ja 2617 du 6 au 12 mars 2011

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RÉVOLUTIONS LA LIGUE @RABE DU NET

www.jeuneafrique.com

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e ANNÉE • N° 2617•du 6 au 12 mars 2011

SUITE ET FIN

L’AGONIE DU DICTATEUR LIBYEN INQUIÈTE SES OBLIGÉS, RÉJOUIT SES ENNEMIS ET SOULAGE LA MAJORITÉ DE SES PAIRS Enquête dans les coulisses de la Libyafrique

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u a r i t s e Inv

a d n Rwa Croissance économique soutenue Climat politique propice aux investisseurs Portail vers l’Afrique de l’Est et le Continent

Opportunités multiples à exploiter

Services, TIC, Finances, Energie, Infrastructures, Tourisme, Immobilier, Agriculture…

1er pays réformateur au Monde en 2010 « Rapport Doing Business 2010 » de la Banque mondiale

DIFCOM F.C

La terre aux mille collines, le pays aux mille opportunités.


CE QUE JE CROIS BÉCHIR BEN YAHMED bby@jeuneafrique.com

Samedi 5 mars

Trois mois

I

l répond déjà au doux nom, que lui a donné l’opinion publique, de « printemps arabe », mais il a débuté le 17 décembre dernier, en plein hiver. Ce jour-là, dans la petite ville tunisienne de Sidi Bouzid, réagissant à un acte d’humiliation policière ordinaire, le jeune Mohamed Bouazizi, dont le nom va passer à la postérité et entrer dans les livres d’histoire, s’est immolé par le feu. Ce geste tragique mais inhabituel en terre d’islam aurait pu demeurer sans conséquence ni lendemain. Il a cependant déclenché un gigantesque incendie qui s’est propagé comme une traînée de poudre dans un monde arabe… pour le coup uni. Trouvant un terrain éminemment propice, il est passé d’un pays à l’autre, sans logique apparente, semant le désarroi et la terreur parmi les nombreux autocrates ou dictateurs de la région. Personne ne connaît les limites de l’incendie, ni ce qui sortira des cendres. Mais comme ce « printemps arabe » aura trois mois dans quelques jours, il me paraît opportun, au lieu de continuer à l’accompagner et à le décrire, de nous arrêter pour faire le point. ✷ Chacune des onze semaines écoulées depuis le 17 décembre 2010, date de l’éclosion de ce « printemps », a apporté aux Arabo-Africains en révolte ou en révolution, et à tous ceux qui ont vibré avec eux, un ou plusieurs enseignements. En voici quelques-uns qui me paraissent significatifs. 1) Nos dictateurs étaient en carton-pâte. L’apparat d’un pouvoir quasi absolu, conservé si longtemps, les avait auréolés : nous les avons crus puissants, pleins de ressources, protégés par une armée de fidèles et des alliances en béton. Ils adoptaient des postures qui pouvaient faire penser qu’eux-mêmes étaient en acier trempé. En réalité, ils n’étaient forts que de la longue soumission de leurs citoyens, transformés en sujets. Leurs fidèles n’étaient que des courtisans doués pour le retournement de veste et leurs alliés, les amis de leur fortune. Plus familiers des marques de docilité que des

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manifestations d’exaspération, nos braves autocrates se sont mis à vaciller dès les premiers coups de boutoir des jeunes insurgés, qui, eux, avaient oublié la peur. Très vite, ils ont laissé percer les signes de leur désarroi. Qu’ils s’appellent Ben Ali, Moubarak, Kaddafi ou Ali Abdallah Saleh, ils ont prononcé les mêmes discours incohérents, utilisé les mêmes arguments éculés, proféré les mêmes menaces peu dissuasives de recours à la force, en alternance avec des concessions insuffisantes et tardives. Et lorsqu’ils en ont été réduits à capituler, ils l’ont fait sans gloire ni panache. ✷ 2) Sauf cas particulier, les dirigeants des démocraties occidentales (et des autres grands pays) ne suscitent pas et n’encouragent même pas le combat contre la dictature. En général, ils composent avec les dictateurs tant qu’ils sont au pouvoir et vont parfois jusqu’à la compromission avec eux comme le montrent les exemples les plus récents, le cas de Kaddafi n’étant que le plus choquant. On peut le regretter, souhaiter que cela change, que la communauté et la justice internationales établissent des règles qui l’interdisent. Mais l’exemple de la Birmanie et de la Corée du Nord, protégées par la Chine, et celui de l’Arabie saoudite, « couverte » par les États-Unis et ménagée par tous les pays dépendants de son pétrole, montrent que les progrès qui restent à faire sont considérables. Cela étant dit, il faut le constater et s’en féliciter : ce printemps arabe a conduit l’Europe et les États-Unis en particulier à faire plusieurs pas dans la bonne direction. Ils ont, très vite, décidé d’accompagner le combat des démocrates arabes, de l’encourager et de le soutenir. Cet infléchissement me paraît durable car fondé sur l’intérêt bien compris de ces pays qui ont enfin pris conscience que la défense des valeurs qu’ils prônent est à la fois une bonne action et une bonne affaire. ✷

3


4

CE QUE JE CROIS Il s’agit là d’une nouvelle ligne de conduite, elle est en cours d’élaboration et n’a pas encore subi l’épreuve du feu. Je pense qu’on l’appellera un jour la « doctrine Barack Obama ». Si l’Europe et les États-Unis s’y tiennent, ils doivent, pour la mettre en pratique avec le label des Nations unies, neutraliser l’hostilité russe et chinoise, et leur veto. Ils pourront alors aider les Libyens à se débarrasser du psychopathe qui s’obstine à vouloir être leur « guide » au prix d’une abominable guerre civile. Et sur leur lancée, ils en viendront à aider la Côte d’Ivoire – et toute l’Afrique de l’Ouest – à faire entendre raison à cet apôtre du « j’y suis, j’y reste quoi qu’il en coûte à mon pays » qu’est devenu Laurent Gbagbo. ✷ 3) J’ai cité plus haut, à dessein, le nom de Barack Obama. En fait, depuis son discours du Caire (4 juin 2009) à l’adresse des musulmans et le soulèvement des Iraniens contre la dictature du tandem Khamenei-Ahmadinejad, je me demande s’il n’y a pas un « effet Obama » sur l’ensemble des jeunes musulmans. Son « Yes we can », son « nous respectons l’islam et le jugeons apte à la modernité », son appel à la tolérance, à l’entente et à la coopération entre les Euro-Américains et les musulmans ont fait leur chemin dans les consciences des AraboMusulmans. En tout cas, vous l’avez remarqué comme moi, l’effet Obama se retrouve, en filigrane, dans les mots d’ordre des jeunes qui se sont soulevés contre les dictatures arabes.

Lui-même, se souvenant qu’il est Prix Nobel de la paix, a pris fait et cause – bien avant les autres dirigeants des grandes démocraties européennes – pour le combat en faveur de la démocratie dans les pays arabes. ✷ 4) De même qu’il y a un effet Obama sur le monde arabo-musulman qui a puissamment contribué à éloigner celui-ci – définitivement, je pense – des thèses d’Al-Qaïda, il y a un effet printemps arabe sur l’opinion publique internationale. Ce printemps, on ne l’attendait absolument pas, et l’effet de surprise a conduit le monde entier à se poser très sérieusement deux questions : « Et si les Arabes, plus généralement les musulmans, n’étaient pas ces réfractaires invétérés à la démocratie qu’on nous a décrits ? » « Le spectacle qu’ils nous donnent depuis près de trois mois n’est-il pas celui de gens épris de justice et de dignité comme tout un chacun ? » ✷ Sous la plume de l’économiste Martin Wolf, je lis dans le Financial Times en date du 2 mars cette simple phrase, mais qui est lourde de sens : « Les conséquences politiques du printemps arabe ? La principale conclusion qu’il nous faut en tirer est qu’il n’y a pas d’“exception arabe” ! Autant que nous, les Arabes veulent la liberté d’expression et la participation politique à leur destin. Nous devons savoir aussi que dans les pays pauvres dont les institutions sont inexistantes ou faibles la route qui mène de l’oppression à une démocratie stable est longue et difficile… » ■

HUMOUR, SAILLIES ET SAGESSE Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. ■ La révolution doit apprendre

à ne pas prévoir. NAPOLÉON BONAPARTE

■ Citations. Comme les proverbes, j’en invente; et personne jusqu’ici ne semble s’en être aperçu. HERVÉ BAZIN ■ Vous

ne donnez que peu lorsque vous donnez vos biens. C’est lorsque vous donnez de vous-mêmes que vous donnez réellement. KHALIL GIBRAN ■ L’éducation

est au centre de toutes les stratégies de construction de l’avenir. C’est un enjeu mondial, un des grands défis du troisième millénaire. JOËL DE ROSNAY

■ Le peureux se jette à l’eau avant que la pirogue ait chaviré. PROVERBE AFRICAIN ■ Nous ne pensons qu’à l’argent : celui qui en a pense au sien, celui qui n’en a pas pense à celui des autres. SACHA GUITRY

■ L’avenir

est la seule chose qui m’intéresse, car je compte bien y passer les prochaines années. WOODY ALLEN

■ Dans

■ Lorsque la chance nous sourit, nous rencontrons des amis ; lorsqu’elle est contre nous, une jolie femme. PROVERBE CHINOIS

■ Tout le monde tient le beau pour le beau, C’est en cela que réside la laideur. Tout le monde tient le bien pour le bien, C’est en cela que réside le mal. LAO-TSEU

■ Les impatients arrivent toujours trop tard. JEAN DUTOURD

la Grèce antique, tu ne trouvais pas d’antiquités. LES BRÈVES DE COMPTOIR

■ On

ne devrait jamais tourner le dos à un danger pour tenter de le fuir. Si vous le faites, vous le multiplierez par deux. Mais si vous l’affrontez rapidement et sans vous dérober, vous le réduirez de moitié. WINSTON CHURCHILL

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Sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI

Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique

Premier Forum des Femmes Elues Locales d’Afrique Tanger 8-11 mars

2011

Lors de la dernière édition du Sommet Africités (Marrakech, 16 au 20 décembre 2009), les participants ont demandé la mise en place d’un Réseau des Femmes Elues Locales d’Afrique. Pour faire suite à cette résolution, Cités et Gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLUA) organise, du 8 au 11 mars 2011, à Tanger (Maroc) le Premier Forum des femmes élues locales d’Afrique sur le thème : « Objectifs du Millénaire pour le Développement et Bonne Gouvernance : rôles et responsabilités du leadership féminin ». Coïncidant avec la célébration de la Journée Mondiale de la femme, ce Forum sera l’occasion de débattre, d’identifier les bonnes pratiques et de faire des propositions concrètes à même d’alimenter la Feuille de route d’ONU-Femmes, l’institution créé en juillet 2010 par l’Assemblée générale des Nations-Unies pour promouvoir la parité et l’autonomisation des femmes. Ce 1er Forum se donne pour ambition de : • Situer la place et la contribution des Collectivités Locales Africaines dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), en particulier l’objectif n°3 relatif à la promotion de l’égalité et l’émancipation des femmes ; • Offrir aux femmes élues locales d’Afrique un espace d’échanges et d’expression sur les problèmes spécifiques rencontrés dans l’exercice de leurs missions ; • Renforcer le leadership féminin dans la vie locale et développer les pratiques de bonne gouvernance afin de contribuer à la réduction des disparités sociales et à la réalisation des OMD ; • Définir un Plan d’action pour le travail en réseau des femmes élues locales d’Afrique tant au niveau continental qu’international ; • Mettre en place des instances de gestion de ce Réseau et organiser sa relation avec CGLUA.


SOMMAIRE

ÉDITORIAL

Les trois singes

TUNISIE TERMINUS RAS EL-JDIR

Des milliers de travailleurs venus des quatre coins du monde fuient la répression en Libye et se réfugient en Tunisie. Reportage.

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PHOTOS DE COUVERTURE : AFP PHOTO/FETHI BELAID

LA CARPE EST UN POISSON d’eau douce dont la particularité est d’être privé de langue. D’où l’expression populaire « muet comme une carpe ». Ou comme un tilapia. Ou comme un chef d’État africain – ou arabe – en ces temps de tragédie libyenne et d’embrasement ivoirien. Cet FRANÇOIS assourdissant silence (à de rares SOUDAN exceptions près : Denis Sassou Nguesso, dans nos colonnes, la semaine dernière) n’a d’égal que l’absence totale de réaction de l’Union africaine (UA) et l’embarras manifeste de la Ligue arabe. Rendue inopérante par l’effet conjugué de la démission de facto de son secrétaire général, Amr Moussa, candidat à la succession de Moubarak, et de la paralysie des monarques pétroliers, tétanisés par les contagions révolutionnaires, cette dernière est quasi inaudible. Quant à l’UA, qui avait déjà attendu un mois pour saluer la nouvelle Tunisie, la prudence l’étouffe, au point qu’elle n’a même pas eu le soupçon de courage dont a fait preuve sa sœur arabe, laquelle a suspendu la Libye de ses rangs. À croire que Kaddafi, son parrain et son geôlier, lui manque déjà. Jean Ping serait-il masochiste ? Le dictateur de Tripoli ayant décidé d’imiter le Samson de la Bible en faisant s’écrouler le temple sur la tête de ses compatriotes, il faudra bien pourtant qu’on les entende, ces muets du sérail ! Si le raïs libyen, que l’épreuve a manifestement requinqué et qui est parvenu à regrouper ses forces, tente de reconquérir la Cyrénaïque à coup de centaines de morts, de bombardements aveugles et de raids meurtriers d’hélicoptères de combat, il serait inimaginable que les dirigeants africains et arabes rééditent leurs exploits du Rwanda et du Darfour : tourner la tête ailleurs afin de ne pas être incommodés par l’odeur des charniers. Qu’on ne s’y trompe pas, en effet. Alors que tous les observateurs prédisaient la chute imminente de Kaddafi, BBY avait vu juste en prévoyant ici même, la semaine dernière, que l’insurrection risquait de dégénérer en une guerre civile incontrôlable : la révolution libyenne peut encore sombrer… Figurants dans ce film d’épouvante, les immigrés africains vivent un martyre sans que nul, à commencer par les gouvernements de leurs pays d’origine, ne s’en émeuve. L’hebdomadaire britannique The Economist parle ainsi d’un véritable massacre d’Érythréens dans la ville de Sahat « libérée » : qui cherche à savoir ? Quels appels l’Union africaine ou la Ligue arabe ont-elles lancés ? Quelles mesures ont-elles prises pour que cesse cette tragédie silencieuse ? De Tripoli à Abidjan, de Brega à Abobo, nos chefs, tels les trois singes aveugles, sourds et muets de la tradition, se sont passé le mot d’ordre : laissons les Occidentaux s’occuper de nos turpitudes tout en dénonçant leurs ingérences. Une carpe, assurément, n’aurait pas dit mieux. ■

DANS JEUNE AFRIQUE ET NULLE PART AILLEURS

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NIGER LE LIÈVRE ET LA TORTUE

Mahamadou Issoufou et Seini Oumarou sʼaffronteront dans les urnes, le 12 mars, pour le second tour de la présidentielle. État des forces en présence.

03 08

CE QUE JE CROIS Par Béchir Ben Yahmed CONFIDENTIEL

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FOCUS

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Tunisie Terminus Ras el-Jdir Confidences de... Maite Nkoana-Mashabane, chef de la diplomatie sud-africaine Partage des eaux du Nil Sans lʼaval de lʼÉgypte Guinée Après Dangote, Soros Cinéma On ne fespacoʼmme dʼhabitude Édition Michael Jackson pop secret !

22

LʼÉVÉNEMENT

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Kaddafi LʼAfrique entre peur et soulagement

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AFRIQUE SUBSAHARIENNE

32 34 35 36 38 40 42 44 45

Niger Le lièvre et la tortue Tchad Opposition à reculons Gabon André Mba Obame fait pschitt... RD Congo Contre Kabila, des assaillants du dimanche Côte dʼIvoire Gbagbo, un homme dans le chaos Reportage La revanche tranquille du Ghana Droit de réponse à Martin Belinga Eboutou Aqmi Un Touareg pour faire libérer les otages Togo Limogé sans explications J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


SOMMAIRE 7

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LE PLUS POINTE-NOIRE

SPÉCIAL 36 PAGES La deuxième ville congolaise sʼimpose de plus en plus comme le centre économique du pays. Et doit faire face à de nouveaux défis.

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KADDAFI LʼAFRIQUE ENTRE PEUR ET SOULAGEMENT

Lʼagonie du dictateur libyen inquiète ses obligés, réjouit ses ennemis et soulage la majorité de ses pairs. Enquête dans les coulisses de la Libyafrique.

PORTRAIT

BÉJI CAÏD ESSEBSI, AU-DESSUS DE LA MÊLÉE Lʼancien ministre des Affaires étrangères de Habib Bourguiba hérite de la délicate mission de conduire la transition.

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LA «LIGUE @RABE » DU NET Les réseaux sociaux ont joué un rôle clé dans la mobilisation et lʼexportation de la révolution. Voyage au cœur de la cyber-résistance.

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT

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Tunisie Béji Caïd Essebsi, au-dessus de la mêlée En vérité La démocratie, cʼest encore loin ? Interview Gamal al-Banna, frère du fondateur des Frères musulmans Enquête La « ligue @rabe » du Net Libye-Liban Lʼénigme Moussa Sadr BD Où la révolution arabe a commencé, par Patrick Chappatte

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INTERNATIONAL

60 64 66 67 68 70

France Le retour et le recours Royaume-Uni Austère Albion Jamaïque À Kingston, la loi des gangs Turquie Lʼhéritage dʼErbakan Parcours Léonard Wantchékon Irlande Débâcle historique

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LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE

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Congo Pointe-Noire, vigueurs océanes

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ECOFINANCE

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Interview Pascal Lamy, directeur général de lʼOMC La semaine dʼEcofinance

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!

ENQUÊTE

OMC

PASCAL LAMY : « LʼAFRIQUE A BESOIN DʼÉCHANGES PLUS OUVERTS » Interview du patron de lʼOrganisation mondiale du commerce.

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L E D E VO I R D ʼ I N FO R M E R , L A L I B E R T É D ʼ É C R I R E

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RD Congo Novacel vend de lʼair à Danone Port Djibouti voit grand Télécoms Le Cameroun aux abonnés absents Soudan Lʼor noir en partage Médias Canal+ se retire du Maghreb Aérien Mauritania Airlines prépare son entrée en piste Biens mal acquis La traque a du plomb dans lʼaile

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LIRE, ÉCOUTER, VOIR

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Musique Le nouvel espoir dʼAyo Médias Shabelle, la résistante Interview Xavier Darcos, président de lʼInstitut français BD Seule contre tous Livres Mémoires dʼune jeune Marocaine révoltée Lu et approuvé Par Alain Mabanckou Photographie LʼÉgypte auscultée

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VOUS & NOUS

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La revue Le temps des révolutions Courrier des lecteurs Post-scriptum


CONFIDENTIEL

POLITIQUE

MALI UNE ÉVASION ET DES QUESTIONS Grosse colère du président malien lorsque, le 28 février, il a appris que Senoun Bechir, le Tunisien accusé d’avoir perpétré un attentat contre l’ambassade de France à Bamako, début janvier, avait réussi à s’évader. Le fugitif a été repris quarante-huit heures plus tard, à Gao. Il devait être ramené dans la capitale malienne par avion (envisagée dans un premier temps, la voie routière a été jugée trop risquée, en particulier par les Français). À Bamako, certains s’étonnent de l’apparente facilité avec laquelle Senoun s’est fait la

belle et de la rapidité avec laquelle il est parvenu à rejoindre Gao, à 1 200 km de là. Pourquoi n’était-il pas détenu au siège – très surveillé – des services de sécurité, mais dans l’une de ses annexes, à l’est de Bamako ? Seuls le chef de poste et son adjoint, censés se relayer toutes les deux heures, ainsi qu’une sentinelle, étaient affectés à sa surveillance… Quant au colonel-major Mami Coulibaly, le chef de la sécurité d’État, il a fait les frais du courroux présidentiel et a été ipso facto limogé.

LIBYE

TRACFIN AUX TROUSSES DES KADDAFI Tracfin, la cellule antiblanchi- ment vers les pays non coopé- d’or. Elle vise « Kaddafi Mouamment du ministère français des ratifs », ainsi que les retraits en mar Mohammed Abu Minyar, Finances, s’intéresse à la famille numéraire et les achats-ventes né en 1942 à Syrte, Guide de Kaddafi. Le 1er mars, la Révolution, comelle a transmis aux mandant suprême des banques françaises forces armées ; Kaddafi un « message d’alerSeif el-Islam, n° de paste » du type de ceux seport B014995, né le émis récemment à 25 juin 1972 à Tripoli, propos des familles directeur de la FonMoubarak, Ben Ali et dation Kaddafi ; KadTrabelsi. Ce message dafi Hannibal Mouamstipule que doit lui mar, n° de passeport être impérativement B002210, né le 20 sepsignalée « toute opétembre 1975 à Tripoli ; ration impliquant un Kaddafi Mootassem, membre de la famille né en 1976 à Tripoli, Kaddafi, ou une ou conseiller pour la sécuplusieurs PPE [perrité nationale ; Kaddafi sonnalité politiqueKhamis Mouammar, né ment exposée, NDLR] en 1978 à Tripoli ». Cuen lien avec cette farieusement, l’aîné, Momille ». Cette mesure hammed, propriétaire de surveillance rendes deux opérateurs forcée concerne tous téléphoniques libyens, les types de transacne figure pas sur cette tions, « particulièreliste. Un oubli ? Mohammed, l’aîné des fils Kaddafi: absent de la « liste noire » MAHMUD TURKIA/AFP

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de Tracfin, basée sur celle de la Commission européenne.

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FRANCE VISITE MOUVEMENTÉE POUR ZUMA

TUNISIE ESSEBSI, DU TAC AU TAC

La visite d’État de Jacob Zuma en France a été quelque peu mouvementée. Attendu le 2 mars, le président sudafricain est en réalité arrivé la veille. Pour des « raisons de commodités », dit-on au Quai d’Orsay. Le 3 mars, alors qu’il donnait une conférence de presse à l’Institut français des relations internationales (Ifri), à Paris, et s’apprêtait à répondre à une question sur la transposition du modèle démocratique occidental en Afrique, il a été interrompu par un agent de sécurité qui lui a demandé de quitter la salle sur-le-champ. L’assistance a suivi. Sans explication. Alerte à la bombe, selon la police… Une enquête du parquet antiterroriste est en cours. Zuma s’est ensuite rendu directement à l’aéroport d’Orly. La réponse sur la transposition du modèle démocratique attendra.

La presse est désormais libre, et la critique, même de sa personne, aussi, a fait savoir Béji Caïd Essebsi, le nouveau Premier ministre tunisien. Certes, mais cela n’empêche nullement les réparties cinglantes. Rached Ghannouchi, le président du mouvement islamiste Ennahdha, récemment légalisé pour la première fois de son histoire, en a fait l’expérience. Commentant la nomination d’Essebsi, ce dernier avait estimé, non sans humour, qu’on était allé le chercher dans les « archives de Bourguiba », c’està-dire du passé. « Je suis honoré de faire partie des archives de Bourguiba, a répondu le chef du gouvernement. Mais lui aussi il fait partie des archives. On était dans des boîtes différentes, c’est tout. »

UN VOYAGE POUR RIEN sa production), l’équipementier Alstom (qui dispose d’un bureau à Tripoli), ou encore Suez Environnement. Leur Michel Roussin, vice-président de Medef International et ancien ministre de la Coopération. objectif : mettre un pied ou consolider leur position chez ce nou- coopération commerciale –, où veau partenaire de la France l’Italie, l’Allemagne et la Tur– les deux pays ont conclu en quie se taillent la part du lion. octobre 2010 un accord de Mais ce sera pour plus tard. DENIS/REA

L A R É VOLT E CON T R E KADDAFI a pris au dépourvu le grand patronat français. Du 14 au 17 décembre 2010, le Medef International avait organisé une mission en Libye conduite par Michel Roussin, son viceprésident (et ancien ministre de la Coopération). Une quarantaine d’entreprises avaient fait le déplacement, parmi lesquelles le pétrolier Total (qui, en 2010, y a réalisé 2,6 % de

UN CANDIDAT ET UNE PREMIÈRE DAME COINCÉS À TRIPOLI ! PAS DE CHANCE pour Seini Oumarou, l’un des deux candidats du second tour de la présidentielle du 12 mars au Niger. Le 18 février, dans l’espoir d’une audience sous la tente de Mouammar Kaddafi, il s’était rendu à Tripoli par un vol de la compagnie libyenne Afriqiyah

Airways. Débordé par les événements, le « Guide » n’a pas eu le temps de le recevoir et a confié ce soin à son directeur de cabinet, Béchir Salah Béchir. Comble de malchance, le 25, Afriqiyah a suspendu tous ses vols à destination du sud du Sahara – à cause d’une pénurie de pilotes euro-

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péens. Seini s’est donc retrouvé coincé à l’hôtel Radisson de Tripoli. Mais comme la première dame de Centrafrique était dans la même situation, les Libyens ont fait un effort. Le 26, ils ont affrété un petit jet à réaction qui a déposé Seini à Niamey, puis Monique Bozizé à Bangui.


CONFIDENTIEL FINANCES

PHILISIWE VEUT CHANGER D’AIR Principale rédactrice de la loi sur le Black Economic Empowerment (BEE), Philisiwe Buthelezi, présidente du National Empowerment Fund (NEF), qui aide à l’émergence de patrons et de cadres sudafricains noirs, souhaite changer d’air. Formée à La Sorbonne et passée par la BNP et la Standard Bank, la financière francophone se verrait bien dans une institution internationale. « Cela fait cinq ans que je gère le NEF [qui pèse 2,6 milliards d’euros, NDLR]. J’aimerais m’occuper d’un fonds plus important à l’échelle continentale, par exemple à la Banque mondiale ou à la Banque africaine de développement », a-t-elle confié en marge de la récente visite à Paris du président Jacob Zuma.

ÉCONOMIE

IMMOBILIER ALLIANCE FAIT SON SHOW Pour vendre ses projets immobiliers, le groupe marocain Alliance (200 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009) devrait inaugurer fin mars de nouveaux show-rooms au Maroc et en France. Aux espaces d’exposition (près de 800 m 2 ) prévus à Casablanca et à Rabat s’en ajouteront deux autres, en région parisienne. Situé à Clichy, le premier (320 m 2 ) sera consacré aux programmes de logements intermédiaires destinés aux Marocains résidant à l’étranger ; le second, près des ChampsÉlysées, à Paris (120 m2), à la vente des complexes immobiliers situés à proximité d’un golf.

NATIONS UNIES VIVE L’AGROÉCOLOGIE! Mardi 8 mars, Olivier De Schutter, le rapporteur spécial auprès des Nations unies pour le droit à l’alimentation, présentera son rapport annuel devant le Conseil des droits de l’homme, à Genève. Le document est consacré aux techniques agricoles durables – l’agroécologie –, qui permettent tout à la fois d’augmenter les rendements agricoles, d’améliorer les revenus des petits exploitants et de développer le tissu économique qui en dépend (biens et services des revendeurs locaux). A contrario, l’augmentation des revenus des grandes exploitations accroît l’importation d’intrants. Selon le rapport, l’agroécologie booste en moyenne les récoltes de 79 %. Et jusqu’à 128 % en Afrique.

HÔTELLERIE

UN RADISSON À ABIDJAN Certains l’appellent le Yérim Sow malien. Moins connu que le golden boy sénégalais qui a tant contribué au développement du Radisson Blu Dakar, le Malien Cessé Komé vient pourtant de prendre une longueur d’avance dans le développement régional de l’enseigne hôtelière. Il vient en effet d’annoncer le doublement de la capacité d’accueil (soit plus de 140 chambres) du Radisson Blu Bamako, inauguré il y a deux ans. Ce qu’il n’a pas dit, c’est que, d’ici à trois ans, Abidjan aura également, grâce à lui, son Radisson Blu, d’une capacité d’environ 150 chambres. Le terrain a été trouvé, tout près de l’aéroport. Et c’est le groupe Afreximbank, dont le siège est en Égypte, qui prend en charge le financement.

CÔTE D’IVOIRE RAINCOURT ET LES PATRONS FRANÇAIS

WITT/SIPA

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Henri de Raincourt, le ministre français chargé de la Coopération.

« L’ENTREPRISE PRIVÉE sert aussi l’intérêt supérieur de notre pays », a déclaré Henri de Raincourt, le ministre français chargé de la Coopération, lors d’une rencontre à Paris avec les dirigeants du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian), le 2 mars. Pour certains patrons présents, ces propos pleins de doigté résonnent comme un nouvel appel en direction des entreprises tricolores présentes en Côte d’Ivoire, qui représentent à elles seules près de 40 % des recettes de l’État. En janvier, Paris leur avait demandé avec insistance de s’aligner sur la position officielle. En clair : couper les vivres à Gbagbo. La réponse avait été négative : « On n’a pas à faire de la politique et nous ne payons pas nos impôts à Gbagbo ou à Ouattara, mais au Trésor public », explique un patron, qui estime que la question ne se pose plus puisque l’activité économique est quasi à l’arrêt et que les banques sont fermées. Du côté du ministère, on rappelle toutefois que les sanctions européennes doivent être appliquées par tous. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


RÉSULTATS AU 31 décembre Un groupe financier africain au service du développement Le Conseil d’Administration d’Attijariwafa bank s’est réuni le 24 février 2011, sous la présidence de M. Mohamed El Kettani pour examiner l’activité et arrêter les comptes au 31décembre 2010.

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36,7 milliards de dollars (+5,6%) 3,4 milliards de dollars (+13,1%) 1,8 milliards de dollars (+12,6%)* 568,4 millions de dollars (+15,4%)* 491,5 millions de dollars (+18,2%)* 2 088 agences (+261 agences) 4,6 millions 13 314 collaborateurs

› Total bilan consolidé : › Fonds propres consolidés : › PNB consolidé : › Résultat net consolidé : › Résultat net part du groupe : › Total réseau : › Nombre de clients : › Effectif total : * En pro-forma et hors plus-value 2009

Une captation optimisée de l’épargne **

Une contribution active au financement de l’économie**

Un acteur de premier plan, au service de la bancarisation**

Épargne totale collectée (USD Mrds)

Crédits totaux distribués (USD Mrds)

Nombre total d'agences

déc-09

déc-10

Répartition géographique de l’épargne collectée à fin déc 2010

déc-10

déc-09

Répartition géographique des crédits distribués à fin déc 2010 CEMAC 1,5% UEMOA Autres 6,7% 0,6% Tunisie 7,5%

CEMAC UEMOA 2,5% Autres 6,3% 0,5% Tunisie 6,9%

Maroc 83,7%

Marché des Capitaux Volume Change et Obligataire 172,6 milliards de dollars

+14,3%

+9,5%

+19,0

+6,9%

+17,6

déc-09

2088

1827

26,3

24,0

+261

32,8

30,7

Intermédiation Boursière déc-10

Répartition géographique du réseau de distribution à fin déc 2010

UEMOA 257 Tunisie 169

Volume Marché Central 3,6 milliards de dollars Part de marché 29% Gestion d’Actifs Encours d’Actifs sous Gestion 7,5 milliards de dollars Part de marché 28%

CEMAC Autres 14 58

Maroc 83,6%

Une dynamique affirmée dans la Banque d’Investissement et les activités de marché

Maroc 1590

Conservation de Titres Encours d’Actifs en Conservation 52,5 milliards de dollars Part de marché 39%

** Dans les régions Maghreb, Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA : Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) et Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC : Cameroun, Congo Brazzaville, Gabon, Guinée Équatoriale, République Centrafricaine, Tchad). Épargne collectée et crédits distribués par les réseaux bancaires, l'Assurance, et les établissements financiers spécialisés dans l'ensemble des pays.

Engagé dans le déploiement de sa stratégie dans le cadre du plan « Attijariwafa 2012 », le groupe Attijariwafabank réalise en 2010 des performances satisfaisantes, consolidant sa position en tant que leader en Afrique.

Le résultat net consolidé du groupe ressort à 568,4 milliions de dollars, en amélioration de 3,3% comparativement à l’année 2009 (+15,4% en pro-forma et hors plus-value). Le résultat net part du groupe s’inscrit en hausse de 4,1% à 491,5 millions de dollars (+18,2% à périmètre constant et hors plus-value).

Soutenu par la performance des différents métiers du groupe, le PNB consolidé affiche une progression de 10,7% à 1,8 milliards de dollars partant d'une base 2009 comportant des plus-values exceptionnelles suite à un changement significatif du périmètre de consolidation. Retraitée de ces éléments, la progression s'élève à 12,6%.

Attijariwafa bank assure pleinement son rôle d’acteur financier de référence en Afrique, s’appuyant sur une démarche adaptée à toutes les cibles de clientèle, dans une logique de responsabilité sociale.

Des réalisations confirmant la solidité du groupe

Le résultat brut d’exploitation enregistre une amélioration de 5,0% à 1,0 milliards de dollars (+17,9% à périmètre constant et hors plus-value). Pour leur part, les charges générales d’exploitation augmentent de 6,4% en pro-forma, situant le coefficient d’exploitation à 43,8%. Le coût du risque reste modéré à 0,58% et le taux de contentialité baisse de 0,1 point à 5,3%.

Une dynamique de développement au service de nos clients et partenaires

Le groupe dans la diversité de ses métiers, a poursuivi sa stratégie, innovant en permanence et investissant sans cesse de nouveaux créneaux au profit du plus grand nombre de clients (populations à revenus modestes, classes moyennes, clients fortunés, TPE, PME et grandes entreprises) et en diversifiant sa présence géographique l’étendant à 22 pays.

Attijariwafa bank s’est investie également dans la consolidation de sa stratégie de développement à l’international, notamment à travers le lancement des projets d’intégration des quatre filiales sub-sahariennes récemment acquises, la prise de contrôle de BNP Paribas – Mauritanie et le démarrage de l'activité bancaire au Burkina Faso. Le groupe engage l’exercice 2011 avec détermination et s’est fixé des objectifs de création de valeur en ligne avec son plan de développement stratégique et visant à concilier performance économique et progrès social. Le Conseil d’Administration s’est félicité des réalisations d’Attijariwafa bank au titre de l’année 2010 et a salué l’implication des équipes de toutes les entités du groupe. Le Conseil d’Administration a par ailleurs décidé de convoquer l’assemblée générale ordinaire le 27 avril 2011, pour soumettre à son approbation les comptes du groupe au 31 décembre 2010 et lui proposer la distribution d’un dividende de 8 dirhams par action soit une progression de 33,3 %. Le Conseil d’Administration Casablanca, le 24 février 2011

Attijariwafa bank, au service d’une Afrique qui avance


CONFIDENTIEL

CULTURE & SOCIÉTÉ

SONDAGE

TÉLÉVISION BOKASSA EN MAJESTÉ LE 31 MARS, la chaîne de télévision française Planète consacrera une soirée à Jean-Bedel Bokassa, l’ancien chef de l’État centrafricain. En première partie (20h40): un documentaire de cinquante-deux minutes (Bokassa Ier, empereur de Françafrique) réalisé par Emmanuel Blanchard reviendra sur l’organisation par la France de la cérémonie du sacre, le 4 décembre 1977, à partir d’images inédites conservées depuis plus de trente ans dans les coffres des Archives de la Défense (celles montrant l’entraînement rocambolesque des cavaliers centrafricains aux Haras nationaux du Pin, en Normandie, valent le déplacement). Le film propose également une série de témoignages exclusifs, comme ceux de Jean-Pierre Dupont, l’homme d’affaires et barbouze qui organisa le financement du sacre; Robert Galley, l’ancien ministre français de la Coopération; Ange-Félix Patassé, le Premier ministre centrafricain de l’époque ; ou Henri Maïdou, son successeur. En seconde partie de soirée (21 h 35) : un film de trente minutes tourné par le service audiovisuel des armées à la demande de Valéry Giscard d’Estaing, qui en fit le cadeau à Bokassa. Son titre : Le Couronnement de Sa Majesté impériale Bokassa Ier, empereur de Centrafrique.

ARTS PLASTIQUES TOGUO S’ATTAQUE À LA CÉRAMIQUE

CITÉ DE LA CÉRAMIQUE/GÉRARD JONCA

12

Le plasticien camerounais Barthélémy Toguo aime se trouver là où on ne l’attend pas : du 30 mars au 3 avril, il exposera au Pavillon des ar ts et du design (dans le jardin des Tuileries, à Paris) des œuvres réalisés sur… de Vases du plasticien Barthélémy Toguo. grands vases blancs. Cité de la céramique, la ville de Sèvres est connue pour accueillir dans ses ateliers des artistes contemporains. En ouvrant ses portes à Toguo, elle lui a permis de travailler sur une série de dix vases Charpin n o 2 (50 cm de hauteur, 25 cm de diamètre) longs et épurés. Il y a peint d’énormes mains, avec cette couleur ocre rouge qui a fait sa renommée. L’œuvre est intitulée The Giving Person at the Holy Ghost’s Place.

MUSIQUE LE RETOUR DE RAY Plus de trois ans après Paradox, le chanteur et pianiste congolais Ray Lema sortira le 11 mai un nouvel album produit par One Drop et intitulé 99 (le nombre que l’administration française attribue à toute personne née à l’étranger). Comme à son habitude, il s’y montre éclectique : rythmes traditionnels kasaïens, jazz, rumba, reggae, rock… Sur plusieurs morceaux, il chante en duo avec des artistes comme le Brésilien Chico César ou la Française Anouk Khelifa.

QUE REGARDENT LES TUNISIENS ? Quelles sont les chaînes de télévision préférées des Tunisiens depuis la chute de Ben Ali ? Au mois de février, l’agence Sigma C on s eil a mené auprès d’un échantillon de 7 848 personnes âgées d’au moins 10 ans une enquête destinée à mesurer l’audience moyenne quotidienne de ces chaînes. C ’e s t A l -Wat aniya ( pu blique) qui arrive en tête (43,3 % de taux d’audience), loin devant ses concurrentes privées, Hannibal TV (2e avec 23,9 %) et Nessma (4 e avec 10,9 %). La qatarie Al-Jazira, qui dispose de moyens humains et financiers très supérieurs à ses rivales, n’est que 3 e (12,2 %). France 24 en arabe occupe une peu reluisante 7e place (4,8 %). THÉÂTRE

KWAHULÉ À SAINT-DENIS Du 20 au 22 mai, le Centre dramatique national de Saint-Denis (Théâtre Gérard-Philipe), près de Paris, consacrera un weekend à l ’œ uvre de Kof f i Kwahulé. Au programme : lectures, mises en scène, exposition… L’occasion de revenir en détail sur l’œuvre de l’écrivain ivoirien : de P’tite Souillure (tragicomédie sur la déchirure d’une famille) à Jaz (mon o l o g u e s ur l e m o n d e urbain), en passant par Misterio-119 (sur l’univers carcéral), Adèle (témoignage d’une femme aux désirs ex travagants) et quelques autres.

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LES DERNIÈRES NOUVELLES DU MONDE

PATRICK ROBERT

14 FOCUS

TUNISIE

TERMINUS RAS EL‒ Égyptiens, Chinois, Turcs... Fuyant la répression en Libye, ils sʼentassent par dizaines de milliers dans un camp du Sud tunisien. Soupçonnés par les insurgés dʼêtre à la solde de Kaddafi, les Subsahariens, eux, sont bloqués de lʼautre côté de la frontière. Comment rapatrier les uns et les autres ?

FRIDA DAHMANI, envoyée spéciale

A

u bord de l’unique route qui mène à Ras el-Jdir, poste-frontière entre la Tunisie et la Libye, Nadhir, un gros cabas en plas tique à ses pieds, agite désespérément une pancarte où l’on peut lire : « Je veux rentrer en Égypte. » La veille, le 2 mars, il a franchi la frontière comme les 90 000 autres réfugiés – parmi lesquels 38000 Égyptiens, mais aussi des Chinois, des Turcs, des Vietnamiens, des Bangladais… – qui ont fui la Libye depuis le 21 février. Indifférent à la confusion indescriptible qui règne

autour de lui, Nadhir raconte son exode : « J’étais cuisinier à Tripoli, et sans mes voisins, à l’heure qu’il est je serais mort. Kaddafi a accusé les Égyptiens et les Tunisiens d’être des fauteurs de troubles et a fait de nous des cibles vivantes. Pendant trois jours, je me suis terré chez moi. Les étrangers étaient pourchassés sans discernement par la police. Malgré les émeutes et les représailles violentes, mes voisins m’ont aidé et, dès que j’ai pu, je suis parti avec un petit groupe. À la sortie de Tripoli, des braqueurs nous ont volé nos bagages et notre argent. On a sauvé notre peau, mais

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FOCUS 15 ports ne sont même plus visés. Une foule immense se bouscule pour franchir les barrières, qui restent désormais levées, tandis que des militaires l’exhortent au calme et tentent de la canaliser. On n’y distingue que de rares familles et aucun Subsaharien, mais des cohortes d’hommes plutôt jeunes, épuisés et sans un sou. Ils sont aussitôt dirigés vers l’imposant campement de toile que l’armée a monté à une dizaine de kilomètres de là. Unités de soins, hôpital et cuisines de campagne, stocks de denrées alimentaires, tout a été mis en œuvre pour faire face aux premiers besoins. L’ARMÉE À LA MANŒUVRE

‒JDIR qui sait si on récupérera un jour notre bien. Six ans de ma vie sont dans ce sac, je n’ai plus rien. » À quelques détails près, partout à Ras el-Jdir c’est le même récit qui revient: celui d’une répression insensée et brutale, suivie d’un sauve-qui-peut général. ÉPUISÉS ET SANS LE SOU

Au b e au milie u d ’un e s te p p e désolée, Ras el-Jdir était, jusqu’au 20 février, la principale zone de transit entre les deux pays. Depuis, c’est le point de chute de tous ceux qui fuient la Libye de Kaddafi après que ce dernier a promis de se battre jusqu’à sa « dernière goutte de sang ». Au postefrontière, l’afflux est tel que les passe-

Depuis une dizaine de jours, les Tunisiens se sont mobilisés pour acheminer le maximum de secours, tandis que des équipes de volontaires offraient leur aide à l’armée. Dès l’arrivée des premiers contingents de rescapés, cette dernière a assuré l’accueil des réfugiés, avec le soutien d’asDepuis la fin sociations et d’ONG, de février, dont le Croissantquelque 90000 personnes Rouge tunisien, la ont franchi protection civile, le la frontière Comité international tunisienne de la Croix-Rouge (ici, le 1er mars). et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Des campements supplémentaires ont été installés à Gabès et à Djerba, et de nombreuses infrastructures d’hébergement (hôtels, maisons de jeunes, lycées) ont été réquisitionnées. « Nous avons mis en place toute une logistique. Elle commence par un contrôle d’identité et par une visite médicale systématiques. Nous nous assurons ensuite que les gens peuvent manger, car ils sont très affaiblis. Et nous procédons à une veille sanitaire rigoureuse, car il est essentiel d’éviter les épidémies », précise le général Mohamed Soussi, responsable de l’organisation du camp. Malgré le nombre considérable de réfugiés – 90 000 le 3 mars, sans compter les 10 000 personnes qui attendaient, juste derrière la frontière –, on n’est pas pour le moment confronté à ce que les ONG qualifient de crise humanitaire. La Tunisie fait face aux premières mesures d’urgence. Si elle parvient à reconduire ses propres ressortissants chez eux,

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elle ne peut en revanche assurer l’évacuation des étrangers vers leurs pays d’origine. Le long de la route, une file interminable de bus et de camions attend d’embarquer des réfugiés à destination des villes les plus proches. À l’aéroport de Djerba, dans les ports de Zarzis, Gabès et Sfax, les Européens, les Turcs et les Chinois sont rapatriés avec l’assistance de leurs gouvernements, tandis que, pour les Égyptiens, le pont aérien entre Djerba et Le Caire n’a été mis en place que le 3 mars. Pour les autres, la situation est nettement plus compliquée. Il n’empêche : à Ras el-Jdir, la tension monte. Aux portes du désert, il fait froid et il pleut. Les réfugiés se calfeutrent sous les tentes. Blottis dans des couvertures, les Égyptiens, fatalistes, bavardent et font du thé. Côté libyen, les forces loyales à Kaddafi sont réapparues de l’autre côté de la frontière, et le drapeau des insurgés a été remplacé par l’étendard vert de la Jamahiriya. PETITS MALINS

Rafik, un Tunisien qui arrive de Misratah (à 210 km à l’est de Tripoli), signale que la situation des Subsahariens est dramatique et qu’on les empêche de franchir la frontière. « Ce sont ceux qui ont le plus peur en ce moment », confirme Melissa Fleming, porte-parole du HCR. D’après les messages que certains ont pu envoyer, ils sont attaqués par des insurgés libyens, qui les prennent pour des mercenaires de Kaddafi. « Nous craignons que le racisme y soit aussi pour quelque chose », s’inquiète Fleming, en appelant à ce que « toutes les frontières soient ouvertes d’une manière non discriminatoire pour quiconque cherche à fuir ». Pour la Tunisie, la situation à Ras el-Jdir pose un sérieux problème de sécurité nationale : toujours sous le régime de l’état d’urgence, le pays est en proie à des tentatives de déstabilisation qui requièrent la présence de l’armée. Les petits malins, eux, n’ont pas perdu le sens des affaires : si aux abords de Ben Guerdane plus personne n’agite, comme il y a quelques semaines, des liasses de billets pour faire le change, des camions libyens chargés de marchandises profitent de la confusion pour passer la frontière sans contrôle et décharger leur cargaison sur le marché de la ville. ■


16 FOCUS CONFIDENCES DE…

Maite Nkoana-Mashabane Chef de la diplomatie sud-africaine

À

JEUNE AFRIQUE: Pourquoi cette visite en France? MAITE NKOANA-MASHABANE: Parce que le président français a invité le président Zuma, tout simplement. Et parce que la France est un partenaire stratégique. Nous entretenons d’excellentes relations commerciales, il y a plus de cent vingt entreprises françaises en Afrique du Sud, et nous parlons d’une même voix sur la question de la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU. Mais vous n’êtes pas sur la même longueur d’onde sur le dossier ivoirien… Pour autant que je sache, la Côte d’Ivoire se trouve en Afrique de l’Ouest. Sur le continent, nous gérons nos problèmes à travers nos blocs régionaux. La crise ivoirienne est suivie par la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, NDLR]. L’Afrique du Sud, elle, appartient à la SADC [Communauté de développement de l’Afrique australe, NDLR].

VINCENT FOURNIER/J.A.

l’occasion de la toute première visite officielle de Jacob Zuma à Paris, les 2 et 3 mars, Nicolas Sarkozy, heureux de démontrer qu’il entretient des liens hors du traditionnel pré carré francophone, a reçu son homologue sud-africain avec les honneurs. Paris et Pretoria sont pourtant loin d’être d’accord sur tout. Et ce sont sur les dossiers diplomatiques, davantage que sur les questions économiques, que les divergences apparaissent. Revue de détail avec la ministre sud-africaine des Affaires étrangères.

envoyer un panel de présidents. Le simple fait que l’UA soit sollicitée montre qu’il y a un problème. Lors du dernier sommet de l’UA, des dissensions sont apparues entre l’Afrique du Sud et le Nigeria, précisément sur le dossier ivoirien… Je ne sais rien de tout cela. Ce que je sais, c’est que j’ai été envoyée au Nigeria par le président Zuma dès le 4 janvier. Qu’auparavant, il y avait eu plusieurs conversations téléphoniques entre les présidents Zuma et Goodluck Jonathan. Que pendant le sommet de l’UA, ils se sont parlé plusieurs fois. Et que quand je suis moi-même allée en Côte d’Ivoire pour préparer la visite du panel, j’ai facilité une conversation téléphonique entre eux. Voilà ce que je sais.

« Si les résultats de la présidentielle ivoirienne allaient de soi, l’UA n’aurait pas été saisie. »

Le président Zuma est pourtant membre du panel de chefs d’État mandaté par l’Union africaine (UA) pour trouver une solution à la crise. Au sein de l’UA, c’est le Conseil Paix et Sécurité qui s’occupe du dossier ivoirien. L’Afrique du Sud en est membre. Il fallait choisir cinq chefs d’État pour représenter chacune des cinq régions du continent, et c’est comme cela que Jacob Zuma s’est retrouvé dans le panel.

Vous avez affirmé que les résultats de l’élection présidentielle qui donnent la victoire à Alassane Ouattara et qui ont été reconnus par la majeure partie de la communauté internationale n’étaient « pas concluants ». Comprenezvous que cela puisse être perçu comme favorable à Laurent Gbagbo? Si les résultats étaient aussi évidents, la Cedeao n’aurait pas fait appel à l’UA. Il y a eu une élection en Ouganda, à la mi-février. Il me semble que le scrutin s’est bien passé, que les résultats ont été annoncés et qu’on n’a rien demandé à l’UA, ni qu’il n’a jamais été question d’y

L’UA manque-t-elle de fermeté à l’égard du colonel Kaddafi, au regard de la gravité de ce qui se passe en Libye? Nous avons dit qu’un tel usage de la force était disproportionné. Jamais, en Afrique, on avait eu, comme ça, mille manifestants tués en moins de dix jours. Ne fallait-il pas aller plus loin et, comme la Ligue arabe, suspendre la Libye? L’UA à l’habitude de travailler étape par étape. Avant de suspendre un pays, on envoie une mission sur place. Il ne faut pas oublier que l’UA fait de bonnes choses. C’est l’une des rares institutions où l’on n’autorise pas l’auteur d’un coup d’État à siéger. Où l’on n’accepte pas non plus des dirigeants de transition, qui pourraient se sentir un peu trop à leur aise et être tentés de rester. ■ Propos recueillis à Paris par ANNE KAPPÈS-GRANGÉ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


PAN KANJUN/AFP

17

POMPE FUNÈBRE

ARRÊT SUR IMAGE

Rien n’est trop luxueux pour les nouveaux riches chinois. À l’occasion des funérailles de sa mère, le 4 mars, un entrepreneur de Wenling, une ville de la province du Zhejiang (Est), a vu les choses en grand. Neuf limousines, un orchestre de mille musiciens, seize salves de canon, des milliers de fleurs blanches… Le tout pour 329000 euros. Depuis quelques années, ces extravagances sont à la mode, en Chine, dans l’espoir peut-être un peu futile que la mémoire des défunts restera gravée dans les mémoires.

PARTAGE DES EAUX DU NIL Sans lʼaval de lʼÉgypte UN DÉBIT MOYEN de 2 830 m 3 / s, une longueur de 6 650 km… C’est le Nil, qui prend à la fois sa source autour du lac Victoria et, surtout, sur les hauts plateaux éthiopiens, puis se jette dans la Méditerranée. Nul ne l’ignore, l’eau est une ressource géostratégique essentielle, tant pour l’irrigation que pour la production d’énergie. Le 28 février, le Burundi est devenu le sixième pays riverain à signer un accord sur le partage des eaux du Nil, après l’Éthiopie, le Rwanda, la Tanzanie, l’Ouganda et le Kenya. Cet accord devrait in fine déposséder l’Égypte de son droit de veto sur les projets des États situés en amont, qu’elle avait acquis en 1929 en vertu d’un traité négocié par le Royaume-Uni. La signature du Burundi permet désormais aux Parlements nationaux de ratifier un accord-cadre, débouchant sur la création d’une Commission du bassin du Nil. Elle signe l’arrêt de mort d’un autre traité, datant de 1959, par lequel le Soudan et l’Égypte se garantissaient un accès à 90 % des eaux du fleuve. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

Pour les pays situés en amont, ces traités antérieurs aux indépendances n’étaient plus acceptables compte tenu des besoins des populations et des changements climatiques. Parmi les projets en cours, un barrage hydroélectrique d’une capacité de 60 à 80 MW, et situé à Rusumo Falls, sur la Kagera, doit alimenter en électricité le Rwanda, la Tanzanie et le Burundi. En cours depuis une dizaine d’années, les négociations étaient vues d’un très mauvais œil par Le Caire. D’après des câbles confidentiels rédigés par des diplomates américains et révélés par WikiLeaks, le gouvernement Moubarak considérait que « la création d’un système remettant en cause ce quota [de 90 %] constituerait une menace mortelle ». Une rencontre entre les différentes parties était prévue en janvier; elle a été repoussée à la fin de mars, en raison des événements en Égypte. Une fois mise en place, la Commission du bassin du Nil disposera de six mois pour régler la question du partage des eaux, en prenant en compte la naissance d’un NICOLAS MICHEL nouvel État en amont: le Sud-Soudan. ■


18 FOCUS

À L’AVANT-VEILLE du premier tour de l’élection présidentielle du 6 mars, les Béninois étaient toujours dans l’incertitude. À l’heure où nous mettions sous presse, le Conseil des ministres n’avait pas encore officiellement confirmé le plus que probable report du scrutin, initialement prévu le 27 février. Ces contretemps et ce sentiment d’improvisation témoignent d’une inquiétante crispation autour de la liste électorale permanente informatisée, la Lepi. À l’issue d’un chaotique processus de recensement, à peine 3,5 millions de Béninois se sont retrouvés inscrits, contre 4,2 millions lors de la précédente présidentielle de 2006. Surprenant, dans un pays qui connaît une croissance démographique annuelle de 3,2 %. Et ce d’autant plus que l’on découvre que la partie septentrionale du pays – favorable à Boni Yayi, le président sortant – a vu son poids électoral augmenter alors que l’agglomération portuaire de Cotonou est de loin le plus gros bassin de population. Tripatouillages politiques ? Anomalies techniques ? Quoi qu’il en soit, une révision de cette liste était devenue inévitable si le Bénin voulait s’épargner de vives contestations à l’issue du scrutin. Les deux anciens présidents, Émile Derlin Zinsou et Nicéphore Soglo, l’Union africaine, les Nations unies et la Communauté économique des États de l’Afrique de

VINCENT FOURNIER/J.A.

BÉNIN Présidentielle à suspense

L’opposant Adrien Houngbédji, à Paris, en octobre 2010.

l’Ouest (Cedeao) demandaient unanimement ce report. Boni Yayi pouvait difficilement rester sourd à ces appels. Les députés de la mouvance présidentielle ont d’ailleurs voté, le 3 mars, la loi autorisant la révision de la Lepi. « Nous voulons un audit indépendant de cette liste, et l’enregistrement de tous les électeurs manquants. C’est techniquement possible. De quoi le pouvoir a-t-il peur ? » lance Adrien Houngbédji, le principal candidat de l’opposition. « On finira bien par savoir ce que veut vraiment l’opposition », rétorque non sans raison un proche du chef de l’État. Il est vrai qu’en demandant discrètement à leurs partisans

de boycotter le recensement, certains barons sudistes ont oscillé entre habiles manœuvres dilatoires et obstruction franche. Voulaient-ils saboter la Lepi pour revenir à l’ancien système des listes manuelles, qui offrait de belles possibilités pour de petits arrangements? Il n’est pas interdit de se poser la question. Mais il n’est pas inutile, non plus, de demander des comptes aux agents recenseurs et aux informaticiens qui ont travaillé sur ce qui devait constituer une parade absolue contre la fraude. Au Bénin, les turpitudes sont une vertu communément partagée. ■ PHILIPPE PERDRIX

MADAGASCAR TGV blindé contre la bombe TOUT VA TRÈS VITE avec Andry Rajoelina (alias TGV), y compris ses cortèges. C’est peut-être ce qui l’a sauvé, au soir du 3 mars. Alors qu’il regagnait son domicile, le président de la Haute Autorité de la transition (HAT) aurait échappé de peu à un attentat. Il est aux alentours de 19 h 30 lorsque la Mercedes qui les transporte lui et son aide de camp, et qui s’était engagée sur une voie rapide d’Antananarivo, la capitale, est soufflée par une explosion à proximité d’un ralentisseur. L’arrière de la berline blindée est soulevé, mais le véhicule parvient à poursuivre sa route. Camille Vital, le Premier ministre, croit en la thèse d’un attentat. Des membres de la HAT y voient l’œuvre de l’opposition. La nouvelle réveille de vieux souvenirs dans la capitale. En juillet 2009, lorsque la tension était à son comble après la fuite de Marc Ravalomanana, plusieurs bombes artisanales avaient explosé dans des lieux publics de

Tana. La HAT avait accusé l’opposition d’avoir commandité ces attentats. Cet incident coïncide avec un regain de tension. Alors qu’en janvier les différentes mouvances semblaient proches d’un accord, elles sont aujourd’hui revenues au point de départ. Le 2 mars, la majorité de la classe politique s’est entendue sur une feuille de route de sortie de crise favorable à Rajoelina, qui prévoit le couplage des élections présidentielle et législatives en septembre. Dans le même temps, les trois mouvances des anciens présidents (Ratsiraka, Ravalomanana et Zafy) ont appelé, dans une déclaration au ton martial, à la mise en place d’une nouvelle transition sans Rajoelina. À l’approche de l’anniversaire de sa prise de pouvoir, le 17 mars 2009, les opposants rappellent qu’à l’origine la transition ne devait pas durer plus de deux ans. ■ RÉMI CARAYOL J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


FOCUS 19

GUINÉE

ILS ONT DIT

DEPUIS QUELQUES SEMAINES, les milliardaires se bousculent à Conakry. Après Aliko Dangote, le magnat nigérian de la construction, à la mi-février, c’était au tour de George Soros, le richissime financier-philanthrope américain, de faire le déplacement dans la capitale guinéenne à la fin du même mois. « Alpha Condé m’avait contacté l’année dernière car il avait entendu parler des programmes de l’Open Society [la fondation de Soros, NDLR] destinés à améliorer l’exploitation pétrolière et minière dans les pays de l’ex-URSS. Il souhaitait s’en inspirer pour son programme électoral. Je n’avais pas voulu venir à Conakry pendant la campagne, mais je lui avais promis que, s’il était élu président, je lui rendrais visite », a-t-il expliqué le 3 mars, à Paris, lors du sommet annuel de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). L’octogénaire d’origine hongroise est visiblement enchanté de son séjour : « J’ai discuté avec le président guinéen sur la manière de préparer le nouveau code minier prévu pour cette année, ainsi que de la révision des contrats, qu’il compte bientôt mettre en œuvre », a-t-il indiqué. Pour cette opération qui s’annonce délicate, en particulier pour l’anglo-australien Rio Tinto et le russe Rusal, deux géants du secteur en conflit avec les autorités, Soros a mis Alpha Condé en contact avec l’International Senior Law yers Project, un groupe de juristes de haut niveau qui font bénéficier des États en voie de développement de leur expertise dans les négociations contractuelles avec les multinationales. Enfin, l’Américain a annoncé qu’il allait, en association avec C a n a d i a n E n e r g y, m o b i l i s e r 25,2 millions d’euros pour améliorer l’approvisionnement électrique du pays. ■ CHRISTOPHE LE BEC J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

ANITA CORTHIER

« Je serais un lâche si je condamnais celui qui a été mon ami. » HUGO CHÁVEZ Président du Venezuela (à propos de Kaddafi)

« En tant que citoyenne belge, je n’ai pas le droit de dire aux Marocains de se révolter. Ça reviendrait à dire aux Français de se révolter contre Sarkozy. »

FADILA LAANAN Ministre de la Culture de la communauté française de Belgique

« Le plus grand cadeau que Moubarak nous a fait, c’est de ne pas avoir démissionné le premier jour. En s’accrochant dix-huit jours au pouvoir, il a permis au peuple égyptien de se redéfinir. » YOUSRY NASRALLAH Cinéaste égyptien

«

Je préfère les femmes qui portent le voile avec le cœur, pas avec la peur. Comme ma grand-mère, très discrète. » BIYOUNA Actrice et chanteuse algérienne

LE DESSIN DE LA SEMAINE KICHK A • ISRAEL CHANNEL 1 (Israël)

THE NEW YORK TIMES SYNDICATION

Après Dangote, Soros

LES MILLE ET UN VISAGES DE MICHELLE OBAMA


Spectacle d’ouverture le 26 février, au stade du 4-Août, à Ouagadougou.

CINÉMA

On ne fespacoʼmme dʼhabitude QUE SERAIT LE FESTIVAL de Cannes sans la Croisette? La Mostra de Venise sans le Lido ? Une brouille entre les organisateurs du Fespaco et la nouvelle direction de l’hôtel Indépendance de Ouagadougou, passé depuis quelques années dans le giron de la chaîne Azalaï, a privé la célèbre biennale de son centre névralgique. Quelques irréductibles, comme les réalisateurs Mahamat-Saleh Haroun ou Souleymane Cissé, ont décidé de continuer à se loger dans ce lieu mythique, qui servait depuis quatre décennies de QG aux cinéastes et aux professionnels présents au festival. Et quelques réunions y sont encore organisées. Mais fini le temps où les festivaliers faisaient et refaisaient jusqu’à pas d’heure la planète africaine du septième art autour de la piscine. Plus triste encore : la chambre n° 1, occupée lors de tous les Fespaco par le « doyen » Sembène Ousmane, et qui devait rester au moins durant chaque festival un petit musée à sa gloire, est vite redevenue, après un hommage organisé par les autorités sénégalaises, qui l’avaient louée pour quarante-huit heures, une pièce parmi d’autres, attribuable à n’importe quel touriste de passage. L’ambiance chaleureuse a aussi été un peu assombrie, cette année, par une actualité omniprésente – les

turbulences dans le monde arabe, la situation en Côte d’Ivoire. Mais le programme a permis de faire le point sur l’état du cinéma africain. L’occasion, hélas, de vérifier que la crise que traverse depuis une dizaine d’années la production de fictions dignes de ce nom et le démantèlement du circuit des salles sur le continent ne sont pas sans effet. HUMOUR DÉCAPANT

À côté de quelques films d’envergure internationale déjà consacrés dans d’autres manifestations – Un homme qui crie, du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, Sheherazade, de l’Égyptien Yousry Nasrallah, ou La Mosquée, du Marocain Daoud Aoulad-Syad –, on a vu parmi les prétendants à l’Étalon de Yennenga plusieurs longs-métrages décevants. À commencer par Un pas en avant, une charge contre la corruption débordant de bons sentiments. Peu de découvertes, aussi, même si plusieurs comédies comme Le Mec idéal, de l’Ivoirien Owell Brown (qui montre avec un humour décapant comment une jeune femme moderne et esseulée rencontre l’homme de sa vie), ou La Place, de l’Algérien Dahmane Ouzid (la crise du logement à Alger racontée sous forme de comédie musicale), ont ravi à juste titre le public.

