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MALI IBK : PEUT MIEUX FAIRE ! Spécial 16 pages jeuneafrique.com

Hebdomadaire international indépendant • 54e année • no 2802 • du 21 au 27 septembre 2014

ENTREPRISES COMMENT LE MAROC A CONQUIS L’AFRIQUE

DOSSIER AGRO-INDUSTRIE Spécial 10 pages

ISLAM

Le business

du hajj Enquête sur les bonnes affaires du pèlerinage ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT France 3,50 € • Algérie 200 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1 100 MRO • Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 6 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285


Une nouvelle identité

au service d’une nouvelle ambition

Le groupe OGAR dispose d’une expérience de quarante années dans le métier de l’assurance. Se basant sur des valeurs solides telles que l’innovation, le professionnalisme, la proximité et la responsabilité sociale, le groupe est devenu leader au Gabon. Le plan stratégique Vision 2015 organise l’ambition du Groupe en axant tout particulièrement les efforts sur la satisfaction du client, le développement de la gamme de produits, l’innovation, la mise en place d’un système de management de la qualité et le développement international. Le Groupe OGAR change d’identité visuelle pour installer plus que jamais le client au cœur de son action quotidienne et mettre en avant l’accueil, la relation, la personnalisation, le conseil et la compétence. La nouvelle identité se veut moderne, dynamique et chaleureuse. Elle associe une typographie élégante et rassurante à une nuée d’oiseaux colorés, symbole de diversité et de solidarité. Elle manifeste, ainsi, la volonté du groupe d’aller plus haut et de s’internationaliser.

www.groupeogar.com


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Éditorial

Marwane Ben Yahmed

Vivants!

D

imanche 14 septembre, 14 h 30, aéroport de Tunis-Carthage. Massées dans le hall, des centaines de personnes attendent le retour après trois ans d’exil parisien de Mondher Zenaïdi, ancien ministre de Ben Ali (Transports, Commerce, Tourisme, Santé). Devant l’aéroport trônent un portrait géant de Habib Bourguiba et un immense drapeau tunisien. L’enfant de Kasserine débarque, on frise l’émeute, la police fait évacuer la foule. Ne vous y trompez pas : il ne s’agissait nullement d’une énième manifestation de révolutionnaires haineux contre tout ce qui leur rappelle l’ère « Zaba » – l’ancien régime. Au contraire, les slogans scandés sur fond d’hymne national chantaient les louanges du « héros » du jour : « Dieu est avec toi », « la Tunisie au-dessus de tout »… Il faut dire que Zenaïdi a davantage le profil d’un grand commis de l’État à la compétence reconnue que celui d’un porte-flingue ou d’un homme des Trabelsi ! Trois ans presque jour pour jour après les premières élections libres et démocratiques de l’histoire du pays, les Tunisiens s’apprêtent à retourner aux urnes : le 26 octobre pour les législatives, le 23 novembre pour la présidentielle. Paradoxalement, alors que la nature du régime a changé et que la présidence n’est plus ce qu’elle était, ces législatives ne passionnent guère les foules. Sans doute la culture du zaïm (chef ) reste-t-elle exagérément ancrée dans les mentalités… Quoi qu’il en soit, seuls les candidats, réels ou supposés, au Palais de Carthage cristallisent l’attention. Dans leurs rangs, ceux qui ont occupé de hautes fonctions sous Ben Ali (au gouvernement ou au Rassemblement constitutionnel démocratique, RCD), quelles qu’aient été leur proximité avec le raïs déchu et/ou les distances qu’ils ont été ultérieurement amenés à prendre avec lui, sont légion : de Mustapha Kamel Nabli (ancien patron de la Bourse de Tunis et ministre du Plan) à Kamel Morjane (Défense et Affaires étrangères), en passant par Abderrahim Zouari (Justice, Jeunesse, Éducation, Tourisme, Transports) et Mondher Zenaïdi. Inimaginable, il y a seulement quelques mois, même si, aujourd’hui encore, leurs

