nouveaux clients au compliqué la tâche », reconà l’électricité, réseau de Rwanda Electricity naît-il. À l’issue du projet, il contre Corporation (Reco). se verrait bien poursuivre Si les écoles, les dispenl’aventure dans un autre pays saires, les églises et les mosde la région. Déjà intervenu auparavant quées figurent parmi les au Cameroun et au Burkina branchements prioritaires, des milliers Faso, SIS encourage d’ailleurs ses cadres de foyers profitent aussi de l’arrivée de à identifier de nouvelles opportunités. la fée électricité dans les villages. Et pour « Si une occasion se présente, je fonce ! » que la magie opère immédiatement, les jure Mohamed Salah Bellili. ● techniciens posent dans les habitations JULIEN CLÉMENÇOT

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La dynamique numérique en applications Un réseau de fibre optique performant couvre désormais l’ensemble des régions. Reste à développer son utilisation dans tous les secteurs économiques et sociaux. Dans le public comme dans le privé, les innovations ne manquent pas.

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es infrastructures sont là. Depuis l’an dernier, 2 300 km de fibre optique irriguent les 30 districts du pays, désormais tous couverts par un réseau internet mobile de bonne facture. Il s’agit maintenant de l’utiliser. C’est tout l’objectif du troisième plan quinquennal de développement des technologies de l’information et de la communication (TIC), approuvé par le gouvernement rwandais en mars. Les deux premiers avaient eu pour objectifs respectifs de mobiliser les Rwandais autour de la nécessité de développer ce secteur, appelé à être un pilier de l’économie de la connaissance souhaitée par le gouvernement, puis de développer les

infrastructures nécessaires à son émergence. Kigali considère que le contrat est rempli. « En réalité, nous avons même bâti volontairement des réseaux d’une capacité très supérieure à ce qui est nécessaire pour préparer l’avenir », explique Patrick Nyirishema, responsable des TIC à l’Office rwandais du développement. La prochaine étape est de passer le relais au secteur privé pour mettre la technologie au service du développement des différents secteurs (information, tourisme, santé, agriculture, éducation, etc.) et du pays en général. Certaines applications, qui fonctionnent déjà, donnent un aperçu de ce à quoi pourrait ressembler le Rwanda de demain. Le Rwanda 3.0.

ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.

C’est devenu un geste quotidien pour la plupart des cadres du ministère de la Santé : se connecter au système de gestion des informations sanitaires. Ils peuvent y suivre, mois après mois et district par district, l’évolution des indicateurs pertinents pour leur fonction, du nombre de nouveaux cas de paludisme à celui des actes de violence faits aux femmes. Car, dans tous les centres de santé du pays, des responsables des données sont désormais chargés de faire remonter les informations du terrain via ce système. Le Rwanda s’est en effet lancé dans un vaste programme d’informatisation de la santé, baptisé e-Health. Son précurseur, TracNet, lancé en 2005, permettait de suivre l’évolution de l’épidémie de sida

N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

et d’anticiper l’acheminement des traitements. « C’était particulièrement important pour le traitement du sida, parce que tout arrêt des médicaments peut être très dangereux », indique Richard Gakuba, coordonnateur national des programmes e-Health. TracNet fonctionne toujours et la plupart des autres maladies sont maintenant suivies par un système similaire. En outre, un logiciel de gestion des stocks de médicaments, que pourra utiliser chaque hôpital pour réclamer des livraisons, doit être mis en place d’ici au début de 2013. Depuis 2010, les grossesses font également l’objet d’un suivi automatisé. Chaque village dispose théoriquement de deux correspondants formés pour transmettre par SMS des informations telles que le nom des femmes nouvellement enceintes, la date de leurs dernières menstruations ou encore les éventuelles maladies contractées pendant la grossesse. « Le système les prévient au moment de passer des examens et lorsqu’elles sont proches du terme pour qu’elles s’orientent vers un centre de santé », explique Richard Gakuba. Tous ces correspondants ne sont pas encore pleinement opérationnels, reconnaît-il toutefois. Pas facile de suivre le rythme technologique imposé par le ministère.

DR

Santé Un suivi médical bien assuré

Tourisme Voyages à la carte avec Google Qui peut augmenter la visibilité d’un pays pour les touristes sans réclamer un dollar ? Le Rwanda est le premier pays du continent à avoir trouvé la réponse : Google. Le moteur de recherche le plus utilisé a en effet choisi le pays des Mille Collines comme projet pilote en Afrique pour la cartographie des installations touristiques. En mars, l’Office rwandais du développement a donc communiqué au géant de l’internet ses données sur les principales attractions touristiques, les hôtels, les restaurants, les centres commerciaux, les bureaux de change et autres services, afin qu’elles soient recensées sur les cartes interactives Google Maps. Les acteurs du secteur ont aussi été invités à entrer euxmêmes les informations relatives à leurs établissements. Les futurs visiteurs du Rwanda auront donc la possibilité d’organiser leur itinéraire de voyage en quelques clics, sans bouger de chez eux. JEUNE AFRIQUE


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PIERRE BOISSELET/J.A.

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B.a.-bazerty.

LES TRACES DE CRAIE qui y sont incrustées sont trompeuses. Cela fait bien longtemps qu’on n’utilise plus le tableau noir dans cette salle de classe de la Camp Kigali School. Depuis que l’école bénéficie du programme One Laptop per Child (« un ordinateur portable par enfant »), cette pièce équipée d’une seule prise électrique est devenue la salle informatique des 2 500 élèves de l’établissement, et les 10-12 ans y passent une heure vingt par semaine pour apprendre le b.a.-ba du maniement d’un ordinateur. Depuis 2008, le gouvernement a acquis quelque 200 000 portables et déjà équipé 208 écoles publiques. L’objectif est d’arriver au double.

Agriculture Des marchés à portée de main Utiliser les dernières technologies pour prêter main-forte aux plus faibles, c’est la philosophie de l’application e-Soko (« e-marché », en kinyarwanda). Grâce à ce programme lancé en 2010, les agriculteurs peuvent s’informer en temps réel, par SMS, sur les prix de leurs produits

(78 sont répertoriés) sur le marché de leur choix (parmi 62 proposés). Le système est au point, mais le nombre total d’utilisateurs (70 000) reste bien en deçà des espérances. C’est pourquoi une deuxième phase est en préparation, qui devrait voir la mise en place d’un serveur

vocal (pour les illettrés), l’ouverture du service à tous les opérateurs (jusqu’à maintenant, seul MTN le propose) ainsi que la possibilité pour les agriculteurs de faire connaître le prix et la quantité de denrées qu’ils souhaitent vendre. ● PIERRE BOISSELET


Le Plus de J.A. Rwanda

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MÉDIAS

« Igihe.com », du web au papier Lancé en 2009, ce site d’information trilingue et au ton enlevé est le plus visité du pays. Forte de son succès, la start-up a lancé un hebdomadaire tiré à 2 000 exemplaires. y avait beaucoup d’autres choses à dire sur le pays. » Avec beaucoup d’énergie et l’aide des annonceurs – essentiellement des organismes d’État –, ð MEILLEUR MURINDABIGWI, le site internet, lancé 28 ans, a e n j u i l l e t 2 0 0 9, a fondé ce bien grandi. Il emploie journal en désormais une trenligne alors ta i ne de sa la r iés, qu’il était encore a réalisé un chiffre étudiant. d’a f f a i r e s d e p l u s de 10 0 m i l l ions de f ra nc s r w a nda is (130 0 0 0 eu ros) en 2011 et a donné naissance à un hebdomada i re su r papier, t i ré à 2 000 exemplaires. J.A.

GONFLÉ. L’activité principale reste le

À

la une d’Igihe.com (« le temps », en kinyarwanda) ce jour-là, les photos d’un prêtre catholique surpris au lit avec une jeune femme, la réaction – virulente – de la ministre rwandaise des Affaires étrangères à des accusations de la mission de l’ONU en RD Congo, ou encore les espoirs du pays de découvrir du pétrole dans son sous-sol. Faits divers, politique ou économie, en kinyarwanda, en anglais et en français : le cocktail d’informations proposé par Igihe.com fait fureur à Kigali.

On y trouve des articles moins corsetés que dans les journaux de la place, mais pas au point, tout de même, d’y voir apparaître des critiques vis-à-vis du gouvernement. PASSIONNÉ. « L’idée de créer ce site

m’est venue en voyant l’image très négative donnée du Rwanda par les sites gérés depuis l’étranger [souvent le fait d’opposants ex ilés, NDLR], explique le PDG de cette start-up, Meilleur Murindabig w i, 28 ans. À l’époque, j’étais étudiant et déjà passionné d’internet. J’ai pensé qu’il

web, et Igihe.com est devenu le site rwandais le plus populaire, devançant celui du New Times, l’unique quotidien en anglais du Rwanda. Le nombre de visites pour chaque article semble toute-

Faits divers, politique et économie… Le cocktail fait fureur à Kigali. fois quelque peu gonflé : tous les chiffres des sous-sites anglophone et francophone sont étrangement multiples de neuf… Un « problème technique » qui ne remet pas en question le statut de leader d’Igihe.com sur la Toile rwandaise. ● PIERRE BOISSELET


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AÉRIEN

Bien décidé à profiter de la croissance exceptionnelle du trafic en Afrique de l’Est, le pays étoffe la flotte et le réseau de Rwandair. Il attire aussi d’autres compagnies sur son tarmac.

P

our faire de Kigali un hub aérien reliant le cœur du continent au Moyen-Orient, les autorités rwandaises s’appuient sur une stratégie en deux volets : « D’un côté, nous allons construire un nouvel aéroport dans le district de Bugesera [lire encadré, NDLR] pour doper notre capacité d’accueil à 3 millions de passagers par an. De l’autre, nous voulons augmenter la flotte et le réseau de notre compagnie Rwandair, pour renforcer l’attractivité de la place », explique Alexis Nzahabwanimana, ministre des Transports. Alors que l’Afrique de l’Est est la région subsaharienne dont le trafic aérien croît le plus (plus de 20 % par an), Kigali est persuadé d’avoir une carte à jouer. « Depuis que nous avons lancé Rwandair en 2009 [à la suite de Rwandair Express, créée en 2002], nous avons doublé son trafic chaque année, pour atteindre 270 000 passagers en 2011 », se félicite Alexis Nzahabwanimana. Quant au trafic total de l’aéroport international de Kigali, il a atteint près de 400 000 passagers en 2011. DIRECTION LAGOS. Pour pousser son

trafic, Rwandair, présidée depuis janvier par l’ancien patron d’Ethiopian Airlines, Girma Wake, modernise et complète sa flotte. La société a réceptionné en août 2011 un premier Boeing 737-800 et en attend un second dans les tout prochains mois. « Nous venons de vendre deux anciens jets Bombardier CRJ-200 et en avons commandé deux nouveaux, des CRJ-900, qui doivent être livrés en octobre. D’ici à la fin de l’année, nous JEUNE AFRIQUE

! LE TRANSPORTEUR NATIONAL

dessert treize destinations. aurons donc sept avions. Quatre seront propriété de la compagnie et trois en location », détaille le ministre, qui vise à qui disposent d’une flotte d’appareils et terme une flotte de dix appareils. d’une population autrement plus imporLe premier des deux Boeing a été tantes, observe l’analyste Cheikh Tidiane affecté à une nouvelle ligne, inaugurée en Camara, du cabinet de conseil aérien décembre, vers Lagos. La capitale éconoEctar. Même avec un nouvel aéroport mique du Nigeria devient ainsi la première doté d’une capacité de 3 millions de destination ouest-africaine de Rwandair. passagers par an, je ne vois pas comment Une ouverture qui monte à treize le Kigali réussira à attirer davantage que nombre de destinations Nairobi [5,1 millions de de la compagnie, après passagers]. » La proximité de Brazzaville, Libreville, « Avec la forte croisla très dynamique sance du trafic en Nairobi, Johannesburg, Addis-Abeba, Bujumbura, Afrique de l’Est et le Nairobi reste un Entebbe (Ouganda)… besoin criant de liaihandicap majeur. sons intra-africaines, Inversement, de grandes les grandes compacompagnies européennes et moyen-orientales ont mis la capitale gnies aériennes du continent ne peuvent rwandaise sur leurs plans de vols : après répondre à toute la demande, il y a de KLM, Brussels Airlines et Qatar Airways, la place pour tous », veut croire Alexis c’était au tour de Turkish Airlines d’ouvrir, Nzahabwanimana. Pour lui, la rigueur de en mai, une ligne directe entre Istanbul la gestion du ciel rwandais, notamment et Kigali, avec des rotations trois fois par en matière de sécurité aérienne, et la semaine. forte volonté politique de développer les Mais le Rwanda doit faire face à ses infrastructures devraient aussi convaincre puissants voisins. « Kigali a pour handicap les passagers et les grandes compagnies majeur de se trouver à proximité des bases de transiter par Kigali. ● de Kenya Airways et d’Ethiopian Airlines, CHRISTOPHE LE BEC

UN NOUVEL AÉROPORT C’EST LE DISTRICT DE BUGESERA, au sud de la capitale, qui a été choisi pour l’implantation du nouvel aéroport de Kigali. À terme, il devrait atteindre une capacité de 3 millions de passagers et 15 500 tonnes de cargaison par an. « Situé à quarante-cinq minutes en voiture de la capitale, il présente l’avantage d’être facilement extensible », précise Alexis Nzahabwanimana, le ministre desTransports. Le projet nécessitera un investissement massif d’environ 500 millions d’euros. Si la phase d’étude est presque achevée, la sélection du maître d’œuvre du chantier doit être annoncée d’ici à la fin de 2012, pour une entrée en service en 2016. ● C.L.B. N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

CYRIL NDEGEYA

Kigali se sent pousser des ailes


Consolider la Bonne Gouvernance pour un Développement durable

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e Rwanda a, ces dernières années, enregistré des progrès impressionnants en matière de gouvernance. La mise en place de l’Office Rwandais de la Gouvernance (Rwanda Governance Board, RGB) est, alors, une suite logique aux réformes globales et ambitieuses en matière de gouvernance que le gouvernement du Rwanda (GoR) a initié au cours de la dernière décennie. En effet, le GoR reconnait l’urgence stratégique et politique de suivre de près et d’évaluer continuellement l’état de la gouvernance à la suite des diverses réformes entreprises. Plus particulièrement, il met l’accent sur l’importance de la recherche appliquée et de la promotion des meilleures pratiques dans le domaine de la gouvernance.

COMMUNIQUÉ

MISSION RGB a des missions spécifiques à remplir : • Promouvoir les principes de bonne gouvernance au sein des institutions publiques et privées ; • Contrôler les pratiques de la gouvernance dans les domaines politique, public, corporatif et civique, avec une attention particulière à la prestation de services ; • Réaliser des recherches appliquées sur les questions de gouvernance et assurer un plaidoyer stratégique sur les politiques publiques ; • Documenter les « initiatives endogènes » et mener des recherches y relatives ; • Coordonner la mise en œuvre de la politique de décentralisation et le renforcement des capacités des gouvernements locaux ; • Enregistrer les partis politiques ; • Enregistrer et octroyer la personnalité juridique aux ONG nationales et aux organisations confessionnelles ; • Œuvrer pour le développement des medias. Le Ministre de l’Administration Locale, James MUSONI, tend l’oreille aux membres d’une micro-coopérative d’épargne et de crédit à Kinihira, District de Rulindo, au lancement officiel du mois de la gouvernance.

RGB: UN GUICHET UNIQUE L’Office Rwandais de la Gouvernance a été mis en place pour servir de guichet unique pour la bonne gouvernance au Rwanda. Avec un mandat saisissant des composants de grande pertinence pour la bonne gouvernance, le RGB résulte de la fusion d’institutions et services déjà existants auxquels se sont ajoutées quelques nouvelles fonctions. En ce qui concerne les institutions existantes, RGB a fusionné : • Le Conseil Consultatif sur la Gouvernance au Rwanda (RGAC) ; • Le Secrétariat national de la mise en œuvre de la décentralisation (National Decentralisation Implementation Secretariat, NDIS) ; • Le Département en charge des ONG et organisations confessionnelles nationales et des partis politiques, précédemment au sein du Ministère de l’Administration Locale (MINALOC) ; • Le Département en charge de l’octroi de la personnalité juridique des ONG et organisations confessionnelles nationales précédemment au Ministère de la Justice (MINIJUST) ; • Le Département en charge du développement du secteur des medias, précédemment logé par le Ministère chargé des Affaires du Conseil des Ministres (MINICAF).

PROGRAMMES SPÉCIAUX Afin de poursuivre ses objectifs, le RGB en collaboration avec ses partenaires au développement en particulier le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), la Coopération Technique Belge (CTB), l’Ambassade des Pays Bas au Rwanda et la Société allemande pour la coopération internationale (GIZ) a initié plusieurs programmes spéciaux pour renforcer la bonne gouvernance au Rwanda. Ces programmes spéciaux visent les acteurs et partenaires a trois niveaux: le local, le national et l’international.

■ Programme de Débats sur les Politiques Publiques (PDP)

PDP est un programme novateur conçu et mis en œuvre par le RGB. Il a trois objectifs principaux : renforcer la participation civique dans la formulation et la mise en œuvre des politiques publiques ; consolider la transparence, la Séance d’écoute et de traitement de requêtes de la population pendant le mois de la gouvernance Ruhuha, Province de l’Est.


Rwanda Governance Board redevabilité horizontale et verticale ; et injecter les idées et les recommandations issues de la recherche appliquée dans les processus de politique publique. Ce programme sert aussi de forum stratégique de réseautage avec des institutions internationales qui travaillent sur des questions de gouvernance afin d’améliorer l’objectivité des évaluations de la gouvernance au Rwanda.

■ Évaluation conjointe de la gouvernance (JGA)

■ Forum d’action pour un développement conjoint (JDAF)

Coordonné par le RGB, le JADF est un mécanisme conçu pour atteindre une meilleure prestation de services et un développement économique soutenu au niveau local. Il coordonne les activités de tous les acteurs du développement au niveau local : les gouvernements locaux, les partenaires au développement, les Organisations de Société Civile (OSC) et le secteur privé de manière à promouvoir une gouvernance locale efficace et un développement économique.

JGA est une nouveauté de gouvernance globale inventée et détenue conjointement par le gouvernement rwandais et ses partenaires au développement. Il vise à évaluer objectivement les questions de gouvernance au Rwanda au moyen d’indicateurs définis conjointement.

de l’administration locale

Le renforcement des capacités des dirigeants des gouvernements locaux est un ingrédient clé de la réussite de la politique de décentralisation entreprise par le Rwanda. Le programme de formation vise à assurer un transfert de compétences en milieu de travail en fonction des besoins spécifiques de chaque entité locale. PROFESSEUR SHYAKA ANASTASE, CEO/RGB

■ École mobile de gouvernance (MSG) MSG est un projet novateur initié par le RGB dont l’objectif principal est d’améliorer les normes de gouvernance locale au Rwanda par l’autonomisation des leaders locaux et des acteurs non étatiques. Ils reçoivent des connaissances et acquièrent des compétences nécessaires pour répondre efficacement aux demandes des citoyens et ainsi catalyser le développement national et sociétal. Plus précisément, MSG vise à accroître la participation des citoyens aux affaires publiques et la responsabilité et réactivité des dirigeants locale aux demandes des citoyens.

■ Autonomisation

de la société civile

La société civile est considérée comme participant faiblement à la gouvernance. RGB s’emploie à relever ce défi par l’octroi de subventions concurrentielles pour aider les OSC à entreprendre des projets qui renforcent leur rôle dans la gouvernance et le développement. Dans ce cadre, les OSC rwandaises ont mené des projets relatifs a des questions telles que la défense et la promotion des droits humains, les médias, la prestation de services ou encore l’engagement civique des jeunes. Des prix de reconnaissance publique sont également donnés par le RGB aux OSC nationales pour leur travail exceptionnel sur la prestation des services aux citoyens et la promotion de la bonne gouvernance.

Employés de RGB et Partenaires au lancement du Programme « Participation Inclusive en Gouvernance ».

P.O Box 6819 Kigali, Rwanda E-mail: info@rgb.rw

www.rgb.rw

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR

Objectifs de la JGA : • Développer une compréhension commune des questions de gouvernance au Rwanda ; • Réduire les coûts de transaction en regroupant les différentes activités d’évaluation de la gouvernance par les partenaires ; • Fournir une évaluation objective et factuelle, qui reflète l’histoire spécifique de la gouvernance au Rwanda, son contexte et ses réalités actuels.

■ Programme de coaching


Le Plus de J.A. Rwanda

ANDREW PLUMPTRE/BSIP

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ÉCOTOURISME

Star des montagnes

Symbole national et attraction très lucrative, le gorille fait l’objet d’une attention redoublée de la part des autorités. Tout comme, plus généralement, les trois parcs nationaux.

«

G

ukundaa accouchécette nuit. Le bébé va bien. Elle aussi, elle n’a pas besoin d’aide. » Des appels comme celui-ci, l’Office rwandais dudéveloppement(RwandaDevelopment Board, RDB) en reçoit à chaque naissance de gorille des montagnes dans le parc national des Volcans (Nord). C’est – entre autres – la mission des quelque 90 pisteurs teurs employéspoursuivre,en en permanence, ces primates présents sur le territoire rwandais. Parfois, il s’agit d’appeler un vétérinaire lorsqu’un membre d’une des dix « familles » s’est blessé (souvent après une bagarre entre tre

congénères). Plus souvent, les pisteurs indiquent aux guides le chemin à suivre pour amener leur groupe de huit touristes (c’est le maximum autorisé) à proximité des primates. Mais cette année, les pisteurs ont envoyé beaucoup de faire-part de naissances. Dix-neuf exactement. Et ces gorilles nouveau-nés ont eu

« Je suis heureux que nos jumeaux aient bien grandi! » @PAULKAGAME Le 26 mai, sur Twitter, le président Paul Kagamé se réjouissait de la bonne santé de deux gorilles aujourd’hui âgés de 6 ans

DÉVELOPPONS VOTRE ACTIVITÉ ENSEMBLE

ð Les nouveau-nés de l’année écoulée ont été baptisés le 16 juin lors de la cérémonie dite de KWITA IZINA.

droit à un baptême collectif, le 16 juin, lors de la cérémonie dite de Kwita Izina (« donner un nom », en kinyarwanda). Car, et c’est une excellente nouvelle pour cette espèce menacée dont la célèbre primatologue américaine Diane Fossey a fait la renommée, les gorilles des montagnes ont repris du poil de la bête. Selon un recensement conjoint du Rwanda, de la RD Congo et de l’Ouganda, ils étaient 480 en 2010 dans le massif des Virunga (à cheval sur les trois pays). C’est 100 de plus qu’en 2003, soit une augmentation de plus de 26 % en huit ans. Pour obtenir la population mondiale, il suffit d’ajouter les quelque 320 gorilles du parc de Bwindi, en Ouganda, seul autre habitat de cette espèce qui ne survit pas en captivité. Malgré la débauche de moyens pour veiller sur eux, les gorilles des montagnes restent très rentables pour le pays des

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Mille Collines. Car leur rendre une petite visite se paie : outre les heures de trek dans le massif le plus élevé du pays, il faut débourser quelque 750 dollars (environ 600 euros) par personne pour s’attacher les services d’un guide de l’Office rwandais du tourisme, qui détient le monopole de cette activité. Avec 60 visiteurs par jour en moyenne en 2011 (la visite était alors facturée 500 dollars) et jusqu’à 80 en saison haute, la manne est loin d’être négligeable. COHABITATION. Une grande partie de ces recettes est réinvestie pour diversifier l’offre touristique du Rwanda, avec pour ambition d’allonger la durée moyenne de séjour des voyageurs. De gros efforts sont notammentfaitsdanslesdeuxautresparcs nationaux : celui de Nyungwe, près de la frontière avec le Burundi (Sud-Ouest), qui compte 13 espèces de primates, et celui de l’Akagera, connu pour sa savane, près de la Tanzanie (Est). Les éléphants, buffles et hyènes qui peuplent l’Akagera sont pour l’instant beaucoup moins prisés des touristes (qui préfèrent admirer leurs cousins

Dans le massif des Virunga, leur nombre a augmenté de 26 % en huit ans. kényans et tanzaniens) et aussi beaucoup plus féroces que les gorilles à l’égard de la population – il y a parfois des morts. Outre le reversement de 5 % des recettes des parcs nationaux à des projets dans les villages voisins, le RDB a récemment mis en place un fonds de compensation – abondé par 5 % supplémentaires – pour indemniser les blessés et les agriculteurs aux parcelles détruites par les animaux sauvages. Une clôture de 120 km autour de l’Akagera est également prévue. « C’est très coûteux, mais nécessaire pour que les habitants ne rejettent pas le parc », explique Rica Rwigamba, responsable du tourisme et de la conservation au RDB. Dans la région de Musanze (anciennement Ruhengeri), au pied du massif des Virunga, la cohabitation pose moins de problèmes : les gorilles des montagnes ne s’approchent guère de la population, et les touristes qu’ils attirent ont largement contribué à dynamiser l’économie locale. Il s’agit du district avec la plus faible proportion de pauvres, après la ville de Kigali. ● PIERRE BOISSELET JEUNE AFRIQUE

N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

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CYCLISME

Le vélo pour vitrine

Américain à participer au Tour de France (en 1981), Jonathan « Jock » Boyer : « Je teste cinq ou six coureurs par semaine. Il y a énormément de qualité ici. » C’est lui qui, en créant en 2006 la Team Rwanda, preuve de l’engouement qui entoure ce première équipe de cyclisme du pays, sport. Un enthousiasme que les autorités a posé la première pierre. Ils n’étaient rwandaises tentent depuis cinq ans de que cinq membres au début, ils sont le double aujourd’hui. L’un d’entre eux, traduire en véritable pratique profesAbraham Ruhumuriza, sionnelle, afin de faire du cyclisme la « spécialité » vient de remporter le Pionnière, du pays. Kwita Izina Cycling la Team Rwanda Tour 2012 : il devient a été créée ainsi le premier couPOTENTIEL. Si la Ferwacy ne compte aujourd’hui en 2006. reur rwandais à gagner qu’une soixantaine de une course internatiolicenciés, « les choses évoluent favoranale. Un autre, Adrien Niyonshuti, est blement », assure Aimable Bayingana. qualifié pour les Jeux olympiques de « Nous avons un grand potentiel, beauLondres, du 27 juillet au 12 août, dans coup de jeunes veulent pratiquer ce l’épreuve tout-terrain de mountain bike. sport », explique-t-il. Un avis partagé par Au-delà de l’aspect sportif, le Rwanda l’ancien cycliste professionnel et premier ambitionne de devenir une structure

La fédération rwandaise organise deux courses internationales. Face à l’engouement de la population, elle songe à faire de ce sport l’équivalent de ce qu’est devenu l’athlétisme au Kenya : une spécialité.