Plusieurs cinéastes ont tout de même prouvé qu’ils manquaient p eut- ê tre de moyens, mais pas d’ambition. On peut citer la tentative courageuse du Burkinabè Missa Hébié d’adapter En attendant le vote des bêtes sauvages, d’Ahmadou Kourouma. Ou celle du Marocain Mohamed Mouf takir, mêlant hardiment fantastique, drame psychologique et suspense pour proposer avec Pégase un long-métrage inégal mais peu banal, avec des images fortes et des interprètes habités par leur rôle. Le constat est plus rassurant du côté des documentaires, où l’on voit des talents s’affirmer. Comme l’Égyptienne Iman Kamel, avec Beit Sha’ar : un e f e mm e é man c ip é e retourne dans sa tribu de Bédouins du Sinaï ; le Béninois Idrissou MoraKpai avec Indochine : un métis afroasiatique part au Vietnam, caméra au poing, sur les traces de sa mère et de son père, soldat dans l’armée coloniale ; ou le Sud-Africain Suleman Ramadan – révélé il y a sept ans par Zulu Love Letter – avec Zwelidumile, un por trait du peintre et sculpteur Dumile, militant de l’ANC exilé aux États-Unis à l’époque de l’apartheid. ■ RENAUD DE ROCHEBRUNE,

envoyé spécial à Ouagadougou

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ANTOINE TEMPÉ

20 FOCUS


FOCUS 21 EN HAUSSE

ÉDITION Michael Jackson

Condamné en 2008 à douze ans de prison pour « atteinte à la sécurité extérieure de l’État », l’ex-numéro deux de l’armée de l’air marocaine a été libéré le 2 mars. Âgé de 73 ans, le colonel a bénéficié de la grâce royale.

JUSTINE SPIEGEL

* Éditions Guy Trédaniel-Frison Roche-GM Santé. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

NELLY FURTADO

FRED PROUSER/REUTERS

Elle n’est certes pas la seule star à avoir reçu de l’argent pour s’être produite devant le clan Kaddafi. Mais la chanteuse canadienne le jure: elle reversera le million de dollars perçu en 2007 à des œuvres de charité.

ESSAM CHARAF

D.R.

Très populaire parmi les manifestants, l’ancien ministre égyptien des Transports a été nommé Premier ministre le 3 mars par le Conseil suprême des forces armées, en remplacement d’Ahmed Chafiq, démissionnaire.

JOHN GALLIANO JACQUES BRINON/AP/SIPA

La maison Dior a décidé de licencier son directeur artistique après la diffusion d’une vidéo dans laquelle, en état d’ébriété, il agonit les clients d’un café d’insultes antisémites. Il sera jugé à Paris pour injures raciales.

TOBIAS SCHWARZ/REUTERS

KARL-THEODOR ZU GUTTENBERG

Accusé d’avoir en partie plagié sa thèse de doctorat en droit, le très médiatique ministre allemand de la Défense a démissionné le 1er mars. À 39 ans, il était considéré comme le dauphin d’Angela Merkel.

JIMMY MANYI

Polémique au sommet de l’État sud-africain: Trevor Manuel, le ministre délégué à la Présidence, reproche au porte-parole du gouvernement d’avoir tenu, il y a un an, des propos injurieux à l’égard des métis.

D.R.

Et si sa voix n’avait jamais mué parce qu’il avait subi une castration chimique ?

D.R.

pop secret !

CERTAINS CONSIDÉRAIENT SA VOIX exceptionnelle comme un don divin. Et si Michael Jackson ne devait sa tessiture si particulière qu’à une castration chimique médicamenteuse, qu’il aurait subie vers l’âge de 12 ans ? Une thèse défendue par Alain Branchereau, professeur de chirurgie vasculaire à l’hôpital de La Timone (Marseille), dans son livre Michael Jackson, le secret d’une voix, à paraître le 9 mars*. « J’ai été très surpris par la vague d’émotion qui a suivi la mort du chanteur, puis j’ai été intrigué par sa voix, confie Branchereau à J.A. Elle était semblable à celle des castrats, mais une mutilation du type de celles qu’on pratiquait au XVIIe siècle n’était pas imaginable. » Lorsqu’un de ses amis lui parle de l’antihormone mâle, un traitement à base de cyprotérone apparu dans les années 1970 et prescrit dans les cas de cancer de la prostate, Branchereau croit avoir percé l’énigme. Après avoir lu nombre de biographies et étudié des centaines de photos du roi de la pop, Branchereau choisit comme point de départ l’acné du chanteur. « Dans ses Mémoires, il avouait en avoir terriblement souffert à l’âge de 12 ans. » Or, à cette époque, il est déjà une bête de scène qui rapporte beaucoup d’argent. « Personne n’avait intérêt à ce que sa voix change. Je suppose que son entourage a trouvé la solution : un médecin a prescrit la cyprotérone, qui allait à la fois le débarrasser de son acné et l’empêcher de muer. » Le produit n’est pas castrateur au sens sexuel du terme, mais, en empêchant l’hormone mâle d’agir, il freine la puberté. S’il avait mué, Jackson aurait dû s’arrêter de chanter quelque temps, ce qui n’a pas été le cas. Vers l’âge de 18 ans, du duvet apparaît sur son visage. Sa voix, elle, n’a pas changé. « C’est l’époque où il se sépare de son père et manifeste son indépendance. On peut supposer qu’il arrête le traitement. Mais son larynx reste celui d’un enfant, car, vu son âge, il ne peut plus augmenter de volume. » Jackson possède alors les mêmes capacités physiques que les castrats de l’opéra baroque. « Il peut couvrir trois octaves, alors que les grands ténors n’en couvrent que deux, et il ne passe jamais en voix de tête. » Branchereau s’est entretenu avec les meilleurs spécialistes – en endocrinologie, dermatologie, chirurgie esthétique… –, qui tous auraient validé son hypothèse. Elle n’en reste pas moins invérifiable. Et, à ce sujet, la famille Jackson est toujours restée… muette. ■

KADDOUR TERHZAZ

EN BAISSE


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KADDAFI

LʼAFRIQUE ENTRE PEUR

Au 33e sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, le 18 janvier 2008 à Ouagadougou. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


L’ÉVÉNEMENT

ET SOULAGEMENT Financement de rébellions, recrutement de mercenaires, déstabilisations politiques et racisme en Libye... Le bilan africain du « Guide » est détestable. Sʼil savait se montrer généreux, il inspirait surtout de la crainte. Une époque bientôt révolue, à la secrète satisfaction de la plupart des dirigeants subsahariens.

FRANÇOIS SOUDAN

GEORGES GOBET/AFP

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e dernier carré des défenseurs de Mouam mar Kaddafi sera-t-il constitué de supplétifs africains, queue de comète d’une légion islamique muée en Waffen-SS d’un régime aux abois ? Cette possibilité ne serait après tout que l’ultime avatar de ce qu’ont toujours représenté aux yeux du dictateur de Tripoli ses frères subsahariens : des « idiots utiles », comme disait Lénine. Tour à tour agents de déstabilisation à l’époque des « États-Unis du Sahel », opposants rétribués entraînés au terrorisme dans les camps du Mathaba, travailleurs immigrés traités comme du bétail et privés de leurs passeports, mercenaires crépusculaires lynchés dans les rues de Benghazi, les Africains n’ont jamais été respectés que dans les discours du « Guide ».

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24 L’ÉVÉNEMENT Devenu panafricaniste par dépit, après l’échec de ses tentatives répétées d’unité arabe, Kaddafi a développé un tropisme tout d’abord sahélien, puis continental, en usant de la déstabilisation et de l’expansionnisme, puis de la corruption financière. Un type de rapport de maître à client qui ne laisse aucune place à la fraternité, à la solidarité et autres billevesées colportées par le Livre vert. Il suffisait pour s’en convaincre d’entendre avec quel mépris les collaborateurs

du colonel chargés des « affaires africaines » parlaient en privé de leurs obligés. Ou d’observer, non sans effarement, les pantalonnades du « roi des rois », dont la vision d’une Afrique des tribus rappelait irrésistiblement les pires clichés des expositions coloniales. Le problème aujourd’hui, c’est que, en rejetant leur dictateur, les révoltés libyens rejettent avec lui une Afrique assimilée à la fois aux lubies dispendieuses d’une révolution dévoyée et à

la source fantasmée de bien des maux qui les touchent. Déjà à l’œuv re, en guise de dérivatif, au cœur des pogroms de 1995, 1996 et 2000, le racisme anti-Noirs frappe désormais de plein fouet une communauté suspecte au regard des insurgés. Ne nous y trompons pas : quand un migrant guinéen de Tobrouk est tabassé à mort au petit matin parce que la foule l’a pris pour un mercenaire, le vrai responsable de son malheur s’appelle Mouammar Kaddafi. ■

Fini le temps de lʼallégeance Le « Guide » sʼétait constitué sur le continent un réseau dʼobligés grâce aux pétrodollars et à sa capacité de nuisance. Certains chefs dʼÉtat attendent sa chute avec impatience. Dʼautres la redoutent...

T

out le monde en convient. Si Mouammar Kaddafi tombe, la Libye va rabattre de ses ambitions en Afrique. Certes, pour le « Guide », le continent n’a été qu’un deuxième choix. Mais au tournant du siècle, après une série d’échecs chez ses « frères » arabes, il s’est tourné vers l’Afrique avec un argument de poids : ses pétrodollars. Sur l’année 2009, la Libyan African Investment Company (Laico) a investi quelque 480 millions de dollars (environ 350 millions d’euros) dans une douzaine de pays subsahariens, essentiellement dans l’hôtellerie et la téléphonie mobile.

va-t-il rester de ce réseau d’allégeance après le départ de Kaddafi ?

FRAGILISÉS

Mais outre ces largesses en espèces sonnantes et trébuchantes, Kaddafi, tel un parrain, s’est aussi constitué sur le continent un réseau mafieux d’obligés tenu par l’argent et la crainte. Le chef de clan est proche de la sortie, mais son ombre plane encore. « On tremble, car un lion blessé est encore plus dangereux. Il suffit que Kaddafi donne 1 million de dollars à un opposant pour déstabiliser un pays. Cela explique la vassalisation, les assauts d’amabilité de certains chefs d’État subsahariens et leur silence aujourd’hui », résume un ministre ouest-africain des Affaires étrangères, qui supplie de ne pas être cité. Que

Idriss Déby Itno. Au Tchad, Kaddafi est un bon investisseur – 90 millions de dollars dans une société de télécoms –, mais surtout un précieux allié du président. En février 2008, au plus fort de la bataille de N’Djamena, deux gros-porteurs libyens ont livré armes et munitions à son armée. Certes, le régime de Déby a d’autres alliés, comme la France. Mais dans la sous-région, la chute éventuelle de Kaddafi va le laisser en tête à tête avec le Soudan. Aujourd’hui, tout va bien entre N’Djamena et Khartoum. Mais demain ? Amadou Toumani Touré. Pour le chef d’État malien aussi, Tripoli est un généreux donateur: 180 millions de dollars dans la riziculture, 120 millions dans la construction d’une cité adminis-

OBAMA, LA SUISSE ET LE TERRORISME UN CÂBLE DIPLOMATIQUE américain de 2009 révélé par WikiLeaks témoigne de la lecture géopolitique à la fois pertinente et intéressée de Kaddafi… et d’un certain grain de folie. En mai 2009, il reçoit le général Ward, à la tête d’Africom (commandement militaire américain dédié à l’Afrique, créé en octobre 2008). L’idée est de favoriser l’africanisation de la sécurité du continent, et Kaddafi propose ce jour-là de créer une sorte de ministère de la Défense panafricain. Il rappelle au général Ward que la présence militaire américaine aurait alimenté les tentations djihadistes et se déclare désormais prêt à coopérer. D’autant que le « Guide » a identifié, affirme-t-il, les deux sources majeures du terrorisme mondial: le wahhabisme et… la Suisse.

À l’époque, le contentieux bilatéral est lourd, depuis que Berne a arrêté le fils Kaddafi, Hannibal, pour maltraitance, en juillet 2008. Mais l’existence en Suisse de comptes bancaires de riches Saoudiens soupçonnés de financer Al-Qaïda est une rumeur bien plus ancienne et qui ne taraude pas que le « Guide ». Maintenant que le « changement » est arrivé aux États-Unis, avec l’élection de Barack Obama, « nous ne disons plus, dès qu’une guerre éclate en Afrique, que c’est un complot américain », rit-il. Glissant au général Ward qu’il est dans l’intérêt de Washington d’avoir une politique plus favorable aux Palestiniens, il se propose de mener une médiation au Proche-Orient. ■ CONSTANCE DESLOIRE J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


ABDEL MAGID AL FERGANY/AP/SIPA

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Le « roi des rois d’Afrique », en 2008 à Tripoli, lors du Forum des rois, sultans, princes, cheikhs et chefs coutumiers africains.

nombre de promesses n’ont pas été tenues », nuance un responsable béninois. Certes, les Libyens investissent moins au Bénin qu’au Mali, au Burkina Faso, en Ouganda, en Zambie ou même au Togo. Mais les liens personnels sont forts. Patron du magazine Continental et de l’agence Voodoo Communication, le Béninois Arnauld Houndété est bien introduit à Tripoli et représente Laico (hôtels de luxe, etc.) dans plusieurs pays africains.

SOULAGÉS Blaise Compaoré. Pendant vingt ans, il fut le partenaire stratégique du « Guide » en Afrique de l’Ouest (Liberia, Sierra Leone…). Mais en mai 2008, le président burkinabè s’est rendu à Jérusalem pour le 60 e anniversaire de la naissance d’Israël. Depuis, Kaddafi ne décolère pas. En janvier dernier, lors d’une visite à Tripoli, le président

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guinéen Alpha Condé a plaidé la cause de son ami Blaise… En vain. Pourquoi cette visite en Israël, au risque de fâcher le « Guide »? « Au temps de l’embargo, le Burkina Faso servait de porte de sortie pour la Libye. Mais ensuite, Kaddafi n’a pas tenu ses promesses en termes d’investissements. Alors Blaise a pris ses distances », confie un ministre ouest-africain. « 2008, c’est

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trative, reprise de trois hôtels de luxe à Bamako, désensablement du grand canal de Tombouctou… Si la Libye de demain se désengage, beaucoup de Maliens seront affectés, et, par contrecoup, Amadou Toumani Touré (ATT) aussi. Cela dit, le président malien pourra se consoler en se disant que les rebelles touaregs n’auront plus de parrain. Un coup Kaddafi les soutient, un coup il finance leur réinsertion dans le civil (40 millions de dollars pour ceux de Kidal, 10 millions pour ceux de Tombouctou). « Si ATT a déroulé le tapis rouge à Kaddafi, c’est parce que la Libye finance les Touaregs », lâche un diplomate ouest-africain. Boni Yay i. Ces trois dernières années, le président béninois a souvent fait le voyage à Tripoli. Dernier en date : début janvier, deux mois avant la présidentielle. En juin 2008, lors d’un sommet de la Communauté des États sahélo-sahariens (Cen-Sad) à Cotonou, la Libye a multiplié les annonces : villas présidentielles, réfection de routes, reprise de l’hôtel Croix du Sud… « Bon


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26 L’ÉVÉNEMENT voir, beaucoup d’habitués des sommets de l’UA pousseront un gros « ouf » de soulagement. Fini les séances interminables et les nuits blanches consacrées aux improbables États-Unis d’Afrique… Fini la mauvaise plaisanterie des « sept rois » que Kaddafi a voulu imposer à l’UA – avec statut d’observateur! « Si l’un de ces chefs traditionnels est ougandais, attention à lui à son retour à Kampala! » a lâché une fois Yoweri Museveni. Ces derniers temps, les présidents du Nigeria et d’Afrique du Sud ne supportaient plus les foucades du « Guide ».

Hôtel de l’Amitié, Bamako.

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aussi l’époque où Blaise a voulu se rapprocher des Américains, explique un autre diplomate. Israël a servi de courtier. Et ça a marché. Le Burkina Faso en a reçu une aide de 200 milliards de F CFA [environ 300 millions d’euros, NDLR] au nom du Millenium Challenge. » Reste que le quartier de Ouaga 2000, dans la capitale burkinabè, est l’une des terres d’élection de Laico. Et le Burkina Faso reste membre de la Cen-Sad. Depuis la dernière

élection présidentielle de Côte d’Ivoire, le Libyen et le Burkinabè sont d’accord pour soutenir Alassane Ouattara. Jean Ping et les anglophones. Un jour où le président de la Commission de l’Union africaine (UA) lui résistait, Kaddafi lui dit: « Je vais te broyer. » « Vous n’allez quand même pas perdre votre temps à broyer un cadavre », lui répondit le diplomate gabonais. Et le Libyen de partir dans un grand éclat de rire… Si Kaddafi est chassé du pou-

SATISFAIT Omar el-Béchir. Il ne s’en cache pas. Pour le président soudanais, la chute de Kaddafi sera une bonne nouvelle. Elle affaiblira les rebelles du Darfour. El-Béchir est persuadé qu’en mai 2008 le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM) n’aurait pas pu atteindre les faubourgs de Khartoum sans le concours de la Libye. ■ CHRISTOPHE BOISBOUVIER et PHILIPPE PERDRIX

3 QUESTIONS À…

ACHEIKH IBN OUMAR Ex-ministre tchadien des Affaires JEUNE AFRIQUE : Vous avez été un homme de Kaddafi pour combattre le pouvoir de Hissène Habré durant les années 1980. Quelles étaient les formes de ce soutien ? ACHEIKH IBN OUMAR : Les forces du Gunt [Gouvernement d’union nationale de transition, coalition rebelle tchadienne, NDLR] étaient repliées dans le nord du Tchad, et la Libye constituait une base arrière avec des camps d’entraînement. Les cadres du mouvement et nos familles étaient également logés là-bas. C’était un parrainage total, mais nous avons rapidement eu des relations heurtées avec Kaddafi. Il avait son propre agenda et cherchait surtout à profiter de l’instabilité au Tchad pour accroître son territoire, après l’annexion de la bande d’Aouzou en 1973. Nous avons rompu avec lui en 1984. À l’époque, j’ai notamment pris contact avec Guy Penne, le conseiller Afrique du président Mitterrand, pour plaider en faveur d’un compromis entre Tchadiens. Nous avons chèrement payé cette rupture. Arrêté en Libye, j’ai été remis aux hommes de Goukouni Weddeye [l’ancien chef du Gunt], qui m’ont détenu un an dans le Tibesti. Quant à Weddeye, il a failli être tué. En fait, Kaddafi a sans arrêt exacerbé les rivalités entre les différentes factions du Gunt.

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C’était en fait un parrain encombrant… Oui, mais nous n’avions pas le choix. Nous avions face à nous le régime de N’Djamena, soutenu par la France et les États-Unis, et derrière nous la Libye. Kaddafi était un révolutionnaire qui soutenait tous les mouvements de libération, comme l’ANC en Afrique du Sud ou la SPLA au Sud-Soudan. Ensuite, son jeu est devenu clair, mais nous étions coincés.

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Cette période démontre son pouvoir de nuisance. Sa chute est-elle un facteur de stabilité pour l’Afrique? Oui, à moyen terme. Mais dans l’immédiat, je redoute une déstabilisation accrue dans la zone sahélo-saharienne, déjà affectée par la présence d’Al-Qaïda au Maghreb islamique [Aqmi, NDLR]. On sait que des officiers libyens se livraient à des trafics d’armes et de drogue. L’effondrement du pouvoir central permet à ces réseaux d’intensifier leurs activités. À la clé: une dissémination d’armes dans toute la région, une aggravation du trafic de drogue et sans doute un réarmement de certains mouvements rebelles. Et puis, en cas de perte de Tripoli, la tactique de Kaddafi pourrait être de sanctuariser le Sud libyen, de Sebha à Koufra. ■

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Propos recueillis par PHILIPPE PERDRIX J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

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étrangères (1989-1990) et ancien chef de guerre soutenu par Kaddafi


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Quand le robinet libyen ne coulera plus... GREEN NETWORK NE RÉPOND PAS. Son patron Abdulbaset Elazzabi a coupé son portable. À Niamey, Abidjan ou Kampala, le bras armé du clan Kaddafi dans les télécoms, qui promettait de « fournir des communications à bas prix sur le continent », joue la carte de la discrétion en ces temps incertains, plombé par la fin de règne à Tripoli de la Grande Jamahiriya. Une retenue qui tranche avec la volonté de communiquer qu’il affichait ces derniers mois encore. « Notre plan de développement consiste à créer un réseau de l’océan Indien à l’océan Atlantique », déclarait Abdulbaset Elazzabi à Jeune Afrique en octobre 2010. Avec l’objectif d’être présent dans 15 pays africains en 2015, contre 12 actuellement. Créé en 2007, Green Network a ainsi des participations en Ouganda (Uganda Telecom), en Côte d’Ivoire (GreenN), au Soudan (Gemtel), au Rwanda (Rwandatel), au Tchad (Sotel, depuis novembre 2010)… Ni totalement industrielle ni visiblement spéculative, sa stratégie ressemble davantage à un projet politique qu’à une démarche à but lucratif. En 2010, le groupe a racheté Zamtel pour 184 millions d’euros. Un chèque bien trop important pour s’offrir 172 200 abonnés zambiens.

Une inquiétude légitime. Green Network est l’une des filiales les plus en vue du Libya Africa Investment Portfolio (LAP), lui-même rattaché à la Libyan Investment Authority, le douzième fonds souverain du monde en termes d’actifs, et dont le Rwanda est la tête de pont en Afrique, avec des investissements dans l’immobilier, les télécoms, le tourisme… Fondé en 2006, bourré de pétrodollars, le LAP ref lète, à travers une multitude de

La force de frappe financière de Tripoli sur le continent : 8 milliards de dollars. participations, l’activisme du pouvoir libyen sur le continent, grâce à une force de frappe de 8 milliards de dollars (5,8 milliards d’euros). Vecteur des largesses du dirigeant libyen dans plus d’une quarantaine de pays africains, le LAP est présent dans l’hôtellerie, la banque, le raffinage du brut et la dis-

PROJETS COMPROMIS

Depuis 2007, Green Network a investi 722 millions d’euros pour un bilan plutôt maigre : 5 millions d’abonnés au téléphone mobile, 500 000 pour le fixe et 300 000 pour internet. Petit joueur à l’échelle africaine, il n’a pourtant pas froid aux yeux. Abdulbaset Elazzabi envisageait ainsi d’introduire 30 % du capital de Green Network à la Bourse de Londres en 2013. Un projet compromis. Comme, d’ailleurs, l’arrivée du groupe libyen en Gambie, au Bénin, en Sierra Leone et au Togo en 2011. « Que va-t-il se passer ? » C’est également la question posée la semaine dernière par les autorités du Niger à la Mission de coopération libyenne à Niamey, inquiètes du règlement des 43 millions d’euros promis pour le rachat de Sonitel et de SahelCom, le 21 janvier dernier. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

tribution d’essence, l’agriculture, l’immobilier, le transport aérien, les mines et bien sûr les télécoms. OPACITÉ

En fait, c’est une constellation hétéroclite et opaque de filiales aux intérêts souvent croisés. Et sans grande cohérence. Entre une « ferme » de 100 000 ha au Mali, une usine de caoutchouc au Liberia, une soixantaine de villas de grand standing au Bénin, le sauvetage de la Société nationale des tabacs et allumettes du Mali, etc., la liste des participations est sans fin. Un semblant de cohésion existe dans la finance avec la Banque commerciale du Sahel, la Banque commerciale du Burkina et la Banque sahélosaharienne pour l’investissement et le commerce au Burkina. Dans tout ce bric-à-brac, la Kaddafi African Tower de 60 étages, prévue pour 2012 à la pointe du cap Manuel, à Dakar, semble désormais condamnée, parmi d’autres projets du « Guide », à rester dans les cartons. ■ JEAN-MICHEL MEYER


28 L’ÉVÉNEMENT

La révolution, jusquʼau bout

« MER DE SANG » Le colonel Kaddafi dans une voiturette de golf – cadeau de son ami Silvio Berlusconi –, après un discours de plus de deux heures et demie, le 2 mars à Tripoli. « Nous ne pouvons pas permettre aux Américains ou à l’Occident d’intervenir en Libye. S’ils le font, ils doivent savoir qu’ils se jettent dans un enfer et une mer de sang pires que l’Irak ou l’Afghanistan », a-t-il prévenu.

GORAN TOMASEVIC / REUTERS

Bilan des violences liées à la répression : des centaines de morts. Malgré tout, les insurgés tiennent bon. Le point en images.

AHMED JADALLAH/REUTERS

MERCENAIRES? Interrogatoire d’un présumé supplétif africain de Kaddafi capturé par les insurgés, non loin de Brega, le 3 mars. De nombreux Subsahariens venus en Libye au cours des dernières années, pour étudier ou travailler, sont assimilés aux mercenaires noirs payés par le régime.

ALFRED/SIPA

« FREE LIBYA » Un vent de liberté souffle à Benghazi. Revanche sur l’Histoire: c’est dans un ancien immeuble des services de sécurité de Kaddafi que des militants ont fondé, dès le 23 février, un journal publiant des caricatures du dictateur.

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STRINGER BRAZIL/REUTERS

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SUR LE FRONT Le terminal pétrolier de Brega, à 200 km au sud-ouest de Benghazi, est un site hautement stratégique que les forces du « Guide » tentent à tout prix de reconquérir. Vendredi 4 mars, la contre-offensive se poursuivait. La ville a fait l’objet de bombardements meurtriers.

CAROLINE POIRON/FEDEPHOTO

SUHAIB SALEM/REUTERS

NOUVEAUX SYMBOLES Benghazi, deuxième ville du pays, dans le Nord-Est, est devenu la « capitale » des insurgés depuis sa libération, le 20 février. Le drapeau rouge, noir et vert, oriflamme de la Libye du temps du roi Idriss Ier, est hissé au sommet des bâtiments.

VICTOIRE! Zawiyah, le 2 mars. La ville, située à 60 km seulement à l’ouest de Tripoli, est à son tour tombée aux mains des révolutionnaires. L’étau se resserre tous les jours un peu plus autour du régime de Kaddafi…

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30 L’ÉVÉNEMENT

KADDAFI ET J.A.

S

Un bras de fer de 40 ans

éduction, menaces, procès, sabotage économique… Vis-à-vis de Jeune Afrique, dont l’influence sur le continent de ses convoitises le contrariait, Mouammar Kaddafi aura tenté toutes les approches, sans jamais parvenir à son but : acheter, ou à tout le moins neutraliser, un adversaire dont les critiques à son encontre lui étaient d’autant plus insupportables qu’elles émanaient d’un journal africain. Pour contrer J.A., le dictateur libyen ne s’est pas contenté d’en interdire la diffusion, de financer d’éphémères concurrents et d’encourager ses proches à nous assigner en justice – ainsi que l’a fait récemment, avant de se rétracter prudemment, son ministre des Affaires étrangères Moussa Koussa. Il a aussi donné son feu vert à une tentative d’attentat contre nos locaux (en mars 1986) et annulé in

extremis une seconde, beaucoup plus sérieuse, concoctée par ses services spéciaux. Soyons honnêtes: en dépit de ce qui précède, ce personnage profondément versatile a aussi joué à notre égard la carte glamour des interviews (mi-2010, deux de ses émissaires tentaient encore de nous « vendre » un entretien sous la tente) et celle, sonnante et trébuchante, des publicités commerciales. Mais constatant que ces offres n’avaient aucun effet sur notre ligne éditoriale, les porte-flingues de la propagande kaddafienne ont fini par prendre une décision radicale: depuis près de dix ans, aucun journaliste de J.A. n’a été autorisé à se rendre en Libye pour y effecfectuer un reportage… ■ FRANÇOIS SOUDAN DAN

SEPTEMBRE 1969 Idriss Ier est renversé par Kaddafi. J.A. couvre et commente: « Si les officiers libres restent unis, la Libye deviendra un grand pays. »

MARS 1973 Tentatives d’union avortées avec l’Égypte, la Syrie puis la Tunisie. Le « président » libyen, orphelin de Nasser, rêve de nationalisme arabe.

JUIN 1980 La révolution se mue en dictature. Kaddafi liquide ses opposants en exil, qualifiés de « chiens errants ». J.A. lui consacre une cover choc.

AOÛT 1981 J.A. lève le voile sur les relations secrètes entre le colonel et d’anciens agents de la CIA, devenus trafiquants d’armes et instructeurs en terrorisme.

JANVIER 1986 Enquête sur l’assassinat du colonel Hassan Ichkal. Deux mois plus tard, J.A. fera l’objet d’une tentative d’attentat commandée par Tripoli.

MARS 1987 Plans de bataille libyens à l’appui, J.A. raconte en détail la sanglante déroute de l’armée du « Guide » face aux troupes tchadiennes. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


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OCTOBRE 1993 J.A. publie les offres de négociation adressées à Londres et à Washington, dans lesquelles Kaddafi accepte de discuter de l’attentat de Lockerbie.

FÉVRIER 1994 L’épouse d’un ancien ministre de Kaddafi, Mansour Kikhia, lance un cri de douleur. Nul ne retrouvera la trace de l’opposant enlevé au Caire.

AVRIL 1996 Reportage au cœur d’une Libye paranoïaque et étouffée par les sanctions internationales.

AVRIL 1999 J.A. publie le témoignage inédit d’un ex-diplomate américain de retour de Tripoli. Qu’y a-t-il dans la tête de Kaddafi? Tout et son contraire…

SEPTEMBRE 2004 Seif el-Islam, Saadi, Mootassem, Aïcha et les autres… C’est une famille qui, désormais, règne sur la Libye. J.A. enquête.

DÉCEMBRE 2007 Visite très controversée de Kaddafi à Paris. BBY écrit: « 1000 milliards de dollars sont passés entre ses mains, pour un bilan désastreux. »

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Kaddafou Pourquoi et com men en est venu à mas t le dictateur libyen sacrer son peuple. ÉDITION INTERNA TIONALE ET MAGHRE B & MOYEN-

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FÉVRIER 2009 Le « Guide » est élu par ses pairs à la tête de l’Union africaine. J.A. tire la sonnette d’alarme: cet homme est un danger pour le continent. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

SEPTEMBRE 2009 Quarantième anniversaire au pouvoir. L’heure des comptes pour un dictateur vieillissant et archaïque, mégalomane et assagi.

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FÉVRIER 2011 Les enfants de la Jamahiriya se révoltent. Pour Kaddafi, les « chiens » sont devenus des « rats ». Il se dit prêt à se battre, jusqu’au dernier Libyen.


32 AFRIQUE SUBSAHARIENNE

NIGERLE LE LIÈVRE ET Lʼun est ambiteux et aime prendre des risques. Lʼautre est discret et sʼest forgé dans lʼombre de lʼancien président Tandja. Mahamadou Issoufou et Seini Oumarou sʼaffronteront dans les urnes, le 12 mars, pour le second tour de la présidentielle.

D

CHRISTOPHE BOISBOUVIER

rôle de duel, entre Mahamadou Issoufou, le fonceur, et Seini Oumarou, l’homme tranquille. A priori, tout est joué. Avec ses 36,16 % au premier tour, et le ralliement de Hama Amadou et de ses 19,81 %, Mahamadou Issoufou est très bien placé pour remporter le second tour de la présidentielle, le 12 mars. Plusieurs autres candidats se sont ralliés à lui. « Nous représentons ensemble un potentiel électoral de 70 %, affirme-t-il. La victoire est à notre portée. » Mais Seini Oumarou n’a pas dit son dernier mot. Il a un socle : ses 23,22 % du premier tour, plus les 8,32 % de Mahamane Ousmane. Et il soigne son image d’homme calme et pondéré. « Seini, c’est l’anti-Issoufou », disent ses partisans. Jamais un mot plus haut que l’autre, Seini Oumarou, 61 ans, se pose en « rassembleur ». Issu de l’ethnie djerma, il est originaire de Tillabéri, dans l’ouest du Niger. De petite taille et plutôt corpulent, cet homme marié et père de six enfants prise le boubou et le bonnet sur la tête – la tenue nationale. Musulman et pieux, il invoque Dieu dans tous ses discours. Surtout, c’est un homme d’une extrême discrétion, qui a fait toute sa carrière dans l’ombre d’un autre, celle de Hama puis celle de l’ancien président Tandja. « C’est un mou, affirment ses adversaires. Un homme complexé. » Son complexe ? Peut-être des études trop vite interrompues. Formé au

Ci-contre : Mahamadou Issoufou, candidat du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (ici le 31 janvier). Page de droite: Seini Oumarou, le 4 février. Il portera les couleurs du parti de l’ancien président Tandja.

lycée national de Niamey, il décroche en 1970 un baccalauréat technique au lycée de Maradi. Puis il part en France, où il obtient un diplôme d’études supérieures en gestion des entreprises à l’École supérieure de commerce de Lyon. Jusque-là, tout va bien. Mais en juin dernier, quand la junte au pouvoir envisage de n’autoriser que les candidatures de gens titulaires d’un bac+4, il s’alarme. Aussitôt, il fait intervenir plusieurs amis, civils et militaires, auprès du général Salou Djibo. Le chef de la junte se ravise, et Seini pousse un grand « ouf ! » de soulagement. Le début de sa carrière est difficile. À son retour de Lyon, il travaille à la Nigérienne d’électricité (Nigelec), où il

s’occupe des relations avec la clientèle. Puis, en 1985, il crée sa propre société, l’Entreprise nigérienne de transformation du papier (Enitrap). Mais, au bout de quelques années, il fait faillite. La politique lui donne alors une seconde chance. AVALER DES COULEUVRES

Son atout maître ? Son amitié avec Hama Amadou. En 1995, il devient conseiller spécial du tout jeune Premier ministre. En 1999, il entre au gouvernement. Puis en 2007, quand Hama est limogé de la primature par Mamadou Tandja, il succède à son mentor. Pourquoi Tandja nomme-t-il un homme aussi effacé ? Pas seulement pour

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AFRIQUE SUBSAHARIENNE 33

PHOTOS : DING HAITAO/LANDOV/MAXPPP/ BOUREIMA HAMA/AFP

LA TORTUE

l’équilibre régional – un président de l’Est, un Premier ministre de l’Ouest. Deux ans plus tôt, en 2005, au plus fort des manifestations contre la vie chère, Seini Oumarou a été chargé par Hama de mener les négociations avec les grévistes. L’un d’eux, Moustapha Kadi, se souvient : « Il est resté très serein. Chaque fois qu’on était au bord de la rupture, il faisait preuve de modération et de sagesse. Il a même pris parfois des décisions contraires aux instructions de Hama Amadou. » Finalement, Seini parvient à déminer le terrain. Homme de compromis, Seini Oumarou avale aussi de très grosses couleuvres. En juin 2009, Tandja tente maladroitement de s’accrocher au pouvoir

– le fameux tazartché (« continuité »), le bonus de trois ans qu’il veut s’octroyer. En privé, Seini est contre. « Tandja va dans le mur », confie-t-il à un ami. Mais il ne démissionne pas de son poste de Premier ministre et participe à quelques meetings pro-tazartché. En février 2010, lors du putsch anti-Tandja, sa discrétion légendaire lui permet d’échapper aux représailles. Quelques mois plus tard, il est investi candidat du Mouvement national pour la société de développement (MNSD), le vieux parti-État créé par Seyni Kountché. Il mène une campagne habile. Il se pose en « héritier » de Tandja tout en se démarquant du tazartché. Il joue sur le réflexe pro-MNSD parmi

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les chefs traditionnels. Et, à la surprise générale, le 31 janvier, l’homme tranquille se hisse au second tour. Mahamadou Issoufou, 59 ans, c’est le contraire. Un partisan, un gagneur, un homme « fougueux et bagarreur », disent ses adversaires. Cela dit, il ne faut pas forcer le trait. Tout n’est pas si différent. Comme Seini, il est musulman – Issoufou est marié à deux femmes et père de quatre enfants. Comme Seini, cet homme costaud aime le grand boubou et le bonnet. Comme Seini, il cultive une discrétion toute sahélienne. À l’époque – pas si lointaine – des « dîners socialistes » dans l’appartement parisien du vieil ami Alpha Condé, plusieurs convives se souviennent d’un homme modeste. « Il parlait peu et écoutait beaucoup, raconte l’un d’entre eux. Il était modeste. Mais son regard perçant trahissait une forte ambition. » TRAVERSÉE DU DÉSERT

Pour cette ambition, Issoufou n’hésite pas à prendre des risques. Et cela dès ses années d’étudiant. Né à Tahoua, en pays haoussa, il décroche un diplôme universitaire d’études scientifiques à Niamey. Mais dès 1974, il anime des assemblées générales et se fait transférer au lycée de Zinder pour fait de grève. Il suit alors une solide formation en France, où il obtient, en 1979, le diplôme d’ingénieur à l’École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne. De retour au Niger, il entre logiquement à la Société des mines de l’Aïr, la Somaïr. Mais en même temps, il lance courageusement le G80, l’un des tout premiers groupes politiques clandestins du pays (c’est l’époque du parti unique). La suite est plus connue. En 1991, juste avant la conférence nationale, il crée le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS). En 1993, il est nommé Premier ministre. Un an plus tard, il sent venir la disgrâce et prend les devants. Il présente sa démission au président Mahamane Ousmane. L’homme a du flair. Commence alors une longue traver-


34 AFRIQUE SUBSAHARIENNE sée du désert. Parce qu’il est un membre actif de l’Internationale socialiste, le militant se taille une réputation de « gauchiste ». C’est l’enfant terrible de la classe politique nigérienne. Mais chacun reconnaît en lui un homme de convictions. Ses partisans l’appellent « Zaki », le lion. Deux fois, en 1999 et en 2004, il met Mamadou Tandja en ballottage. Deux fois, il perd. FRONT ANTI-TAZARTCHÉ

Sa chance ? Le tazartché ! Quand Tandja tente de passer en force, Issoufou monte en première ligne et prend des risques. Plus que les autres leaders de l’opposition. En octobre 2009, Tandja essaie de s’en débarrasser. Il profite d’un voyage de l’opposant au Nigeria pour lancer un mandat d’arrêt contre lui. « Il n’osera plus rentrer », se dit Tandja. Mauvais calcul. Issoufou rentre aussitôt à Niamey pour se livrer à la justice. Et, devant la foule massée

HAMA AMADOU EN FAISEUR DE ROI Pour ses partisans, Hama Amadou n’est pas toujours facile à suivre. En 2010, il a signé un accord électoral avec Mahamadou Issoufou et tous les autres vétérans de la lutte anti-tazartché. Le 25 janvier, quelques jours avant le premier tour, voyant qu’Issoufou avait le vent en poupe, il a bâti à la hâte avec Seini Oumarou – l’héritier du tazartché – et cinq autres candidats une alliance électorale pour barrer la route à Issoufou. Nombre de militants de son parti, le Mouvement démocratique nigérien (Moden), ont grogné très fort. Au lendemain du premier tour, nouvelle volte-face. Hama s’est à nouveau rapproché d’Issoufou. Aujourd’hui, il appelle à voter pour lui. En contrepartie, Hama pourrait devenir président de l’Assemblée nationale. Pourquoi pas Premier ministre, comme au temps de Tandja ? Si Issoufou est élu, il sera très jaloux de ses prérogatives. Pour cohabiter avec lui, mieux CH.B. vaudra être au perchoir qu’à la primature… ■ à l’aéroport, Tandja renonce à le faire arrêter. C’est sans doute ce jour-là que Mahamadou Issoufou gagne ses galons de numéro un du front anti-tazartché et de favori des élections. Seini ou

Issoufou? Les villages de l’Ouest votent Seini. Les quartiers de Niamey votent Issoufou. Quant à la junte, on sait déjà qu’elle ne votera pas pour l’héritier de l’homme qu’elle a renversé. ■

TCHAD

Opposition à reculons Pas de changements après la publication des résultats des législatives : le parti au pouvoir et ses alliés conservent la majorité absolue. La voie pour la présidentielle, en avril, est toute tracée.

P

ari perdu pour l’opposition tchadienne : avec moins de trente députés à l’issue des élections des 12 et 13 février, contre une quarantaine dans la précédente législature, elle devra patienter encore cinq ans pour espérer progresser à l’Assemblée nationale. Seule l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR), de Saleh Kebzabo, a obtenu onze sièges et peut constituer un groupe parlementaire. Le Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir) a écrasé tous ses adversaires et remporte 133 sièges sur 188. Signe de cette domination sans partage : deux des principaux alliés du MPS, le Rassemblement pour la démocratie et le progrès (RDP) de Lol Mahamat Choua, un rallié de fraîche date, et le Viva-Rassemblement national pour le développement et le progrès (Viva-RNDP) de Nouradine Delwa Kassiré Coumakoye, se contentent de respectivement neuf et quatre députés. Le scrutin s’est tenu dans un climat politique détendu, mais l’opposition dénonce de nombreuses irrégularités : plus de votants que d’inscrits ; plus de 100 % de voix dans certaines circonscriptions; des cartes d’électeur falsifiées… Pour Saleh

Kebzabo, « le MPS n’a d’autre culture que celle de la fraude. Il est revenu à ses premières amours : le passage en force ». Selon lui, le pouvoir n’a pas respecté le chapitre de l’accord politique d’août 2007, qui porte sur la neutralité de l’administration et de l’armée, et sur l’accès de l’opposition aux médias officiels. Saleh Kebzabo reconnaît que l’opposition « manque de présence sur le terrain et brille par son amateurisme », mais croit à la possibilité de revanche à la présidentielle, en avril. « Même si Déby a plus de moyens que nous, nous avons un argument: la volonté de changement des Tchadiens. Nous le contraindrons à un second tour. » Haroun Kabadi, secrétaire général du MPS, rejette toutes les accusations de l’opposition. « Elle n’a aucune preuve de ce qu’elle avance, déclare-t-il. Chaque fois qu’elle perd, c’est la même rengaine. Le MPS a gagné sur la base d’un programme. L’opposition n’en a pas. » Le MPS, affirme-t-il, n’a pas mené

Le scrutin s’est tenu dans un climat détendu, mais aurait été entaché d’irrégularités. campagne en utilisant les moyens de l’État, mais en utilisant « les moyens légaux. Or l’un des opposants ne s’est pas gêné de recourir aux véhicules de l’armée durant sa campagne. Aucun fonctionnaire, aucun militaire n’a reçu d’instruction pour favoriser le MPS. » Dans la majorité, on se dit donc serein avant la présidentielle: « C’est une autre élection, bien sûr, concède-t-il. Mais nous avons un bilan à défendre et un TSHITENGE LUBABU M.K. projet de société crédible. » ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


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AFP

L’ancien candidat à l’élection présidentielle salue ses partisans depuis les bâtiments du Pnud, le 17 février.

GABON

André Mba Obame fait pschitt... Un mois de remue-ménage médiatique, et puis plus rien. Depuis quʼil a quitté les locaux de lʼONU, où il sʼétait autoproclamé chef de lʼÉtat, lʼopposant se fait discret. Et attend de savoir ce que lui réserve le gouvernement.

I

ls auront passé quatre semaines dans les locaux du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), à Libreville. Le 27 février, André Mba Obame, président autoproclamé du Gabon, et les membres de son « gouvernement » sont finalement rentrés chez eux. Maintenant, expliquent-ils, ils attendent de savoir quel sort leur réservent les autorités gabonaises. « Ensuite nous aviserons », promet Zacharie Myboto, ancien président de l’Union nationale (UN), parti de l’opposition dont la dissolution a été prononcée, le 26 janvier, par le ministre de l’Intérieur, Jean-François Ndongou. En attendant d’en savoir plus, Zacharie Myboto, 72 ans, et André Mba Obame, 54 ans, refusent de s’exprimer. Silence radio aussi du côté des autres membres de « l’équipe gouvernementale insurrectionnelle » et des cadres de l’UN qui les avaient rejoints dans les bâtiments onusiens. Après un mois de face-à-face sans médiation, la situation s’est débloquée, fin février, lors du voyage d’Ali Bongo Ondimba à New York. Invité par le secrétaire général de l’ONU, le chef de l’État gabonais a fait escale à Paris et évoqué le sujet avec son homologue français, Nicolas Sarkozy. Il s’est

ensuite entendu, avec Ban Ki-moon, sur l’envoi d’une mission « technique », qui a séjourné à Libreville du 24 au 26 février. À cette délégation, qui était conduite par le Camerounais Sammy Kum Buo, le directeur de la division Afrique du secrétariat général des Nations unies, André Mba Obame et ses amis ont demandé que leur sécurité physique et leur liberté soient assurées et que la dissolution de l’UN soit annulée. Mais vont-ils pour autant échapper au procès pénal que leur ont promis les autorités? À voir. Certes, le chef de l’État n’a pas apprécié de voir son ancien ami (arrivé troisième lors de l’élection présidentielle d’août 2009) revendiquer son fauteuil. Mais la tension des premiers jours de « la République du Pnud » est retombée. Après avoir menacé de lever l’immunité parlementaire de Mba Obame (élu du Haut-Komo) et de le poursuivre pour haute trahison devant les tribunaux, le gouvernement a visiblement écouté ceux qui lui avaient conseillé la pondération et l’apaisement. Même chose pour le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), dont le groupe parlemen-

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taire à l’Assemblée nationale ferraillait pour accélérer la procédure visant l’ancien candidat à l’élection présidentielle, mais qui a su calmer les ardeurs de son aile dure. « Il s’agit d’une affaire qui concerne la justice, élude Faustin Boukoubi, secrétaire général du PDG. Lorsque l’Assemblée nationale sera saisie par les juges d’une demande de levée de l’immunité [de Mba Obame], notre groupe parlementaire se prononcera. » Autre signe d’apaisement: le procès des militants de l’UN poursuivis pour trouble à l’ordre public, après avoir manifesté leur soutien à André Mba Obame, a déjà enregistré deux renvois. Selon les sources judiciaires, une nouvelle audience est prévue pour le 4 mars. De plus, sous la pression des opposants, le parti au pouvoir s’est converti au culte de la transparence électorale, dont le héraut, Pierre Mamboundou, fait l’une des conditions de son entrée

Sera-t-il traduit en justice ? Peut-être. Sauf si les autorités jouent l’apaisement. au gouvernement, désormais imminente. Le 27 janvier dernier, Faustin Boukoubi, le patron du parti présidentiel, a fait savoir au ministre de l’Intérieur qu’il était prêt à voter la proposition de loi introduisant la biométrie dans le processus d’identification des électeurs. ■ GEORGES DOUGUELI


36 AFRIQUE SUBSAHARIENNE RD CONGO

Contre Kabila, des assaillants du dimanche Beaucoup de questions sans réponse après ce que le gouvernement a, dans un premier temps, qualifié de « tentative de coup dʼÉtat », le 27 février. Lʼidentité même des agresseurs demeure mystérieuse.

C

omme tous les dimanches, La Gombe est endormie. Grouillant de piétons affairés et noyé dans la fumée des voitures du lundi au samedi, ce quartier qui regroupe administrations, commerces et belles demeures est quasiment vide. Il est bientôt 13 h 30, ce 27 février. Quelques voitures circulent sur le boulevard central, le « 30-Juin », quand passe le cortège présidentiel au grand complet, avec escorte armée et ambulance. Le chef de l’État, Joseph Kabila Kabange, est, comme souvent, au volant de son véhicule. Peu après, d’autres témoins verront le cortège sur la route de l’aéroport international N’Djili, à la sortie de la ville. Tout s’accélère vingt minutes plus tard, à La Gombe. Des hommes se présentent devant la première barrière de la garde républicaine (GR) sur un des accès à la résidence présidentielle (voir infographie). Ils sont une trentaine, en civil, bardés de gris-gris et armés de machettes. Ont-ils surpris des gardes somnolents ou occupés à déjeuner ? Les ont-ils fait fuir? Il semble, selon des témoins indirects, qu’un seul des soldats en faction (ils sont en général une demi-douzaine à cet endroit) ait tenté de les arrêter et qu’il ait été grièvement blessé à coups de machette. En file indienne, les assaillants se dirigent alors vers la seconde barrière. Cette fois-ci, les gardes se retranchent derrière un poste de garde et ripostent. Des renforts arrivent, de l’intérieur du domaine, les balles fusent. Trois assaillants sont tués, quasiment en face de l’entrée de l’ambassade de Suisse. Pendant une dizaine de minutes, des tirs se poursuivent. Les assaillants sont repoussés, la garde se déploie et les prend en chasse, fouillant au passage les immeubles alentour où certains

auraient pu trouver refuge. Selon la version officielle, les assaillants auraient été équipés d’armes lourdes, mais l’hypothèse est encore à confirmer. Alors que la tension est encore à son comble autour de la présidence, un autre incident est signalé au camp Kokolo. À l’entrée principale de ce vaste terrain militaire, qui abrite des familles entières sur un grand domaine comprenant, entre autres, l’une des plus importantes armureries de la ville, se présente un véhicule 4x4, non immatriculé, suivi d’une camionnette. Un commandant de la GR aurait été parmi eux. La garde patrouillant régulièrement dans le camp, le convoi des deux véhicules a pu entrer sans difficulté. Ils se sont ensuite dirigés vers le dépôt d’armes. CURIEUSE RÉACTION

Équipés d’armes à feu et de machettes, ces hommes, dont certains étaient en civil et d’autres en uniforme, ont menacé les soldats gardant le dépôt. Ils auraient même, selon plusieurs témoignages, coupé les mains du militaire qui détenait les clés et refusait d’obtempérer. La police militaire, qui a également une base au sein du camp Kokolo, est intervenue. Après un échange de tirs, faisant des morts et des blessés, quelques assaillants ont pris la fuite. Selon le ministre de la Communication, Lambert Mende, le chef de l’État, alerté, aurait immédiatement regagné sa résidence, où se trouvaient son épouse et ses enfants. La dernière version officielle explique qu’il avait quitté les lieux pour aller visiter un chantier vers l’aéroport de N’Djili. D’autres sources indiquent que le président, auquel il avait été conseillé de se rendre à

Lubumbashi, a effectivement refusé de partir, mais se serait replié sur sa ferme de Kingakati, à une soixantaine de kilomètres de la capitale, et ne serait revenu dans sa résidence que bien plus tard. Il n’a en tout cas pas jugé utile d’apparaître à la télévision pour rassurer les Congolais. C’est donc le ministre de la Communication qui, deux heures à peine après les premiers coups de feu, expliquait à ses concitoyens sur les antennes de la Radio Télévision nationale congolaise (RTNC), que tout était rentré dans l’ordre, qu’il n’y avait aucune raison de paniquer et que chacun devait vaquer à ses occupations. Curieuse réaction à ce qui, dans un premier temps, a été présenté comme rien de moins qu’une « tentative de coup d’État ». Aucun couvre-feu n’a été décrété, l’incident était officiellement clos. Dans la soirée, la ville bruissait certes de rumeurs, mais présentait son visage habituel, avec à la Cité, dans les quartiers populaires, des rues grouillantes de monde et des terrasses animées. Le bilan de la journée était de sept morts, dont six parmi les assaillants, et une trentaine d’arrestations. De nombreuses autres interpellations

Le président n’était pas là au moment des combats. Sa femme et ses enfants, si. ont eu lieu les jours suivants. Le lundi 28 février, un communiqué du Conseil supérieur de la défense précisait que d’autres lieux, « sièges des autres institutions », étaient visés. L’une de ces cibles serait, selon le ministre Lambert Mende, la RTNC. Dès le lendemain dans la Cité circulait déjà une appellation pour l’événement : « théâtre à la Nzungu Muanda », en référence à ce sous-lieutenant blessé au pouce qui avait été exhibé, en 1991, à l’issue d’une prétendue tentative de coup d’État contre le maré-

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BRAZZAVILLE

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(quartier de la Gombe)

Aéroport Camp Kokolo Stade des Martyrs

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chal Mobutu. Si certains, notamment dans l’opposition, ont dénoncé très vite une mascarade destinée à justifier des arrestations dans leurs rangs, ils n’excluent pas – comme bon nombre d’analystes – qu’il puisse aussi s’agir d’une affaire interne à la GR. La GR n’est pas un groupe homogène. En son sein se sont retrouvés des soldats de différents groupes armés, et surtout de différentes origines ethniques (ils viennent, pour l’essentiel, du Maniema, du Haut-Katanga et des Kivus). Ces 12 000 hommes ne sont guère mieux lotis que le reste des troupes. Avec des salaires de base autour de 55 000 francs congolais (environ 60 dollars) par mois, ils ont du mal à joindre les deux bouts. Des rancœurs liées à de récents avancements pourraient également avoir poussé un groupe ou un autre à la révolte. La brève attaque sur l’aéroport de la Luano à Lubumbashi, le 4 février au petit matin, après avoir été aussi quali-

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fiée de « théâtre à la Nzungu Muanda », a également été interprétée comme une affaire interne à la GR. Pour les événements du dimanche 27 février, la thèse officielle fait état d’une attaque menée par d’« anciens soldats issus d’anciens groupes armés », ce qui laisse un éventail assez large de possibilités. Au lendemain du « coup d’État », des sources gouvernementales pointaient très clairement du doigt Brazzaville, de l’autre côté du fleuve (sans pour l’instant présenter de preuves évidentes), laissant filtrer des informations sur des rebelles enyeles ou des partisans du général Munene. BRAZZAVILLE MONTRÉ DU DOIGT

Des Enyeles, pêcheurs de l’Équateur, avaient formé un groupe armé et lancé une action d’éclat en prenant en avril 2010 l’aéroport de Mbandaka, et en tenant pendant quelques heures une partie de la ville. Leur chef, Udjani Mangbama Mambenga, est actuelle-

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Boule

ment détenu à Brazzaville. C’est là aussi que se trouve, en résidence étroitement surveillée, le général Faustin Munene, en fuite depuis septembre. Il est accusé d’avoir commandité des opérations de déstabilisation dans la région du BasCongo. Les autorités de la RD Congo ont demandé son extradition, ainsi que celle du chef des Enyeles – requêtes auxquelles le Congo-Brazzaville n’a pas donné suite. Des soupçons ont également pesé sur les hommes de JeanPierre Bemba, chef du premier parti d’opposition, actuellement jugé pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, sans que là non plus des preuves soient avancées. Néanmoins, le ministre Lambert Mende se refusait les jours suivants à utiliser à nouveau les termes de « tentative de coup d’État », affirmant que le qualificatif idoine serait « terrorisme », le but des assaillants étant de semer la panique. Quelle que soit la vérité sur cette affaire, la menace la plus réelle dans cette ville pauvre et surpeuplée qu’est Kinshasa est effectivement un mouvement de foule incontrôlé, qui dégénérerait en pillage généralisé. Et qui pourrait partir d’une simple étincelle, allumée à dessein ou non. Le gouvernement ne s’y est pas trompé et, dès le 2 mars, juste après avoir commenté l’attaque du dimanche, il annonçait un volant de mesures… contre la vie chère. ■ FABIENNE POMPEY, à Kinshasa


38 AFRIQUE SUBSAHARIENNE CÔTE DʼIVOIRE

Laurent Gbagbo, un homme dans le chaos Son pouvoir est toujours aussi contesté, son régime est frappé de sanctions, et ses fidèles doivent affronter les partisans dʼAlassane Ouattara. Comment le président sortant vit son isolement.

L

e décorum républicain et les apparences de la normalité sont préservés. La nuit, les habitants d’Abidjan se claquemurent, et les incidents se multiplient dans les quartiers d’Abobo ou Koumassi, mais sur le parvis du palais présidentiel du Plateau les motos de l’escorte de Laurent Gbagbo sont soigneusement rangées. Des cerbères immobiles en uniforme sont postés de part et d’autre de l’entrée du bâtiment où le président sortant accorde ses audiences. En ce mercredi après-midi, il se livre presque avec bonne humeur à une séance de photos en compagnie des responsables d’un mouvement qui s’est constitué pour le soutenir. Un mot gentil par-ci, une petite boutade par-là, un éclat de

rire en prime: aucun des éléments habituels du « style Gbagbo » ne manque à l’appel. L’homme, pourtant, semble fatigué, préoccupé, et une barbe de trois jours envahit son visage. Les âpres combats à l’arme lourde entre les Forces de défense et de sécurité (FDS) et les partisans d’Alassane Ouattara se déroulent quasi exclusivement après la tombée de la nuit. Et le décalage horaire entre Abidjan et New York, siège des Nations unies, où se livre une partie de la bataille diplomatique au sujet de laquelle son ministre des Affaires étrangères, Alcide Djédjé, l’informe en temps réel, est tel qu’il n’a pas eu, ces dernières semaines, beaucoup de temps pour dormir. MASQUE DE CIRCONSTANCE

« Il est serein », disent invariablement les membres de son cercle de fidèles et ceux de ses amis qui ont pu s’entretenir longuement avec lui ces dernières semaines. S’agit-il d’un masque de circonstance, destiné à rassurer ses troupes et à faire douter l’adversaire, ou est-il sincèrement convaincu de ses chances de l’emporter au terme d’un combat où il est souvent décrit

comme seul contre tous ? Un peu des deux, sans doute. L’auteur de la pièce de théâtre Soundjata, qui a regardé un nombre incalculable de fois Les Dix Commandements de Cecil B. DeMille, et dont tous les enfants continuent de vivre à Abidjan malgré les incertitudes, se dit porté par deux facteurs, toujours les mêmes pour ceux qui le connaissent : Dieu et l’Histoire. « Ce qui va arriver, et que Dieu a décidé, arrivera. Mais moi, je suis tranquille. En fait, la situation historique de la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui est en train de changer. Nous sommes en train de quitter une Côte d’Ivoire qui est en train de mourir, et qui se débat pour ne pas mourir, pour une autre Côte d’Ivoire qui est nouvelle », martèle Laurent Gbagbo, avant d’ajouter qu’il est « fier » d’être « celui par qui le changement s’opère ». Manière très personnelle de voir les choses… À ses amis de toujours, avec qui il continue d’avoir de longues conversations nocturnes, Laurent Gbagbo tient à préciser que les mesures économiques inédites qu’il a prises, comme la nationalisation de filiales de banques françaises, n’étaient pas prévues dans son programme de gouvernement. « Ce

DE LA DIFFICULTÉ D’INFORMER EN QUALIFIANT DE « lente agonie » la situation que vit la presse en Côte d’Ivoire, l’organisation Reporters sans frontières (RSF) ne s’est pas trompée. Y exercer le métier de journaliste relève d’un parcours du combattant : les risques sont très élevés, quelle que soit la ligne éditoriale de l’organe. Les représentants des médias internationaux sont particulièrement exposés. Diabolisés, parce qu’ils n’ont pas le même son de cloche que la Radio Télévision ivoirienne (RTI) ou que la presse favorable à Laurent Gbagbo, les envoyés spéciaux exercent parfois au péril de leur vie. Pour preuve, cette déclaration de Ouattara Gnonzié, ministre de la Communication du président sortant : « Certains journalistes étrangers font partie intégrante du complot international contre la Côte d’Ivoire, les Ivoiriens doivent résister. » Les quartiers d’Abidjan que sont Abobo, Koumassi ou Yopougon, et où les affrontements ont été nombreux ces dernières semai-

nes, sont de fait interdits aux journalistes – surtout européens –, qui peuvent à tout moment être arrêtés ou agressés. Les appels au meurtre et à la vindicte populaire se sont enchaînés ces derniers jours. Et pour ne rien arranger, le 2 mars, les programmes de RFI et de la BBC ont été suspendus. La pratique est courante, et le Conseil national de la communication audiovisuelle (CNCA) n’a pas jugé bon de donner une explication officielle. Pendant ce temps, Laurent Gbagbo semble avoir perdu du terrain à Abidjan. Le commando qui sévit à Abobo depuis quelques semaines aurait réussi à infiltrer Yopougon et Koumassi. Les accrochages répétés avec les Forces de défense et de sécurité (FDS), fidèles au président sortant, ont conduit son gouvernement à faire appel à des comités d’autodéfense et aux milices. ■ CORRESPONDANCE PARTICULIÈRE J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


Officiellement, le chef de l’État sortant ne doute pas de la fidélité des militaires, mais on n’est jamais trop prudent.

sont les sanctions économiques dont la Côte d’Ivoire est frappée qui contraignent les autorités à faire preuve d’inventivité à travers de nouvelles dispositions bancaires, financières, voire monétaires », affirme un de ses proches. Face à la volonté de « bloquer » le cacao ivoirien, Gbagbo réf léchit désormais à une « réorganisation de la commercialisation de cette matière première », y compris en remettant en cause « la toute-puissance des groupes occidentaux » et en recherchant « de nouveaux débouchés ». Son entourage plastronne : « Gbagbo a payé les salaires de février, il paiera ceux de mars et d’avril. Il n’y aura aucun problème. Peut-être qu’on parlera même de monnaie ivoirienne. » UN LÂCHAGE EN RÈGLE ?