ambitions ne vont pas sans susciter de vives réactions. Qu’en penser ? Primo, que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et que leurs candidatures sont logiques, voire souhaitables. Tous ont été voués aux gémonies dès janvier 2011. Certains ont été incarcérés pendant de trop longs mois avant que leurs cas soient examinés par la justice. D’autres se sont vu confisquer leur passeport. Au bout du compte, tous ont été blanchis. Pourquoi donc se priver de leur expérience et de leurs compétences, avérées, contrairement à celles de certains de leurs successeurs ? Pourquoi les empêcher de concourir ? Exclure tous ceux qui ont exercé des fonctions officielles sous Ben Ali au nom d’on ne sait quelle pureté révolutionnaire est un non-sens. Une aberration. Deuzio, que Béji Caïd Essebsi, le porte-drapeau des destouriens, n’a pas su ou pas pu rassembler cette famille politique, la seule capable de lutter contre les islamistes et de rééquilibrer l’échiquier politique tunisien. Comme l’ensemble de l’opposition, elle ne tient aucun compte des trois années écoulées et s’obstine à se présenter en ordre dispersé. On peut reprocher beaucoup de choses

La Tunisie est sur le bon chemin: les gens réagissent, débattent, réfléchissent et peaufinent leurs arguments…

JEUNE AFRIQUE

à Ennahdha, mais au moins le parti islamiste sait-il adapter sa stratégie au contexte, évoluer et tirer les leçons de ses erreurs. Tertio – et c’est à vrai dire l’essentiel –, que la Tunisie est sur le bon chemin. L’exclusion des « ex- », comme naguère celle des islamistes, n’est plus à l’ordre du jour. Le pays se reconstruit avec l’ensemble de ses forces vives. Les gens réagissent, débattent, réfléchissent et peaufinent des arguments. Oh ! certes, l’ambiance est encore trop souvent cacophonique et l’on a parfois tendance à se perdre dans les méandres de la vie politique. Les temps sont durs, et la menace terroriste omniprésente dans les esprits. Mais comme le dit une amie tunisienne : « C’est formidable, on se sent enfin vivants ! » l N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

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PHOTOS DE COUVERTURES : ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB ET MOYEN-ORIENT : SUHAIB SALEM / REUTERS - ÉDITION AFRIQUE SUBSAHARIENNE : EMILIE REGNIER POUR J.A.

Vous retrouverez le « Ce que je crois » hebdomadaire de Béchir Ben Yahmed dans J.A. no 2803 daté du 28 septembre

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ISLAM

L’or pieux

du hajj

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MAROC Au royaume des champions LE PLU

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MÉLISMÉLOS MALIENS

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Confidentiel

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LA SEMAINE DE JEUNE AFRIQUE

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LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE Mélis-mélos maliens

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ÉCONOMIE Maroc Au royaume des champions Les indiscrets

Tribune Ebola : l’Afrique doit se battre Cameroun Francis Nana Djomou met un pied dans les plats Bourse Le tunisien Délice Holding assume son goût du risque Baromètre

Immigration Mort à crédit António Indjai On achève bien les parrains Michael J. Garcia L’incorruptible Ebola Chronique d’une panique Moyen-Orient Les Frères en galère Peine de mort Une lueur au bout du couloir Démographie Si la Tunisie m’était comptée

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G RAND ANGLE

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Islam L’or pieux du hajj

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AFRIQU E SUBSAHARIENNE

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Centrafrique À la Séléka, c’est chacun pour soi Santé Quand la bêtise est criminelle Coulisses Interview Henri Lopes, écrivain, candidat au poste de secrétaire général de la Francophonie

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M AG HREB & MOYEN-ORIENT

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Libye L’autre jihadistan Tunisie Menzel Bouzaiane la rebelle Jamal Benomar Militant un jour, militant toujours Coulisses EURO PE, AMÉRIQUES, ASIE

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Brésil Et si c’était elle ? Europe du Nord Marée brune

N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

UE

Turquie Permis de tuer Parcours Dominique Sopo, la sentinelle Corée du Nord Casse-pipe évangélique Coulisses

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AFRIQ

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DOSSIER AG RO-INDUSTRIE

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Minotiers Vos moulins vont trop vite

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C U LT U RE & M ED IA S Cinéma James Brown, frère d’âmes Exposition L’art de la com Littérature Interview d’Ousmane Diarra, conteur malien Design Ousmane Mbaye, l’homme de fer La semaine culturelle de Jeune Afrique VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum JEUNE AFRIQUE



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Affaire Guérandi Stupeur à Ouaga, silence à Yaoundé

DJIBOUTI ENCORE UN EFFORT !