M

assés à l’arrivée des étapes, le long des routes dans chaque localité traversée, ils sont plusieurs dizaines de milliers à avoir suivi la quatrième édition du Kwita Izina Cycling Tour, organisée les 9 et 10 juin et dont le nom fait référence à la « cérémonie du baptême » célébrée à la même époque pour les bébés gorilles (lire pp. 90-91). Pourtant, le président de la Fédération rwandaise de cyclisme (Ferwacy), Aimable Bayingana, serait presque déçu : « C’est bien, mais rien comparé au Tour du Rwanda », organisé en novembre. L’an dernier, plus de 3,5 millions de personnes y ont assisté dans tout le pays,

! ABRAHAM RUHUMURIZA, vainqueur du Kwita Izina Cycling Tour, le 10 juin.


L’âge de raison se félicite-t-il. De fait, membres de l’UCI, d’accueil et d’organisation reconnue. Bien qu’inscrit au calendrier de l’Union organisateurs de courses, présidents de cycliste internationale (UCI) depuis un fédérations voisines, entraîneurs, tous louent le travail et la bonne gouveran, le Kwita Izina Cycling Tour reste une nance de la Ferwacy. « C’est l’une des petite course à faible budget, et c’est surtout le Tour du Rwanda, créé en 1989 et meilleures fédérations de cyclisme en intégré depuis 2009 à l’UCI Africa Tour, Afrique, elle réussit à faire beaucoup qui est la véritable vitrine du cyclisme avec peu de moyens », assure même rwandais. « La plupart Jonathan Boyer. des circuits continenAimable Bayingana Avec son relief taux sont sur plat. Avec est conscient du tradiversifié, le pays sa diversité en termes vail qu’il lui reste à des Mille Collines de relief, le Rwanda peut effectuer pour élever être attractif », estime peut être attractif. le cyclisme au rang de Aimable Bayingana. sport national. Le coût de cette pratique, notamment, est un IMAGE. Qu’il s’agisse de l’aspect sportif obstacle pour une majorité de jeunes. comme de l’organisationnel, c’est bien Mais il veut croire que « si on y met les l’image du pays qui est en jeu. Le prémoyens, le cyclisme au Rwanda, comme sident de la fédération en est persuadé : l’athlétisme chez [les] voisins kényans, peut considérablement se développer « Avec les diverses compétitions qui ont été organisées, les gens ont découvert et, pourquoi pas, attirer des visiteurs lors un autre Rwanda. Un Rwanda prosdu Tour du Rwanda ». Comme certains réservent leurs vacances sur le Tour de père, pacifique et pacifié, avec des infrastructures routières bien faites et des France. ● infrastructures d’accueil à la hauteur », VINCENT DUHEM, envoyé spécial

L’épreuve à suivre

Les 11 et 12 août, le cyclisme rwandais sera représenté aux Jeux olympiques de Londres, dans la catégorie mountain bike (épreuve tout-terrain), par Adrien Niyonshuti, 25 ans

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L’âge de raison

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CULTURE

Travelling avant sur Eric Kabera Réalisateur et producteur prolifique, il est à l’origine d’un festival et d’un institut de formation dévolus au septième art. Son nouveau défi : ouvrir la première salle de cinéma de la capitale.

L

e premier, un long-métrage sur le génocide rwandais, a été sélectionné au Festival international du film de Toronto, en 2001. Le second, un petit film de trois minutes, s’échange sous le manteau à Kigali. Pourtant, 100 Days et K-Guy ont deux points communs. L’un, évident, est le Rwanda, théâtre des deux films (le premier a été tourné sur les véritables lieux du drame). L’autre se cache dans la liste des crédits qui défilent en caractères blancs dans le générique de fin. Il s’agit d’Eric Kabera, le producteur des deux œuvres.

au regard malicieux et aux phrases qui pourraient être entendues dans les cercles européens du cinéma d’art et essai (il est proche du réalisateur allemand Volker Schloendorff, qui l’aide dans ses projets) est une figure incontournable à Kigali. Réalisateur, producteur, scénariste, et même parfois acteur… Alors que rien ne le destinait au cinéma (il a grandi à Goma, en RD Congo, et est tombé dans l’audiovisuel en devenant l’assistant d’un journaliste reporter d’images de la BBC au Rwanda, après 1994), il a connu tous les postes et certains honneurs : il a été invité au Festival du film de Tribeca (New York), au Japon, au Canada…

VINCENT FOURNIER/J.A.

« HILLYWOOD ». Cet homme de 42 ans

! À 42 ANS, il cumule de nombreuses casquettes, et prend parfois celle d’acteur.

Son combat, désormais: développer le septième art au pays des Mille Collines. Le défi est de taille dans un pays où les fonds publics sont rationalisés et alloués prioritairement aux projets de développement économiques plus que culturels. Le Rwanda Cinema Centre, qu’il a fondé, est

donc financé par plusieurs ambassades et organes de coopération, de même que le Rwanda Film Festival (aussi connu sous le nom de Hillywood), organisé chaque année depuis huit ans. À partir du 14 juillet, son convoi équipé d’un grand écran gonflable sillonnera les campagnes ● ● ●

FILMOGRAPHIE " 100 Days, long-métrage (producteur, 2001)

• Moto Auto Ouaga,

• Gardiens de la mémoire,

• Alphonse’s Journey,

• Scars of My Days,

" Africa United, long-métrage (producteur, 2010)

• Iseta : Behind the Roadblock, documentaire (coproducteur, 2008)

• Before and After,

documentaire (réalisateur, producteur, scénariste, 2004) court-métrage (producteur, 2006)

JEUNE AFRIQUE

court-métrage (réalisateur, 2009) documentaire court (réalisateur, 2009)

long-métrage (en projet) N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012


Le Plus de J.A. Rwanda de lancer une formation académique de deux ans pour mieux instruire les cinéastes rwandais de demain. FAIBLESSES. Car l’industrie cinéma-

VINCENT FOURNIER/J.A.

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! AU KWETU FILM INSTITUTE, Eric Kabera donne des cours de prise de vue, de montage…

pendant une semaine pour proposer une sélection de films exigeants. Il posera ensuite ses bagages du 21 au 27 juillet à Kigali, pour les dernières projections sur le même écran gonflable. La capitale rwandaise ne dispose pas, pour l’instant, d’une salle de cinéma permanente. Mais cela ne devrait pas tarder: la construction d’une petite salle d’art et d’essai est en projet dans le quartier de Gacuriro. Son promoteur ? Eric Kabera bien sûr ! La première pierre n’est pas encore posée, mais le complexe dans

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lequel il devrait s’intégrer est déjà sorti de terre. Le Kwetu Film Institute, c’est son nom, comporte dans les étages un hôtel sur le thème du grand écran; mais il abrite surtout, au rez-de-chaussée, la première école de cinéma du pays, avec salles de montage et de projection. Prise de vue, réalisation, production… La formation dispensée y est, pour l’instant, assez succincte : trois mois et quelque 500 dollars (environ 400 euros), hors frais d’inscription, pour appréhender les techniques du cinéma. Mais dès 2013, Eric Kabera prévoit

Au royaume du DVD Une multitude de films locaux à petit budget sont distribués dans la rue. Un modèle économique rudimentaire… mais profitable.

D

eux formes de cinéma cohabitent au Rwanda. Le premier, né dans le sillage des quelques grosses productions tournées sur place, est celui de cinéastes reconnus qui tentent de faire exister une production capable de s’exporter dans les festivals internationaux. Le second, c’est celui des petits films, faits par et pour des Rwandais, qui se vendent dans la rue et sont diffusés exclusivement en DVD. Et le plus lucratif des deux n’est pas forcément celui que l’on croit. Certes, les vendeurs ne sont pas toujours faciles à trouver, en dépit de leurs habits aux couleurs de la société qui les emploie : ils sillonnent les rues des villes, sans boutique fixe. Mais leur marchandise, des DVD de films produits localement et en kinyarwanda, s’écoule à N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

vitesse grand V. Leurs patrons sont des distributeurs locaux, qui achètent ces films pour les revendre le plus rapidement possible, avant que les copies sauvages et leur circulation de main en main ne les rendent obsolètes. MAGIE. Le modèle éco-

tographique rwandaise naissante (lire ci-dessous) a trop de faiblesses à son goût. « Il y a des choses intéressantes, mais j’ai beaucoup de réserves, explique-t-il. Le public est tellement exposé à ce qui se fait ailleurs qu’il fait de plus en plus la différence entre ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Et dans les films locaux, on constate trop souvent qu’il manque les bases de la formation au cinéma. » « Eric Kabera a tendance à tout ramener à lui, tranche une habituée des tournages au Rwanda. Mais il y a beaucoup de jeunes talents dans ces films à petit budget. Il faut les encourager. » Le cinéaste-producteur, lui, préfère ouvrir une autre voie avec des desseins plus ambitieux. Before and After, son nouveau projet, devrait être un film d’action sur la guerre de libération menée par le Front patriotique rwandais (FPR, au pouvoir). Le producteur américain Adam Leipzig, qui a notamment travaillé sur le célèbre Cercle des poètes disparus, de Peter Weir, devrait faire partie de l’équipe. Du jamais vu pour un film rwandais. ● PIERRE BOISSELET

Ces petites productions, qui permettent à une poignée d’acteurs et de techniciens de vivre, se révèlent souvent très rentables. « Ces films sont tournés en une ou deux semaines, avec un budget qui oscille autour de 2,5 millions de francs rwandais [3 240 euros, NDLR], explique Pierre Kayitana, ex-directeur du Rwanda Film Festival. Généralement, les DVD sont vendus 1 000 francs. » Il arrive que des films dépassent les 10 000 ventes, « mais rien qu’en en vendant 6000 copies, l’activité est déjà profitable », poursuit-il.

nomique peut paraître Un film devient rentable à rudimentaire, mais, dans partir de 6 000 copies vendues. un pays qui ne dispose que d’une chaîne de télévision nationale, il rencontre son public. C’est Lui-même compte monter une entrenotamment le cas dans les campagnes, prise pour distribuer, dans un cadre où la magie de l’image animée n’est pas légal, les grands films étrangers. Ses encore dissipée, où peu comprennent tarifs devraient être très différents, mais les langues étrangères et où les préocle support principal sera le même : le cupations sont bien éloignées de celles DVD est encore roi pour longtemps au de Hollywood. Rwanda. ● P.B. JEUNE AFRIQUE


MINISTÈRE DE LA SANTÉ DU RWANDA

L

e gouvernement du Rwanda a adopté plusieurs approches novatrices d’élaboration et de mise en œuvre des politiques publiques, comprenant aussi bien des solutions applicables en toutes situations que des solutions locales, selon le contexte, afin de relever les défis les plus urgents. La philosophie du Rwanda en ce qui concerne la croissance se base sur un point de vue partagé : une population bien éduquée et en bonne santé est indispensable au développement économique. L’Enquête Démographique et de Santé de 2010 qui a récemment été publiée, montre qu’il y a eu des progrès spectaculaires dans plusieurs secteurs de la Santé depuis l’enquête de 2005. Tous secteurs confondus, les résultats de l’enquête 2010 montrent qu’il y a eu des progrès significatifs dans la lutte contre les maladies infectieuses, une amélioration de la santé infantile et maternelle, et cela en dépit des obstacles financiers et géographiques de l’accès aux soins. Les principales conclusions de l’enquête sont les suivantes :

© ANTONIN BORGEAUD

La poursuite du Rwanda pour une richesse partagée à travers une Santé accessible à tous

TAUX DE MORTALITÉ CHEZ LES NOURRISSONS DE - DE 5 ANS 152

103 86

76 62

50

RDHS 2010

RDHS 2007-08

RDHS 2005

VACCINATION DES ENFANTS 90

75

80

RDHS 2005

RDHS 2007-08

Taux de mortalité chez les nourrissons et moins de 5 ans

Entre 2005 et 2010, le taux de mortalité infantile a diminué de 86 à 50 pour mille naissances vivantes, et le taux de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans a chuté de 50 % passant de 152 à 76 pour mille naissances vivantes.

Taux de prévalence du VIH/SIDA

Le taux de prévalence du VIH a reculé passant de 13 % en 2000 à 3 % en 2010. L’objectif d’un accès universel aux médicaments antirétroviraux (ARVs) a déjà été atteint avec 95 % des victimes infectées ayant un accès gratuit aux traitements. • La prévalence du paludisme a aussi diminué de moitié chez les enfants de moins de 5 ans ainsi que chez les femmes. Le taux de mortalité dû au paludisme a diminué de 74 % comparé à 2005 et 82 % des foyers ont des moustiquaires imprégnées d’insecticide (MID), une augmentation de 15 % depuis 2005. • Le taux de mortalité maternelle a diminué, passant de 750 à 476 décès pour 100 000 naissances vivantes. En évaluant notre situation actuelle et en vue de nos objectifs futurs, on observe clairement que le Rwanda a construit la base d’un système de santé dynamique et équitable. Afin d’améliorer encore plus le système de santé, nous devons continuer de construire sur cette base solide et continuer de trouver des moyens permettant d’améliorer la valeur, la qualité et la compassion des services que nous livrons.

MINISTÈRE DE LA SANTÉ DU RWANDA P.O. Box 84 - Kigali, Rwanda -Tél.: +250 57 74 58 - Fax : +250 57 68 53 - E-mail : info@moh.gov.rw

TAUX DE PRÉVALENCE DU VIH/SIDA 3.7

3.6 3.0

3.0

2.3

TOTAL

HOMMES

FEMMES RDHS 2005

2.2

RDHS 2010

DIFCOM/DF - PHOTO : DR SAUF MENTION.

Vaccination des enfants

La campagne active d’immunisation, a permis d’atteindre 90 % de tous les enfants.

RDHS 2010


98

Économie

MARITIME

Abidjan veut reprendre sa place

TÉLÉCOMS

Tunisie Télécom à la veille d’un tournant historique

À la santé des TABAC

Malgré des législations de plus en plus restrictives, les grands cigarettiers voient leurs résultats progresser sur le continent. Un succès qui ne profite guère aux planteurs locaux, dans le collimateur de l’OMS. MICHAEL PAURON

L

2008) soutenues par une croissance interne. Nous espérons assurer notre réussite future! » En Afrique et au Moyen-Orient, le groupe a vu ses volumes croître de 8 % en 2011. Contraints par des législations restrictives sur leurs marchés historiques – l’Amérique du Nord et l’Europe –, les industriels du tabac ont cherché des relais de croissance dans les pays émergents (Asie, Amérique du Sud) et en voie de développement. L’Afrique, avec son milliard d’habitants, est devenue l’une de leurs cibles privilégiées. Et ils y connaissent déjà quelques réussites. BAT a ainsi vu l’une de ses marques, Dunhill, croître de 10 % en Égypte en 2011. La firme britannique (qui édite également Rothmans et Benson & Hedges) est déjà bien implantée au Nigeria et en Afrique du Sud. Elle poursuit son développement sur le continent, notamment au Maroc, où elle a obtenu une licence d’importation et de distribution, et en Algérie, où elle a ouvert une filiale.

estroismillionsdecultivateursafricains de tabac sont en colère. Coup sur coup, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) les a par deux fois attaqués directement. Il y a un an, d’abord, en voulant réglementer à l’échelle mondiale l’ajout d’arômes (vanille, chocolat et autres…) dans les cigarettes, un moyen d’adoucir la fumée âcre d’un certain type de tabac principalement cultivé, justement, en Afrique. Et cette année, en décidant d’ajouter deux articles à la conventioncadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT, élaborée en 2003), dont un prévoyant que les pays signataires – 168 États, dont une quarantaine d’africains – réduisent les surfaces de tabac cultivées. « Alors qu’elle s’attaquait à la consommation, l’OMS a décidé depuis cinq ans de s’en prendre auxproducteurs,s’insurgeainsiAntonioAbrunhosa, secrétaire général de l’Association internationale des cultivateurs de tabac (International Tobacco DYNAMIQUE. Installé au Sénégal (300 salariés) Growers’ Association, ITGA). Si arrêter de produire où il a inauguré une usine en 2009 et d’où il pilote pouvait freiner la consommation, cela se saurait. l’ensemble de ses activités en Afrique de l’Ouest et En réalité, cela favorise la contrebande ! » Afrique centrale, PMI, le premier producteur monS’il y a un point sur lequel l’actualité donne raison dial, est aujourd’hui implanté dans quatorze pays au défenseur des cultivateurs, du continent. Ses revenus nets Sponsoring, télé, c’est bien la consommation. Elle dans la région Europe de l’Est, ne fléchit pas, bien au contraire. Moyen-Orient et Afrique ont affichage… Jusqu’à il À preuve, les résultats des quatre y a peu, les industriels progressé en 2011 de 6,4 % pour multinationalesdutabac–Philip atteindre 6,1 milliards d’euros, communiquaient Morris International (PMI), quand les volumes croissaient Japan Tobacco Inc., British de 0,3 %. L’Afrique – dont le librement. American Tobacco (BAT) et Maghreb et particulièrement Imperial Tobacco –, qui ne cessent de croître. Les l’Algérie – reste la région la plus dynamique. recettes globales d’Imperial Tobacco ont ainsi Le numéro trois mondial, Japan Tobacco, n’est été multipliées par cinq en dix ans, passant de pas en reste. Déjà présent dans vingt pays du conti1,4 milliard de livres (2,3 milliards d’euros) en nent, il a repris en 2011 Haggar Cigarette & Tobacco 2001 à 7,8 milliards de livres en 2011. Ian Ross, Factory. Ce dernier, qui commercialise 4,5 milliards directeur régional Afrique et Moyen-Orient de cigarettes par an au Soudan, y détient plus de d’Imperial, ne cache pas sa satisfaction : « Notre 80 % du marché. Le montant estimé de l’opération, excellente performance financière pendant les dix proche de 350 millions d’euros, représente 9,9 fois dernières années a été en grande partie le résultat le chiffre d’affaires 2010 de la société soudanaise. d’acquisitions (Tobaccor S.A. en 2001, Reemtsma Cette expansion africaine a été facilitée dans Cigarettenfabriken GmBH en 2002, Altadis en les années 1990 par l’ouverture des barrières N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

JEUNE AFRIQUE


NIGERIA

La guerre d’indépendance est déclarée

BANQUE

Ecobank fait sa mue

DÉCIDEURS

Noureddine Boutarfa PDG de Sonelgaz

BOURSE

Alger, l’impossible réforme ?

99

PHILIMON BULAWAYO/REUTERS

multinationales

! L’Afrique compte TROIS MILLIONS DE

de tabac. Leur production est exportée à 90 %.

CULTIVATEURS

JEUNE AFRIQUE

économiques sous l’impulsion de la Banque mondiale. La plupart des cigarettiers du continent (vestiges de l’ère coloniale) sont aujourd’hui des filiales des géants du secteur : Imperial possède par exemple 74,1 % de Sitab en Côte d’Ivoire et est propriétaire de Mabucig au Burkina Faso ; BAT détient Niger Briques, etc. Une déferlante devant laquelle les industries locales sont restées impuissantes : « Au Burkina, nous produisons 3 milliards de cigarettes par an, cela correspond à deux jours de production pour une usine européenne ou américaine. Ce n’est pas surprenant si les grandes

multinationales s’imposent chez nous », explique ainsi Lassine Diawara, président du conseil d’administration de Mabucig. Imperial Tobacco possède aujourd’hui onze manufactures de cigarettes sur le continent, un site de transformation et deux imprimeries, et emploie directement pas moins de 12 000 personnes. Libres, jusqu’à récemment, de communiquer comme elles l’entendaient – télé, radio, journaux, affichage, sponsoring sportif et culturel… –, les multinationales ont ainsi pu s’imposer et gagner de nouveaux consommateurs. N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012


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Entreprises marchés LES ROIS DUTABAC

S’il est difficile aujourd’hui de mesurer le nombre de fumeurs africains, l’OMS s’inquiète du phénomène. Selon elle, d’ici à 2030, 8 millions de décès chaque année dans le monde seront imputables au tabac, et « plus de 80 % [d’entre eux] surviendront dans des pays à revenu faible ou intermédiaire ». La quarantaine de pays africains signataires de la CCLAT se sont donc engagés à mettre en place des législations restrictives: interdiction de fumer dans les lieux publics, bannissement de la publicité et du sponsoring. Mais si les lois existent, elles ne sont que très peu appliquées : les lieux publics restent fumeurs et les firmes n’hésitent pas à poursuivre leurs campagnes d’affichage hors des lieux de vente tant qu’elles ne sont pas attaquées, ce qui fut le cas au Niger. Dans ce pays, où la consommation de cigarettes a été multipliée par cinq entre 2006 et 2010, les industriels ont dû se plier à ce nouveau cadre. MANNE. Outre les emplois créés par le secteur

(de manière directe et indirecte, cela pourrait représenter plus de 5 millions de personnes), la manne fiscale qu’il génère peut être un frein à l’action politique. Les taxes, bien qu’inférieures à celles pratiquées en Occident, excèdent souvent la moitié du prix de vente au détail. À titre d’exemple,

Philip Morris International

59

milliards d’euros

(+ 12,6 %)

British American Tobacco

55

milliards d’euros

(+ 5,2 %)

Imperial Tobacco

34,9

milliards d’euros

(+ 3,7 %)

Japan Tobacco Inc.

14

milliards d’euros

(+ 19,7 %)

le Sénégal perçoit quelque 48,8 millions d’euros par an ; au Niger, le montant atteint 35,4 millions d’euros, soit 5,1 % des recettes fiscales ! Les multinationales importent en outre leur savoir-faire : « Notre expérience dans des marchés très réglementés nous permet de travailler avec succès dans ce type d’environnement », assure Th Thierno Diallo, directeur des affaires institutionnelles pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale chez PMI. Même son de cloche chez Imperial Tobacco : « Nous avons une solide expérience de développement de notre business dans cet environnement. » Les cultivateurs africains, eux, ne sont pas pour autant rassurés. Alors que 90 % de leur production est exportée et que leur activité génère près de 790 millions d’euros de chiffre d’affaires par an, ils sont bien déterminés à faire entendre leur voix en novembre lors de la prochaine réunion de la CCLAT, à l’occasion de laquelle sera débattu l’article controversé. « L’OMS elle-même reconnaît que la consommation augmentera au moins jusqu’en 2050, rappelle Antonio Abrunhosa, alors pourquoi vouloir imposer une diminution de la production ? Elle ira ailleurs, comme en Chine ! » Verdict en novembre. ●

Des profits qui partent en fumée La contrefaçon coûte cher au secteur. Les groupes tentent de limiter l’envolée du marché parallèle.

U

n marché de la contrebande estimé à 660 milliards de cigarettes, soit près de 12 % de la consommation mondiale : les filières illicites de commercialisation du tabac ont le vent en poupe. Et le continent n’est pas épargné. L’industrie du tabac sud-africaine (2,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel) évalue ainsi sa perte de revenus à 760 millions d’euros par an. Au Maroc, 18 % des 17,7 milliards de cigarettes consommées en 2011 auraient été écoulés via le marché parallèle, provoquant un manque à gagner en recettes fiscales de 180 millions d’euros. En Tunisie, les douanes ont saisi en 2011 quelque 60 000 cartouches, pour une valeur de 1 million d’euros… Les cigarettes de contrebande proviennent aussi bien de l’étranger (surtout d’Asie) que de petites manufactures locales peu taxées. Face à ce marché parallèle florissant, les multinationales réagissent. « Au Sénégal et au Bénin, nous N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

avons signé des conventions avec les autorités douanières, explique ThiernoDiallo,directeurdesaffaires institutionnelles pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale de Philip Morris International. Dans le cas du Sénégal, nous avons aussi proposé la mise en place d’un système de traçabilité des produits du tabac. » Imperial Tobacco indique de son côté contrôler son réseau mondial de distributeurs avec « une équipe de spécialistes qui opèrent en coopération avec les autorités », selon Ian Ross, directeur régional Afrique et MoyenOrient. « En Afrique, détaille-t-il, nous avons signé des accords de coopération au Maroc (en 2004) et en Algérie (en 2010), et collaborons avec les autorités douanières du Burkina et du Sénégal. Certaines actions ciblées ont également été organisées au Gabon. » Le groupe a notamment participé en 2011 à l’incinération de 3 millions de cigarettes au Burkina Faso et de 260000 au Sénégal. « Le commerce illicite

fausse la concurrence et sape les investissements dans l’innovation, affectant l’évolution future de nos profits », justifie Ian Ross. SAISIES. Pour d’autres, les multi-

12 %

des cigarettes consommées dans le monde proviendraient du marché parallèle

nationales du tabac s’accommoderaient volontiers de l’existence de ce marché. Selon le Dr Yussuf Saloojee, du Conseil sud-africain contre le tabagisme, les consommateurs achètent des cigarettes de contrebande à bas prix, et « quand leur situation financière s’améliore, ils réintègrent le marché licite ». Le trafic de cigarettes prendrait de telles proportions en Afrique que le continent deviendrait même un exportateur, notamment vers l’Europe. En février, les douanes suisses s’inquiétaient ainsi de l’augmentation des saisies en provenance du Sénégal. Un marché lucratif: alors qu’une cartouche de dix paquets de cigarettes contrefaites coûte moins de 6 euros à Dakar, elle est vendue plusieurs dizaines d’euros en Suisse. ● M.P. JEUNE AFRIQUE


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Entreprises marchés MARITIME

Abidjan veut reprendre sa place Un appel d’offres doit être lancé en août pour doter le port d’un second terminal à conteneurs. Déjà, les postulants fourbissent leurs armes. Pour la Côte d’Ivoire, il s’agit de retrouver son leadership régional face à une concurrence accrue.