L’étau de réprobation internationale envers son régime demeure, mais Laurent Gbagbo n’a pas renoncé à le desserrer. Il espère profiter des désaccords apparus au sein de la communauté internationale et veut croire que le temps joue pour lui. Les pharmacies commencent à souffrir de pénuries de médicaments, en raison d’un embargo maritime qui ne dit pas son nom. Mais des hommes d’affaires européens continuent à solliciter des audiences, même si Gbagbo ne les reçoit qu’après avoir éconduit les caméras indiscrètes.

« Chez Air France, à Paris, ils refusent les visas d’Ally Coulibaly, l’ambassadeur nommé par Ouattara, mais admettent les nôtres, parce qu’ils savent que, dans le cas contraire, les passagers seraient refoulés », constate-t-on avec gourmandise dans les couloirs du palais. Sur le continent, affirment ceux qui l’ont rencontré ces dernières semaines, Gbagbo n’est pas aussi isolé qu’il le semble. « Il

nés de son armée? Officiellement, non. Et dans son entourage, on peste contre les « officines bien identifiées » qui répandent des bruits sur la loyauté, présentée comme relative, du chef d’étatmajor des armées, le général Philippe Mangou. Cela dit, le chef a mis en place un système complexe qui fait que les dignitaires de son armée s’épient et se neutralisent les uns les autres, personne d’entre eux n’ayant le contrôle d’un nombre assez important d’unités pour les faire basculer en bloc dans le camp adverse. On n’est jamais trop prudent. La perspective d’une attaque surprise menée par un commando étranger venant « sortir le sortant » par la force est par ailleurs prise au sérieux par les « sécurocrates » du palais et par ses militants. Dans la nuit du 26 au 27 février dernier, une rumeur d’attaque imminente de la résidence présidentielle a couru, faisant apparaître quasi instantanément des militaires, membres de forces spéciales, sur les toitures des immeubles environnants… mais aussi des étudiants, accourus des quatre coins de la commune de Cocody, pour se poser en boucliers humains et protéger leur « champion ». ■

Au palais, la perspective d’une attaque pour « sortir le sortant » est prise très au sérieux. estime que les puissances africaines significatives, en dehors de l’espace francophone, ne lui sont pas hostiles », glisse l’un d’entre eux. Au cœur du fracas des armes et des menaces, le fondateur du Front populaire ivoirien (FPI), qui a survécu à trente années de carrière politique faites de grandes percées et de revers spectaculaires, n’est-il pas visité par les sirènes de l’abdication ? Il semble que non. Si son épouse Simone, qui joue un rôle prépondérant dans son obstination à conserver son fauteuil, avoue des « terreurs nocturnes », lui ne laisse rien paraître. Ne redoute-t-il pas un lâchage en règle des principaux galon-

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THÉOPHILE KOUAMOUO, à Abidjan

VINCENT BOISOT/RIVA PRESS

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40 AFRIQUE SUBSAHARIENNE REPORTAGE

La revanche tranquille du Ghana Longtemps moqué par ses voisins de la sous-région, le pays affiche aujourdʼhui une insolente réussite économique et politique. Et ne suit que de très loin les soubresauts de lʼAfrique francophone.

W

ilfried, 21 ans, est la principale attraction du petit car qui mène une quinzaine de passagers depuis la ville d’Elubo, à la frontière avec la Côte d’Ivoire, à la capitale ghanéenne. Né à Londres, d’un père ivoirien et d’une mère ghanéenne, il étudie au sein de la prestigieuse université de Legon, à Accra. Wilfried ne parle pas un mot de français et a les idées bien arrêtées : « Ici, explique-t-il de manière un peu abrupte, on considère les Francophones comme des personnes superficielles, qui n’arrêtent pas de faire la fête et qui n’aiment pas travailler. Et les filles qui viennent de ces pays-là sont un peu légères… Les étudiants ghanéens ne s’intéressent pas vraiment aux pays environnants et à leurs particularités, poursuit-il. Ils sont plus tournés vers la Grande-Bretagne, les États-Unis ou le Nigeria. » À la fin des années 1960 pourtant, appauvris par des coups d’État à répétition et par l’instabilité chronique de leur monnaie nationale, le cedi, de nombreux Ghanéens choisissaient

de « faire du CFA », soit en émigrant dans les pays voisins, soit en investissant dans le commerce transfrontalier. C’était le temps où fleurissait en Côte d’Ivoire l’expression « être tombé comme le Ghana », pour désigner un revers de fortune brutal et inattendu. Le temps, aussi, où les Togolais plaisantaient en évoquant les hôtels d’Accra où, durant les périodes de dépression monétaire, même le papier hygiénique venait à manquer. Mais les choses ont bien changé. TEMPLES DE LA CONSOMMATION

Accra est désormais la ville où la bourgeoisie ivoirienne vient s’aérer l’esprit, loin des tumultes politiques. Sa modernité éblouit les habitants de la très provinciale Lomé. Certes, il n’y a pas encore ici de vrais gratte-ciel comme à Abidjan. Mais les infrastructures se construisent dans la frénésie et l’on se bouscule dans les temples de la société de consommation, comme le centre commercial d’origine sudafricaine Shoprite, où l’on peut acheter les gadgets technologiques dernier

Accra, une ville moderne où la bourgeoisie ivoirienne vient s’aérer l’esprit.

cri à des prix défiant toute concurrence. L’économie ghanéenne est plus dynamique que jamais. La Banque mondiale prévoit, pour 2011, un taux de croissance de 13,4 %, contre 6,6 % en 2010. C’est la conséquence – heureuse – des cours favorables du cacao et de l’or, et du début de l’exploitation pétrolière (la production devrait atteindre 120 000 barils par jour en juin). Mais c’est aussi la récompense

DISSENSIONS SUR LA CRISE EN CÔTE D’IVOIRE SUR DES BASES CLAIREMENT IDÉOLOGIQUES, les deux principaux partis ghanéens s’affrontent sur le dossier ivoirien. Le National Patriotic Party (NPP), en totale convergence avec l’ancien président John Kufuor – qui a dirigé la mission d’observation de la Fondation Carter lors du scrutin ivoirien –, et l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, considère que « le départ de Gbagbo du pouvoir est non négociable ». Il va même plus loin, accusant le président Atta Mills et le National Democratic Congress (NDC) d’organiser « la propagande » du « camarade Laurent ». Et pour cause : au début du mois de janvier, le président ghanéen n’a peut-être pas ouvertement remis en cause le soutien de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) à Alassane Ouattara,

mais il a indiqué de manière claire qu’il n’enverrait pas de troupes en Côte d’Ivoire dans le cadre d’une éventuelle intervention militaire. Son prédécesseur, Jerry Rawlings, toujours très influent au sein du NDC et de l’armée, l’avait précédé fin décembre en demandant un nouveau décompte des voix, voire un nouveau scrutin. Une intervention militaire, avait-il estimé, ne ferait que démontrer « l’hypocrisie » de la communauté internationale. Au-delà de la controverse politicienne, les dirigeants ghanéens redoutent un afflux massif de réfugiés ivoiriens en cas d’exacerbation du conflit. Une grande partie de leur population partage avec les Ivoiriens du Sud la même base culturelle akan, et le Ghana n’est qu’à T.K. deux heures d’Abidjan par la route. ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


EMMANUEL QUAYE/AMO/SIPA

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de longues années de réformes économiques exigeantes : le Ghana, à qui la Banque mondiale a accordé, fin janvier, un crédit d’appui à la réduction de la pauvreté de 215 millions de dollars (155,6 millions d’euros), passe depuis plus de quinze ans pour le « bon élève » des institutions de Bretton Woods. L’aéroport d’Accra s’impose comme carrefour régional, et les compagnies aériennes internationales s’y bousculent. Attirés par le tourisme mémoriel – les anciens forts esclavagistes d’Elmina et de Cape Coast, mais aussi le siège de la royauté Ashanti, à Kumasi –, les voyageurs africains-américains affluent. Depuis près de vingt ans, l’industrie touristique, qui contribue au produit intérieur brut (PIB) à hauteur de 6,2 %, croît à un rythme soutenu. En juillet 2009, la visite historique de Barack Obama, qui a choisi le Parlement ghanéen pour prononcer le discours fondateur de sa politique africaine, est venue comme pour consacrer le couronnement et la revanche du Ghana. Le Nigeria, leader démographique régional, ne s’en est toujours pas remis. Quel est le secret de ce redressement spectaculaire ? La plupart des

observateurs soulignent le rôle clé joué par Jerry Rawlings, arrivé au pouvoir en 1979 à la faveur d’un coup d’État militaire, et qui a conduit son pays à la démocratie et à l’alternance, avec l’élection, en 2000, de John Kufuor, opposant de longue date. Rawlings a « réussi la démilitarisation de la vie politique d’une part, et la dépolitisation de l’armée d’autre part », estime ainsi le politologue togolais Comi Toulabor. PAS DE CRISPATIONS TRIBALES

Aujourd’hui, la démocratie ghanéenne semble solidement structurée autour de deux grands partis : le National Democratic Congress (NDC), membre de l’Internationale socialiste, fondé par Jerry Rawlings et dont est issu John Atta Mills, président en exercice, et le National Patriotic Party (NPP), qui a porté au pouvoir l’ex-chef de l’État John Kufuor. Le Convention’s People Party (CPP), créé par Kwame Nkrumah, a perdu beaucoup de son influence et se contente du rôle d’éventuel faiseur de rois, en cas de run off (second tour). L’analyse de la carte électorale issue des élections générales de 2008 témoigne d’un équilibre structurel entre les

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deux grands partis de gouvernement, qui sont au coude à coude dans huit régions sur dix. Selon Ben Ephson, éditorialiste inf luent et patron du Daily Graphic, seules les régions de la Volta (pour le NDC) et de l’Ashanti (pour le NPP) peuvent être considérées comme des « banques mondiales électorales », c’est-à-dire des zones où ces deux partis disposent d’une vraie hégémonie, qui leur permet d’enregistrer des performances électorales au-dessus de 70 %. Mais hier fiefs ethniques de Rawlings et de Kufuor, elles ne représentent désormais que des bastions historiques, dans la mesure où leurs successeurs sont originaires d’autres régions du pays. On est bien loin des crispations tribales du Togo et de la Côte d’Ivoire ou des dissensions religieuses du Nigeria. La classe politique locale s’étripe au sujet des retards pris dans l’adoption de la loi sur les hydrocarbures, qui renforcera la transparence, ou sur le slogan « a better Ghana » (« un Ghana meilleur ») brandi par une majorité grisée par ses succès. Des palabres de pays tranquille, en somme. ■ THÉOPHILE KOUAMOUO, envoyé spécial


42 AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Droit de réponse Le Cameroun va bien, merci !

L

a teneur des articles de MM. François Soudan et Alain Faujas dans votre numéro 2614 nous a fortement surpris. Jeune Afrique nous avait habitués à plus de mesure et, j’ose le dire, d’objectivité. L’enquête qu’auraient menée les deux journalistes se proposait, semble-t-il, de répondre à la question : Comment va le Cameroun ? Mais la réponse ne se trouvait-elle pas déjà dans le soustitre de couverture, « Le pays de Paul Biya peine à sortir de sa torpeur politique, économique et sociale » ? S’AGISSANT DE LA PROCHAINE ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE, « les jeux sont faits », selon M. Soudan,

et l’actuel chef de l’État devrait l’emporter sans problème. L’opposition serait « résignée » et l’abstention pourrait être la seule véritable surprise. Comment échafauder de telles hypothèses à plus de six mois de la date du scrutin, alors que la liste des candidats n’est pas connue et que les partis politiques n’ont pas encore manifesté leurs intentions ? Le même journaliste évoque également la « succession » du président de la République et cite, à ce sujet, les noms de quelques supposés « dauphins », ce qui ne peut évidemment qu’embarrasser les personnalités en question, qui bénéficient de la confiance du chef de l’État. Et que dire de l’ambiance forcément délétère qui pourrait ainsi se créer au sein de l’équipe gouvernementale ? Dans un État de droit comme le Cameroun, ce problème, lorsqu’il se posera, ne sera pas réglé par la voie dynastique, mais selon les dispositions démocratiques prévues par la Constitution. ENFIN, DE FAÇON ASSEZ SURPRENANTE, M. Soudan envisage ce qu’il appelle curieusement « le scénario à la mode », c’est-à-dire la contagion d’événements comme ceux qui se sont déroulés en Tunisie et en Égypte. Pour les juger par la suite peu probables, en raison des caractéristiques de la société camerounaise, qui serait insuffisamment consciente politiquement pour transcender les clivages régionaux et communautaires. Notre explication est à la fois plus simple et, je crois, plus proche de la réalité. Les Camerounais, au cours de leur existence en tant que nation, ont

eu l’expérience des malheurs qu’entraînent les désordres et l’insécurité. Ils apprécient la stabilité dont leur pays jouit depuis plusieurs décennies. Par ailleurs, vous ne l’ignorez pas, nous disposons d’institutions représentatives qui fonctionnent normalement, la liberté d’expression est indiscutable, et les droits de l’homme sont respectés. M. Faujas, pour sa part, s’intéresse essentiellement à la situation économique et sociale du Cameroun pour estimer que celui-ci fait du « surplace » et qu’il ne valorise pas son potentiel humain et naturel. Ce constat, sans nuance, s’explique, selon lui, par « l’inertie » de la gouvernance, qui se traduit par une croissance économique et une amélioration des conditions de vie insuffisantes. Inversement, il reconnaît que la gestion des finances publiques est satisfaisante et que les indicateurs macroéconomiques sont plutôt favorables. Où se trouve donc la vérité ? S’il est exact qu’une certaine forme d’inertie et une corruption rampante ont, au cours des dernières années, freiné la croissance de notre pays, le président de la République lui-même les dénonce régulièrement, et le gouvernement s’efforce de les éradiquer. NÉANMOINS, il serait injuste d’occulter l’enchaîne-

Le problème de la succession, lorsqu’il se posera, ne sera pas réglé par la voie dynastique mais selon les dispositions prévues par la Constitution.

ment des faits qui ont conduit à la situation actuelle : détérioration des termes de l’échange à la fin des années 1980 ; application des programmes d’ajustement structurel dans les années 1990, avec les conséquences que l’on sait sur le niveau de vie des populations ; crise de 1993-1994 ; mise en œuvre des programmes de développe ment économique et financier et reprise de la croissance ; enfin, crise mondiale en 2008-2009. Même si cette dernière n’a pas

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MARTIN BELINGA EBOUTOU

Directeur du cabinet civil du président de la République du Cameroun remis en cause nos fondamentaux, elle a provoqué un ralentissement de notre redressement, en pénalisant notre commerce extérieur et en contrariant les investissements. DÈS LORS, il apparaît difficile de porter un jugement

population connaît les avantages de la stabilité et qui entend bien la mettre à profit pour avancer dans la voie de l’émergence. N’est-ce pas là l’essentiel ?

François Soudan et Alain Faujas réagissent :

Cet intéressant plaidoyer appelle de notre part équitable sur notre politique de développement sans deux remarques. Sur le plan politique, notre apmentionner les facteurs qui tiennent à l’environnepréciation d’observateurs nous a effectivement ment international et sur lesquels nous n’avons pas conduits à estimer qu’en ce qui concerne l’élecprise. Par ailleurs, comme vous tion présidentielle d’octobre CÔTE D’IVOIRE LE PATRON DE L’ONU PARLE le savez, le Cameroun est, à prochain « les jeux, sauf accil’échelle africaine, un assez dent, sont faits ». Ce qui a pour grand pays par la superficie et le conséquence de geler les ambichiffre de sa population, ce qui tions de « dauphins présumés SÉNÉGAL TUNISIE ASSURANCES YÉRIM SOW, UN TRÈS BEN ALI ET SES LE GRAND PUBLIC en matière d’infrastructures et ou putatifs dont l’opinion cite DISCRET MILLIARDAIRE MAUVAIS GÉNIES EN LIGNE DE MIRE Spécial 10 pages de développement social soulèvolontiers les noms – au grand ve des problèmes d’envergure. dam de ces derniers […] si tant Bien que nous ne disposions est, bien sûr, qu’il s’agisse là de pas de ressources pétrolières leur objectif ». Cette prévision, importantes, comme d’autres somme toute banale pour tout États, nous avons fait de gros « camerounologue », ainsi que efforts dans le domaine social, le fait d’énumérer avec les préparticulièrement en matière de cautions d’usage quelques-unes santé publique et d’éducation, de ces personnalités connues ce que l’on nous reconnaît habide tous (et largement médiaÀ neuf mois de la présidentielle, le pays de Paul Biya peine à sortir tuellement. tisées) devraient-ils poser un de sa torpeur politique, économique et sociale. Enquête sur un lion endormi. tel problème au point de créer JE NOTE, POUR M’EN FÉLICI« une ambiance forcément déTER, qu’in fine M. Faujas admet létère au sein de l’équipe gouqu’il existe de la part de l’État vernementale » ? Le Cameroun une volonté politique d’aller de n’est-il pas une démocratie ? l’avant et que nos grands proL’esprit de solidarité censé aniJeune Afrique n° 2614, jets, lorsqu’ils prendront corps, mer l’équipe dirigeante serait-il du 13 au 19 février. devraient finir par relancer la à la merci d’un simple article de croissance. La souscription sans difficulté du grand presse (fût-ce dans Jeune Afrique) ? emprunt d’État, en décembre dernier, est un signe de Sur le plan économique et social, M. Belinga Eboula disposition et de la disponibilité des épargnants et tou omet de faire allusion aux causes de la somnodu secteur financier à accompagner notre redresselence camerounaise que notre dossier pointait et qui ment. J’ajoute que si M. Faujas avait été présent au empêchent le secteur privé de créer de la richesse, récent comice agropastoral d’Ebolowa, il aurait été pour imputer aux facteurs exogènes une croissance frappé, comme nous tous, par la vitalité et le dynainsuffisante. Mais n’est-ce pas le devoir d’un gouvermisme de notre monde agricole. nement que de mettre le pays à l’abri des inévitables Pour conclure, permettez-moi de relever, pour le chocs venus de l’étranger ? Enfin, concernant la corsouligner, que le Cameroun ne me semble pas être ruption, nous avons bien noté les progrès réalisés ce « lion endormi » que MM. Soudan et Faujas ont par le Cameroun dans la lutte contre cette plaie. peut-être un peu hâtivement dépeint. C’est évidemTout en constatant que des prédateurs, grands et ment un pays, comme tous les autres, qui n’échappetits, continuent de nuire à sa crédibilité. Sur ce pe pas à la critique. Mais c’est aussi un pays dont la plan aussi, le lion peut (et doit) mieux faire. ■ HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e ANNÉE • N° 2614 • du 13 au 19 février 2011

www.jeuneafrique.com

COMMENT VA LE CAMEROUN?

Défilé lors du comice agropastoral à Ebolawa, en janvier.

ÉDITION AFRIQUE CENTRALE

France 3,50 € • Algérie 170 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 Birr • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285

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KEPSEU JEAN PIERRE

AFRIQUE SUBSAHARIENNE 43


TNOEL/APANEWS

44 AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Originaire de la région de Lomé, Alex Kodjo Ahonado a été capturé le 16 septembre, à Arlit.

AQMI

Un Touareg pour faire libérer les otages Cʼest en partie grâce à la médiation discrète du Malien Iyad Ag Ghali quʼune Française, un Togolais et un Malgache ont pu rentrer chez eux.

Q

ui a négocié la libération « partielle » des otages enlevés le 16 septembre dernier à Arlit, au Niger ? Le 26 février, la Française Françoise Larribe, le Malgache Jean-Claude Rakotoarilalao et le Togolais Alex Kodjo Ahonado sont arrivés à Villacoublay (banlieue parisienne) à bord d’un Falcon de l’armée de l’air

SIDA

L

française. Mais leur liberté a un goût amer. Enlevés lors du même rapt, un cadre du groupe français Areva (époux de Françoise Larribe) et trois salariés de son sous-traitant Satom restent entre les mains d’Abou Zeid, l’un des émirs d’AlQaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Selon deux sources dignes de foi, le Malien Iyad Ag Ghali a joué un rôle

dans les négociations. Il ajoute ainsi une ligne à son CV de médiateur. En février 2010, il avait déjà participé à la libération du Français Pierre Camatte et, en 2008, à celle de deux touristes autrichiens. Iyad Ag Ghali est une figure emblématique de la rébellion touarègue des années 1990. Il a par la suite occupé un poste de conseiller au consulat malien en Arabie saoudite. « Très religieux », mais aussi « très discret » selon un connaisseur, il a pour parent un émir d’Aqmi de la région malienne de Kidal, l’ancien imam Abdelkrim, surnommé Taleb. Selon la même source, ce sont ses « nombreux réseaux dans les milieux touaregs, où il est très écouté », qui permettent à Iyad Ag Ghali de jouer les médiateurs. Contacté par Jeune Afrique, un interlocuteur à la présidence malienne dit cependant n’avoir « aucune information officielle » au sujet du rôle tenu par notre homme dans la libération des otages d’Arlit. Areva refuse de commenter la rumeur du versement d’une rançon. Selon nos sources, le président du conseil d’administration d’Imouraren SA (filiale d’Areva), Mohamed Akotey, a rencontré Abou Zeid à deux reprises depuis l’enlèvement. La possibilité d’une libération partielle était sur le tapis depuis plusieurs semaines. Du point de vue d’Aqmi, les otages africains ont une valeur symbolique moindre que les Occidentaux – bien que Jean-Claude Rakotoarilalao et Alex Kodjo Ahonado soient chrétiens, et donc « mécréants ». Aqmi a par ailleurs toujours libéré les otages féminins. ■ MARIANNE MEUNIER

Des femmes mieux prises en charge

es femmes ne sont plus les laissées-pour-compte de la prise en charge des malades du sida. Bien au contraire… C’est la conclusion du rapport que publie, le 8 mars, l’Agence nationale française de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS). Intitulé « Les Femmes à l’épreuve du VIH dans les pays du Sud », ce rapport s’est intéressé à l’accès aux traitements dans des pays comme le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal. Il conclut que la mise en place de politiques plus ciblées depuis le début des années 2000, en particulier dans le cadre de la prévention de la transmission mère-enfant, et la gratuité des antirétroviraux – qui tend à se généraliser dans les pays du Sud – ont complètement changé la façon qu’avaient les femmes de se prendre en charge. Fin 2009, en Afrique subsaharienne, une femme sur trois

avait déjà eu accès à un dépistage du VIH, contre un homme sur cinq. Les malades de sexe féminin prennent leur traitement plus régulièrement et ont moins de scrupules à parler de leur maladie à leurs partenaires et à les orienter vers des centres de dépistage. « On ne peut pas dire que toutes les femmes sont hors de danger, qu’elles ont une couverture médicale idéale et que les hommes sont défavorisés par les politiques actuelles, nuance le Dr Alice Desclaux, chercheuse à l’ANRS. Mais il y a de réelles avancées dans leur façon d’aborder le sida et dans leur rôle social. Elles surmontent la stigmatisation, pour la santé de leurs enfants. » En matière de prévention en revanche, il reste toujours beaucoup à faire. En 2009, en Afrique, 13,7 millions de femmes vivaient avec le sida. ■ MALIKA GROGA-BADA J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


AFRIQUE SUBSAHARIENNE 45 TOGO

MOT CHOISI

Limogé sans explications Le ministre du Commerce, Seth Kokou Gozan, a été remercié, le 1er mars, par le chef de lʼÉtat.

A

ucune explication officielle. Le 1er mars, le président togolais, Faure Gnassingbé, a brutalement limogé son ministre du Commerce, Seth Kokou Gozan. À 59 ans, cet ancien cadre de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), issu du parti au pouvoir, est de ceux qui avaient été « recrutés » en mai dernier pour leurs compétences techniques. Pourtant, confronté à la délicate question des prix, l’éphémère ministre du Commerce n’a pas tenu la distance. Dès juin 2010, arguant de l’urgence de réduire le déficit budgétaire creusé par la subvention des prix à la pompe et du gaz domestique, il avait annoncé une hausse des prix des produits pétroliers. « L’État se désengage du secteur pétrolier pour que le contribuable puisse payer le carburant

au prix juste du marché », justifiait-il alors à la télévision publique. Sauf que la mesure a provoqué des manifestations émaillées de violences à Lomé… La pression exercée sur le budget des ménages a été si forte que le ministre a fait machine arrière en janvier, concédant une baisse des tarifs et annonçant que le gouvernement avait puisé dans les réserves de l’État « afin de limiter l’impact des coûts élevés des importations de pétrole sur les prix à la pompe ». À cette politique erratique s’ajoute une bourde. Le 24 fév rier, Kokou Gozan a confié le monopole de l’importation de riz à deux sociétés privées togolaises. La décision, qui accordait en outre aux deux entreprises des facilités douanières et bancaires, a suscité la colère de la filière. Dans un contexte où l’envolée des prix des produits alimentaires et celle du taux de chômage sont les ingrédients capitaux des révoltes populaires, c’était la maladresse de trop. ■

BLING

Sonko – « le riche et flamboyant » en swahili – n’est pas à une excentricité près. Casquette, montre oversize, bagues nombreuses et rutilantes… À 35 ans, Gideon Mbuvi – de son vrai nom – ressemble plus à un rappeur américain qu’à un élu du Parlement kényan, qu’il est pourtant. Le 2 mars, exaspérés par son style vestimentaire, ses honorables collègues l’ont fichu à la porte. Son accoutrement, ont-ils expliqué en référence aux boucles d’oreilles qu’il arborait ce jour-là, « offense la dignité de l’Assemblée ». Un peu blingbling, Sonko ? L’intéressé (qui conduit un Hummer) répond que non et que le Kenya a trop longtemps été gouverné par des vieux. À bon entendeur…

GEORGES DOUGUELI

MARC HOFER/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA

KAMPALA UN MUZUNGU AU CONSEIL MUNICIPAL ?

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C’est l’ambition du médecin ougando-irlandais Ian Clarke, 59 ans. Il est candidat à la présidence du quartier de Makindye. Il promet « de bonnes routes, un bon système de santé et le développement économique ». Installé en Afrique depuis la fin des années 1980, il y a créé l’International Medical Group, qui emploie quelque 700 personnes.


FETHI BELAID/AFP

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À son domicile, le 1er mars, à Tunis.

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT 47

TUNISIE

BÉJI CAÏD ESSEBSI, AU-DESSUS DE LA MÊLÉE Réputé pour son art du compromis et son indépendance dʼesprit, lʼancien ministre des Affaires étrangères de Habib Bourguiba hérite de la délicate mission de conduire la transition.

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ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis

a rue tunisienne n’a mis que qu at r e s e m a i ne s pour chasser du pouvoir Zine el-Abidine Ben Ali. Et si x sema i ne s p ou r pousser à la démission Mohamed Ghannouchi, maintenu à la tête d’un gouvernement provisoire alors qu’il venait de passer une dizaine d’années au service du raïs déchu. Mais l’éradication des résidus de l’ancien système pour garantir la mise en place des structures démocratiques se révèle encore plus ardue. Pour remplacer Ghannouchi, Fouad Mebazaa, le président par intérim, a

sorti de son chapeau Béji Caïd Essebsi, un vieux briscard de la politique qui s’était distingué par son libéralisme du temps de Bourguiba, dont il a été successivement le conseiller, le ministre et l’ambassadeur pendant plus de vingt ans, interrompus par une bouderie dans les années 1970. Éloigné de la scène publique depuis 1992, « Si Béji » s’est cantonné dans un rôle d’observateur, ce qui ne l’a pas empêché de devenir, en coulisses, la bête noire de Ben Ali, qui n’appréciait guère sa présence avec d’autres personnalités indépendantes à la table de l’ambassadeur des États-Unis sur les hauteurs

BIO EXPRESS

29 novembre 1926 Naissance à Sidi Bou Saïd

1969-1970 Ministre de la Défense nationale

1950 Licence de droit à Paris

1970-1971 Ambassadeur à Paris

1952 Admission au barreau tunisien

1981-1986 Ministre des Affaires étrangères

1956 Conseiller auprès de Bourguiba 1962 DG de la sûreté nationale 1965-1969 Ministre de l’Intérieur

1990-1991 Président de la Chambre des députés 27 février 2011 Premier ministre du gouvernement provisoire

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de Sidi Bou Saïd, où il est né. Si Béji réussira-t-il là où son prédécesseur a échoué ? L’opinion dominante est qu’il a en tout cas le profil idoine. « Il est connu pour son patriotisme, sa loyauté et son abnégation au service de la patrie », a déclaré Mebazaa en annonçant sa nomination. « Il a les atouts nécessaires », estime Souhayr Belhassen, ancienne collaboratrice de Jeune Afrique et présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), qui le connaît depuis une quarantaine d’années. « Il n’y a presque plus de personnel politique dans le pays, Ben Ali l’a décimé. Il n’y a pas mieux que Si Béji dans la situation actuelle. Il a dirigé des ministères régaliens, ce qui lui a permis de se tailler une stature d’homme d’État. » « C’est un homme charismatique, observe Ezzeddine Larbi, ancien économiste en chef à la Banque mondiale. Il peut être un grand catalyseur et mener cette transition porteuse d’espoirs et de promesses. » DROITURE ET INTELLIGENCE

« Dans sa mission, Caïd Essebsi est servi par des qualités reconnues qui ont fait sa réussite politique. Il sait taire le mal qu’il peut penser de la plupart et dire à quelques-uns plus de bien d’eux qu’il ne le pense. […] Son art du compromis fait merveille », écrit à son propos Béchir Ben Yahmed en 2009 (dans J.A. n° 2532). « Il est l’homme des missions difficiles et délicates. Je fais confiance à sa droiture et à son intelligence », a dit de lui


48 MAGHREB & MOYEN-ORIENT Caïd Essebsi a toujours fait prévaloir son indépendance d’esprit. Son engagement aux côtés de Bourguiba dès 1956 n’a jamais été inconditionnel, sans toutefois aboutir à la rupture. Il faisait partie, dans les années 1970, du premier groupe de libéraux parmi les dirigeants du parti unique qui avaient dit non au pouvoir personnel et prôné une démocratie pluraliste. « Je n’étais ni l’homme de Wassila [ex-épouse de Bourguiba, NDLR], ni l’homme de Bourguiba, ni de personne d’autre… », écrit-il. Cette indépendance transSENS DE LA FORMULE paraît dans les confidences Pour Souhayr Belhassen, qu’il a faites depuis la chute Si Béji est intelligent, alerte de Ben Ali, avec des appréet pragmatique. Il se donne ciations pointues sur ce dertoujours le temps, en paronier et quelques phrases clés les comme en actes. Brillant sur les événements que vient avocat, il est d’un commerce de vivre le pays, ainsi que sur agréable. Il ne révèle pas sa les mesures qu’il convient de pensée et cherche d’abord prendre. Pour lui, Ben Ali à décrypter les intentions n’avait aucun sens patriotide son interlocuteur avant que et parlait d’État de droit d’abattre ses cartes. Il est et de démocratie tout en faiconnu pour son sens de la sant le contraire. Il le comrepartie et de la formule. pare au Néron qui a brûlé Lors d’une visite à Tunis, Rome. Il se félicite de cette Douglas Hurd, alors minis« révolte populaire authentre britannique des Affaires tique », résultat d’une accuétrangères, lui a demandé mulation de frustrations qui comment il faisait avec le « a fait sauter le couvercle de colonel Mouammar Kadla cocotte-minute ». Selon dafi. Réponse de Si Béji : lui, l’urgence de la situation « Comme avec nos rhumacommande de rétablir la tismes, ça s’enflamme parAvec Habib Bourguiba et l’ancien président des États-Unis sécurité de manière à rassufois, ça se calme après, la Richard Nixon, le 26 juin 1985, à Washington. rer les citoyens, de prendre douleur est toujours latenrapidement des mesures en te, mais nous n’en mourons faveur des jeunes, de changer la loi pas. Nous faisons avec. » dre date : […] lorsque le temps fera électorale en vue d’élections transpason œuvre, que le bon grain se sera On ne lui connaît pas d’écrit sur rentes et de faire confiance aux comdébarrassé de l’ivraie, et que l’HistoiBen Ali, mais un livre de témoignage pétences en place. re prendra le pas sur l’actualité, Habib et d’analyse sur Bourguiba édité en Si les jeunes se demandent si son Tunisie (Habib Bourguiba. Le Bon Bourguiba sortira alors du purgatoire âge (84 ans) n’est pas un handicap, et la statue équestre du plus illustre Grain et l’Ivraie, 515 pages, Sud Édid’autres estiment, au contraire, que des Tunisiens reprendra sa place à tions, Tunis, 2009) et qui est en partie c’est un atout et un gage de sagesse au Tunis, sur l’avenue Habib-Bourguiba, autobiographique. Le livre rencontre sein d’une élite où les ambitions poliun grand succès de librairie grâce, face à la statue d’Abderrahmane Ibn tiques personnelles ont souvent pris le Khaldoun, le sociologue tunisien le entre autres, à l’un de ces coups de dessus sur l’intérêt public. ■ plus illustre de tous les temps. » plume dont il a le secret. Faisant référence à la statue équestre de Bourguiba, scandaleusement déboulonnée sur ordre de Ben Ali au lendemain de son arrivée au pouvoir en 1987 pour la déplacer du centre de Tunis au port de la Goulette, moins fréquenté, il écrit sur un ton de défiance et pour pren-

TRIPPETT/SIPA

Bourguiba dans un hommage public. En 1985, alors qu’il était son ministre des Affaires étrangères et s’apprêtait à rencontrer un chef d’État voisin, Bourguiba lui a lancé : « Tu n’es pas de ceux à qui il faut souffler ce qu’il y a lieu de dire ; tu sais caresser dans le sens du poil. » Caïd Essebsi a toujours entretenu des réseaux et tenait table ouverte avec le concours de sa femme, Saïda Farhat, issue comme lu i d ’u ne f a m i l le qu i a occupé des fonctions dans la cour beylicale.

TOU T E S L E S F E M M E S D’A F R IQU E

LE MONDE DES FEMMES

Joëlle Ededeghe Ndong dimanche 13h10 -13h40 et sur www.africa1.com


En vérité MARWANE BEN YAHMED

La démocratie, cʼest encore loin ?

A

lors que le monde entier avait les yeux rivés sur la Libye, la mère des révolutions arabes donnait de sérieux signes d’essoufflement. Mais un peu moins de deux mois après la chute de Zine el-Abidine Ben Ali, la Tunisie semble se ressaisir après avoir longtemps navigué à vue. Un premier chef d’État au soir de cet historique 14 janvier, un second le lendemain, un premier gouvernement de transition, un deuxième, puis un troisième, des ministres qui vont, viennent, démissionnent ou l’envisagent chaque matin, au rythme des « Emchi ! » (« Partez ! » en arabe) qui montent sous leurs fenêtres… Mohamed Ghannouchi, éphémère Premier ministre de la transition, aura donc fini par payer le prix de son apprentissage du rôle de chef dans un pays qui n’en a connu que deux depuis son indépendance. La précipitation avec laquelle a été mise sur pied la première équipe gouvernementale, pourtant séduisante sur le papier malgré quelques noms qui n’auraient jamais dû y figurer, a créé une faille qui n’a cessé de s’élargir avec le temps. Depuis le 15 janvier jusqu’à sa démission, Ghannouchi n’aura cessé de tenter de rattraper cette erreur originelle et de colmater la brèche. LE SOCLE DE LA TRANSITION ÉTAIT AINSI, dès

le départ, trop fragile pour soutenir un travail titanesque : construire cette démocratie tant attendue tout en répondant aux mille et un problèmes qui se posent chaque jour. À sa décharge, Ghannouchi n’a jamais pu travailler dans la sérénité et a dû affronter certains acteurs qui, s’ils n’ont joué qu’un rôle minime et souvent tardif dans la révolte populaire, n’en espéraient pas moins tirer leur épingle du jeu. Au premier rang desquels l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), percluse de contradictions : sa direction a toujours soutenu Ben Ali, parfois même au-delà des espérances de ce dernier, alors que sa base a toujours renâclé à le faire. Mais après la révolution, elle s’est muée en vengeur masqué et s’est efforcée de saborder le gouvernement, tout en appelant à la grève un pays déjà exsangue. Et elle a gagné… Ghannouchi a donc jeté l’éponge, lassé d’être pris entre deux feux – la vraie rue tunisienne et les résidus de l’ancien régime –, alors qu’il ne ménageait pas sa peine pour sortir le pays de l’ornière. Son successeur, Béji Caïd Essebsi, 84 ans, a pour lui l’expérience, l’intelligence et le pragmatisme. Mais il hérite d’une mission périlleuse: mettre fin aux vertiges de la révolution J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

dans un contexte où la surenchère et les ambitions personnelles ont pris le pas sur l’intérêt général. Chaque semaine passée dans cette interminable zone de turbulences où se mêlent insécurité, défiance permanente, règlements de comptes, inquiétudes, rumeurs et paralysie économique constituera un bâton de plus dans les roues de la Tunisie de demain. LA SOLUTION? UN GOUVERNEMENT de technocrates

chargés de gérer les affaires courantes mais aussi les urgences. Les directeurs d’administration, réputés pour leur compétence et leur probité, pourraient fournir les principaux contingents de cette équipe. Aux côtés, ou plus précisément au-dessus de cette dernière, un Conseil de sauvegarde de la révolution, composé des leaders politiques et de la société civile, chargé de superviser la transition. Enfin, comme l’a suggéré en premier l’ancien ministre Mansour Moalla, l’élection d’une Assemblée constituante et législative qui désignera un gouvernement responsable devant le Parlement, la dissolution des deux Chambres actuelles, mais aussi celle des conseils municipaux pour « achever le nettoyage et repartir propres et nets ». Le président par intérim, Fouad Mebazaa, a annoncé un certain nombre de ces mesures, et c’est tant mieux ! L’e x t r a o r d i n a i r e énergie libérée par les pionniers du bouleversement historique que connaît le monde arabe doit être canalisée vers l’édification d’une nation modèle plutôt que de s’épuiser dans un perpétuel « Dégage! ». Cela suppose que les acteurs politiques, les syndicats et les membres de la société civile assument leurs responsabilités, laissent leurs ego de côté et acceptent de se faire confiance. Cela suppose aussi de rassurer l’opinion par l’annonce de mesures claires, inscrites dans un calendrier, pour ne pas la laisser s’enliser dans des combats inappropriés. Le chemin qui mène à la démocratie est toujours long et tortueux. Mieux vaut donc être bien chaussé… et ne pas perdre de temps en route. ■

L’énergie libérée doit être canalisée vers l’édification d’une nation modèle, plutôt que de s’épuiser dans un perpétuel « Dégage ! ».

VINCENT FOURNIER/J.A.

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INTERVIEW

Gamal al-Banna FRÈRE DU FONDATEUR DES FRÈRES MUSULMANS

« Baradei pourrait être notre prochain président » Partisan dʼun islam progressiste et dépoussiéré, il livre son analyse de la révolution égyptienne et revient sur le rôle que peuvent jouer les Frères musulmans dans un cadre démocratique.

G

amal al-Banna, 91 ans, est l’un des intellectuels égyptiens les plus respectés. Et l’un des meilleurs connaisseurs de la doctrine des Frères musulmans, confrérie fondée en 1928 par son propre frère, Hassan al-Banna, abattu en 1949 après l’assassinat du Premier ministre égyptien, Mahmoud Pasha, attribué à l’organisation. Gamal est aussi le cousin de Saïd Ramadan (gendre de Hassan), fondateur de la branche palestinienne du mouvement, dont se réclame aujourd’hui le Hamas. Même s’il n’a jamais adhéré à l’organisation, Gamal a sans cesse étudié et propagé les idées de son frère, souvent dans un esprit critique. Car il passe pour être un des représentants de l’islam progressiste. Il vit retiré dans un quartier pauvre du Caire, où il continue infatigablement à défendre dans ses écrits la réforme qu’il appelle de ses vœux. Nous l’avons rencontré au lendemain de la révolution qui a bouleversé l’Égypte, afin de mieux comprendre quel rôle entendent jouer ces Frères musulmans qui font si peur à l’Occident. JEUNE AFRIQUE : Depuis toujours, vous écrivez sur la faillite des États musulmans et appelez à une renaissance de la société islamique. Vous attendiez-vous aux bouleversements en cours en Égypte et dans les autres pays arabes ? GAMAL AL-BANNA : Non. Personne ne s’y attendait. Du moins pas de cette manière, ni à cette vitesse. En Égypte, l’agonie du régime de Hosni Moubarak était perceptible depuis longtemps,

mais, pour tout le monde, le moment critique devait être le passage de témoin à son fils. Sans doute la révolte tunisienne a-t-elle été l’étincelle, mais c’est le soulèvement égyptien qui a entraîné les autres pays arabes dans son sillage. Il en a toujours été ainsi dans la région : quand l’Égypte fait un pas, tous les autres suivent. Même l’Arabie saoudite. Moubarak parti, la confrontation se poursuit entre son régime et le peuple, avec l’armée comme arbitre. À quoi faut-il s’attendre ? L’Égypte se trouve à la croisée des chemins. Au lieu de simplement démissionner, Moubarak a remis le pouvoir entre les mains de l’armée. Jusqu’à présent, celle-ci a fait preuve de bon sens, mais, au final, il s’agit quand même de soldats. Je n’exclus pas que le dialogue entre les militaires, les forces de l’opposition et les groupes de jeunes à l’origine de la révolte puisse se détériorer. Je ne crois pas à un retour à la répression et à la censure. Le peuple ne le permettrait pas. Mais il n’est pas impossible que cela finisse comme en Libye, où le régime de Kaddafi est en train de se battre pied à pied. Cela m’inquiète. Plusieurs mois de grande incertitude nous attendent. Je comparerais la situation actuelle à celle de l’Union soviétique durant la perestroïka de Gorbatchev.

craintes face à une éventuelle montée de l’islamisme radical, en Égypte comme ailleurs. Quel rôle les Frères musulmans entendent-ils jouer ? Depuis le début, les Frères musulmans ont choisi de soutenir les manifestants sans chercher à les instrumentaliser, parce qu’ils ont tout de suite compris qu’ils ne pourraient pas peser sur les événements. Les jeunes Frères sont descendus dans la rue, comme les autres, agitant le drapeau national et non la bannière de la confrérie. Ils n’étaient pas plus de 20 000 à 30 000 sur les 2 millions de contestataires qui ont occupé la place Al-Tahrir. Ils ont choisi une stratégie prudente, se bornant à soutenir les demandes de réformes. La confrérie est décidée à respecter les règles de la démocratie. Si des élections ont lieu, elle y prendra sûrement part, mais je peux déjà vous dire qu’elle ne présentera pas de candidat à la présidentielle. En ce moment, les Frères n’ont pas un poids électoral suffisant pour prendre le pouvoir. Leurs

« Le problème de la confrérie, c’est que sa conscience politique est embryonnaire. »

L’Occident a très vite pris le parti de la rue, sans pour autant cacher ses

efforts sont plutôt tournés vers une islamisation de la société par le bas. Les Frères musulmans sont très bien organisés et présents un peu partout dans la société égyptienne. Quel est leur poids électoral ? Si demain se tenaient des élections libres en Égypte, je crois que les Frères obtiendraient facilement entre 20 % et 25 % des suffrages, soit 120 à 150 sièges au Parlement. Mais si l’instabilité venait à s’aggraver et si la période d’incertitude se prolongeait, leur influence

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CRIS BOURONCLE/AFP

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pourrait croître, car ils sont indéniablement l’élément le mieux structuré de la société égyptienne. C’est un mouvement social en constante progression, il n’y a aucun doute là-dessus. Et vu son importance actuelle, il est inévitablement devenu une force politique, même si ce n’était pas son objectif initial. Le leadership actuel est décidé à respecter les règles de la démocratie. Le problème, c’est que la conscience politique des Frères, même si elle a été développée ces dernières années, est encore embryonnaire. Comment l’Occident et les forces libérales de la société égyptienne peuvent-ils croire au nouveau visage démocrate des Frères musulmans, vu leur passé radical et violent ? En réalité, à chaque fois que sont apparues au sein de la confrérie des franges extrémistes et violentes, elles en ont été aussitôt écartées. Les Frères n’ont jamais théorisé le recours à la violence pour islamiser la société. Leur mauvaise réputation est due en grande partie à l’efficacité de la propagande israélienne, à partir de l’implication des Frères dans le conf lit israélopalestinien, notamment à l’époque de la Seconde Guerre mondiale. C’est un fait que, pour les Frères, Israël reste une présence coloniale inacceptable au cœur du monde arabe. Les Américains et les Européens ont donc raison de dire que la confrérie est opposée à Israël, mais ils ont tort de croire que c’est un

Gamal al-Banna

mouvement fanatique. et redonner au pays une dans la bibliothèque de sa fondation, Les Frères exhortent la nouvelle influence régioen octobre 2006, population à vivre chanale. Il faudra du temps, au Caire. que jour selon les prinmais les conditions sont cipes de l’islam, mais ils réunies vu le poids de la n’appellent à aucune guerre sainte. population, des ressources, de l’histoire et, surtout, des institutions et de la Soit. Ma is com ment conjug uer société civile du pays. l’objectif d’islamiser la société avec les principes d’une démocratie En Libye, la chute de Kaddafi pourpluraliste ? rait-elle déboucher sur l’avènement Le modèle à suivre pourrait être d’un État islamiste ? celui de la Turquie, où le Parti pour la Je ne le crois pas. La société libyenne justice et le développement (AKP) a su a une forte tradition laïque. Je n’imas’adapter aux règles de la démocratie gine pas non plus le pays se diviser en moderne. Il a transformé la « chaplusieurs entités régionales. Bien sûr, ria » en « justice » et le « djihad » en Kaddafi se battra jusqu’au bout, mais, « développement ». Vouloir convaincre malgré ses diverses composantes trila population de vivre selon les prinbales, la société libyenne a développé cipes de l’islam, cela n’a rien d’antiune forte identité nationale depuis démocratique. l’indépendance, notamment après des tentatives d’ingérence des puissances Les bouleversements en Égypte ont étrangères. affaibli le pays sur le plan régional. L’Iran pourrait-il en profiter pour Où en sera l’Égypte dans six mois ? élargir sa sphère d’influence ? Même si la situation est délicate, L’Égypte sous Moubarak avait perdu j’espère qu’elle débouchera sur les predepuis longtemps son influence régiomières élections libres de l’histoire du nale. Aujourd’hui, nous n’avons pas plus pays. Je n’ai pas de préférence pour le de poids que n’importe quel petit émirat, prochain président, mais le candidat comme le Qatar. Quant à l’Iran, je pense le plus populaire en ce moment, c’est que, pour des raisons linguistiques, Mohamed el-Baradei. Ce pourrait être culturelles et historiques, son influenlui notre prochain président. Hélas, je ce ne pourra pas s’étendre au-delà de suis trop vieux pour espérer voir mon l’Irak ou de Bahreïn. Elle n’atteindra ni pays s’affranchir totalement de son l’Égypte ni le Maghreb. Je dirais même passé. ■ Propos recueillis au Caire par que la présente révolution pourrait libéDAVIDE VIGNATI et FRANCO GALDINI rer les forces de la société égyptienne

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ENQUÊTE

LA « LIGUE @RABE » Si Ben Ali et Moubarak ont dû jeter lʼéponge dʼabord sous la pression de la rue, les réseaux sociaux en ligne ont joué un rôle clé dans la mobilisation des peuples et lʼexportation de la révolution. Voyage au cœur dʼune cyber-résistance aussi insaisissable quʼunitaire.

«

A

« Flics autour de la maison hier et chez un ami ce matin, coup de fil au bureau », écrit-il. Un peu plus tard : « J’élève mon niveau de menace à orange. Les flics me cherchent apparemment. » Et puis plus rien. Ou presque. Vers 18 heures, il active le service Google Latitude sur son téléphone mobile pour permettre à ses amis de le localiser. Sa position parle d’elle-même : il se trouve au ministère de l’Intérieur. Les blogueurs du site internet dissident Nawaat, avec

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ujourd’hui, à 11h, place Mohammed Ali, à Tunis. E n s e mble p ou r Sid i Bouzid. » « J’ai besoin d’un binôme. Qui d’autre y va ? » « À partir de maintenant et jusqu’à la fin de la manif, je serai joignable au +216555… » « Alerte! Aziz tabassé puis disparu depuis 14h ! » « Anonymous a décidé de pirater les sites du gouvernement. Ils ont besoin de vous pour identifier des cibles. Rejoignez-les. » L’Histoire retiendra sans doute que c’est avec ce genre de courts messages, postés sur la plateforme de microblogging Twitter, que s’est écrite la fin du règne de Zine el-Abidine Ben Ali. Les expressions « révolution internet » ou « révolution Facebook », qui ont fait florès depuis sa fuite, sont certes exagérées – c’est d’abord sous la pression de la rue que Ben Ali et Hosni Moubarak ont jeté l’éponge –, mais il est indéniable que les réseaux sociaux en ligne ont joué un rôle crucial en amont. Dans la diffusion de l’information notamment. C’est sur ces réseaux que s’est répandue, depuis Sidi Bouzid, la nouvelle de l’immolation, le 17 décembre 2010, de Mohamed Bouazizi. Les grands médias ne commenceront à s’y intéresser qu’après les premiers soulèvements dans la région, quand les internautes les plus branchés, eux, veulent déjà venger le « martyr ». Le régime aura beau accentuer la censure, les images amateurs – très crues – des victimes de la répression se répandent à toute vitesse. Elles resteront même longtemps le seul matériau visuel à la disposition des chaînes de télévision étrangères. C’est à l’appel de blogueurs influents, comme Slim Amamou (devenu depuis

secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports), que les premiers rassemblements ont lieu à Tunis. Grâce à leurs contacts tunisiens sur la Toile, quelques manifestants égyptiens se réuniront même (déjà !) au Caire, à la fin de décembre, en solidarité avec les habitants de Sidi Bouzid. C’est aussi sur Twitter que les 2 500 « abonnés » de Slim Amamou à l’époque ont pu suivre son arrestation, presque en direct. Au matin du 6 janvier, il se sent traqué.

facebook

DYLAN MARTINEZ/REUTERS

PIERRE BOISSELET

Wael Ghonim

Nationalité Nati alité

Ég Égyptienne. ti Vit à Dubaï (il a demandé à Google de pouvoir rentrer au Caire pour « raisons personnelles » afin de participer à la mobilisation).

Âge

30 ans.

Profession

Responsable marketing Maghreb et Moyen-Orient chez Google.

Moyen d’action favori

Gère la page « Nous sommes tous Khaled Saïd » sur Facebook.

Communauté

983 627 « fans » sur sa page Facebook. 100 445 abonnés sur Twitter (le 3/3/2011).

Signe distinctif

Icône du soulèvement égyptien.

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facebook

D.R.

DU NET Sami Ben Gharbia

Nationalité Nati alité

Tunisi éc entre tr Tunisienne. A vécu les Pays-Bas et le Liban pendant son exil. Rentré en Tunisie quelques semaines après la chute de Ben Ali.

Âge

43 ans.

Profession

Salarié de Global Voices (réseau international de blogueurs).

Moyen d’action favori

Cofondateur de Nawaat, blog collectif tunisien dissident.

Communauté

4 728 abonnés sur Twitter (le 3/3/2011). 300 blogueurs contributeurs chez Global Voices. 180 000 visiteurs viennent au moins une fois par mois sur Nawaat depuis la levée de la censure (estimation).

Signe distinctif

Professionnel du militantisme pour la liberté d’expression. Coorganisateur des rencontres des blogueurs arabes de Beyrouth.

!


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qui il est en contact, lancent l’alerte : lui et Aziz Amami (un autre blogueur qui ne donne plus de nouvelles) ont été arrêtés. L’information rencontre un écho considérable sur la Toile, avant d’être rapidement relayée par les médias traditionnels. Malgré la détention des deux hommes, la mobilisation ne faiblit pas, ce qui prouve que le mouvement est massif et populaire. Décentralisé à l’extrême, le réseau ne fonctionne pas comme une organisation structurée : il n’a pas de centre névralgique et chaque membre peut, à son échelle, l’influencer. L’INFO AVANT TOUT

Les internautes basés à l’étranger jouent également un rôle important en relayant l’information, quelles que soient les circonstances. C’est ce que fera, par exemple, le blogueur marocain Hisham Almiraat (dont le nom de famille est un pseudonyme) quelques semaines plus tard, quand la contestation gagne Le Caire. « Les autorités égyptiennes avaient coupé internet. Même les SMS étaient très perturbés, se souvient-il. Nous étions morts d’inquiétude car les manifestants de la place Al-Tahrir étaient attaqués. » Les images sont retransmises sur Al-Jazira, mais Hisham veut plus d’informations. À Rouen, où il réside, il décroche son téléphone et appelle Ramy Raoof, un militant des droits de l’homme et ami rencontré sur la Toile. « Il m’a raconté ce qui se passait sur la place, et après notre conversation j’ai transmis toutes ses informations sur Twitter. » Depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, des liens de confiance unissent les « cybermilitants ». Persua-

NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

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Slim Amamou

Nationalité

Tunisienne. Tunisienne Vit à Tunis.

Âge

33 ans.

Profession

Secrétaire d’État tunisien à la Jeunesse et aux Sports. Développeur pour Alixys, jeune société créatrice d’applications web.

Moyen d’action favori

Twitter, qu’il utilise même pour raconter les Conseils des ministres en direct.

Communauté

19 511 abonnés sur Twitter (le 3/3/2011).

Signe distinctif

Est venu à l’activisme par la lutte contre la censure.

dés que la liberté d’expression rendue possible par internet rendrait le changement inéluctable, ils ont apprivoisé la Toile, appris à contourner la censure et diffusé les informations « subversives ». C’est ainsi qu’un collectif de blogueurs tunisiens dissidents décide, en 2004, de créer Nawaat. Comme son nom l’indique (« noyau » en arabe), le

site se donne pour but de centraliser l’ensemble des informations critiques sur le système Ben Ali. « Notre ligne, c’est de réclamer les libertés fondamentales supposées garanties par la Constitution tunisienne », rappelle Astrubal, nom de plume de l’un de ses fondateurs, professeur de droit « dans le sud de la France » le jour et blogueur

TWITTER ET FACEBOOK POUR LES NULS LES DEUX PRINCIPAUX « RÉSEAUX SOCIAUX » de la planète ont un ancêtre commun, les « blogs », ces journaux personnels mais publics dans lesquels l’internaute peut aisément répondre à l’auteur via les commentaires. Twitter n’est en fait qu’un dérivé des blogs, mais les messages postés par l’auteur ne peuvent dépasser 140 caractères (d’où le terme de « microblogging »). Chaque utilisateur peut s’abonner aux microblogs d’autres adeptes de la plateforme pour recevoir leurs messages et recruter en retour des abonnés. Il constitue ainsi son propre réseau. Twitter est particulièrement prisé des blogueurs, cybermilitants et journalistes : la plateforme présente l’avantage d’être extrêmement rapide pour

relayer l’information et de s’adresser à un nombre virtuellement infini de lecteurs, puisque les messages sont publics et peuvent être reproduits (« retweetés », selon le terme consacré) à l’envi sur son propre réseau. La plupart des adeptes des réseaux sociaux se retrouvent toutefois sur Facebook, le plus important de la planète (600 millions de membres). Le site est davantage tourné vers la sphère privée: il faut généralement « accepter » une personne qui en fait la requête avant qu’elle devienne « amie » et puisse ainsi consulter les messages (« statuts »), photos, vidéos ou liens hypertextes postés par l’utilisateur. Les plus actifs peuvent aussi constituer des groupes ou pages autour P. B. de la défense d’une cause. ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


55 dissident la nuit. Comme Sami Ben di Gharbia, autre fondateur de Nawaat Gh et « vétéran » du cybermilitantisme longtemps exilé aux Pays-Bas, il a lo aujourd’hui la quarantaine. Ensemble, au ils il ont mené l’opération « TuniLeaks », un des plus beaux coups de leur site, en novembre 2010. À cette époque, WikiLeaks prépare son grand débalWi lage la des câbles diplomatiques américains. En théorie, seuls une poignée ca de journalistes ont alors accès aux documents. Grâce à leurs contacts – et do à leur réputation sur la Toile –, Sami Ben Gharbia et ses amis parviennent Be à mettre la main sur les télégrammes en provenance de Tunis. « Une source anonyme nous les a envoyés vers la mian novembre, confiait-il à l’époque. Elle no nous no a demandé de ne pas commencer à les publier avant le 28 novembre », date da choisie par les grands journaux pour commencer le déballage. po Népotisme, corruption, prédation du clan Ben Ali-Trabelsi, qualifié pour l’occasion de « quasi-mafia »… Une l’ semaine avant que le quotidien franse çais Le Monde (pourtant partenaire de ça WikiLeaks) ne publie le lucide réquiWi

sitoire américain sur le régime tunisien, il est déjà disponible sur Nawaat. Ce scoop est évidemment relayé par d’autres cybermilitants, d’autant que Sami Ben Gharbia les connaît bien. Salarié du réseau de blogueurs Global Voices, il avait co-organisé une rencontre entre quelques-uns des leaders d’opinion de la Toile arabe, à Beyrouth, en décembre 2009. « Il y avait entre autres Slim Amamou, le Mauritanien Weddady, le blogueur bahreïni Ali Abdulemam [arrêté au début de septembre 2010, NDLR], qui vient d’être libéré », se souvient Hisham Almiraat, lui aussi invité à Beyrouth grâce à la Fondation Heinrich Böll, affiliée aux Verts allemands, qui sponsorise l’événement. « Il y a eu d’autres ateliers réunissant des blogueurs de différents pays, mais là, c’était la première fois que presque tous les pays arabes étaient représentés », précise Hisham Almiraat. Au Caire, l’Égyptien Ahmed Maher « commence aussi à correspondre

D.R.

facebook

Ahmed Maher

Égyptienne. Vit au Caire. Égyptienne Caire

Âge

30 ans.

Profession

Ingénieur dans le BTP.

Moyen d’action favori

Facebook, groupe du Mouvement du 6-Avril.

Communauté

101 115 membres du groupe Facebook « Mouvement du 6-Avril ». 3 571 « amis » sur Facebook (le 3/3/2011).

Signe distinctif

Le Mouvement du 6-Avril est à l’origine de la première manifestation organisée sur internet en 2008 et des manifestations du 25 janvier (début de la révolte égyptienne).

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

« Notre ligne, c’est de réclamer les libertés fondamentales. » Astrubal (arabophone) sur Facebook et appelle à une manifestation nationale le 6 avril. « En cinq jours, notre groupe a gagné 70000 membres », rappelle-t-il. Un chiffre très important, le site de socialisation américain n’en étant qu’à ses débuts sur le continent. Pas de quoi amorcer un mouvement à l’échelle nationale, toutefois. À Mahallah, des familles de travailleurs descendent dans la rue, mais sont réprimées par la police. LES AMÉRICAINS ATTENTIFS

Les États-Unis se montrent très attentifs au groupe de Maher. En décembre 2008, un de ses membres est reçu par des responsables américains au Congrès, en marge du sommet de l’Alliance des mouvements de jeunesse (une ONG de défense des cybermilitants dans le monde, soutenue par plusieurs grands médias et géants de l’internet américains). Le télégramme de WikiLeaks qui relate l’épisode ne dévoile pas l’identité du militant mais précise qu’il a révélé aux Américains l’existence d’un plan « non écrit » de transition démocratique qui aurait été adopté par l’opposition égyptienne et des mouvements de la société civile. Les diplomates américains estiment à l’époque qu’« aucune information » ne permet de corroborer l’existence de ce plan, qualifié de « peu réaliste ». Le Mouvement du 6-Avril appellera, dans la foulée, à une manifestation annuelle le 25 janvier 2009, « jour de la police », pour protester contre le régime. Chaque année, il parvient à rassembler quelques dizaines de militants… Jusqu’en 2011. Après le 14 janvier dernier, date de la fuite de Ben Ali, l’Égyptien Wael Ghonim sent alors l’effervescence s’emparer de sa page « Nous sommes tous Khaled Saïd » (en arabe). Ce

▲ ▲ ▲

Nationalité

avec des militants tunisiens sur internet », se souvient-il. Dès mars 2008, ce militant de 27 ans fait ses premières armes sur la Toile. La région de Mahallah connaît alors une série de grèves contre l’inflation et les privatisations. Pour soutenir les travailleurs, il crée, avec d’autres internautes, un groupe


56 MAGHREB & MOYEN-ORIENT arabes. Parfois, comme en Libye, les réseaux sociaux n’entrent en action qu’une fois le mouvement de protestation déclenché. Dans ce pays pourtant faiblement connecté, Facebook a rapidement servi de relais. Un groupe d’internautes a ainsi créé le Libyan Youth Movement (environ 10 000 membres), dont les meneurs sont anonymes, et qui tente de centraliser puis de relayer (en anglais) l’ensemble de l’information sur le soulèvement, un peu à l’image de Nawaat.

D.R.

facebook Nationalité

Marocaine. Vit à Rouen (nord de la France).

Âge

34 ans.

Profession

Médecin.

Moyen d’action favori

Les sites participatifs. Cofondateur de talkmorocco.net, auteur du blog Almiraat (« le miroir » en arabe), auteur bénévole pour le réseau de blogueurs Global Voices.

Communauté

3 820 abonnés sur Twitter (le 3/3/2011).

Signe distinctif

L’un des blogueurs marocains les plus influents.