Cela fait deux semaines que Mahmoud Ali Youssouf, le ministre djiboutien des Affaires étrangères, a annoncé à la télévision la conclusion imminente d’un accord politique global entre le pouvoir et l’opposition. Pourtant, rien n’est encore signé. Libérés une fois leur peine purgée, les chefs religieux Bachir et God ont été amnistiés–concessiondetaille de la part du président Guelleh –, tandis que les députés de l’Union pour le salut national (opposition) vont réintégrer le Parlement. Mais une divergence sur les modalités de mise en place des réformes proposées par la commission N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

paritaire (refonte de la Ceni, statut de l’opposition, légalisation des nouveaux partis, etc.) retarde la conclusion de l’accord. GUINÉE DADIS SUR LE GRILL

Après avoir longtemps piétiné, l’enquête sur le massacre du 28 septembre 2009 en Guinée progresse enfin. Trois magistrats guinéens vont se rendre à Ouagadougou afin d’entendre de nouveau Moussa Dadis Camara, l’ancien chef de la junte déjà brièvement auditionné comme témoin, le 23 juillet (une audition qu’avait appuyée Alpha Condé en téléphonant à Blaise Compaoré, son homologue burkinabè). Mais les juges espèrent tirer

frère et conseiller du président, qui y a ses bureaux. Enfin, côté camerounais, c’est le silence radio : le gouvernement n’infirme ni ne confirme la nouvelle. Bref, le mystère demeure entier sur le sort réservé à Mbara Guérandi. l

DR

À

Ouagadougou, les révélations de Jeune Afrique sur la disparition du Camerounais Mbara Guérandi (nº 2801, du 14 au 20 septembre 2014) ont suscité surprise et émoi. L’ex-capitaine putschiste, qui a vécu pendant près de trente ans dans la capitale burkinabè, s’y était fait des amis, mais ceux-ci l’avaient perdu de vue depuis plusieurs années. « Il passait beaucoup de temps en Europe et aux États-Unis, on ne le voyait plus beaucoup », se souvient un conseiller de Blaise Compaoré. Joint par téléphone, Gilbert Diendéré, le chef d’état-major particulier du chef de l’État, a déclaré n’avoir « rien à dire sur le sujet ». Le président lui-même s’était éloigné de celui qui fut pendant longtemps un ami. Parmi ses conseillers, nombreux sont ceux, même les plus proches, qui ont appris le sort réservé à Guérandi en lisant J.A. Pourtant, son épouse se trouverait toujours à Ouaga. Depuis plusieurs années, le couple était logé dans une villa du Conseil de l’entente, en plein centre-ville. Plusieurs personnalités du régime habitent ou travaillent dans ce quartier ultraprotégé. C’est le cas de François Compaoré,

p L’ex-capitaine putschiste et ennemi public numéro un du régime camerounais, disparu en 2013.

davantage de lui et peuvent compter sur le soutien de trois membres du gouvernement, en première ligne pour faire avancer l’enquête : le ministre de la Justice, Cheikh Sako, son collègue des Affaires étrangères, Louncény Fall, et Khalifa Gassama Diaby, aux Droits de l’homme. À Conakry, aussi, d’autres auditions vont avoir lieu,cellesnotammentdedeux ex-ministres:FodébaIstoKeira (Jeunesse et Sport) et Claude Pivi (Sécurité présidentielle). Les juges souhaitent également entendre l’ex-président Sékouba Konaté, ministre de la Défense à l’époque des faits. À noter que la Cour pénale internationale (CPI) est censée évaluer tous les six mois les

avancées de l’enquête. Mais que, lors de leur dernière visite à Conakry, en juin, les enquêteurs du bureau du procureur ont fait savoir que ce serait la dernière. À cause du virus Ebola. LIBYE LE SOUDAN SUR LA SELLETTE

Le gouvernement du Premier ministre Abdallah el-Thinni soupçonne fortement le Soudan de livrer des armes et des mercenaires aux milices islamistes et jihadistes. « Aux portes de la Libye, le régime d’Omar el-Béchir est le cheval de Troie du Qatar », estime un diplomate du « groupe des six » pays frontaliers (Tunisie, Algérie, Niger, Tchad, Soudan JEUNE AFRIQUE