L

a lutte promet d’être serrée. À peine lancé, le 4 juin, par la direction du Port autonome d’Abidjan (PAA), le projet de réalisation d’un deuxième terminal à conteneurs sur la lagune a vite suscité l’intérêt des plus grands opérateurs portuaires de la planète. Filiales des grandes compagnies maritimes (Maersk, MSC ou CMA-CGM), géants de la manutention (Dubai Ports World, Hutchison), opérateur portuaire (Bolloré Africa Logistics) ou logisticien intégré (Necotrans)… Tous suivraient de très près le projet, quand ils n’ont pas déjà en main le dossier de présélection distribué par le PAA. Les prétendants ont jusqu’au 18 juillet pour soumettre leurs candidatures, en espérant être retenus « parmi les cinq opérateurs maximum », selon une source proche du dossier, autorisés à concourir à l’appel d’offres lui-même, attendu pour le 1er août. D’après le document remis par le port, le futur concessionnaire sera chargé de la conception, de la construction, de l’aménagement, de l’équipement et de l’exploitation de ce fameux terminal, le TC2, souvent annoncé

et toujours repoussé, au gré des événements qui ont secoué la Côte d’Ivoire et sa capitale économique depuis plus d’une décennie. MANUTENTION. Exclusivement

dévolu au trafic conteneurisé, le TC2 disposera d’un quai de 1 100 m capable d’accueillir en même temps trois navires de 350 m de long et d’un tirant d’eau de 16 m. Sa superficie de stockage de 35 ha gagnée sur la lagune devrait lui permettre de traiter chaque année 1,5 million d’équivalents vingt pieds (EVP, environ 38,5 m3), selon les attentes des responsables portuaires, qui estiment l’ensemble des investissements à près de 400 millions d’euros réalisables sur une période de trois ans et demi à compter du démarrage des travaux. Attendues donc à l’horizon 2015-2016, ces nouvelles installations devraient tripler la capacité annuelle du port autonome, estimée aujourd’hui à un peu plus de 800 000 boîtes. Quelques jours seulement après l’annonce du PAA, le groupe Bolloré a dévoilé son propre plan de développement, par la voix de son PDG, Vincent Bolloré, venu à

Le projet TC2 en chiffres

1 100 m de quai

+ 35 ha

de stockage

= un trafic annuel de

1,5

million de conteneurs

RECORD D’ACTIVITÉ À SAN PEDRO HUIT MOIS ont suffi pour permettre au Port autonome de San Pedro (PASP) d’aligner les meilleurs résultats de son histoire. Fermé début 2011 pour cause de crise politique, le deuxième port ivoirien a dépassé le 1,8 million de tonnes de trafic entre avril et décembre 2011. En hausse de 47 % par rapport à l’exercice précédent, c’est le volume de marchandises le plus élevé jamais enregistré sur les terminaux du PASP depuis sa création, en 1972. « Nous espérons atteindre les 3 millions de tonnes en 2012, du fait d’activités de transbordement en forte croissance », a déclaré le directeur général du port, Hilaire Lamizana. Il compte pour cela s’appuyer sur l’accord signé en novembre dernier avec Anvers et officialisé le 12 juin en présence des autorités du port belge. Grâce à ce partenariat passé avec la principale interface portuaire entre l’Europe et l’Afrique, le PASP intègre le réseau international du port d’Anvers, aux côtés de Vitoria (Brésil), Duqm (Oman) et Hazira (Inde). ● O.C. N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

Abidjan le 12 juin pour confirmer son engagement dans la reconstruction de la Côte d’Ivoire auprès du président Alassane Ouattara. L’opérateur français est présent depuis 2004 sur le premier terminal, par l’intermédiaire de la Société d’exploitation du terminal de Vridi, qu’il possède à hauteur de 60 % en association avec APM Terminals, filiale manutention de Maersk. Sur les 230 millions d’euros que le groupe entend débloquer sur cinq ans, une trentaine de millions devraient être affectés à l’extension des quais (démarrée en mai 2011, elle comprend deux nouveaux portiques et deux postes à quai modernisés), et 110 millions à l’approfondissement du terminal à 18 m. Ces travaux devraient porter la capacité du TC1 à 1,5 million d’EVP par an en 2016. « Abidjan disposera alors de l’un des terminaux à conteneurs les plus importants d’Afrique de l’Ouest », assure Dominique Lafont, président de Bolloré Africa Logistics, bien décidé « à accompagner le développement du pays » et de sa principale interface portuaire. Très vite jugées « opportunistes » par plusieurs autres candidats à la concession du deuxième terminal, l’annonce comme la visite « étaient prévues de longue date », précise-t-il, confirmant depuis le siège de Puteaux (France) la volonté de son entreprise de soumissionner à l’appel d’offres du TC2. DÉTERMINATION. La question

mérite d’être éclaircie, car si rien n’empêche Bolloré comme Maersk de participer à l’appel d’offres, l’avis de présélection publié par l’autorité portuaire insiste sur la nécessité d’« accroître la compétitivité du port d’Abidjan par le jeu de la concurrence ». Les autres candidats disent donc ne pas comprendre comment Bolloré, déjà présent dans la place, « peut être en compétition avec lui-même ». Interrogé sur le sujet, Dominique JEUNE AFRIQUE


VINCENT FOURNIER/J.A.

Entreprises marchés

! MAERSK, CMA-CGM, DUBAI PORTS WORLD ET NECOTRANS, entre autres, pourraient se disputer ce marché de 400 millions d’euros.

Lafont affiche sa détermination : « Chacun devra assumer ses responsabilités, et que le meilleur gagne ! » Le groupe français peut s’appuyer sur son implantation africaine, après avoir remporté en moins de dix ans treize concessions portuaires à travers le continent, ainsi que sur son expérience, acquise à Lomé, Pointe-Noire ou Conakry, en matière de contrats BOT (Build, Operate and Transfer), « qui se généralisent et auxquels nous souscrivons complètement », poursuit le patron de Bolloré Africa Logistics, qui dit réfléchir aussi à un possible partenariat « s’il s’avère utile et équilibré ». Après avoir retiré son dossier de présélection, le français Necotrans suit une réflexion similaire. « Nous cherchons un associé qui souhaite s’implanter durablement, dans le cadre d’une politique d’investissement à l’échelle de l’Afrique », précise Abdel Aziz Thiam, viceprésident du groupe. JEUNE AFRIQUE

Pendant que chacun des postulants fourbit ses armes, l’essentiel semble être ailleurs pour la direction du PAA. Elle compte sur l’arrivée du TC2 pour repositionner Abidjan comme port de référence dans la sous-région, alors que les activités de transit en provenance et en direction des pays voisins enclavés sont passées de 60 % avant la crise à 20 % aujourd’hui des volumes manutentionnés sur le port, avec une nouvelle chute de 26,3 % enregistrée en 2011. COMPÉTITION. « Très peu d’inves-

tissements ont pu être réalisés ces dix dernières années, et, si nous voulons être à nouveau compétitifs, nous devons améliorer l’attractivité du port et être en mesure de répondre aux exigences imposées par un environnement portuaire et maritime en pleine mutation, à commencer par l’accueil des porteconteneurs à forte capacité », souligne Hien Sié, le directeur général du PAA. Décidée à renforcer le rôle

de hub portuaire d’Abidjan, notammentenmatièredetransbordement des grands armements asiatiques pour l’ensemble de la côte ouestafricaine, la direction annonce déjà l’élargissement du canal de Vridi et étudie l’approfondissement à 18 m, àpluslongterme,duchenald’accès. Le PAA n’a plus de temps à perdre, alors que les projets se multiplient chez ses concurrents

« Chacun devra assumer ses responsabilités, et que le meilleur gagne ! » DOMINIQUE LAFONT, président de Bolloré Africa Logistics

directs, à Lekki (Nigeria), Kribi (Cameroun) ou Lomé (Togo). Il peut déjà compter sur le soutien du gouvernement, bien conscient que « la croissance de la Côte d’Ivoire passe par le développement du port », selon la formule de Patrick Achi, ministre des Infrastructures économiques. ● OLIVIER CASLIN N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

103


Entreprises marchés

FETHI BELAID/AFP

104

! Depuis le début de l’année, l’entreprise A BAISSÉ SES TARIFS. TÉLÉCOMS

Tunisie Télécom à la veille d’un tournant historique Sous l’impulsion de son actionnaire minoritaire EIT, l’opérateur historique se prépare à une transformation sans précédent. Réduction des effectifs et possible privatisation totale sont en vue.

A

u sein de Tunisie La situation pourrait néanmoins Télécom, « les blocages rapidement évoluer. Ces dernières demeurent », explique semaines, une importante déléun fin connaisseur gation d’Emirates International de l’opérateur historique. Un an Telecommunications (EIT, filiale de après le licenciement de 63 cadres Dubai Holding et actionnaire à 35 % contractuels à la demande de de Tunisie Télécom), arrivée à Tunis le 29 mai, a visiblement persuadé l’Union générale tunisienne du l’État (65 % du capital) d’entamer travail (UGTT), qui trouvait leurs salaires trop élevés, les relations une transformation en profondeur sociales restent un souci permade l’opérateur. Avant le ramadan, la nent pour la direction de l’entredirection devrait annoncer un vaste plan de départs volontaires élaboré prise. Celle-ci se trouve dans une position paradoxale. Elle emploie sur les conseils du cabinet améri8 500 salariés, quand plusieurs cain Oliver Wyman. Son objectif est observateurs de convaincre sont convaincus entre 2 500 et Les relations que 5 000 suffi3 000 employés sociales restent un ra i e nt. Ma i s de plus de de nombreux souci permanent. 50 ans de quitpostes strater l’entreprise, tégiques restent non pourvus. en échange d’un accompagnement « Dans les domaines les plus en qu’elle espère attractif. Pour l’heure, pointe, par exemple les commul’état-major de Tunisie Télécom, nications internationales ou les inquiet de la réaction des syndicats, réseaux IP, nous manquons de ne veut pas en dire plus. compétences, indique un cadre L’autre évolution majeure à court de la compagnie. Certains postes terme devrait être la création d’un sont octroyés en interne, mais ce nouveau type de contrat pouvant n’est pas satisfaisant. » offrir une alternative au statut de N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

fonctionnaire. « Non seulement la grille de salaires de la compagnie nous empêche de recruter les compétences dont nous avons besoin pour être compétitifs, mais le contexte social n’incite pas non plus les meilleurs profils à nous rejoindre », déplore un administrateur de Tunisie Télécom. Enfin, à plus long terme, Tunis pourrait opter pour une privatisation de la majorité du capital de l’entreprise en faveur d’EIT. « La mesure présente plusieurs intérêts pour le gouvernement. C’est la possibilité de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État, mais aussi un bon signal envoyé aux investisseurs, notamment dubaïotes », estimeunesourceprochedudossier. Pour EIT, cette solution s’apparente en tout cas à un plan de la dernière chance. Entré au capital en 2006 contre un chèque de 1,9 milliard d’euros, l’actionnaire émirati a vu son actif perdre près de la moitié de sa valeur, selon certains experts. Mais en reprenant le contrôle de l’opérateur en cas de privatisation, il reste persuadé de pouvoir réaliser une bonne affaire. ATOUTS. Il faut reconnaître que

La direction veut se séparer de 2500 à 3000 employés de plus de 50 ans (sur 8500 salariés)

Tunisie Télécom présente de nombreux atouts à même de séduire de nouveauxinvestisseurs,notamment ses infrastructures filaires, devenues stratégiquesavec la montée en puissance des échanges de données. Par ailleurs, depuis le début de l’année, l’entreprise s’échine à rattraper le terrain perdu sur ses concurrents en baissant ses tarifs de communication mobile autour de 0,10 dinar (0,05 euro) la minute et en redéployant son réseau de distribution. Enfin, du côté de la direction, on se félicite du bon décollage des offres 3G (haut débit mobile) et des marchésgagnéssurlecréneaudesflottes de téléphones pour les entreprises. Mais face à Tunisiana (filiale du groupe Qtel) et à Orange, les dirigeants de Tunisie Télécom savent quelecombatserarudeetquel’opérateur public aura besoin de toutes ses forces vives. D’où la cession de la filiale mauritanienne Mattel, attendue au troisième trimestre 2012. ● JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés NIGERIA

Deux projets de loi visent à placer la Banque centrale sous le contrôle du Parlement. Un moyen de limiter la marge de manœuvre de son bouillonnant gouverneur, Sanusi Lamido Sanusi.

P

our l’intraitable gouverneur de la Banque centrale du Nigeria (BCN), qui a beaucoup œuvré pour l’assainissement du système bancaire local, l’horizon pourrait s’obscurcir. Sanusi Lamido Sanusi, 50 ans, sacré fin 2011 « personnalité africaine de l’année » par le magazine Forbes, est en effet sous le feu de parlementaires qui cherchent à réduire sa liberté d’action. Deux projets de loi actuellement en débat pourraient autoriser l’Assemblée nationale à auditer et approuver le budgetdelaBCN«dansunevolonté detransparencefiscaleetderesponsabilité » et à nommer les membres de son conseil d’administration. Jusqu’à présent, ces derniers étaient désignés, comme le gouverneur, par le président de la République et ils agissaient en toute indépendance durant leur mandat de cinq ans. « Mais il n’y a pas de pouvoir sans contrôle », martèle le vice-président du Sénat, Ike Ekweremadu (élu du parti présidentiel), qui défend ces deux projets. « S’ils sont adoptés, ils réduiront l’autorité de la banque en la plaçant sous contrôle politique. Ce n’est pas dans l’intérêt de l’économie », a expliqué Sanusi Lamido Sanusi au Financial Times le 6 juin. Est-ce un hasard ? Le 13 juin, le gouverneur a surpris le personnel de la BCN en débarquant au bureau vêtu de l’habit de chef traditionnel, abandonnant son costume et son habituel nœud papillon. Le petitfils de sir Muhammadu Sanusi, le dernier émir de Kano (la deuxième JEUNE AFRIQUE

PUBLISHER SAHARAREPORTERS

La guerre d’indépendance est déclarée

ville du pays), a voulu rappeler sa lignée à ses adversaires et leur montrer qu’il était prêt au bras de fer. Car aujourd’hui la BCN est l’une des seules institutions du pays à conserver son crédit, tant sur le plan national qu’à l’échelle internationale. À plusieurs reprises, le gouverneur n’a pashésité à critiquer les dépenses excessives du gouvernement ou à contester des projets de loi. Pour de nombreux observateurs, les débats actuels relèvent bien d’une tentative de mise sous contrôlepolitique,cequedénoncent d’anciens ministres, des membres

! En venant au bureau en costume traditionnel le 13 juin, LE PETIT-FILS DU DERNIER ÉMIR

KANO a tenu à rappeler à ses adversaires ses origines prestigieuses. DE

Volontiers critique, la BCN est l’une des seules institutions du pays à conserver son crédit. du conseil d’administration de la banque ainsi que la plus grande organisation patronale du pays. GRAND MÉNAGE. Mais il faut

dire que, depuis sa nomination en juin 2009 à la tête de la BCN, Sanusi Lamido Sanusi ne s’est pas fait que des amis. Il a réformé le système bancaire à un train d’enfer, renflouant huit banques (cumulant près de 8 milliards d’euros de dettes) sur les dix jugées souscapitalisées au terme d’un audit général, et limogeant autant de patrons soupçonnés de pratiques frauduleuses. Plusieurs d’entre eux ont été condamnés par la justice,

dont la très médiatique Cecilia Ibru, ex-PDG d’Oceanic Bank. Les nouvelles équipes nommées par le gouverneur ont dénoncé les fraudes, sorti les dettes des bilans (en les transférant au fonds public Amcon) et restauré l’équilibre des comptes, détruisant de nombreux emplois. Intercontinental Bank et Oceanic Bank, deux des établissements les plus touchés, ont ainsi licencié 2 600 personnes. Cegrandménageapermisderestructurer et d’assainir les banques nigérianes. Mais, conjugué à la volonté de Sanusi Lamido Sanusi de réformer la fiscalité et les marchés financiers, il lui a valu de sérieuses inimitiés. Celles-ci s’expriment désormais au Parlement. Le gouverneur reste néanmoins confiant. Il ne croit pas à l’adoption de ces projets de loi dans un contexte économique troublé. « Ce serait contre-productif et tomberait mal compte tenu de ce qui se passe sur le marché des devises [où le naira a fortement chuté par rapport au dollar, NDLR] », souligne-t-il. Appelé à intervenir fin mai devant les parlementaires, Sanusi Lamido Sanusi a expliqué que ses services avaient étudié le statut des banques centrales dans 40 pays. Et il n’en existe, selon lui, qu’un où le budget de la banque est soumis à un contrôle politique: le Zimbabwe… ● JEAN-MICHEL MEYER N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

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Entreprises marchés

JEAN-CLAUDE ABALO

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BANQUE

! Le 15 juin à Lomé, LORS DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ANNUELLE.

Ecobank fait sa mue

À la veille de l’arrivée de son nouveau directeur général, le géant panafricain se réorganise. Il adopte une structure binaire distinguant la banque de proximité et une nouvelle entité, Corporate & Investment Bank.

N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

Ecobank Capital, la branche spécialisée dans les marchés de capitaux et la banque d’investissement (basée à Londres) – pourtant créée récemment, en septembre 2010. Un rapprochement motivé par des résultats décevants d’Ecobank

Total de bilan

13,3

milliards d’euros

(+ 64 %) PNB

923,3

millions d’euros

(+ 33 %)

Résultat net

159,7

millions d’euros

(+ 57 %)

ALBERT ESSIEN, LA FIDÉLITÉ RÉCOMPENSÉE

ECOBANK

U

n groupe organisé autour de deux activités majeures: la banque de proximité d’une part et la banque des grandes entreprises et d’investissement de l’autre. Telle est la nouvelle configuration d’Ecobank Transnational Incorporated (ETI) dont Thierry Tanoh, le futur directeur général du groupe, héritera à partir du mois prochain. L’Ivoirien, qui a été présenté aux actionnaires lors de l’assemblée généraleannuelle,le15juinàLomé, était jusque-là le vice-président de la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale) pour l’Afrique subsaharienne, la zone Amérique latine-Caraïbes et l’Europe de l’Ouest. « Stratégique », d’après le groupe, ce réaménagement se manifeste notamment par la création de l’entité Corporate & Investment Bank (CIB). Elle est née de la fusion entre deux des trois pôles d’ETI, l’activité de banque des grandes entreprises (basée en Afrique du Sud) et

ETI en 2011

Capital? Arnold Ekpe récuse cette hypothèse: « Cette branche a signé une excellente année 2011, portée par ses activités de trésorerie, de conseilauxentreprisesetdefinancement obligataire », répond l’emblématiquedirecteurgénérald’ETI,qui s’apprête à passer le relais. D’après les chiffres publiés par le groupe dans son rapport annuel, ce pôle d’activitéaréaliséen2011unproduit net bancaire (PNB) de 267 millions de dollars (206,2 millions d’euros, + 34 % sur un an), ce qui correspond à 22 % du PNB du groupe. Alors pourquoi cette réorganisation ? « Lorsque Ecobank Capital a été créé, notre objectif était d’accélérer l’activité de banque d’investissement pour ensuite la fusionner avec la banque des grandes entreprises parce que, pour ces deux métiers, la demande de la clientèle se rapproche », poursuit Arnold Ekpe. L’entité CIB ainsi créée devient le principal contributeur au PNB du groupe, avec 51 % en 2011 (618 millions de dollars). Elle regroupe en outre les activités les plus rentables: le corporate banking a contribué pour 43 % au résultat avant impôts d’ETI en 2011 tandis qu’Ecobank Capital, avec 106 millions de dollars, en assurait 38 %. Selon nos informations, la nouvelle structure du groupe (encore en cours de mise en place) a été suggérée il y a deux ans par un cabinet international. Ce système,

TOUT LE MONDE ATTEND l’arrivée deThierryTanoh à la tête d’EcobankTransnational Incorporated (ETI). Mais à 56 ans, Albert Essien est devenu en l’espace de quelque mois l’un des hommes clés du groupe bancaire panafricain. En plus de son poste de directeur général adjoint, qu’il occupe depuis janvier, le Ghanéen a la responsabilité depuis la fin avril du pôle Corporate & Investment Bank (CIB), qui représente, selon les résultats annoncés pour 2011, 51 % du produit net bancaire d’ETI. Cet ancien cadre de la National Investment Bank du Ghana a rejoint Ecobank Ghana en 1990 et a successivement été directeur régional pour les zones Afrique de l’Ouest anglophone (hors Nigeria) et Afrique de l’EstAfrique australe, et directeur général du corporate banking entre 2002 et 2011. Albert Essien est diplômé en économie de l’Université du Ghana et a suivi un programme de formation continue pour les dirigeants à l’Insead (France-Singapour). ● S.B. JEUNE AFRIQUE


dénommé twin engine model, est courant au sein des grands groupes bancaires internationaux. Il consiste à baser la croissance sur deux moteurs : la clientèle des particuliers, d’une part, et celle des grandes entreprises et de la banque d’investissement, d’autre part. « Si la majorité des banques

CIB devient le principal contributeur au produit net bancaire du groupe, avec 51 % en 2011. africaines opère suivant le schéma corporate banking/banque de détail [qui laisse en marge la banque d’investissement, NDLR], de plus en plus d’entre elles vont adopter cette configuration », estime un gestionnaire de portefeuille au sein d’un fonds d’investissement. SIX MÉTIERS. Une évolution qui

entraîne, évidemment, une redéfinition des responsabilités du management. Albert Essien, promu directeur général adjoint d’ETI en janvier dernier (lire encadré p. 106), prend ainsi la direction de CIB, qui regroupe en fait six métiers. D’abord le corporate banking, dont la responsabilité a été confiée à Charles Kié, jusqu’ici directeur opérationnel d’Ecobank Capital – une promotion pour l’Ivoirien, entre-temps annoncé à la tête de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM). Ensuite la banque d’investissement (hors Nigeria), toujours confiée à Ecobank Capital, qui est désormais dirigé par un autre Ivoirien, Ehouman Kassi. Les divisions trésorerie et recherche (auparavant intégrées à Ecobank Capital) demeurent respectivement sous la responsabilité du Sénégalais Abdul Aziz Dia et du Togolais Paul-Harry Aithnard. Seront prochainement désignés, enfin, les responsables des deux dernières directions de CIB : la branche Transaction Services et la banqued’investissementduNigeria (qui inclut la gestion d’actifs et la gestion immobilière). ●

AKINTUNDE AKINLEYE/REUTERS

Coulisses

BOURSE DANGOTE CEMENT, STAR DE LA CITY ? Annoncée en 2010, l’introduction à la Bourse de Londres de Dangote Cement est à nouveau d’actualité et pourrait avoir lieu au premier trimestre de 2013. L’objectif : atteindre une capitalisation boursière d’environ 30 milliards d’euros, sans augmentation de capital.

Entreprises & marchés Coté à Lagos depuis la fin de 2010, Dangote Cement vaut moins de 9,5 milliards d’euros. Le groupe est engagé dans une politique de développement panafricain – avec notamment l’ouverture de onze cimenteries hors du Nigeria à partir de cette année – qui devrait porter sa capacité à environ 50 millions de tonnes de ciment par an en 2015-2016. Pour convaincre, il mise sur sa rentabilité supérieure à celle de ses concurrents, avec une marge Ebitda de 57 %.Toutefois, les analystes londoniens sont moins optimistes. Ils estiment que Dangote pourra lever autour de 12 milliards d’euros à la City, avec un titre qui culminera entre 0,63 et 0,73 euro. À Lagos, l’action se négocie à 108 nairas (0,52 euro), soit moins que son cours d’introduction de 120 nairas. ●

• MINES L’indien Tata prospecte sur le continent pour acquérir des gisements

S

de charbon ou de gaz naturel afin d’approvisionner sa centrale thermique

S

L’émirati Taqa vient de signer un prêt de 1,4 G$ pour construire la centrale

M

de Mundra (Inde) • ASSURANCES Le groupe Sunu a levé entre 6 et 9 M€

auprès de ses actionnaires pour financer sa croissance externe • ÉNERGIE au charbon de Jorf Lasfar, au Maroc • PÉTROLE Egyptian Refining Company a levé 3,7 G$ pour la construction d’une nouvelle raffinerie

TUNISIE SFBT NOUVELLE VERSION

SOUDAN PLAN D’AUSTÉRITÉ

Lors de son assemblée générale, le 20 juin, la Société frigorifique et brasserie de Tunis a dévoilé sa nouvelle appellation : la Société de fabrication des boissons de Tunisie. Une augmentation de capital de 5 millions d’euros a par ailleurs été décidée. Fin mars, la SFBT a affiché un chiffre d’affaires en hausse de 34,9 % pour les boissons gazeuses par rapport au premier trimestre de 2011 et de 48,7 % pour la bière. ●

Depuis la partition du pays il y a un an, Khartoum est privé d’une part importante de ses revenus pétroliers. L’inflation, en mai, a atteint 30 %, plongeant un peu plus le pays dans la crise. L’État envisage donc une augmentation des prix des carburants qui pourrait atteindre 60 %, tandis que les impôts sur les bénéfices des banques croîtront de 15 % à 30 % et que laTVA passera de 15 % à 17 %. Une dévaluation de la livre soudanaise est aussi prévue. ●

Précision Contrairement à ce que nous avons écrit dans l’article

« Comme on se retrouve… » (J.A. no 2684, pp. 116-117), les résultats 2011 des trois banques marocaines sont : • Attijariwafa Bank : 30,8 milliards d’euros de total de bilan, 1,4 milliard d’euros de produit net bancaire (PNB). • BCP : 21,3 milliards d’euros de total de bilan, 0,9 milliard de PNB. • BMCE : 18,7 milliards d’euros de total de bilan, 0,7 milliard de PNB.