Hisham Almiraat (pseudonyme)

▲ ▲ ▲

jeune cadre de Google Maghreb et Moyen-Orient l’avait créée à l’été 2010, ému par le sort de ce jeune Égyptien battu à mort pour avoir dénoncé la corruption de la police. « Il venait de la classe moyenne. Je me suis senti proche de lui, j’ai pensé qu’il pouvait être mon frère », confiera Ghonim à la chaîne américaine CBS. APPEL DÉCISIF

Le jeune homme met ses compétences au service de sa cause. « J’ai cherché à créer une marque dans laquelle les gens pouvaient avoir confiance », expliquera-t-il. Et ça marche : sa page devient rapidement la plus importante force de mobilisation en ligne du web arabe (près de 400 000 membres à la mi-janvier 2011). Il reprend alors à son compte l’appel au rassemblement du 25 janvier, lancé par son ami Ahmed Maher, qu’il a rencontré, selon l’International Herald Tribune, à l’occasion du retour en Égypte de Mohamed el-Baradei, au début de 2010. Le mouvement qui emportera Hosni Moubarak était lancé.

EXCEPTION ALGÉRO-MAROCAINE ?

Grâce au web, les révolutionnaires tunisiens transmettent leur savoir-faire. « Avant le début de la révolte, nous avions reçu des conseils de leur part : comment s’habiller, comment se protéger des lacrymogènes, comment agir face aux policiers… », se souvient Gigi Ibrahim, jeune étudiante de l’Université américaine du Caire et pasionaria du mouvement. Un document avec force schémas et conseils, véritable manuel du parfait manifestant, circule d’e-mail en e-mail. « Le but du jeu était de diffuser le fichier le plus largement possible sans qu’il tombe entre les mains des autorités », explique Hisham Almiraat, qui a pris part à ce soutien transfrontalier, tout comme les blogueurs de Nawaat. Les slogans lancés par les manifestants égyptiens les premiers jours (dont le célèbre « Dégage ! » en français) ne laissent aucun doute sur leur source d’inspiration. Les précédents égyptien et tunisien inspirent les militants d’autres pays

Plus à l’ouest, le groupe Facebook des Envoyés spéciaux algériens connaît un soudain décollage avec les émeutes de début janvier. Il dépasse désormais les 30 000 membres, sans toutefois se traduire par des rassemblements de grande ampleur. « Nous n’appelons pas les gens à descendre dans la rue, explique Youssef Sabeur-Cherif, un de ses administrateurs. Mais c’est vrai que ce qui intéresse le plus nos lecteurs, ce sont les émeutes, les appels à manifester… Tout ce qui concerne le changement. » Au Maroc, un appel à la manifestation, initialement lancé sur internet pour réclamer des réformes politiques, a réussi son pari du premier coup. Le 20 février, il a réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes, sans toutefois transformer l’essai. « À ma connaissance, les initiateurs de cet appel n’étaient pas actifs sur internet avant cet événement », témoigne Hisham Almiraat, qui scrute pourtant le web marocain en permanence à la recherche de contributeurs pour son site participatif talkmorocco.net.

Un manuel du parfait manifestant, avec force conseils, circule par e-mails. Tant que le pouvoir est jugé légitime, l’engrenage tunisien et égyptien semble impossible. « C’est vrai que la monarchie est légitime pour beaucoup de Marocains, dont je fais partie, analyse Hisham. Mais il y a aussi une forte demande pour une vraie démocratie : les réformes sont urgentes. Il faut que l’establishment comprenne que ce mouvement est une opportunité historique pour les conduire, car le capital de sympathie du roi n’est pas éternel. » ■

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


ÉCONOMIES

SOCIÉTÉS

QUAND UNE INFORMATION A TENDANCE À FOCALISER L’ATTENTION

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N 7 - Novembre 2010

POLITIQUES


58 MAGHREB & MOYEN-ORIENT LIBYE-LIBAN

Lʼénigme Moussa Sadr Assassiné ou emprisonné ? Le sort de lʼimam chiite disparu en 1978 après avoir rencontré Kaddafi fait de nouveau lʼobjet de toutes les spéculations.

pour les uns, l’imam a été exécuté ; pour les autres, il est bien vivant. Ainsi, le 22 février, le militant Sami el-Masrati affirme qu’une personne ressemblant à l’imam a été transférée par avion depuis la ville d’El-Beïda, dans le Nord-Est. Le 23, Issa Abdelmajid Mansour, figure de l’opposition en exil, confirme que Sadr est bien vivant et croupit dans un cachot à Sebha, dans le sud du pays. Le même jour, dans les colonnes du quotidien Al-Hayat, le représentant démissionnaire de la Libye auprès de la Ligue arabe déclare que l’imam a été tué et enterré dans la région de Sebha…

L

DROGUE

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ZONES D’OMBRE

REUTERS

a situation en Libye a redonné aux Libanais l’espoir de voir élucider une sombre affaire qui empoisonne les relations entre les deux pays depuis trente-trois ans : la disparition, en 1978, entre Tripoli et Rome, de l’imam chiite libanais Moussa Sadr. C’est le 25 août 1978, à l’invitation du « Guide » de la Jamahiriya, que le charismatique fondateur du parti Amal se rend à Tripoli, avec deux compagnons. Il cherche alors à convaincre les États arabes de mettre fin à la guerre qui embrase son pays. Les trois Libanais rencontrent Kaddafi, avant de disparaître dans la nature. Ils ne donneront plus jamais signe de vie. À Beyrouth, les partisans de Sadr accusent Kaddafi d’avoir fait disparaître leur leader. L’enquête ouverte dès 1978 privilégie cette piste. Mais Tripoli a toujours été formel : Sadr et ses compagnons ont quitté la Libye

Le fondateur du parti Amal.

pour l’Italie. De fait, trois hommes se présentant sous leurs identités avaient peu après séjourné à l’Holiday Inn de Rome. En 2004, Silvio Berlusconi remettra à Kaddafi le passeport de l’imam. Pourtant, la justice italienne avait confirmé que les trois hommes de l’Holiday Inn n’étaient pas les personnes disparues… Aujourd’hui, les langues se délient. Libyens repentis ou résistants s’accordent sur la culpabilité du tyran, mais se contredisent sur un point essentiel :

Au Liban, les partisans de Moussa Sadr sont plus que jamais persuadés du retour prochain de l’imam « de la patrie et de la résistance ». Plusieurs dizaines d’entre eux, de différentes confessions, ont manifesté, le 28 février, pour réclamer sa libération. Le 4 mars, la Haute Cour de justice libanaise, qui avait inculpé Mouammar Kaddafi en 2008, devait tenir une audience sur l’affaire. Mais de nombreuses zones d’ombre subsistent autour de cette disparition. Et il faudra sans doute attendre l’avènement d’une Libye débarrassée de son bourreau pour espérer faire toute la lumière sur ce dossier. ■ LAURENT DE SAINT PERIER

Extension du domaine de la lutte

elon le dernier rapport annuel de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) de l’ONU paru le 18 février, la production de stupéfiants s’intensifie au Maghreb et au Moyen-Orient, mais la coopération internationale aussi. L’Afrique du Nord est toujours une très importante zone de production de cannabis – la drogue la plus cultivée du continent. En tête, le Maroc, même si, selon les autorités, le tonnage de résine produite a été divisé par trois entre 2003 et 2009. La Libye exporte de la cocaïne et de l’héroïne, tandis que l’opium produit en Égypte et nouvellement en Algérie est surtout consommé localement. L’Égypte a également démantelé des laboratoires illégaux d’acides. Au Moyen-Orient, « l’usage de drogues en tout genre pose un problème de plus en plus grave », et le nombre de

polytoxicomanes augmente. Localement, c’est le cannabis provenant du Liban, de Turquie et d’Irak qui est le plus consommé. Du qat est produit au Koweït, des amphétamines en Syrie. Mais la région est aussi une zone de transit. L’Iran a opéré des saisies records d’opium, notamment en provenance d’Afghanistan : + 300 % entre 2008 et 2009. Seul motif d’espoir pour l’OICS : la densification de la lutte. La législation sur le contrôle des drogues médicamenteuses s’est durcie en Jordanie ou à Bahreïn. Le Conseil de coopération du Golfe (CCG) et la Ligue arabe ont, quant à eux, pris des engagements en 2010 pour lutter ensemble contre les trafics. Et plusieurs programmes nationaux de protection de la santé des consommateurs ont été mis en place avec l’OICS. ■ CONSTANCE DESLOIRE J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


© CHAPPATTE. EXTRAIT D’UNE BD REPORTAGE PARUE DANS « LE TEMPS » (GENÈVE) ET « INTERNATIONAL HERALD TRIBUNE ». POUR VOIR LE REPORTAGE COMPLET: WWW.BDREPORTAGE.COM

59

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


60 INTERNATIONAL

FRANCE LE RETOUR ET LE RECOURS Seize ans après, Alain Juppé retrouve le Quai dʼOrsay dans un contexte international bouleversé par les révolutions arabes. Pour la droite, il pourrait constituer une solution de rechange acceptable dans lʼhypothèse ‒ improbable ‒ où Nicolas Sarkozy renoncerait à briguer un second mandat.

P

HENRI MARQUE

lus dure fut la chute, plus éclatante est la revanc he. À son pro c ha i n voyage à Washington, Alain Juppé, le nouveau ministre français des Affaires étrangères, ne pourra s’empêcher de penser à l’humiliante épreuve de son accueil à New York, après sa condamnation dans l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris. Un calvaire judiciaire qui faillit le briser et qu’il raconte, comme pour l’exorciser, dans son livre Je ne mangerai plus de cerises en hiver… Traduisez : je ne serai plus jamais le même. Étonnante confession où il met à nu sa personne et son personnage avec une sincérité qui passerait chez tout autre pour de l’impudeur. Condamné à un an d’inéligibilité, il aurait pu estimer s’en être plutôt bien sorti si une magistrate ne lui avait lancé : « Vous avez trahi la confiance des Français ! » Il eut alors envie de « hurler », de « chialer » pour évacuer ses souffrances. Le pire l’attendait en janvier 2005, à l’aéroport John F. Kennedy. Alors qu’il patientait sur la ligne jaune des visiteurs, on l’invite à se présenter à l’immigration, où, deux heures durant, il va vivre l’un des plus douloureux

moments de son existence : « Je comprends très vite que j’ai été identifié comme un dangereux criminel. [...] On me cuisine sur ma condamnation. On me soupçonne déjà d’avoir voulu dissimuler ma condition de repris de justice. » « SI LA SITUATION S’AGGRAVE… »

Lui qui avait été si souvent accueilli avec tout le protocole réservé aux puissants de ce monde se voit interdire d’utiliser son téléphone mobile, par crainte, sans doute, qu’il n’entre en contact avec quelque complice. Six ans après, le voilà revenu parmi les privilégiés du tapis rouge. Après avoir décliné l’offre de prendre la tête du Quai d’Orsay il y a quatre mois, il l’accepte aujourd’hui dans des conditions qui, il est vrai, ont changé, comme il l’avait pressenti dès le mois de septembre : « Si la situation s’aggrave et s’il faut rassembler des hommes d’expérience dans un gouvernement resserré et qui gouverne, avec une nouvelle feuille de route… » Ce n’est pas un hasard si ces exigences ont été reprises, presque dans les mêmes termes, par Nicolas Sarkozy dans son allocution du 26 février. L’entourage du Château devait bientôt

Dans son bureau de la mairie de Bordeaux, en septembre 2010.

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


INTERNATIONAL 61 confirmer qu’Alain Juppé, pour faire face aux bouleversements planétaires induits par les révolutions arabes, avait reçu toutes les garanties d’un ministère autonome. L’ère est révolue des conseillers sous-marins et des diplomaties parallèles. Clé de voûte des institutions gaulliennes, le domaine réservé n’est pas remis en cause, mais il sera désormais partagé. À la différence de son passage à Matignon, Juppé garde de ses années au Quai d’Orsay

STÉPHANE KLEIN/FÉDÉPHOTO

L’ère est révolue des conseillers sous-marins et des diplomaties parallèles.

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

un aussi bon souvenir que celui qu’il y a laissé. Il en aura bien besoin pour ramener le calme et la confiance chez des diplomates en plein désarroi, qui par le biais de « collectifs » – du jamais vu – dénoncent tour à tour, anonymement mais publiquement, le manque de moyens et de vision de la politique extérieure française, son amateurisme, son impulsivité et, plus grave, son obsessionnelle « volonté de maintenir le statu quo » contre les changements du monde. Les médias célèbrent déjà le grand retour de l’homme fort du régime, aussitôt qualifié de « Premier ministre bis » voire de « vice-président », sauveur d’une majorité aux abois et, pour finir, successeur possible à l’Élysée. Le même portrait, en somme, qu’ils dressaient il y a quatre mois d’un François Fillon reconduit et requinqué. Habitué aux retournements d’humeur, le Premier ministre assure sans toujours convaincre que ses relations avec le président n’ont jamais été aussi confiantes et que toutes ces supputations « n’ont aucun sens ». Qu’adviendra-t-il du couple SarkozyJuppé ? Les deux hommes se connaissent, s’estiment, se confrontent ou s’affrontent de longue date. Avec un franc-parler méritoire en politique, le maire de Bordeaux ne s’est jamais dérobé à la question : « C’est une relation complexe. Un peu Giscard-Chirac. Sans la haine ! » Avec même une certaine affection dans la mesure, il est vrai très relative, où la politique peut se permettre quelque sentiment. Juppé


62 INTERNATIONAL reconnaît que travailler avec Sarkozy n’est « pas de tout repos ». S’il le met constamment en garde contre une hyperprésidence qui, à vouloir s’occuper de tout, « s’expose sur tout, à tout moment », il n’oublie jamais d’ajouter qu’elle ne s’explique pas seulement par sa personnalité. Elle est aussi la conséquence du nouveau mandat de cinq ans et de la quasi-simultanéité des élections présidentielle et législatives. E nt r e i r r it at ion et séduction, il reconnaît que la « fascinante énergie » du chef de l’État exaspère les gens, mais constate qu’au total elle « fait bouger les lignes ». Il se désole d’autant plus de le voir compromettre les résultats de son action par des questions de forme (qu’il appelle pudiquement « son rapport à la vie »), ces manières si souvent déplorées dans les sondages, par son penchant à tout dire (sous-entendu : y compris n’importe quoi) à l’instant où il le pense, et par son refus, enfin, d’admettre que trop de proximité nuit à l’efficacité. Alain Juppé ne laisse passer aucune occasion de souhaiter la réussite de Nicolas Sarkozy et de lui promettre son

aide, sans renoncer à sa liberté de jugement. Fidèle sans être « sarkolâtre », il déplore les excès, jusque dans son camp, de la sarkophobie. « Il y a quand même quelque chose de personnel entre nous. Une admiration mutuelle. On ne peut pas se détester. » (Le Point) À chacune de leurs rencontres, le chef

« Entre Sarkozy et moi, il y a de l’admiration mutuelle. On ne peut pas se détester. » de l’État lui demandait : « Quand estce qu’on travaille ensemble ? » Il lui a même proposé la présidence de la Cour des comptes. MONTER SUR LE « TITANIC »

Dans le grand branle-bas des secousses arabes, ils ont fini par s’entendre sur l’attribution des portefeuilles régaliens de la Défense puis des Affaires étrangères. Le journal La Croix rapporte pourtant cette cruelle anecdote. L’été dernier encore, Juppé demandait sans ambages à Sarkozy : « Ai-je intérêt à monter sur le Titanic ? » S’est-il, depuis, persuadé que la droite pouvait,

en dix mois, éviter le naufrage ? Ou a-til voulu se placer, à l’abri gratifiant du Quai d’Orsay, en position de recours éventuel ? Il a beau affirmer que la fameuse petite phrase de Chirac sur « le meilleur d’entre nous » lui a toujours pesé comme une « tunique de Nessus », il ne peut ignorer qu’elle a aussi fait de lui cet homme en réserve de la République que Sarkozy considère depuis toujours comme un rival potentiel. Car à droite désormais comme à gauche, c’est le même cri de ralliement : rendez-vous en 2012 ! « C’est là que se fera le vrai remaniement », promettent les socialistes. « C’est alors que les Français nous jugeront sur notre bilan », claironne la majorité. Aux aventureuses anticipations de son avenir, Alain Juppé ne peut qu’opposer une de ses formules favorites : « Pour réussir, il faut aller au-delà du désir, jusqu’à l’obsession. J’ai le désir, je n’ai pas l’obsession. » Il raconte dans un de ses livres qu’à la fin d’une conférence des militants lui ont un jour soufflé qu’il devait être « notre prochain président ». Et alors, qu’est-ce que cela vous a fait ? Il s’esclaffe : cela m’a fait plaisir. Il ne fera rien pour exciter dans la majorité les combats fratricides, qu’il

TRAVAUX D’HERCULE LE GESTE ÉTAIT PRÉMONITOIRE. Le 7 juillet 2010, Alain Juppé et Hubert Védrine, deux anciens ministres des Affaires étrangères, cosignaient une tribune dans le quotidien Le Monde. « Cessez d’affaiblir le Quai d’Orsay ! » : son titre en donnait la substance. Désormais, il tient lieu de feuille de route au successeur de Michèle Alliot-Marie. Depuis, la maladie diagnostiquée par le docteur Juppé – « l’outil est sur le point d’être cassé », écrivaitil – s’est aggravée. La chute de Ben Ali puis celle de Moubarak ont rendu patente la perte d’influence de la « grande puissance » française dans le monde. Les vacances tunisiennes de MAM à la veille de la révolution et les malheurs de Boris Boillon, le nouvel ambassadeur de France à Tunis, ont achevé de la discréditer. Boucs émissaires faciles de l’aveuglement collectif, les diplomates n’ont pas le moral. En creux, cette énumération – non exhaustive – des maux dont souffre le Quai d’Orsay expose le programme d’Alain Juppé. Le maire de Bordeaux devra s’efforcer de tisser des liens avec les régimes qui ont succédé aux dictatures du monde arabe et de faire oublier les relations passées avec les despotes déchus. Il lui faudra incarner le professionnalisme d’une institution largement discréditée – aux yeux des peuples comme à ceux de ses partenaires. Redonner confiance au

corps diplomatique et, pour cela, convaincre Nicolas Sarkozy de l’importance de son rôle, alors que le chef de l’État n’a que trop tendance à laisser le champ libre aux réseaux parallèles. Le contexte économique ne lui est pas favorable. Juppé devra inscrire son action dans le cadre d’une « révision générale des politiques publiques » qu’il qualifiait d’« aveugle » dans la tribune cosignée avec Védrine. Cette politique se traduit par des contractions budgétaires et des réductions d’effectifs, alors que certains partenaires de la France, États-Unis, GrandeBretagne ou Brésil, « ne détruisent pas leur outil diplomatique ». En outre, le climat préélectoral fait craindre une instrumentalisation des affaires étrangères au profit de la politique intérieure. Sarkozy n’a-t-il pas justifié le remaniement du 27 février par les bouleversements dans le monde arabe, une manière d’occulter les manquements des responsables politiques ? Le départ de Claude Guéant, qui avait la main haute sur les dossiers sensibles, est, en revanche, une chance que ses prédécesseurs n’ont pas eue. Et puis, contrairement à d’autres, Alain Juppé, alors ministre de la Défense, a eu le flair ou le bon goût de passer Noël auprès des troupes françaises en Afghanistan, puis en famille à Hossegor, sur la côte landaise. ■ MARIANNE MEUNIER J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


a en aversion. Mais depuis sa boutade de Bordeaux, ses réflexions ont évolué avec la situation. Il a même fait savoir que si Sarkozy n’était pas en mesure de se présenter il serait candidat à des primaires au sein de la majorité. « Ce scénario ne peut être exclu. [...] Je pense avoir des choses à dire. » (L’Express) Il reconnaît que la partie s’annonce difficile et s’inquiète de la perte de confiance des Français en général – ce peuple « le plus pessimiste d’Europe » – et d’une partie de l’électorat UMP, efficacement ciblée par Marine Le Pen. LE PRÉCÉDENT CHIRAC

On peut être sûr que l’interrogation sur les chances non seulement d’une réélection mais d’une deuxième candidature de Nicolas Sarkozy sera désormais le leitmotiv des débats et émissions politiques, au risque de donner corps à l’hypothèse de son renoncement par le seul effet pervers de son évocation médiatique. François Baroin, ancien journaliste politique d’Europe 1, a été l’un des premiers à voir le danger. Il rappelle qu’en 1995 Jacques Chirac, dont il était le porteparole de campagne, était tombé à 12 % d’opinions favorables. Les correspondants étrangers à Paris ne cessaient de lui demander quand le maire de Paris annoncerait enfin son retrait.

Il ne « mangera plus de cerises en hiver ». Soit, mais au printemps 2012 ? Cinq mois après, Chirac était élu président de la République. En quelques semaines d’une flamboyante campagne, il avait regagné la popularité perdue. Sarkozy ne sera pas moins redoutable dans la dernière ligne droite. « Il en faut plus que ça pour m’arrêter », s’exclame-t-il après chaque épreuve. Et l’on sait qu’il n’y a rien de tel que l’accumulation des défis et challenges pour faire monter son adrénaline. « Le créneau est étroit, observe Alain Juppé. Si Sarko réussit, il sera réélu. S’il échoue, la gauche aura toutes ses chances. » On veut bien croire qu’il ne mangera plus de cerises en hiver. Mais au printemps 2012 ? ■

PRESIDENTIAL PRESS SERVICE/AFP

63

Bernard Kouchner et Louise Mushikiwabo, à Kigali, en janvier 2010.

Le cactus rwandais

S

i la réconciliation franco-rwandaise, consacrée par la visite de Nicolas Sarkozy à Kigali en février 2010, relève d’une décision présidentielle qui ne sera pas remise en cause, son contenu qualitatif risque de pâtir du grand retour d’Alain Juppé au Quai d’Orsay. Juppé et le Rwanda, c’est une histoire complexe, conflictuelle et personnelle. Ministre des Affaires étrangères du gouvernement de cohabitation d’Édouard Balladur à l’époque du génocide, sous la présidence de François Mitterrand, il fut l’un des architectes d’une politique très controversée qu’il n’a depuis jamais cessé de défendre. « Les extrémistes se trouvent dans les deux camps », confiait-il à Jeune Afrique en juin 1994, renvoyant dos à dos le Front patriotique rwandais, « qui entend conquérir le pays à tout prix », et l’armée gouvernementale, « qui se livre, directement ou à travers les milices, à un véritable génocide ». À ses yeux, l’ex-président Juvénal Habyarimana, abattu deux mois plus tôt, représentait le « fragile espoir » d’une réconciliation entre « les modérés des deux bords » que le ministre continuait sans ciller, en plein génocide, d’appeler de ses vœux. Dix-sept ans plus tard, Alain Juppé n’a pas fondamentalement changé de position. À plusieurs reprises, sur son blog, il est intervenu pour défendre la politique rwandaise de la France et le rôle de l’opération Turquoise, qui, assure-t-il, « a permis de sauver des centaines de milliers de vies ». Lorsque, en janvier 2008, l’un de ses successeurs au Quai, Bernard Kouchner, se rend à Kigali et parle de « faute politique » de la France, il réplique en dénonçant « les amalgames de la repentance » et « les compromissions de la realpolitik ».

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Il y a un an, à la suite de la visite de Sarkozy, Juppé persistait : « Il est utile que la France et le Rwanda dissipent les malentendus et se réconcilient. […] Mais il ne serait pas acceptable de réécrire une autre histoire. » ATTENDU AU TOURNANT

À Kigali, où la lecture des responsabilités françaises dans le génocide est radicalement inverse, Alain Juppé est toujours assimilé aux ennemis du régime actuel. Deux rapports d’enquête rwandais sur les événements de 1994 l’incriminent nommément – avec d’autres – et vont jusqu’à préconiser des poursuites judiciaires à son encontre. On imagine donc que le nouveau titulaire du Quai sera attendu au tournant sur ce dossier sensible – et qu’il ne l’ignore pas. Interrogée par J.A., Louise Mushikiwabo, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, se dit ainsi « désagréablement surprise » par le retour d’un homme dont les opinions en la matière « n’ont jamais varié ». « Certes, poursuit la ministre, nous faisons la distinction entre la France et son président, d’une part, et Alain Juppé, de l’autre, mais l’annonce de sa nomination nous a réellement refroidis. Compte tenu de son itinéraire rwandais pour le moins contestable, nous attendons de sa part un vrai travail personnel et beaucoup d’efforts. Nous attendons aussi qu’il clarifie sa position. La balle est dans son camp. » Le message est clair. En attendant, on ne peut que souhaiter bon courage à Laurent Contini, l’ambassadeur de France à Kigali nommé par Kouchner, qui se bat comme un beau diable pour renouer les fils d’une relation sans cesse remise en cause. ■ FRANÇOIS SOUDAN


JEAN-PAUL GUILLOTEAU/EXPRESS-REA

64 INTERNATIONAL

À Leeds, manifestation syndicale contre les restrictions dans les services de santé, en octobre 2010.

ROYAUME-UNI

Austère Albion Le Premier ministre David Cameron a entrepris de réduire de manière drastique les dépenses publiques : 100 milliards dʼeuros dʼéconomie sur quatre ans. Reste à savoir si ce remède de cheval ne risque pas de tuer le malade !

M

algré leur flegme légendaire, les habitants du Royaume-Uni font grise mine devant les mauvaises nouvelles qui se succèdent depuis quelques mois. Non pas qu’il s’agisse de surprises : David Cameron, le Premier ministre conservateur, avait fait campagne sur le thème de la responsabilité budgétaire et n’avait cessé de souligner la nécessité d’une cure d’austérité après les folles dépenses occasionnées par la crise financière de 2008. Gordon Brown, le chef du gouvernement travailliste de l’époque, s’était vu contraint d’ouvrir les vannes du crédit (et donc de creuser les déficits) pour sauver les banques. Il y avait perdu sa réputation d’Écossais administrant avec parcimonie l’argent des contribuables. L’Histoire jugera si Brown n’a pas fait preuve d’une réelle stature d’homme d’État en acceptant de ruiner sa réputation pour sauver son pays d’une dépression économique catastrophique.

Quoi qu’il en soit, il a été renvoyé à ses chères études (il est docteur en économie…), et c’est le nouveau chancelier de l’échiquier, George Osborne, qui a la rude tâche de mettre en œuvre le remède de cheval que la coalition au pouvoir entend administrer au royaume : il s’agit d’économiser 83 milliards de livres, soit environ 100 milliards d’euros, su r le s quat re a n s à venir. Autant de coupes dans les dépenses, donc, avec pour objectif de remettre l’économie sur les rails et d’arrêter la spirale de l’endettement. Les coupes les plus importantes concerneront les services sociaux. De nombreuses allocations seront réduites, dans la durée et/ou dans les montants, ainsi que dans le nombre de personnes éligibles. Ce sont des coupes « classiques », qui correspondent aux vœux d’une partie de l’électorat conservateur, pour qui les allocataires sont des

paresseux, sinon des parasites. Il est vrai que le Sun ou le Daily Mail dénichent régulièrement dans certaines villes des Midlands ou du Nord-Est des familles qui vivent d’allocations depuis trois ou quatre générations… Cameron a par ailleurs annoncé que ce système très compliqué – allocations familiales, monoparentales, de chômage, d’incapacité, etc. – allait être remplacé par une allocation unique qui dépendra de la situation de chaque demandeur. Le Parti travailliste, désormais dans l’opposition, n’a pas tardé à réagir. « Comme toujours, la facture sera payée par les plus pauvres », a déclaré son porte-parole. RETRAITE À 66 ANS

Autre mesure annoncée : l’âge légal pour toucher une pension de retraite de l’État passera dès 2020 à 66 ans pour tous. Jusqu’à présent, les femmes pouvaient prendre leur retraite à 60 ans et les hommes à 65 ans : désormais, tous seront logés à la même enseigne. Enfin, tous les ministères, ou presque, devront se serrer la ceinture. La fonction publique perdra 490 000 emplois. Les universités verront leurs subventions réduites, mais, en contrepartie, elles pourront augmenter les frais d’inscription jusqu’à 7 000 livres par an (contre un maximum de 2 400 aujourd’hui). La crise a bon dos, grognent certains universitaires, outrés par cette mesure « de droite ». Excellence oblige, Oxford et Cambridge ont déjà annoncé qu’elles demanderaient le maximum… Les économistes regardent avec intérêt cette expérience grandeur nature qui départagera les classiques des keynésiens. Pour les premiers, le retour

Pour sauver les banques, Gordon Brown avait dû ouvrir les vannes du crédit… aux grands équilibres assainira l’économie, qui repartira d’un bon pied dans deux ans. Pour les autres, le retrait de milliards de livres des circuits économiques plongera le pays dans la récession. Rendez-vous fin 2013 pour voir les résultats de l’expérience et affûter les slogans des prochaines élections législatives… ■ FOUAD LAROUI

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66 INTERNATIONAL JAMAÏQUE

À Kingston, la loi des gangs

S

a ndra étouf fe de rage en évoquant la f usillade qui vient d’opposer la police aux membres d’un gang. En plein après-midi, deux hommes armés ont été pris en chasse dans le quartier de Tivoli Gardens, à Kingston, la capitale jamaïcaine. La police a ouvert le feu et blessé quatre personnes, dont un enfant de 9 ans. Exaspérés, les habitants ont manifesté pour exiger le retour de leur « président », comme ils le surnomment. « Depuis que la police est arrivée, elle nous terrorise; nous voulons le retour de Dudus », s’enflamme la jeune femme. Longtemps, Christopher « Dudus » Coke a régné sans partage sur l’ouest de la ville. Jusqu’à son extradition vers les États-Unis, en juin 2010. Depuis près d’un an, la police américaine le recherchait pour trafic de drogue et d’armes. Sa traque a coûté la vie à soixante-treize civils. Huit mois plus tard, la population des ghettos se plaint d’une forte recrudescence de la délinquance : attaques à main armée, cambriolages, viols…

HANS DERYK/REUTERS

Huit mois après lʼextradition de Christopher « Dudus » Coke vers les États-Unis, rien nʼa changé. La police a fait son apparition dans les ghettos, mais les caïds continuent dʼy régner en maîtres.

Femmes et mères de prisonniers après les émeutes de Tivoli Gardens, en 2010.

Honduras. On comprend que le gouvernement souhaite reprendre le contrôle des ghettos, où les forces de l’ordre ont longtemps été interdites de séjour. Visage tendu et doigt sur la détente, les policiers sillonnent, de jour comme de nuit, les rues du quartier. Dans l’hostilité générale. « Jamais nous ne ferons confiance à la police ! » jure Stéphanie, vendeuse à Tivoli Gardens. Peter Williams, un patron de bar, ferme désormais son établissement à 20 heures, au lieu de 2 heures du matin. « Les gens ont peur ; la nuit tombée, plus personne ne sort », explique-t-il. « Dans ces zones, le gouvernement n’a aucun pouvoir, commente Peter Phillips, un ancien ministre de la Sécurité. Pour que l’opération soit efficace, il faudrait que les habitants retrouvent confiance dans la police. » On en est loin. Les brutalités des forces de l’ordre sont ici un véritable fléau. La Jamaïque compte le plus fort taux de bavures de tout le continent américain. Selon Jamaica for Justice, une organisation spécialisée, 340 personnes sont mortes sous les balles de la police entre le mois de janvier 2010 et la première semaine du mois de novembre suivant. Sur les

Les bavures ? En neuf mois, 340 personnes sont mortes sous les balles des policiers. À des années-lumière des plages de sable blanc et des chansons pacifistes de Bob Marley, le quartier ouest de Kingston est un endroit très, très dangereux. Un quart des meurtres recensés en Jamaïque en 2009 (1 700) y ont été commis. De manière générale, le pays détient le deuxième plus fort taux d’homicides au monde, juste après le

73 civils tués lors de l’intervention du mois de mai 2010, 37 l’ont été dans des conditions suspectes. Le gouvernement assure qu’une enquête balistique est en cours pour retrouver les responsables. « Je doute qu’elle débouche sur quoi que ce soit, estime Carolyn Gomes, directrice de Jamaica for Justice. Rien n’a vraiment changé depuis l’époque coloniale. Le rôle de la police reste de protéger les riches contre les pauvres. » Du coup, les résidents des ghettos se tournent vers les chefs de gang. PÈRE, FLIC ET MAGISTRAT

Emprunté au lexique de la mafia italienne, le terme Don désigne le chef d’un gang et d’un quartier. Il joue tout à la fois le rôle de père, de flic et de magistrat. « Le fonctionnement est triangulaire, explique un homme de main. En haut, il y a le gouvernement, qui remet une enveloppe au Don, qui la redistribue ensuite aux habitants. Ces derniers votent alors pour le candidat du gouvernement. » « Personne n’arrive au pouvoir sans l’aval du Don », confirme un parlementaire. À Tivoli Gardens, par exemple, le Parti travailliste du Premier ministre Bruce Golding a remporté le dernier scrutin législatif avec plus de 95 % des voix. « Grâce à Dudus », assure le quotidien conservateur The Gleaner.

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INTERNATIONAL 67 TURQUIE

Lʼhéritage dʼErbakan Islamiste pur et dur, il fut brièvement Premier ministre avant dʼêtre évincé par lʼarmée, en 1997. Aujourdʼhui au pouvoir, ses ex-disciples, Recep Tayyip Erdogan en tête, ont su tirer les leçons de ses erreurs.

O

Dudus ne risquant pas de revenir en Jamaïque de sitôt, c’est Leighton ’Livity’ Coke, son petit frère, sorti de prison en mars 2010, qui a pris la relève. « Je reçois les ordres, indirectement, de Dudus et Livity », confie un intermédiaire. Question: les deux chefs sont-ils toujours en contact avec le gouvernement Golding ? Réponse : oui. Les contrats d’État continuent d’affluer, mais de manière plus discrète. Le taillage des buissons et le nettoyage des canalisations dans le centre-ville – un contrat de plusieurs centaines de milliers d’euros – ont par exemple été confiés à des proches du Don. « Pour ce genre de tâche, un gouvernement honnête aurait engagé des professionnels », s’indigne un chef d’entreprise. Par ailleurs, un câble diplomatique rendu public par WikiLeaks témoigne de l’inquiétude qu’inspire aux autorités cubaines le laxisme jamaïcain face au trafic de drogue. Tout cela donne du gouvernement une image détestable. Mais peut-il se passer des Dons ? Répondre par l’affirmative serait hasardeux. ■

n se souviendra de lui comme du père de l’islamisme turc, dont il restait le représentant emblématique et suranné. À 84 ans, Necmettin Erbakan n’effrayait plus personne. Vieux grognard antieuropéen et antisémite, encore à la tête des maigres bataillons du Saadet (Parti du bonheur), il avait depuis longtemps perdu de sa superbe. Ultime clin d’œil d’un destin tourmenté, l’ancien Premier ministre s’est éteint le 27 février, à la veille du quatorzième anniversaire du coup d’État militaire qui l’avait destitué. Cloué sur son lit d’hôpital depuis janvier, il préparait les législatives de juin et, d’après son médecin, suivait avec consternation les événements du Moyen-Orient. Peut-être les images qui défilaient sur son poste de télévision lui rappelaient-elles quelques souvenirs ? En 1996-1997, il est un Premier ministre provocateur. Défiant l’état-major u lt ra la ïc, i l i nc ite ses ouailles à infiltrer l’armée et la fonction publique, se rend à Téhéran et à Tripoli. Cette dernière visite tourne au désastre. Mouammar Kaddafi le ridiculise en blâmant en sa présence l’amitié de la Turquie avec les ÉtatsUnis et Israël. A ff ront suprême, l’imprévisible colonel prend le parti de Necmettin Erbakan au cours d’une la guérilla des séparatisconférence de presse à Ankara, en août 2002. tes kurdes du PKK contre Ankara ! La punition pour l’ensemble de son œuvre ne se fait pas attendre : soumis à un ultimatum, Erbakan est contraint de signer sa propre démission. L’armée n’étant pas sortie des casernes comme en 1960, 1971 et 1980, on qualifie ce quatrième putsch de « coup d’État postmoderne ». Sa plus grande réussite, Erbakan ne l’avait ni prévue ni désirée. En tant que fondateur du Milli Görüs (Vision nationale), creuset de l’islamisme turc dans les années 1970, puis en tant que chef de plusieurs partis (le Refah, Parti de la prospérité, et le Fazilet, Parti de la vertu, dissous, puis le Saadet), le hoca (« maître ») a formé et favorisé l’ascension de nombreux hommes politiques, parmi lesquels Abdullah Gül, Recep Tayyip Erdogan et Bülent Arinç, aujourd’hui président, Premier ministre et vice-Premier ministre. En 2001, ses disciples l’abandonnent pour fonder le Parti de la justice et du développement (AKP). Prenant le contrepied de leur mentor, ils décident de ne plus agir à découvert et de ne pas s’opposer frontalement à l’armée. Bref, ils s’orientent vers un conservatisme pieux, allégé de ses obscurantismes. Depuis neuf ans, Erdogan pousse ses pions et érode les positions de l’ennemi avec des bonheurs divers: si les libertés publiques patinent, le succès est au rendez-vous sur le plan économique, et l’AKP est devenu une formidable machine électorale, sur fond d’embourgeoisement et d’affairisme. L’essentiel, c’est de durer. ■

RATIBA HAMZAOUI, à Kingston

JOSÉPHINE DEDET

CONTRATS D’ÉTAT

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REUTERS

Une fois au pouvoir, le parti sait se montrer reconnaissant envers le Don et ses protégés. La manne peut atteindre jusqu’à 200 000 euros par an, sans parler des avantages en nature : signature de contrats d’État, délivrance de visas, etc. Assurés de l’immunité, certains Dons se sont lancés dans le trafic de la drogue et des armes vers les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni. Du coup, ils ont parfois eu tendance à s’émanciper de la tutelle gouvernementale. Et c’est là que les choses ont commencé à déraper. Le Premier ministre a promis de rompre le lien entre criminels et gouvernement. « Si ce lien existe », a-t-il précisé, sans rire, devant le Parlement. Or il est établi qu’il a versé 50000 dollars à un cabinet d’avocats pour empêcher l’extradition de Dudus… Il a aussi promis de lancer un vaste projet social au bénéfice des ghettos, d’octroyer une aide financière pour les habitations détruites, de faire prendre en charge par l’État la collecte et l’évacuation des déchets urbains… Promesses parfaitement irréalistes d’un point de vue économique, et qui, de fait, sont restées lettre morte. Depuis, les « affaires » ont repris. Comme si de rien n’était, ou presque.


68 INTERNATIONAL

ILS VIENNENT D’AFRIQUE, ILS ONT RÉUSSI AILLEURS

PARCOURS

Léonard WANTCHÉKON

Si cet économiste béninois enseigne aujourdʼhui aux États-Unis, il entend bien créer dans son pays, à Akassato, une African School of Economics incontournable.

«

J

e veux être le plus grand économiste africain… Si je ne le suis pas déjà. » Dans son lumineux bureau au cœur de Manhattan, Léonard Wantchékon, professeur d’économie politique à la New York University (NYU), ne tarde pas à afficher la couleur. Il faut dire que ce Béninois de 54 ans aux mains fines et au regard espiègle a des arguments à faire valoir. Salué par ses pairs, consulté régulièrement par la Banque mondiale, demandé par les universités les plus prestigieuses – il est en pourparlers pour rejoindre Princeton –, Wantchékon se place dans les bons temps de passage. Son dernier projet? La création d’une École africaine d’économie (ASE, selon l’acronyme anglais) basée à Akassato, à 35 km de Cotonou (Bénin), qui, dès son ouverture, en 2014, « formera chaque année environ cinq cents étudiants et sera le lieu de regroupement de l’élite africaine ». Modèle ? La London School of Economics. Excellence, on vous dit… « L’une de mes passions est d’essayer de comprendre les différences entre les pays africains quant à leur niveau de démocratisation. » Explications culturalistes, sous-développement chronique, le professeur Wantchékon – qui mâtine ses propos en français d’un « I mean » hérité de ses vingt ans aux États-Unis – balaie ces idées reçues avec passion. Et propose une boîte à concepts, profondément enracinés dans la réalité africaine.

POIDS DE L’ESCLAVAGE pour expliquer le manque de confiance dans les relations professionnelles au Bénin, malédiction que représentent les ressources naturelles pour la démocratisation de pays comme le Gabon, l’Algérie ou le Nigeria, ses travaux sont éclectiques et novateurs. Son dernier « paper » puise dans l’histoire des indépendances africaines. Avec cette conclusion : plus la lutte anticoloniale se sera développée en milieu urbain, cas du Bénin, plus il y aura eu de chances qu’elle aboutisse à un système démocratique. « Le fait que les fellaghas algériens aient gagné les montagnes pour lutter contre les Français a eu une influence sur le niveau de démocratie, aujourd’hui, en Algérie. » La démocratie, ce fils de paysans né à Zagnanado, dans le centre du Bénin, de l’ethnie fon, en connaît le prix. Avant de la théoriser, il en fit la pratique, douloureuse. Étudiant activiste en lutte contre la dictature de Mathieu Kérékou, président du Bénin de 1972 à 1990, il fut emprisonné en

1985 et torturé près d’une année dans les différentes geôles du régime. Passé à tabac, obligé de rester debout des journées entières, Wantchékon – fluet physiquement et souffrant de rhumatismes aggravés – en garde aujourd’hui les stigmates. COMME POUR BEAUCOUP DE DISSIDENTS, le salut fut

dans l’exil. Wantchékon s’évade en 1986 et rejoint le Nigeria. Après avoir déposé une demande d’asile politique dans les consulats occidentaux de Lagos, il s’envole finalement en 1987 pour le Canada, seul pays, avec la Suède, à avoir accepté son dossier (la France ayant, elle, refusé). L’ex-révolutionnaire, directeur d’un journal clandestin (Les Lances intrépides), se met alors à gravir les marches de l’excellence universitaire. À Québec, puis aux États-Unis, où il décroche son doctorat en éco1956 Naissance nomie à la Northwestern Univerà Zagnanado, au Bénin sity en 1995, sous la direction de Roger Myerson, qui recevra le 1985-1986 prix Nobel d’économie en 2007. Activiste politique Non sans difficultés : froid, présous la dictature de jugés racistes de certains de Mathieu Kérékou, il est ses collègues américains, soliemprisonné et torturé tude. Jusqu’à ce que sa femme, Catherine, le rejoigne, en 1991… 1987 Départ Wantchékon a tout consigné de pour le Canada puis son odyssée dans une autobioles États-Unis graphie qu’il cherche à publier. Titre provisoire? Rêver à contre1995 Doctorat courant. d’économie à la « Aux États-Unis, j’ai appris Northwestern l’idée de responsabilité perUniversity (Illinois) sonnelle. Ici, il y a toujours une possibilité. Rien n’est fermé. 2001 Professeur Ils cherchent toujours la perle d’économie et de rare. » À l’inverse du système français, plus frileux, pointe-t-il, sciences politiques à même si l’un de ses modèles l’Université de New York est l’École d’économie de Toulouse, fondée par l’économiste 2010 Pose à Cotonou français, aujourd’hui décédé, la première pierre Jean-Jacques Laffont, « mon de la future École maître ». Avant d’ajouter : « Il africaine d’économie n’y aura pas de déclin américain J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


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tant qu’il y aura ces grandes universités où les élites se retrouvent. » Cette émulation a quelque peu quitté ce père de deux enfants, qui a la double nationalité, américaine et béninoise, lorsqu’il a déménagé pour Harlem – il habitait auparavant à deux pas de la NYU – afin de partager davantage l’expérience des Africains-Américains. À ceux qu’il rencontre, son parcours sert souvent d’exemple. Et le voilà qui déplore : « Les étudiants noirs-américains sont encore très focalisés sur les questions de race. » COURS, ENCADREMENT DE SES DOUZE ÉTUDIANTS

en thèse – qu’il reçoit parfois en chaussettes dans son bureau –, montage financier de son école, Wantchékon travaille beaucoup. Son loisir et sa passion? Le football. Photo de son fils Travis ballon au pied, page internet bloquée sur un site de foot pendant notre entretien… Mais là encore, pour ce panafricaniste revendiqué, l’Afrique n’est pas loin. « L’épopée du Tout Puissant Mazembe [équipe de foot de la République démocratique du Congo, finaliste du mondial des clubs en 2010, NDLR] est une fierté pour toute l’Afrique. Des joueurs africains entraînés par un entraîneur africain ! Pourquoi aller chercher des entraîneurs étrangers? Regardez le Cameroun, qui a obtenu la médaille d’or à Sydney en 2000 [avec l’entraîneur camerounais JeanPaul Akono] et, maintenant, le TP Mazembe! » Origine, recherches, emploi du temps – il y passe trois mois par an –, tout ramène Wantchékon à l’Afrique. Cette dernière ne s’est pourtant pas toujours montrée bonne J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

fille. S’il est reconnu outre-Atlantique, il ne l’est en effet pas, ou pas assez, en Afrique. Il n’a jamais été invité, par exemple, à parler devant les institutions africaines dans ses différents domaines d’expertise. Lors d’un séminaire sur la malédiction des ressources naturelles, l’Union africaine a ainsi préféré faire appel à un Britannique qui s’est contenté de reprendre les conclusions de Wantchékon! Situation qui n’est pas sans avantage. « Il y a un prix à payer à être l’éminence grise d’hommes politiques beaucoup plus préoccupés par le pouvoir. Pas étonnant que les professeurs africains les plus connus comme Souleymane Bachir Diagne (Columbia) et Wole Soboyejo (Princeton) restent entièrement à l’extérieur du jeu politique. » De cette frustration face à une Afrique complexée, Wantchékon a fait son moteur intime. Celui, aussi, de son dernier projet, cette fameuse École africaine d’économie qui devrait attirer, grâce à des salaires élevés, les meilleurs professeurs du monde. Un système de bourse et de mécénat permettra d’accueillir des étudiants de tout le continent, mais aussi du reste du monde. L’ASE œuvrera par la formation de son élite au développement de l’Afrique. Mais permettra aussi – son fondateur l’avoue sans ambages – d’imposer davantage Wantchékon sur la scène intellectuelle et politique africaine. Qui finira bien un jour par reconnaître son enfant prodigue. ■ JEAN-ÉRIC BOULIN, envoyé spécial à New York

Photo : PASCAL PERICH pour J.A.


CATHAL MCNAUGHTON/REUTERS

70 INTERNATIONAL

Enda Kenny, le leader du Fine Gael, après l’annonce des résultats.

IRLANDE

Débâcle historique Conséquence directe de la crise financière, le Fianna Fáil, qui domine la scène politique locale depuis des décennies, a été balayé lors des législatives du 25 février.

L

onde de choc politique de la récente crise financière déferle sur l’Irlande. Les élections législatives du 25 février se sont traduites par une déroute historique pour le Fianna Fáil (« soldats de la destinée », en gaélique), le parti fondé en 1926 par Eamon de Valera, le

« de Gaulle irlandais », qui domine la vie politique locale depuis des décennies. Avec 36 % des voix et 74 sièges (sur 186) au Dáil Éireann (Parlement), le Fine Gael (« le clan des Celtes »), son vieux rival centriste, remporte un succès sans précédent qui devrait permettre à Enda Kenny, son leader,

de devenir Premier ministre. Au prix d’une alliance avec les travaillistes. C’est évidemment le plan de sauvetage du système bancaire irlandais, que Brian Cowen, le chef du gouvernement sortant, avait été contraint, de fort mauvais gré, de conclure en novembre avec l’Union européenne et le Fonds monétaire international pour un montant de 85 milliards d’euros, qui a causé sa perte. Extraordinairement impopulaire, ce plan se traduit en effet par de sévères coupes budgétaires. Et par de pénibles sacrifices pour les salariés. Il faut dire que l’Irlande est le pays le plus endetté d’Europe. Son déficit public représente 32 % de son produit intérieur brut, chiffre effrayant. Chaque semaine, mille Irlandais choisissent d’émigrer pour fuir les conséquences de la crise. Enda Kenny, qui a fait toute sa campagne sur ce thème, ne remet pas en cause l’ensemble du plan, mais souhaite en renégocier certaines clauses qu’il juge « punitives ». En particulier, le taux d’intérêt du prêt européen (5,8 %), mais aussi les coûts de la restructuration des banques irlandaises, dont il souhaite que les détenteurs d’obligations assurent une partie. A priori, ça devrait pouvoir s’arranger. Si l’on en croit le Finlandais Olli Rehn, commissaire européen aux Affaires économiques, « nous [l’UE] partageons avec l’Irlande l’objectif de relancer la dynamique de croissance et de parvenir à assurer la viabilité de la dette ». Acceptons-en l’augure. ■ LE CHIFFRE DE LA SEMAINE

ARGENTINE

Quand les généraux volaient des bébés

S

JEAN-MICHEL AUBRIET

ur un banc du tribunal de Buenos Aires, le 28 février, huit vieillards patientent, le visage crispé. Il y a là la fine fleur de la dictature argentine, qui, entre 1976 et 1983, fit quelque vingt mille morts et disparus. En 1985, les accusés – parmi lesquels les ex-généraux Jorge Videla (85 ans) et Reynaldo Bignone (83 ans) – avaient déjà été condamnés à la prison à vie ou à de lourdes peines d’emprisonnement. Pour assassinats, enlèvements et tortures. Cette fois, ils sont jugés pour avoir programmé le vol de bébés de prisonnières enceintes, puis de leur avoir ôté leur identité. Au total, 500 nouveau-nés ont été arrachés à leurs mères. Opposantes présumées, celles-ci ont été forcées d’accoucher encagoulées, dans des maternités clandestines aménagées dans des centres de détention. Les nourrissons étaient ensuite confiés à des familles proches des militaires, tandis que leurs mamans étaient souvent embarquées dans un avion et jetées, vivantes, à la mer. Sur les 5 000 personnes détenues et torturées dans les locaux de la sinistre École supérieure de mécanique de la marine (Esma), seule une centaine ont survécu et vont être citées parmi les 370 témoins. L’association Grands-Mères de la place de Mai a réussi à lever le voile sur la disparition d’une centaine d’enfants, grâce à une base de données ADN. Mais ces derniers ne souhaitent pas tous retrouver leur identité biologique. ■ JUSTINE SPIEGEL

9%

Lors de la présentation devant le Parlement, le 28 février, du budget de la nation pour l’année financière 20112012 ( qui s’ouvre le 1 er a v r i l ) , P r a n a b Mukherjee, le ministre indien des Finances, a tablé sur un taux de croissance économique de 9 % au cours de cette période. Contre 8,6 % en 2010-2011, et 7,2 % en 2009-2010.

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LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE

CONGO

Pointe-Noire Vigueurs océanes

ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.

La deuxième ville congolaise sʼimpose comme le centre économique du pays. Dans le sillage de ses activités pétrolières et portuaires, dʼautres secteurs émergent. La cité ne cesse de croître. Et doit faire face à de nouveaux défis.



LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE

LE PLUS 73

CONGO PRÉLUDE

Pointe-Noire

Vigueurs océanes FRANÇOIS SOUDAN

Ville ouverte PA N O R A M A

Pointe-Noire, la fille du bord de mer p. 74 CO N FI D E N C E S D E . . .

Roland Bouiti-Viaudo, députémaire de Pointe-Noire p. 79 É CO N O M I E

Un souffle nouveau p. 82 I N FR A S T R U C T U R E S

Le port se réarme p. 86 H Y D R O C A R BU R E S

Au rendez-vous des majors p. 88 TRANSPORTS

Le Congo-Océan, un monument à remettre sur les rails p. 92 T É M O I G N AG E

« Entre rêve et regret », par Tchichellé Tchivéla p. 95 C U LT U R E

Le ponton des artistes p. 100 Direction : Danielle Ben Yahmed et Marwane Ben Yahmed Rédaction en chef : Cécile Manciaux, avec Ophélie Negros Rédaction : Tshitenge Lubabu M.K., envoyé spécial, Rosie Masengu, à Pointe-Noire, et Muriel Devey Reportage photo : Antonin Borgeaud pour J.A. Coordination : Mengchao Yang Difcom, 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris Tél. : +33 1 44 30 19 60 Fax : +33 1 45 20 08 23 Tél.: + 33 1 44301960 Fax: + 33 1 45200823

C’EST UN AUTRE CONGO QUE CELUI-CI. Un Congo océanique, tourné vers les vents du large, cosmopolite et portuaire, indolent et industrieux, très loin de l’âpreté politique de Brazzaville. La Punta Negra des Portugais que les descendants du royaume de Loango cédèrent à la France par traité en 1883 aurait pu devenir la capitale du Congo indépendant, après avoir été celle de la colonie du Moyen-Congo. Capitale, elle le fut d’ailleurs brièvement : c’est un Ponténégrin, Jean-Félix Tchicaya, qui fut, en 1945, le premier député congolais élu au Parlement français ; c’est à Pointe-Noire, en novembre 1958, que fut proclamée la République autonome du Congo au sein de l’éphémère Communauté ; et c’est à Pointe-Noire que siégea, tout aussi brièvement, l’Assemblée nationale, avant que le pouvoir, qui avait alors l’allure virevoltante de la soutane d’un abbé-président, n’établisse ses quartiers à Brazza-la-cruelle. Pointe-Noire est donc passée à côté d’un destin politique et, tout compte fait, s’en est plutôt bien portée. Certes, après les années fastes du boom pétrolier, du début des années 1970 au milieu des années 1980, la crise financière et, surtout, l’instabilité qui saisit le Congo pendant une décennie et demie, eurent sur le poumon économique du pays l’effet d’une embolie. Coupée de son débouché brazzavillois pour cause de paralysie du chemin de fer, accessible uniquement par avion, PointeNoire, pour survivre, dut développer des réflexes autarciques et compter plus que jamais sur son port pour se ravitailler. Mais, à tout le moins, cette création coloniale insouciante, qui avait connu son lot de violences urbaines à la fin des années 1950, échappa-t-elle au pire : la guerre civile de 1997, avec son cortège de destructions et de traumatismes irréparables. Bercée dans une sérénité un peu décadente, la terre tolérante du peuple vili, traditionnellement ouverte aux contacts avec le monde extérieur, vit s’épanouir une génération d’écrivains réputés – Tchicaya U Tam’si, Jean-Baptiste Tati Loutard, MarieLéontine Tsibinda – et de politiciens madrés qu’il est impossible de tous citer: Stéphane Tchichellé, Alfred Raoul, Louis Sylvain-Goma, Jean-Pierre Thystère Tchicaya… Depuis le début du nouveau millénaire, Pointe-Noire est sortie de son sommeil pour devenir une vraie ville de transit, active, diurne et nocturne, opulente et impitoyable, où les nouveaux riches croisent les pauvres venus de toutes les régions de l’intérieur, en quête d’un eldorado de sueur et de pétro-CFA. Les natifs du Kouilou, les vieilles familles implantées ici depuis des lustres ne voient pas toujours d’un bon œil l’arrivée de ces « étrangers » venus profiter d’une prospérité encore toute relative. Mais il faudra bien s’y faire. Avant cinq ans, la route nationale aura atteint Brazzaville, désenclavant à la fois cette dernière et Pointe-Noire, bouleversant les habitudes et les particularismes. Le Congo, enfin, marchera sur ses deux jambes. ■


74 LE PLUS

POINTE-NOIRE LA FIL Principal carrefour régional, la capitale économique du Congo, dopée par ses activités pétrolières, attire une population cosmopolite et en constante augmentation. Revers de la médaille : le chômage et une urbanisation erratique.

TSHITENGE LUBABU M.K., envoyé spécial à Pointe-Noire

N

ée il y a moins d’un siècle et rapidement devenue la deuxième ville du pays par sa population de plus de 1 million d’habitants, Pointe-Noire reste fidèle à sa vocation : être la porte grande ouverte du bassin du Congo sur le golfe de Guinée. Elle est le Congo-Océan. La ville et son port ont en effet été créés au début du XX e siècle par le colonisateur français pour devenir le terminus maritime des 500 km de voies ferrées (lire pp. 92-93) qui, encore aujourd’hui, relient Brazzaville, alors terminus de la navigation sur le fleuve Congo, à l’Atlantique. Cette cité océane reste le point de départ et d’arrivée du réseau de communication vers l’hinterland, les pays enclavés de l’Afrique centrale (RD Congo, Centrafrique, Tchad). Elle est aussi au cœur de la grande route côtière (RN4, RN5) reliant le Gabon et l’Angola. Une situation et des activités – principalement pétrolières et portuaires, générant quelque 80 % des recettes du pays – qui en font la capitale économique du Congo. IMMEUBLES AU RAS DU TARMAC

Moins de quarante-cinq minutes après le décollage de Brazzaville, l’arrivée sur Pointe-Noire peut donner quelques sueurs froides. Un regard

à travers le hublot, et l’on se dit que l’avion pourrait se poser sur les habitations voisines de la piste de l’aéroport Agostinho-Neto. À moins que ce ne soit sur les habitants eux-mêmes qui, blasés, indifférents aux décollages et atterrissages des appareils, continuent de vaquer à leurs occupations au gré des petits sentiers jouxtant le tarmac.

Certains Ponténégrins trouvent tout de même cette proximité dangereuse. Mais Roland Bouiti-Viaudo, le maire de la ville, est catégorique : l’aéroport restera où il est. À peine descendu de l’avion, on arrive donc directement en ville. Sous un soleil doux, Pointe-Noire respire la sérénité. Des taxis bleu et blanc, très

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LE PLUS 75

LE DU BORD DE MER commerciales et de services. Et tous ceux qui aspirent à une vie meilleure continuent de débarquer, de tout le pays et de l’étranger, dans l’eldorado ponténégrin. Comme l’ont fait, aussi, les nombreux Congolais qui ont afflué vers ce havre de paix pendant les années de la guerre civile, de 1997 à 2000. Pourtant, l’or noir ne profite bien évidemment pas à tout le monde. Plus de 30 % de la population de la ville est au chômage. Certains s’en sortent. D’autres survivent chichement mais, même sans travail, ils n’envisagent pour rien au monde de quitter leur Pointe-Noire.

La ville compte environ 1 million d’habitants, soit 30 % de la population du pays.

côté, « la ville » – celle des Blancs –, et, de l’autre, la cité indigène (lire p. 95). Cette configuration n’a pas complètement changé, même si Pointe-Noire est, plus que jamais, une ville africaine cosmopolite et fière de l’être. La mer attire, bien sûr ; le pétrole, encore plus – drainant tous deux dans leur sillage une palette d’activités industrielles,

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Le docteur Gérard Guenin, 59 ans bientôt, est de ceux qui ne se plaignent pas. Sa famille, française, est ponténégrine depuis trois générations. Son grand-père est venu, jeune, participer à la construction du port. « Je suis né ici, explique le médecin. J’y ai fait mes études jusqu’au lycée, avant d’aller passer mon bac en France. Après avoir étudié la médecine à Bordeaux, je suis revenu, en 1977. Je me sens congolais à part entière, autant que français. J’ai toujours voté ici. » Les Guenin ont un caveau familial à Loango, à une dizaine de kilomètres de Pointe-Noire. C’est là que reposent les grands-parents. « Nous serons tous inhumés dans ce caveau », confie le médecin. Bertin Mayani, la trentaine, est arrivé de Dolisie (à un peu moins de 200 km au nord-est de Pointe-Noire) il y a trois ans. Chauffeur de taxi, il doit rapporter une recette de 15 000 F CFA (22,80 euros) par jour à son patron. Et, pour lui, ses deux enfants et sa compagne, il est parfois difficile de joindre les deux bouts. « Quand ça marche, explique-t-il, je peux toucher 150 000 F CFA par mois. » Mais quand il n’est pas mensualisé, il « pige » pour 2000 F CFA par jour. Or son deux-pièces lui coûte chaque mois 17 000 F CFA, l’électricité 2 500 F CFA, l’eau 1 500 F CFA… Pour améliorer son quotidien, il a appris le métier de soudeur. Malheureusement, aucune de ses demandes

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souvent collectifs. Des minibus aux mêmes couleurs pour le transport en commun. Des immeubles plutôt modestes, alternant avec de petites maisons. Des marchands ambulants, des étals, des démarcheurs. Dans le centre-ville, de nombreux petits bâtiments, la plupart à un étage, rappellent la Pontonsur-Mer de l’époque coloniale avec, d’un

ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.

« CONGOLAIS À PART ENTIÈRE »


LES SIX ARRONDISSEMENTS DE LA VILLE

Route nationale 5

76 LE PLUS

POINTE-NOIRE EN BREF

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Superficie 120000 ha, soit 1200 km2 Population Avec 1 million d’habitants, Pointe-Noire est la 2e ville du Congo après Brazzaville (1,4 million). Statut L’ancien chef-lieu du Kouilou est devenu une ville-département à la suite de la loi de décentralisation de 2002 et compte désormais 6 arrondissements: Lumumba, Mvou-Mvou, Tié-Tié et Loandjili, auxquels s’ajoutent MongoPoukou (au nord, en cours de création sur une partie de Loandjili) et Ngoyo (au sud, sur une partie de Tié-Tié). Surnoms Ponton ou Ndji-Ndji, en langue vili, en référence au village de pêcheurs autour duquel le port a été bâti. Poids économique La ville génère 80 % des recettes du pays, surtout grâce aux activités pétrolières (313000 barils/jour en moyenne en 2010) et portuaires.