Retrouvez en page 82 notre rubrique « Les indiscrets », consacrée aux informations confidentielles économiques

Politique, économie, culture & société

TUNISIE DIVERGENCES JIHADISTES

L’Assemblée nationale constituante tunisienne peine à boucler un projet de loi sur le terrorisme en raison de profonds désaccords entre les partis. Loi ou pas, une source au sein du mouvement jihadiste révèle que les combattants d’Ansar al-Charia seraient près de 2 500 en Tunisie, pour la plupart impatients d’en découdre. Ils estiment que l’actuel affaiblissement de l’État et la période électorale sont propices au déclenchement d’une offensive. Un point de vue que l’idéologue radical Khatib el-Idrissi ne partage pas. En l’absence d’instructions d’Abou Iyadh, leur chef stratégique, qui a fui le pays, il utiliserait son ascendant pour tenter de contenir ces dispositions belliqueuses. Dans un rapport à paraître, International Crisis Group confirme ces divergences au sein du mouvement et apporte des preuves des liens existant entre contrebandiers et jihadistes. LIBYE/ÉGYPTE HAFTAR ? « UNE DÉCEPTION »

À propos de la Libye, Abdel Fattah al-Sissi, le président égyptien, a une « communauté de vues » avec Jean-Yves le Drian, le ministre français de La Défense, qu’il a reçu au palais présidentiel d’Héliopolis, dans la soirée du 15 septembre. Les deux pays sont d’accord pour reconnaître la Chambre des représentants de Tobrouk comme « seule institution légitime », alors que d’autres Occidentaux, JEUNE AFRIQUE

Britanniques en tête, préfèrent maintenir le dialogue avec le Congrès général national (CGN), l’ancien Parlement. Sur le terrain, « le général Haftar nous a déçu, il a été incapable de contenir Ansar al-Charia, qui a même renforcé ses positions en Cyrénaïque », juge un responsable égyptien. Un consensus semble d’ailleurs se dégager pour l’écarter. « Depuis la nomination d’un nouveau chef d’état-major [le colonel Abdel Razzak Nadhouri, auparavant numéro deux de Haftar, le 24 août], le plan se précise : il faut poursuivre l’opération Dignité mais écarter Haftar », poursuit la même source.

UNION AFRICAINE APRÈS ZUMA, LAMAMRA ? Pour succéder à Nkosazana Dlamini-Zuma, dont on estime généralement qu’elle ne sollicitera pas en 2016 un second mandat à la présidence de la Commission de l’Union africaine, l’Algérie aurait d’ores et déjà un candidat de poids : Ramtane Lamamra, son actuel ministre des Affaires étrangères. C’est du moins ce que l’on avance de source très informée à Paris, où l’on ajoute que « les Algériens ont fait

savoir qu’ils préemptaient le siège ». Ancien ambassadeur, Lamamra, 62 ans, connaît bien les rouages de l’Union africaine pour avoir été son envoyé spécial au Liberia et occupé pendant cinq ans le poste de commissaire à la paix et à la sécurité. Il dirige la diplomatie algérienne depuis septembre 2013. « S’il se présente avec l’accord de l’Afrique du Sud et de l’Égypte, ce qui semble être le cas, il sera difficile pour le Nigeria de lui résister », estime-t-on à Paris.

MALI Merci Interpol C’EST GRÂCE À UN LECTEUR D’EMPREINTES fourni à la police malienne par la cellule antiterroriste d’Interpol et installé en août à Bamako par une petite équipe de spécialistes que le jihadiste algérien Meherig Djafar, dont la participation à l’attaque terroriste contre le site gazier d’In Amenas en janvier 2013 est considérée comme probable, a pu être identifié, début septembre. Arrêté par des combattants touaregs puis livré aux forces françaises qui l’ont ensuite remis aux gendarmes maliens, Djafar croupissait dans une prison de Bamako sous la fausse identité d’un berger. Les autorités algériennes ont d’ores et déjà demandé l’extradition de ce proche lieutenant de Mokhtar Belmokhtar. En visite le 11 septembre au siège d’Interpol, à Lyon, une délégation sécuritaire malienne conduite par le député Karim Keïta (président de la commission de défense à l’Assemblée nationale et fils d’IBK) a plaidé pour la mise en place au sein de la police d’un système biométrique AFIS (Système d’identification automatique des empreintes), maillon indispensable de la lutte antiterroriste. l