STÉPHANE BALLONG, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE

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Décideurs ÉNERGIE

Noureddine Boutarfa, en quête du juste prix En poste depuis 2004, le PDG de Sonelgaz milite pour la libéralisation des tarifs en Algérie. Cela permettrait notamment au groupe de financer le virage des énergies renouvelables.

N

oureddine Boutarfa pourrait fêter l’an prochain ses 10 ans à la tête de la Société nationale de l’électricité et du gaz (Sonelgaz). Encore faudrait-il qu’il le veuille. Le 13 juin, alors qu’il présentait son rapport d’activité 2011, il est sorti de sa réserve pour s’en prendre aux douanes algériennes. « Les gestionnaires de Sonelgaz sont devenus des criminels qui passent leur temps entre les services de lutte contre la fraude et les tribunaux », a-t-il regretté. De fait, plusieurs cadres de l’entreprise sont suspectés de « majoration des importations » par les services des douanes. Pour le PDG, le problème est lié au nouveau code des douanes, qui veut que chaque contrat d’importation de matériel soit déclaré à sa juste valeur, ce qui est « impossible pour certains contrats comme la réalisation d’usines clés en main, dont l’envoi des équipements est échelonné et nécessite d’attendre un décompte final », assure-t-il.

parfaitement la maison. Il y est entré en 1974 pour ne la quitter qu’en 2001, et encore… Il s’agissait de diriger Algerian Energy Company, créée la même année par Sonelgaz en coentreprise avec le géant pétrolier Sonatrach. Lorsqu’il est désigné en janvier 2004 par l’ancien ministre de l’Énergie Chakib Khelil pour remplacer Aïssa Abdelkrim Benghanem à la tête du groupe, il a pour mission de le restructurer. La loi de février 2002 relative à l’électricité et à la distribution du gaz prévoit en effet la fin du monopole réservé à Sonelgaz afin de mieux préparer l’Algérie à ses obligationsinternationales(marché maghrébo-européen de l’électricité signé en décembre 2003, accord de libre-échange avec l’Union européenne de 2005). Mais près de dix ans plus tard, les entreprises étrangères de l’énergie

TUTELLE. À 64 ans, cet ingénieur de formation s’attarde davantage, habituellement, sur les aspects techniques liés à Sonelgaz. « Noureddine Boutarfa est un homme compétent entouré de genssérieux,assureAbderrahmane Mebtoul, professeur d’université et ancien directeur d’études au ministère de l’Énergie. Mais les patrons des entreprises publiques en Algérie ne sont pas des managers, ils ne décident pas de leur stratégie. Ce sont des fonctionnaires qui obéissent à leur tutelle. » Noureddine Boutarfa connaît

ne se bousculent pas pour entrer dans un secteur gourmand en investissements et à la maturation longue. D’autant que les tarifs sont plafonnés depuis 2005 pour des raisons sociales. Un dispositif qu’a toujourscontestéNoureddineBoutarfa. Dès sa nomination, il a cherché les moyensde«libérerprogressivement le secteur de l’énergie des subventions implicites ». Hélas, rien n’y a fait.«Legroupeinvestitdessommes quidépassentdeloinsespossibilités limitées par le gel des tarifs de vente des énergies électrique et gazière », a-t-il rappelé le 13 juin.

N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

SIDALI DJENIDI

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! Ingénieur de formation habituellement plus porté sur les aspects techniques, LE PATRON SORT DE SA RÉSERVE.

Dès sa nomination, il a cherché à libérer peu à peu le secteur des « subventions implicites ».

En conséquence, le déficit budgétaire de Sonelgaz a atteint un niveau record en 2011, à 55 milliards de dinars (557 millions d’euros), pour un chiffre d’affaires de 356 milliards de dinars. Ses 39,5 milliards de créances impayées, dont une grande partie est à la charge de l’État, n’arrangent pas les choses. Sonelgaz n’a même plus les moyens pour retenir ses meilleurs éléments, dont plusieurs centaines ont été débauchés ces dernières années par des entreprises privées, notamment étrangères. DÉFI. Avec des comptes mis à

SONELGAZ EN BREF Statut Holding depuis 2011 Composition 35 filiales et 6 sociétés en participation Effectif 68 000 employés

mal, il est difficile d’imaginer comment Sonelgaz financera son prochain défi, qui consiste à investir 3 655 milliards de dinars dans les dix ans pour produire 40 % de son électricité à partir d’énergies renouvelables d’ici à 2030. Seule solution : augmenter les tarifs du gaz et de l’électricité, insiste Noureddine Boutarfa, sans convaincre sa tutelle. Pour l’instant. ● SAÏD AÏT-HATRIT JEUNE AFRIQUE


Décideurs

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TÉLÉVISION

Demandez le programme

P

our la 7 e édition de Discop Africa, salon du marché audiovisuel africain, Patrick JucaudZuchowicki attend 175 exposants et des représentants de 500 sociétés. Télévisions publiques et privées, producteurs et revendeurs de programmes feront le voyage de Johannesburg, du 31 octobre au 2 novembre 2012, pour vendre et acheter toutes sortes de programmes : séries télévisées, événements sportifs, films… «Parmilesprogrammeséchangés lors de la manifestation, les séries nord-américaines, brésiliennes et indiennes devraient être plébiscitées, mais pas seulement. Environ 30 % des exposants viendront d’Afrique », tient à préciser l’organisateur, qui prévoit aussi un regain d’intérêt pour des programmes sportifs, comme la lutte sénégalaise. « Le Nigeria et l’Afrique du Sud seront les pays producteurs

les mieux représentés, mais des intervenants francophones comme les Ivoiriens, les Sénégalais ou les Burkinabèneserontpaslàpourfaire de la figuration », indique Patrick Jucaud-Zuchowicki, toujours à l’affût de programmes originaux. PIRATAGE. Avant de s’intéresser à l’Afrique, le fondateur de la société d’événementiel Basic Lead – basée à Los Angeles, avec un chiffre d’affaires de 2,5 millions de dollars (plus de 1,9 million d’euros) en 2011 – a commencé sa carrière en vendant des séries télévisées en Europe de l’Est, peu après la chute du mur de Berlin. « De fil en aiguille, je suis devenu l’homme de confiance des producteursnordetsud-américains dans des pays ayant un marché audiovisuelpeuorganisé»,explique cetAméricaind’originefranco-polonaise, qui a lancé en 1991 à Varsovie lepremierDiscop(pourDiscounted Program Market), ciblant l’Europe

DR

Organisateur du salon de l’audiovisuel Discop Africa, Patrick JucaudZuchowicki met en relation les producteurs et les diffuseurs du continent. Un marché en plein essor. ! FONDATEUR DE LA SOCIÉTÉ

D’ÉVÉNEMENTIEL

BASIC LEAD, l’Américain implantera en septembre un bureau en Afrique du Sud.

OCT

OBR

31

E 20

12

Ouverture de la

e 7 édition,

qui durera jusqu’au 2 novembre, à Johannesburg

orientale et l’Asie centrale, avant de se pencher sur l’Afrique en 2008. « Le marché africain est en plein essor et se structure, tant du côté de la production que de celui de la diffusion », remarque-t-il. Le risque de piratage, qui rebutait jusqu’alors les producteurs étrangers, est selon lui mieux contourné: « D’abord, le passage à la télévision numérique devrait limiter la prolifération de réseaux clandestins. Mais surtout, les principaux producteurs diffusent dorénavant en même temps leurs programmes sur tout le continent via les grands réseaux, ce qui limite l’intérêt de la diffusion pirate », explique JucaudZuchowicki. Preuve de sa confiance danslepotentielducontinent:après Los Angeles et Paris, il prévoit d’implanter en septembre un bureau de Basic Lead en Afrique du Sud pour développer ses relations avec les sociétés africaines du secteur. ● CHRISTOPHE LE BEC

VINCENZO NESCI DJEZZY À compter du 1er juillet, il sera le président exécutif d’Orascom Telecom Algérie, qui exploite la marque Djezzy. Cet économiste de formation dirigeait le département Afrique d’Orascom Telecom depuis juin 2011. JEUNE AFRIQUE

BENOÎT JACQUOT EURAPHARMA Il deviendra le 1er juillet directeur commercial pour l’Afrique anglophone et lusophone et le Maghreb de la filiale de distribution pharmaceutique du groupe CFAO. Il succédera à Jean-Marc Leccia, promu PDG.

MARK RANSFORD ACTIS Basée à Londres, la société de capital-investissement annonce la nomination de cet ancien de Kingdom Zephyr comme directeur du développement en Afrique de l’Ouest, notamment au Nigeria. N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

DR ; CFAO GROUPE - TOUS DROITS RÉSERVÉS ; ACTIS

ON EN PARLE


Marchés financiers ! Pas facile de sortir l’institution de sa TORPEUR.

OMAR SEFOUANE

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BOURSE

Alger, l’impossible réforme?

Avec le départ de Noureddine Ismaïl, régulateur en chef du marché, la place financière perd aussi celui qui, depuis quatre ans, devait piloter sa modernisation. Partie remise une fois de plus.

A

ctivité inhabituelle à la Bourse d’Alger en cette fin de juin. Le 21, Alliance Assurances et l’Entreprise de gestion hôtelière El-Aurassi ont organisé leur assemblée générale des actionnaires pour leur présenter les résultats de l’année 2011. Le 28, le groupe pharmaceutique Saïdal fera de même. Puis l’intermède se refermera et la Bourse d’Alger retrouvera sa torpeur. Car à ce jour, elle ne compte que ces trois sociétés cotées sur le marché des actions. Trois valeurs mobilières qui se négocient deux fois par semaine, le lundi et le mercredi. Seules Sonelgaz et Dahli, inscrites au département obligations, complètent ce bref panorama. Pourtant, depuis 2008, une réforme pour dynamiser la Bourse est annoncée. C’était d’ailleurs la priorité de Noureddine Ismaïl, le président de la Commission d’organisation et de surveillance des opérations de Bourse (Cosob), au moment de sa prise de fonctions, la même année, pour un mandat de quatre ans qui vient d’arriver N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

à terme. Dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme du marché financier en Algérie, une convention de financement a même été signée en mai 2011 entre Alger et le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), ce dernier déboursant 1 million d’euros et déléguant ses experts pendant dix mois. Sur le terrain, Noureddine Ismaïl a été désigné directeur national du projet. Officiellement lancée en octobre 2011, la réforme devait être mise en place d’ici à l’automne 2012. VAINES TENTATIVES. Vaste chan-

tier. « La Bourse d’Alger reste à ce jour une organisation essentiellement publique, déconnectée du monde économique et ne disposant pas de l’environnement professionnel nécessaire au développement du marché », rappelait Noureddine Ismaïl dans son mot d’introduction du rapport annuel 2011 de la Cosob, publié en avril. Et d’établir ce bilan : « Il est aisé de constater que le marché est totalement illiquide. » Car jusquelà, les tentatives pour dynamiser le

Seulement trois valeurs cotées

Saïdal

20 % du capital, depuis septembre 1999

EGH El-Aurassi 20 % du capital, depuis février 2000

Alliance Assurances

31 % du capital, depuis mars 2011

marché des capitaux n’ont guère été fructueuses. En 2008, l’État a bien lancé des obligations assimilables du Trésor. Quatorze ont été introduites à la cote pour un encours de 273 milliards de dinars (2,7 milliards d’euros). Mais « ce compartiment a enregistré une baisse du volume des transactions réalisées en 2011 par rapport à 2010 de 802 millions de dinars », relève le rapport de la Cosob. Autre exemple. Depuis juin 2011, BNP Paribas El-Djazaïr bénéficie d’un agrément provisoire comme intermédiaire en opérations de Bourse. C’est désormais la seule société à capitaux étrangers sur la place d’Alger parmi les six sociétés d’intermédiation existantes, détenues principalement par des banques publiques algériennes dont le département Bourse n’est pas la priorité. Résultat ? « Le volume des opérations échangées entre les intermédiaires sur le marché boursier a enregistré un montant de 3,8 milliards de dinars fin 2011, contre 4,9 milliards en 2010 et 5,9 milliards en 2009 », note la Cosob. PEU DE SOUTIEN. À la décharge

de des institutions techniques chargées de faire tourner la Bourse – la Société de gestion de la Bourse des valeurs mobilières et Algérie Clearing (dépositaire des titres cotés), contrôlées par des capitaux co publics –, elles n’ont pas vraiment pu bénéficié du soutien des autorités bé ou de l’engouement des entreprises. Le programme de privatisations mené entre 2003 et 2008 s’est déroulé sans faire appel à la Bourse, et lorsque les entreprises viennent à la cote, c’est d’abord vi po pour lever des fonds à travers des emprunts obligataires (Algérie Té Télécom, Cevital, Sonelgaz…). Noureddine Ismaïl voulait tout mettre à plat. Il a demandé de transformer la Cosob en véritable gendarme du marché en élargissant « son domaine d’intervention dans la supervision, le contrôle, l’enquête et la JEUNE AFRIQUE


Baromètre sanction ». Une évolution qui devait « aller de pair avec l’ouverture de l’activité des services d’investissements à de nouveaux acteurs indépendants et professionnels ». Conséquence : ce « chantier juridique ne peut pas se satisfaire d’un simple toilettage des textes en vigueur », estimait-il. Il proposait de « s’appuyer sur une loi-cadre de modernisation pour accompagner le développement du marché financier en Algérie, améliorer son contexte institutionnel, protéger l’investisseur et assurer son fonctionnement ». Pour Noureddine Ismaïl, il s’agissait aussi de transformer l’environnement des affaires et d’adapter le droit commercial, le droit fiscal, le droit de la concurrence, etc. INTÉRIM. Avec la réforme, l’expatron de la Cosob espérait attirer une centaine d’entreprises, privées ou publiques, à la Bourse d’Alger. En début d’année, les autorités ont donné leur feu vert pour la création d’un département PME, mais rien de concret n’a depuis été entrepris en ce sens. Un programme trop ambitieux ? En tout cas, il a été fatal à Noureddine Ismaïl. Dans

« Le marché est totalement illiquide. » NOUREDDINE ISMAÏL

un communiqué du 11 juin, la Cosob « a pris acte de la fin de mandat, le 1er juin, du président sortant ». En attendant la nomination d’un nouveau président, « le secrétaire général sera chargé de la gestion des affaires courantes », ajoutait-elle. Fin de partie pour le président de la Cosob, tandis que le projet de réforme perd son directeur national. À la Commission, personne ne souhaite s’exprimer, à commencer par le président par intérim, le secrétaire général Samir Degaïchia, sur la date de nomination du successeur de Noureddine Ismaïl. Ni sur un éventuel report du calendrier de la réforme de la Bourse d’Alger… ●

Marchés financiers

Maroc : la situation se stabilise VALEUR

SECTEUR

COURS au 20 juin (en dollars)

ÉVOLUTION depuis le début de l’année (en %)

Managem

MINES

187,20

+ 6,9

Lafarge Maroc BCP BMCI Attijariwafa Bank Ciments du Maroc Addoha BMCE Bank Holcim Wafa Assurance

CIMENT

170,03 23,13 101,67 40,42 105,34 7,84 22,90 195,45 362,73

+ 5,5 + 1,8 + 0,9 + 0,8 + 0,5 –2 – 6,3 – 6,7 – 12,5

BANQUE BANQUE BANQUE CIMENT IMMOBILIER BANQUE CIMENT ASSURANCES

RIEN DE BIEN RÉJOUISSANT à la Bourse de Casablanca. Les volumes quotidiens (autour de 4 millions d’euros) restent faibles. Malgré un redressement depuis la mi-mai, le principal indice de la Place accuse toujours un recul de 7,8 % (au 20 juin) sur l’année 2012. Parmi les secteurs qui affichent de lourdes baisses : les valeurs pharmaceutiques (dont Promopharm, qui chute

de 38 % en 2012), la chimie (Snep recule de 35 %) et les assurances. À l’inverse, les valeurs du secteur du crédit à la consommation et du leasing gardent la tête hors de l’eau : Diac Salaf, notamment, progresse de plus de 75 % depuis le début de l’année, profitant pour l’essentiel de son envolée de la fin du mois de janvier à la suite d’une annonce de recapitalisation. ●

Valeur en vue BCP Une nouvelle dimension africaine BOURSE Casablanca • PNB 2011 911 millions d’euros (+ 1,1 %)

COURS 202 dirhams (20.6.2012) • OBJECTIF 225 dirhams

APRÈS AVOIR LONGTEMPS conservé une présence modeste en Afrique, Banque centrale populaire (BCP) renforce sa position dans la région ouest-africaine en s’implantant dans sept pays simultanément, via l’acquisition de 50 % de Banque Atlantique. Profitant d’une assise financière solide, confortée par les dernières augmentations de capital ainsi que par celle (annoncée) de 5 % réservée à un nouveau partenaire stratégique, le groupe marocain raccourcit les délais d’implantation au sud du Sahara. À court et à moyen terme, l’enjeu est double: redresser Zahra Lazrak la filiale ivoirienne (principale entité du réseau) et Analyste financière réussir l’intégration de l’équipe dirigeante en place senior chez BMCE Capital (que BCP annonce vouloir maintenir) au sein de ses structures à caractère mutualiste. Nous avons révisé nos prévisions : à l’horizon 2017, nous prévoyons une croissance annuelle moyenne de 14,6 % du produit net bancaire (PNB) et tablons sur une contribution de près de 15 % des revenus du réseau africain dans le PNB consolidé du groupe en 2015. » ●

JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE

N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

111


112

Économie Enquête Énergie

De l’électricité d

FINANCEMENT

Tous les moyens doivent être mobilisés pour permettre au continent d’atteindre son objectif : équiper les 500 millions de foyers africains qui n’ont toujours pas le courant. MICHAEL PAURON, NICOLAS TEISSERENC

avec

L

esbesoinsetlesdéfisafricainsenmatière d’énergie sont connus : le continent dispose d’une capacité de 114 GW seulement pour 1 milliard d’habitants. D’ici à 2030, il lui faudrait atteindre 700 GW pour satisfaire la demande. Une situation qui, outre le drame humain qu’elle engendre, se répercute sur le développement économique. L’Afrique subsaharienne est ainsi la seule région au monde où la population n’ayant pas accès à l’électricité augmente – 500 millions de foyers aujourd’hui. Sa capacité installée de 74 GW équivaut à celle de l’Espagne, qui ne comptait que 46 millions d’habitants en 2011. Selon Paul-Harry Aithnard, directeur de la recherche chez Ecobank, « les perspectives de croissance économique sont compromises si les problèmes énergétiques ne sont pas gérés: sans difficulté d’accès à l’énergie, la croissance serait supérieure de deux points. En outre, un investisseur étranger sur trois classe l’énergie comme premier obstacle au développement ». Le défi est donc de convaincre les investisseurs, car l’argent reste le nerf de la guerre. Les besoins sont estimés entre 30 et 50 milliards de dollars par an (entre 23,7 et 39,5 milliards d’euros). Or seul un quart est aujourd’hui financé. Pour Paul-Harry Aithnard, « les États ne peuvent pas être seuls ». Les bailleurs de fonds en ont bien conscience. La Société financière internationale (SFI, Banque mondiale) a engagé 400 millions de dollars dans douze projets et huit pays. La Banque africaine de développement (BAD) mise de son côté sur les énergies renouvelables, par exemple à travers la centrale géothermique de Menengai, au Kenya, au potentiel de 1 600 MW, pour laquelle elle investit 500 millions de dollars. Quant à l’Agence française de développement (AFD), elle a placé 7,5 milliards d’euros dans l’énergie, dont 40 % en Afrique, notamment dans quatre projets hydrauliques et deux projets solaires… N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

! Mise en service en juillet 2011, la centrale de Kuraymat (Égypte) est L’UNE DES PREMIÈRES AU MONDE à utiliser une technologie hybride combinant le gaz et le solaire.

Mais ce soutien ne suffit pas. Et les investisseurs privés, eux, reculent face au manque de rentabilité et à l’environnement des affaires peu engageant, alors que « les capitaux ne manquent pas », selon John Ravaloson, directeur général d’Arborescence Capital, un fonds d’investissement spécialisé dans le solaire. « Les tarifs actuels ne permettent pas de couvrir les investissements », assure-t-il. Sans compter que, bien souvent, « un cadre juridique et des assurances (et réassurances) adéquats font défaut, de même que des outils garantissant la pérennité pour attirer ces capitaux, car ce sont des besoins de long terme pour une planification à quinze ou vingt ans », poursuit-il. DÉSINHIBER. Les fonds publics continuent de

former le cœur des investissements, car ils peuvent permettre de désinhiber les investisseurs privés. Pour Delphine Siino Courtin, de l’agence Clifford Chance, « un projet est rentable si la régulation est bonne, si une gestion des risques est assurée et si


ALGÉRIE

Jean-Marc Darboux

La tentation du gaz de schiste

Président pays, Schneider Electric Afrique

dans l’air la loi permet de prendre en charge les défauts de paiement: les gouvernements ont un rôle à jouer ». Or l’environnement des affaires reste peu attractif, notamment parce que les réformes réglementaires desannées1980-1990sontinachevées,lestarifssousévalués, les sociétés d’électricité nationales souvent déficitaires… Elles ne paient pas et la planification manque de visibilité. Tarifs discrétionnaires, règles imprécises… la réglementation est trop vague. Les gouvernements acceptent difficilement de dédommager les investisseurs en cas de changement de législation. Et les procédures impartiales de règlement des litiges se font toujours désirer. De quoi dissuader. Paul-Harry Aithnard estime qu’il faut compter sur la libéralisation, partielle ou totale. « L’Ouganda, le Kenya et le Cameroun privatisent plus ou moins, mais aucun pays africain n’est complètement libéralisé. Chez les autres pays émergents, l’expérience a pourtant montré que les tarifs plafonnés ne marchent pas, qu’il faut éviter les projets trop lourds,

TECHNOLOGIES

Les Français se font une place au soleil

ne pas en réaliser trop en parallèle, privilégier les programmes transfrontaliers, indexer les prix sur ceux de l’énergie et, bien sûr, ne pas renégocier les contrats en cours de route. » PRIORITÉS VARIABLES. L’Agence internationale

Une capacité de

114 GW pour 1 milliard d’habitants Objectif :

700 GW en 2030

de l’énergie estime que le secteur privé pourrait assurer 20 % des financements, tandis que l’aide au développement pourrait prendre en charge 30 % à 40 % des besoins, et les États le reste. Mais les situations et les marges de manœuvre sont très différentes d’une région à l’autre : du côté de l’endettement comme de celui de l’état des installations… « Si un pays s’endette, ses priorités sont variables et concurrentes (routes, éducation, santé, etc.) », rappelle Christian de Gromard, de l’AFD. Dans certaines zones, la croissance interne pourrait suffire à débloquer les fonds. En Afrique de l’Est, par exemple, les grandes découvertes de gaz au large des côtes vont renforcer la mise en place d’infrastructures transcontinentales entre l’Angola, la Zambie, la RD Congo et le Mozambique, ou de structures telles que le port de Lamu au Kenya. L’Afrique du Nord, elle, donne sa priorité au solaire, alors que l’Afrique sahélienne, avec peu de ressources disponibles, reste dépendante du thermique et doit se relier à l’Afrique de l’Ouest. Dans tous les cas, il faudra compter sur une décentralisation de l’énergie : deux tiers de la production d’électricité ne seront pas connectés au réseau national (« off grid »). « Les grands projets ne suffiront pas, assure John Ravaloson, il faut des énergies renouvelables “mobiles” et un bond technologiquecommeceluiquiaétéobservé dans la téléphonie. » D’après lui, c’est notamment possible dans le solaire, pour des investissements de taille modeste (lire p. 118), grâce à la rapidité des avancées technologiques. « En un an, on peut construire une unité de 50 MW de capacité et alimenter une ville ou couvrir les besoins en énergie d’une exploitation minière. » Mais les défis sont immenses. Les infrastructures de transmission et de distribution sont vétustes : toute injection de puissance nécessite un aménagement du réseau (lire p. 114). Enfin, l’efficacité énergétique devra être au cœur des projets: 20 % à 50 % de l’électricité produite sont actuellement perdus. ● PAUL LANGROCK/ZENIT-LAIF-REA

INTERVIEW

N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

113


Enquête Énergie INTERVIEW

Jean-Marc Darboux

P RÉSIDENT

PAYS ,

S CHNEIDER E LECTRIC A FRIQUE

« Les besoins du continent devraient doubler d’ici à 2030 » Schneider Electric, leader français de la gestion de l’énergie, est présent sur le continent depuis près de quarante ans. Entre croissance économique et déficit énergétique criant, l’avenir s’y annonce prometteur. JEUNE AFRIQUE: Quel est le champ d’activité de Schneider Electric en Afrique ? JEAN-MARC DARBOUX: Le conti-

nent est depuis longtemps une zone d’activité importante pour nous. Nous y sommes présents via un réseau historique de partenaires (distributeurs, tableautiers, systèmes intégrateurs, installateurs…) et à travers des sites industriels – comme en Afrique du Sud et en Égypte, nos deux plus gros marchés, ou en Algérie. Schneider Electric Afrique compte 2 500 collaborateurs dans une quinzaine de pays. Avec son milliard d’habitants, sa croissance économique et sa proximité – linguistique et physique – avec l’Europe et la France, le continent ne peut qu’être au cœur de notre stratégie. Nous

En chiffres CA monde :

22,4 milliards d’euros en 2011

dont 18 % Afrique, Amérique du Sud et Caraïbes

! SELON LE PRÉSIDENT

DR

114

N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

AFRIQUE, il faut « plus de mégawatts, plus de rénovations et plus d’économies d’énergie ».

intervenons sur les bâtiments, notamment publics, et de plus en plus sur les grands centres commerciaux (équipements, gestion…). Nous offrons aussi des solutions aux utilities [services publics, NDLR], pour transporter et distribuer l’électricité, et au secteur minier, dont nous optimisons les process industriels et la distribution d’énergie. Quelle part de votre chiffre d’affaires cela représente-t-il ?