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Pointe-Noire

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CHRONOLOGIE

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CABINDA (Angola)

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d’emploi dans les sociétés pétrolières « où l’on paie bien » n’a eu de suite. « Il faut graisser la patte de ceux qui recrutent », se plaint-il. Angèle Poaty, elle, vend ses charmes. Chaque soir, cette trentenaire s’assied au bord de la piscine d’un petit hôtel de Pointe-Noire. Les yeux braqués sur le restaurant en plein air, à quelques mètres, où dînent des expatriés – des Européens pour l’essentiel – venus travailler sur les plateformes pétrolières. Mais ce soir de février, personne n’a daigné la regarder en retour. Lasse, elle se lève. « Les Blancs sont tous partis ! » lâche-t-elle comme pour dire au revoir, quand elle arrive à la guérite des gardiens. Elle ne vient jamais ici pour chercher des clients noirs parce qu’« ils manquent de tendresse, se justifie-t-elle. Ils osent parler d’amour et dire qu’ils m’aiment, posent des questions sur ma vie… tout ça pour, à la fin, donner des miettes. Les Blancs sont plus tendres, plus discrets et plus généreux. Ils peuvent donner jusqu’à 200000 F CFA ». Ce soir, Angèle rentre bredouille. BOUILLONNANTE ET OPTIMISTE

Depuis le boom économique et démographique de la période 1970-1985 lié aux découvertes pétrolières, PointeNoire a vu sa population doubler et continue de grandir, en accéléré, atti-

rant toujours de nouveaux habitants. Revers de la médaille, cette urbanisation à grande vitesse est difficilement maîtrisable et, malgré les nombreux travaux et projets de construction en cours, le rythme ne suit pas : la ville manque de logements et reste loin du compte en matière d’infrastructures de base (assainissement, distribution d’eau, d’électricité…). Pourtant, s’il est une caractéristique commune à la grande majorité des habitants de la métropole, c’est l’optimisme. Cette grande majorité, par ailleurs jeune – la moitié de la population a moins de 20 ans – et dynamique, a de l’imagination à revendre. Un atout important, dans tous les domaines. Comme dans tous les ports du monde, jeunes et vieux, hommes et femmes vous racontent des histoires de sirènes. Chez eux, ces étranges créatures sortent toutes les nuits de la mer pour hanter la ville, ses restaurants, ses bars et ses boîtes. Mais pas de quoi effrayer les Ponténégrins, qu’ils soient originaires de la région, congolais de Brazza ou de Kinshasa, tchadiens, européens, libanais ou singapouriens. Ce qu’ils redoutent tous et par-dessus tout, c’est la pluie. Quand il tombe des cordes, se déplacer vire au cauchemar. Car, faute de canalisations adéquates, Ponton-laBelle tout entière prend l’eau. ■

1484 Des navigateurs portugais indiquent sur leur carte Punta-Negra, un point de la côte du royaume vili. 1880-1910 Le 3 octobre 1880, traité d’amitié entre le roi des Tékés, Makoko, et Pierre Savorgnan de Brazza, représentant la France. En 883, un traité de protectorat est signé par le roi de Loango, indépendant, et le lieutenant de vaisseau français Cordier. Institué en 1891, le Congo français devient, en 1903, le Moyen-Congo et intègre l’AfriqueÉquatoriale française (AEF) en 1910. 11 mai 1922 Décret portant création de la ville de Pointe-Noire. 1932 Construction d’une aérogare. 1934 Inauguration de la ligne ferroviaire Brazzaville-Pointe-Noire. 1939 Inauguration du port. 1950-1960 Pointe-Noire est la capitale politique du Moyen-Congo, qui devient, en 1958, la République autonome du Congo. En 1959, la capitale est transférée à Brazzaville. En 1960, la République du Congo devient indépendante; la ville compte déjà plus de 70000 habitants. 1970-1985 La découverte de gisements pétroliers et miniers entraîne un boom économique et démographique. La population dépasse 600000 habitants. Depuis les années 1990 Les crises secouant le pays de 1992 à 1999 provoquent une nouvelle migration vers la ville, épargnée par les turbulences.

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11



Le projet Zanaga Le projet Zanaga est un projet prometteur de développement d’une mine de fer situé dans le département de la Lékoumou en République du Congo ; il est situé à environ 300 km au nord-est de Pointe Noire. Le projet, actuellement en cours de développement par la société congolaise Mining Project Development (MPD Congo SAU), pourrait constituer le gisement de fer le plus important jamais trouvé au Congo, avec des ressources minérales indiquées et présumées d’environ 3,3 milliards de tonnes de minerai de fer d’une teneur moyenne de 32,8 % qui pourraient soutenir une production de la mine pour une durée supérieure à 30 ans. La compagnie minière diversifiée Xstrata finance actuellement une étude de faisabilité après avoir acquis en février 2011 un intérêt majoritaire dans la société propriétaire, Jumelles Ltd. et assurant dorénavant la gestion du projet pour procéder à une évaluation plus détaillée du potentiel du projet Zanaga. Xstrata et MPD Congo ont hâte de continuer la coopération déjà entamée avec les autorités et les partenaires compétents, afin de pouvoir étudier le potentiel à plus long terme de ce projet, et d’apporter une contribution socio-économique significative à la République du Congo.

Pour plus d’informations sur le projet Zanaga et sur MPD Congo, veuillez appeler le +242 05 580 21 51, ou envoyer un e-mail à direction@mpdcongo.com


LE PLUS 79

CONFIDENCES DE…

Roland Bouiti-Viaudo Réélu à la tête de la municipalité en 2008, le député-maire de PointeNoire, président du Mouvement pour lʼaction et le renouveau (majorité présidentielle), revient sur les chantiers en cours.

Pourtant, la production et la distribution d’électricité demeurent un casse-tête quotidien… La Centrale électrique du Congo, centrale à gaz construite par ENI-Congo à Côte-Matève [propriété de l’État à 80 % et d’ENI-Congo à 20 %, NDLR], vient d’être mise en service. Elle est dotée d’une puissance de 300 MW, qui peut être portée à 450 MW. La ville n’ayant besoin que de 80 MW, le surplus pourra alimenter d’autres départements, voire l’étranger. La deuxième phase du projet, qui concerne le réseau de transport et de distribution de l’électricité aux foyers et aux entreprises, est en cours. D’ici à la fin de l’année, les délestages ne seront plus qu’un lointain souvenir.

ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.

JEUNE AFRIQUE : Avec son port et son activité pétrolière, Pointe-Noire est censée être une ville riche. Ce que ne reflète pas le niveau des équipements et services de base. N’est-ce pas paradoxal ? ROLAND BOUITI-VIAUDO : Je ne crois pas, car tout dépend du contexte dans lequel on se trouve et du sens qu’on donne au terme de « riche ». Il ne faut pas oublier que nous avons connu, il y a quelques années, une destruction du tissu économique national. Il fallait donc tout reconstruire et, à cet égard, des progrès ont été faits. Pointe-Noire est en pleine mutation et notre souci reste sa modernisation.

Malheureusement, depuis, une forte pluviométrie a endommagé de nombreuses routes qui n’avaient pas été entretenues depuis longtemps. Par ailleurs, les administrés veulent tout, tout de suite, or beaucoup de projets exigent des investissements lourds et la ville ne dispose pas toujours de moyens suffisants. Pour son deuxième mandat, l’équipe municipale a mis en place un programme courant jusqu’en 2013. Et j’ai bon

« D’ici à la fin de l’année, les délestages ne seront plus qu’un lointain souvenir. »

Et pour l’assainissement et l’approvisionnement en eau ? Les travaux de construction d’une nouvelle usine de traitement de l’eau, financés par l’État et la Banque africaine de développement (BAD), vont commencer très prochainement. Dès le mois de juin, nous lancerons un appel d’offres pour la réalisation d’ouvrages d’assainissement, dans le cadre d’un programme piloté par la Banque mondiale et la BAD. Vos administrés se plaignent aussi du mauvais état des routes. Que leur répondez-vous ? Je suis conscient de cette situation. À l’issue du premier mandat de notre équipe, ils étaient d’un autre avis car nous avions réalisé un grand travail en ce sens. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

espoir que, dans deux ans, tout ce que nous avons prévu sera réalisé. Beaucoup de chantiers sont programmés, dont certains verront le jour cette année. C’est le cas de la modernisation de la desserte de l’aéroport, qui a démarré en janvier, avec en particulier les travaux des voies de contournement. Dans deux mois, grâce à une collaboration entre l’État et ENI-Congo, du sable bitumineux sera produit pour réhabiliter 70 km de voies. Début 2012, la route de l’aéroport sera élargie, avant que ne soit lancée la construction du nouveau terminal international et de l’aérogare d’affaires. ■ Propos recueillis à Pointe-Noire par TSHITENGE LUBABU M.K.


Exploration & Engagement Durable Un nouvel élan énergétique

Filiale de Total SA, Total E&P Congo est installée au Congo depuis plus de 40 ans. Acteur incontournable dans le paysage économique congolais, l’entreprise est à la fois le premier employeur privé et le premier investisseur de la République du Congo.

PUBLI-INFORMATIONS

Immeuble Poincaré à Pointe-Noire, siège social de Total E&P Congo.

Directeur général de Total E&P Congo, Jacques Azibert.

Dans un contexte d’après crise, plus prometteur mais encore fragile, Total E&P Congo mène ses activités en République du Congo en relevant chaque jour de nouveaux défis technologiques tout en valorisant ses atouts. Très active en matière d’exploration et de production, l’entreprise est à l’origine de la moitié des puits forés en République du Congo et a mis en production 15 champs dispersés sur 9 des 28 concessions ou permis d’exploitation existants dans le pays. Total E&P Congo est de fait le premier opérateur pétrolier du pays et produit actuellement près de 60 % de la production nationale, soit environ 200 000 barils équivalent pétrole par jour (bep/j), sur les 350 000 produits au Congo. Total E&P Congo est également copropriétaire et opérateur de l’unique terminal pétrolier du Congo, à Djéno, où sont traités 90 % de la production nationale. La stratégie de Total E&P Congo est orientée autour de 3 axes majeurs : • Des activités soutenues d’exploration en offshore profond, très profond et ultra profond. Ainsi, sur le champ de MohoBilondo, deux nouveaux puits forés en 2010 par 800m d’eau ont permis des découvertes qui renforcent le diagnostic de développements additionnels prometteurs.

• La mise en production de nouveaux projets tels que le champ de Libondo qui, dans l’offshore dit conventionnel, devrait permettre un apport de 8 000 bbl/j supplémentaires en 2011 au moment où le champ de Moho-Bilondo, mis en production en 2008, atteint sa pleine capacité. Mais, en matière de projets nouveaux, l’accent est surtout mis sur la définition et la préparation du projet Moho Nord qui représente l’avenir de la filiale et du pays par ses perspectives de production. • L’optimisation des champs existants qui constituent le portefeuille historique de la fililale et sont encore essentiels en matière de production même s’ils nécessitent une attention particulière pour tout ce qui touche à l’intégrité et à la pérennité d’installations devenues vieillissantes. Cette stratégie est bien sûr menée en étroite collaboration avec l’ensemble des partenaires, institutionnels et grandes entreprises, et intègre la société civile à bon nombre des actions qui l’accompagnent. Toutes les opérations s’effectuent dans le respect des normes environnementales et de sécurité édictées par le Groupe. Total E&P Congo accorde en effet un intérêt particulier à la sécurité et à l’intégrité de son personnel et de


Exploration & Engagement Durable Un nouvel élan énergétique

Filiale de Total SA, Total E&P Congo est installée au Congo depuis plus de 40 ans. Acteur incontournable dans le paysage économique congolais, l’entreprise est à la fois le premier employeur privé et le premier investisseur de la République du Congo.

PUBLI-INFORMATIONS

Immeuble Poincaré à Pointe-Noire, siège social de Total E&P Congo.

Directeur général de Total E&P Congo, Jacques Azibert.

Dans un contexte d’après crise, plus prometteur mais encore fragile, Total E&P Congo mène ses activités en République du Congo en relevant chaque jour de nouveaux défis technologiques tout en valorisant ses atouts. Très active en matière d’exploration et de production, l’entreprise est à l’origine de la moitié des puits forés en République du Congo et a mis en production 15 champs dispersés sur 9 des 28 concessions ou permis d’exploitation existants dans le pays. Total E&P Congo est de fait le premier opérateur pétrolier du pays et produit actuellement près de 60 % de la production nationale, soit environ 200 000 barils équivalent pétrole par jour (bep/j), sur les 350 000 produits au Congo. Total E&P Congo est également copropriétaire et opérateur de l’unique terminal pétrolier du Congo, à Djéno, où sont traités 90 % de la production nationale. La stratégie de Total E&P Congo est orientée autour de 3 axes majeurs : • Des activités soutenues d’exploration en offshore profond, très profond et ultra profond. Ainsi, sur le champ de MohoBilondo, deux nouveaux puits forés en 2010 par 800m d’eau ont permis des découvertes qui renforcent le diagnostic de développements additionnels prometteurs.

• La mise en production de nouveaux projets tels que le champ de Libondo qui, dans l’offshore dit conventionnel, devrait permettre un apport de 8 000 bbl/j supplémentaires en 2011 au moment où le champ de Moho-Bilondo, mis en production en 2008, atteint sa pleine capacité. Mais, en matière de projets nouveaux, l’accent est surtout mis sur la définition et la préparation du projet Moho Nord qui représente l’avenir de la filiale et du pays par ses perspectives de production. • L’optimisation des champs existants qui constituent le portefeuille historique de la fililale et sont encore essentiels en matière de production même s’ils nécessitent une attention particulière pour tout ce qui touche à l’intégrité et à la pérennité d’installations devenues vieillissantes. Cette stratégie est bien sûr menée en étroite collaboration avec l’ensemble des partenaires, institutionnels et grandes entreprises, et intègre la société civile à bon nombre des actions qui l’accompagnent. Toutes les opérations s’effectuent dans le respect des normes environnementales et de sécurité édictées par le Groupe. Total E&P Congo accorde en effet un intérêt particulier à la sécurité et à l’intégrité de son personnel et de


Vue aérienne de la Base Industrielle de Total E&P Congo.

Vue aérienne du Terminal Pétrolier de Djéno.

ses installations. À l’instar du Groupe, elle fait de la maîtrise de son impact environnemental une priorité. La filiale a ainsi mis en place un projet de traitement des eaux et de récupération des évents sur le Terminal de Djéno et travaille à la formalisation des règles de brûlage opérationnel.

néficiant à plus de 40 000 personnes.

Cette logique est complétée par une politique de Développement Durable initiée depuis plusieurs années. Total E&P Congo met l’accent sur des actions à fort contenu local avec des projets sélectionnés en concertation avec les autorités nationales. Cela passe non seulement par l’insertion des populations locales (200 habitants du village de Djéno travaillent ainsi sur le terminal) mais aussi par le déploiement d’actions de Développement Durable axées sur l’éducation, la santé et le développement économique. Le soutien à l’initiative « village du millénaire » dans le district de Tchiamba Nzassi ; la mise en place, en partenariat avec la Croix Rouge française, d’un centre de traitement ambulatoire du VIH/SIDA et la signature d’un accord cadre avec les ministères de l’enseignement supérieur et des hydrocarbures congolais sont des exemples concrets de ces actions. En 2010, 13 projets de Développement Durable ont pu être menés à bien bé-

Dans le domaine du « local content » ou contenu local, Total E&P Congo a mis en place un système de gestion des sous-traitants inspiré des règles du Groupe. Tenant à valoriser la main d’œuvre et à développer les entreprises locales, la filiale s’appuie sur des normes HSE, techniques et commerciales pour formaliser ses appels d’offres. Grâce à un système d’audits des soumissionnaires, elle fournit aux entreprises locales des plans d’actions leur permettant d’atteindre les niveaux imposés par ces normes. Les activités de Total E&P Congo, qu’elles concernent l’Exploration et la Production, son engagement en matière d’Environnement ou sa politique de Développement Durable, sont le résultat de la synergie des compétences de l’entreprise. Celle-ci met en particulier l’accent sur le développement de son personnel congolais et le renforcement des processus d’embauche. La filiale tient à maintenir ses engagements de production dans le respect de l’Environnement et des communautés pour pérenniser et renforcer sa position d’acteur majeur et d’entreprise responsable au Congo.

Pose du pont de Libondo – champ de Libondo entrant en production fin 1er trimestre 2011.

Signature accord cadre Ministère de l’Enseignement Supérieur, Ministère des hydrocarbures et Total E&P Congo.

Journée de sensibilisation à la lutte contre le VIH-SIDA dans les stations services Total.

Projet social Libondo : renforcement du réseau électrique à Pointe-Noire.

Projet social Moho-Bilondo : don d’un scanner d’imagerie médicale à l’Hôpital Régional des Armées.


Vue aérienne de la Base Industrielle de Total E&P Congo.

Vue aérienne du Terminal Pétrolier de Djéno.

ses installations. À l’instar du Groupe, elle fait de la maîtrise de son impact environnemental une priorité. La filiale a ainsi mis en place un projet de traitement des eaux et de récupération des évents sur le Terminal de Djéno et travaille à la formalisation des règles de brûlage opérationnel.

néficiant à plus de 40 000 personnes.

Cette logique est complétée par une politique de Développement Durable initiée depuis plusieurs années. Total E&P Congo met l’accent sur des actions à fort contenu local avec des projets sélectionnés en concertation avec les autorités nationales. Cela passe non seulement par l’insertion des populations locales (200 habitants du village de Djéno travaillent ainsi sur le terminal) mais aussi par le déploiement d’actions de Développement Durable axées sur l’éducation, la santé et le développement économique. Le soutien à l’initiative « village du millénaire » dans le district de Tchiamba Nzassi ; la mise en place, en partenariat avec la Croix Rouge française, d’un centre de traitement ambulatoire du VIH/SIDA et la signature d’un accord cadre avec les ministères de l’enseignement supérieur et des hydrocarbures congolais sont des exemples concrets de ces actions. En 2010, 13 projets de Développement Durable ont pu être menés à bien bé-

Dans le domaine du « local content » ou contenu local, Total E&P Congo a mis en place un système de gestion des sous-traitants inspiré des règles du Groupe. Tenant à valoriser la main d’œuvre et à développer les entreprises locales, la filiale s’appuie sur des normes HSE, techniques et commerciales pour formaliser ses appels d’offres. Grâce à un système d’audits des soumissionnaires, elle fournit aux entreprises locales des plans d’actions leur permettant d’atteindre les niveaux imposés par ces normes. Les activités de Total E&P Congo, qu’elles concernent l’Exploration et la Production, son engagement en matière d’Environnement ou sa politique de Développement Durable, sont le résultat de la synergie des compétences de l’entreprise. Celle-ci met en particulier l’accent sur le développement de son personnel congolais et le renforcement des processus d’embauche. La filiale tient à maintenir ses engagements de production dans le respect de l’Environnement et des communautés pour pérenniser et renforcer sa position d’acteur majeur et d’entreprise responsable au Congo.

Pose du pont de Libondo – champ de Libondo entrant en production fin 1er trimestre 2011.

Signature accord cadre Ministère de l’Enseignement Supérieur, Ministère des hydrocarbures et Total E&P Congo.

Journée de sensibilisation à la lutte contre le VIH-SIDA dans les stations services Total.

Projet social Libondo : renforcement du réseau électrique à Pointe-Noire.

Projet social Moho-Bilondo : don d’un scanner d’imagerie médicale à l’Hôpital Régional des Armées.


82 LE PLUS POINTE-NOIRE ÉCONOMIE

Un souffle nouveau De grands projets industriels se concrétisent, et le tissu de PME se densifie. De quoi permettre à la cité océane de diversifier ses activités et dʼespérer résorber son fort taux de chômage. ils continuent d’élargir leur éventail de prestations dans le domaine des sports (pêche, planche, surf, golf…) et de l’écotourisme, notamment avec les randonnées dans le Parc national de Conkouati Douli (voir pp. 96-99).

L

es bonnes perspectives dans le domaine des hydrocarbures et les travaux d’extension et de modernisation du terminal à conteneurs aidant (lire pp. 87-89), les secteurs pétrolier et portuaire et ceux qui leur sont liés (sous-traitance et maintenance industrielle, transit, logistique, transport…) connaissent un regain de dy namisme. Cependant, si ces domaines d’activité ont un impact majeur sur les finances locales et nationales, une grande part des postes à responsabilités reste – bien que la tendance évolue – attribuée aux cadres étrangers, et, surtout, les emplois temporaires y sont légion, notamment dans les métiers les moins qualifiés. Pour développer durablement son économie et tenter de résorber le chômage qui la mine (31,5 %, un taux proche de celui de Brazzaville, contre 5,8 % en milieu rural, selon le Centre national de la statistique et des études économi-

Bois en grumes prêt à être exporté. Après deux années de crise, le secteur rebondit.

ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.

POIDS LOURDS À L’HORIZON

ques), la cité océane doit donc engager une réelle diversification. Laquelle, depuis quelques mois, semble enfin se concrétiser. Premier bénéficiaire de la croissance urbaine accélérée et du rebond général, le secteur du BTP est stimulé par l’explosion de la demande en bâtiments industriels, bureaux, infrastructures tertiaires (équipements, hôtels…) et, surtout, en logements. Dans son sillage naissent des sociétés de courtage spécialisées en location ou vente, et des agences de promotion immobilière. L’hôtellerie et la restauration profitent également de ce mouvement, la ville étant dotée de plusieurs établissements, tels l’Atlantic Palace ou le Victory Palace, susceptibles d’accueillir des congrès ou des festivals. Quant aux professionnels du tourisme de loisirs,

Dans le secteur primaire, l’agriculture et la pêche restent les parents pauvres de Pointe-Noire. Malgré quelques projets privés lancés récemment dans le maraîchage, l’exploitation de palmiers à huile ou la pisciculture, dont celui de BPH Agricole, les initiatives et leurs résultats restent limités. En revanche, la filière bois, secouée par la crise mondiale en 2008 et 2009, tire désormais son épingle du jeu. L’usine d’Eucalyptus Fibre Congo (EFC, contrôlée par MagForestry, filiale du canadien MagIndustries), achevée en 2008 (pour un montant d’environ 26,5 millions d’euros) dans le port de Pointe-Noire, a plus que doublé sa production de copeaux de bois sec, qui est passée de 162300 tonnes en 2008 à près de 388000 t en 2009. Autre projet industriel de poids pour la ville : l’implantation d’une usine de transformation d’aluminium par le grec Isakos Soft, un leader mondial du secteur. Opérationnelle en 2013, l’unité disposera, dans un premier temps, d’une capacité de production de 4 000 t et devrait générer au moins 200 emplois directs. Par ailleurs, « la prospection minière engagée dans le Kouilou et les départements voisins amène de plus en plus d’opérateurs du secteur à s’implanter à Pointe-Noire », souligne Évelyne Tchichelle, secrétaire générale de la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers (CCIAM) de la ville. Ainsi, l’usine de potasse du gisement de Mengo, dans le Kouilou, à 25 km de l’agglomération, sera opérationnelle dès 2012, avec une production estimée – à pleine capacité – à 1,2 million de tonnes par an. Partenariat entre la China National Complete Plant Import &

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Export Co. (qui en détient 50,1 %), MagMinerals Potasses Congo (filiale de MagIndustries, 39,9 %) et l’État (10 %), cet investissement de 500 milliards de F CFA (soit 762 millions d’euros) devrait hisser le Congo au rang de premier producteur africain de potasse. Le développement du gisement de fer de Zanaga, situé à 300 km au nord-est de la ville, dans le département de la Lékoumou, aura également d’importantes retombées. Les investisseurs, le suisse Xstrata et la société Zanaga Iron Ore Company (enregistrée aux îles Vierges britanniques), qui opèrent via leur filiale Mining Project Development (MPD-Congo), s’apprêtent à engager la construction d’une voie ferrée pour transporter le minerai (45 millions de tonnes par an) au port de Pointe-Noire à partir de 2016. DES INFRASTRUCTURES ENFIN MISES À NIVEAU

Alors que les entreprises et la population souffrent déjà des délestages récurrents, ces projets vont engendrer une forte hausse de la demande en énergie… Pour résoudre le problème, le pétrolier italien ENI achève la construction de la Centrale électrique du Congo à Côte-Matève (au sud de Pointe-Noire) – un investissement de 340 millions d’euros – et de lignes à très haute tension. Propriété de l’État (à 80 %) et d’ENI-Congo (à 20 %), la centrale à gaz, alimentée par les champs offshore, fournit déjà 100 MWh : de quoi couvrir les besoins actuels (80 MWh selon le maire, Roland Bouiti-Viaudo – lire p. 79), en attendant que sa production passe à 150 MWh fin 2011 et à 300 MWh en 2013. Côté transport, les choses bougent aussi. Avec la chute du trafic ferroviaire liée à la détérioration des infrastructures du Chemin de fer Congo-Océan (lire pp. 92-93) et en l’absence d’une route bitumée la reliant à Brazzaville, Pointe-Noire n’est facile d’accès que par avion. Ce qui est problématique pour les passagers et plus encore pour le fret. Aussi la nouvelle route nationale entre les deux plus grandes villes du pays est-elle très attendue. Son premier tronçon, reliant Pointe-Noire à Dolisie – le plus ardu à construire en raison de la traversée du massif forestier du Mayombe –, sera opérationnel en novembre. Lancé officiellement fin octobre 2007, ce chantier de 186 km est exécuté par la China State Construction and Equipment Corporation pour 172,45 milliards de F CFA. Dans le secteur des technologies de l’information, indispensables aux entreprises, « la demande s’est élargie à de nouveaux services, comme la télésurveillance », précise Julien Heuzé, le directeur commercial d’Ofis, leader sur son marché. Le vrai coup d’accélérateur viendra avec la réception et la mise en service commercial, prévue courant juin, de la station d’atterrage de Pointe-Noire, située à Matombi, qui va permettre de relier le pays à la fibre optique dans le cadre du projet régional West Africa Cable System (WACS). Cependant, la gestion du réseau n’est pas encore organisée, et sa mise en place technique va prendre du temps. Enfin, l’implantation d’une zone économique spéciale près du port se précise. Au cœur des discussions menées par le ministre congolais chargé des Zones économiques spéciales, Alain Akouala Atipault, lors du forum d’affaires Afrique-Singapour, en juillet 2010, le projet a fait l’objet, début février, d’un accord de financement entre l’État et MURIEL DEVEY la Banque mondiale. ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

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format total : L = 104 x H = 280 surface utile : L = 84 x H = 260


84 LE PLUS POINTE-NOIRE PME-PMI

Quand les quinquas sʼaffairent Enfants du cru, ils ont créé leur entreprise. Aujourdʼhui, ils investissent de nouveaux secteurs et encouragent dʼautres Ponténégrins à se lancer. Portraits.

SYLVESTRE DIDIER MAVOUENZELA

ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.

50 ans, PDG de Nord-Sud Expertise & Réalisation, président de la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers de Pointe-Noire Après une licence en finance et comptabilité à l’université Marien-Ngouabi de Brazzaville et un mémoire sur les difficultés du secteur privé au Congo, Sylvestre Didier Mavouenzela s’envole en 1982 pour l’université française d’Orléans, le temps d’y obtenir un DESS en finance et contrôle des organisations. En 1987, de retour à Pointe-Noire, il intègre la société Miambanzila (production et transport d’agrégats, BTP) et, en 2004, crée sa propre entreprise de BTP et génie civil, Nord-Sud Expertise & Réalisation. Depuis octobre 2010, le quinquagénaire gère aussi Kalahari Partners Congo, une centrale d’achat focalisée sur le Sud-Est asiatique, première filiale en Afrique centrale de la société singapourienne de conseil en stratégie et en développement

commercial Kalahari International Partners. Fervent promoteur des opportunités du green business, il vient par ailleurs de déposer les statuts d’une nouvelle société qu’il compte créer, avec des partenaires congolais et néerlandais, dans le secteur de l’énergie solaire. Son souci constant de voir les cadres locaux intégrer les PMEPMI ponténégrines et, mieux, sauter le pas pour en créer de nouvelles a contribué, en décembre 2009, à son élection à la présidence de la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers (CCIAM) de Pointe-Noire. Présidence qu’il partage, depuis, avec celle de l’Association Pointe-Noire industrielle (Apni), créée en 2003 pour promouvoir les PME-PMI et faciliter leur développement. ■ TSHITENGE LUBABU M.K.

JOSÉPHINE SYLVAIN-GOMA Diplômée en gestion des entreprises de l’université Marien-Ngouabi de Brazzaville, Joséphine Sylvain-Goma Tchibota Moë-Poaty crée la société Services industriels et travaux divers (SitradCongo) en 1987, après avoir travaillé six ans chez Bouygues Offshore. Spécialisée dans la prestation de services et le travail temporaire, l’entreprise a, depuis trois ans, développé une nouvelle branche d’activité : le trai-

tement des déchets industriels et la protection de l’environnement. En partenariat avec le groupe français Seché Environnement, SitradCongo a ainsi construit à Tchissanga (Kouilou) un écopôle, le tout premier du genre en Afrique subsaharienne. Opérationnel depuis un an, le centre assure le tri, le traitement, la valorisation, l’incinération et l’enfouissement des déchets industriels banals et dangereux.

« Cette nouvelle activité est très prenante et exige des investissements lourds, explique la chef d’entreprise, mais nous nous accrochons. » Mère de quatre enfants et catholique pratiquante, la businesswoman a par ailleurs créé en 1999 la Fondation Marie-Madeleine Gombes (en hommage à sa mère), qui aide les plus démunis et soutient des microprojets, en par-

D.R.

55 ans, PDG de Sitrad-Congo

ticulier dans les domaines de la santé et de la formation professionnelle. ■ T.L.M.K.

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Maisons Sans Frontières Congo

MSF Congo

La société « MAISONS SANS FRONTIERES CONGO » (MSF Congo) en apportant une solution aux problèmes majeurs d’infrastructure et d’assainissement en plein centreville de Pointe-Noire, au travers des grands travaux réalisés dans le bassin de TCHIKOBO conformément au Plan Directeur d’Urbanisme (PUD), ambitionne de donner à la capitale économique un ensemble immobilier de grande envergure avec l’opération d’aménagement et de construction d’immeubles dans le lotissement ROC de TCHIKOBO. Cet ensemble cohérent regroupe une zone d’activités tertiaires et une zone résidentielle de 300 villas de haut standing en harmonie avec son environnement. L’activité de promotion immobilière que développe MSF Congo, créatrice d’emplois et génératrice de ressources, exige des compétences, des techniques et un savoir faire à la hauteur des exigences des partenaires économiques et des acquéreurs. L’engagement de la construction du lotissement ROC de TCHIKOBO répond pleinement aux objectifs du développement économique durable du Congo.

Projets en cours de réalisation : Axe Central du Lotissement ROC de TCHIKOBO. Il prévoit la construction de 16 immeubles qui abriteront des banques, des administrations, des commerces, des hôtels, des cliniques le long d’un boulevard principal « Axe Central » en zone tertiaire.

Maquette de l’Axe central du lotissement de Tchikobo.

MSF Congo Bureau de Pointe-Noire.

Lotissement ROC de TCHIKOBO – 300 villas de haut standing au centre ville de Pointe-Noire. Le projet d’aménagement de la lagune de TCHIKOBO a eu pour objectif de réunir à un moment précis une conjoncture d’opportunités exceptionnelles à l’occasion d’importants travaux de dragage du port autonome de Pointe-Noire, qui ont été effectués au début de l’année 2000. Cette opération favorise l’équilibre du plan général d’urbanisme en créant une liaison socio-économique entre la ville et le port, tout en supprimant une lagune insalubre qui demeurait avant ces travaux un problème majeur d’urbanisme et d’environnement.

La nouvelle ville « KOUNDA » Les résidences « CARAIBES » MSF Congo vous propose 3 000 maisons de divers standing avec une vue imprenable sur le bord de mer, dans un domaine de 600 hectares, face au Port. Situées dans l’extension urbaine du centre-ville de Pointe-Noire, les résidences « CARAIBES » vous proposent une meilleure qualité de vie, avec une énergie propre et renouvelable (solaire) et une alimentation en eau à partir d’une nappe phréatique d’une grande pureté.

Maquette de la nouvelle ville Kounda et la résidence Caraïbe.

Commercialisation des villas dans la nouvelle ville « KOUNDA » à partir de mai 2011

MSF Congo S.A.R.L

Lotissement ROC de Tchikobo à Pointe-Noire.

Siège social : BP. 13 934, Brazzaville - Succursale : BP. 1 320, Pointe-Noire Informations TCHIKOBO : +242 22 94 17 60 - Email : tchikobo@msfcongo.com Informations KOUNDA : +242 05 709 30 08, +242 06 671 06 20

Site Web: www.msfcongo.com


86 LE PLUS (Sénégal), Abidjan (Côte d’Ivoire), Lomé (Togo) et Cotonou (Bénin). Centre nerveux du PAPN : son nouveau terminal à conteneurs, baptisé Congo Terminal et concédé en décembre 2008 à un groupement composé de Bolloré Africa Logistics (BAL), Socotrans, Samariti et Translo. Des navires aussi hauts que des immeubles mouillent au large et, ici, les conteneurs succèdent aux conteneurs. Leur alignement, parfait, trace de petites rues où les dockers s’activent.

ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.

PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ

Congo Terminal prévoit de traiter 647000 conteneurs par an dès 2015.

INFRASTRUCTURES

Le port se réarme

Après deux décennies moroses, la zone portuaire se réorganise. Son ambition : devenir la première plateforme de transbordement dʼAfrique centrale. Peut-elle faire le poids face à ses concurrents ?

C

est l’âme de la ville. C’est aussi la deuxième entreprise du pays après la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) et, pour l’instant, le plus profond des ports en eau profonde du golfe de Guinée – il peut accueillir des navires ayant un tirant d’eau de 13,2 m. Le Port autonome de PointeNoire (PAPN) joue un rôle clé dans le transit, sa vocation première, et dessert

en transbordement les ports de Luanda, Lobito et Soyo (Angola), de Banana, Boma et Matadi (RD Congo), Owendo (Gabon), Douala (Cameroun), Walvis Bay (Namibie) et Lagos (Nigeria). Pour le trafic de marchandises dans le golfe de Guinée, il est en concurrence directe avec ses homologues de la sous-région – Matadi, Luanda et Douala –, auxquels s’ajoutent, pour le transbordement, les grands ports ouest-africains de Dakar

C’est là que se joue l’avenir du port et que 374 milliards de F CFA (environ 570 millions d’euros) seront investis d’ici à 2036, dont 327,5 milliards par BAL et ses partenaires. Objectif: faire de Pointe-Noire la première plateforme de transbordement de l’Afrique centrale et la porte d’entrée du bassin du Congo. Déjà, d’immenses grues aux mâchoires d’acier roulent et happent sans répit des conteneurs pour les déposer sur le quai. Très bientôt, la cadence moyenne sera de 25 conteneurs à l’heure au lieu de 8 en 2009. Dès 2015, le terminal pourra en traiter 647 000 par an, et plus de 1 million à terme. Il disposera en 2036 de 38 ha de terre-pleins (contre 17 ha actuellement) et de 1 500 m de quai, dont 800 m capables d’accueillir des navires à fort tirant d’eau (15 m). Dans le prolongement de cette nouvelle infrastructure, la gare de fret a démarré ses activités en janvier. Une foule de dockers s’y organise, des hommes et quelques femmes, vêtus pour la plupart d’une combinaison et d’un casque. Recrutés le matin même par un bureau de placement situé à l’extérieur du port, ils sont payés 5000 F CFA (7,6 euros) la journée de travail, qu’ils passent à vider les conteneurs et remplir les camions. Plus loin, un quai doté de 12 ha de terre-pleins est consacré au bois en grumes ou transformé, dont le port a exporté près de 2 millions de tonnes en 2010. Encore plus loin, au port pétrolier, fixes, comme figées, les installations des différentes compagnies. Après de sérieuses difficultés dans les années 1990 et 2000, le PAPN semble avoir trouvé un nouveau souffle. Pour son directeur général, Jean-Marie Aniélé, cette « renaissance » tient à trois facteurs conjugués. D’abord, le choix d’une réelle autonomie, avec une présence minimale des pouvoirs publics au conseil d’administration de

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LE PLUS 87 l’entreprise. Ensuite, la confiance des bailleurs de fonds. Enfin, la stratégie de partenariat public-privé. « L’État n’a pas les moyens de réaliser certains gros investissements, explique JeanMarie Aniélé, c’est pourquoi le recours aux acteurs privés est fondamental. Il ne pouvait pas investir 500 millions d’euros dans ce projet comme le fait Bolloré – ce qui est une chance pour nous, car cela débouche sur un véritable saut technologique. » Les techniques intégrées au développement de Congo Terminal, ainsi que le futur guichet unique maritime (Gumar), qui permettra de simplifier les formalités administratives et de réduire le délai de passage des marchandises, rendront le port de Pointe-Noire beaucoup plus compétitif en matière de coûts de transport, de traçabilité des conteneurs, de rapidité dans la manutention… L’objectif est d’offrir la même qualité de service que les ports européens, américains ou asiatiques, notamment en ter-

mes d’intermodalité. En espérant que la route vers Brazzaville, actuellement en construction (lire pp. 82-83), et le Chemin de fer Congo-Océan (lire pp. 92-93) jouent bien leur rôle d’appui. Pour son directeur général, la mission du port est claire: « se mettre au service de la sous-région ». Ce qui correspond à la volonté des dirigeants des pays membres de la Communauté économique et

Centre nerveux : le nouveau terminal à conteneurs, concédé en 2008 à Bolloré. monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac). D’ores et déjà, l’activité augmente. En 2009, le volume total de trafic du PAPN a représenté près de 19,7 millions de tonnes (en progression de 19,55 % par rapport à 2008), et son chiffre d’affaires (CA) a atteint 29,3 milliards de F CFA. Pour les sept premiers mois de

l’exercice 2010, le CA s’élevait déjà à 17,2 milliards de F CFA et le trafic global dépassait les 11 millions de tonnes, en hausse de plus de 9 % par rapport à la même période en 2009. À titre de comparaison, le volume de trafic enregistré au Port commercial de Luanda est deux fois moins important. Mais ce dernier, depuis qu’il a lancé son programme de modernisation en 2008, a déjà réduit le temps d’attente en rade de quatre-vingts jours à dix jours. De quoi attiser la crainte du PAPN de voir les armateurs choisir son concurrent angolais comme plateforme de prédilection pour le transbordement. L’autre défi est de parvenir à tirer son épingle du jeu au-delà du golfe de Guinée, face aux grands ports ouestafricains, comme celui d’Abidjan. Ce dernier, qui enregistrait un volume global de trafic de quelque 24 millions de tonnes en 2009, doit s’équiper d’un terminal à conteneurs – également confié au groupe Bolloré – doté de 3 000 m de quai et qui pourra accueillir des bateaux de 14 m de tirant d’eau. ■ TSHITENGE LUBABU M.K.

POINTE-NOIRE

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88 LE PLUS

Le terminal de Djeno, intégré au Port autonome de Pointe-Noire.

sa phase ascendante, pour dépasser 114,5 millions de barils (soit plus de 313 000 barils/jour) en 2010, soit un peu moins que la Guinée équatoriale, mais plus que ses voisins gabonais et camerounais. Pa r m i le s compag n ie s pr ivée s étrangères basées à Pointe-Noire, le premier opérateur est le français Total, via sa filiale Total Exploration & Production en République du Congo (Total E&P Congo), qui, à elle seule, assure environ 60 % de la production du pays, avec 160 000 b/j en 2009, sur neuf champs.

HYDROCARBURES

Au rendez-vous des majors

Les activités pétrolières attirent des groupes du monde entier. Elles génèrent des milliers dʼemplois locaux, directs et indirects, et près de 80 % des recettes de lʼÉtat congolais. Une manne dont la ville aimerait profiter davantage.

D

epuis quarante ans, le nom de Pointe-Noire est associé à celui des plus grandes majors pétrolières, dont les activités d’exploration et d’extraction se concentrent au large et sur les terres de la cité océane. Les revenus de cette filière représentent près des deux tiers du produit intérieur brut (PIB), 93 % des exportations et 76 % du budget de l’État congolais. En 2011, elles devraient lui rapporter plus de 2 000 milliards de F CFA (plus de 3 milliards d’euros).

Le pétrole du pays est exploité depuis les années 1970, pour une très large part offshore. La production a atteint une moyenne de 88 millions de barils par an de 2000 à 2006. L’année 2007 a marqué un léger recul (avec 82 millions de barils), à la suite d’un accident sur le champ offshore de Nkossa, qui a entraîné une suspension des activités pendant plusieurs semaines, et de la baisse de rendement du gisement onshore de M’Boundi. Mais, depuis, la production a repris

TOUJOURS PLUS PROFOND

Depuis 2008, le groupe a lancé l’exploitation, en haute mer, du site en offshore profond de Moho-Bilondo (dont les réserves estimées sont de 230 millions de barils), qui a nécessité un investissement d’environ 1 000 milliards de F CFA pour une production de 90 000 b/j actuellement. De nombreuses autres filiales de majors sont présentes à Pointe-Noire, parmi lesquelles celles de l’italien ENI (ENI-Congo), du français Maurel &

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LE PLUS 89 Prom, du franco-britannique Perenco (Congorep), du britannique Esso (Esso Exploration & Production Congo Ltd), des américains Chevron (Chevron Overseas Congo Ltd) et Murphy (Murphy West Africa Ltd), sans oublier la compagnie d’État, la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC), qui a rejoint le rang des sociétés pétrolières opératrices en août 2010. Premier groupe du pays, la SNPC contribue à hauteur de 70 % au budget de l’État. Les activités d’exploration et d’exploitation, dont les permis sont délivrés par les autorités congolaises, sont menées dans le cadre de partenariats entre ces principaux opérateurs. C’est le cas, par exemple, du permis Mer très profonde Sud (MTPS), qui couvre plus de 5 000 km 2 en haute mer (à quelque 180 km au sud-ouest de Pointe-Noire) et est opéré par Total E&P Congo (40 %), ENI-Congo (30 %) et Esso Exploration and Production Congo Ltd (30 %). Incontestablement, les activités pétrolières profitent à Pointe-Noire. D’abord parce qu’elles mobilisent u n e m a i n - d ’œ u v r e importante. Au dernier recensement, fin septembre 2009, le secteur employait 2 200 personnes (dont 70 % de locaux et 30 % d’expatriés) et générait plus de 900 emplois dans les activités parapétrolières. Et sur l’ensemble de cette année 2009, le montant total des salaires versés par les pétroliers s’élevait à 6,5 milliards de F CFA. Cependant, plus de la moitié des personnes recrutées localement le sont à titre temporaire, la plupart des groupes recourant aux services de sociétés d’intérim et de sous-traitance.

DES CHAMPS CONGOLAIS EN PLEINE CROISSANCE

PAZ

Production de pétrole et gaz naturel, en milliers de barils par jour

Variation entre 2008 et 2009

Réserves prouvées de pétrole en milliards de barils

Guinée équatoriale

307

– 12,3 %

1,7

République du Congo

274

+ 10 %

1,9

Gabon

229

– 2,6 %

3,7

Cameroun

73

– 12,8 %

0,2*

SOURCES : BP STATISTICAL REVIEW OF WORLD ENERGY 2010, POUR L’ANNÉE 2009 (* CHIFFRES 2008)

Sur le plan financier, les recettes de cette industrie ne reviennent pas directement à la ville. Pour les différents projets, les opérateurs sont liés par des contrats de partage de production avec l’État congolais, qui reçoit entre 20 et 25 % de la production brute d’hydrocarbures du pays, que commercialise la SNPC. La manne ainsi obtenue est redistribuée, selon leurs besoins, aux collectivités locales. Or, nombreux sont les Ponténégrins, parmi lesquels leur député-maire, Roland Bouiti-Viaudo (lire p. 79), à estimer que les équipements

Total E&P Congo assure à lui seul environ 60 % de la production du pays. de la ville – rues défoncées, problèmes d’assainissement, d’eau, d’électricité, etc. – ne sont pas à la hauteur des richesses générées par ses activités. De leur côté, les principaux acteurs de la filière se sont investis dans le financement de grands projets, au niveau local ou national, comme la Centrale électrique du Congo à Côte-Matève (lire pp. 82-83), construite par ENI-Congo.

Les entreprises pétrolières participent aussi au développement social et culturel local, à travers de nombreux petits projets : construction et équipement d’établissements de santé, d’enseignement et de formation, financement de structures culturelles (comme l’espace « Les Pétroliers », lire p. 102). UN DÉCLIN IMMINENT ?

Peut-on imaginer Pointe-Noire sans son pétrole ? La question mérite d’être posée. De l’avis de quelques observateurs, la production congolaise est déjà entrée dans sa phase déclinante. « Il faut reconnaître que la plupart des principaux gisements découverts depuis vingt à trente ans arrivent à maturité. Ils connaissent ainsi une baisse de production », admet Georges Cassien Mabona, directeur général de Maurel & Prom Congo. D’autres spécialistes parlent d’un délai d’un quart de siècle. Une chose est sûre : aller chercher l’or noir de plus en plus loin en mer, et de plus en plus profond, demande des technologies nouvelles, une expertise plus poussée et des investissements sans cesse plus lourds. Cependant, au large de Pointe-Noire, le potentiel de découverte reste élevé et les opérateurs ne sont pas prêts à jeter l’éponge. ■ ROSIE MASENGU, à Pointe-Noire


La solution logistique pour 2011, l’objectif de ILOGS est de consolider sa croissance en améliorant ses prestations. La démarche professionnelle dans la qualité de l’offre de service s’inscrit dans le strict respect des normes de l’industrie pétrolière.

Situé dans le port autonome de Pointe-Noire, le Centre de Services Pétroliers a été créé par la volonté du Président de la République son Excellence Monsieur Denis SASSOU NGUESSO en vue de doter notre pays d’un organe qui aurait pour vocation d’intervenir, maîtriser et de rationnaliser les opérations de logistique que génère l’industrie pétrolière, en prévision du développement de cette activité. Disposant d’un quai en eau profonde

avec

un tirant d’eau de 8,5 m, le Centre de Services Pétroliers présente un avantage stratégique pour les opérateurs pétroliers et parapétroliers exerçant en République du Congo et dans le golfe de guinée au Port de Pointe-Noire.

Communiqué

1999, le développement et la gestion du Centre de Services Pétroliers furent confiés à une société anonyme INTELS Congo, issue du partenariat stratégique entre le Ministère des Transports, de l’Aviation Civile, chargé de la Marine Marchande agissant pour le compte du Port Autonome de Pointe-Noire, et le groupe INTELS R. Co. Ltd. Le Centre de Services Pétroliers est donc chargé de viabiliser le site qui lui est alloué sur le domaine portuaire. Les phases d’installation et de lancement furent laborieuses, et émaillées de sérieuses difficultés concurrentielles. 2004, le groupe INTELS R. CO modifie la structure du capital social d’INTELS Congo S.A. en cédant la presque totalité de ses parts sociales à la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC), convention signée le 20 décembre 2004. Il s’en suit la répartition suivante avec SNPC 79 %, PAPN 20 % et INTELS R.Co. Ltd avec 1 %.

2007, nommé en Conseil d’Administration le 27 décembre 2006, le nouveau Directeur Général, Monsieur Hilarion BOUNSANA décide de lancer un plan de redressement draconien pour une période de trois ans avec le soutien de la Société Nationale des Pétroles du Congo. À l’issue de la première année du plan, les résultats ne se sont pas fait attendre car nous observons depuis lors à un accroissement positif des paramètres de mesure de rentabilité de l’entreprise allant de l’augmentation du Chiffre d’affaires à l’amélioration conséquente du résultat net. 2010, « INTELS » est devenue « ILOGS » et, dans son projet de développement les objectifs fixés ont été atteints, grâce à l’expérience de ses 187 employés spécialisés, ce qui a permis à ILOGS de compter parmi les leaders dans son domaine.


l’indutrie du Pétrole et du Gaz au Congo ATOUTS Utilisé et fréquenté par tous les pétroliers de la place, le Centre de Services Pétroliers met à la disposition de tout nouvel opérateur ou sous traitant pétrolier, un cadre professionnel adapté au secteur avec des espaces de stockage, un quai de 190m linéaire avec 8,5m de tirant d’eau, du personnel qualifié et du matériel de levage des plus modernes. ÉQUIPEMENTS Le Centre de Services Pétroliers est doté d’équipements de transport, de manutention et de levage de grandes capacités tels des Camions de 15, 30, 75, 120 tonnes de marque Mack, Daf, Volvo, Renault, Magirus, Mercedes; des Elévateurs de 3, 4, 7.5, 10, 13, 16, 20 tonnes de marque Taylor, Clark, Hyster, Daewoo, Caterpillar; des Grues de 28, 30, 50, 70, 75, 100, 130, 300, 450 tonnes de marque Liebherr, Demag, American, Terex, Ph- Xcmg ; des Nacelles de 18 tonnes de marque Liebherr et des Remorques de capacités adaptées. DÉVELOPPEMENTS Dans son projet de développement ILOGS prévoit l’extension de son quai actuel de 200 mètres linéaire supplémentaire ; l’aménagement de la zone draguée ; la mise en place d’un système de communication par V-SAT ; l’installation d’un Pipe-line pour la fourniture du Gas-oil ; le développement de nouvelles zones de stockage ; la construction d’entrepôts pour de nouveaux clients ; l’acquisition de nouveaux équipements : Grues, engins roulants, de manutention et de levage et le renforcement du système de sécurité.

Contact : INTEGRATED LOGISTIC SERVICES Avenue de Bordeaux, enceinte Port Autonome B.P. 788 Pointe-Noire - République du Congo M. Hilarion BOUNSASA Directeur Général

Tél : +242 06 664 86 35 / +242 05 559 86 35 Email : info@ilogs.cg

w w w. i l o g s . c g


92 LE PLUS

TRANSPORTS

transport pour des centaines de milliers de personnes qui n’ont pas les moyens de prendre l’avion.

Un monument à remettre sur les rails

PRIORITÉ AU FRET

Seule voie terrestre entre Brazzaville et lʼAtlantique, le Chemin de fer Congo-Océan reste sans repreneur. Trop délabré. LʼÉtat, qui a dû lancer lui-même le plan de modernisation, espère voir le bout du tunnel lʼan prochain.

L

e 21 j u i n 2 010, l e t r a i n « Océan » a déraillé à Yanga, à 60 km de Pointe-Noire. Bilan : 56 morts et plus de 600 blessés. Pour les autorités, ce sont l’excès de vitesse et l’état d’ébriété du machiniste qui ont conduit à la tragédie. Le procès intenté par les proches des victimes est toujours en cours. L’accident n’a en tout cas pas contribué à rétablir la confiance des Congolais dans le Chemin de fer Congo-Océan (CFCO), dont beaucoup pointent du doigt les rames surchargées et la mauvaise gestion. La compagnie fait pourtant l’objet d’un programme de modernisation, engagé en 2007 et financé par l’État. Vétusté du matériel roulant et des voies, irrégularité et insuffisance des

trains : la liste des maux dont souffre le CFCO depuis les années 1990 est longue. Il y a vingt ans, il fallait neuf heures pour aller de Pointe-Noire à Brazzaville ; aujourd’hui, le trajet en prend… vingt ! L’une des premières causes de ce déclin est la guerre civile. De 1998 à 2000, face à la destruction du matériel, l’entreprise a dû suspendre ses activités. Pourtant, le CFCO, inauguré en 1934 (lire ci-contre), est toujours une institution pour les Congolais. Et son rôle central ne s’est pas amoindri puisqu’il reste, pour le moment, la seule voie terrestre traversant le sud du pays, du fleuve Congo à l’Atlantique, pour relier ses deux grandes villes. Crucial pour le fret, il demeure aussi le seul moyen de

Le gouvernement décide en 2004 de céder la concession de ce canard boiteux, mais, aucun acquéreur ne se pressant au portillon, il doit se résoudre à lancer lui-même le plan de redressement. « Depuis 2007, explique Séraphin Bhalat, chargé de mission auprès de la Délégation générale des grands travaux et coordonnateur du projet de réhabilitation et d’équipement du CFCO, l’État a investi quelque 40 milliards de F CFA (près de 61 millions d’euros) dans l’entreprise pour sa réhabilitation et son équipement. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un seul train pour assurer la navette. Dans ces conditions, le CFCO a préféré privilégier le trafic de marchandises et réduire celui des passagers au minimum. Cependant, vingt-trois voitures de voyageurs ont été commandées à la Corée du Sud, afin de rééquiper deux rames – une dans chaque sens –, qui seront mises en exploitation avant la fin de l’année 2011. » Parallèlement, de vieux wagons de voyageurs sont en cours de réhabilitation et des trains spéciaux vont être mis en circulation : l’un entre Brazzaville et la région du Pool, l’autre entre Pointe-Noire et le Mayombe.

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PHOTOS : ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.

LE PLUS 93

L’âge d’or de la compagnie, inaugurée en 1934, est bien loin. Le matériel est vétuste et un seul train assure désormais la navette entre Pointe-Noire et Brazzaville.

Le CFCO espère récolter en 2012 les fruits de ces mesures : la compagnie prévoit de transporter celle année-là près de 1,3 million de voyageurs et, compte tenu de la demande croissante des industriels et du développement des projets miniers, 1,65 million de tonnes de marchandises. Quant à l’avenir de l’entreprise, la seule issue possible semble désormais le recours à un partenariat public-privé. Selon Séraphin Bhalat, un appel d’offres en ce sens doit être prochainement lancé, avec le concours de la Banque mondiale. EMPORTÉ PAR LA FOULE

En attendant, malgré les risques, l’inconfort et la durée interminable du périple, chaque fois que le train part, il est bondé. C’est le cas en ce mercredi de février. Hommes, femmes, enfants, ils sont des centaines dans la cour de la gare. En plein cœur de Pointe-Noire, la petite bâtisse beige et marron à un étage est, dit-on, la réplique de la gare française de Deauville – une ressemblance qui se limite à l’architecture. Beaucoup sont assis par terre, cuisant sous le feu du soleil. Ils attendent le train de 11 heures qui, trois fois par semaine, les lundis, mercredis et vendredis, relie la cité océane à Brazzaville : un

trajet de 510 km, parcourus, donc, en quelque vingt heures. À l’intérieur, le grand hall est archicomble. Quelques autres centaines de voyageurs, certains venus de loin, ont passé la nuit là, pour ne pas risquer de rater le train – sachant que, comme le rappelle un avis de la direction, « les billets vendus sont valables le jour de leur achat et ne sont ni échangeables ni remboursables ». Le train est déjà en place, sur une voie envahie par la mauvaise herbe. Pour parcourir les 100 m qui les séparent de la porte donnant accès à l’unique quai, les passagers sont contrôlés plusieurs fois par des agents des forces de l’ordre et du CFCO. Il y a de la tension dans l’air. Certains sont purement et simplement refoulés. D’autres tentent un raccourci, en passant de l’autre côté du quai, un chemin normalement interdit d’accès et également contrôlé. Mais pas de quoi décourager les téméraires, qui parlementent et, finalement, passent. Avec une agilité stupéfiante, un culde-jatte escalade en un temps record la clôture de la gare pour se retrouver sur le quai. Immédiatement suivi par un militaire en uniforme. Le chef de gare, impuissant, laisse faire, pendant que le train se remplit. Au millier de passagers correspondant à la capacité

À la fin des années 1980, le trajet prenait neuf heures; aujourd’hui, il en faut vingt. totale du train s’ajoute, immanquablement, un lot de « cabris » – surnom donné aux resquilleurs. Dans les voitures, chacun s’assied où il peut et comme il veut, les billets n’étant pas nécessairement vendus en fonction des places disponibles. Et, brusquement, le train s’ébranle vers Brazzaville. Y a-t-il eu un coup de sifflet annonçant le départ ? « Oui ! » affirme le chef de gare. À peine audible cependant. Une femme arrive en courant, ticket à la main. Elle vient de rater le train, et va devoir acheter un autre billet. Perte pour la dame : 11 000 F CFA (près de 17 euros). Prochain départ : dans deux jours. ■

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TSHITENGE LUBABU M.K.

À LIRE

La machine infernale SUR UNE IDÉE SUGGÉRÉE par l’explorateur Pierre Savorgnan de Brazza après son arrivée dans la région en 1873, l’administration coloniale française autorise la construction de la voie du Chemin de fer Congo-Océan le 13 juillet 1914. Objectif : relier Brazzaville, terminus de la navigation sur le fleuve Congo, à Pointe-Noire, sur le golfe de Guinée, pour évacuer les matières premières des territoires de l’Afrique-Équatoriale française. Les travaux commencent en 1921 à Brazzaville. Ils s’achèvent en 1934 à Pointe-Noire… après avoir percé le massif forestier du Mayombe, dont les boues ont éclaboussé, dès 1928, toute la classe politique française. En effet, pour qu’aboutisse coûte que coûte ce chantier qu’il voyait comme « la base même des progrès de la civilisation », le gouverneur général Antonetti n’hésite pas à mettre aux travaux forcés plus de 125 000 Africains, « recrutés » du Congo à la Sangha, du Chari au Tchad. Près de 20 000 mourront. « J’ai vu construire des chemins de fer, écrit Albert Londres dans Terre d’Ébène (1929), on rencontrait du matériel sur les chantiers. Ici que du nègre ! Le nègre remplaçait la machine, le camion, la grue ; pourquoi pas l’explosif aussi ? » Dans Congo-Océan. De Brazzaville à Pointe-Noire (1873-1934), Blandine Sibille et Tuan Tran Minh racontent cette page importante de l’histoire du pays. Ni sociologues ni historiens – elle est pharmacienne, il est médecin, et ils ont découvert le Congo au cours de missions humanitaires –, les auteurs, par leur approche inédite, justement et simplement humaine, livrent un ouvrage très bien documenté, multipliant les points de vue, et abondamment illustré de cartes, lettres, journaux et photos CÉCILE MANCIAUX d’époque. ■ Congo-Océan. De Brazzaville à Pointe-Noire, 1873-1934, de Blandine Sibille et Tuan Tran Minh, Éditions FrisonRoche, Paris, 156 pages, 39 euros.



LE PLUS 95

Témoignage PAR TCHICHELLÉ TCHIVÉLA

Écrivain congolais

« Entre rêve et regret »

L

orsque mes yeux s’ouvrirent sur PointeNoire, mon pays natal, j’allais vers mes huit ans. Mon père m’avait fait revenir du village du Kouilou où j’avais vécu deux ans avec ma grand-mère pour que j’entame mes études primaires à l’école urbaine des garçons. Ce qui, d’abord, m’émerveilla, ce fut la mer. Je m’y rendais certains après-midi avec mes camarades. Nous jouions au football avec des balles de tennis. Ici et là, allongés sur des serviettes multicolores, des Blancs en culotte ou en bikini exposaient leur corps au feu du ciel. D’autres, debout sur des planches, surfaient sur la crête des vagues, heureux de se livrer à leur passion du ski nautique. Quelquefois, deux ou trois pirogues glissaient vers nous, chargées de pêcheurs accroupis, recrus de fatigue mais prêts à se délester, sitôt sur la berge, de leurs filets de poissons. NOTRE VILLE A TOUJOURS ÉTÉ le lieu de rencontre

et de cohabitation pacifique des Français, des Grecs, des Portugais, des Cap-Verdiens, aux côtés desquels vivaient des « Aofiens », venus d’Afrique-Occidentale française (aujourd’hui « Ouest-Africains »): Dahoméens (Béninois), Sénégalais, Togolais, etc. Il y avait aussi les « Aéfiens », ressortissants de l’Afrique-Équatoriale française: Tchadiens, Gabonais, Oubanguiens (Centrafricains), Camerounais, Cabindais, Congolais de Kinshasa et, bien entendu, les Congolais non originaires du Kouilou. Les « Aofiens » se détendaient, le week-end, au Club amical daho-togolais (Camdato) et au Palladium, barsdancings qu’ils avaient construits, tandis que les Kouilouiens allaient au Cercle Africain. Les « Aéfiens » avaient créé leur équipe de football: l’Union. Celle des Cabindais s’appelait Amicale. Une curiosité: l’A.S. Cheminots, équipe du Chemin de fer Congo-Océan, comptait un joueur blanc, Gauvin, qui était aussi l’entraîneur. L’A.S. Brazza avait également « son » Blanc : Charles Félicciagi. Les Français avaient une équipe, l’Association sportive ponténégrine, et un stade, le stade Franco-Anselmi. Sous la colonisation, Pointe-Noire était divisée en deux grandes zones d’habitations: « la ville » et « la cité indigène ». Les Blancs vivaient en ville, où se trouvaient les services administratifs, les centres économiques et commerciaux. Les Noirs habitaient la cité indigène. Entre les deux, sur l’actuel rond-point Lumumba, se dressait le commissariat de police, avec des missions bien faciles à deviner. Le même système d’apartheid s’observait dans l’enseignement. Les petits Blancs fréJ E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

quentaient l’école du Losange, en ville. Les petits Noirs, l’une des six écoles primaires de la cité indigène : trois dirigées par l’État, deux par l’Église catholique et la dernière par l’Église protestante suédoise. Quand, en octobre 1954, le Collège classique et moderne (qui deviendra, en 1959, le lycée Victor-Augagneur) eut ouvert ses portes, il accueillit sans distinction les Blancs et Noirs reçus au concours. Et ce fut la gloire des professeurs français, quand ils notaient les copies de leurs élèves, de ne s’être jamais laissés influencer par la couleur de leur peau ou la position sociale de leurs parents. Quant aux rapports entre les élèves, ils étaient empreints de franche camaraderie. Les frères Félicciagi furent les premiers petits Blancs à inviter des petits Noirs à prendre le goûter chez eux. Je fus de ces heureux privilégiés. LE PREMIER MAIRE NOIR ET ÉLU de la commune, de-

venue chef-lieu du Moyen-Congo en 1950, fut Stéphane Tchichellé, mon père, en 1956. Outre le siège de l’Assemblée territoriale, la ville accueillit, après les législatives de 1957, celui du premier gouvernement congolais. C’est à Pointe-Noire que, le 28 novembre 1958, les conseillers territoriaux proclamèrent la République du Congo, en fixèrent la capitale à Brazzaville et élirent Premier ministre l’abbé Fulbert Youlou, qui nomma sur-le-champ Stéphane Tchichellé ministre de l’Intérieur. Quand, le 5 juin 1997, la guerre civile éclata à Brazzaville, PointeNoire, grâce aux efforts de son maire, Thystère Tchicaya, et du préfet du Kouilou, joua son rôle de havre de paix et de sécurité. De tout le pays y affluèrent des populations désemparées mais heureuses de se trouver dans une ville calme et sereine. Aujourd’hui, Pointe-Noire n’est plus l’attrayante Ponton-la-Belle d’antan. Elle ressemble à une lépreuse en haillons qui sanglote, accroupie au bord de la mer, la face dans les mains. Pourtant, on ne se lasse pas de la fréquenter. Sans doute à cause du lait qui coule encore de ses mamelles. ■

Sous la colonisation, les Blancs vivaient en ville, les Noirs habitaient la cité indigène. Entre les deux, le commissariat…


96 LE PLUS POINTE-NOIRE LOISIRS

La parenthèse enchantée Pour les hommes dʼaffaires, les familles dʼexpatriés ou les locaux, la cité balnéaire ne manque pas dʼattraits. De lʼanimation de ses plages à lʼarchitecture coloniale du centre-ville, sans oublier les sites naturels remarquables alentour. L’arrivée en gare de Pointe-Noire, réplique – dit-on – de celle de Deauville.

Les plages de la Côte sauvage, version chic et version choc.

Reportage photo: ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.


LE PLUS 97

À la pâtisserie La Citronnelle, on se donne rendez-vous pour discuter devant une tartelette ou un sorbet maison. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


98 LE PLUS

Légende conumsan henisse ming eugiat, ver sit nit, sum nullaore .Accumsan et lutet eugiat, conse dunt wissi. Adionum do dunt nulput il ea aut autpat

À une centaine de kilomètres de la ville, le Parc national de Conkouati-Douli a été créé en 1999. Sur plus de 5000 km2, alternant savane, forêts denses, marécages, mangroves, lagunes et réserve marine, il abrite une faune et une flore particulièrement variées et préservées.


LE PLUS 99


100 LE PLUS POINTE-NOIRE CULTURE

Le ponton des artistes Ils partagent la passion du théâtre, la polyvalence et une énergie à toute épreuve. Un cocktail indispensable pour assurer le spectacle malgré le manque de moyens.

PIERRE CLAVER MABIALA Espace culturel Yaro

À 36 ans, ce comédien et metteur en scène est l’un des animateurs les plus actifs de la vie culturelle locale. Début février, sa nouvelle création, Le Cabaret du bout du monde – réalisée en collaboration avec des partenaires français, belges, et avec le musicien kinois Djonimbo –, a été présentée au Centre culturel français (CCF) de Pointe-Noire et à l’Espace culturel Yaro, qu’il a créé et dirige depuis 1999. En avril, le spectacle ira à Kinshasa. C’est la cinquième création internationale de

Mabiala, qui a notamment travaillé avec le Théâtre national de Guinée et a été en résidence d’écriture et de mise en scène en France, à Avignon et à Angers. Faute d’une véritable politique culturelle, rares sont les troupes congolaises à se produire hors du continent, notamment en Europe. Mais, grâce à sa casquette de manager culturel et à son sens de l’ouverture – l’Espace culturel Yaro est notamment entré dans le programme Équation Musique, mis en

place par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et Culturesfrance –, depuis deux ans, Mabiala emmène une partie de sa compagnie en France. Première tournée, fin 2009, avec la pièce Tel est ri qui croyait rire (adaptée de Rires noirs, de Nicolas MartinGranel), dans l’ouest et le sudouest de l’Hexagone, où la troupe est revenue jouer en 2010.

embouteillée « Première eau e certifiée al d’Afrique Centr ationales rn te in aux normes » 01 90 ISO


LE PLUS 101

PHOTOS : ANTONIN BORGEAUD POUR J.A. – D.R.

PONTÉNÉGRISMES

Le Kinois Djonimbo

Mabiala a par ailleurs langue vilie), un festisur la scène de fondé – et dirigé val international des l’Espace Yaro, dirigé par Pierre jusqu’en 2005 – les musiques et des arts, Claver Mabiala Journées théâtrales en devenu, en six éditions, (page de gauche). campagne (Jouthec), la plus grande manifesmanifestation désortation culturelle de la mais biennale dont la 9e édition s’est ville. Le programme allie les spectenue fin décembre 2010 à Loango, tacles et les projections de films à dans le département du Kouilou. des ateliers favorisant les échanges En 2005, il crée N’sangu Ndji-Ndji, entre artistes ■ (« La fête de Pointe-Noire », en TSHITENGE LUBABU M.K.

JEHF BIYÉRI

Théâtre des Coulisses

À la tête depuis 1999 du Théâtre des Coulisses – Prix Tchikounda de la meilleure troupe de théâtre en 2010 –, ce comédien et rappeur de 37 ans s’est produit dans plusieurs festivals dans la sous-région et en Algérie. Cette année, il projette une tournée à l’étranger pour jouer son dernier spectacle, L’Ogrelet, et publie une pièce, Professeur Salmeindroq, aux Éditions Cultures croisées. À PointeNoire, il organise le Festival international de la parole et celui des cultures urbaines. ■ T.L.M.K. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

Lexique non exhaustif de particularismes sémantiques courants dans la métropole. Absenter : Rater quelqu’un, ne pas le trouver, ne pas le voir. « Je t’ai absenté la semaine dernière, chez ton frère », « Je vous ai absenté hier, au bureau. » Brun(e) : Homme ou femme au teint clair. Consulter : Avoir recours à des féticheurs, des magiciens, des voyants. Crin : Point de suture. « Après sa chute, il a eu droit à huit crins sur le crâne. » Fausser : Faillir, mal agir. « Tu as faussé. » Fermés : Chaussures fermées, par opposition aux sandales ou aux tongs, qui sont ouvertes. « Pour le grand jour, elle a mis des fermés de couleur rouge. » Fréquenter (sans complément d’objet): Être inscrit dans un établissement scolaire, aller à l’école. Un enfant qui fréquente va régulièrement en classe. « Ta fille n’a pas fréquenté? – Si, mais elle finissait à 14 heures, elle vient de rentrer. » Gonflé(e) : Prétentieux, prétentieuse. Insolencer quelqu’un : L’agonir d’injures, d’insolences. Juste (ne pas être) : Dans une forme négative, désigne non pas l’équité, mais la folie. « Toi tu n’es pas juste ? » signifie « Tu n’es pas fou ? Ça va pas la tête ? » Katisser (du lingala kokata, couper) : Prendre un raccourci. « Pour aller plus vite, j’ai katissé. » Maison (être dans une) : Adhérer à un ordre ésotérique, initiatique, mystique. « Je l’ai quitté quand j’ai découvert qu’il était dans une maison. » Miné(e) : On dit qu’une personne est « minée » lorsqu’elle est bien protégée sur le plan mystique et, donc, qu’elle ne risque pas de perdre ses biens ou sa position. Plainter : Porter plainte. Pratiquer : Recourir à la magie. « Il réussit dans la vie parce qu’il pratique régulièrement. » Les « pratiques » désignent les fétiches, les gris-gris. Varier : Se fâcher. « Si tu continues, je vais varier. »


102 LE PLUS POINTE-NOIRE

JACQUES DEBERNO

Jacques Deberno, comédien et metteur en scène, dirige Les Pétroliers, une structure créée et financée par Total dans le cadre de son programme d’appui aux initiatives sociales. Contrairement à ses confrères, il est salarié : un confort appréciable dans la profession, il le reconnaît. Dotée d’un budget de fonctionnement annuel de 2,5 millions de F CFA (3 800 euros), la troupe a pour vocation l’organisation de spectacles pour les personnels de Total et leurs familles. Jacques Deberno essaie cependant d’élargir le champ d’action des Pétroliers, en particulier à travers des ateliers d’initiation au théâtre ou des cours de diction, pour T.L.M.K. la modique somme de 1 000 F CFA par mois. ■

« LEADER DANS LA DISTRIBUTION DES PRODUITS ALIMENTAIRES CONGELÉS »

ETABLISSEMENTS GUENIN

PHOTOS : ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.

Les Pétroliers

GERMAINE OLOLO Compagnie Issima

Comédienne, scénariste et chanteuse, Germaine Ololo, 43 ans, dirige depuis neuf ans la Compagnie Issima, une structure ouverte à toutes les expressions artistiques. En 2004, elle a organisé la première édition du Festival international d’expression féminine. Attirée par le cinéma, Germaine Ololo a travaillé avec des réalisateurs comme le Burkinabè Idrissa Ouédraogo, le Camerounais Bassek ba Kobhio ou ses compatriotes congolais Rufin Mbou Mikima, Alain Nkodia et Camille Mouyéké. Tout en déplorant le manque de lieux de spectacles adéquats, de « collaboration entre les structures culturelles privées et le ministère de tutelle », ainsi que la modicité des subventions, elle prépare son retour sur scène. Ce sera en mars, dans La Visite, une pièce du Français Victor Haïm, où elle partagera la vedette avec Arnaud Dimitri Makaya, alias Mak de Ardie. ■ T.L.M.K.

MAK DE ARDIE

Espace Tali

ETS GUENIN ets-pnr@ets-guenin.com

Ce comédien et metteur en scène de 35 ans est directeur de l’Espace Tali. Il compte cette année organiser un festival de théâtre scolaire et a écrit – aux côtés de huit autres auteurs ponténégrins – six nouvelles du recueil À la Pointe-Noire du temps, qui paraît en mars aux éditions L’Harmattan. ■ ARMEMENT GUENIN IMPORT-EXPORT

agimexcongo@ets-guenin.com

T.L.M.K.


Port autonome

de

Pointe-Noire : la modernisation est en marche VUE AÉRIENNE DU PORT AUTONOME DE POINTE-NOIRE

C

réé par Ordonnance n°2-2000 du 16 février 2000, à l’issue de la scission/dissolution de l’Agence Transcongolaise des Communications (ATC), le Port Autonome de Pointe-Noire (PAPN) est un établissement public à caractère industriel et commercial, doté de la personnalité civile, de l’autonome financière et de gestion. Avec un conseil d’administration composé de 10 membres avec voix délibérative, dont 8 représentants du secteur public et 2 représentants du secteur privé, le PAPN dispose d’un régime fiscalo-douanier de droit commun.

PUBLI-INFORMATION


Port autonome de

Pointe-Noire : la modernisation est en marche

S

ZONE DE TRANSBORDEMENT DE CONTENEURS.

itué sur la côte occidentale d’Afrique, à mi-chemin entre Dakar et Le Cap, à la croisée des grands axes maritimes, il sert de relais entre l’Europe Atlantique, l’Amérique, le sous continent Indien et l’Extrême-Orient. Il bénéficie de conditions naturelles éminemment favorables. Abrité derrière une pointe rocheuse, il n’est sujet qu’à une faible houle et à peu de mouvements sédimentaires ; il offre une profondeur naturelle de -13 m avec un chenal d’accès de faible longueur. Port en eau profonde, PointeNoire a le potentiel pour devenir, grâce à un réseau multimodal de transports maritime, ferroviaire, fluvial, terrestre etc., le débouché naturel d’un immense arrière pays de 4 millions de km² (Congo, République centrafricaine, Gabon, Cameroun, République

démocratique du Congo, Tchad, Ouganda, Rwanda et Burundi) peuplé d’environ 100 millions d’habitants. Pointe-Noire est actuellement desservi par la plupart des grands armements au nombre desquels on peut citer : MAERSK SEALAND, CMA CGM, DELMAS, SAFMARINE, GRIMALDI, NDS, ASIATIC SHIPPING, etc., ce qui lui permet de proposer aux chargeurs une fréquence d’escales régulière en direction de tous les continents. Plateforme d’éclatement sous-régionale, le PAPN joue non seulement le rôle de moteur d’entraînement de l’économie nationale mais favorise aussi le développement en son sein et à la périphérie d’activités économiques (ports secs, industries et services). En effet, le trafic en transbordement représente près de 70 % du trafic enregistré au port, qui lui-même a connu une évolution spectaculaire au cours des dix dernières années (6 344 000 tonnes en 2010, contre 1 641 283 tonnes seulement en 2000).

ÉVOLUTION DU TRAFIC 2000-2010 (EN TONNES) ANNÉE

CHARGEMENT DES CONTENEURS.

PUBLI-INFORMATION

IMPORT

EXPORT

TOTAL

2000

707 836

933 447

1 642 283

2001

953 431

931 336

1 884 767

2002

1 064 569

665 563

1 730 132

2003

984 735

866 663

1 851 398

2004

1 168 649

1 028 795

2 197 444

2005

1 509 715

1 377 933

2 887 648

2006

1 867 443

1 114 956

2 982 399

2007

2 582 649

1 461 379

4 044 028

2008

3 545 676

2 359 841

5 905 517

2009

4 137 133

2 950 154

7 087 287

ÉVALUATION

3 878 616

2 281 268

6 159 884

2010


À titre d’exemple, pour la période 2002 à 2010, le trafic des conteneurs a connu une hausse encore plus spectaculaire, passant de 45 577 EVP à 356 085 EVP*, soit une hausse de plus de 600 %, comme l’illustre le tableau ci-dessous.

LE TRAFIC DES CONTENEURS

Ces résultats plutôt encourageants ont été rendus possibles grâce aux efforts fournis par les dirigeants du PAPN pour l’amélioration sans relâche de son outil de production et de sa gestion, parmi lesquels on peut citer :

Au plan des infrastructures

ZONE DE STOCKAGE DE CONTENEURS.

S’agissant du trafic des navires, le nombre de bâtiments ayant touché le PAPN au cours des dix dernières années a aussi considérablement augmenté avec moins de 2000 navires en 2000, contre 3500 navires en 2010. Il sied également de souligner l’augmentation de la taille des navires porte conteneurs au cours de ces deux dernières années qui est passée des NPC de 2400 EVP aux NPC de 3700 EVP. Quant au chiffre d’affaires, il a quasiment triplé, passant de 9,5 milliards de FCFA en 1997 à plus de 30 milliards en 2010.

NOMBRE DE NAVIRES

* EVP : conteneur équivalent vingt pieds

La réhabilitation et la modernisation des infrastructures portuaires afin de les adapter aux profondes mutations du secteur des transports maritimes et de l’industrie portuaire caractérisées par l’augmentation de la taille des navires et le développement de la conteneurisation. À ce titre, plusieurs opérations portant sur les campagnes de dragage d’approfondissement et d’entretien des accès portuaires, la réhabilitation des terre-pleins, des magasins et du réseau routier, l’acquisition des remorqueurs, des vedettes de pilotage, lamanage, hydrographique et anti-pollution, etc. ont été réalisées. C’est ainsi que dans sa configuration actuelle, le PAPN dispose déjà de : Ç 2850 m de quai ; Ç 15 ha de surfaces couvertes ; Ç 130 ha de terre-pleins aménagés : Ç un terminal à conteneurs 16 ha ; Ç un parc à bois de 10 ha ; Ç une zone logistique d’empotage et de dépotage des conteneurs de 2,5 ha, etc. La superficie totale du domaine portuaire est d’environ 3000 ha, dont seulement 600 ha sont exploités et le reste, réservé à l’extension des activités industrialoportuaires.

Au plan du développement des ressources humaines La mise en place d’un plan directeur de développement des ressources humaines qui a permis de recruter et de mettre en formation entre 2000 et 2005, plus de 100 jeunes dans diverses écoles spécialisées dans les métiers portuaires en Afrique et en Europe. Près de 70 jeunes (personnel marin, des informaticiens, des comptables et des cadres commerciaux, etc.) sont déjà opérationnels dans les différentes directions du PAPN. Cette politique volontariste a permis non seulement de résorber le déficit quantitatif et qualitatif des effectifs, mais également de résoudre, par ailleurs, le problème du rajeunissement des effectifs, car la moyenne d’âge du personnel du PAPN est passée de 48,5 ans en 2004 à 40 ans actuellement.


Port autonome

Pointe-Noire : la modernisation est en marche

VUE DE LA ZONE LOGISTIQUE D’EMPOTAGE ET DE DÉPOTAGE DES CONTENEURS.

Au plan de la modernisation de la gestion La modernisation du système d’information à travers : Ç la construction d’un centre informatique moderne ; Ç la mise en service d’un système intégré de gestion (sage x 3 pour la comptabilité générale et analytique, la paie, les immobilisations, les achats et facturation des prestations portuaires, virtualia pour les ressources humaines, lotus notes pour la gestion interne de la messagerie) ; Ç l’échange électronique des données avec les usagers ; Ç le transfert électronique de la paie avec les banques ; Ç la mise en place d’une interface automatique pour la récupération des manifestes au niveau du système informatique de la douane afin d’accélérer le processus de la facturation ; Ç la mise en place d’un modèle financier, outil essentiel pour la gestion prévisionnelle de l’entreprise. Ainsi, à ce jour le PAPN arrête et fait certifier ses bilans dans les délais légaux. Il est éligible auprès des bailleurs de fonds (Agence Française de Développement - AFD, Banque Européenne d’Investissements - BEI et Banque de Développement des Etats de l’Afrique Centrale - BDEAC) et des banques locales, et entreprend de se coter en bourse au niveau de la sous-région.

VUE DU TERMINAL À CONTENEURS EN 2010.

PUBLI-INFORMATION

Les perspectives de développement à court-moyen terme Le PAPN a lancé, depuis décembre 2010, les travaux de mise en œuvre de son projet relatif au programme d’investissements prioritaires. Ce programme, qui est financé par le PAPN, Congo Terminal et les Bailleurs de fonds (AFD, BEI et BDEAC) comprend les opérations suivantes: Ç l’allongement de la digue extérieure de 300 m ; Ç la construction d’un quai à conteneurs de 800 m de longueur et de 16 m de profondeur; Ç l’aménagement d’un terminal à conteneurs de 33 ha ; Ç l’aménagement d’une zone logistique d’empotage/ dépotage des conteneurs de 4,5 ha ; Ç la construction d’une voie dédiée de 1 km reliant la zone logistique au terminal à conteneurs ; Ç l’approfondissement à 16 m du chenal d’accès et du bassin portuaire ; Ç l’acquisition d’un remorqueur de haute mer de 5000 CV ; Ç l’acquisition et mise en service de 2 grues Gottwald, de 14 portiques de quai, des portiques de parc, des engins de levage, des remorqueurs, etc. Le coût de ce programme d’investissements prioritaires est de 450 milliards FCFA, dont 370 milliards de FCFA à la charge de Congo Terminal, société concessionnaire du terminal à conteneurs ; 44 milliards de F CFA sur emprunt auprès des bailleurs de fonds (AFD, BEI et BDEAC) et 36 milliards de FCFA sur fonds propres du PAPN. La durée de réalisation de l’ensemble du programme est de 40 mois à partir de décembre 2010. Toutefois, dès le mois de juillet 2012, le premier quai, d’une longueur de 270 m et d’une profondeur 15 m (le quai G4), sera mis en service, le chenal et le bassin portuaire seront dragués à 16 m et les deux premiers portiques de quai seront installés, ce qui donnera déjà au PAPN la capacité de recevoir des navires porte-conteneurs de 7000 EVP. Ainsi, la réalisation de ce programme conjuguée avec la mise en service prochaine de la route Pointe-Noire/Brazzaville, en cours de construction, et la réhabilitation du Chemin de Fer Congo Océan, ainsi que celle du réseau fluvial navigable, contribuera à coup sûr au renforcement de l’intégration économique de la sous-région et au développement des échanges commerciaux entre les pays de la sous-région et les autres régions du monde.

Port Autonome de Pointe-Noire Avenue de Bordeaux - B.P. 711 - Pointe-Noire, RÉPUBLIQUE DU CONGO Tél : +242 22 294 00 52 - Fax : +242 22 294 20 42 - E-mail : papn2006@yahoo.fr

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR

de


ECOFINANCE MARCHÉS

|

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INDUSTRIE

SERVICES

INTERVIEW

|

FINANCE

|

MANAGEMENT

|

COMMUNIC ATION

Pascal Lamy DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LʼORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

« LʼAfrique a besoin dʼéchanges plus ouverts et moins injustes » POUR LE PATRON FRANÇAIS DE L’OMC, LE CONTINENT, QUI SOUFFRE DE LA HAUSSE

DES PRIX ALIMENTAIRES, EST

« LE FUTUR GRENIER DE LA PLANÈTE ». À CONDITION DE RENFORCER SES CAPACITÉS COMMERCIALES.

Propos recueillis par ALAIN FAUJAS

▲ ▲ ▲

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

À Paris, le 25 février.

VINCENT FOURNIER/J.A.

À

la tête de l’Organisation mondia le du com merce (OMC) depuis 2005, Pascal Lamy y a retrouvé – en pire – les difficultés qu’il affrontait à Bruxelles quand il tentait, en tant que commissaire européen, de mettre d’accord des États souverains peu soucieux de se sacrifier sur l’autel du multilatéralisme. La gageure est qu’à l’OMC, il lui faut travailler avec 153 États sur des dossiers d’une rare complexité. Pourtant, il ne se dit ni optimiste ni pessimiste sur les chances de conclure les négociations du cycle de Doha, qui patinent depuis 2001. Il croit toujours à l’efficacité de la philosophie économique de l’OMC, selon laquelle l’ouverture commerciale est l’un des outils du développement qui profitera aux pays pauvres. Selon lui, un commerce régulé et juste participe à la lutte contre la hausse des prix des produits alimentaires et contre la faim qui menace.


108 ECOFINANCE ▲ ▲ ▲

JEUNE AFRIQUE : La forte hausse des prix des produits agricoles et les troubles qu’elle provoque dans l’alimentation des populations sont-ils inévitables ? PASCAL LAMY : Le problème est socialement, politiquement et moralement incontournable, parce que c’est celui de la faim. Il a deux composantes: à court terme, la volatilité des prix, en raison des accidents climatiques qui affectent les récoltes ; à long terme, le déséquilibre structurel entre l’offre et la demande de produits alimentaires. L’aug mentation de la demande s’explique par le développement et la moindre pauvreté, qui ont provoqué ce qu’on appelle la « transition nutritionnelle ». La consommation de produits laitiers et de viande s’accroît et induit un rendement protéinique décroissant puisque, par exemple, il faut 3 kg de céréales pour faire 1 kg de poulet. D’autres facteurs interviennent, comme l’urbanisation et la croissance démographique. Environ 30 % de la production agricole n’est pas consommée en raison de stockages défectueux, de transports inefficaces, de la corruption et du gaspillage. L’offre peine à répondre à cette demande croissante. Produire du blé ou du riz, ce n’est pas pareil que fabriquer des chaussettes ou des pneus. L’activité agricole ne peut pas mobiliser ses facteurs de production de la même façon que l’industrie, il n’y a pas de mobilité du capital, on ne déplace pas un champ comme une usine. L’utilisation de techniques plus performantes et la mise en place d’organisations plus efficientes y sont beaucoup plus lentes. Cet écart entre la demande et l’offre est aggravé par le renchérissement iné-

luctable des prix de l’énergie. D’abord parce que le pétrole plus cher rend plus onéreux, en amont, les engrais et les machines et, en aval, l’acheminement des denrées alimentaires. Ensuite parce que le maïs, la canne à sucre ou l’huile de palme sont devenus des carburants. Selon l’OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] et la FAO [Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture], si les politiques en faveur de ces biocarburants se poursuivent, d’ici à 2019, 13 % de la production mondiale de céréales secondaires serviront à leur fabrication. Peut-on remédier à cette évolution, qui débouche sur l’impossibilité pour les plus pauv res de payer leur nourriture ? Il faut réinvest ir l’agriculture, qui a été délaissée. Ce n’est pas la quantité de nouvelles terres mises en culture qui sera déterminante, mais la hausse des rendements. En effet, la mécanisation, la fertilisation et l’irrigation des sols ainsi que la biotechnologie ont contribué, au cours des quatre dernières décennies, pour 70 % à l’augmentation de la production agricole dans les pays en développement. Ce processus sera long et compliqué parce qu’il existe plusieurs échelons géographiques différents pour traiter les problèmes spécifiques que rencontrent les agricultures de subsistance, régionale ou d’exportation. Pour reprendre l’exemple que j’utilisais tout à l’heure, les industriels de la chaussette et du pneu, eux, n’affrontent pas de difficultés majeures pour produire simultané-

ment pour l’Asie, l’Europe ou l’Afrique, et faire ainsi baisser leurs coûts. Le commerce, courroie de transmission entre l’offre et la demande, joue aussi un rôle important. Il permet d’acheminer les vivres des régions où l’abondance règne vers celles moins bien dotées. Lorsque cette courroie est entravée par des obstacles au commerce – subventions, murailles douanières ou embargos –, les marchés ne jouent pas leur rôle normal. Les restrictions à l’exportation ont été, selon certains analystes, la cause principale de la hausse des prix des denrées alimentaires de 2008 pour certains produits de première nécessité. Ainsi, le marché du riz a été bouleversé par les embargos de pays qui craignaient pour l’ap-

« Les obstacles à l’exportation sont la cause principale de la hausse des prix alimentaires. »

COULISSES

En visite à « Jeune Afrique » C’EST UN PASCAL LAMY DÉTENDU qui arrive au 57 bis, rue d’Auteuil, à Paris, le 25 février, alors que les discussions entre ambassadeurs se poursuivent à Genève dans le cadre du cycle de Doha. Il a apporté avec lui un livre-rapport édité par l’ONG Consumer Unity & Trust Society, intitulé « L’agriculture dans le développement d’une sélection de pays africains ». De la belle ouvrage, selon lui, « qui permet de comprendre pourquoi l’Afrique est importatrice nette de produits alimentaires ». Optimiste ou pessimiste sur les chances de démanteler les obstacles au commerce qui contribuent à raréfier et à renchérir la nourriture du monde? « Ni l’un ni l’autre, répond-il. Car je n’en dormirais plus. » Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer, disait Guillaume d’Orange. N’est-ce pas? ■ A.F.

provisionnement de leur propre population. Il n’y avait pas de déséquilibre structurel global, mais ces restrictions ont déclenché une envolée des prix. La leçon de ces dysfonctionnements est que le commerce fait partie de la solution et pas du problème. Des échanges plus ouverts, plus régulés et moins injustes sont nécessaires. L’Afrique peut-elle en profiter? Je passe beaucoup de temps en Afrique, et j’y constate un potentiel agroalimentaire considérable. Selon moi, il s’agit du futur grenier de la planète. Mais la différence entre ce potentiel futur et la production actuelle est énorme. Il faut que l’agriculture africaine investisse dans l’irrigation, que ses producteurs s’organisent, que les pouvoirs publics améliorent les infrastructures de transport. Pour cela, elle doit mobiliser des investissements énormes qui ne seront rentables qu’avec une augmentation de la taille des marchés, ce qui suppose une intégration régionale plus poussée qu’aujourd’hui. Le continent doit sortir du modèle colonial des échanges, qui repose, dans les pays du Nord, sur des tarifs douaniers très bas sur les importations de matières premières, tarifs qui s’élèvent avec la valeur ajoutée des produits. Ce système a entravé la transformation de leurs produits de base par les pays du

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STR NEW/REUTERS

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Au port de Dar es-Salaam (Tanzanie), en octobre 2009.

Sud. Pour y remédier, il est impératif de développer les échanges Sud-Sud. Le commerce intracontinental ne dépasse pas 10 % des échanges africains, alors que l’Europe réalise en interne 60 % de ses échanges totaux. D’autre part, une spécialisation progressive des pays est indispensable pour gagner en productivité. L’Afrique de l’Est est bien partie dans cette direction. L’OMC ne peut pas régler la lancinante question de la propriété foncière, ni le problème de la prédation des usuriers ou celui de l’encombrement des ports de Mombasa et de Dar es-Salaam. En revanche, le métier de base de l’OMC est d’assurer une régulation qui permette une meilleure circulation des marchandises grâce à des normes administratives et techniques transparentes, à des tarifs douaniers simplifiés, et à la diminution des subventions des pays riches. Nous avons aussi pour mission d’aider les pays en développement à s’enrichir de leur commerce. Nous les aidons à respecter au meilleur coût les normes qui pourraient compliquer ou bloquer leurs exportations vers l’Europe, les États-Unis ou le Japon. Environ 30 % de l’aide publique au développement va désormais au renforcement des capacités commerciales des pays en développement. Depuis 2005, l’aide au commerce a progressé de 40 %, pour atteindre environ 40 milliards de dollars [29 milliards d’euros], sans pour autant peser sur la santé ou l’éducation. Ouvertes en 2001, les négociations du cycle de Doha sur une nouvelle libéralisation du commerce mondial profitable au développement ont-elles une chance d’aboutir cette année?

L’OMC a reçu un message très clair des chefs d’État et de gouvernement du G20 réunis à Séoul en novembre 2010 : il existe une fenêtre d’opportunité en 2011 pour parvenir à un accord. Du côté américain, on s’est dit déterminé à le présenter au Congrès à condition qu’il soit équilibré. L’essentiel des questions agricoles est réglé. Demeurent des points d’achoppement, dans les domaines industriel et des services, entre pays riches et pays émergents. Les produits et services environnementaux, les subventions aux pêcheries ou au coton restent sensibles. Les équilibres politiques nécessaires à la conclusion d’un accord d’une rare complexité seront-ils réunis ? Ce n’est pas encore garanti. La nette accélération des négociations que nous constatons depuis le mois de novembre sera-t-elle suffisante? Pas sûr, car il existe autant de tensions entre le Nord et le Sud qu’entre les pays du Sud eux-mêmes.

pement étaient plutôt sur la défensive. L’équation s’est renversée. La Chine a absolument besoin d’un système commercial international performant et régulé pour assurer sa croissance. Même chose pour l’Inde, qui en escompte un développement de ses services, ou pour le Brésil, qui est devenu un producteur alimentaire majeur. Ce sont les pays les moins avancés et les pays ACP [Afrique, Caraïbes et Pacifique] qui poussent le plus à la conclusion du round de Doha. Ils sont assurés d’en obtenir notamment, de la part des pays développés, la suppression des subventions à l’exportation des produits agricoles, subventions qui ont étouffé leurs capacités de production et qui les ont parfois exclus du marché de certains produits de base. Le protectionnisme a-t-il été vaincu grâce au progrès de la gouvernance mondiale? À ce jour, le protectionnisme est la seule catastrophe qui nous ait été épargnée durant la crise qui a éclaté en 2008! Certes, on a vu renaître le vieux réflexe de mettre les difficultés économiques et sociales sur le dos de l’étranger. Des mesures restrictives ont été prises ici ou là pour prétendument défendre le marché et l’emploi nationaux, mais cela n’a pas affecté plus de 1 % ou 2 % des échanges mondiaux. La crise a eu des effets ambivalents. D’un côté, elle a suscité le retour des

« Une spécialisation des pays du continent est indispensable pour gagner en productivité. »

Le Sud en sortira-t-il gagnant? En matière agricole, deux thèses s’affrontent au sujet de l’ouverture des échanges. Il y a ceux qui estiment qu’il convient de laisser les plus efficaces vendre sans entraves et au meilleur prix. Une autre école juge que le « tout marché » n’est pas pertinent et qu’il convient de préserver la sécurité alimentaire. J’observe que les tenants de la première thèse se recrutent parmi les pays les plus compétitifs. Traditionnellement, c’étaient les États-Unis et l’Europe qui réclamaient la levée des obstacles au commerce, et les pays en dévelop-

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États et un certain repli. De l’autre, elle s’est révélée accoucheuse de gouvernance mondiale. En préservant un système d’échanges ouvert, l’OMC a apporté sa pierre à cette avancée. Son système de gouvernance multilatéral est le plus sophistiqué. C’est celui qui limite le plus les marges de manœuvre des États. Les pays en développement, qui tirent aujourd’hui l’économie mondiale et qui dépendent du commerce international deux à trois fois plus que les pays riches, sont ceux qui profiteront le plus de l’action de l’OMC pour des échanges plus ouverts et plus justes. À condition que la qualité des politiques domestiques s’améliore aussi. ■


110 L A S E M A I N E D ’ E C O F I N A N C E CAMEROUN

TRANSPARENCE

Un Malaisien dans les palmeraies SIME DARBY, le premier producteur mondial d’huile de palme, se dit prêt à investir 2,5 milliards de dollars au Cameroun. Si les discussions qu’il mène avec le gouvernement aboutissent, le groupe malaisien développera une plantation de 300 000 hectares. « Des zones ayant ce potentiel nous ont été présentées et notre développement se fera en travaillant avec les communautés locales », a indiqué Mohd Bakke Salleh, le directeur général de Sime Darby, au Financial Times. Le groupe, cherchant à accroître ses plantations à travers le monde, avait notamment misé sur l’Indonésie, mais les obstacles liés à l’acLes prix de l’huile de palme flambent. quisition de terres cultivables et les dispositifs mis en œuvre pour lutter contre la déforestation l’ont poussé à se tourner vers l’Afrique. En janvier, Sime Darby a annoncé ses premiers investissements sur le continent, au Liberia. Il y développera dès avril une plantation de 10 000 ha pour un montant de 16 millions d’euros. Le groupe dispose dans ce pays d’une concession de 220 000 ha, accordée en mai 2009 pour soixante-trois ans. Il devrait investir 800 millions de dollars dans le pays au total. Outre Sime Darby, plusieurs autres producteurs asiatiques d’huile de palme sont engagés dans la course aux terres en Afrique, dont les singapouriens Wilmar et Olam. Ce dernier a d’ailleurs bouclé, en janvier, via le rachat du danois TT Timber International pour 29,6 millions d’euros, l’acquisition de 1,3 million d’hectares de forêt tropicale dans le nord du Congo et de 300 000 ha au Gabon. Cette ruée vers les terres africaines intervient dans un contexte global de hausse des cours de l’huile de palme, qui ont atteint un niveau record de 944 euros la tonne vers la STÉPHANE BALLONG mi-février. ■

CAMILLE MILLERAND

Trois pays africains élus à lʼITIE LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE, le Nigeria et le Niger ont été reconnus conformes, le 1er mars, à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), dont le sommet annuel s’est tenu à Paris les 2 et 3 mars. Avec le Liberia et le Ghana, ils sont désormais cinq pays africains à organiser une transparence jugée satisfaisante des revenus miniers et pétroliers, associant dans la démarche l’État, les entreprises et la société civile. Sur le continent, beaucoup reste encore à faire : dix-huit pays sont candidats à la conformité ITIE.

Londres revoit sa copie AIDE

LE ROYAUME-UNI A ANNONCÉ le 1er mars qu’il allait interrompre son aide à seize pays et ne financerait plus quatre organisations des Nations unies jugées peu efficaces, dont l’ONU-Habitat. Londres dit vouloir concentrer son aide sur les pays les plus pauvres, sans pour autant revenir sur son engagement de dépenser 0,7 % du PIB pour le développement d’ici à 2013. Parmi les pays touchés, le Niger, l’Angola et le Burundi. En revanche, l’Éthiopie, la RD Congo et le Nigeria voient leur aide revue à la hausse.

EN BREF INVESTISSEMENT CARLYLE DE RETOUR Le fonds Carlyle annonce vouloir lever 750 millions de dollars à investir en Afrique. Mis à part le pétrole en Libye et en Angola, le fonds américain est surtout présent dans le Golfe.

MINES REPRISE EN RD CONGO L’interdiction d’exporter des minerais du Kivu et du Maniema (or, cassitérite et coltan), édictée en septembre pour couper les financements des groupes armés, sera levée le 10 mars.

BIÈRE SABMILLER MISE 100 MILLIONS Le plus grand brasseur d’Afrique, SABMiller, va investir 100 millions de dollars dans une unité de production au Nigeria, second plus gros marché du continent, dominé par Heineken.

ÉNERGIE MEDGAZ OPÉRATIONNEL Premier test réussi, le 1er mars : le gaz a mis trois heures pour aller de Béni Saf, en Algérie, à Almería, en Espagne. Le gazoduc entrera en service en avril, avec un an de retard.

FINANCE BRAIT LÈVE DES FONDS Le fonds d’investissement sudafricain compte lever 6 milliards de rands (538 millions d’euros) pour acquérir, notamment, le distributeur sudafricain Pepkor et Premier Foods.

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ECOFINANCE 111 RD CONGO

Novacel vend de lʼair à Danone COMMENT FAIRE FRUCTIFIER UNE EXPLOITATION AGRICOLE AU XXIE SIÈCLE ? OLIVIER MUSHIETE A TROUVÉ LA SOLUTION : CÉDER AUX MULTINATIONALES DES CRÉDITS CARBONE. EXPLICATIONS. Résultat: en 2017, le puits d’Ibi Batéké aura capté 1 million de tonnes de CO2… déjà vendues. La moitié au BioCarbon Fund (Banque mondiale), l’autre à la société Orbeo (fondée par la Société générale et le chimiste français Rhodia), spécialisée en courtage de crédits carbone. Novacel attend 3 millions d’euros de cette vente, avec des premiers versements en 2011.

Olivier Mushiete (à dr.) a planté 4200 ha d’acacias sur le plateau Batéké.

C

est l’histoire d’un homme qui vend de l’air, entre 3 et 5 euros la tonne. Le 18 fév r ier, le géa nt de l’agroalimentaire Danone a signé avec Olivier Mushiete, directeur général de Novacel, un contrat portant sur l’achat de 350 000 tonnes de crédits carbone, pour 1,6 million d’euros. Olivier Mushiete, qui ne quitte jamais son chapeau orné d’une plume, symbole de son pouvoir coutumier, règne sur un territoire de 22 000 ha, Ibi Village, hérité de son père, Paul, un ancien ministre. Dans les années 1980, celui-ci crée Novacel sur ses terres du plateau Batéké et élève du bétail sur l’immense savane, aux portes de Kinshasa. L’affaire périclite après sa mort, en 1999. Olivier, ingénieur agronome, décide de faire revivre cette terre à l’abandon en misant sur l’agroforesterie. Nous sommes à l’aube du XXIe siècle, et la planète s’inquiète sérieusement des gaz à effet de serre. On commence à évoquer le principe du pollueur-payeur et celui qui en découle : l’achat de « droits à polluer », les crédits carbone (lire encadré). Avec son frère Thierry et sa sœur Pascale, actionnaires de la société, Olivier va transformer, à partir de 2005, le plateau Batéké en puits de carbone, le pre-

mier en Afrique. Pour ce faire, il plante 4 200 ha d’acacias, des arbres à croissance rapide. Le principe est simple : l’arbre, en poussant, absorbe et stocke du gaz carbonique (CO 2). En apparence, il suffit donc d’avoir un terrain et de planter des arbres. Dans la réalité, c’est bien plus compliqué. La démarche d’homologation du puits de carbone de Novacel a demandé des années de travail et 1,5 million d’euros d’investissement, notamment pour financer les expertises et préparer les opérations de certification. Le 17 février, le projet a été officiellement validé par la conventioncadre des Nations unies sur les changements climatiques.

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OMUS

« UN MODÈLE À REPRODUIRE »

En 2010, plus de la moitié des 500 000 t achetées par Orbeo ont été reprises par Danone. Pour en savoir plus sur ce CO2 stocké au centre de l’Afrique, le groupe a dépêché sur place deux de ses vice-présidents, Pierre-André Terisse, directeur financier, et Bernard Giraud, en charge du développement durable. Convaincus par le travail d’Olivier Mushiete, ils financeront la plantation de 2400 ha d’acacias supplémentaires. « Contrairement à la Banque mondiale ou à Orbeo, nous préfinançons Novacel, qui a besoin de soutien pour poursuivre ses investissements, notamment dans de nouvelles plantations », explique Bernard Giraud. Danone a choisi de soutenir Novacel « parce que le projet correspond exactement à ce que nous voulons promouvoir: une action à haute valeur ajoutée environnementale et sociale », explique-t-il. Danone voit même en Ibi Village un « modèle à reproduire », en RD Congo ou ailleurs. ■ FABIENNE POMPEY, à Kinshasa

DROITS À POLLUER, MODE D’EMPLOI AVANCÉE MAJEURE POUR LES UNS, droit à polluer garanti aux industries des pays les plus riches pour les autres... Le crédit carbone (équivalent à 1 tonne de CO2 non émise), outil issu du protocole de Kyoto pour lutter contre l’effet de serre, suscite encore le débat. Pour s’en doter, les entreprises peuvent soit réduire leurs propres émissions, soit investir dans des projets de captage de carbone, créneau de Novacel. Toutefois, le crédit carbone issu de l’agroforesterie ne vaut en moyenne que 7 euros, contre 15 euros pour celui issu des activités industrielles en Europe. Les crédits obtenus sont ensuite soustraits du bilan carbone de la société (soumise à des quotas annuels dans les pays industrialisés), ou échangés sur un marché dédié. ■ MICHAEL PAURON


MICHEL TRONCY/HOA-QUI/GAMMA

112 ECOFINANCE

La capacité de stockage doit passer de 700000 à 3 millions de conteneurs.

PORT

Djibouti voit grand D’ICI À 2014, LE PAYS VEUT DEVENIR UNE ÉTAPE OBLIGÉE SUR LA ROUTE ENTRE L’EUROPE ET L’A SIE. M AIS IL N’OUBLIE PAS SES VOISINS : LE TRAFIC DES ÉTATS DE L’A FRIQUE DE L’EST ET DE L’A FRIQUE CENTRALE EST DANS SA LIGNE DE MIRE.

D

ix ans, l’heure du bilan. C’est en effet en juin 2000, avec le contrat de gestion entre l’émirati DP World et l’État, que les ambitions régionales de Djibouti en matière portuaire ont véritablement pris forme. Première grande étape significative de cette stratégie : l’inauguration, en 2009, du port de Doraleh, dans la banlieue ouest de la capitale, après 400 millions de dollars (environ 290 millions d’euros) investis par Doraleh Container Terminal (DCT), coentreprise entre DP World et le Port de Djibouti. Objectif affiché : développer une capacité de 1,2 million de conteneurs d’ici à 2012. « La première année, nous avons réalisé 50 % de notre objectif, avec 520 000 conteneurs traités, se félicite Warsama Hassan Ali, directeur commercial de DCT. En 2010, nous en comptions 700 000. Avec 37 transbordements par heure, nous sommes les plus performants de toute la région. Les ports de Mombasa et d’Oman sont saturés. » Avec 1 050 m de longueur de quais, six portiques de dernière génération et 18 m de tirant d’eau (contre 16 m pour Oman et 12 m

pour Mombasa), le port de Doraleh présente d’indéniables avantages. Autre atout : la zone franche, lancée en 2004, en partenariat avec l’émirati Jafza International. Le gouvernement veut dupliquer le modèle de Dubaï, qui accueille plus de 3 000 multinationales dans sa zone franche. Celle de Djibouti (17 ha), basée sur un système de guichet unique, en accueille déjà une centaine – françaises, américaines, turques, éthiopiennes ou encore chinoises. Déjà, les effets induits des investissements sont nombreux : implantations de banques, de sociétés d’assurances, d’agences manutentionnaires… « Cette zone franche s’avère indispensable dans l’accompagnement des inves-

tissements portuaires. Encore faut-il que des activités logistiques et industrielles y voient le jour. Mais ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les investissements actuels des grands opérateurs maritimes et portuaires internationaux, comme Maersk ou CMA-CGM, de l’autre côté du détroit (Arabie saoudite, Oman), concurrencent fortement et directement Djibouti dans le rôle de hub sous-régional sur la grande route entre l’Europe et l’Asie », souligne Yann Alix, délégué général de la Fondation Sefacil. CONTRER LA CONCURRENCE

Une forte concurrence qui n’effraie pas Djibouti. « Ces dix dernières années, le pays a su démontrer son potentiel. Notre objectif est de devenir un véritable hub international », souligne Aden Ahmed Douale, le président de l’Autorité des ports et des zones franches. « La marge de développement du port est importante et notre pays a un vrai rôle à jouer, ajoute-t-il. Placé sur un axe d’échanges est-ouest et sud-sud, il doit répondre à une demande de plus en plus intense. » Dans ce but, Djibouti fourmille de projets, même si les autorités restent muettes sur les montants à investir. Le développement des capacités de stockage des terminaux à conteneurs (passer de 700000 conteneurs en 2010 à 3 millions d’ici à 2014), grâce à l’extension des quais et des surfaces d’entreposage, et l’achat de nouveaux équipements sont des priorités. Djibouti veut aussi développer des ports secondaires – principalement à Tadjourah –, afin de créer des corridors routiers et ferroviaires, ainsi qu’un port minéralier pour l’exportation de sel et d’autres minéraux. Un plan d’action pour la réhabilitation de l’ancien port, en vue de l’adapter aux nouveaux besoins de l’Éthiopie, est programmé. L’essor des activités vers le Sud-Soudan est aussi au menu. Au total, Djibouti cible les marchés de l’importexport de toute l’Afrique de l’Est et des pays enclavés d’Afrique centrale. ■ JUSTINE SPIEGEL, envoyée spéciale

APRÈS LA CRISE… L’ACTIVITÉ DE TRANSBORDEMENT du port de Djibouti a été directement impactée par la crise mondiale. En témoigne le fléchissement du trafic portuaire de 40 % par rapport à 2008 (221 639 t en 2009). « Nous avons noté une baisse des rotations, reconnaît Warsama Hassan Ali. Mais l’import-export éthiopien, dont provient la majorité de nos revenus, a toujours continué à augmenter, ce qui explique que les résultats financiers de l’année 2010 seront meilleurs que ceux de 2009. » ■ J.S. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


ECOFINANCE 113 TÉLÉCOMS

vernement de les laisser installer des réseaux domestiques de fibre optique. « Les réseaux arrivent pratiquement à saturation, malgré des investissements à hauteur de 800 milliards de F CFA [1,2 milliard d’euros, NDLR] pour construire des infrastructures permettant de couvrir tout le pays. Les liaisons hertziennes et satellitaires sont de plus en plus dépassées. Seule la fibre optique peut améliorer la qualité des réseaux : pas d’interférences, pas d’encombrements », plaide un cadre du secteur, qui tient à rester anonyme. Il affirme par ailleurs que l’utilisation de la fibre optique permettrait une baisse du coût des communications d’environ 30 %.

Le Cameroun aux abonnés absents

L’ÉTAT ET LES OPÉRATEURS MTN ET ORANGE SE RENVOIENT LA BALLE AU SUJET DU MANQUE DE DYNAMISME DU SECTEUR. SOLUTION POSSIBLE : L’ARRIVÉE DE NOUVEAUX ACTEURS SUR LE MARCHÉ À LA FIN DE L’ANNÉE.

«

D

En moyenne, plus de 14 % des revenus des consommateurs sont consacrés à des dépenses liées à leur téléphone portable.

essine-moi un mouton. » À la demande du Petit Prince, célèbre personnage d’Antoine de Saint-Exupéry, l’on est tenté d’ébaucher le portrait d’un possesseur de téléphone mobile au Cameroun, tant il a des raisons de penser qu’il se fait « tondre » au quotidien. Selon des données de l’Union internationale des télécommunications publiées en 2010, le consommateur de Douala ou de Yaoundé consacre plus de 14 % de ses revenus à des dépenses liées à son portable. Un chiffre qui descend à 10 % au Sénégal et à moins de 8 % au Ghana. Conséquence de ces tarifs élevés, sinon excessifs : le taux de pénétration du mobile sur le marché camerounais était d’à peine 30 % en 2008 (dernières données disponibles), contre environ 70 % en Côte d’Ivoire et plus de 90 % au Gabon. Un rapport de la Banque mondiale sur le Cameroun, publié en janvier, consacre plusieurs pages au secteur des télécoms. Il attribue l’atonie du secteur

à un duopole de fait. « Seulement deux opérateurs mobiles privés, [le français] Orange et [le sud-africain] MTN, opèrent actuellement au Cameroun, et ils représentaient plus de 96 % des abonnés fin 2008. […] Conséquence de cette structure du marché, les consommateurs camerounais font face à des prix élevés des services télécoms », dénoncet-il. Avant de déplorer la piètre qualité du service : « En 2008, la télédensité mobile [nombre de téléphones au km2, NDLR] au Cameroun était plus basse que celles de la Centrafrique, du Congo, de la Guinée équatoriale et du Gabon. » De plus, l’innovation, qui s’exprime ailleurs à travers l’exploration de nouveaux chantiers dans l’internet et le mobile banking, n’est pas non plus le point fort du marché camerounais. Accusés d’attentisme, les deux principaux acteurs privés mettent en cause l’environnement global. Ils pointent du doigt, notamment, le refus du gou-

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DIEGA RAVIER POUR J.A.

PROJETS DE RÉFORME

« Avec la nouvelle loi sur les communications électroniques, promulguée en décembre 2010, il est question de favoriser l’entrée sur le marché d’un ou de deux nouveaux acteurs, explique Amadou Bello, porte-parole du ministère des Télécommunications. Nous sommes actuellement en train de travailler sur une centaine de textes d’applications. Après cela, des appels à la concurrence seront lancés. » Les groupes Zain (Koweït), Etisalat (Émirats arabes unis) et Bharti Airtel (Inde) auraient déjà manifesté leur intérêt, ainsi que des firmes chinoises et américaines. La nouvelle loi permettra l’octroi de licences multiservices et l’exploitation de toutes les ressources de la 3G. Le monopole de l’opérateur public Camtel sur l’exploitation de la fibre opt ique pour rait éga lement êt re « assoupli », avec la mise en place de partenariats public-privé. Les acteurs du secteur s’interrogent tout de même

Zain, Etisalat et Bharti Airtel auraient déjà manifesté leur intérêt pour une licence. sur la « volonté de coopération » de Camtel et sur la capacité du gouvernement à mettre en œuvre rapidement l’ensemble des réformes préalables à l’ouverture du secteur. « Tel que c’est parti, il n’est pas impossible que tout soit prêt d’ici à la mi-2011 », estime Amadou Bello. Avant d’ajouter, prudent : « Mais c’est un défi. » ■ THÉOPHILE KOUAMOUO


J.CARRIER/REDUX-REA

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Raffinerie à Khartoum. Les infrastructures sont concentrées dans la partie nord.

SOUDAN

Lʼor noir en partage AU LENDEMAIN DU RÉFÉRENDUM CONSACRANT LA SCISSION DU PAYS, LA QUESTION DES RESSOURCES PÉTROLIÈRES N’EST PAS ENCORE RÉSOLUE. L ES COMPAGNIES CONCERNÉES MULTIPLIENT LES DIALOGUES AVEC K HARTOUM ET JUBA.

L

e 9 juillet, le Sud-Soudan deviendra officiellement le 54 e État africain. La scission du plus grand pays du continent pose un certain nombre de questions, comme la délimitation des deux territoires. Plus épineux est le sujet du partage du pétrole, première res-

source du cinquième producteur africain avec 470 000 barils par jour. Au cœur des discussions, les compagnies pétrolières, qui négocient tant avec le gouvernement de Khartoum (décisionnaire jusqu’au 9 juillet) qu’avec le gouvernement central du Sud, région devenue semi-autonome depuis les

accords de paix de 2004. Le ministre de tutelle à Khartoum, Lual Deng, bénéficie d’une cote de sympathie auprès des compagnies, qui ont tout intérêt à ne pas rompre leurs relations avec ce Sudiste qui devrait rejoindre sa région après l’indépendance officielle. Mais il n’est pas possible non plus d’ignorer Juba et son ministre du Pétrole, Garang Diing Akuong. Trois blocs à cheval sur la frontière, qui produisent déjà 132 000 barils par jour, font l’objet d’intenses discussions. Ils sont détenus à 40 % par le chinois CNPC à travers le consortium Greater Nile Petroleum Operating Company (GNPOC), partagé avec le malaisien Petronas Carigali Overseas (30 %), l’indien ONGC Videsh (25 %) et la compagnie nationale soudanaise Sudapet (5 %). Le consortium devra-t-il séparer ses activités ? « Ce serait la pire des choses, a expliqué un cadre chinois au Financial Times. Car s’il est très facile de couper des surfaces, il est quasi impossible de savoir exactement quelles sont les quantités de pétrole dans le Nord et dans le Sud. » CNPC souhaite de fait que le contrat soit inchangé et œuvre pour que les deux États créent une coentreprise afin de gérer le bloc. Ainsi, GNPOC produirait indifféremment dans le Sud et dans le Nord, et reverserait les revenus à la joint-venture. Afin d’améliorer le dialogue avec le Sud, qui représente 50 % de sa production, la compagnie chinoise a installé l’an dernier une antenne à Juba, capitale sudiste, alors que le siège de GNPOC se situe à Khartoum.

QUEL PIPELINE POUR LE SUD ? LES COMPAGNIES INSTALLÉES À JUBA pourraient-elles soutenir la construction d’un pipeline au Sud-Soudan? Car si deux oléoducs acheminent le pétrole du Sud vers Port-Soudan, sur la mer Rouge, la taxe liée au droit de passage imposée par Khartoum et le risque que ce dernier s’en serve pour faire pression sur Juba (en interrompant l’évacuation du brut) pourraient conduire les Sudistes à envisager la construction d’un nouveau pipeline, direction Mombasa ou Lamu (Kenya). Une étude de faisabilité réalisée par le japonais Toyota Tsusho a d’ailleurs été remise. Coût du projet: 1,5 milliard de dollars. Pour le moment, les compagnies estiment que l’option n’est pas viable économiquement, mais une seule raison pourrait les faire changer d’avis : l’éventuelle construction d’un oléoduc entre Mombasa et le lac Albert, dans l’Ouganda voisin, où le britannique Tullow Oil a mis au jour 2 milliards de barils. Acheminer les réserves du Sud-Soudan par ce nouvel outil pourrait alors devenir rentable. Le démarrage des activités de production sur le lac est conditionné au différend qui oppose Tullow Oil à Kampala. Au lendemain de la réélection du président ougandais Yoweri Museveni, le 19 février, Tullow Oil estimait être « très proche d’une signature ». ■ M.P.

Égypte

Libye

Port-Soudan

Nord-Soudan

Mer Rouge

Tchad

20% de

Khartoum

Érythrée

la production

Éthiopie Centrafrique

80% de la production RD Congo

Sud-Soudan Juba Ouganda

Kenya

Zones productrices de pétrole Oléoduc à l’étude Oléoducs Sources : Drilling Info International, BBC

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


ECOFINANCE 115

DES RENCONTRES RÉGULIÈRES

L’horizon de Total s’est cependant dégagé avec l’annonce par la Maison Blanche que le Sud-Soudan, une fois indépendant, pourrait sortir des sanctions américaines. Le groupe s’active désormais à recomposer l’actionnariat de la joint-venture: le koweïtien Kufpec a augmenté sa participation et, surtout, la société d’État sud-soudanaise Nilepet est entrée à hauteur de 10 %. Restent 20 % du capital, que se disputent Qatar Petroleum, candidat désigné de Total, et les chinois Sinopec et CNPC. Dans un même temps, Total essaie de border son contrat pour ne pas avoir à entrer dans de nouvelles discussions. Négocié en 1980 avec le Nord, avec un baril à moins de 10 dollars et une réglementation soudanaise qui a largement évolué depuis, il a déjà été revisité fin 2004. Le contrat prendrait en compte des variations pouvant intervenir sur trente à quarante ans. En outre, des rencontres régulières avec Garang Diing Akuong (dont une visite au siège de Total à Paris en novembre 2010) rapprochent le groupe du futur partenaire, alors que le dialogue se poursuit avec son homologue du Nord. Maîtres-mots du groupe français : se faire accepter et rester irréprochable au Sud-Soudan, région considérée comme l’une des plus corrompues d’Afrique. En effet, la corruption coûterait quelque 10 millions de dollars par an à GNPOC, selon un cadre chinois cité par le Financial Times. Le prix à payer, peut-être, pour accéder au sous-sol soudanais, qui recèlerait encore pas moins de 9 milliards de barils. ■ MICHAEL PAURON J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

MAGHREB

Canal+ se retire

LES MAUVAIS RÉSULTATS des bouquets destinés au Maghreb étaient de notoriété publique. Le 1er mars, Bertrand Meheut, PDG du groupe Canal+, en a tiré les conséquences en annonçant son retrait du Maroc et de l’Algérie. Les abonnements ne sont plus commercialisés depuis janvier et la diffusion cessera fin 2011. L’arrivée d’une offre en Tunisie (Canal+ s’était associé à Slim Chiboub, gendre de l’ex-président Ben Ali, en fuite à Dubaï) est enterrée. En 2009, la filiale de Vivendi avait pourtant de grandes ambitions. Elle estimait le marché potentiel à près de 13 millions de foyers francophones. Mais les bouquets n’ont jamais décollé, atteignant, selon les estimations, entre 50000 et 100 000 abonnés, majoritairement en Algérie. Pour Bertrand Meheut, cette contre-performance est due à la fraude. À Casablanca, les vendeurs du quartier Derb Ghallef proposent ainsi des décodeurs pirates pour 100 euros par an quand l’abonnement officiel en vaut plus du double. Canal+ n’a jamais pu obtenir des autorités la coopération nécessaire pour mettre un terme à cette concurrence déloyale. La déception est d’autant plus forte que le groupe avait déjà dû renoncer au marché nord-africain pour les mêmes raisons en 2001. Mais les spécialistes pointent aussi une mauvaise lecture du marché. « L’offre Canal+ s’est adressée, en raison de son prix [environ 20 euros par mois], à une niche de consommateurs très réduite », explique Asmaa Fahmi, directrice de l’agence MEC Maroc, filiale de Menacom Group. Le bouquet souffre également de la concurrence des chaînes panarabes, qui suscitent un intérêt grandissant. « Le problème tenait à la nature de l’offre. Si les Français regardent TF1, c’est parce que la chaîne leur ressemble », confirme un animateur de télévision marocain. Une analyse partagée, sur le tard, par Canal+ : depuis octobre, son bouquet offre – en plus de programmes événementiels comme La Petite Cuisine d’Abdel, lors du ramadan, ou le Festival international du film de Marrakech – le championnat de football algérien en exclusivité. Trop peu, trop tard, trop cher, JULIEN CLÉMENÇOT ont répondu les téléspectateurs. ■

Bertrand Meheut, le PDG du groupe.

THOMAS PADILLA/MAXPPP

Pour d’autres, la donne est différente. Le français Total, présent au Soudan depuis 1980 sur un bloc de 120000 km2 situé entièrement dans le Sud, n’a jamais produit un baril d’or noir : en 1985, face à l’insécurité de la région, le consortium a interrompu les travaux d’exploration, sans jamais avoir pu les reprendre depuis. Alors que les accords de paix de 2004 auraient pu débloquer les opérations, de nouvelles sanctions américaines envers Khartoum ont compliqué la situation : non seulement l’américain Marathon Oil, qui possédait 32,5 % du consortium, quitte l’aventure en 2008, mais le groupe français, qui possède des activités aux États-Unis, se voit en outre interdit d’investir dans le pays d’Omar el-Béchir tant que les sanctions ne seront pas levées.


116 ECOFINANCE AÉRIEN

Mauritania Airlines prépare son entrée en piste

ANTONY J. BEST/AIRLINERS.NET

A PRÈS LA FAILLITE D’A IR M AURITANIE EN 2008 ET LA CESSATION D’ACTIVITÉ DE M AURITANIA A IRWAYS FIN 2010, NOUAKCHOTT TENTE DE LANCER UN NOUVEAU PAVILLON NATIONAL. ET CE MALGRÉ SON INSCRIPTION SUR LA LISTE NOIRE DE L’UNION EUROPÉENNE.

M

ohamed Ould Abdelaziz rêvait de faire décoller Mauritania Airlines International (MAI) le 28 novembre 2010, date du 50e anniversaire de l’indépendance du pays. Mais le 23 novembre, soit cinq jours avant le lancement de la nouvelle compagnie nationale, le rêve du président mauritanien a viré au cauchemar. Alors que plus de 40 millions d’euros venaient d’être débloqués pour l’acquisition de trois avions, l’Union européenne décidait de placer l’aviation civile mauritanienne sur sa liste noire, en raison de graves déficits en matière de sécurité. Conséquence : toutes les compagnies immatriculées dans le pays sont interdites de vol en Europe. « C’est une décision qui nous a pris de court », reconnaît Hassena Ould Ely, le directeur général de MAI. La sanction européenne a été d’autant plus douloureuse que les Mauritaniens n’ont, semble-t-il, pas eu d’autre choix que d’ache-

ter les avions au lieu de les louer, comme cela est recommandé aux transporteurs qui démarrent leur activité. Selon un spécialiste du financement et de location d’avions, « la mauvaise réputation laissée par l’ancienne compagnie, Air Mauritanie, a certainement fait qu’aucune société n’a voulu leur louer des avions ». En 2007, le loueur américain Internatio-

Outre Mauritania Airways, détenue à 51 % par Tunisair et à 10 % par l’État et qui a succédé à l’ancienne compagnie nationale, un autre projet mené par le qatari El Betil n’a pas abouti. D’un capital annoncé de 18 millions de dollars (13 millions d’euros), ce transporteur devait être détenu par l’État (10 %), des privés (30 %) et El Betil (60 %). MAI – dont le capital, estimé La flotte: à près de 50 millions deux d’euros, est entièrement Boeing 737détenu par l’État – est 500 âgés de censé prendre la relève. 12 ans et Après la décision de un 737-700 de 5 ans. Bruxelles, les autorités mauritaniennes, qui ont d’abord repoussé le lancement du nouveau transporteur à fin décembre 2010, le situent désormais ce mois-ci, sans autres précisions. « Nous sommes en train de nous mettre en règle avec les normes internationales. Les avions que nous avons achetés répondent à toutes les exigences en matière de sécurité et de sûreté », affirme Hassena Ould Ely. La flotte de MAI comprend deux Boeing 737-500 âgés de 12 ans, achetés à la compagnie Czech Airlines – un partenariat technique a également été conclu avec la République tchèque. Le troisième appareil, un Boeing 737700 mis en circulation fin 2005, selon la direction de la compagnie, appartenait à l’américain Wells Fargo et a été acquis grâce à l’intermédiation de la société de leasing Aviation Capital Group. Pour l’instant, les appareils restent cloués au sol. « Il nous a été conseillé de commencer par desservir les destinations africaines, en attendant de régulariser notre situation avec l’Union européenne, affirme le directeur général de la compagnie. Mais nous avons choisi

Le marché intérieur – et notamment les régions minières – est une priorité. nal Lease Finance Corporation a dû faire saisir les deux appareils d’Air Mauritanie, à Paris, pour non-paiement de quelque 2,7 millions de dollars (1,8 million d’euros à l’époque). Depuis la mise en faillite d’Air Mauritanie en janvier 2008, le pays peine à mettre en place une compagnie viable.