Nous ne communiquons pas nos résultats sur le continent spécifiquement, mais nos activités augmentent à l’image de l’économie africaine. Il est clair que les événements de ces deux dernières années en Tunisie, en Libye, en Égypte, en Côte d’Ivoire, et aujourd’ aujourd’hui ’h au Mali, ont un impact sur ur nos résultats. Pour autant, nous us n’avons jamais quitté un pays, et nous no nous faisons un devoir de re rester. Globalement, les besoins électriques éleec de l’Afrique, qui devraien devraient en doubler d’ici à 2030, nous rassur rassurent re sur l’avenir. Justement,, comment analysezvous la cris crise ris énergétique récurrente que vi vit le continent ?

La constr construction stru de nouvelles capacités de production, d’infrastructures de transport et de distribution est nécessaire. n Mais tout cela à un coût, difficile à su supporter pour la plupa part des pays, même si tous les grands

États ont des projets. Cependant, d’autres actions, moins onéreuses, permettraient au continent de gagner des mégawatts. Comme notamment remettre en état les infrastructures existantes, trop vétustes, qui engendrent d’importantes pertes d’énergie liées à des problèmes techniques. La remise en état ne suffirait cependant pas à combler ce déficit…

Non, évidemment. Mais pour les zones urbaines, il y a un autre levier à actionner, comme je l’explique à tous mes interlocuteurs : les économies d’énergie. Nombreuses sont les usines énergivores, qui consomment bien plus que nécessaire. Les hôtels, les bâtiments publics où les climatiseurs et les lumières fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre sont autant de gabegie. Il faut travailler tous ces aspects de concert : plus de mégawatts, plus de rénovations et plus d’économies. Et dans les zones rurales ?

Je ne crois pas à une distribution basée sur le modèle occidental. Cela coûte cher, et certains accès seront de toute manière trop compliqués. Il faut penser à une production décentralisée de l’électricité (off grid). Cela peut se réaliser à travers les énergies renouvelables – éolienne, solaire – et hydraulique. C’est ce que nous essayons de proposer via notre offre BipBop, déjà introduite à Madagascar et au Sénégal notamment. De petites centrales thermiques de 2 MW pourraient également être imaginées pour alimenter un village et quelques industries. ● Propos recueillis par MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE


Plus de développement local engendre des avantages d’une plus grande portée. Chez ExxonMobil, nous nous engageons à favoriser le développement et le progrès économique partout où nous opérons. Au Tchad, par exemple, nous avons réalisé des formations auprès de plus de 300 petites et moyennes entreprises pour les aider à améliorer leurs performances commerciales et opérationnelles. Et en Angola, depuis 2008 nous avons conclu des transactions avec des entreprises locales dont le total dépasse plus de 1,3 milliard d’USD. Quand nos activités soutiennent des fournisseurs locaux ou forment des Africains pour travailler dans nos opérations, ExxonMobil fait plus qu’exploiter du pétrole et du gaz. Nous contribuons au développement futur de l’Afrique.

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116

Enquête Énergie ALGÉRIE

La tentation du gaz de schiste

Le gouvernement est désormais décidé à exploiter cette ressource. Un choix controversé, sur fond de révision prochaine de la réglementation.

L

engouement américain pour le gaz de schiste a fait des émules. À son tour, l’Algérie a décidé de s’engager ouvertement dans l’exploitation de cette ressource énergétique. Un choix confirmé début juin par l’annonce du forage d’un premier puits à Ahnet, dans la région d’In Salah. Dévoilée par un haut responsable de Sonatrach, lors de la conférence mondiale du gaz à Kuala Lumpur, cette future exploitation est essentiellement destinée à l’exportation. Le changement de position du gouvernement algérien s’est fait par étapes. Des responsables politiques – au premier rang desquels le ministre de l’Énergie, Youcef Yousfi, en mars 2011 – ont d’abord fait état de l’intérêt du pays pour le gaz de schiste. Un accord a ensuite été signé en avril 2011 entre le groupe italien ENI et Sonatrach – qui a annoncé son intention d’investir 9,5 milliards d’euros dans les cinq ans pour en rechercher les gisements afin de lancer la production – en vue d’évaluer le potentiel du pays dans ce domaine. Enfin, en décembre dernier, la révision à venir de la loi sur les hydrocarbures, qui devrait prendre en compte la questiondel’exploitationdufameux gaz, a été programmée. « Ces trois éléments démontrent que l’Algérie a décidé de ne pas être la dernière dans la course au gaz de schiste », souligne Francis Perrin, directeur de la rédaction de Pétrole et gaz arabes. Des perspectives qui n’ont pas échappé aux sociétés pétrolières étrangères. Outre ENI, Total et Royal Dutch Petroleum ont fait part de leur intérêt pour cette manne N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

! L’ÉTAT DESTINE SA FUTURE PRODUCTION essentiellement à l’exportation.

algérienne. « Les compagnies qui travaillent depuis longtemps en partenariat avec Sonatrach suivent de très près les éventuelles inflexions de la politique énergétique du pays », précise-t-il. PRÉCIPITATION. Cet engouement

soudain pour le gaz de schiste est à mettre sur le compte d’une étude de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) indiquant que l’Algérie disposerait d’une réserve estimée à 2 500 milliards de mètres cubes exploitables. Autant que la réserve de gaz conventionnel récupérable. « Avec l’Afrique du Sud et la Libye, l’Algérie est donc l’un des principaux bassins de gaz de schiste du continent africain », explique le professeur Chems Eddine Chitour, ingénieur en génie chimique et enseignant à l’École polytechnique d’Alger. Pour lui, il serait imprudent de s’engager « tête baissée » dans l’exploitation de cette ressource. « Les autorités algériennes

envisagent de lourds investissements dans le développement des gaz de roche-mère. La fracturation hydraulique, technique permettant d’exploiter ce gaz, est polluante, onéreuse, et risque de provoquer des séismes du fait de la déstabilisation de la couche du sous-sol. Il serait préférable de patienter et de consacrer les efforts au développement des énergies renouvelables », note-t-il. Un avis que partage en partie Abdelhakim Bentellis. Ce professeur en géophysique à la faculté des sciences de la terre de l’université Houari-Boumédiène d’Alger, qui estime nécessaire d’attendre le développement de nouvelles technologies d’exploitation, se montre plutôt rassurant quant à l’impact environnemental de cette extraction, à condition que le procédé d’extraction soit étroitement contrôlé. « Les effets sur la faune, la flore et les ressources aquifères seraient minimes. Il y a peu de risques, notamment pour la nappe de l’Albien, séparée de la roche-mère où se situe le gaz par unesériedecouchesimperméables. Nous devons connaître notre potentiel en gaz de schiste, mais

Le pays disposerait d’une réserve estimée à 2 500 milliards de mètres cubes exploitables.

Les hydrocarbures représentent

95 %

DES EXPORTATIONS ALGÉRIENNES

30 %

DU

PIB ALGÉRIEN

nous devons surtout poursuivre la recherche dans les ressources conventionnelles. Les potentialités sont encore très importantes. » Restequel’Algérienedisposetoujours pas de législation permettant son exploitation. Le texte doit être présenté devant le Parlement à l’automne. Les représentants devront adopter les règles qui régiront le partenariat entre Sonatrach et les compagnies étrangères. Ils devront surtout entériner la mise en œuvre d’un système fiscal adapté. Assurer une certaine attractivité du gaz de schiste algérien sans brader cette ressource, voilà tout l’enjeu de cette nouvelle loi. ● TAREK HAFID JEUNE AFRIQUE


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Enquête Énergie TECHNOLOGIES

Les Français se font une place au soleil

Au Maroc et en Afrique du Sud, Soitec, Heliotrop et Axiosun mettent en œuvre les premières centrales photovoltaïques à concentration.

SOITEC

118

! LA PREMIÈRE UNITÉ SUD-AFRICAINE a été inaugurée en décembre 2011 par Jacob Zuma.

V

o i l à u n j o l i c ou p médiatique. Fin 2011, Durban accueillait la 17e Conférence des parties pour le climat, négociations cruciales pour le protocole de Kyoto – visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Afin de valoriser l’événement, le gouvernement sudafricain a fait installer une centrale solaire de 500 kilowatts-crête (kWc) à proximité du Centre international des congrès de Durban. Inaugurée par le président Jacob Zuma, cette unité productrice d’électricité a été conçue et mise en service par le français Soitec, spécialisé dans une technologie d’avant-garde : le solaire photovoltaïque à concentration (CPV). Il consiste à optimiser le rendement des modules

photovoltaïques en concentrant les rayons du soleil à l’aide de lentilles de Fresnel ou de miroirs. Pour une même surface de panneaux, la production d’électricité est plus importante qu’avec du solaire photovoltaïque classique. Et, au même titre que le solaire thermique à concentration, le CPV permet de stocker l’énergie produite dans des batteries. EXPLORATION. Si l’Afrique du Sud

a une longueur d’avance dans l’exploration de cette technologie sur le continent (lire encadré), le Maroc s’y intéresse aussi. Pour preuve, son Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (Aderee) teste depuis juin 2011,

Atouts du solaire photovoltaïque à concentration

• investissement limité • production d’énergie élevée • faible impact environnemental • installation simple

à Marrakech, une installation de 5 kWc. Elle a été fournie par le français Heliotrop, spécialiste du photovoltaïque à haute concentration. « Contrairement aux capteurs classiques, constitués de cellules à base de silicium, les nôtres sont composés de cellules à base de germanium, qui conservent un très haut rendement sous de fortes températures », explique Paul Bellavoine, son directeur général. Et le royaume s’apprête à expérimenter une autre installation, à basse concentration cette fois, fournie par le français Axiosun. Sa mise en service est prévue pour juillet, également à Marrakech. L’Aderee examine ainsi plusieurs technologies afin de retenir les plus à même de contribuer aux objectifs du plan solaire marocain. Pour Paul Bellavoine, celui-ci « se fera majoritairement grâce à du photovoltaïque et le CPV y prendra une bonne part ». Car, outre des rendements intéressants, une unité de ce type, limitée à quelques dizaines de mégawatts, demande un investissement moins élevé qu’une centrale solaire thermique à concentration – qui requiert une étape supplémentaire pour transformer l’énergie solaire en électricité –, autre option du plan (lire J.A. no 2662). Axiosun envisage d’ailleurs de commercialiser sa solution sous forme de licence. « Tout industriel ou investisseur privé peut acheter notre ligne de production », précise Ludovic Deblois, président de Sunpartner, société mère d’Axiosun – une manière de favoriser le transfert de technologie. ● IDIR ZEBBOUDJ

SOITEC VOIT PLUS LOIN DANS LA FOULÉE DE SON UNITÉ de démonstration, Soitec vient de réussir un gros coup en Afrique du Sud en signant un accord avec le ministère de l’Énergie N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

pour la réalisation d’une centrale CPV de 50 mégawatts dans la commune de Touwsrivier. Un partenariat avec la banque sud-africaine Investec a été conclu pour

financer ce projet. Le montant total de l’investissement comme les modalités de financement n’ont pas été divulgués, mais une note de l’agence Bloomberg

reprise sur le site internet d’Investec indique que la somme serait comprise entre 150 et 300 millions de dollars (entre 119 et 238 millions d’euros). ● I.Z. JEUNE AFRIQUE


Crédits photos : Aurélia Blanc, Julien Knaub/TV5MONDE - Dharamsala - Cherif Guélib

« MAGHREB-ORIENT EXPRESS » Spéciale Algérie DIMANCHE 1ER JUILLET À 19 H www.tv5monde.com/moe

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« MASCARADES » Réalisation : Lyes Salem

« TENDANCE A » Spéciale Algérie

Samedi 30 juin 2012 à 15h30 et 23h30

Lundi 02 juillet 2012 à 21h00

Jeudi 05 juillet 2012 à 22h30


120

Culture & médias

E R È I N A M ET LA MAROC

E T R O F L’ART

Alors que certains d’entre eux ont été emprisonnés pour outrage à la police, les artistes marocains doivent faire face à la pression des islamistes, qui promeuvent un art « halal ».

YOUSSEF AÏT AKDIM, envoyé spécial

L

a jeune actrice FatymLayachi au milieu de détritus. La photo frappe comme un coup de poing en pleine figure. Une réponsed’OthmanZineàl’«artpropre» de Najib Boulif, l’un des dirigeants du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste). « J’ai eu l’idée de ce geste militant, même si je n’aime pas le terme, juste après ses déclarations », explique l’artiste à Jeune Afrique. En novembre 2011, après la victoire du PJD aux élections législatives, l’actuel ministre des Affaires économiques et générales lâchait ces deux mots malheureux: « art propre ». Sans le définir, Boulif visait un art moralement acceptable. Halal, pour ainsi dire. Il s’en expliquait en précisant que OPRE ART PR n de « [s]on parti ne permettra pas la io réédition de scènes de nus, comme Express ulif (PJD) o l’a fait Latefa Ahrrare ». Fin 2010, la Najib B t un art n pièce de l’actrice Capharnaüm avait a t désign provoqué un tollé dans les médias ralemen o m « é jug conservateurs. La jeune femme y ble » apparaissait en sous-vêtements le accepta temps de troquer une tenue masculine pour une burqa. Attajdid, le journal officieux du PJD, avait alors dénoncé ce « strip-tease ». Réaction immédiate de l’intéressée lors du Festival international du film de Marrakech: défilant sur le tapis rouge, l’actrice avait remonté les pans de son caftan pour dévoiler ses jambes. Barbus impétueux contre artistes facétieux, le ! ŒUVRE DE MALEK décor est planté. Depuis des années, les attaques RAFI (impression sur papier) réalisée verbales de dirigeants islamistes contre une culture en mai en réaction jugée immorale se multiplient. Avant d’être chef à « l’art propre ».

N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

du gouvernement, Abdelilah Benkirane avait dénoncé en 2010 la présence d’Elton John au Festival Mawazine, organisé par la fondation Maroc Cultures que dirige Mounir Majidi, le secrétaire particulier de Mohammed VI. Il s’était indigné de propos prêtés à la star pop britannique et jugés insultants… à l’égard de Jésus. PÉCHÉ. Auparavant, des cadres du PJD ont mani-

festé contre la venue d’artistes israéliens et de Laurent Gerra, suspecté de sionisme. Benkirane, encore lui, a descendu en flammes le long-métrage Casanegra de Nour-Eddine Lakhmari, accusé d’encourager « la débauche ». Une polémique récurrente qu’entretiennent les islamistes à chaque sortie de films marocains abordant les questions de société. En 2005, Marock, de Laïla Marrakchi, une fable racontant les amours contrariées d’une musulmane et d’un juif, est violemment pris pour cible par la mouvance islamiste. Mais pas seulement. Des médias indépendants et même un confrère réalisateur croient y déceler une machination sioniste. Péché suprême s’il en est. La rhétorique des conservateurs, toutes chapelles confondues, est bien rodée: « danger pour l’identité marocaine », « insulte aux valeurs de la religion », « menace sur la culture ». En février dernier, le ministre des Relations avec le Parlement et la société civile, Habib Choubani, tire à boulets rouges sur le Festival Mawazine. « Le temps du parti de l’État est révolu. Il faut également en finir avec le festival de l’État! » s’indigne-t-il. Le ministre dénonce avant tout le financement par des entreprisespubliquesetl’usagedesmédiasétatiques. « Un festival financé par des deniers publics, alors que les diplômés ne trouvent pas de travail et que des régions entières manquent de tout, même de bois de chauffage, est-ce compatible avec la bonne gouvernance? » interroge, faussement naïf, Habib Choubani. Pour Abdellah Tourabi, chercheur en sciences politiques et spécialiste de l’islamisme, le raisonnement du PJD évolue. « Depuis leur entrée ● ● ● JEUNE AFRIQUE


MALEK RAFI

121

JEUNE AFRIQUE

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Culture médias au gouvernement, les islamistes construisent leur discours autour de la bonne gouvernance », explique-t-il. Clé de voûte de cet édifice : la lutte contre la corruption, notion polysémique et commode puisqu’elle permet d’englober les délits financiers, les conflits d’intérêts mais aussi la corruption morale. « Les islamistes ne considèrent pas que l’art a une fonction esthétique, observe le politologue. Ils reprochent souvent aux films ou aux romans de ne pas représenter la réalité sociale. C’était aussi le discours des partis de gauche dans les années 1960 et 1970. » Initiatrice du « Manifeste pour la culture libre », Fatym Layachi s’insurge contre l’usage idéologique de la culture. « L’objectif de notre manifeste est de bousculer cette conception d’un art au service d’une morale », souligne l’actrice de Marock. ●●●

VIGILANCE. Pour l’instant, le PJD ne détient pas les leviers pour restreindre les libertés artistiques, si telle était vraiment son intention. Le ministre de l’Intérieur est Mohand Laenser, chef du Mouvement populaire, un parti réputé proche du Palais. Quant aux ministères de l’Éducation nationale et de la Culture, ils sont dirigés respectivement par Mohamed El Ouafa, du parti de l’Istiqlal (conservateur), et par Amine Sbihi, du Parti du progrès et du socialisme (PPS, gauche). « Dans l’immédiat, je ne me sens pas menacée, reconnaît Fatym Layachi, mais je suis vigilante. La mobilisation met les gens face à leurs choix. On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. » Le 22 avril dernier, le collectif Culture libre organisait aux Abattoirs de Casablanca l’événement Manbita Al A7rare (« Terre des Libres »), du nom des premiers mots de l’hymne national marocain détourné à la manière dont Gainsbourg s’était emparé de La Marseillaise avec son fameux Aux armes, etc. Dans cette friche culturelle, des concerts, des débats ont permis de s’adresser à un public varié, « pour dire que nous sommes libres, que nous le chantons et le dansons », ajoute Fatym Layachi. Aujourd’hui, le collectif se constitue en

AMP PRESS

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! YOUNÈS BELKHDIM, « LE POÈTE DU 20 FÉVRIER », l’un des soutiens du rappeur écroué Lhaqed. Il a été condamné à deux ans de prison ferme.

OIRS ABATT urelle ult Friche c diste ar avant-g nca la à Casab

UN FESTIVAL PEUT EN CACHER UN AUTRE DANS UNTEXTE CINGLANT (« La culture des bouffons ou l’événementiel en questions »), l’essayiste Mohammed Ennaji dénonçait des festivals « fruits d’une volonté autoritaire qui veut […] soigner son image de marque ». Une charge qui se vérifie chaque printemps, période des festivals au Maroc. Cette année, Mawazine a de nouveau fait le plein de stars et de paillettes. Un gigantisme qui agace de plus en plus. « Les agents surfacturent largement N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

les prestations des artistes, mais Mawazine dit toujours oui », dénonce un professionnel. Pourtant, d’autres festivals se maintiennent, malgré un financement plus modeste. Le festival Gnaoua d’Essaouira a réduit la voilure depuis quelques années.Timitar à Agadir est toujours mené de main de maître par Brahim Mazned. En septembre, Casablanca retrouvera le plus indie des festivals: L’Boulevard. ● Y.A.A.

association pour avoir une existence juridique et pérenniser son action. ARRESTATIONS. PourHichamBahou,lecofondateur

du festival L’Boulevard, qui offre depuis 1999 un « tremplin » aux jeunes musiciens, les déclarations desministresPJDontétédes«coupsponctuels,mais qui ne sont pas restés sans réponse. Heureusement, les artistes eux-mêmes ont immédiatement réagi ». Sa véritable inquiétude concerne les arrestations de jeunes artistes. « Les cas de Lhaqed et de Younès Belkhdim nous rappellent de tristes précédents, les quatorze musiciens jugés pour satanisme en 2003. » Déjà détenu fin 2011 puis condamné en janvier à quatre mois de prison, la durée de sa détention préventive,Lhaqed(«l’enragé»)aécopéd’unepeine de prison de un an ferme, le 11 mai dernier, pour atteinte à l’image de la police. Quelques jours plus tard,soncompèreYounèsBelkhdim,surnommé«le poète du 20 Février », était condamné à deux ans de prison ferme pour outrage à la police lors d’un sit-in de soutien au rappeur. « Mouad et Younès n’ont rien à faire en prison, tonne Fatym Layachi. On a du mal à situer les lignes jaunes, c’est une épée de Damoclès qui pèse sur tous. Cet acharnement et ces mascarades de procès dépassent toute logique. » Entre le marteau des sécuritaires et l’enclume des islamistes, la liberté d’expression s’amenuise. Dansunetribuneparuedanslequotidienfrançais LeMonde(12mai2012),l’écrivainDrissKsikesrelève cette double contrainte. « Le nœud du problème réside […] dans le caractère dogmatique de l’État, nonobstant le parti au pouvoir. Les ministres du PJD, habiles rhéteurs, parlent d’ailleurs au nom de “la norme constitutionnelle” et des “valeurs (sousentendureligieuses)dupeuplemarocain”,consacrées par cette même Constitution. Rusés, populistes? Peut-être, mais légalistes aussi. » Et de poursuivre: « Or que retrouve-t-on en face? Des partis dits libéraux enserrés dans un corset identitaire étroit. Ils sont certes sans étiquette religieuse affichée, mais il leur est déjà arrivé, à leur tour, de protester contre un art “malpropre”, une école “résolument plurielle”, une association “libertaire” ou des médias “non consensuels”. » Ré-sis-tan-ce! crient les artistes. ● JEUNE AFRIQUE


Culture médias

TRIBUNE

Opinions & éditoriaux

Les islamistes et la culture: entre le sermon et le compromis

DR

N MOHAMMED ENNAJI Historien, politologue et acteur culturel

ONOBSTANT LA VOLONTÉ affichée des islamistes marocains de s’en prendre à la création et à la liberté culturelle, il n’y a rien de préjudiciable, à l’heure qu’il est, à l’actif du Parti de la justice et du développement (PJD) depuis qu’il préside le gouvernement. Les bars sont toujours ouverts, les restaurants servent de l’alcool sans s’enquérir de la confession des clients, les supermarchés en vendent plus que jamais aux musulmans, dans les petites villes comme dans les grandes. Les festivals ont lieu aux mêmes dates, les filles non voilées n’ont pas encore pris le voile. Rien n’a donc changé sous le soleil d’Allah, alors que l’on croyait les islamistes prêts à abattre, par un décret d’urgence, le moindre symbole de modernité. Ils n’en ont encore rien fait. Mais le problème n’est pas si simple. À leur arrivée au pouvoir, la culture, dans son volet de création, était déjà au point mort. À tous les niveaux, elle sombrait dans une agonie qui n’en finissait pas.Tous les festivals – arguments de ceux qui s’illusionnent d’une vie culturelle florissante – ne sont pas le fruit d’un mûrissement créatif local. En plus de leur facticité, ils ne doivent leur existence qu’au parrainage de grands de l’État qui en tirent du bruit médiatique utile à leur position dans le sérail. Pour le reste, la production littéraire, théâtrale, musicale et cinématographique reste encore médiocre. D’aucuns n’hésitent pas à parler de régression culturelle du point de vue qualitatif, par rapport aux années 1970, alors que les universités couvrent aujourd’hui l’ensemble du territoire.

L’analphabétisme culturel a servi leur cause et favorisé leur ascension. C’est l’assassinat, en bonne et due forme, de l’école par les groupes dominants, dont le parti de l’Istiqlal, sous prétexte d’arabiser et de « nationaliser » l’école et la culture, qui en fut et en est l’origine. Depuis, l’école publique, devenue un quasi-ghetto pour les enfants des couches populaires, a conforté le rang des analphabètes et renforcé les effectifs de l’électorat des islamistes. C’est la destruction en règle de cette école qui a causé la faillite culturelle du Maroc. Certes, les islamistes ont abondamment instrumentalisé le volet culturel en diabolisant les déviations laïques et « sataniques » pour engranger des voix. Paradoxalement, ils n’ont pas été plus loin à leur arrivée au pouvoir. Ils continuent toujours à souffler le chaud et le froid, à alterner la menace et le compromis chaque fois que se profile un événement qui peut donner lieu à un discours incendiaire. Mais leur action est bien dosée, ils font intervenir à tour de rôle les différents niveaux de la hiérarchie du parti, avec des tons différents ; les plus élevés se montrant

La destruction de l’école publique a causé la faillite culturelle du Maroc.

Dans la création comme dans la contestation, on perçoit la grande faiblesse qui entache le mouvement culturel au Maroc. L’une des fragilités du Mouvement du 20 février se trouve bien là. L’absence de projet social clairement formulé par l’élite jeune est suffisamment éloquente de l’incapacité de celle-ci à imaginer un avenir, à élaborer un paradigme propice à une modernité à laquelle la société aspire pourtant. Les islamistes ne sont pas la cause de ce délabrement culturel, qui a, par ailleurs, terni un printemps marocain moins vigoureux que le tunisien et encore moins que l’égyptien. Ils en sont au contraire le produit. JEUNE AFRIQUE

tolérants et les plus proches des militants de base fustigeant la moindre initiative susceptible de laïcité et plus encore de blasphème. Les dirigeants du parti ont bien compris la nécessité d’occuper les lieux en douceur, tout en veillant à grossir leur électorat et à mobiliser les foules à moindres frais. La tactique est simple, se maintenir à la lisière du secteur culturel et alterner le sermon et la menace, mais se garder d’intervenir brutalement ou directement pour éviter d’affronter les puissants du régime, ou de se risquer dans des directions qu’ils ne contrôlent pas. Le PJD sait maintenant l’impopularité des réformes qui l’attendent sur le terrain économique, il fait de l’espace culturel un cheval de bataille où il fait miroiter le mirage de la purification culturelle et du retour aux sources. ● Dernier ouvrage paru : Éclats de voix, un intellectuel à l’écoute de sa société (éditions La Gazette, Casablanca, 2010, 174 pages, 40 Dh) N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

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Culture médias ALGÉRIE

Dans la chair de l’Histoire

À l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de l’ancienne colonie, la télévision française multiplie les témoignages.