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ECOFINANCE 117 de résoudre d’abord tous les problèmes qui pourraient nuire à notre image. » Pour le nouveau transporteur, il s’agit notamment de gagner la confiance des passagers, qu’ils soient d’Afrique ou d’ailleurs. Air Mauritanie et Mauritania Airways ont laissé de mauvais souvenirs: la première avec un crash, en 1994, qui avait coûté la vie à plus de 80 personnes en Mauritanie ; la seconde avec la sortie de piste d’un de ses deux appareils, en juillet 2010 à Conakry, encore présente dans les esprits des voyageurs africains. COMBLER LE VIDE

Une fois les questions de sécurité et de confiance réglées, MAI entend combler le vide laissé par Mauritania Airways, qui a perdu 1 million d’euros en 2009, avant de cesser ses activités en décembre 2010. La filiale de Tunisair disposait d’un réseau de treize destinations en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale

liaisons entre la capitale, Nouakchott, et les régions minières du nord du pays. Alors que le gisement de fer de Zouerate, exploité par la société nationale Snim et le suisse Xstrata, vient de bénéficier d’un investissement de plus de 1,5 milliard de dollars, la croissance attendue des activités de cette zone et l’afflux des investisseurs devraient contribuer à accroître le trafic. Toutefois, c’est le transport régional qui constituera l’essentiel de l’activité de MAI, notamment vers les capitales de la côte ouest-africaine. Selon son directeur général, les principaux arguments commerciaux de la compagnie seront la qualité du service et les tarifs. Sans donner plus de détails, il affirme qu’ils seront moins élevés que ceux d’Air France, qui avoisinent 4000 euros en classe affaires pendant la saison haute pour un Paris-Nouakchott, tandis qu’un vol Casablanca-Nouakchott sur Royal Air Maroc peut coûter jusqu’à STÉPHANE BALLONG 800 euros. ■

et de deux dessertes intercontinentales (Paris et Las Palmas, dans les îles Canaries). « Nous voulons créer une compagnie sérieuse et rentable. Nous sommes un outil commercial et non un outil politique », martèle le directeur général, ancien professeur d’économie à l’université du Mans (France). Autrement dit, le transporteur entend gagner de l’argent là où ses prédécesseurs ont perdu quelque 30 millions d’euros chacun… Le défi est loin d’être aisé à relever. Outre les problèmes de sécurité, il faudra compter avec une concurrence qui se renforce en Afrique de l’Ouest, notamment avec l’arrivée de nouveaux acteurs comme Sénégal Airlines ou Asky Airlines. Mais MAI mise avant tout sur les Mauritaniens de l’étranger. Dans les îles Canaries, que la compagnie devrait desservir deux fois par semaine, résident un peu plus de 3000 Mauritaniens. Le marché intérieur fait également partie de ses priorités, notamment les

Camair Co: décollage prévu le 28 mars

MABOUP

CERTAINS OBSERVATEURS ESTIplus de 1,8 million de dollars (1,3 milMENT QUE CE LANCEMENT répond lion d’euros) par an et par avion. Soit davantage à une volonté politique qu’à près de 11 millions de dollars par avion une nécessité économique, Paul Biya pour un contrat de six ans. étant déjà en campagne pour la préEn attendant que sa flotte soit au sidentielle d’octobre prochain. Camecomplet, Camair-Co, qui vient de roon Airlines Corporation (Camair-Co), mener une opération de communicréé en 2006 par le chef de l’État, doit cation à Douala et à Paris, prévoit prendre son envol le 28 mars. Et c’est d’opérer d’abord des liaisons Doualale « Dja », un Boeing 767 hérité de la Yaoundé (douze vols par semaine), défunte Cameroon Airlines (Camair), Douala-Garoua (six vols hebdomadaiqui devrait opérer le vol inaugural res) et Douala-Maroua (trois). N’DjaDouala-Yaoundé-Paris – la capitale mena, la capitale du Tchad, sera la française sera, dans un premier temps, première destination sous-régionale la seule destination intercontinentale de la nouvelle compagnie nationale. de la nouvelle compagnie. Le réseau continental devra ensuite En réfection en Irlande (peinture et être étendu, selon la direction de revêtement intérieur), le « Dja » ralliela compagnie, à des villes comme ra Yaoundé dans les prochains jours. Lagos, Cotonou, Abidjan, JohannesCet avion et un autre Boeing 737-700 burg, Dakar… À terme, Camair-Co de location constitueront la flotte de vise plus loin, avec des destinations démarrage de la compagnie, mais le situées en Asie, notamment en Chine, Le transporteur a officiellement transporteur entend porter le nombre mais aussi au Moyen-Orient (Dubaï) été créé il y a déjà quatre ans. de ses appareils à quatre avant la fin et aux États-Unis. de l’année (deux Boeing 767 et deux Boeing 737). Dans un Les ambitions de Camair-Co sont donc grandes. Reste que courrier adressé au gouvernement camerounais à la mila toute nouvelle compagnie devra faire preuve de rigueur novembre, et dont Jeune Afrique a récemment pris connaisdans sa gestion et offrir un service de qualité pour se faire sance, Airbus affirmait avoir fait une offre plus avantageuse une place sur un marché très concurrentiel. Surtout que l’exque celle de son concurrent d’outre-Atlantique finalement compagnie nationale n’a guère volé haut dans ces domairetenue. L’avionneur européen estimait que sa proposition, nes. Le procès de l’administrateur provisoire de l’ancienne qui consistait en la location de un à trois appareils A318 Camair, Paul Gabriel Ngamo Hamani, est ouvert depuis susceptibles d’être remplacés, en cas de besoin, par un A320, octobre 2010. Il est accusé d’avoir détourné des subventions S.B. aurait permis au Cameroun de réaliser des économies de de l’État en faveur de la défunte compagnie. ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11


118 ECOFINANCE BIENS MAL ACQUIS

La traque a du plomb dans lʼaile SI L’EUROPE ET L’A MÉRIQUE DU NORD TENTENT DE PISTER LES AVOIRS ILLICITES DES CLANS BEN A LI, MOUBARAK ET K ADDAFI, LES PLACES FINANCIÈRES D’ASIE ET DU MOYEN-ORIENT DEMEURENT DES REFUGES SÛRS.

Q

u’ils se le disent ! Les Ben Ali, Moubarak et Kaddafi sont pris dans la nasse occidentale. Ces dictateurs déchus ou en passe d’être balayés, ainsi que leurs familles et leurs proches, ne seront à l’abri nulle part. Ni eux, ni leurs avoirs. Washington, Toronto, Paris, Berlin ou Bruxelles ont lancé la traque planétaire aux milliards de dollars évaporés de Tunisie, d’Égypte ou de Libye – les Américains parlent d’une fortune de 130 milliards de dollars pour « Kaddafi Inc. », l’épithète utilisée en 2006 par un diplomate américain et révélée par WikiLeaks. L’Europe et l’Amérique du Nord se mobilisent. Et ailleurs ? « Tous les pays qui ne sont pas membres de l’Union européenne ou du Conseil de sécurité de l’ONU ne sont pas tenus d’agir. Il n’y a pas d’homogénéité judiciaire mondiale dans ce domaine. Il est évident que certaines places financières seront moins zélées que d’autres et que les pays mèneront des actions très différentes. En général, les biens mal acquis le restent », tempère Éric Vernier, auteur de Techniques de blanchiment et moyens de lutte (Dunod).

Seuls 140 pays ont signé le texte de l’ONU sur la restitution des avoirs illicites. De plus, l’institution internationale ne tient compte que des avoirs financiers et exclut les biens immobiliers. Les mailles du filet sont donc larges. « À notre connaissance, des places financières comme Singapour ou Hong Kong – l’un des centres privilégiés pour les

JONATHAN SEARLE/REUTERS

L’IMMOBILIER NON CONCERNÉ

retiré 7 milliards de dollars des banques suisses après les démêlés de son fils Hannibal avec la justice helvétique, ce magot aurait pris la direction des établissements de Dubaï et des places offshore du Moyen-Orient et d’Asie. Et un autre fils Kaddafi, Seif el-Islam, VRP des intérêts familiaux dans le monde, a piloté la souscription du fonds souverain Libyan Investment Authority (LIA) à l’introduction à la Bourse de Hong Kong, en 2010, du leader mondial russe de l’aluminium, Rusal. « TROUS NOIRS DE LA FINANCE »

avoirs illicites –, mais aussi celles du Moyen-Orient, à Dubaï, au Qatar ou Oman, n’ont pas engagé de procédures de gel ou de démarches pour savoir si elles hébergeaient des biens mal acquis », souligne Maud PerdrielVaissière, de l’association Sherpa. Pistés en Europe et en Amérique du Nord, les avoirs illicites sont suspectés d’avoir pris autant que possible la route des coffres-forts des pays du Golfe ou d’Asie. La proximité des dirigeants déboulonnés et de leurs clans avec ceux de ces pays est un secret de polichinelle. Ben Ali a trouvé refuge en Arabie saoudite. En 2008, lorsque Kaddafi a

Autre alliée des fraudeurs : la panoplie d’outils élaborés par le monde de la finance pour détourner des fonds, malgré toutes les promesses de transparence faites par Nicolas Sarkozy ou Barack Obama. Les paradis fiscaux prospèrent toujours. Les ONG s’accordent autour d’une liste d’une soi xa ntaine de « trous noirs de la finance » – Macao, Hong Kong, Panamá, les îles AngloNormandes, plusieurs micro-États des Caraïbes comme les îles Vierges britanniques, mais aussi Monaco, Andorre, la Suisse, l’État américain du Delaware, la City de Londres… La création de sociétés écrans, de trusts, de fondations, etc., permet également de brouiller la piste des fonds détournés. Seuls 1 % à 4 % des avoirs mal acquis sont restitués aux États, selon les ONG. D’autant que « le gel des avoirs est temporaire. Il est destiné à empêcher les propriétaires de les utiliser ou de les faire disparaître. Ce n’est pas une réquisition pour restituer les biens au peuple. Lorsque les biens sont dégelés, ils sont remis aux nouveaux gouvernants, qui en font ce qu’ils veulent. Il n’est pas sûr que le peuple en voie la couleur », rappelle Éric Vernier. « Le procureur n’a toujours pas mis la main sur les fonds dispersés dans le monde par Charles Taylor, actuellement jugé à La Haye. Ce que l’on sait, c’est que l’argent a transité via la Citibank », déplore Anthea Lawson, responsable des campagnes sur la transparence financière pour Global Witness. La solution ? Geler les avoirs des dictateurs avant qu’ils ne fuient leur pays. C’est une autre histoire. ■

Singapour n’aurait encore engagé aucune démarche relative aux biens des dictateurs déchus.

JEAN-MICHEL MEYER

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République du Congo

DÉLÉGATION GÉNÉRALE DES GRANDS TRAVAUX

MODERNISER LE CONGO « Le progrès, c’est l’eau potable pour tous, c’est l’électricité pour tous, c’est l’assurance de la bonne santé pour tous, c’est la bonne éducation pour tous, c’est le logement décent pour tous et c’est l’emploi pour tous ceux qui sont en âge de travailler. En définitive, ce sont des besoins fondamentaux qui, pour être satisfaits, appellent de bo bonnes politiques olitiq éc économiques et sociales, mises en œuvre avec discipline, rigueur et dévouement. Il reste à insister sur la discipline, la rigueur et le dévouement de ceux qui ont la charge d’appliquer ces politiques. Je ne dirai jamais assez que sans discipline, sans rigueur et sans dévouement au travail, il n’y a point de réussite ou de succès grandiose. J’invite donc l’ensemble des agents de l’État et les autres acteurs socio-économiques à faire preuve de responsabilité, de bonne organisation et d’abnégation dans l’exercice de leurs fonctions. Le progrès, la modernisation et l’industrialisation de notre cher Congo en dépendent. » Denis Sassou Nguesso Extrait du message de vœux du Président de la République à l’occasion du nouvel an 2011 Message - I


Discipline, rigueur et dévouement

L

es propos du Chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, lors des vœux 2011 à la nation, m’ont inspirés. Il est essentiel que chacun de nous en tire la substan-

tifique moelle pour en faire une économie. En insistant sur les vertus cardinales

de discipline, de rigueur et de dévouement au travail, le Président nous invite, par là-même, à une prise de conscience. Sans rigueur, point de réussite. La rigueur inspire le travail, si elle n’est pas le travail-même. La discipline est perfection. Couplée au dévouement, la rigueur deM. Jean-Jacques Bouya, Ministre Délégué, Délégué Général aux Grands Travaux.

vient discipline. Ces trois valeurs propulsent la réussite et le progrès. C’est donc un ardent plaisir que de s’incliner devant cette orientation du Président de la

République au moment où la trajectoire du pays, en cette année, est orientée vers la réussite de la municipalisation de la Cuvette Ouest. L’exécution d’un éventail de près d’une centaine de projets structurants programmés dans le cadre de cette stratégie de développement est, pour tout dire, un véritable challenge pour le maître d’ouvrage délégué qu’est la Délégation Générale des Grands Travaux (DGGT). Dans l’optique de la modernisation de nos départements, la synergie des cadres est appelée de tous les vœux. Elle le sera davantage pour d’autres projets structurants : Route lourde Brazzaville/Pointe-Noire, Travaux de construction des lignes THT, Travaux du deuxième module de l’aéroport international Maya-Maya, déploiement de la Fibre optique sur l’ensemble du territoire national, Modernisation du Chemin de fer Congo océan (CFCO), Construction d’autres villages agricoles et des logements sociaux, etc. Ces rêves d’hier deviendront des réalités de demain. Notre ambition est justement, de toujours gravir, un à un, tous les degrés du succès. C’est ainsi que nous contribuerons positivement, jour après jour, à l’histoire de ce Congo qui, désormais, attend son avenir. Charles De Gaulle ne disait-il pas « La gloire se donne seulement à ceux qui l’ont rêvée ». Le chemin de la modernisation du pays tant rêvée par le Chef de l’État passe donc par la cristallisation de ces valeurs de discipline, de rigueur et de dévouement au travail. Valeurs qui cimentent notre foi en la réussite et notre aspiration au bonheur. Faisons donc du travail la valeur cardinale de notre existence ! J.J.B.

Message - II


DÉLÉGATION GÉNÉRALE DES GRANDS TRAVAUX

Le projet cadastre national entre dans une phase active à Pointe-Noire

A

u nombre des projets que la Délégation Générale des Grands Travaux pilote dans la capitale économique du Congo,figure,le projet cadastre national.Destiné à lotir toutes les villes du Congo afin de mieux identifier les espaces publics, le projet cadastre national dans le module de Pointe-Noire a pour vocation de donner à la capitale économique du Congo des voies et espaces verts mieux lotis, maîtrisés et dénommés. Il couvre tout le périmètre urbain dans le but de préparer les bases d’une intégration des données toponymiques.

La ville de Pointe-Noire a été découpée en quatre secteurs d’adressage et de quinze zones avec une carte servant de support de base à l’orientation des travaux. D’autres documents annexes ont servi de support de travail dans le cadre de la recherche de l’information. Au terme du projet, la ville devrait être capable de maîtriser les extrants tels que les Plans détaillés de chaque zone de découpage, le Répertoire (Source enquête parcellaire RHU 20032006), le plan des voies dénommées des espaces non dénommés (Source enquête parcellaire RFU 1996), le répertoire des espaces publics, le plan de localisation des espaces verts de chaque zone, la publication d’un arrêté municipal fixant dé-

nomination des voies de la ville de Brazzaville, la production de la fiche technique sur les critères toponymie des voies et des espaces verts. Le projet se réalise de façon expéditive et le chronogramme est de rigueur. Afin de mieux affiner le système de repérage mis en place, les secteurs d’adressage ont été découpés en zones. La zone A concerne les quartier de Djidji, Losange, Côte Sauvage, Centre Repos, Charmagne, Butte des manguiers, Evêché, Plateau et Kassaï, Mpita, Km4, Maison d’arrêt, camp Lumumba, Voirie, Wharf, Mpita, Plasco, Base aérienne, Scoprise, Tchimbamba marché, etc. Le secteur B quant à lui s’occupe des quartiers suivants : Base industrielle,Camp Sic,Mosquée,Grand marché,Rex,Base Agip, St Jean Baptiste, Stade Mvoumvou, quartier Latin, Matendé, Jean baba, Mahouata, Foucks, Auberge de la jeunesse, OCH, St François, Congo Malembé, 7/7 de Dany, Ndaka Sousssou. La collecte des données de terrain a été menée par des équipes d’enquêteurs qui ont permis de repérer les voies et impasses avec vérification sur photos aériennes pour la mise à jour de la cartographie.

Message - III Me III


Port de Pointe-Noire : Le guichet unique maritime bientôt opérationnel

Matombi (au sud de Pointe-Noire), représente une avancée importante dans la réalisation du projet », indique Eugène Rufin Bouya.

D

ans le but de simplifier les formalités administratives, fiscales et douanières au Port Autonome de PointeNoire (PAPN), le Président de la République a mis en place le projet de Guichet unique maritime (GUMAR) à travers la Délégation Générale des Grands Travaux. Le projet vient de franchir ses quatre phases principales. La validation du système interviendra fin février avant l’intégration prévue en mars prochain. Selon le chef du projet GUMAR, Eugène Rufin Bouya (ci-contre), techniquement, la qu quatrième et dernière phase du projet est finie ; la mise en service dépendra du cadre ju juridique se trouvant actuellement auprès des autorités compétentes. Une fois adopté, ce cadre juridique permettra de contraindre les usagers, notamment les importateurs et les exportateurs à utiliser le guichet virtuel.

Le projet de loi régissant le GUMAR et le projet de décret réglementant le commerce électronique, ainsi que d’autres textes annexes concernant le commerce électronique dans le secteur maritime, ont été élaborés et soumis au ministère des transports, de l’aviation civile et de la marine marchande qui les transmettra au Gouvernement. La structure qui sera chargée de la gestion du GUMAR, aura la mission de fournir des services informatiques et de communication, afin d’assurer les échanges de données impliquées par les procédures et formulaires dématérialisés du commerce extérieur. Elle sera appelée à être, en vue de plus d’efficacité, un établissement public de services, doté d’une autonomie financière et d’une personnalité morale. Le GUMAR va faciliter les procédures d’importation et d’exportation ; simplifier les formalités administratives, commerciales et douanières ; sécuriser les recettes douanières et fiscales ; réduire la durée de dédouanement des marchandises et des coûts connexes ; promouvoir le commerce électronique ; accélérer le temps de transit des marchandises dans les enceintes portuaires et aires logistiques multimodales ; traiter en temps réel les flux du trafic avec la réduction du nombre de navires en rade.

« Le GUMAR sera le premier projet struc- L’objectif est de réduire Les responsables en charge du projet se les délais du passage fixent dans un premier temps, l’objectif de turant dans le cadre du e-gouvernement réduire les délais du passage des marchanet e-business. Il donnera les bases de la des marchandises dises de 26 à 2 jours, afin de garantir la fluipolitique nationale de la gouvernance élecde 26 à 2 jours dité du trafic et la compétitivité du port. Le tronique et des affaires. Le système réunira projet influera positivement sur les échanges commerciaux plusieurs administrations en un seul endroit. Pour mieux et l’économie de la République du Congo où plus de 80 % du réaliser les opérations, il faudrait avoir une bonne connexion commerce extérieur se réalise par voie maritime. Internet. L’atterrage en janvier dernier de la fibre optique à

Message - IV


DÉLÉGATION GÉNÉRALE DES GRANDS TRAVAUX

Terminal à conteneur du port de Pointe-Noire.

Pour la maximisation de la capacité du terminal à conteneurs du Port autonome de Pointe-Noire

U

Ces travaux ont connu un léger fléchissement dans leur n des plus importants ports en eau profonde dans le phase de mise en oeuvre en raison de la finalisation des Golfe de Guinée, le Port Autonome de Pointe-Noire procédures administratives et juridiques concernant les en(PAPN) dispose d’un programme d’investissement prioritaire gagement vis-à-vis des bailleurs de fonds, impliqués dans qui prévoit entre autres, l’extension et la modernisation du le projet, notamment l’Agence française de développement terminal à conteneurs. Les travaux de projet dont le pilotage (AFD), la Banque européenne d’investissement (BEI) et la est sous tutelle de la Délégation Générale des Grands TraBanque de développement des États vaux connaîtront un rythme accéPorte d’entrée et de sortie de l’Afrique centrale (BDEAC). léré entre mars et avril 2011.

d’Afrique centrale, le PAPN Au terme de ce lourd investisseÀ l’issue d’un appel d’offres interjoue le rôle de port d’éclatement national lancé par la Délégation ment, la capacité du terminal devrait être portée à un million de Générale des Grands Travaux, le conteneurs chaque année, alors que le port traitera des nagroupement Bolloré a été choisi pour réaliser les travaux. Ce vires transportant plus de 7 000 conteneurs. Les études de groupement entend y injecter la somme de 374 milliards de faisabilité du projet ont été financées par l’AFD qui a égaFCFA en 27 ans. lement octroyé en 2009, un prêt de 19 milliards de FCFA au La convention de concession du terminal à conteneurs a été port de Pointe-Noire. Il s’agit d’un projet qui permettra de signée le 23 décembre 2008 entre la direction générale du renforcer l’attractivité et la compétitivité du port. Il en faciPAPN et le groupement Bolloré. litera le traitement des flux du trafic provenant d’Asie, d’EuLe projet prévoit la réhabilitation des quais, des réseaux rope, d’Amérique et d’autres provenances. d’évacuation des eaux, le réseau d’électricité, le dallage, la « La gestion du terminal serait confiée à une entité apparteconstruction des entrepôts, l’approfondissement du port et nant à un ou plusieurs opérateurs techniques et financiers bien d’autres opérations destinées à améliorer les conditions de renom, disposant d’une expérience avérée en matière de de la plate-forme portuaire. gestion des terminaux. L’aménagement du terminal à contePar ailleurs, l’AFD a accordé l’année écoulée 330 millions de neurs participe aussi à la politique du désengagement de FCFA pour financer un programme de facilitation du passage l’État qui encourage notre port à s’organiser en terminaux portuaire à Pointe-Noire, en vue de simplifier les procédures spécialisés », avait déclaré le Délégué Général aux Grands douanières. Avec la mise en place du scanner, le PAPN offre Travaux, Jean-Jacques BOUYA, président du conseil d’admidésormais de plus en plus les meilleures conditions de ganistration du PAPN, au cours de la cérémonie de lancement rantie de sûreté et de sécurité des marchandises. des travaux du terminal en 2009. Message - V


Atterage de la fibre optique au large de Pointe-Noire.

La localité de Matombi, à 20 km de Pointe-Noire, a abrité la cérémonie de réception et d’atterrage du câble à Fibre Optique, ce 29 janvier 2011. Il s’agit d’une bretelle qui sera connectée au câble sous marin principal, à 300 km au large de la côte. Ce projet piloté par la Délégation Générale des Grands Travaux à travers le Projet de couverture nationale en télécommunication a pour adjudicataire, Alcatel-Lucent Submarine Net Works. Son coordonnateur est le Conseiller du Chef de l’État, M. Akouala.

Le Pr. Placide Moudoudou représentant le Ministre Délégué, Délégué Général aux Grands Travaux, a retracé les péripéties du projet depuis sa mise en oeuvre jusqu’à son aboutissement. Il a évoqué les aspects techniques, notamment la puissance de la technologie qui va révolutionner plusieurs secteurs de l’économie nationale.

La fibre optique est largement utilisée dans les télécoms car elle offre un débit d’informations nettement supérieur à celui des câbles coaxiaux et peut La fibre optique soutenir un réseau à large bande « déclencheur de développement » par lequel peuvent transiter aussi bien la télévision, le téléphone, la e-business, vidéo-conférence, visioconférence, l’Internet et les télé-médecine, et télé-éducation données informatiques.

L’arrivée du câble à fibre optique s’inscrit dans le cadre du projet West africa câble system (WACS). Elle a donné lieu à une double cérémonie marquée par la réception du câble, son atterrage, ainsi que la cérémonie solennelle. Si les travaux d’installation de la bretelle congolaise s’achèveront le 3 février prochain, le grand public lui, pourra se délecter des avantages de la fibre optique avant la fin de l’année 2011. Après son installation, un bateau dénommé câblier passera courant mars 2011, pour relier la bretelle congolaise au réseau sous marin principal qui relie les pays situés sur la côte ouest africaine entre le Portugal et l’Afrique du Sud pour une longueur de 14 400 km. Devant une foule immense, les bateaux amarrés par le consortium WACS ont opéré des manoeuvres jusqu’au raccordement du câble sur les berges de la côte congolaise. Celui-ci sera connecté à l’issue des travaux de génie civil, au Trou d’homme ou Beach main hole (BMH), dont la vocation est de le recevoir et de l’acheminer vers la centrale de distribution terrestre située à environ 1 km de la côte. La joie des populations était perceptible à travers le mot de bienvenue du Préfet du Département du Kouilou, Fidèle Dimou qui a salué cet investissement du Chef de l’État.

Avec la pose de cette bretelle, le Congo s’affranchit de l’éventualité de rater sa connexion à la fibre optique vers la côte, au moyen d’un bateau, assisté des canots rapides sous haute sécurité des marins. Après le passage du câblier, suivra l’étape des travaux de transport de la fibre de la centrale de Matombi vers le reste du pays, à commencer par Pointe-Noire, Dolisie, Brazzaville. La fibre optique offre une gamme variée de services déclencheurs du développement, notamment dans les domaines du e-gouvernement, e-business, vidéo-conférence, télé-médecine, et de la télé-éducation. L’atterrage du câble sous marin sur le site de Matombi permettra de faciliter la mise en oeuvre du guichet unique maritime (GUMAR) au Port Autonome de Pointe-Noire (PAPN). La bretelle du Congo a été installée à Matombi en présence du Ministre délégué à la marine marchande, Martin Parfait Aimé Coussoud Mavoungou, ainsi que des autorités préfectorales.

Message - VI


DÉLÉGATION GÉNÉRALE DES GRANDS TRAVAUX

Ouvrage d’art sur la route Pointe-Noire / Dolisie.

Jean-Jacques Bouya en visite de chantier.

Tronçon bitumé de la route Pointe-Noire / Dolisie.

Les travaux de la route Pointe-Noire/Dolisie ont atteint 67 % d’exécution au 1er trimestre 2011 Les travaux de construction de la route Pointe Noire/ Brazzaville dans leur premier module Pointe-Noire/ Dolisie s’exécutent normalement. En ce premier trimestre 2011, le chronogramme des travaux est bien respecté et l’entreprise adjudicataire du marché tient les délais. Le tronçon du premier module de 164 km, reliant Pointe-Noire à Dolisie, se réalise en trois sections : la 1e sur 54 km 6OO m, ● la 2e sur 56 km 400 m, ● et la 3e sur 49 km.

Sur l’ensemble des sections estimées, les travaux préparatoires sont réalisés sur 149 km, soit 91 %. La couche de fondation de la route s’est effectuée sur 135 km, soit 82 %. La couche de base est construite sur 79 km, soit 48 %, alors que celle de roulement sur enrobée est réalisée sur 77 Km, soit 47 %. Sur les 307 dalots prévus, 295 sont déjà construits, pour un pourcentage de 96 %. Sur les 8 ponts à construire, deux sont totalement achevés, soit 25 %. Les travaux d’assainissement, quant à eux, dépassent déjà les 151 km, soit 78 % du réseau total. Ce chantier exécutés par l’entreprise chinoise CSCE Congo et contrôlés par un conseil français EGIS em-

ploie environ 3 868 personnes dont 3 000 congolais et 868 chinois qui travaillent sans désemparer sous la conduite de la Délégation Générale des Grands Travaux depuis leur lancement. Selon le Conseil, le délai du rendu des travaux estimé à juin 2012 sera tenu. Si la tendance actuelle est respectée, l’entreprise promet même d’achever les travaux avant la fin 2011, avant même le délai imparti par le contrat. Au-delà des travaux de franchissement, des ouvrages annexes seront construits sur ce tronçon Pointe-Noire/Dolisie. Il s’agit de 2 postes de péage, 2 stations de carburant, 2 écoles et de 2 centres de santé intégrés. Le lancement des travaux du deuxième module Dolisie-Ignié devraient débuter au mois de mai prochain. En effet, sur ce module, les études de faisabilité sont totalement terminées. La construction des bases vies a commencé. Les travaux seront exécutés par cinq entreprises distinctes correspondant aux cinq étapes des travaux à savoir Dolisie-Nkayi, Nkayi-Louteté, LoutetéMindouli, Mindouli-Mayama et Mayama-Ignié.

Message - VII


Créée par le décret n° 2002 – 371 du 3 décembre 2002, réorganisée par le décret n° 2009-158 du 20 mai 2009, la Délégation Générale des Grands Travaux est un organe administratif et technique. Elle est chargée de la passation et de l’exécution des contrats de marchés publics, des contrats de délégation de service public de l’État, des autres personnes morales de droit public ou de droit privé, dont la valeur est supérieure ou égale au seuil fixé par le décret n° 2009-162 du 20 mai 2009 fixant les seuils de passation, de contrôle et d’approbation des marchés publics.

II. Missions Faire réaliser les études, lancer les appels à la concurrence, organiser le dépouillement des offres, rédiger, conclure et gérer les marchés, apprécier, techniquement et financièrement les devis descriptifs et estimatifs des contrats. Maître d’ouvrage délégué, elle suit et contrôle l’exécution des chantiers, organise la réception provisoire des ouvrages finis.

III. Organisation Aux termes du décret n°2009-158 du 20 mai 2009, portant réorganisation de la Délégation Générale des Grands Travaux, celle-ci est dirigée et animée par un Délégué Général. La Délégation Générale des Grands Travaux comprend les structures suivantes : • L’Assistant du Délégué Général Il coordonne l’ensemble des services placés près le Délégué Général aux Grands Travaux que sont : les services juridique et du contentieux, des relations publiques, du courrier et fichier, de la coopération, audit interne et le secrétariat particulier. • La Coordination Technique Elle est placée sous l’autorité d’un coordonnateur technique, nommé par décret présidentiel.

• Le Secrétariat Général Dirigé par un secrétaire général, il est responsable de la gestion du personnel, des finances et du matériel. • Le Comité Technique Organe de gestion, le comité technique, constitué de l’assistant du délégué, du coordonnateur technique et du secrétaire général, est chargé d’exécuter les missions et de définir la politique générale de la Délégation Générale des Grands Travaux.

des marchés publics. Cette commission est sous l’autorité de la personne responsable des marchés publics.

IV. Collaboration

VII. Dossier de consultation des entreprises

Aux côtés du Ministère de l’Économie, du Plan, de l’Aménagement du Territoire et de l’Intégration, du Ministère des Finances, du Budget et du Portefeuille Public, elle participe à la programmation budgétaire des projets relevant de sa compétence. Toutes ces missions s’accomplissent en collaboration avec les ministères bénéficiaires des projets, les pouvoirs déconcentrés et les pouvoirs décentralisés.

Les termes de référence, outre les indications qu’ils apportent sur la nature des études à réaliser, précisent la liste des documents à produire en vue d’une consultation des entreprises.

VI. Études Des études complètes sont réalisées de concert avec les ministères bénéficiaires des projets. Il est organisé des missions de reconnaissance aux fins de l’élaboration des termes de référence pour des études à confier à des bureaux d’études ou des cabinets d’architectes.

La passation des marchés publics est régie dans notre pays par le décret n° 2009-156 du 20 mai 2009 portant code des marchés publics.

Le dossier comprend des pièces administratives : les instructions aux soumissionnaires, le modèle de soumission, le modèle d’attestation de visite des lieux, le modèle du sous-détail des prix unitaires, le modèle de cautions bancaires. Tout ceci, en garantie de la soumission et de la bonne exécution, pour retenue de garantie etc. S’y ajoutent le cahier des prescriptions spéciales (projet de marché), le cahier général des charges et le cahier des prescriptions techniques.

Aux termes de ce décret, la procédure de passation des marchés publics fait intervenir trois types d’organes : • Les organes de passation que sont les maîtres d’ouvrage (l’État) et les maîtres d’ouvrage délégués. • Les organes de contrôle (la Direction Générale de Contrôle des Marchés Publics) • L’organe de régulation (l’Autorité de Régulation des Marchés Publics)

Le cahier des prescriptions techniques contient : la description et la consistance des travaux, l’organisation des travaux, la provenance, la qualité et la préparation des matériaux, le contrôle de qualité des matériaux. La liste s’étend au mode d’exécution des travaux et à certaines dispositions complémentaires liées au contrôle et à la réception des travaux, comme le bordereau des prix unitaires, le devis quantitatif et estimatif, le dossier technique.

Conformément à l’article 12 du code des marchés publics, la passation des marchés publics proprement dite, est conduite par la commission des marchés publics, au sein de la cellule de gestion

Le dossier technique comprend tous les rapports, c’est-à-dire le rapport géotechnique, les plans de type des ouvrages et, pour les routes, la matricule routière et tous les projets.

V. Passation des marchés publics

« Faire de l’ambition de modernisation une réalité » DÉLÉGATION GÉNÉRALE DES GRANDS TRAVAUX Boulevard Denis Sassou Nguesso BP 1127 Brazzaville, République du Congo Tél./Fax : (+242) 22 281 47 13

E-mail : contact@grandstravaux.org

www.grandstravaux.org Message - VIII

MESSAGE ÉDITÉ PAR DIFCOM/CC - PHOTOS : DR / ILLUSTRATION : FOTOLIA

I. Cadre juridique


« C’est au Nigeria que se trouve le bonheur, l’énergie, la vie. »

LE NOUVEL ESPOIR Dʼ Après un passage à vide, la chanteuse revient avec Billie-Eve. Un mix pêchu de rock, folk, blues et reggae, enregistré entre New York et Paris. Toujours aussi réjouissant.

C

MALIKA GROGA-BADA

oi f f é e d ’u n e c oup e afro à la Boney M, Ayo accueille ses visiteurs avec le sourire. Pas l’un de ceux préfabriqués que les stars distribuent aux passants et aux fans. Un vrai, qui monte jusqu’aux yeux et qui dévoile à l’autre un peu de ce que l’on est à l’intérieur. Espiègle, elle s’amuse du mal qu’ont parfois ses interlocuteurs à sui-

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vre ses déplacements : L ond re s, Ha mb ou rg, Ne w York , Por t-L ou i s, Kingston… « C’est vrai que je ne pose jamais mes valises longtemps au même endroit, plaisante-t-elle. Mais là, je crois que ça y est, je reste à Paris. » Ses mains fines s’agitent quand elle parle de son récent emménagement, de la naissance de sa petite Billie-Eve et bien sûr de son nouvel album, le troisième,

JEAN-MARC LUBRANO

Musique

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128 LIRE, ÉCOUTER, VOIR La peur. La solitude. Lenny Kravitz, B.B. King BIO EXPRESS Des coups qui ne lui ont et Aerosmith). rien ôté de sa fraîcheur. Puis la chanteuse vient 14 septembre 1980 « Aujourd’hui, avec mon ac c ouc he r à P a r i s… Naissance à Cologne père, il nous arrive de et se rend compte que (Allemagne) rire de toutes ces choses tout n’est pas fini. « Je douloureuses », confieregardais ma fille et une 2001 S’installe t-elle presque surprise chanson s’est imposée à à Londres de voir à quel point le moi. C’était la première temps panse les blessufois que je composais UN FLOT D’ÉMOTIONS 2005 Rencontre Patrice res. « Avec le recul, je un morceau, paroles et Billie-Eve. Garder espoir. Pour Joy remercie la vie parce que musique, entièrement Olasunmibo Ogunmakin (son vrai 20 juin 2006 Sortie tout ça m’a permis de dans ma tête. Et dès que nom), ce titre s’est imposé tout seul. de son premier album, devenir la femme que je je suis sortie de l’hôpital, La voix encore chargée d’émotion, Joyful suis aujourd’hui », murretour en studio pour elle raconte ce Los Angeles-Paris en mure-t-elle, sereine. deux jours d’enregisjuin 2009 où tout a failli s’arrêter. La 4 février 2009 Nommée trement en plus. » Pour douleur abdominale insoutenable, l’hôambassadrice THÉRAPIE MUSICALE cette deuxième session, pital, la grossesse extra-utérine qui lui de l’Unicef Aussi, de son passé, Ayo f a it app e l à s e s fait frôler la mort. Après son opération, l’album ne garde qu’une musiciens de tournée et elle est blessée dans sa chair et dans 20 juillet 2010 trace, « Black Spoon », à son ami M, Matthieu son corps. Elle ne se « sent plus »… Ayo Naissance de sa dans laquelle la chanChedid, « cette formidase replie, ne veut plus ni composer ni fille, Billie-Eve teuse décrit par le menu ble rencontre ». « On a chanter. À la limite de la dépression, la prépa rat ion d’une été présentés à Londres, elle rentre à Hambourg, puis finit par 7 mars 2011 Sortie i nj e c t ion d ’ hé r oï ne . il y a trois ans. Mais c’est prendre deux mois de vacances en de son troisième Pour le reste, Billie-Eve comme si on s’était touJamaïque, avec Patrice, son compaalbum, Billie-Eve nous parle de la femme jours connus, racontegnon de l’époque, et Nile, leur garçon d’aujourd’hui. Celle qui a connu les t-elle. Avec sa guitare, il est capable de de 5 ans. À la fin de son séjour, elle est joies de la maternité et les déconvenues faire passer de telles émotions… » de nouveau enceinte. Et prise d’une de la passion. Celle qui a décidé d’aller Résultat, un album plein de surprifurieuse envie de gratter sa guitare. de l’avant, malgré la fin de son couple. ses. Rock, folk, blues, reggae… la chan« Je revivais. Mon cœur charriait un « À la naissance de ma fille, les choses teuse mélange tous les styles, toutes ses flot d’émotions qu’il fallait que je sorte. sont devenues si… claires, raconteinfluences, de Jimmy Cliff aux Thin Ça a été aussi le moment d’une prise t-elle, mélancolique. Avec Patrice, Lizzy, d’Aretha Franklin à Nina Simode conscience : il était temps que je sois nous ne sommes plus ensemble. Mais ne, comme si elle refusait l’idée d’être moi-même. Pleinement. » on est quand même une famille. » mise dans une case. « I’m Gonna Dance », Dans « Real Love », à mi-chemin entre Pour mieux brouiller le premier extrait de la comptine et la ballade reggae, la les pistes, une reprise Billie-Eve disponible en jeune maman proclame son amour à de « I Want You Back » écoute sur le net depuis sa fille. Puis dans « It’s Too Late » et des Jackson Five en décembre 2010, donne « It Hurts » – sublimé par la guitare de bonus track, qui offre le ton : « Fatiguée de Matthieu Chedid –, sa peine de voir sa une autre facette de ses retenir mon souff le relation s’étioler, puis se briser. Elle y capacités vocales. (…), je veux vivre, je aborde aussi sa dépression (« I Can’t »), Ayo cuvée 2011 semveux donner », disent ses attentes en amour (« My Man ») ble avoir fait le deuil les paroles. Quant à la et le continent d’origine de son père, de son passé. Enfin, musique, c’est un mix l’Afrique, dans « Who Are They ? », le presque. En tout cas, rock-folk-reggae pêchu Billie-Eve, d’Ayo (Polydor/ récit du voyage d’émigrants clandeselle n’est plus aussi qui donne envie de sauUniversal). tins. « Au Nigeria, j’ai rencontré des amère qu’elle l’a été. ter dans tous les sens. gens qui voulaient partir à tout prix. Une fois de plus, dans Mise en ligne en janvier Et pourtant, c’est là que se trouve le ses chansons, elle se met à nu, sans sur le site de partage YouTube, la vidéo bonheur, l’énergie, la vie… » pudeur. Et quand on lui demande si elle du clip a été vue plus de 200 000 fois « Je sais qu’on dit souvent que le pren’en éprouve aucune gêne, la réponse en un mois. mier disque est le plus important. Mais fuse, claire, sans appel : « Enfant, je C’est la première fois qu’Ayo enregispour moi, c’est celui-là. Je l’ai réalisé m’étais inventé une autre vie. Mentir tre un album en plus de cinq jours. La moi-même », raconte Ayo. Peut-être me venait si naturellement… À prépremière session – qu’elle croyait être parce qu’il est le plus complexe et le sent, je ne veux plus rien cacher. » la dernière – s’est passée au Sear Sound plus abouti. Peut-être aussi parce que Une mère héroïnomane qui disparaît Studio de New York, avec une équipe la femme qui l’a écrit est moins tourdes mois. Un père aimant, mais déclaréduite, mais prestigieuse, comprenant mentée. « Je refuse d’être une morte ré inapte à s’occuper de ses quatre l’Américaine Gail Ann Dorsey (basvivante. Je veux vivre et ma musique enfants. Une adolescence ballottée de siste de David Bowie depuis les années est la meilleure thérapie. » ■ foyers en familles d’accueil. La faim. 1990) et Craig Ross (guitariste attitré de

qui sort le 7 mars. Il porte le même nom que sa fille, un jeu de mot avec believe, « croire » en anglais. En quoi? En Dieu? « En l’amour. En la vie… Je suis reconnaissante d’être là aujourd’hui pour en savourer chaque instant », expliquet-elle dans un français mâtiné d’un doux accent so british.

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Médias

été phagocytées par les milices pour diffuser leur propagande, Shabelle est restée indépendante – ce qui lui vaut depuis 2007 le harcèlement constant des milices. La station a dû quitter ses locaux du marché de Bakara, un quartier dangereux au cœur de Mogadiscio, pour rejoindre la zone sécurisée par les troupes de la mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom), près de l’aéroport. Un transfert nécessaire, puisqu’en trois ans cinq journalistes et deux techniciens de Shabelle ont été tués. Le directeur Mukhtar Mohamed Hirabe a été abattu de quatre balles dans la tête en 2009.

Les studios d’enregistrement ont été déplacés dans la zone sécurisée.

Shabelle, la résistante Prix Reporters sans frontières de la liberté de la presse, la radio somalienne se bat pour son indépendance. Elle est lʼune des rares à résister au chaos.

C

oups de feu à Mogadiscio. On les entend dans les rues de la capitale, mais aussi sur les ondes de Shabelle, la principale radio privée du pays. En avril 2010, les milices islamistes qui contrôlent la Somalie ont interdit aux stations de diffuser de la musique. Shabelle l’a alors remplacée par des sons devenus quotidiens. Un acte de résistance, symbolique du combat que la station mène depuis sa création en 2002. Shabelle est le nom d’une rivière et d’une région de la côte somalienne. C’est là que deux journalistes et un ingénieur en télécommunications ont fondé une radio indépendante, dans un État qui n’est plus gouverné depuis

1991. Ces neuf dernières années, Shabelle a livré une guerre permanente. Il lui a fallu se battre pour trouver des financements, recruter du personnel qualifié, et surtout enquêter, dans un pays contrôlé successivement par des seigneurs de guerre et des milices islamistes. Avec plus de 3 millions d’auditeurs aujourd’hui – ainsi qu’une forte audience pour le site internet et la chaîne télé du groupe – Shabelle Network est perçu comme le média privé le plus fiable du pays. Alors que de nombreuses radios somaliennes, comme HornAfrik ou Al Quran, ont

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RSF

SAUVER DES VIES

Mais plus elle subit de menaces et de pertes, plus Shabelle résiste pied à pied. Et parfois, elle gagne. « En Europe, vous avez des flashs sur le trafic routier. Nous, nous disons toute la journée dans quelles rues ont lieu des combats, et où les insurgés bloquent le passage, compare Ali Dahir Abdi, cofondateur de Shabelle et responsable du développement du groupe. Nous sauvons probablement des vies. » D’autres fois, c’est la radio qui perd. Elle a, par exemple, dû interrompre en 2010 la diffusion du programme Tartan Aqooneedka, un jeu de connaissances pour enfants et adolescents qui les encourageait à quitter les milices qui les avaient enrôlés. Autre ennemi plus surprenant, le gouvernement fédéral de transition, dont des scandales financiers ont été révélés par la station, l’a déjà fait fermer une fois. Shabelle a reçu le prix RSF 2010 de la liberté de la presse. « Avant tout,

Le gouvernement a fait fermer la station qui avait révélé des scandales financiers. confie Ali Dahir Abdi, cette récompense nous redonne confiance. Nous ne nous laisserons jamais imposer le silence. Mais je suis pessimiste pour mon pays. Je vieillis, et je ne suis pas sûr de voir un jour une Somalie démocratique. » ■ CONSTANCE DESLOIRE


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INTERVIEW

Xavier Darcos PRÉSIDENT DE LʼINSTITUT FRANÇAIS

« La culture doit soutenir la diplomatie » Lʼancien ministre dirige depuis le 1er janvier lʼaction culturelle extérieure de la France. Il sera amené à piloter des événements comme la Biennale de Venise et les Rencontres photo de Bamako.

E

n pleine débâcle de la diplomatie française – démission de Michèle Alliot-Marie, naufrage de l’année du Mexique – l’ancien ministre de l’Éducation Xavier Darcos a pris les rênes de l’Institut français, nouvel outil de promotion de la culture à l’étranger. Plus politique que son prédécesseur Olivier Poivre d’Arvor, mais bien moins habité par l’Afrique, cet ancien proche de Nicolas Sarkozy « bricole » pour l’instant l’établissement public à caractère industriel et commercial qui remplace Culturesfrance, sous la tutelle du seul Quai d’Orsay. Objectif: faire de ce véhicule du soft power « une Ferrari ». Si la carrosserie a l’aspect du neuf, le rodage permettra d’évaluer la puissance du moteur. Pour l’heure, le pilote semble à peine entamer la phase d’échauffement. JEUNE AFRIQUE: L’Institut français, que vous dirigez, a vu le jour le 1er janvier. Comment s’est passée la transition avec Olivier Poivre d’Arvor? XAVIER DARCOS : Très bien. Mais c’est une mutation plus qu’une transition. L’association Culturesfrance vivait sous la double tutelle du Quai d’Orsay et du ministère de la Culture. Elle avait des compétences et des missions précises tournées vers l’action culturelle, les grands projets à caractère artistique. L’Institut français a, lui, une structure différente et une ambition plus large. C’est un établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la seule tutelle du ministère des Affaires étrangères. Cela signifie qu’en fonction de sa stratégie le Quai d’Orsay sollicite

librement nos projets. La tutelle n’intervient en rien dans les grandes manifestations dont nous avons l’initiative.

l’Institut français pour, via la culture, venir soutenir sa politique diplomatique. La culture ne se réduit pas aux artistes – même si c’est important. À quoi pensez-vous? La culture, c’est aussi faire valoir les idées, les valeurs propres à notre nation dans le domaine de la gouvernance, des droits de l’homme, des relations NordSud… C’est accroître la présence française dans les think-tanks, élargir nos compétences dans le domaine du livre, de la traduction, de l’édition… Quelles sont les principales orientations que vous souhaitez donner à l’Institut français? Je n’ai pas beaucoup d’idées personnelles à avoir. La loi votée par le Parlement est extrêmement précise. Moi, j’applique ce que mon ministère de tutelle me demande de faire. Vous parlez comme un diplomate… Aujourd’hui, la guerre d’in f luence est aussi importante que la guerre économique.

De quel budget disposez-vous? Le budget de Culturesfrance tournait autour de 21-22 millions d’euros. Celui de l’Institut français est de 45 millions d’euros. Sans compter les fonds qui seront levés par les appels à projet qui représentent environ 166 millions d’euros. Cela nous met en situation comparable avec le Goethe Institut ou le British Council – même si les Chinois sont en train de lancer un réseau immense. Quels sont vos projets pour l’Afrique? Certains projets existants constituent un axe majeur de la politique culturelle française à l’étranger. Dans le domaine du cinéma, nous nous impliquons dans la diffusion et la conservation du patrimoine cinématographique africain. Nous essayons de constituer une cinémathèque Afrique. Nous organisons une rétrospective consacrée à Sotigui Kouyaté. Au Festival de Cannes, le pavillon « Les cinémas du monde » accueillera des professionnels africains. Et nous avons

« Je n’ai pas beaucoup d’idées personnelles à avoir. J’applique la ligne du Quai d’Orsay ».

L’Institut français n’est plus sous la tutelle du ministère de la Culture. Estce à dire que c’est le Quai d’Orsay qui définit les orientations de la politique culturelle de la France à l’étranger? Que dit la diplomatie ? Que nous devons être présents dans les pays émergents, dans les pays du Golfe… Elle s’en tient là. Nous avons un cadre d’action géopolitique dans lequel nous gérons

aussi un projet de diffusion du cinéma français sur le continent. Nous disposons aussi de programmes concernant le livre, avec une présence au salon de Paris, en mars. Chaque année, l’Institut français, ex-Culturesfrance, valorisait un pays d’Afrique ou de la Caraïbe. Cette année, nous allons honorer Haïti. Culturesfrance soutenait fortement les Rencontres photo de Bamako et la

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LIRE, ÉCOUTER, VOIR 131 Nous sommes l’opérateur principal de l’année du Mexique. Les choses vont très mal, le Mexique ayant pris une décision très ferme consistant à considérer que rien ne se fera. Tout cela est fâcheux. Aujourd’hui, nous sommes chargés de démonter l’année du Mexique. Est-ce que la diplomatie culturelle, le soft power, ça n’aurait pas été prendre les choses à l’envers : essayer, grâce à l’année du Mexique, de résoudre une crise diplomatique ? [Silence.] Pas de commentaire.

VINCENT FOURNIER/J.A.

Qu’est-ce que la diplomatie culturelle, alors? C’est apporter l’appui de l’action culturelle à la diplomatie sous toutes ses formes. Vouloir lier une définition globale de la diplomatie culturelle avec les événements précis d’aujourd’hui, ce serait un peu abusif. La diplomatie culturelle a fonctionné. L’année du Mexique, elle, a fonctionné. La manière dont nous avons organisé les choses avec les Mexicains, dans un contexte tendu, a été presque parfaite. Une crise politique peut naître à un moment et interrompre le processus : c’est autre chose. On ne peut pas lier les deux sujets.

biennale de la danse. Comptez-vous demander aux pays qui les accueillent de s’impliquer plus? Pas que je sache. Les événements comme Danse l’Afrique danse!, l’Afrique est à la mode! et Regards Bénin sont des vitrines: il y a là un immense travail en matière de soutien à la création. Nous n’avons pas l’intention de les céder à qui que ce soit. Il n’y a aucune inquiétude à ce sujet. Nous avons quelques problèmes à Bamako en raison de la situation politique [liée à la présence d’Aqmi, NDLR], mais nous avons la ferme intention de poursuivre ces projets. Quels sont vos liens avec l’Afrique?

Je connais très bien ce continent, évidemment. J’ai été ministre de la Coopération et de la Francophonie. J’y suis allé très souvent. Comme tous ceux qui en sont venus à s’occuper de questions africaines, je suis passionné par ce continent. J’y ai gardé des liens. Après les remous de l’affaire Florence Cassez, de nombreuses manifestations de l’année du Mexique sont annulées. N’êtes-vous pas gêné par une forme d’instrumentalisation de la culture? Je ne porterai pas de jugement, quoi que j’en pense, sur la manière dont cette affaire a été traitée sur le plan politique.

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Vous étiez professeur de lettres. Estce qu’il y a des auteurs africains que vous appréciez particulièrement? Je ne connais pas très bien la littérature africaine. Je connais surtout les écrivains que tout le monde connaît. Je maîtrise mieux la poésie africaine produite entre les années 1960 et 1990 que celle d’aujourd’hui. Ce n’est pas ma spécialité, mais j’y ai consacré un long chapitre dans mon Anthologie historique de la poésie française. Comment voyez-vous l’avenir? Ce que je fais actuellement est passionnant. Mon successeur aura une Ferrari entre les mains. Moi je suis en train de bricoler, de mettre les pistons, les sièges, de garantir les amortisseurs. Vous ne vous voyez déjà plus en pilote de la Ferrari? Je connais mon année de naissance, 1947, et je sais ce que disent les décrets concernant l’âge limite pour les présidents d’établissement public: entre 65 et 68 ans! ■ Propos recueillis par SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX

et NICOLAS MICHEL


Livres

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Extrait de Ma mère était une très belle femme, de Karlien De Villiers, Çà et Là, 112 pages, 19 euros.

Seule contre tous Karlien De Villiers raconte habilement lʼhistoire sudafricaine à travers celle dʼune petite fille blanche, issue dʼun milieu modeste. Un regard introspectif aiguisé.

V

i v r e s o u s l ’a p a r t h e i d : oppresseurs contre opprimés, Noirs contre Blancs, gentils contre méchants. Mais être un enfant blanc sous l’apartheid, qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ? Karlien De Villiers est née en 1975, en A f rique du Sud. Son enfance, elle l’a racontée en dessins dans Ma mère était une t rès belle femme, roman graphique publié en 2006 et réédité aujourd’hui en version augmentée (éd. Çà et Là). Inspirée par l’œuvre de l’Iranienne Marjane

Satrapi (Persepolis) comme par les travaux des fondateurs de la revue sud-africaine Bitterkomi x (A nton Kannemeyer et Conrad Botes), Karlien De Villiers ne pouvait revenir sur son histoire de manière manichéenne. Bien entendu, elle a longtemps vécu dans un monde de Blancs extrêmement favorisés par rapport à la grande majorité des Sud-Africains. Mais sa vie est celle d’une fille de parents divorcés et sans le sou, enfermée dans un milieu petit-bourgeois étouffant. C’est aussi celle d’une adolescente confron-

tée au cancer et à la mort de sa mère. Armée d’un dessin faussement naïf et d’un regard introspectif particulièrement aiguisé, Karlien De Villiers relate avec habileté son histoire intime et celle de l’Afrique du Sud. Question d’enfant posée à sa mère, au moment où le prix Nobel de la paix est attribué à Desmond Tutu : « Maman, pourquoi tout le monde est contre nous ? » Son mal-être, sa difficulté à se situer dans un pays fracturé transparaissent aussi dans des allers-retours temporels maîtrisés à la perfection. Alors que la jeune adulte se cherche dans le dessin, sa sœur se drogue et laisse la poudre blanche tracer sa ligne de vie… Artiste reconnue, Karlien De Villiers vit aujourd’hui non loin du Cap, enseigne le dessin à l’université de Stellenbosch et se consacre à la peinture. Sa petite Léa a 3 ans. ■ NICOLAS MICHEL

ET AUSSI...

■ L’Enfant noir, de Camara Laye et Camara Anzoumana, Esprit libre Junior, 72 pages, 14 euros. C’est le livre le plus connu du Guinéen Camara Laye (1928-1980),

un récit autobiographique paru en 1953 et considéré comme fondateur par nombre d’auteurs africains francophones. Même si le dessin n’est pas toujours convaincant, on ne peut que saluer l’initiative de Camara Anzoumana, originaire lui aussi de Kouroussa, qui a adapté cette œuvre en bande dessinée. ■ Le Retour au pays d’Alphonse Madiba dit Daudet, d’Al’Mata et Christophe Ngalle

Edimo, L’Harmattan BD, 50 pages, 9,90 euros. Les éditions L’Harmattan sont connues pour accueillir des écrivains en mal d’éditeur. Elles ont permis de révéler bon nombre d’auteurs africains. Fidèle à cet esprit, la maison parisienne crée une collection de bandes dessinées visant à promouvoir les créateurs du neuvième art. Ce premier ouvrage raconte la difficulté d’un homme à rentrer au pays après avoir « échoué » en Europe.

■ Mémoire de l’Esclavage, de Serge Diantantu, Caraïbéditions, 52 pages, 13,50 euros Bulambemba est bien moins connue que Gorée ou Zanzibar. Pourtant, cette île « a été la première à voir ses natifs arrachés en masse à l’Afrique pour prendre place à bord des bateaux négriers ». Le Congolais Serge Diantantu revisite l’Histoire en dessins – lointainement inspiré par Les Passagers du vent, du Français François Bourgeon.

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Mémoires dʼune jeune Marocaine révoltée

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a Cruche cassée, de la Marocaine Hayat El Yamani, emprunte son nom à un vieux conte oriental. Il y est question d’isolement, de féminité, et de paroles libératrices confiées à une cruche faute d’oreilles compatissantes. Cette fable ancestrale sert à la fois d’introduction et de grille de lecture au récit moderne de perte, de deuil et de quête identitaire au féminin que propose Hayat El Yamani. L’histoire est racontée du point de vue de son héroïne Dounia, revenue au village pour assister aux funérailles de sa grand-mère maternelle. Mariée à l’âge de 13 ans, veuve à 30, Yemma qui avait élevé seule ses sept enfants, était un point d’ancrage pour ses enfants et ses petits-enfants réunis autour de sa chambre mortuaire. Dounia, pour sa part, se souvient d’une autre femme, d’une femme révoltée contre la société et ses lois patriarcales. Un peu comme la cruche de la fable, la jeune Dounia avait recueilli les souvenirs, les réflexions et les colères de l’aïeule. Ces propos, qu’elle se remémore pendant les cinq jours que durent les rituels funéraires, lui permettent de mettre en perspective la liberté dont jouit sa génération et de jeter un regard décalé sur la famille et les querelles d’héritage qui pointent déjà à l’horizon. Hayat El Yamani s’est fait connaître en publiant en 2009 Rêve d’envol, un récit remarquable d’assurance et de vérité sociale. La Cruche cassée est le premier roman de l’écrivaine, publié une première fois en 2003. Il y a dans ces pages la promesse d’une voix originale, aux inflexions féministes. ■ TIRTHANKAR CHANDA

La Cruche cassée, de Hayat El Yamani, Éditions Anne Carrière, 224 pages, 17 euros. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 17 • D U 6 A U 12 M A R S 2 0 11

Lu et approuvé ALAIN MABANCKOU Écrivain franco-congolais

Voyage au bout de la nuit africaine

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e journaliste français René Cherin savait-il qu’il allait entreprendre un « voyage au bout de la nuit » africaine? Envoyé par un magazine pour un reportage sur le Sosso-Bala – balafon sacré de l’empire du Mali –, le Français se retrouve d’abord à Conakry où il est reçu par Namane Kouyaté, ancien diplomate guinéen, descendant de la lignée des gardiens du Sosso-Bala. René fantasme sur la beauté de la très jeune femme du diplomate. Il confond le rêve et la réalité. Le balafon sacré, lui, est conservé à Niagassola, à la frontière entre la Guinée et le Mali. Lorsque enfin René et Félix, son photographe, guidés par Namane arrivent à Niagassola, tout se complique. Namane, jusque-là accueillant, n’est plus le même homme lorsqu’il est parmi les siens. « Si vous voulez des informations, vous devrez les acheter parce que vous faites du commerce avec. C’est une matière première », lâche-t-il. ET PUIS, D’AUTRES ÉTRANGES PERSONNAGES DÉBARQUENT. Des

« Noirs de France », avec à leur tête une certaine Binetou Fall. Un prince camerounais, Edmond VII, arrive en limousine avec sa princesse et offre 10000 euros aux autochtones. Tout ça pour le balafon? Pas sûr. Les inimitiés éclatent. Les choses se passent mal, et elles se poursuivent jusqu’à Bamako où René recroise le prince et sa princesse au Mandé, hôtel de l’ancien footballeur malien Salif Keïta. Binetou Fall n’est pas loin. L’omniscient et sage Namane Kouyaté, pourtant resté à Niagassola, réapparaît. À Bamako, le prince est surnommé Al Capone. Il distribue à la volée des billets de 500 euros. Escroquerie, luxe, musique endiablée, alcool et autres dérives nous plongent dans un monde de l’apparat et de la fabrication des légendes urbaines mieux perçues que les légendes ancestrales. Namane est donc le dernier des Mohicans, le survivant de la caravane, le Fama des Soleils des indépendances. Ce merveilleux « conte moderne » se termine par un défilé de personnages qui prennent la parole dans un récit jusque-là mené avec détachement par le Français entraîné dans le « cœur des ténèbres » de ces individus hauts en couleur. On est frappé par le foisonnement des paroles de sagesse, des proverbes qui soutiennent ici la poésie du fantastique et du fantasque. Grand roman de la maturité d’un auteur singulier, Al Capone le Malien est aussi une critique caustique de la littérature francophone contemporaine, et surtout un vibrant hommage aux écrivains Camara Laye, Chinua Achebe, Amadou Hampâté Bâ, ou encore Ahmadou Kourouma. ■

Escroquerie, luxe, musique endiablée, alcool et autres dérives nous plongent dans un monde de légendes urbaines.

Al Capone le Malien, de Sami Tchak, Mercure de France, 302 pages, 18,80 euros.

V. FOURNIER/J.A.

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Photographie LʼÉgypte auscultée

graphe. Pour se faire accepter, Nermine Hammam a passé un mois sans sortir son appareil. « Je n’ai pas pris les photos, ce sont eux qui me les ont données », détaille l’ancienne assistante du cinéaste Youssef Chahine. Elle a apprivoisé ses futurs sujets, jusqu’à rentrer dans leur intimité, et donc leur histoire. Souvent tragique : « De nombreux internés ne sont pas fous, mais enfermés de force par leur famille pour telle ou telle raison. » Comme cette femme âgée, qui porte une robe blanche de mariée : « Quarante ans qu’elle est internée. Car elle a couché avant le mariage. »

Censurée sous le régime de Moubarak, lʼancienne assistante de Youssef Chahine, Nermine Hammam, présente à Paris ses travaux consacrés à son pays. De la plage à lʼasile psychiatrique. du Caire et y a capté des instants suspendus entre solitude et désespoir. Le résultat : la série Metanoia (« repentance », en grec). « Les gens que j’ai photographiés ont une vision différente de la réalité, mais c’est leur réalité. J’ai voulu montrer qu’ils n’étaient pas si étrangers à notre monde », explique la photo-

HUMOUR ET ANALYSE SOCIALE

NERMINE HAMMAM/COURTESY IF GALERIE

A

u premier regard, on capte le travail sur la couleur et la matière. On trouve les images belles, douces, avec un côté suranné, presque hors du temps. Et puis, lorsque l’on s’en approche, le sujet, âpre et violent, saute aux yeux. Nermine Hammam a passé plusieurs mois dans un asile psychiatrique

Escaton, 2008.

Nermine Hammam avait prévu de revenir régulièrement pendant un an, mais sa démarche dérange et, au bout de quatre mois, les autorités la mettent à la porte. Son travail est censuré. « Lorsqu’elle m’a dit ça, j’ai voulu l’exposer tout de suite ! J’ai un côté militant, pour l’art et pour les femmes… », affirme avec malice la fondatrice de If Galerie, Imane Farès, une femme d’affaires d’origine libanaise née à Dakar. Elle a ouvert cet espace consacré à l’art contemporain d’Afrique et du MoyenOrient, à Paris, en mai 2010. En plus de Metanoia, elle a choisi d’exposer deux autres séries de la photographe égyptienne de 43 ans, designer graphique passée par le cinéma : celle consacrée à la plage égyptienne, qui mêle humour et analyse sociologique (on y perçoit clairement la montée de l’islamisme) ; et son dernier travail, qui a des références plus picturales, des photos prises à Fayoum qui ont un côté surréaliste à la Dali. Des thèmes et des techniques différentes, comme autant de facettes d’une personnalité plurielle. Nermine Hammam résume : « Je crois qu’on se photographie soimême. » ■ OLIVIA MARSAUD

« Anachrony », exposition personnelle de Nermine Hammam, If Galerie, 41, rue Mazarine, 75006 Paris, jusqu’au 2 avril 2011.

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ANNONCES CLASSÉES Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre Tél. : 01 44 30 18 76 – Fax : 01 44 30 18 77 – f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris –France

BANQUE AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT AGENCE TEMPORAIRE DE RELOCALISATION DEPARTEMENT DES SERVICES GENERAUX ET DES ACHATS Téléphone : (216) 71 102 902 Fax : (216) 71 103 742

AVIS DE MANIFESTATION D’INTERET N° ADB/PQI/CGSP1/2011/001

6) Cet avis de sollicitation d’intérêt a pour seul objet d’établir une liste restreinte de six (6) bureaux ou groupements de bureaux qualifiés, qui recevront le dossier de Demande de Propositions préparé par la BAD. Les bureaux qui auront été retenus à l’issue de la sollicitation d’intérêt devront s’inscrire en ligne dans la base de données des Consultants – DACON – (http://dacon.afdb.org/dacon). 7) Les Bureaux ou Groupements de bureaux devront satisfaire aux critères minima suivants : a. Etre constitué suivant la législation d’un pays membre de la Banque b. Avoir une expérience générale de 10 ans dans le domaine de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage c. Avoir exécuté au moins deux contrats similaires au cours des cinq dernières années. 8) La BAD se réserve le droit de modifier, d’amender ou d’annuler cet avis de sollicitation d’intérêt à tout moment au cours du présent processus. 9) Tout amendement, additif ou modification au présent Avis de manifestation d’intérêt, sera publié et consultable sur le site internet de la Banque : http://www.afdb.org/fr/about-us/corporate-procurement/business-opportunities/current-solicitations, ainsi que sur le site UNDB Online.

JEUNE AFRIQUE N° 2617 – DU 6 AU 12 MARS 2011

Manifestation d’intérêt

1) La Banque Africaine de Développement (BAD) invite, par le présent avis, les Sociétés, Bureaux d’Etudes, ou Groupements de Bureaux d’Etudes éligibles, à manifester leur intérêt pour la mission ci-après : MISSION D’ASSISTANCE A LA MAITRISE D’OUVRAGE POUR : - Le SUIVI DES CONTRATS DE MAINTENANCE ET D’EXPLOITATION - LA SUPERVISION DES TRAVAUX NEUFS ET DE REHABILITATION - LA MISE A DISPOSITION PONCTUELLE D’EXPERTS TECHNIQUES A L’AGENCE TEMPORAIRE DE RELOCALISATION A TUNIS (TUNISIE) 2) Dans le cadre de ses activités à l’Agence temporaire de relocalisation, la Banque Africaine de Développement loue un ensemble d’espaces à usage de bureaux dans la ville de Tunis, en Tunisie. Pour l’assister dans la gestion et la maintenance de ces bâtiments et de leurs installations techniques, la Division de l’Exploitation et de l’Entretien sollicite l’expertise de bureaux d’études ou de groupements de bureaux d’études œuvrant dans le domaine de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage et spécialisés dans les métiers techniques du bâtiment (génie civil, génie électrique, génie climatique, etc.). 3) La mission consistera principalement à la mise à disposition d’une équipe permanente d’experts pendant la durée contractuelle d’un an renouvelable et de proposer à la demande, des experts dans diverses spécialités pour des tâches ponctuelles. Les activités de la mission sont principalement : (i) la gestion des contrats d’exploitation et de maintenance dans les immeubles occupés par la Banque (ii) la coordination, la supervision et le contrôle de travaux neufs et de réhabilitation (iii) l’élaboration de termes de référence et de spécifications techniques pour les dossiers d’acquisition de biens, travaux et services (iv) le contrôle et l’évaluation de la qualité des prestations des entreprises (v) les interventions ponctuelles à la demande de la Banque par des experts pour des avis et appuis techniques dans divers domaines spécifiques. 4) Les sociétés, bureaux d’études ou groupements de bureaux d’études, éligibles conformément aux règles de la BAD et intéressés, doivent présenter une lettre d’intérêt, un dossier contenant une description de l'organisation du bureau ou du groupement, des références de missions et/ou activités similaires réalisées au cours des dix dernières années ainsi que la liste et un résumé de curriculum vitae du personnel clé susceptible d’effectuer cette mission. 5) Tous les dossiers de manifestation d’intérêt doivent être reçus en cinq (5) exemplaires à l'adresse ci-dessous, au plus tard le 24 mars 2011 à 16 h 00, heure locale Tunis (TUNISIE) et porter la mention : Banque Africaine de Développement Département des Services Généraux et des Achats ADB/PQI/CGSP1/2011/001 Agence Temporaire de Relocalisation BP 323 - 1002 Tunis Belvédère, Tunisie Tél : +216 71 102 902; Fax : + 216 71 830 507 Ou par mail : tender@afdb.org


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SOLLICITATION DE MANIFESTATION D’INTERET SERVICE DE CONSULTANTS

REPUBLIQUE DU SENEGAL Un peuple -Un but -Une foi -------------MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES --------------

Manifestation d’intérêt

SELECTION D’UN CONSULTANT POUR L’ETUDE, LA MISE EN PLACE ET MISE EN ŒUVRE D’UN ATELIER POUR LA LECTURE AUTOMATIQUE DE DOCUMENTS (LAD) DU RECENSEMENT GENERAL DE LA POPULATION ET DE L’HABITAT, DE L’AGRICULTURE ET DE l’ELEVAGE EN 2011 AINSI QUE LES PRESTATIONS DE FORMATION ET D’ASSISTANCE TECHNIQUE

1. L’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) est l’organe central responsable de la collecte, de la compilation, de l'analyse et de la diffusion de statistiques officielles concernant les activités économiques et sociales de la République du Sénégal. Elle se propose de recourir à des services de consultants pour une mission d’assistance technique pour l’étude et la mise en place d’un atelier de lecture automatique (LAD) des questionnaires du Recensement Général de la Population et de l’Habitat, de l’Agriculture et de l’Elevage (RGPHAE). Elle prépare actuellement la réalisation du prochain recensement général de la population et de l’habitat, de l’agriculture et de l’élevage (RGPHAE) en 2011 qu’elle prévoit d’exploiter avec la technologie du scanning. Le nombre de personnes à recenser est estimé à environ 13 000 000 d’individus avec une moyenne de 9 personnes par ménage. L’objectif principal visé est de traiter les questionnaires du RGPHAE en 12 (douze) mois précédés par une phase de préparation de six mois. La mise en route d’un tel système nécessite le choix d’un partenaire technique stratégique pour la réalisation du produit d’exploitation et sa mise en œuvre. 2. Les objectifs comprennent, entre autres : a. raccourcir le temps entre la collecte des données, la production et l'analyse des résultats. b. réduire le nombre de personnel requis pour capturer les données des questionnaires. c. réduire le nombre d'erreurs lors de la capture des questionnaires. d. développer les capacités techniques internes de l’ANSD de façon à maitriser tout le processus pour une utilisation optimale de la technologie lors des enquêtes et recensements futurs (la conception, la technologie du scanning, de reconnaissance de caractères, de codage et de contrôle). 3. Profil du consultant : a. Le consultant doit être une entreprise sénégalaise ou communautaire (UEMOA) ou d’un Etat appliquant le principe de réciprocité conformément à l’article 52 du décret N°2011-04 du 6 janvier 2011 ; toutefois, lorsque l’appel d’offres ne peut être satisfait par les entreprises ci-dessus visées, le consultant peut être un groupement constitué conjointement d’entreprises communautaires et non communautaires. b. Il doit être une firme disposant de compétences pluridisciplinaires, capable d’exécuter ces prestations portant sur le développement, l'installation et la prestation de support technique dans le domaine de la technologie de reconnaissance de caractères, d’exportation, de traitement statistique des données, et de tabulation lors d’une opération de recensement ou d’enquête. 4. L’ANSD invite les candidats éligibles à manifester leur intérêt, à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent fournir les informations ci-après : (i) qualification pour exécuter les services pressentis (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, etc.) ;

(ii) les capacités techniques et de gestion du cabinet (personnel permanent, etc.) ; (iii) les domaines d’intervention ainsi que les années d’expérience du cabinet ; (iv) les références des clients bénéficiaires des prestations décrites. 4. Les consultants seront sélectionnés en accord avec les procédures nationales décrites par le Code des Marchés publics (décret n° 2007 – 546 du 25 avril 2007, révisé par le décret N°2011-04 du 6 janvier 2011) et sur la base de la grille d’évaluation des critères ci-dessous : • Qualification Générale dans le domaine (20 pts) • Expériences pour des missions similaires (40 pts) • 20 points par mission similaire (max 2 missions) • Qualification du personnel permanent pour coordonner la mission (40 pts) • Un ou plusieurs membres du personnel permanent ayant coordonné des missions d’envergure similaire - 20 points par mission similaire (max 2 missions). Le nombre minimum de points requis est de 50 points. 5. L’exploitation des dossiers de manifestation d’intérêts devrait permettre, au terme de la procédure d’établir une liste restreinte (6 cabinets max.) de firmes qui seront invitées à soumissionner sur la base d’une demande de proposition (D.P). 6. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence tous les jours ouvrables à l’adresse mentionnée ci-dessous et aux heures suivantes : 09 H 00 à 13 H 30 et 14 H 30 à 17 H 00. 7. Les manifestations d’intérêts doivent être déposées ou envoyées par courrier postal à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 23 mars 2011 à 10H 00 précises avec la mention « Manifestation d’intérêt pour le recrutement d’un consultant pour la mise en place et la mise en œuvre d’un atelier de lecture automatique de documents (LAD) pour le prochain Recensement Général de la Population et de L’Habitat, de l’Agriculture et de l’Elevage en 2011 ». AGENCE NATIONALE DE LA STATISTIQUE ET DE LA DEMOGRAPHIE (ANSD) Cellule de passation des marchés Rue de Diourbel x Rue de Saint- Louis, Point E BP 116 Dakar RP - Sénégal. Tél. : (221) 33 869 21 39 Fax : (221) 33 824 36 15 Email : statsenegal@ansd.sn 8. Le présent avis pourra être consulté sur le site de l’ANSD (www.ansd.sn), sur le portail des Marchés publics du Sénégal (www.marchespublics.sn) et sur le site d’Afristat (www.afristat.org), dans dgMARKET Le Directeur Général Babakar FALL

AVIS À MANIFESTATION D'INTÉRÊT (SERVICES DE CONSULTANTS) COMMUNAUTE ECONOMIQUE DES ETATS DE L'AFRIQUE CENTRALE (C.E.E.A.C.) - RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO, RÉPUBLIQUE DU CONGO PROJET : ETUDE PONT ROUTE-RAIL ENTRE LES VILLES DE KINSHASA ET DE BRAZZAVILLE ET DU PROLONGEMENT DU CHEMIN DE FER KINSHASA-ILEBO N° du don : 2100155015516 : N° du Projet : P-Z1-D00-016 - OBJET : Audit des comptes du projet des exercices 2011 à 2012 1. Le présent Avis à Manifestation d'Intérêt (AMI) fait suite à l'Avis général d'acquisition pour ce projet publié sur le site « United Nations Development Business » (UNDB) du 31 octobre 2008 sous le numéro 737. 2. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo et le Gouvernement de la République du Congo ont obtenu du Groupe de la Banque Africaine de Développement (BAD) un don cinq millions d'UC pour couvrir les coûts du projet « d'étude du pont route-rail entre les villes de Kinshasa et de Brazzaville et du prolongement du chemin de fer Kinshasa-llebo ». 1 Il est prévu qu'une partie des sommes accordées au titre de ce don soit utilisée pour effectuer les paiements relatifs au contrat d'audit du projet qui sera conclu à l'issue de la consultation des Cabinets d'audit présélectionnés. 2 Le Secrétariat Général de la CEEAC (Organe d'exécution du projet) invite les cabinets d'audit intéressés, à manifester leur intérêt à fournir les prestations d'audit comptable et financier du projet d'étude du pont route-rail entre les villes de Kinshasa et de Brazzaville et du prolongement du chemin de fer Kinshasa-llebo. 3 Les Cabinets d'audit intéressés doivent produire les informations sur leur capacité et expérience démontrant qu'ils sont qualifiés pour les prestations (documentation, référence de prestations similaires, expérience dans des missions comparables, disponibilité de personnel qualifié, etc.). Les Cabinets d'audit peuvent se mettre en association pour augmenter leurs chances de qualification. 4 Peuvent être candidats à la présélection, les Cabinets d'audit ou les groupements de Cabinets d'audit qui sont enregistrés et régulièrement inscrits au Tableau d'un Ordre des Experts Comptables reconnu au niveau national ou régional. 5 Les critères d'éligibilité, l'établissement de la liste restreinte et la procédure de sélection seront conformes aux « Règles et Procédures pour l'utilisation des consultants » de la Banque Africaine de Développement (Edition de mai 2008), qui sont disponibles sur le site web de la Banque à l'adresse : http.7Avvvw.afdb.org. L'intérêt manifesté par un cabinet d'audit n'implique aucune obligation de la part de la CEEAC de le retenir sur la liste restreinte. 1 Les cabinets d'audit intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l'adresse mentionnée ci-dessous aux heures d'ouverture de bureaux suivantes : 06 h 30 à 14 h 30 (TU). 2 Les manifestations d'intérêt doivent être déposées à l'adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 15 mars 2011 à 16 h 30 (TU) et porter expressément la mention « Audit comptable et financier du projet d'étude pont route-rail entre les villes de Kinshasa et de Brazzaville et du prolongement du chemin de fer Kinshasa-llebo ». Secrétariat Général de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC), Mairie de Haut de Gué Gué -B.P 212 LIBREVILLE - Gabon Tél. : +241444731 / Fax : +2414447 32 Email : secretariat@ceeac-eccas.org A l'attention du DIPEM - Direction des Infrastructures (Cellule d'Exécution des Programmes d'Infrastructures routières et ferroviaires et de Facilitation du Transport)

JEUNE AFRIQUE N° 2617 – DU 6 AU 12 MARS 2011


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République Centrafricaine Coordination Nationale du Comité National de Lutte contre le SIDA Bangui, le 05 mars 2011

Avis de manifestation d’intérêt pour le recrutement de l’Auditeur Externe des comptes du Programme PRDPP pour les exercices 2009 et 2010

Accord de subvention N° CAF 708- G05-H

Conseil Ouest et Centre

West and Central African Council

Africain pour la Recherche et

for Agricultural Research and

le Développement Agricoles

Development

Avis de Sollicitation de Manifestation d’intérêt pour le recrutement d’un cabinet international spécialisé pour appuyer le Conseil d’administration du CORAF/WECARD à la sélection de candidats pour diriger son Secrétariat Exécutif basé à Dakar au Sénégal en qualité de Directeur Exécutif AMI N°05/2011/CW/ du 07 mars 2011

1. Le Conseil d’Administration du Conseil Ouest et Centre Africain pour la Recherche et le Développement Agricoles (CORAF/WECARD), cherche à employer un éminent scientifique du domaine agricole, gestionnaire confirmé de la recherche et du développement agricoles pour occuper le poste de Directeur Exécutif, suite à la vacance dudit poste. 2. Le CORAF/WECARD a l’intention d’utiliser une partie de ses ressources pour effectuer les paiements au titre du contrat relatif au recrutement d’un cabinet international de recrutement de cadres supérieurs au niveau international, plus spécifiquement dans les secteurs de la recherche et du développement agricoles. Le cabinet aura, entre autres missions à appuyer le Conseil d’Administration du CORAF/WECARD dans le processus de recrutement du Directeur Exécutif 3. Le Président du Conseil d’administration du CORAF/WECARD invite les cabinets spécialisés en recrutement de ressources humaines de haut niveau à manifester leur intérêt à fournir les prestations ci-dessus décrites. 4. Les cabinets intéressés par cet avis doivent fournir des informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter lesdites prestations (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, CV, expérience dans le domaine similaire, expérience dans des conditions semblables, etc.) Le Cabinet sera sélectionné selon le mode de « Sélection au Moindre Coût » conformément aux procédures définies dans les Directives « Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale, publiées par la Banque en mai 2004, révisées en octobre 2006 et mai 2010 www.worldbank.org/wbsite/externa/projects/procurement 5. Les cabinets intéressés remplissant les conditions requises, peuvent obtenir un complément d’information en visitant le site du CORAF/WECARD www.coraf.org ou s’adresser aux personnes ci-après byabubakarr@yahoo.com copie à paco.sereme@coraf.org 6. Les manifestations d’intérêt rédigées en langue française et/ou anglaise, sous format A4, seront déposées à l’adresse ci- dessus indiquée, ou par courrier électronique à l’adresse suivante. Pr Abubakar B. Yusuf Chairman of the Search Committee CORAF/WECARD Executive Secretariat 7, Avenue Bourguiba – Castors BP 48 Dakar RP SENEGAL au plus tard le 21 mars 2011à 17 heures précises, heure locale. Chairman of the Governing Board CORAF/WECARD

JEUNE AFRIQUE N° 2617 – DU 6 AU 12 MARS 2011

RD CONGO recherche un cabinet spécialisé dans le développement de la mobilité urbaine. Le CSC concerne un appel d’offre en vue d’une réalisation d’étude « plan de mobilité de la ville de Kinshasa ; ce cahier des charges est à consulter sur le site :

www.btcctb.org Droit applicable : Royaume de Belgique Date limite : 25 avril 2011

Manifestation d’intérêt - Appel d’offres

1. La Coordination Nationale du Comité Nationale de Lutte contre le SIDA (CN/CNLS) a obtenu le financement du Fonds Mondial de Lutte contre le SIDA, la Tuberculose et le Paludisme et a l’intention d’utiliser une partie de cette subvention pour le paiement des services d’un Auditeur Externe. 2. L’Auditeur Externe sera chargé de réaliser l’audit de ses comptes et de ceux de l’ensemble de ses Sous-Bénéficiaires pour les exercices clos au 31 décembre 2009 et au 31 décembre 2010. 3. L’Auditeur externe devra être un cabinet comprenant divers spécialistes (expert comptable, spécialistes en analyse de programme) ayant une expérience confirmée dans les domaines de l’audit organisationnel, avec une bonne connaissance des procédures de passation de marchés et une expérience d’au moins 10 ans dans des missions d’audit administratif comptable et financier de projets financés par les bailleurs de fonds internationaux (Fonds Mondial, Banque Mondiale, BAD, Union Européenne, etc.). 4. La CN/CNLS invite les candidats admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter ces services (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, disponibilité des spécialistes nécessaires parmi son personnel, etc.). 5. Les consultants intéressés peuvent obtenir les termes de références détaillées de la mission en écrivant à là l’adresse électronique suivante : cn_cnls@yahoo.fr 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées à l’adresse ci-dessous au plus tard le 22 mars 2011 à 16H00 : Coordination Nationale du Comité National de Lutte contre le VIH Sida Attn : Professeur Nestor Mamadou NALI, Coordonnateur National CNLS BP : 2613 Bangui (RCA), République Centrafricaine


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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO MINISTERE DES INFRASTRUCTURES, TRAVAUX PUBLICS ET RECONSTRUCTION

Projet de Réouverture et d’Entretien des Routes Hautement Prioritaires

(PRO-ROUTES) SOLLICITATION DE MANIFESTATION D’INTERET Service de Consultant : Etudes techniques pour la mise en place d’une opération de gestion et d’entretien par niveau de service (GENIS) sur la RN4, Kisangani – NiaNia – Beni (741 km) et la réhabilitation de 11 ponts métalliques sur la section Banalia-Kisangani-Beni.

Divers - Manifestation d’intérêt

N° Avis : AMI N° 003/CI/PRO-ROUTES/2010 Date de l’Avis : 07 mars 2011

1. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un don de l’Association Internationale de Développement et un don de DFID, globalement de 123 millions de USD pour financer le Projet Pro-Routes dont l’objectif global est de contribuer à la réduction de la pauvreté grâce au rétablissement et à la préservation durable des infrastructures routières permettant l’accès des populations aux marchés et aux services sociaux et administratifs nécessaires à la relance socio-économique et à la réintégration du pays. Il a l’intention d’utiliser une partie du montant de ces dons pour effectuer les paiements au titre du contrat de services d’une Firme Internationale, pour la réalisation des études techniques pour la mise en place d’une opération de gestion et entretien par niveau de service (GENIS) sur la route Kisangani-Niania-Beni (741 km) et la réhabilitation de onze (11) ponts à tabliers métalliques modulaires de portée variant entre 20 et 240 mètres sur l’axe Banalia-Kisangani-Beni. 2. Pour répondre aux critères de sélection, la Firme de renommée Internationale doit : a. prouver qu’elle possède des capacités professionnelles et une expérience avérée dans le domaine de l’ingénierie routière. Une déclaration prouvant que la firme a une telle expérience, en citant les missions déjà réalisées qui lui permettent de remplir ces critères (nature de la mission, pays, dates, administration responsable, bailleurs de fonds etc.) sera présentée ; b. soumettre les bilans certifiés des cinq (5) dernières années qui établissent qu’elle est dans une situation financière saine ; c. avoir réalisé au cours des cinq (5) dernières années (i) au moins deux (2) opérations d’étude relatives à l’aménagement ou l’entretien de réseaux routiers en terre en climat tropical, (ii) au moins deux (2) opérations d’étude ou de contrôle de travaux de réouverture ou de réhabilitation de route en terre en utilisant l’approche par traitement de point critiques et aménagement progressif et (iii) au moins deux (2) opérations d’étude ou de contrôle de travaux de constructions ou de réhabilitation d’ouvrages métalliques du type de ceux qui sont prévus dans le projet ; d. être en mesure de mobiliser des experts jouissant d’une très bonne expérience dans la réalisation d’étude d’aménagement et d’entretien routier sur routes non revêtues dans un environnement similaire, et l’évaluation économique des projets routiers (de préférence dans des projets financés par la Banque Mondiale) et ayant déjà participé effectivement à des études correspondant aux services à fournir ; e. disposer d’une expérience de travaux de gestion et entretien de routes par niveau de service (GENIS) serait un atout. 3. La Firme visée ci-dessus devra fournir les services suivants : a. la réalisation d’une étude d’avant-projet sommaire y compris l’évaluation économique; b. la réalisation de l’avant projet détaillé ; c. l’élaboration des dossiers d’appel d’offres complet, l’estimation des travaux et l’appui à la passation des marchés de travaux. La durée totale des études est estimée à Sept (7) mois, avec une intensité de travail variable. Le bureau mobilisera des experts internationaux pour une durée de sept (7) mois, et des experts nationaux pour une durée de trois (3) mois (cumulatifs). Des prestations supplémentaires d’une durée d’environ quatre semaines seront nécessaires pour les activités d’appui (assistance) au processus de lancement des appels d’offres, d’évaluation des soumissions, etc. 4. La Cellule Infrastructures invite les candidats admissibles, firmes ou groupement de bureaux à manifester leur intérêt à fournir les services précités. Les candidats potentiels intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter ces services (brochures, références concernant l’exécution des contrats analogues, expériences dans des conditions semblables, disponibilité de personnel permanent ou ponctuel ayant les compétences nécessaires, une lettre de motivation (2 pages maximum) expliquant les motivations profondes d’intérêts pour le présent projet, les qualifications et expériences spécifiques pertinentes et similaires à prendre en compte pour l’examen des expressions d’intérêts en vue de la constitution de la liste restreinte, etc.). Ils doivent fournir les éléments de justification des expériences spécifiques exigées au point 2. c cidessus. 5. Un consultant sera sélectionné, en accord avec les procédures définies dans les Directives: « Sélection et Emploi des Consultants par les emprunteurs de la Banque mondiale », édition Mai 2004, révisée en Octobre 2006 et Mai 2010. 6. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à la CI à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables de lundi à vendredi de 9 h 00 à 16 h 00, heures locales. Le démarrage de la mission est prévu début juin 2011. Les Manifestations d’Intérêts, rédigées en langue française, doivent parvenir par courrier ou par e-mail à l’adresse ci-dessous au plus tard le 22 mars 2011 à 15 heures précises locales et porter clairement la mention : «AMI N°003/CI/PRO-ROUTES/2010 – Recrutement d’un Consultant pour la Réalisation des Etudes Techniques pour la Mise en Place d’une Opération de Gestion et Entretien par Niveau de Service (GENIS) sur la Route Kisangani – Niania – Beni (741 km), y compris la Réhabilitation de Onze (11) Ponts Métalliques et la Réparation de la Route » : Cellule Infrastructures du Ministère des Infrastructures, Travaux Publics et Reconstruction 70A, Avenue Roi Baudouin, n°70A, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo Téléphone : (+243)81.037.64.94 - E-mail : celluleinfra@vodanet.cd - Site web : www.celluleinfra.org Amidou SERE Coordonnateur.

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SELECTION DE CONSULTANTS PAR LES EMPRUNTEURS DE LA BANQUE SOLLICITATION DE MANIFESTATIONS D’INTERET N°001/L3/2010

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NOM DU PAYS : REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE NOM DU PROJET : LICUS III / VOLET FINANCES PUBLIQUES ET BONNE GOUVERNANCE SERVICE DE CONSULTANTS : RECRUTEMENT D’UN CABINET POUR L’AUDIT ORGANISATIONNEL ET FINANCIER DE L’AGENCE DE STABILISATION ET DE REGULATION DES PRODUITS PETROLIERS (ASRP) ET DE L’UTILISATION DES FONDS PRELEVES DE LA STRUCTURE DES PRIX PETROLIERS EN CENTRAFRIQUE REF : LICUS III NUMERO TF 092591 Réf n°75

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JEUNE AFRIQUE N° 2617 – DU 6 AU 12 MARS 2011

Manifestation d’intérêt - Recrutement

La République Centrafricaine a reçu un don intitulé “LICUS III” de l’Association internationale de développement (IDA), et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ce don pour effectuer les paiements au titre du contrat suivant : recrutement d’un Cabinet pour l’audit organisationnel et financier de l’Agence de Stabilisation et de Régulation des Produits Pétroliers (ASRP) et de l’utilisation des fonds prélevés de la structure des prix pétroliers en République Centrafricaine. Le Comité Technique Permanent de Suivi des Programmes d’Ajustement Structurel (CTP-PAS) invite les Cabinet d’Audit à manifester leur intérêt à fournir les services décrits cidessus. Les Cabinets intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services (références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables). L’objectif de la mission est de : - Revoir l’organisation institutionnelle de l’ASRP ; - Evaluer la compétence de l’agence en moyens humains, matériel et financier en liaison avec la mission assignée ; - Mesurer les domaines d’activités et d’intervention, ainsi que les limites en matière de contrôles ; - Estimer les ressources drainées depuis la mise en place de la mesure relative à l’ajustement automatique des prix de produits pétroliers ; - Mesurer l’impact d’utilisation des ressources conformément aux dispositions légales et réglementaires dans un souci de transparence, d’économie et d’efficience, et uniquement aux fins pour lesquelles elles ont été octroyées ; - Vérifier que les acquisitions de biens, travaux et services financées ont été réalisées conformément aux règles et procédures de passation des marchés publics et ont été correctement enregistrées dans les livres comptables ; - S’assurer que les comptes spéciaux de produits pétroliers sont tenus conformément aux dispositions réglementaires en matière de décaissements ; - Vérifier que l’adéquation et l’efficacité du système comptable et du système de contrôle interne dans son ensemble ont été évaluées en vue de s’assurer de la bonne exécution des dépenses et des transactions financières ainsi que la la sauvegarde des biens de l’établissement et leur utilisation aux fins de l’Agence de Stabilisation et de Régulation des Prix des Produits Pétroliers ; - S’assurer que les actifs immobilisés de l’ASRP existent et ont été correctement évalués, et les droits de propriété de l’ASRP ou des bénéficiaires sur ces actifs ont été établis en conformité avec les dispositions réglementaires en vigueur ; - Proposer des mesures correctives de réformes sur le plan organisationnel et financier. Le consultant (Cabinet d’audit) est chargé de formuler une opinion sur les états financiers sur la base des vérifications menées conformément aux normes internationales, la tenue d’un système de contrôle interne adéquat ainsi que d’une documentation acceptable de toutes les transactions financières. Le Consultant (Cabinet d’audit) est aussi chargé d’évaluer l’efficacité du mécanisme de Régulation des Prix des Produits Pétroliers du Secteur Pétrolier, par l’analyse de la matrice de calcul servant à la détermination des Prix “Structure de Prix des Hydrocarbures” établie par produit et par axe d’importation, comportant les éléments de coûts (prix fournisseurs, frais d’approche, transport, droits & taxes, la marge brute des opérateurs pétroliers - markéteurs - et le prix de vente à la pompe) en rapport avec les ressources qu’elle génère pour la mission de l’ASRP. Un cabinet sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans les Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale, mai 2004 (version révisée octobre 2006) et le Code de Marchés Publics et Délégation de Service Public en République Centrafricaine. Les dossiers de candidature comprendront : - Une lettre de motivation indiquant les domaines de compétence et status juridiques du Cabinet ; - Les références techniques vérifiables du Cabinet en matière d’Audit des Etats Financiers ; - l’adresse complète : localisation, personne(s) à contacter, BP, téléphone, Fax, E-mail, ... ; - les CV détaillés des personnes clés employés pour ce type de mission en précisant leurs expériences professionnelles. Les Cabinets d’Audits intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse ci-dessous : Mr. Abdalla-Kadre ASSANE, Président du Comité Technique Permanent de Suivi des Programmes d’Ajustement Structurel (CTP-PAS). Adresse : BP 1014-Bangui-RCA, Tél : 00 236 61 58 36 Courriel : abdallakadre@yahoo.fr Copie Obligatoire à : celestinbrahim@yahoo.fr / Tél : 00 236 75 55 96 93 Les manifestations d’intérêt doivent être déposées ou envoyées électroniquement à l’adresse ci-dessus au plus tard le 18 mars 2011 à 15 heures 30 minutes. Ils devront porter la mention : Appel à candidature pour le recrutement d’un Cabinet pour l’Audit de l’Agence de Stabilisation et de Régulation des Produits Pétroliers (ASRP) en République Centrafricaine. “A N’OUVRIR QU’EN SEANCE D’OUVERTURE DES PLIS” Le Coordonnateur du LICUS III Abdalla-Kadre ASSANE


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Recrutement

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Avis de Recrutement

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l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), est une organisation à but non lucratif créée en 2006 dans l’optique de collaborer avec les gouvernements africains, les exploitants, les bailleurs de fonds, les ONG et le secteur privé pour réduire la faim et la pauvreté en Afrique à travers le développement agricole. L‘AGRA est siégée à Nairobi, au Kenya et a un bureau à Accra, au Ghana. AGRA lance un avis d’appel à candidature pour le recrutement d’un Chargé de Programmes (Recherches). Le(a) candidat(e) retenu(e) sera affecté(e) à Accra pour contrat de trois ans renouvelable et sera sous les ordres du Vice Président d’AGRA Chargé de Politique et les Partenariats. Fonctions et Responsabilités Le titulaire du poste aura pour mission de: •Mettre en place un programme de troisième cycle de formation régionale en agriculture et économie appliquée (CPTAAE) y compris le programme et d‘identifier les ministères et des universités pour accueillir les programmes; •Identifier les besoins de renforcement des capacités en économie agricole et appliquée ainsi que l’analyse de politique; •Élaborer un programme de recherche pour soutenir le renforcement des capacités nationales en matière d‘analyse de politique et de plaidoyer; •Identifier les étudiants potentiels à être formés dans le cadre du Programme CPTAAE et aussi d’identifier et de recruter les boursiers et stagiaires du troisième niveau à être affecter à des institutions de politiques nationales; •Contribuer à l‘élaboration d‘une stratégie de politique globale pour l‘AGRA et évaluer les politiques agricoles nationales et régionales à travers les payscibles d’AGRA; •Aider les gouvernements nationaux dans la conception et la mise en œuvre des politiques favorables aux pauvres en vue d’accélérer l‘adoption à grande échelle des technologies de la révolution verte; et •Soutenir l’établissement des plates-formes nationales de plaidoyer en vue d’influencer les politiques agricoles, la formulation et le suivi et l‘évaluation des impacts du CPTAAE et les Programmes de recherches en politiques.

Qualifications requises Le (a) candidat doit: •Etre titulaire d’un Masters en Economie Agricole, Administration publique ou Science Economique et faire preuve d’une forte expérience en recherche et en publication ainsi qu’une expérience d’enseignement á l’université. Un Doctorat en Economie Agricole ou dans un domaine connexe sera un avantage; •Faire preuve d’expérience de cinq ans en élaboration des programmes de doctorat et de programme de bourse de recherche ainsi qu’en élaboration et mise en œuvre des politiques agricoles en vue d’appuyer les petits fermiers; •Justifier d’une expérience professionnelle avec les organisations nationales, régionales et internationales en tant que cadre sera un avantage; •Expérience de dialogue sur les politiques à des hauts niveaux gouvernementaux avec une forte capacité d’aider à l’orientation des programmes de développement; •Faire preuve de Leadership et de compétence administrative; •Disposé à voyager et être capable de travailler dans un environnement multiculturel sous pression, tout en donnant de bons résultats; •Faire preuve d’une Maîtrise de l‘anglais et une connaissance pratique du français; et •Excellentes compétences en communication orale et écrite ainsi qu’une maîtrise des logiciels Microsoft Office.

Visiter le site AGRA, www.agra-alliance.org, pour vous renseigner davantage. The Director - Executive Selection Division Deloitte Place, P.O.Box 40092, Nairobi GPO 00100, Kenya email: agra@deloitte.co.ke phone: +254 (0) 20 423 0000 fax: +254 (0) 20 444 8966

© 2011 Deloitte & Touche

International press group is seeking for its Pan-African monthly English-language publication, a

PRODUCTION EDITOR JOB DESCRIPTION : Under the supervision of the publisher and the editor in chief, you: • guarantee the timely production of the magazine and its content. • oversee the production process, from copy commissioning to closure and dispatch to the printer. • control and organise the production, in association with the graphic designer and photo editor. • are responsible for quality control. • ensure that deadlines are respected and that the flat plan is adhered to, ensuring that the advertising requirements are met. • mediate in the case of any incompatibility between advertising and editorial. • liaise with the printers (manage execution, costs and invoicing).

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Afrique/Europe ◆ H/F Vous accompagnez le développement de l'activité institutionnelle du groupe en Afrique. Responsable de la stratégie commerciale, vous optimisez la relation avec les clients (gouvernements et institutions) en proposant de nouveaux produits adaptés à leurs besoins et assurez la bonne exécution des contrats. Vous exercez votre rôle en accord avec les objectifs fixés et dans le respect des standards. Diplômé(e) d'une grande école de commerce, vous disposez d'un minimum de 8 ans d'expérience en Afrique dans des fonctions de direction commerciale régionale, idéalement auprès d'organismes institutionnels et de gouvernements. Doté(e) de grandes capacités de négociation et d’une forte culture du résultat, vous maîtrisez l'anglais.

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Merci d’adresser votre CV par e-mail (format WORD) : afrique@michaelpage.fr avec en objet la réf. QMNA 579500 à Marion Navarre (Bureau de Neuilly-sur-Seine).

Please send letter and CV with photo to The Africa Report by email:

www.michaelpageafrica.com

Proeditor@theafricareport.com

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Recrutement

Les candidats intéressés à ce poste sont priés d’envoyer un CV et une lettre de motivation et mentionné le poste actuel, le salaire, l’e-mail et les coordonnés, et vous êtes prié de citer le numéro de référence POF-03/11 dans la demande d’emploi et sur l’enveloppe. La lettre de motivation doit être reçue au plus tard le 25 Mars 2011 à:


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Divers

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AMBASSADE DE FRANCE AU SÉNÉGAL

AVIS D’APPEL A CANDIDATURES

VENTE D’UN IMMEUBLE DOMANIAL A DAKAR Désignation de l’immeuble : CAMPUS DE FANN Situation : lieudit Camp Claudel - Corniche de Fann Vendeur : Etat Français - Ambassade de France au Sénégal - 1 rue El Hadji Amadou Assane Ndoye - Dakar Modalité de présentation des offres : Une notice décrivant les modalités de présentation des offres par les candidats peut être retirée à : Ambassade de France au Sénégal - Secrétariat général 1 rue El Hadji Amadou Assane Ndoye – BP 4035 - Dakar Tél. (221) 33 839 53 35 / 53 40 ou 53 13 – Fax (221) 33 839 53 49 Email : safu.dakar-amba@diplomatie.gouv.fr (du lundi au vendredi de 9h00 à 12h00) ou auprès de Office Notarial - Maître Tamaro SEYDI Résidence Tamaro - rue Mohammed V – 3e étage A et E - Dakar Tel : (221) 33 842 05 34 et 33 821 76 08 - Fax : (221) 33 842 52 06 Cel : (221) 77 569 51 46 - Email : etudetamaro@yahoo.fr Le cahier des charges est également accessible sur le site internet de l’Ambassade de France au Sénégal : www.ambafrance-sn.org / rubrique Actualités de l’Ambassade Les visites sont possibles uniquement sur rendez-vous à prendre auprès du secrétariat général de l’Ambassade de France : Ambassade de France au Sénégal - Secrétariat général 1 rue El Hadji Amadou Assane Ndoye – BP 4035 - Dakar Tél. (221) 33 839 53 35 / 53 40 ou 53 13 – Fax (221) 33 839 53 49 Email : safu.dakar-amba@diplomatie.gouv.fr (du lundi au vendredi de 9h00 à 12h00) Les offres, sous pli cacheté, conformes au cahier des charges, seront reçues à l’Ambassade de France jusqu’au lundi 9 mai 2011 avant 12 heures.

PRIX ABDOULAYE FADIGA POUR LA PROMOTION DE LA RECHERCHE ECONOMIQUE La Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) lance un appel à candidatures pour l'édition 2012 du « Prix Abdoulaye FADIGA pour la promotion de la recherche économique », dénommé « Spécial Cinquantenaire de la BCEAO ». D'une valeur de quinze (15) millions de FCFA pour l'édition 2012, ce Prix s'adresse aux chercheurs ressortissants de l'un des huit (08) Etats membres de l'UEMOA (Bénin, Burkina, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo), résidant ou non sur le territoire de l'Union et âgés de quarante-cinq (45) ans au plus au 31 décembre 2012. Le travail de recherche à soumettre doit être présenté sous forme d'article publiable. Il peut être l'œuvre d'une personne ou d'une équipe. Pour cette édition du Prix, les thèmes de recherche doivent s'inscrire dans les problématiques ci-après : • l'objectif de stabilité des prix dans les pays de l'UEMOA ; • le développement du secteur financier dans l'UEMOA ; • et l'accélération de la croissance économique dans les pays membres de l'UEMOA. Le Règlement du Prix et la fiche de candidature peuvent être téléchargés sur le site Internet de la BCEAO : http://www.bceao.int, rubrique « Prix Abdoulaye FADIGA ». Ils peuvent également être obtenus au Siège de la BCEAO, auprès de la Direction des Affaires Juridiques, dans les Agences Principales de la BCEAO, ou à la Représentation de la BCEAO auprès des Institutions Européennes de Coopération à Paris. Le délai de soumission des dossiers de candidature est fixé au 31 décembre 2011. Le dossier de candidature devra comporter tous les éléments requis pour son éligibilité et être transmis à l'adresse électronique : courrier.daj@bceao.int. Pour toutes informations complémentaires, écrire à cette adresse électronique. Toutes les formalités liées à la candidature à ce Prix sont gratuites. JEUNE AFRIQUE N° 2617 – DU 6 AU 12 MARS 2011


VOUS & NOUS 143

CE M O IS - CI DAN S L A R E V UE

Le temps des révolutions

A

lors que les peuples se soulèvent, de la Libye à poids réel des Frères musulmans, mais aussi l’implicaBahreïn en passant par l’Algérie et le Yémen, tion de Barack Obama dans la fuite du raïs et l’impact le numéro 10 de La revue revient sur les deux que les événements du Caire pourraient avoir sur la révolutions qui ont, en quelque sorte, donné prochaine élection présidentielle américaine. le coup d’envoi de cet embrasement général du monde arabe. Chute de Ben Ali en Tunisie, départ précipité de AU CŒUR DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS Moubarak en Égypte : le mensuel consacre un dossier Et parce que La revue veut proposer chaque mois à de 32 pages à ces révolutions d’un nouveau genre. Pour ses lecteurs un éclairage sur le monde dans sa diverla première fois, analyse Hamid Barrada, les citoyens sité, ce numéro les entraînera en Chine, à la découde ces pay s sont descendus verte du Parti communiste. Un dans la rue pour réclamer des parti auquel adhère encore un LE PREMIER MENSUEL GÉNÉRALISTE DE LANGUE FRANÇAISE droits, exprimer des exigences Chinois sur dix, mais dont on légitimes, sans un mot de haine peut s’interroger sur le poids pour l’Occident, les États-Unis réel a lor s que le pay s s ’e st POLITIQUES ÉCONOMIES SOCIÉTÉS CULTURES ou Israël. converti au libéralisme éconoNouveau collaborateur de mique le plus débridé. La revue, Gérard Haddad se L a r e v u e a lu , au s s i , l e s livre à une psychanalyse de ces Mémoires de l’ancien secrérévolutions arabes, tandis que taire à la Défense de George Tunisie, Claude Sitbon écrit la joie teintée W. Bush, Donald Rumsfeld. Elle Égypte… d’inquiétude des Juifs israéliens s’est penchée sur les activités Coup sur coup, deux dictateurs arabes, Ben Ali originaires de Tunisie, qui n’ont de la richissime fondation Bill et Moubarak, sont emportés par des révoltes populaires. Ce n’est qu’un début. pas oublié que c’est Ben Ali qui, et Melinda Gates, ainsi que sur en son temps, a établi des relales relations tumultueuses du tions diplomatiques avec Israël. New York Times et du patron de La situation de l’économie WikiLeaks, Julian Assange. t u n i sie n ne et le s dé f i s que L’Europe n’est pas oubliée, devront relever les successeurs avec un décryptage du « multiDOSSIER 32 PAGES de Ben Ali dans ce domaine sont culturalisme » à l’allemande également analysés, tandis que, qu’Angela Merkel vient de prédans une longue interview, Yves senter comme un échec, et une Aubin de La Messuzière – qui fut analyse de la « méthode TriLa revue, n° 10, mars 2011, 148 pages, 4 euros (3 000 F CFA). ambassadeur de France à Tunis chet » face à la crise financière. de 2002 à 2005 – décrit le foncSans compter une rencontre tionnement d’un régime qu’il hésite à qualifier de « dicavec Roberto Saviano, l’auteur traqué du livre Gomorra, tature ». Le rôle de l’armée, la position de la France, une enquête sur la lutte contre le paludisme et le sida, le pouvoir réel de Leïla Trabelsi et de ses proches : le un reportage sur le business de la piraterie en Somalie diplomate livre son point de vue, sans oublier de donet un sujet original sur les astuces et les trouvailles qui ner son avis sur le tout nouvel ambassadeur en poste facilitent la vie des populations des pays du Sud. en Tunisie. Un témoignage qui prend une saveur toute L’évasion et la culture ne sont pas en reste, avec un particulière après la polémique qu’ont déclenchée les propos récents de Boris Boillon devant la presse tunisienne. Autre inter view : celle de Lakhdar Brahimi, fin connaisseur du monde arabe. Reconnaissant qu’il a été, comme grand article consacré à la nouvelle peinture arabe, tout le monde, surpris par le soulèvement des Égyptiens une découverte de l’île paradisiaque de Saint-Barth, et par son succès, l’ancien ministre algérien des Affaiune visite du nouveau palace de Marrakech et une res étrangères remet les événements en perspective. dégustation du café le plus cher du monde. Une somme Et répond aux questions que chacun peut se poser sur complète et éclectique, comme chaque mois dans les conséquences pour Israël, les Palestiniens, l’Algérie La revue. ■ OLIVIER MARBOT du départ de Hosni Moubarak, la situation en Irak, le ●

MARS 2011

4€

No 10 - Mars 2011

No 10

Effigie de Moubarak exposée place Tahrir, au Caire, en février.

La fin d’un monde

N o 10 - Mars 2011 - ÉDITION GÉNÉRALE

• Algérie 450 DA • Allemagne 4,50 € • Belgique 4,50 € • Canada 6,95 $ CAN • DOM 4,20 € • États-Unis 6,95 $ US • Espagne 4,50 € • Finlande 4,50 € • Italie 4,50 € • Maroc 40 DH • Portugal 4,50 € • Royaume-Uni 4,50 £ • Suisse 7,50 FS • Tunisie 9 DT • Zone CFA 3 000 F CFA

Les citoyens sont descendus dans la rue sans aucun mot de haine pour l’Occident ou Israël.

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COURRIER DES LECTEURS Astres et révolutions ■ Révolution en Tunisie, révolution en Égypte, révolution en Libye… Que nous arrivet-il ? On lève les yeux au ciel pour voir s’il n’est pas en train de nous tomber sur la tête. Que remarque-t-on justement dans ce ciel ? Ce qui frappe de prime abord c’est un événement assez particulier qui a toujours marqué les révolutions, les grands bouleversements, à savoir une conjonction Jupiter-Uranus qui s’est produite en janvier à 27° du signe des Poissons. En astrologie traditionnelle, cette position est décrite comme « un tremblement de terre », degré de renversement, calamité soudaine et imprévue. Mais qu’a-t-elle à voir avec la Tunisie, réputée le pays le plus paisible du Maghreb, et avec les autres pays de la région et du Moyen-Orient, touchés par cette vague de soulèvements populaires ? Pour le comprendre, penchons-nous sur ce qui se passe aujourd’hui en Libye. Le thème du « Guide », né le 19 juin 1942, présente un amas de planètes en Gémeaux, Saturne, Uranus, suivis de Mercure et Soleil ; Jupiter puissant en Cancer et surtout une conjonction Mars-Pluton en Lion, aspect on ne peut plus violent. L’aspect dissonant de Neptune, en Vierge, au Soleil amplifie les rêves utopiques et la négation de la réalité. Le Milieu du ciel (la position sociale) occupe le degré 25 des Poissons. La prise de pouvoir le 1er septembre 1969 s’est déroulée sous l’égide d’une triple conjonction Uranus-JupiterMercure en aspect dissonant à Jupiter natal et au moment où Pluton passait en Vierge sur la même position que Neptune natal. Saturne en Taureau est mal aspecté à la conjonction

CONGO-BRAZZA SASSOU DIT TOUT (OU PRESQUE)

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e ANNÉE • N° 2616•du 27 février au 5 mars 2011

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TUNISIE SUR LA PISTE DU CLAN BEN ALI BÉNIN BONI YAYI PEUT-IL PERDRE? CÔTE D’IVOIRE AU CŒUR D’ABOBO

Kaddafou Pourquoi et comment le dictateur libyen en est venu à massacrer son peuple. ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT France 3,50 € • Algérie 170 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 Birr • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285

J.A. n° 2616 du 27 février.

Mars-Pluton en Lion de naissance. La conjonction qui vient de se produire en Poissons affecte de manière négative, d’une part le Soleil et Neptune de naissance, et d’autre part le Milieu du ciel. Malheureusement, Jupiter est entré en Bélier dès la fin du mois de janvier, et il active la conjonction Mars-Pluton de naissance et par conséquent la violence à laquelle nous assistons. Le Soleil et Mars en Poissons viendront à leur tour affecter, surtout à partir du 7 mars, les planètes de naissance en Gémeaux et mettre fin au cauchemar des Libyens. Cela peut-il nous éclairer sur l’avenir des autres pays du Maghreb, dont l’Algérie? Le président Abdelaziz Bouteflika est né le 2 mars 1937 à Oujda (Maroc) sous le signe des Poissons avec Soleil et Saturne dans ce signe, opposés à Neptune en Vierge. Ce Saturne forme un triangle (dit de la chance) dans des signes d’eau (ce qui lui confère une grande sensibilité) avec Mars très puissant en Scorpion, et Pluton en Cancer. De son côté, Jupiter en Capricorne est opposé à Pluton en Cancer. La conjonction Jupiter-Uranus

qui vient de se produire s’effectuait sur le Saturne natal du président. Il ne s’agit pas d’une position favorable de cette planète (le roc, la montagne, la sagesse) dans un signe d’eau. Mais elle a lieu sur un sommet du triangle de chance, ce qui donnerait un certain délai au président algérien et le temps pour lui de répondre aux aspirations du peuple. Il sera beaucoup plus affaibli en avril quand se produira une importante concentration de planètes dans le signe du Bélier, en aspect dissonant violent aux planètes natales Jupiter et Pluton. Il serait bien inspiré de profiter de ce répit pour répondre aux attentes des Algériens. Terminons ce petit tour d’horizon par le roi Mohammed VI, né le 21 août 1963 à Rabat et qui a accédé au trône le 30 juillet 1999. À sa naissance, le Soleil trônait sur le signe du Lion – comme il se doit pour un roi – en compagnie de Vénus. On note qu’Uranus, Pluton, la Lune et Mercure en Vierge se penchaient également sur son berceau, tandis que Mars et Balance, Neptune en Scorpion (l’Islam) et Jupiter en Bélier complétaient le cortège. Au moment du couronnement, le Soleil et Vénus étaient revenus dans le signe du Lion, comme à la naissance, tandis que Mars venait repasser sur Neptune natal, Uranus se plaçait sur Saturne natal, en même temps que la Lune et Neptune, Jupiter et Saturne séjournaient dans le signe du Taureau, Pluton en Sagittaire soutenait de toute sa puissance ce Soleil du couronnement. L’événement astrologique du 5 janvier 2011 n’affecte que les planètes rapides en Vierge, Lune et Mercure (le peuple et la jeunesse) qui réagiront sans trop de violence. Ce mois de mars s’avère plus délicat et le roi sera amené, dès avril, à opérer des changements importants. POSÉIDON

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Genèse des révoltes populaires

■ Si les peuples arabes se sont révoltés contre les pouvoirs établis, c’est tout simplement à cause des inégalités, du favoritisme, du mépris, du chômage imposé, de la désorganisation des Parlements dirigés par les députés membres des partis au pouvoir. Quant à la jeunesse diplômée des universités, on lui a imposé un travail précaire, sous-payé, pendant que les fils des ministres et des responsables jouent avec des millions en créant des entreprises fictives pour amasser des sommes colossales. Des travailleurs ont été roulés pour qu’ils acceptent les privatisations sauvages de leurs entreprises. Les pauvres retraités, par centaines de milliers, ont du mal à toucher leur dû pour défaut de liquidités ou absence de connexion internet. Lorsque les prix des produits de première nécessité augmentent, le ministre du Commerce affirme qu’ils sont libres conformément à la loi de l’offre et de la demande. À cela s’ajoute la lenteur administrative : il faut un mois pour obtenir un extrait de naissance. Sans oublier la hausse des taxes, le favoritisme, la corruption à tous les niveaux, le diktat des importateurs, qui imposent les prix qui leur conviennent, sans tenir compte des normes et de la réglementation. ABDELKADER BEN BRIK, COURRIEL

Faut-il publier des photos dʼenfants ?

■ J’ai bien lu et apprécié vos articles sur la piste du clan Ben Ali (J.A. no 2616). J’y ai trouvé un mélange de pudeur et de prudence entre la recherche de la vérité et le désir d’éclairer les lecteurs sur un système mafieux. Une question me perturbe cependant, sur laquelle je sollicite, en toute amitié, votre point de vue : faut-il publier les photos de personnes mineures, même s’il est vrai que leurs parents sont des criminels économiques de triste mémoire ? SLIM BEN AYED, TUNISIE

Réponse : Nous comprenons votre émotion. Ces enfants

ne sont, bien sûr, en rien responsables des actes de leurs parents. La publication de leur image était une maladresse et le résultat d’un manque de vigilance. Nous présentons nos sincères excuses à nos lecteurs et aux enfants concernés. DAN TORRES, DIRECTRICE PHOTO

Côte dʼIvoire : la piste africaine

■ Chacun de nous a exprimé sont point de vue sur cette crise politico-sociale ivoirienne. Peu d’entre nous sont restés impartiaux. On a affaire à deux blocs qui se haïssent. Mais chaque bloc doit se dire que la clé de cette crise se trouve entre les mains des Africains en général, et des Ivoiriens en particulier. Chacun doit se dire que le mal est déjà là, et qu’il faudrait intervenir sereinement et avec perspicacité. Il faut arrêter de croire que l’Occident demeure notre seul recours pour atteindre le bonheur auquel nous aspirons tous en Afrique. Que le camp Gbagbo se dise qu’il n’a pas affaire à des Occidentaux et que celui d’Alassane sache aussi qu’il ne va pas gouverner pour l’Occident. Nous devons montrer notre maturité au reste du monde. Cela passe par une solution africaine élaborée par les Africains eux-mêmes. Que l’Onuci reconnaisse que sa mission a été un échec. MARCEL K ABA DIARRA, BAMAKO, MALI

Oublier lʼesprit de Berlin

■ Ouverte le 15 novembre 1884 au 92, Wilhelmstrasse, la conférence de Berlin, au cours de laquelle le sort du continent a été décidé sans qu’il ait été consulté, s’était achevée le 26 février 1885. C’était la mort de l’identité et de l’intégrité africaines. Cent vingt-six ans après, l’Africain continue à s’en prendre au Blanc, à l’homme occidental, comme si c’était lui la source de sa perdition. Il a tort, car il ignore que, dans la vie de tous les jours, chacun est maître de son destin et que ses gémissements ne pourront qu’aggraver sa situation. À force de crier toujours à l’injustice, au « deux poids deux mesures », l’Africain reconnaît son incapacité de décider de son propre sort. Ce n’est pas parce que nous avons été lésés dans le passé que nous devons demeurer nostalgiques. Ayons le courage de nous regarder dans un miroir et servons-nous de notre passé pour renforcer notre capacité à défendre nos intérêts. L’Africain doit choisir entre pérenniser l’esclavage mental, caractérisé par son adhésion aveugle à la philosophie religieuse coloniale qui l’aveugle et l’abrutit, et se déterminer pour sortir de ce carcan en renouant avec ses valeurs ancestrales profondes. Et reconnaître à l’Autre, l’Étranger, l’homme occidental, le droit de se battre, de vouloir dominer, de chercher à améliorer sa condition. AGAMAKA BAZA-MATA, POINTE-NOIRE, CONGO-BRAZZAVILLE


POST-SCRIPTUM

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL

P O L I T I Q U E , É C O N O M I E , C U LT U R E Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (51 e année)

Édité par SIFIJA

Révolutions dans la révolution QUELLE QUE SOIT L’ISSUE de la révolution tunisienne, elle aura été la première à rompre avec certains réflexes arabomusulmans, dont l’invocation du « complot de l’étranger ». Le soulèvement de janvier dernier était débarrassé de ce que certains appellent péjorativement le « circus arabe », qui consiste à conspuer l’Occident et, en prime, à brûler les drapeaux FAW ZIA américain et israélien. Pas un Tunisien ZOUARI n’aurait admis la thèse de la main étrangère avancée par Ben Ali. Cela a, bien au contraire, renforcé la détermination des manifestants. La révolution rompt également avec une idéologie religieuse qui prétend mener la lutte des peuples au nom d’Allah (fi sabil Allah) et la justifie par le djihad, une notion à laquelle les Tunisiens ont substitué la thawra (« révolution »), assortie des slogans « liberté » et « démocratie », qui vont à l’encontre d’une orthodoxie centrée sur l’obéissance au calife et la soumission au dogme. Les manifestants de Tunis n’arboraient aucun signe religieux. Seul comptait l’hymne national écrit par un poète… C’est la première révolution laïque du genre en terre d’islam ! La comparaison est frappante avec les autres soulèvements arabes actuels, ponctués par des « Allah akbar » et relayés par des religieux, dont le fameux Qardaoui officiant sur Al-Jazira dans le costume du révolutionnaire. Le même Qardaoui qui, en commentant l’immolation de Bouazizi, s’était fendu d’une fatwa condamnant le suicide en islam. N’en déplaise au cheikh d’Al-Azhar, les Tunisiens viennent de révolutionner le modèle du héros : Bouazizi s’est immolé sans se désigner martyr d’un dogme ou d’une idéologie. Il n’a pas réclamé sa part d’au-delà, ni songé aux vierges du paradis. Il est mort pour raison de dignité. Point. Pas de youyous, ni de litanies. Autre élément : la présence massive des femmes. Ailleurs, le deuxième sexe n’a rejoint que plus tardivement les mouvements de rue arabes. Au Yémen ou à Bahreïn, il se soumet à la configuration spatiale traditionnelle qui sépare les hommes des femmes. En Tunisie, on a vu marcher côte à côte garçons et filles. À ce décloisonnement entre les sexes s’ajoute une rupture avec le schéma anthropologique des sociétés traditionnelles : la décision de la jeunesse tunisienne de mettre un terme au règne des « vieux » remet en question le sacro-saint principe du respect dû aux anciens et l’ancienne configuration du pouvoir fondée sur l’allégeance de la ra’iyya (« peuple ») au ra’i (« chef »), relayée par le modèle du raïs-père de la nation. La revendication d’un système électoral basé sur un programme politique va à l’encontre des vieilles alliances fondées sur la subjectivité du lien familial et des solidarités claniques. Il n’est qu’une preuve pour se persuader de la modernité du pays de Carthage : le spectacle de ce qui se passe sur ses frontières, à savoir la folie tragicomique que Kaddafi impose aux siens et qu’il joue sur fond de codes tribaux, de lyrisme suranné et d’une geste délirante. Bref, un scénario surgi de la Jahilyya, cette époque dite de « l’Ignorance », qui a précédé l’islam et qui remonte à quatorze siècles. ■

Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com Direction Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents : Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed, Amir Ben Yahmed Rédactrice en chef déléguée : Élise Colette Rédacteur en chef technique : Laurent Giraud-Coudière Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section: Joséphine Dedet (Focus), Philippe Perdrix (Coverstory), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb et Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (International), Cécile Manciaux (Le Plus), Jean-Michel Meyer (Ecofinance), Séverine Kodjo-Grandvaux (Lire, écouter, voir), Tshitenge Lubabu M.K. (Vous et Nous) Rédaction: Pascal Airault, Stéphane Ballong, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, Constance Desloire, Georges Dougueli, Christophe Le Bec, Marianne Meunier, Nicolas Michel, Fabien Mollon, Pierre-François Naudé, Ophélie Négros, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Leïla Slimani, Justine Spiegel, Cécile Sow (à Dakar), Fawzia Zouari; collaborateurs: Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Muriel Devey, Chedli Klibi, André Lewin, Nicolas Marmié, Patrick Seale, Cheikh Yérim Seck; accords spéciaux: Financial Times RÉALISATION Maquette : Zigor Hernandorena (directeur artistique), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier, Émeric Thérond ; révision : Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol ; fabrication : Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo ; service photo : Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled ; documentation : Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ; responsable web : Jean-Marie Miny ; rédaction et studio : Cristina Bautista, Haikel Ben Hmida, Pierre Boisselet, Maxime Pierdet, Lauranne Provenzano VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; marketing et communication : Patrick Ifonge ; ventes au numéro : Sandra Drouet, Caroline Rousseau ; abonnements : Céline Champeval avec : COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le Plessis-Robinson Tél. : 33 1 40 94 22 22, Fax : 33 1 40 94 22 32. Courriel : jeuneafrique@cometcom.fr ■ COMMUNICATION ET PUBLICITÉ

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