D

un côté et de l’autre de la Méditerranée, d’un côté et de l’autre de l’Histoire. Comment raconter ce que l’on a vécu ? Les points de vue diffèrent, laissant aux historiens le soin de démêler le vrai du faux en naviguant dans une mer grosse de bien des possibles. Ainsi cette anecdote: les Algériens qui venaient de dire oui à l’indépendance racontent que les colons quittant le pays, en 1962,

souvenirs : ce ne sont pas exactement les termes qui conviennent. Mieux vaut parler de plaies, de blessures, de cicatrices, de deuils… En cette année de commémorations, la télévisionfrançaise a choisi de privilégier la forme documentaire et de faire la part belle aux témoignages pêchés dans les deux camps. Ce qui en résulte ? La sensation d’une Histoire encore à vif. Combien de visagesfroissésetdemainstremblantesqui

! Extrait du documentaire ALGÉRIE, NOS ANNÉES PIEDS-ROUGES.

cherchent avec pudeur à cacher ces larmes irrépressibles, et trahissent la permanence de l’horreur vécue? Racolage, diront certains. Non, passage obligé pour dire la réalité sans s’abstraire dans la froideur des dates et des déclarations politiques. PIEDS-ROUGES. Àcetitre,ledocumentaire

le plus réussi est signé Marie Colonna et Malek Bensmaïl et s’intitule 1962, de l’Algérie française à l’Algérie algérienne. Multipliant les témoignages, le film couvre ladernièreannéedelacolonisation,etplus particulièrementlapériodequis’étireentre lecessez-le-feudu19mars1962etl’élection d’Ahmed Ben Bella, le 25 septembre de la même année. Terreur organisée par l’OAS, liesse populaire de l’indépendance, enlèvements, affrontements entre l’Armée des frontières et l’Armée de libération nationale (ALN)… Les repères historiques complétés par des images d’archives permettent de situer la parole des acteurs, donnant au spectateur la possibilité de plonger dans la chair de l’Histoire. Sur la même période – ce moment de transition qui exacerba la violence –, Algérie 1962, l’été où ma famille a disparu relève plus de la quête initiatique. À la mort de son père, Hélène Cohen découvre qu’il lui a toujours caché l’histoire dramatique de sa famille. Fin juin 1962, sa mère, sa sœur et son père ont disparu pour ne jamais revenir. En enquêtant sur ce secret de famille poignant, Hélène Cohen revient sur un épisode qui continue de hanter les deux communautés. Victimes collatérales de l’Histoire en marche? Quand il s’agit de votre famille, de votre sœur, de votre mère, il n’existe rien de « collatéral »… Sur les cendres, reconstruire. La chaîne France Ô a, pour sa part, choisi un thème original: celui de ces Français qui ont soutenu le FLN – dont les fameux « porteurs de valises » – et qui après l’indépendance ont offert leurs compétences au jeune pays. Algérie, nos années pieds-rouges, d’Emmanuel Migeot, multiplie de même les témoignages d’acteurs. Mais outre le sort individuel de quelques engagés, le film – comme les deux autres – permet de saisir la complexité de cet instant où un pays pose les bases de sa future existence. ● DR

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brûlaient préalablement leurs voitures afin de ne pas les laisser entre les mains des « indigènes ». Mais pour les Français contraints d’abandonner un territoire qu’ils jugeaient leur, la perspective est bien différente : pour eux, les dockers du port d’Alger laissaient volontairement choir les voitures qu’ils chargeaient dans le ventre des bateaux afin qu’elles ne fonctionnent plus… Où se trouve la vérité ? Sans doute de part et d’autre. Cinquante ans après la proclamation d’indépendance de l’Algérie, le 5 juillet 1962, bien des acteurs de la tragédie sont encore vivants. Pour la plupart âgés, ils gardentdesévénementsunemémoiresouvent limpide, quoique partisane. Mémoire, N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

France Télévisions propose

1962, de l’Algérie française à l’Algérie algérienne, sur France 3, en deux parties, les 3 et 10 juillet Algérie 1962, l’été où ma famille a disparu, sur France 3 le 26 juin Algérie, nos années pieds-rouges, sur France Ô le 5 juillet après le téléfilm Le Choix de Myriam, avec Leïla Bekhti, et avant le concert de Khaled à Mawazine

NICOLAS MICHEL JEUNE AFRIQUE


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ANTHONY FAURE

SON DERNIER OPUS résonne comme une volonté délibérée de resserrer son champ artistique.

MUSIQUE

Le Cameroun métissé de Charlotte Dipanda À 26 ans, la chanteuse sort son second album. Quatorze titres, entièrement arrangés par le bassiste Guy Nsangué, qui signent une quête d’autonomie plutôt réussie.

À

la sortie de Mispa, son premier album, paru en 2009, on lui avait reproché de vouloir montrer l’étendue de ses capacités. Charlotte Dipanda mélangeait alors allègrement, peut-être aussi ostensiblement, sonorités R’nB, pop et africaines. Inspiré par ses pérégrinations à travers les dix régions de son Cameroun natal, son dernier opus, Dube L’am (« ma foi », en langue douala), résonne comme une volonté délibérée de resserrer son champ artistique. Le résultat ? Une farandole de rythmes traditionnels que la jeune femme, installée en France depuis onze ans, a métissés pour en faire des chansons aux couleurs pop, adoubée par son illustre aîné Toto Guillaume. Comme sur « Soma Loba », qui débute sur un rythme bikutsi (centre du pays) avant d’enchaîner avec un refrain mangambeu (Ouest). Si cette grande voyageuse a appris le solfège, le piano « et un peu le chant » à l’Institut art culture perception (IACP Paris) à son arrivée en France, c’est auprès de grands noms de la musique

JEUNE AFRIQUE

africaine comme Manu Dibango, Lokua à se réfugier auprès d’elle pour oublier Kanza ou encore Rokia Traoré que l’exl’adversité du quotidien. Ou dans « Na habituée des cabarets camerounais fait Ndé », dédié à ce père qu’elle n’a jamais ses armes à l’international, en tant que connu et qu’elle « cherche dans les yeux choriste. Une belle expérience qu’elle dit des hommes de sa vie ». Un manque qui a ne pas pouvoir s’empêcher de renouveler participé à l’éveil de sa sensibilité, qui s’exavec certains, elle qui est désormais en prime dans l’écriture de ses textes. Celle quête d’autonomie. Dans cet opus dont pour qui la chanson était juste un moyen pratique d’échapper au lycée sait aussi elle signe la majorité des textes et des musiques, énergie et inspiration circulent en toute Une voix soul éclatante, souple fluidité. On découvre alors et agile, un brin caverneuse, suit les une chanteuse éclatante courbes sinueuses des mélodies. à la voix soul, d’une surprenante maturité. Une voix de l’âme aussi, souple, agile, un brin frapper de grands coups. Comme ces deux caverneuse, qui suit les courbes parfois duos magnifiques : « Bodimbea », avec sinueuses des mélodies, elles-mêmes sufRichard Bona (« un rêve qu’elle aimerait fisamment pernicieuses pour s’installer voir réalisé », disait-elle au cours d’une dans votre tête et ne plus vous quitter. émission de radio en 2009), et « Wé Ndé Nja », avec Jacob Desvarieux, où zouk et « COUCOU ». Cette mère d’un petit makossa s’entrelacent. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM garçon, Jadi, n’hésite pas à se mettre à nu, à la fois câline et grave. Comme dans « Coucou » – l’un des titres les plus Dube L’am, de Charlotte Dipanda aboutis –, où elle invite son amoureux (Fait Main Productions/Rue Stendhal) N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012


Culture médias

■ ■ ■ Décevant

ESSAI

L’après-Ben Ali décrypté LA RÉVOLUTION a-t-elle échappé dès ses premières heures au peuple tunisien? Grand reporter pour le site d’information Mediapart, Pierre Puchot en est persuadé. Du départ de Ben Ali à l’élection du parti islamiste Ennahdha, le journaliste livre le fruit de ses investigations. Une transition démocratique racontée semaine après semaine où l’auteur s’évertue à démontrer le rôle ambigu d’une élite bien décidée à survivre au départ de son ancien protecteur, mais aussi des partis politiques minés par les ambitions personnelles. Si la première partie de ce carnet de bord intéressera tous les lecteurs, y compris les mieux informés, la seconde – consacrée au tourisme et aux régions intérieures – n’est pas incontournable. ● JULIEN CLÉMENÇOT

■ ■ ■ Pourquoi pas

■ ■ ■ Réussi

POLAR

Cap sur la mort LA TOUFFEUR DU CAP, la violence du quartier des Flats, la brutalité du gang des 28… Le deuxième roman de Roger Smith pue le sexe, la mort et le désespoir. Depuis Mélanges de sangs, l’intrigue a changé, un peu, mais dans Blondie et la mort, les camés sont toujours défoncés au tik, les petites frappes irrémédiablement débiles et les flics corrompus jusqu’à l’os. Un polar souvent cru, parfois gore et globalement efficace, malgré une petite impression de « déjà-lu ». ● ANNE KAPPÈS-GRANGÉ

Blondie et la mort, de Roger Smith, Calmann-Lévy, 312 pages, 20,50 euros

Hommeorchestre

VOIX ENCHANTERESSE, guitare acoustique, basse et percussions, cet homme est un orchestre à lui seul. Quand Peter Gabriel l’embarquait dans sa tournée en 2004 et produisait son premier album, Diam, Daby Touré était un espoir. Largement confirmé depuis. Dans son quatrième opus, Lang(u)age, il change d’idiomes et d’instruments avec aisance. À noter, le duo réussi avec la Québécoise Salomé Leclerc, « Du haut de nos différences », et l’ode à la Mauritanie, « Bilady » (« mon pays », en hassaniya). ●

RÉCIT

Bilan de santé

L’Esprit et la Molécule. Une radioscopie de l’industrie pharmaceutique, de Mohand Sidi Saïd, Genèse Édition, 160 pages, 19,50 euros ■■■ N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

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MUSIQUE

La Révolution confisquée, de Pierre Puchot, Sindbad, 332 pages, 22 euros ■■■

RIEN ne prédestinait Mohand, petit vendeur de pastèques, à quitter son village kabyle, jusqu’à ce qu’un cousin lui fasse rencontrer un ami « directeur de la succursale algérienne d’un grand laboratoire pharmaceutique ». Pfizer, rien de moins. Le début d’une carrière qui lui fera gravir un à un les échelons de l’actuel numéro un mondial, jusqu’à en devenir le vice-président. L’autobiographie – qui frôle parfois l’hagiographie – cède progressivement la place à une analyse des us et coutumes sanitaires des différents pays traversés, dont l’Égypte, le Kenya et l’Afrique du Sud. Et c’est bien là l’intérêt principal de ce récit. ● FANNY REY

■ ■ ■ Excellent

YOUSSEF AÏT AKDIM

Lang(u)age, de DabyTouré (Polydor/Universal)

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ROMAN

Hôtel du Nord RÉCHAPPANT des geôles tunisiennes de Ben Ali, Selma fuit sa Tunisie natale pour Lampedusa. Après la disparition mystérieuse de son fiancé, rejoindre Paris est devenu vital. À des milliers de kilomètres de là, Louise, parisienne aisée qui voit son couple sombrer, décide de passer le périphérique pour se sentir à nouveau vivante. À Montreuil, le petit et modeste hôtel Miranda, qui héberge d’autres désillusionnés, sera une étape déterminante dans leur quête de liberté, celle de leur rencontre. Un premier roman fin et sensible, captivant de la première à la dernière page. ● JUSTINE SPIEGEL Hôtel Miranda, d’Iman Bassalah, Calmann-Lévy, 248 pages, 17,60 euros ■■■ JEUNE AFRIQUE

EMMA PICK/UNIVERSAL

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ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

Ministère de la Promotion des Investissements, des Travaux Publics, des Transports, de I’Habitat et du Tourisme, chargé de I’Aménagement du territoire et Agence Nationale des Grands Travaux

AVIS D’APPEL À MANIFESTATION D’INTÉRÊT Date de lancement : 24 juin 2012 - Numéro : N°PG0002/MPITPTHTAT/ANGT/2012 Nom du projet : Suivi et contrôle des études et travaux de réhabilitation du réseau de canaux de drainage des eaux pluviales de Port-Gentil sur une période de 24 mois - Source de financement : Agence Française de Développement et République Gabonaise

Topographie - Géotechnique - Génie civil - Hydraulique Sécurité, environnement - Conception des ouvrages de drainage des eaux pluviales 3. COMPOSITION DU DOSSIER DE CANDIDATURE Les consultants intéressés doivent fournir les informations justifiant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services. Pour cela, ils doivent fournir les éléments suivants : CV des personnels clé et présentation des références, documents justifiant des capacités administratives, juridiques, techniques et financières. Les candidats peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. Dans ce cas, les informations fournies porteront sur les différents membres du groupement en faisant apparaître les moyens et qualifications de chacun d’eux et en précisant le consultant chef de file. Le MPITPTHTAT dressera une liste restreinte de six candidats maximum, présélectionnés sur la base des candidatures reçues, auxquels il adressera la Demande de Proposition pour la réalisation des prestations susmentionnées. Le MPITPTHTAT se réserve le droit éventuel de ne pas donner suite à cet appel à manifestation d'intérêt. 4. RETRAIT DU DOSSIER ET RENSEIGNEMENTS Les dossiers de manifestation d'intérêt, sous format papier (4 exemplaires) et électronique, doivent être déposées à l'adresse ci-dessous, au plus tard le mardi 7 août 2012 à 10 heures (heure locale). Agence Nationale des Grands Travaux (ANGT) Situé au 1er étage de l’immeuble du bord de mer, (à côté de l’ancien gouvernorat) Direction des contrats, BP 23765 Libreville, Tél. : (+241) 04 51 01 80 Les plis seront ouverts en présence des représentants des candidats qui le souhaitent à la même date à l’ANGT à 10 heures (locale). Le Directeur Général de la Le Directeur Général de l’Agence Le Directeur Général Construction et de l’Equipement Nationale des Grands Travaux des Marchés Publics Ghislaine POUNGUI Jean-Félix SOCKAT Henri OHAYON

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Manifestation d’intérêt - Divers

1. OBJET Dans le cadre des travaux de conception/réalisation du réseau de collecte et de drainage des eaux pluviales de Port-Gentil, le Ministère de la Promotion des Investissements, des Travaux Publics, des Transports, de I’Habitat et du Tourisme, chargé de l’Aménagement du territoire (MPITPTHTAT) a décidé d’avoir recours aux services d’un consultant pour le suivi et le contrôle des études et des travaux de réhabilitation et d’élargissement d’environ 20,4 km de canaux à ciel ouvert et la construction d’un nouveau canal de 3,3 km. Ces prestations feront l’objet d’une partie du montant du concours financier que la République Gabonaise a obtenu de l’Agence Française de Développement. Le consultant aura pour missions principales : - Visa pour les études d’exécution - Direction de l’exécution des travaux - Contrôle administratif et financier - Assistance aux opérations de réception - Ordonnancement, coordination et pilotage du chantier - Mise en œuvre et suivi du programme d’analyse de la qualité des eaux des drains avant, pendant et après les travaux 2. PARTICIPATION Le présent appel à manifestation d’intérêt s’adresse aux consultants nationaux et internationaux qui ne sont pas concernés par les mesures d’exclusion de l’article 11 du décret n° 001140/PR/MEFBP du 18 décembre 2002 portant Code des marchés publics. Le soumissionnaire doit répondre aux critères d’éligibilité suivants : - Justifier de l’exécution de prestations analogues dans le domaine de l’assainissement pluvial ; - Justifier de l’exécution de prestations analogues en Afrique Subsaharienne ; - Justifier de références significatives de suivi et contrôle des études et travaux sur des montages équivalents de conception/réalisation ; - Disposer des moyens humains et matériels nécessaires ; - Disposer des compétences dans les domaines suivants :


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Annonces classées

Termes de référence Projet d’Appui à Ia Diversification de l’Economie (PADE) Termes de Référence du Consultant chargé de l’Elaboration d'un Cadre de Planification en Faveur des Populations Autochtones. (CPPA) République du Congo

Manifestation d’intérêt

Contexte Le chemin de fer Congo-Océan. Autrefois integré dans le système multimodal (portuaire, ferroviaire et fluvial) de transport geré par l'Agence transcongolaise des communications (ATC), a joué dans le passé un rôle essentiel pour le transport des marchandises dans l'ensemble de la sousrégion (République du Congo, République centrafricaine. République Démocratique du Congo. Cameroun, Gabon) ; le chemin de fer disposait en particulier d'un quasi monopole sur la relation Pointe-Noire Brazzaville, la liaison routière y étant de très mauvaise qualité (route en terre de profil très difficile) et n'etant pas praticable pendant la saison des pluies. La guerre civile et les troubles qu'a connus la République du Congo de 1997 à 2004, l'interruption du trafic de manganèse COMILOG en 1991, ainsi que la crise économique et le programme d’ajustement structurel des années 1990 ont eu un impact négatif très fort sur l'activité du chemin de fer. Le trafic s'est effondré (1,8 million tonnes de marchandises en 1970 hors trafic COMILOG, environ 0,6 en 2009 ; 1,5 million voyageurs dans les années 1970, 0,7 en 2009). Une partie des installations ferroviaires a été détruite lors des évènements. Enfin, dans un contexte de gestion particulièrement difficile et faute de ressources financières suffisantes, l'entretien des infrastructures et des matériels roulants n'a pu être assuré dans des conditions acceptables, L'outil ferroviaire est ainsi fortement dégradé (très faible disponibilité des matériels roulants, notamment des locomotives ; existence de nombreux ralentissements voie et dégradation des ouvrages d'art ; fonctionnement aléatoire des installations de télécommunications et abandon des installations de Signalisation). Tenant compte de ce qui précède, le Gouvernement de la République du Congo a adopté récemment un programme de transformation du chemin de fer Congo-Océan ayant pour objectif de réformer le chemin de fer. Celui-ci devrait aider à abaisser les tarifs du frêt, à faciliter le commerce, améliorer l’accès des Petites et Moyennes Entreprises et des investisseurs aux biens et aux marchés mais également redonner à la République du Congo sa plate tournante du transport pour la région de l’Afrique Centrale. C’est à ce titre que le gouvernement de la République du Congo a bénéficié d’un crédit de la Banque Mondiale pour le financement du Projet d’Appui à la Diversification de l’Economie (PADE) qui repose sur quatre (04) composantes, à savoir: i) Appui au Dialogue public privé et aux réformes du climat des affaires ; ii) Appui au développement des entreprises de promotion des investissements, iii) Appui à la réforme de la société de chemin de fer, et iv) Coordination et mise en oeuvre du projet. Dans le cadre de ce projet, la République du Congo a l’intention d’utiliser une partie du montant de ce crédit pour effectuer les paiements au titre du recrutement d’un consultant chargé d’élaborer un cadre de planification en faveur des peuples autochtones (CPPA). N° 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

1. Situation des populations autochtones Les populations autochtones de la zone du Chemin de Fer Congo Océan sont des peuples autochtones dont le nombre n’est pas tout à fait connu. Ce sont des peuples autochtones “ bantouisés “, c’est-à-dire largement métissés et engagés dans un processus de Sédentarisation avancé qui les a transformés progressivement en agriculteurs, bien qu’ils conservent leurs activités traditionnelles de chasseur et de cueilleurs, mais dans un environnement fortement dégradé ou la présence du gibier se raréfie. Presque entièrement établis dans des villages bantous ou qui leurs sont propres, les conditions de vie des peuples autochtones sont plus mauvaises que celles de leurs voisins bantous : revenus monétaires nettement plus faibles, accès difficile à l’éducation et à la santé (présence de la lèpre et diffusion accrue de la tuberculose), faible niveau d’équipement ménager et de travail, habitat de mauvaise qualité. Le processus de sédentarisation des peuples autochtones, appuyé sur l’agriculture, les met en conflit avec leurs voisins bantous sur l’accès à la terre. Tout d’abord employés comme ouvriers agricoles dans les champs des bantous, ils revendiquent de plus en plus des terres pour les cultiver en propre. Ils déplorent que les chefs de terre bantous leurs remettent à cultiver les terres les moins fertiles. En créant de nouvelles opportunités économiques, et en obligeant les peuples autochtones à s’implanter dans des zones éloignées, le CFCO risque de laisser pour compte les peuples autochtones : les conflits sur les bonnes terres persisteront. La capacité de s’équiper pour profiter des opportunités du projet sera moindre pour les peuples autochtones ; les peuples autochtones enfin pourront être davantage instrumentés par des intermédiaires bantous pour produire de la viande de brousse. 2. Justification du cadre de Politique des Populations Autochtones Compte tenu de l’existence de l’impact du développement des activités du Chemin de Fer Congo Océan (CFCO) sur les populations autochtones et bantoues, la préparation d‘un Cadre de Politique pour les Populations Autochtones est nécessaire pour garantir la securité à ces populations. D’une maniére générale ce cadre vise à recueillir des données permettant d’établir la situation des populations peuples autochtones dans la zone d’influence du projet et le potentiel impact du projet sur leurs modes de vie. Le cadre veillera plus specifiquement à : a) éviter des incidences susceptibles d'être préjudiciables aux populations autochtones concernées ; b) au cas où cela ne serait pas possible, à atténuer, minimiser ou compenser de telles incidences 3. Objectifs de l’étude détaillée pour l’élaboration du cadre de Politique des Populations Autochtones (PPA) 3.1. Etablir l’effectif des populations autochtones vivant autour du CFCO L'objectif de l’étude est d’identifier de manière aussi précise que possible JEUNE AFRIQUE


Annonces classées les effectifs et la localisation des populations autochtones dans les zones du CFCO. Par localisation on entend à la fois les présences permanentes et sédentaires que les passages “ nomadiques “ (régulier/saisonnier) des groupes des peuples autochtones dans l’aire d’influence (50 km de part et d’autre du chemin de fer) du CFCO, s’ils ont trait à des formes d’utilisation économique, sociale ou culturelle des espaces traversés. L’inventaire pourra s’appuyer sur les statistiques des localités et les témoignages des administrateurs et ONG, mais aussi et surtout sur des entretiens avec les représentants des groupes concernés. 3.2. Identification des modes de vie utilisation des ressources naturelles, organisation sociale et relations des populations autochtones avec les populations bantoues ainsi qu’avec l’administration locale Les populations concernées sont particulièrement mal connues. L’étude devra effectuer un bilan complet de la littérature disponible sur le sujet. Elle approfondira sur le terrain ces connaissances à partir d’entretiens avec les informateurs locaux, au premier rang desquels les représentants des groupes autochtones et bantous (dont les chefs de localité) les animateurs d’ONG locales et les administrateurs locaux, renforcera les systèmes traditionnels de gouvernance et promouvra le respect du dialogue communautaire et des droits coutumiers de tous les citoyens dans cette zone. 3.3. Elaborer et faire vaIider par les intéressés un cadre de politique Ce cadre aura les objectifs suivants : • Réduire les impacts négatifs du projet sur les populations autochtones ; • Promouvoir les impacts positifs sur les populations autochtones ; • Respecter pleinement la dignité, les droits de la personne, l’économie et la culture des peuples autochtones ; • Identifier et quantifier des actions préalables pour atténuer les impacts potentiels, négatifs du projet, sur les populations autochtones Et ceci afin que dans la zone du CFCO, des opportunités égales soient offertes aux populations autochtones : opportunités citoyennes, en matière de droit, en matière technique, financière et organisationnelle.

4. Contenu detaillé du Cadre de Planification en Faveur des Populations Autochtones De façon spécifique le cadre doit couvrir les sujets suivants : 4.1 Cadre Politique, Juridique et Institutionnel Présenter le cadre politique, juridique et institutionnel des populations autochtones en République du Congo et la relation avec le OP 4.10 de la Banque Mondiale. 4.2. Données Géographique et Sociodémographique Localiser de manière aussi precise l’effectif des populations autochtones dans la Zone d’intervention du projet. Les populations autochtones concernées sont particulièrement mal connues. L’étude devra effectuer un bilan de la littérature disponible sur le sujet. Elle approfondira sur le terrain ces connaissances à partir d’entretiens avec les informateurs locaux, au premier rang desquels les représentants des groupes autochtones et bantous (dont les chefs de localité) les animateurs d’ONG locales et les administrateurs locaux. Par localisation on entend à la fois les présences permanentes et sédentaires, que les passages des populations autochtones dans l’aire d’influence du projet. L’inventaire pourra s’appuyer sur les statistiques des localités et les témoignages des administrateurs et ONG, mais aussi et surtout sur des entretiens avec les représentants des groupes concernés. 4.3. Modes de vie Identifier les modes de vie, l’utilisation des ressources naturelles, organisation sociale et relations des populations autochtones avec les popula-

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tions bantoues ainsi qu’avec l’administration locale. 4.4 Activités du projet et impacts Identifier les types d’activités/sous-projet et leurs impacts potentiels : a) Le type de sous-projets susceptibles de faire l’objet d’une demande de financement au titre du projet ; b) les répercussions positives et négatives que pourraient avoir les dits activités ou sous-projets sur les populations autochtones ; c) le plan à suivre pour réaliser l’évaluation sociale de sous-projets, qui va faire quoi, quelles organisations et quelles responsabilités ? d) le cadre qui permettra d’assurer une consultation des communautés autochtones, préalable, libre et fondée sur la communication des informations requises, à chaque étape de la préparation et de l’exécution du projet ; e) les modalités de suivi et d’établissement des rapports, notamment les mécanismes et les normes de référence adaptés au projet ; f) les modalités de préparation et divulgation d’un plan de peuples autochtones (PPA) à préparer dans le cadre du projet. 5. Qualification des prestataires des services L’étude sera réalisée par une équipe composée d’un expert intemational (chef de mission) et d’un consultant local disposant d’une qualification de base en socio-économie/environnement. • Un Chef de mission, consultant international ayant un diplome BAC + 4 au moins ; de formation sociologue/anthropologue, ou environnementaliste. Au moins 10 ans d’expériences professionnelles confirmées, dans le domaine de la consultation communautaire et de la participation des peuples autochtones. • Un consultant local sociologue/anthropologue, ou environnementaliste de niveau BAC + 4 au moins ou équivalent, ayant au moins cinq ans d’expériences professionnelles confirmées en matière d’enquêtes consultatives-communautaire, et de la participation des peuples autochtones. Les deux experts doivent disposer de bonnes connaissances relatives à la structure et au fonctionnement du gouvernement local en République du Congo, la Ioi sur les peuples autochtones et ils doivent s’être familiarisés avec la Politique Opérationnelle 4.10 peuples autochtones de la Banque Mondiale. Cette equipe pourra être appuyée par un ou deux représentants d’une ONG locale dont la spécialité est l’appui aux peuples autochtones. 6. Durée du Contrat Le délai d’exécution de la mission est de deux mois, y compris le délai de finalisation et de dépôt du rapport définitif. Ce délai ne comporte pas le délai d’approbation du rapport provisoire. 7. Rapports et Calendrier Les produits attendus du Consultant sont les suivants : - Rapport préliminaire, d'analyse et de synthèse - Un cadre de planification en faveur des populations autochtones. Le rapport sera produit en Francais, en quatre (4) exemplaires et aussi 2 CD. Le rapport préliminaire (provisoire) devra être presente dans un délai de 14 jours calendaires à compter de la date d’entrée en vigueur du contrat. Le consultant déposera le rapport définitif dans un délai de six semaines calendaires, à compter de la date de réception des observations du Client et de la Banque Mondiale sur le rapport préliminaire définitif. 8. Dossier de candidature Les manifestations d’intérêt doivent être redigées en Français et porter la mention “ Manifestation d’intérêt pour l’Elaboration du Cadre de Politique des Populations Autochtones (PPA) “ et déposées sous pli fermé au plus tard le 8 juillet 2012 à l’adresse ci-dessous : UCP du PADE/PACADEC, derrière la Maison du Ministre SILOU vers le centre Hospitalier Blanche Gomez, Brazzaville/République du Congo : Tél : 05 522 23 66/05 568 87 06 ou par courrier électronique à l’adresse ci-après : pade.pacadec@yahoo.fr

N° 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

Manifestation d’intérêt

Ce cadre doit étre élaboré de manière participative avec les intéressés. La version élaborée doit leur être restituée et ils doivent la valider de manière formelle dans un ou plusieurs ateliers participatifs

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AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT

Pré-qualification des candidats pour la création d’une filiale commune dans le cadre du désengagement du Centre Hospitalier N° Avis Pays Date de Publication Date de clôture

: : : :

AMI n°01/BCC/Gouv/GRD/2012 République Démocratique du Congo 11 juin 2012 10 juillet 2012

Manifestation d’intérêt

l. Contexte et objet ; ll. Conditions de participation et documents d’éligibilité ; lll. Critères de sélection ; IV. Dépôt des dossiers et renseignements ; V. Disposition finale. I. CONTEXTE ET OBJET l.l. La Banque Centrale du Congo, en sigle BCC, est une Institution de Droit public régie par la loi n° 005/2002 du 07 mai 2002 relative à sa constitution, son organisation et son fonctionnement. La BCC a son siège social à Kinshasa, en République Démocratique du Congo. Elle est chargée de définir et de mettre en oeuvre la politique monétaire dont l’objectif principal est d’assurer la stabilité du niveau général des prix. Elle a la capacité de contracter, de transiger, de compromettre, d’ester en justice, d’acquérir des biens et d’en disposer. 1.2. Afin de se recentrer sur ses missions statutaires, la BCC a mis en place un programme de restructuration dont l’un des volets est son désengagement de la gestion directe des soins de santé en faveur de son personnel et des membres de leurs familles ayants droit, exercée dans le cadre d’une structure interne dite Centre Hospitalier. l.3. Pour ce faire, elle a retenu comme formule de désengagement la constitution d’une filiale commune avec des tiers (joint-venture), suivant la législation congolaise. Le capital de cette filiale sera constitué du patrimoine affecté à cette branche d’activités en ce qui concerne la BCC et d’apports sous forme de capitaux frais et d’équipements en ce qui concerne les partenaires recherchés. 1.4. Par le present Avis, la BCC appelle les entreprises ou groupes d'entreprises intéressés, quelle que soit leur nationalité, à manifester leur intérét pour ce projet. II. CONDITIONS DE PARTICIPATION ET DOCUMENTS D’ÉLIGIBILITÉ 1.5. La participation au présent Avis à manifestation d’intérêt est ouverte à égalité de conditions aux entreprises ou groupes d’entreprises nationales et internationales. 1.6. Les entreprises ou groupes d’entreprises intéressés par le présent Avis à manifestation d’intérêt doivent fournir un dossier en français comprenant : (i) une déclaration de manifestation d’intérêt signée par une personne à ce régulièrement habilitée, faisant apparaitre son nom, sa qualité et les pouvoirs qui lui sont délégués et précisant que l’entreprise ou groupe d’entreprises à l’intention de soumissionner ultérieurement à l’Appel d’offres en cas de présélection ; (ii) une présentation générale de l’entreprise (dénomination sociale, capital social, structure de l’actionnariat, forme juridique, organisation, secteurs couverts, ...) ; (iii) une copie légalisée des statuts de la société ; (iv) les états financiers certifiés des trois derniers exercices ; (v) une présentation des principaux indicateurs et ratios de gestion des trois derniers exercices, à savoir : Chiffre d’affaires ; Résultat net d’exploitation ; Fond de roulement ; Rentabilité économique (ROA) ; Rentabilité financière (ROE) ; Ratio d’endettement ; (vi) un descriptif des technologies developpées ou des procédures de gestion utilisées et des équipements ;

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(vii) un exposé sommaire de la motivation de la participation au présent Avis à manifestation d’intérêt ; (viii) une description de leur compétence specifique et expertise dans leurs domaines d’activité ; (ix) une déclaration sur honneur attestant que le candidat n’est pas en situation de faillite, de liquidation judiciaire ou de réglement judiciaire. III. CRITÈRES DE SÉLECTION 1.7. Les candidats seront evalués suivant les critères de sélection ci-après : - transmission dans les délais du dossier complet conformément au point (1.6) ci-dessus ; - justification d’une experience avérée dans le domaine médical comme gestionnaire des hôpitaux, gestionnaire de laboratoire ou équipementier médical ; - preuve de garanties financières solides ; - démonstration d’une réputation avérée. IV. DÉPOT DES DOSSIERS ET RENSEIGNEMENTS 1.8. Les manifestations d’intérêt, portant la mention “ Manifestation d’intérét au projet de désengagement du Centre Hospitalier “ peuvent être déposées, par porteur, contre récépissé, chaque jour ouvrable, du lundi au vendredi, de 09 heures 00’ a 16 heures 00’ (heure de Kinshasa) et, au plus tard le 10 juillet 2012, à l’adresse suivante : Banque Centrale du Congo Secrétariat de la Direction du Changement (3ème niveau) Boulevard Colonel Tshatshi, n° 563 Kinshasa / Gombe République Démocratique du Congo 1.9. Elles peuvent également étre adressées par courrier électronique jusqu’au 10 juillet 2012, à 16 heures au plus tard (heure de Kinshasa), à l’adresse suivante grd@bcc.cd 1.10. Des informations complémentaires sur le désengagement de la BCC de son centre Hospitalier peuvent être obtenues sur le site www.bcc.cd 1.11. Des informations sur le contexte socioéconomique de la République Démocratique du Congo peuvent être obtenues auprès des missions diplomatiques ou consulaires de la République Démocratique du Congo ou sur demande, aux adresses reprises ci-dessus. V. DISPOSITION FINALE 1.12. Pour rappel, le présent Avis à manifestation d‘intérêt vise a permettre aux entreprises ou groupes d’entreprises interessés d’avoir une meilleure vision de ce projet. Il ne fait pas partie de l’Appel d’offres qui sera organisé ultérieurement et ne crée par conséquent aucun droit de participation automatique à celui-ci dans le chef des candidats. Fait à Kinshasa, le 04 juin 2012 J-C. MASANGU MULONGO Gouverneur

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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO BANQUE CENTRALE DU CONGO 563, Boulevard Colonel Tshatshi KINSHASA-GOMBE

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT

Pré-qualification des candidats pour la création d’une filiale commune dans le cadre du désengagement de l’Hôtel des Monnaies N° Avis Pays Date de Publication Date de clôture

: : : :

AMI n°02/BCC/Gouv/GRD/2012 République Démocratique du Congo 11 juin 2012 10 juillet 2012

l. Contexte et objet ; ll. Conditions de participation et documents d’éligibilité ; lll. Critères de sélection ; IV. Dépôt des dossiers et renseignements ; V. Disposition finale.

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à manifestation d’intérêt ; (viii) une description de leur compétence specifique et expertise dans leurs domaines d’activité ; (ix) une déclaration sur honneur attestant que le candidat n’est pas en situation de faillite, de liquidation judiciaire ou de réglement judiciaire. III. CRITÈRES DE SÉLECTION 1.7. Les candidats seront evalués suivant les critères de sélection ci-apres : - transmission dans les délais du dossier complet conformément au point (1.6) ci- dessus ; - justification d’une experience avérée dans au moins un des domaines d’impression de sécurité, notamment : • l’impression des billets de banque et des documents de sécurité ; • la fabrication d‘encres de sécurité, de papiers fiduciaires ou de sécurité ; • la fourniture d’équipements de billets de banque ou de documents de sécurité ; - démonstration d’une réputation averée ; - preuve des garanties financières solides. IV. DÉPOT DES DOSSIERS ET RENSEIGNEMENTS 1.8. Les manifestations d’intérêt, portant la mention “ Manifestation d’intérét au projet de désengagement de l’Hôtel des Monnaies “ peuvent être déposées, par porteur, contre récépissé, chaque jour ouvrable, du lundi au vendredi, de 09 heures 00’ a 16 heures 00’ (heure de Kinshasa) et, au plus tard le 10 juillet 2012, à l’adresse suivante : Banque Centrale du Congo Secrétariat de la Direction du Changement (3ème niveau) Boulevard Colonel Tshatshi, n° 563 Kinshasa / Gombe République Démocratique du Congo 1.9. Elles peuvent également étre adressées par courrier électronique jusqu’au 10 juillet 2012, à 16 heures au plus tard (heure de Kinshasa), à l’adresse suivante : grd@bcc.cd 1.10. Des informations complémentaires sur le désengagement de la Banque Centrale de son Hôtel des Monnaies peuvent être obtenues sur le site www.bcc.cd 1.11. Des informations sur le contexte socioéconomique de la République Démocratique du Congo peuvent être obtenues auprès des missions diplomatiques ou consulaires de la République Démocratique du Congo ou sur demande, aux adresses reprises ci-dessus. V. DISPOSITION FINALE 1.12. Pour rappel, le présent Avis à manifestation d‘intérêt vise à permettre aux entreprises ou groupes d’entreprises interessés d’avoir une meilleure vision de ce projet. Il ne fait pas partie de l’Appel d’offres qui sera organisé ultérieurement et ne crée par conséquent aucun droit de participation automatique à celui-ci dans le chef des candidats. Fait à Kinshasa, le 04 juin 2012 J-C. MASANGU MULONGO Gouverneur

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Manifestation d’intérêt

I. CONTEXTE ET OBJET l.l. La Banque Centrale du Congo, en sigle BCC, est une Institution de Droit public régie par la loi n° 005/2002 du 07 mai 2002 relative à sa constitution, son organisation et son fonctionnement. La BCC a son siège social à Kinshasa, en République Démocratique du Congo. Elle est chargée de définir et de mettre en oeuvre la politique monétaire dont l’objectif principal est d’assurer la stabilité du niveau général des prix. Elle a la capacité de contracter, de transiger, de compromettre, d’ester en justice, d’acquérir des biens et d’en disposer. 1.2. Afin de se recentrer sur ses missions statutaires, la BCC a mis en place un programme de restructuration dont l’un des volets est son désengagement de la production des billets de banque et des documents de sécurité, exercée dans le cadre d’une structtuse interne dite Hôtel des Monnaies. l.3. Pour ce faire, elle a retenu comme formule de désengagement la constitution d’une filiale commune avec des tiers (joint-venture), suivant la législation congolaise. Le capital de cette filiale sera constitué du patrimoine affecté à cette branche d’activités en ce qui concerne la BCC et d’apports sous forme de capitaux frais et d’équipements en ce qui concerne les partenaires recherchés. 1.4. Par le présent Avis, la BCC appelle les entreprises ou groupes d'entreprises intéressés, quelle que soit leur nationalité, à manifester leur intérét pour ce projet. II. CONDITIONS DE PARTICIPATION ET DOCUMENTS D’ÉLIGIBILITÉ 1.5. La participation au présent Avis à manifestation d’intérêt est ouverte à égalité de conditions aux entreprises ou groupes d’entreprises. quelle que soit leur nationalité. 1.6. Les entreprises ou groupes d’entreprises interessés par le présent Avis à manifestation d’intérêt doivent fournir un dossier en français comprenant : (i) une déclaration de manifestation d’intérêt signée par une personne à ce régulièrement habilitée, faisant apparaître son nom, sa qualité et les pouvoirs qui lui sont délégués et précisant que l’entreprise ou groupe d’entreprises à l’intention de soumissionner ultérieurement à l’Appel d’offres en cas de présélection ; (ii) une présentation générale de l’entreprise (dénomination sociale, capital social, structure de l’actionnariat, forme juridique, organisation, secteurs couverts, ...) ; (iii) une copie légalisée des statuts de la société ; (iv) les états financiers certifiés des trois derniers exercices ; (v) une présentation des principaux indicateurs et ratios de gestion des trois derniers exercices, a savoir : Chiffre d’affaires ; Résultat net d’exploitation ; Fond de roulement ; Rentabilité économique (ROA) ; Rentabilité financière (ROE) ; Ratio d’endettement ; (vi) un descriptif des technologies developpées ou des procédures de gestion utilisées et des équipements ; (vii) un exposé sommaire de la motivation de la participation au present Avis


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Annonces classées Regional Water and Wetlands Programme Coordinator and Regional Protected Areas Programme Coordinator for Central and West Africa

Recrutement

IUCN, the International Union for Conservation of Nature is a world leader in developing knowledge and understanding for effective action for conservation of biodiversity and management of natural resources. The IUCN Programme for Central and West Africa, PACO, seeks to recruit : - its Regional Water & Wetlands Programme Coordinator based in Ouagadougou, Burkina Faso, - its Regional Protected Areas Programme Coordinator based in Ouagadougou, Burkina Faso. They are both senior members of the Programmes that deliver the technical program of IUCN in Central and West Africa and of the IUCN Global Programmes for Water and for Protected Areas teams that help set strategic direction and define priorities for IUCN’s broader engagement on Water conservation on one hand and on biodiversity and protected areas conservation on the other hand. The Regional Coordinators take a lead role in the development of the Regional Water and Wetlands Programme and the Protected Areas Programme through providing vision and guidance in developing a well-defined strategic focus in the short, medium and long term. They will develop, resource, and manage IUCN’s Water and Protected Areas programmes activities in the region in close collaboration with other relevant IUCN programmes, Members, Commissions and partners. They are responsible for the overall management of Regional Programmes activities, to ensuring that they are coherent and consistent with IUCN’s “one programme” approach, build on and align with IUCN’s conservation frameworks and add value to regionally and nationally defined priorities. The candidates for one or the other positions will possess an advanced degree in a natural science related fields, and at least 10 years of relevant work experience. The selection requirements for both positions are to be seen on IUCN/PACO website at http://www.iucn.org/fr/propos/union/secretariat/bureaux/paco/. Application should be sent by 06 July 2012. Expected start date: 01 September 2012 (Regional Water & Wetlands Programme Coordinator) Expected start date: 01 October 2012 (Regional Protected Areas Programme Coordinator) Type of contract: one year (renewable) Closing date for applications: 06 July2012 Location: Regional Office for West and Central Africa, Ouagadougou, Burkina Faso For more information about the position, and to apply to the job, please visit the following link: https://hrms.iucn.org/iresy/index.cfm?event=vac.show&vacId=240. The selection requirements for both positions are to be seen on IUCN/PACO website at http://www.iucn.org/fr/propos/union/secretariat/bureaux/paco/. IUCN is an equal opportunities employer

Retrouvez Following to the General Procurement Notice (Reference No. AfDB43-04/12) for the SARD-SC Project that appeared in UN Development Business online on 27 April, 2012, ICARDA wishes to employ highly qualified individuals to fill the following positions: 1. Monitoring and Evaluation Specialist (internationally-recruited position) 2. Wheat Commodity Specialist (internationally-recruited position) 3. Procurement Specialist (Regionally-recruited position) 4. Accountant (Regionally -recruited position)

toutes nos annonces sur le site :

Location: ICARDA Office, Tunis, Tunisia For the full position description, recruitment advertisement, and to apply for these positions, go to www.icarda.org/iea/ latest by 9th July 2012.

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INSTITUT INTERNATIONAL DE L'AGRICULTURE TROPICALE IBADAN - NIGÉRIA AVIS DE VACANCE (Réf : DDG-R4D/AfDB/AP/06/2012) (AVIS SPÉCIFIQUE D’APPEL D’OFFRES - SPN) Contexte Cet appel pour des demandes fait suite à l'avis général des marchés publics (n ° de référence AfDB43-04/12) pour ce projet qui est paru dans UN Development Business en ligne le 27 Avril 2012. L'IITA est une organisation internationale à but non lucratif de recherche pour le développement (R4D) créée en 1967, régie par un conseil d'administration, et soutenu principalement par le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI). Notre recherche pour le développement (R4D) est ancrée sur les besoins de développement de l'Afrique subsaharienne. Nous développons des solutions agricoles avec nos partenaires pour lutter contre la faim et la pauvreté en réduisant les risques des producteurs et consommateurs par l'amélioration de la qualité des récoltes et de la productivité, et la génération de la richesse à partir de l’agriculture. Nous disposons de plus de 100 scientifiques recrutés au niveau international venant d'environ 35 différents pays et 900 employés recrutés au niveau national basé dans les différentes stations à travers l'Afrique. Veuillez visiter http://www.iita.org/ pour plus d'informations sur l'IITA. L'Institut international d'agriculture tropicale (IITA) (l'agence d'exécution) et ses partenaires du Centre de riz pour l'Afrique et le Centre international de recherche agricole dans les zones arides (les agences de mise en œuvre) a reçu une subvention d'environ US $ 63 millions de Dollars du Fonds africain de développement (FAD) pour financer le Projet multinational-GCRAI sur le soutien à la recherche agricole pour le développement des cultures stratégiques en Afrique (SRAD-CS). Les cultures stratégiques dans le cadre

du projet sont le manioc, le maïs, le blé et le riz. L'objectif global de la (SRAD-CS) est d'améliorer la sécurité alimentaire, la nutrition et de contribuer à la réduction de la pauvreté dans les pays à faible revenu membres régionaux de la Banque (PMR). Son objectif spécifique est d'améliorer la productivité et les revenus des quatre chaînes de valeur prioritaire du PDDAA (le manioc, le maïs, le riz et le blé) sur une base durable. L'Institut international d'agriculture tropicale, l'agence d'exécution du projet SRAD-CS, souhaite utiliser une partie de la subvention pour retenir les services des personnes suivantes : 1. Coordonnateur du Projet 2. Spécialiste des Achats 3. Spécialiste de Suivi et Evaluation 4. Spécialiste des Produits du Manioc 5. Spécialiste des Produits du Maïs 6. Comptable Méthode pour postuler Les demandes, y compris le curriculum vitae, les noms et adresses de trois répondant/es doivent être adressés au directeur des ressources humaines. Nous vous prions de remplir notre formulaire de demande en ligne en utilisant ce lien : http://www.iita.org/irs-online-application Date de clôture : 2 Juillet 2012 L'IITA est un employeur offrant l'égalité et se félicite en particulier des demandes de candidates. Veuillez noter que seuls les candidats sélectionnés seront contactés.

Programmes

Année Académique 2012-2013

Licence Professionnelle en Gestion des Entreprises et autres Organisations (LPGEO 1ère année) Licence Professionnelle en Gestion des Entreprises et autres Organisations (LPGEO 3ème année) Licence Professionnelle en Techniques Comptables et Financières (LPTCF 1ère année) Licence Professionnelle en Techniques Comptables et Financières (LPTCF 3ème année) Master Professionnel en Sciences de Gestion Master Professionnel en Audit et Contrôle de Gestion Master Professionnel en Comptabilité et Gestion Financière DESS Audit et Contrôle de Gestion DESS Marketing et Stratégie DESS Gestion des Projets DESS Economie de la Santé DESS en Ingénierie et Gestion de la Formation DESS Gestion des Services de Santé DESS Gestion des Ressources Humaines DESAG MBA International Paris Dauphine (MBAIP) Master en Banque et Finance (MBF) Enseignement à Distance : DESAG-MAE (CESAG & IAE Poitiers) Master Africain en Microfinance (sur étude de dossier)

Date et lieux de retrait des dossiers de candidature A partir du 15 juin 2012 Dakar, Nouakchott et Banjul : CESAG-Dakar Zone UEMOA : BCEAO Nationale Zone CEMAC : BEAC Nationale Burundi : Ministère de la Santé Guinée Conakry : Direction Générale du CNPG Ghana : Bank of Ghana Date limite de dépôt des dossiers : 20 Juillet 2012 Début du Concours : 28 juillet 2012 à 8 h GMT

Frais de dossier : 10.000 FCFA “Le CESAG forge un destin pour vous et pour l’Afrique” Boulevard du Général-de-Gaulle, BP 3802 Dakar Sénégal - Tél. : (221) 33 8397360 - www.cesag.sn JEUNE AFRIQUE

N° 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

Recrutement - Formation

AVIS DE CONCOURS D’ENTRÉE AU CESAG


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Annonces classées AFRIMEDIA INTERNATIONAL Société anonyme Siège social : 3-11, rue du Fort Bourbon, L-1249 Luxembourg Grand-Duche de Luxembourg R.C.S. Luxembourg: B 140.632 (la Société) Aux actionnaires de la Société Par lettre recommandée , DHL et Mail Luxembourg, le 20 juin 2012 Assemblée générale ordinaire des actionnaires de AFRIMEDIA INTERNATIONAL

Convocation assemblée générale

Messieurs, Nous avons l’honneur de vous convoquer a` l’Assemblé e Gé né rale ordinaire des actionnaires de la Socié té (l’Assemblée) qui se tiendra au sie` ge social de la Socié té au 3-11, rue du Fort Bourbon, L- 1249 Luxembourg, Grand-Duché de Luxembourg le 30 juin 2012 a` 9h45 heures afin de dé libé rer sur l’ordre du jour suivant : 1. Nomination de la socié té Fiduciaire DEFLORENNE & ASSOCIES Sarl au poste de commissaire aux comptes de la socié té ; 2. Divers.

Une procuration aux fins de votre repré sentation est disponible. En cas d’accord sur les termes de ladite procuration, nous vous prions de bien vouloir la remplir, la dater et la signer et l’envoyer par fax ou par courriel et par courrier a` l’attention de Monsieur Frédéric Deflorenne (adresse: 3-11, rue du Fort Bourbon, L-1249 Luxembourg, Grand-Duché de Luxembourg ; courriel : contact@deflorenne.lu) au plus tard le 29 juin 2012. Since` res salutations Au nom et pour le compte de AFRIMEDIA INTERNATIONAL L’administrateur délégué

AFRIMEDIA INTERNATIONAL Société anonyme Siège social : 3-11, rue du Fort Bourbon, L-1249 Luxembourg Grand-Duche de Luxembourg R.C.S. Luxembourg : B 140.632 (la Socié té) 7. Dé cision quant a` la dissolution de la socié té conformé ment a` l’article 100 de Aux actionnaires de la Socié té la loi du 10 aouˆ t 1915 relative aux socié té s commerciales, telle que modifié e ; Nous avons l’honneur de vous convoquer a` l’Assemblé e gé né rale annuelle des 8. Information sur la cession de titres de la Socié té intervenue entre le fondateur actionnaires de AFRIMEDIA INTERNATIONAL qui se tiendra au sie` ge social de et la socié té Nemale Holding, une socié té par actions simplifié e, ré gie par la loi la Socié té au 3-11, rue du Fort Bourbon, L- 1249 Luxembourg, Grand-Duché de franc¸aise, ayant son sie` ge social au 72, rue du Faubourg Saint Honoré , 75008 Luxembourg le Samedi 30 juin 2012 à 10H afin de dé libé rer sur l’ordre du jour Paris (France); suivant : 9. Autorisation pour la Socié té d'ouvrir des filiales sur le continent africain; 1. Approbation des comptes annuels de l’exercice social se cloˆ turant le 31 dé cembre 2011 ; 10. Information sur l'entré e au capital de la Socié té de nouveaux actionnaires; 2. Approbation du rapport de gestion du conseil d'administration et du rapport 11. Divers. du commissaire aux comptes relatifs a` l’exercice social se cloˆ turant le 31 dé cemUne procuration aux fins de votre repré sentation a` l’Assemblé e est disponible. bre 2011 ; En cas d’accord sur les termes de ladite procuration, la remplir, la dater et la 3. Dé cision concernant l'affectation des ré sultats ; signer et l’envoyer par fax ou par courriel et par courrier a` l’attention de 4. Dé charge aux administrateurs et au commissaire aux comptes ; Monsieur Fré dé ric Deflorenne (adresse: 3-11, rue du Fort Bourbon, L-1249 5. Renouvellement des mandats des administrateurs et de l’administrateurLuxembourg, Grand-Duché de Luxembourg ; courriel : contact@deflorenne.lu) au plus tard le 29 juin 2012. dé lé gué ; Au nom et pour le compte de AFRIMEDIA INTERNATIONAL 6. Dé mission du commissaire aux comptes de la Socié té ; L’Administrateur délégué AFRIMEDIA INTERNATIONAL Société anonyme Siège social : 3-11, rue du Fort Bourbon, L-1249 Luxembourg Grand-Duche de Luxembourg R.C.S. Luxembourg : B 140.632 (la Socié́ té) Socié té (le Conseil d’Administration) relatif a` la suppression des droits Aux administrateurs de la Socié té pré fé rentiels de souscription pendant un pé riode de cinq (5) ans a` compter du Par lettre recommandé e DHL et tout autre voie de publication jugé e utile par la jour de la mise en place du Capital Autorisé ainsi que les justifications de cette Socié té . Luxembourg, le 20 juin 2012 suppression. Ré union du conseil d’administration de AFRIMEDIA INTERNATIONAL Messieurs, 5. Approbation du planning annuel des ré unions du Conseil d’Administration. 6. Approbation de la dé signation du cabinet d’avocats en charge du secré tariat J’ai l’honneur de vous convoquer a` la ré union du conseil d’administration de la juridique de la Socié té . Socié té (la Ré union) qui se tiendra au sie` ge social de la Socié té au 3-11, rue du 7. Approbation de la cré ation de filiales sur le continent africain. Fort Bourbon, L-1249 Luxembourg, Grand-Duché de Luxembourg le 30 juin 8. Convocation de la prochaine ré union du Conseil d’Administration. 2012 a` 16 heures afin de dé libé rer sur l’ordre du jour suivant : 9. Pouvoirs. 1. Convocations. 10. Divers. 2. Approbation de principe de l’insertion d’un capital autorisé d’un montant de Une procuration aux fins de votre repré sentation a` la Ré union est disponible. [cinq millions d’euros (EUR 5.000.000,-) (le Capital Autorisé ) dans les statuts En cas d’accord sur les termes de ladite procuration, nous vous prions de bien de la Socié té (les Statuts) et convocation d’une assemblé e extraordinaire des vouloir la remplir, la dater et la signer et l’envoyer par fax ou par courriel et par actionnaires de la Socié té devant se tenir le 11 juillet 2012 devant un notaire courrier a` l’attention de Monsieur Fré dé ric Deflorenne (adresse : 3-11, rue du ré sidant au Grand-Duché de Luxembourg (l’AGE), pour approuver inter alia la Fort Bourbon, L-1249 Luxembourg, Grand-Duché de Luxembourg ; courriel : modification des Statuts afin d’y insé rer le Capital Autorisé . contact@deflorenne.lu) au plus tard le 29 juin 2012. 3. Prise d’acte du pouvoir et autorité donné s pour convoquer l’AGE. Au nom et pour le compte de AFRIMEDIA INTERNATIONAL 4. Approbation de l’é mission d’un rapport du conseil d’administration de la l’Administrateur Délégué

N° 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

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AFRIMEDIA INTERNATIONAL Société anonyme Siège social : 3-11, rue du Fort Bourbon, L-1249 Luxembourg Grand-Duche de Luxembourg R.C.S. Luxembourg: B 140.632 (la Société) Aux actionnaires de la Société Par lettre recommandee, DHL, et tout autre voie de publication jugee utile par la Société. Luxembourg, le 20 juin 2012 Assemblée générale extraordinaire des actionnaires de AFRIMEDIA INTERNATIONAL Messieurs, 4. Divers. Nous avons l’honneur de vous convoquer a` l’assemblé e gé né rale extraordinaire des action- Nous attirons votre attention sur le deuxie`me point de l’ordre de jour conformément aux disnaires de la Socié té (l’Assemblée) qui se tiendra au sie` ge social de la Socié té au 3-11, rue positions de l’article 32-3 (5) de la loi de 10 aouˆ t 1915 concernant les sociétés commerciales, du Fort Bourbon, L- 1249 Luxembourg, Grand-Duché de Luxembourg le 11 juillet 2012 a` telle que modifiée, prévoyant, entre autres que : « l’assemblée générale appelée a` délibérer, aux 14h00 heures afin de dé libé rer sur l’ordre du jour suivant : conditions requises pour la modification des statuts, soit sur l’augmentation du capital, soit sur 1. Formalité s de convocation ; l’autorisation d’augmenter le capital conformément a` l’article 32 (1), peut limiter ou supprimer 2. Dé cision de cré er un capital social autorisé en autorisant le conseil d’administration pen- le droit de souscription préférentiel ou autoriser le conseil d’administration ou le directoire, selon dant une pé riode de cinq (5) ans a` compter de la date de publication du proce` s- verbal de le cas, a` le faire. Cette proposition doit eˆtre spécialement annoncée dans la convocation. ». l’assemblé e gé né rale extraordinaire statuant sur la cré ation de capital autorisé a` entre autres Une procuration aux fins de votre représentation a` l’Assemblée est disponible. (i) ré aliser toute augmentation du capital social dans les limites du capital autorisé en une ou En cas d’accord sur les termes de ladite procuration, nous vous prions de bien vouloir la remplusieurs tranches par l’é mission de nouvelles actions avec ou sans prime d’é mission et (ii) plir, la dater et la signer et l’envoyer par fax ou par courriel et par courrier a` l’attention de supprimer ou limiter le droit pré fé rentiel de souscription des actionnaires lors de la sous- Monsieur Frédéric Deflorenne (adresse: 3-11, rue du Fort Bourbon, L-1249 Luxembourg, Grandcription de nouvelles actions ; et prise d’acte du rapport pré paré par le conseil d’administra- Duché de Luxembourg ; courriel : contact@deflorenne.lu) au plus tard le 10 juillet 2012. tion de la Socié té conformé ment a` l’article 32-3 (5) de la loi de 10 aouˆ t 1915 concernant les Since` res salutations socié té s commerciales, telle que modifié e ; Au nom et pour le compte de AFRIMEDIA INTERNATIONAL 3. Modification subsé quente de l'article 5 des statuts de la Socié té (les Statuts) ; L’administrateur Délégué

AFRIMEDIA INTERNATIONAL Société anonyme Siège social : 3-11, rue du Fort Bourbon, L-1249 Luxembourg Grand-Duche de Luxembourg R.C.S. Luxembourg : B 140.632 (la Société) Aux actionnaires de la Société Par lettre recommandee, DHL et tout autre voie de publication jugée utile par la Société. Luxembourg, le 20 juin 2012 ASSEMBLÉE GÉNÉRALE EXTRAORDINAIRE DES ACTIONNAIRES DE AFRIMEDIA INTERNATIONAL Messieurs, Nous avons l’honneur de vous convoquer a` l’assemblé e gé né rale extraordinaire des actionnaires de la Socié té (l’Assemblée) qui se tiendra au sie` ge social de la Socié té au 3-11, rue du Fort Bourbon, L- 1249 Luxembourg, Grand-Duché de Luxembourg le 11 juillet 2012 a` 16h00 heures afin de dé libé rer sur l’ordre du jour suivant : 1.Formalité s de convocation ; 2.Nomination du nouvel administrateur de la Socié té , représentant la République du Cameroun ;

JEUNE AFRIQUE

3.Pouvoirs et autorisation ; 4.Divers. Une procuration aux fins de votre repré sentation a` l’Assemblé e est disponible. En cas d’accord sur les termes de ladite procuration, nous vous prions de bien vouloir la remplir, la dater, la signer et l’envoyer par fax ou par courriel et par courrier a` l’attention de Monsieur Fré dé ric Deflorenne (adresse: 3-11, rue du Fort Bourbon, L-1249 Luxembourg, Grand-Duché de Luxembourg ; courriel : contact@deflorenne.lu) au plus tard le 10 juillet 2012. Since` res salutations Au nom et pour le compte de AFRIMEDIA INTERNATIONAL L’administrateur délégué

N° 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

Convocation assemblée générale

AFRIMEDIA INTERNATIONAL Société anonyme Siège social : 3-11, rue du Fort Bourbon, L-1249 Luxembourg Grand-Duche de Luxembourg R.C.S. Luxembourg: B 140.632 (la Société) Avis de convocation : CONSEIL D’ADMINISTRATION et obligations que les actions existantes. Les mandataires sociaux de la Société sont informés qu’ils sont convoqués a` la 5. Allocation des actions nouvellement émises, suite a` l’augmentation de capital telle ré union du conseil d’administration de la Socié té (la Réunion) qui se tiendra au que décrit au point 4. ci-dessus, au pro rata des Actionnaires de la manie`re suivante : sie` ge social de la Socié té au 3-11, rue du Fort Bourbon, L-1249 Luxembourg, - M. Constant NEMALE : 17.480 actions Grand-Duché de Luxembourg le 11 juillet 2012 a` 15 heures afin de dé libé rer sur - NEMALE HOLDINGS SAS : 17.766 actions l’ordre du jour suivant : - La Ré publique de Guiné e Equatoriale : 7.737 actions 1. Convocations. - La Ré publique du Cameroun : 2.263 actions. 2. Approbation de l’augmentation du capital social, dans le cadre du capital social 6. Modification subsé quente de l’article 5 des Statuts afin de reflé ter les augautorisé de la Socié té en supprimant le droit pré fé rentiel de souscription des mentations du capital social adopté es aux points 2. et 4. ci-dessus. actionnaires de la Socié té (les Actionnaires) a` cet é gard, d’un montant de quatre 7. Modification du registre des actionnaires de la Socié té afin de reflé ter les modicent soixante quinze mille quatre cents euros (EUR 475.400,-) dans le but de porfications ci-dessus avec pouvoir et autorité donné e a` tout administrateur de la ter le capital social de la socié té de son montant actuel de neuf millions trente-etSocié té (chacun un Representant Autorisé ), chacun individuellement, pour un mille euros (EUR 9.031.000,-), repré senté par quatre-vingt-dix mille trois cent procé der au nom et pour le compte de la Socié té a` l’enregistrement des actions dix (90.310) actions d'une valeur nominale de cent euros (EUR 100,-) par action a` nouvellement é mises dans le registre des actionnaires de la Socié té . neuf millions cinq cent six mille quatre cents euros (EUR 9.506.400,-), par l’é mis8. Pouvoirs et autorisations. sion de quatre mille sept cents cinquante quatre (4.754) nouvelles actions de la 9. Divers. Socié té d’une valeur nominale de cent euros (EUR 100,-) par action, lesquelles ont Une procuration est disponible aux fins de repré sentation a` la ré union. les meˆ mes droits et obligations que ceux attaché s aux actions existantes. En cas d’accord sur les termes de ladite procuration, nous vous prions de bien 3. Souscription a` et libé ration de l’augmentation du capital social telle que dé crite vouloir la remplir, la dater, la signer et l’envoyer par fax ou par courriel et par au point 2. ci-dessus par un paiement en numé raire. courrier a` l’attention de Monsieur Fré dé ric Deflorenne (adresse : 3-11, rue du 4. Approbation de l’augmentation du capital social par incorporation de la prime Fort Bourbon, L-1249 Luxembourg, Grand-Duché de Luxembourg ; courriel : d’é mission d’un montant de quatre millions cinq cent vingt-quatre mille six cents contact@deflorenne.lu) au plus tard le 10 juillet 2012. euros (EUR 4.524.600.-) pour porter le capital social a` quatorze millions trente et Au nom et pour le compte de AFRIMEDIA INTERNATIONAL un mille euros (EUR 14.031.000.-), par la cré ation et l'é mission de quarante-cinq L’administrateur délégué mille deux cent quarante six (45.246) actions nouvelles ayant les meˆ mes droits


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Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

REPORTAGE OÙ VA LA TUNISIE ? Cemac : Camship précise Dans la note de la rédaction publiée à la suite du droit de réponse de M. René Mbayen AFRIQUE (J.A. no 2682, du 3 au 9 juin), Ce que président du conseil prépare Hollande d’administration de la société Consignation et logistique du golfe de Guinée (CLGG), d’autres allégations sont faites. Nous rappelons, pour rétablir certaines vérités, que Camship voyages a un ! J.A. N 2684, accord de coopération avec la du 17 au 23 juin 2012. Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), mais n’a pas le monopole dans ce domaine […]. Les tarifs sont connus, point besoin donc d’un appel d’offres pour s’assurer de la transparence dans la facturation des billets […]. Par ailleurs, le nom de M. Mbayen n’apparaît ni sur les documents de la Cemac ni sur le protocole d’accord avec la Cemac. Pourquoi donc « parachuter » son nom ? ● jeuneafrique.com

LE PLUS

de Jeune

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2684 • du 17 au 23 juin 2012

RIO+20 LES VRAIS ENJEUX

MAROC EL YAZAMI : MAO, M6 ET LUI

ALGÉRIE CRISE DE NERFS POSTÉLECTORALE

Le Came sort roun ses de Afrique

fronti ères

Spécial 26 pages

FRANCE-

De la crise malienne à l’aide au développement, en passant par le style et les hommes du président, enquête sur les premiers pas « africains » du nouveau pouvoir. Et sur ses projets pour le continent.

ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE

France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 €

Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1 100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 €

Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285

O

GEORGES NJOYA, président de l’assemblée des associés de Camship voyages, Douala, Cameroun

Réponse : Si tout cela est aussi transparent, Camship voyages ne devrait donc voir aucun inconvénient à ce que ce protocole d’accord soit soumis au même audit que tous les contrats passés par l’actuelle présidence de la Commission de la Cemac. ● F.S. Oui, le Maroc est africain Dans l’article intitulé « France-Afrique, ce que prépare Hollande », (J.A. no 2684, du 17 au 23 juin), vous incluez une infographie indiquant que le président béninois, Boni Yayi, est le premier chef d’État africain reçu à l’Élysée. Cette information est bien entendu erronée, dans la mesure où le premier hôte africain de François Hollande fut le roi du Maroc, Mohammed VI. À moins que vous ne refusiez la qualité de pays africain au royaume chérifien… Cet oubli est d’autant plus étonnant que vous citez vous-même cette visite dans le corps de l’article, sans d’ailleurs la dater. ● OMAR BENGHADDA, Essaouira, Maroc

Réponse : Le souverain marocain est en effet le premier chef d’État africain à avoir été reçu par François Hollande, le 24 mai. Ne pas l’avoir signalé dans notre infographie est une erreur, dont nous nous excusons auprès des principaux intéressés et de nos lecteurs. ● LA RÉDACTION N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

En désaccord avec BBY Dans son « Ce que je crois » paru dans J.A. no 2684 (du 17 au 23 juin), parlant des coups d’État, Béchir Ben Yahmed évoque une « spécialité africaine ». Pour une fois, je me trouve en désaccord avec les termes qu’il emploie. Les coups d’État résultent de causes précises, qu’on ne peut passer sous silence. En Afrique, ils dépendent de facteurs externes et sont provoqués par les grandes puissances, soit pour protéger leurs intérêts, soit pour stopper les politiques qui osent contrarier leur idéologie. C’est bien le cas en ce qui concerne l’ex-président malien Amadou Toumani Touré, isolé par la communauté internationale depuis le début de son second mandat. Démocratiquement élu dans un pays qui ne possède ni pétrole ni façade maritime, il a été l’objet de critiques acerbes de la part de diplomates et de soi-disant spécialistes de l’Afrique qui ont grandement terni son image. Il a été traité de tous les noms, désigné comme le maillon faible de la lutte contre le terrorisme. Aujourd’hui, les solutions envisagées par la communauté internationale sont celles-là mêmes qu’ATT préconisait dans ses interventions. Certes, l’analyse de BBY vise à démontrer que chefs militaires et responsables politiques occupent des positions privilégiées. Mais j’aurais souhaité qu’il nous propose une des causes des coups d’État – notamment en Afrique – et qu’il dénonce ceux qui tirent les ficelles. Pour finir, BBY suscite mon admiration lorsque, humblement, il écrit, avant d’énoncer son point de vue sur les questions soulevées dans son texte : « La mienne [ma réponse], pour ce qu’elle vaut, est celle-ci. » Cette formule me convainc davantage de continuer à le lire et d’opposer mon point de vue amateur au sien, intellectuellement irréprochable. ● MANSOUR COULIBALY, Casablanca, Maroc Au revoir Ségolène Ségolène Royal, candidate malheureuse à la présidentielle 2007, à la primaire socialiste 2011 et aux législatives 2012, a été exécutée par son propre camp. J’en imagine qui ont soufflé un grand coup, murmurant : « Au revoir Ségolène. » Juste pour ça : le plaisir de la voir partir sans aucune récompense. Oui, on peut être honnête dans ce brouhaha infernal. Les diables, au bal des hypocrites, n’ont pas arrêté de danser sur nos écrans de télévision. ● PAP SARR, Paris, France De l’UMP à l’UOP Adopté en  par la droite populaire alors majoritaire à l’Assemblée nationale française, le sigle UMP (Union pour un mouvement populaire) intégrait à juste titre les JEUNE AFRIQUE


Vous nous

formations politiques de la même obédience que celle du président réélu Jacques Chirac. Ainsi l’union transcendaitelle, par une forte adhésion, les partis dont elle était composée. En 2007, son nouveau leader remportait l’élection présidentielle et la même majorité était reconduite au Palais-Bourbon. Depuis la présidentielle du 6 mai et les législatives du 17 juin, si l’union existe encore, elle n’en est pas moins amputée de ses deux jambes. Le président sortant a remis les clés de l’Élysée à qui de droit, et la Chambre basse est, elle, largement dominée par la gauche socialiste. À quand donc le glissement sémantique d’UMP vers UOP, Union de l’opposition ? À moins que, réalité des faits oblige, on conserve le sigle UMP en lui accolant le préfixe ex. Ce serait, je crois, assez juste. ● BA IBRAHIM, Paris, France

Une erreur dans « Le Plus de J.A. » Grand lecteur de Jeune Afrique, j’ai relevé une erreur dans « Le Le Cameroun sort de ses frontières Plus de J.A. » consacré au Cameroun (J.A. no 2684, du 17 au 23 juin). Les légendes des photos illustrant l’article sur les brasseries ont été inversées. Norbert Eloundou, directeur de la communication de Guinness Cameroun SA, se trouve sur la gauche de la page et non sur la droite comme ! « LE PLUS » du mentionné. ● LE PLUS

de Jeune Afrique

ÉCONOMIE Sur la ligne de départ

INTERVIEW Luc Mbarga Atangana, ministre du Commerce

TENDANCES Points forts et maillons faibles par secteurs PORTRAITS CROISÉS Business et bilinguisme

Le pays prospecte de nouveaux marchés dans la zone Cemac, en Afrique de l’Ouest, au Maghreb… A-t-il les moyens et les compétences nécessaires pour miser sur cette stratégie de développement continental ?

numéro 2684 de Jeune Afrique.

HUGUES MBALA MANGA, Douala, Cameroun

Réponse : Merci pour votre vigilance : les photos signalées ont en effet été malencontreusement interverties. Nous prions MM. Serge Njapoum (directeur commercial de la Société anonyme des brasseries du Cameroun) et Norbert Eloundou, ainsi que nos lecteurs, de nous en excuser. ● LA RÉDACTION Le vrai visage de l’Église Fidèle lecteur de votre hebdomadaire, j’ai été choqué par l’article « Thriller au Vatican », paru dans votre édition no 2682, du 3 au 9 juin. Je regrette que Jeune Afrique, qui se veut un journal de référence, tombe dans le sensationnel, en particulier en parlant de l’Église. J’aimerais y lire des articles sur le nombre incalculable de prêtres et de chrétiens qui, en Afrique, s’occupent des pauvres, des malades du sida, sauvent des vies en leur consacrant la leur… C’est ça, le vrai visage de l’Église qui nous intéresse. ● DÉSIRÉ MAGOMBO-MABA, Montpellier, France

Réponse : Loin de nous l’idée d’avoir voulu porter atteinte à l’image de l’Église catholique et nous sommes désolés que vous l’ayez perçu ainsi. D’accord avec vous : le vrai visage de l’Église, ce n’est pas que cela, même si c’est aussi (un peu) cela. ● LA RÉDACTION JEUNE AFRIQUE

N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012


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Post-scriptum Fouad Laroui

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (52e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed

Manger chez l’indigène

RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)

I

L Y A QUELQUES ANNÉES, un couple de diplomates européens s’installait au Maroc, à Rabat, en provenance d’un pays du nord de l’Europe que je ne nommerai pas (je ne veux fâcher personne). Ils visitèrent plusieurs appartements avant de jeter leur dévolu sur un confortable trois-pièces en plein centre-ville, avec vue sur le fleuve. Après avoir signé le bail et reçu les clés dudit trois-pièces, le couple fut invité cordialement par le propriétaire à déjeuner chez lui. Sa femme avait préparé quelques spécialités locales dont, miam-miam, vous m’direz des nouvelles ! Quelle ne fut pas sa déconvenue quand la moitié féminine du couple rejeta hautement l’invitation avec un discours du genre : – Non, non, on ne nous la fait pas, nous sommes prévenus, ça commence avec un déjeuner, puis vous nous demanderez bientôt des visas et – pourquoi pas – des bourses pour les enfants. Le proprio, profondément vexé, ne répondit rien. (Il aurait pu rétorquer qu’il disposait depuis des lustres de la double nationalité maroco-française et qu’il n’avait donc pas besoin de visa pour aller en Europe, et qu’il était assez à l’aise financièrement pour payer les études de ses enfants et même celles des enfants de la diplomate si peu diplomate. Mais il n’en fit rien : on ne raisonne pas le butor, et encore moins la butoresse.) Le temps passe, comme disait Cocteau, et puis un jour, trois ans plus tard exactement, le couple revient voir M. Bennani (vous ai-je dit que le proprio s’appelait Bennani ?) pour lui rendre les clés de l’appart : ils rentrent au pays. Et l’inconcevable se produit : la diplomate s’effondre en larmes, se jette sur Bennani, l’embrasse, lui malaxe la dextre et lui présente ses excuses : – Quand je pense que j’ai refusé votre invitation à déjeuner il y a trois ans ! Nous avions tellement de préjugés, on nous avait tellement lavé le cerveau… Nous avons passé trois ans dans ce pays sans voir quiconque, murés dans notre ambassade, claquemurés dans votre appartement – et c’est au moment de partir que nous avons compris que nous avions gâché trois ans, que nous aurions pu rencontrer des gens fort sympathiques et découvrir leur culture.

Rédaction en chef : Claude Leblanc (c.leblanc@jeuneafrique.com), Élise Colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), Laurent Giraud-Coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros Rédaction : Pascal Airault, Youssef Aït Akdim, Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Julien Clémençot, Georges Dougueli, Tony Gamal Gabriel, Malika Groga-Bada, André Silver Konan (à Abidjan), Christophe Le Bec, Frédéric Maury, Nicolas Michel, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Laurent de Saint Périer, Justine Spiegel, Tshitenge Lubabu M.K., Fanny Rey, Marie Villacèque ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Frida Dahmani, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale ; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) RÉALISATION Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Direction éditoriale : Élise Colette ; chefs d’édition : Pierre-François Naudé, Frédéric Maury (économie) ; rédaction : Vincent Duhem, Benjamin Roger et Jean-Sébastien Josset Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista et Maxime Pierdet VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; responsable des ventes adjointe : Sandra Drouet ; chefs de produit : Dhouha Boistuaud, Nawal Laadad ; abonnements : Vanessa Sumyuen avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue ÉdouardHerriot, 92350 Le Plessis-Robinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@cometcom.fr ●

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S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : difcom@jeuneafrique.com

Président : Danielle Ben Yahmed ; directeur général : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : Christine Duclos ; direction du développement : Florian Serfaty ; secrétariat : Chantal Bouillet ; gestion et recouvrement : Pascaline Brémond ; service technique et administratif : Chrystel Carrière, Mohamed Diaf RÉGIES : Direction de la publicité : Laure Nitkowski, avec Catherine Weliachew (directrice de clientèle), Myriam Bouchet (chef de publicité), assistés de Patricia Malhaire ; annonces classées : Fabienne Lefebvre, assistée de Sylvie Largillière COMMUNICATION ET RELATIONS EXTÉRIEURES : Direction : Danielle Ben Yahmed ; directrice adjointe : Myriam Karbal ; chargés de mission : Nisrine Batata, Zine Ben Yahmed, Fatoumata Tandjan REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES MAROC SIFIJA, NABILA BERRADA. Centre commercial Paranfa, Aïn Diab, Casablanca. Tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16.

Bennani hausse les épaules et console comme il peut la dame. – Allons, nous avons tous nos a-priori et nos angles morts. Quittons-nous bons amis : j’appelle ma femme, vous dînez chez nous ce soir.

TUNISIE SAPCOM, Mourad LARBI. 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis. Tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522.

Dois-je préciser que ce sublime (et ultime) gueuleton ne fit que multiplier les regrets de M. et Mme Diplomate ? Combien d’occasions de connaître notre prochain, notre frère, n’avonsnous pas laissé filer pour n’avoir pas compris qu’une invitation à déjeuner n’est parfois… qu’une invitation à déjeuner ? ●

Gérant commandité: Béchir Ben Yahmed; vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur général adjoint: Jean-Baptiste Aubriot; secrétariat: Dominique Rouillon; contrôle de gestion: Sandrine Razafindrazaka; finances, comptabilité: Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche; juridique, administration et ressources humaines: Sylvie Vogel, avec Karine Deniau (services généraux) et Delphine Eyraud (ressources humaines); Club des actionnaires: Dominique Rouillon

N o 2685 • DU 24 AU 30 JUIN 2012

Ce numéro s’accompagne d’un encart abonnement sur une partie de la diffusion.

JEUNE AFRIQUE

SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT

S.C.A. au capital de 15 millions d’euros Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484 TVA : FR47 784 683 484 000 25

IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE: 1016C80822. DÉPÔT LÉGAL: À PARUTION. ISSN 1950-1285.


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