Kanté auditionné à Paris ANCIEN CONSEILLER SPÉCIAL d’Amadou ToumaniTouré pour ses affaires libyennes, Bany Kanté s’est spontanément présenté au juge d’instruction René Cros, à Paris, qui l’a entendu quatre heures durant, début septembre. Il souhaitait prendre les devants après la demande d’entraide judiciaire internationale (révélée par Jeune Afrique) que la France a transmise à la mi-août au ministère malien de la Justice dans le cadre de l’enquête sur le financement présumé de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Au cours de l’audition, Kanté a nié avoir joué le rôle de « porteur de valises » pour le compte de l’ancien président et démenti avoir entendu quelque propos que ce soit relatif à l’affaire. l

DR

et Égypte). Par ailleurs, la France souhaite que ledit groupe des six mette la pression sur le Qatar et la Turquie pour qu’ils cessent d’armer les islamistes. Problème : les voisins de la Libye estiment que c’est aux Occidentaux de le faire.

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p L’ancien conseiller spécial d’Amadou Toumani Touré. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


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La semaine de Jeune Afrique

IMMIGRATION

Mort à crédit Ils paient des passeurs sans scrupule à prix d’or pour traverser la Méditerranée. Cette année, trois mille migrants ont perdu la vie dans ce voyage. Un commerce lucratif et un drame humain face auxquels les Européens sont impuissants.

C

inq cents disparus, très probablement morts noyés dans un naufrage au large de Malte, le 10 septembre. Un nouveau drame de l’immigration, pour reprendre une formule convenue ? Ou un « homicide de masse », comme l’affirme l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui a révélé la tragédie en se fondant sur le témoignage de deux rescapés palestiniens, recueillis le lendemain N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

SAMY GHORBAL

par un cargo panaméen qui s’était dérouté pour secourir une autre embarcation ? Leur récit, corroboré par celui d’une dizaine d’autres naufragés retrouvés, est accablant. Leur esquif, parti quatre jours plus tôt du port de Damiette, en Égypte, a été volontairement harponné et coulé par les passeurs, de nationalité égyptienne et palestinienne, qui voyageaient sur une embarcation distincte. Les clandestins, qui avaient déjà changé trois fois de bateau, s’étaient rebellés quand on leur avait JEUNE AFRIQUE


XINHUA/SIPA

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ordonné de s’installer sur une embarcation encore plus frêle. Les passeurs ont attendu d’être certains que leurs « clients » avaient bien coulé avant de quitter les lieux… La lourdeur de son bilan et les circonstances dans lesquelles il a eu lieu font de ce naufrage le pire jamais survenu en Méditerranée. Il n’a pas suscité une indignation similaire à celle provoquée par la noyade, au large de Lampedusa, le 3 octobre 2013, de 366 candidats à l’exil originaires de la Corne de l’Afrique, qui avait entraîné le déploiement en urgence de l’opération italienne Mare Nostrum, destinée à secourir les migrants en mer. Les centaines de Syriens, de Soudanais et de Palestiniens morts dans la tragédie de Malte n’ont reçu en guise d’épitaphe que quelques lignes dans les journaux, preuve, sans doute, de la banalisation du phénomène et de l’insensibilité croissante de populations européennes puissamment travaillées par la tentation du repli identitaire face au « péril » de « l’invasion immigrée ». Il y a pourtant urgence: déjà dramatique depuis plusieurs années, la situation en Méditerranée est JEUNE AFRIQUE

p Sur une côte de Tripoli, en Libye, le 25 août.

devenue alarmante. Les sauveteurs italiens ont déjà secouru 65 000 migrants en détresse au cours des sept premiers mois de 2014. Au rythme où vont les choses, le chiffre de 120 000 sera atteint en fin d’année, soit un quadruplement par rapport aux prévisions initiales. ÉPARPILLER. LesautoritésdelaPéninsuleredoutent

une déferlante incontrôlable. Quelque 600000 candidats à la traversée attendraient de l’autre côté de la mer, sur les côtes libyennes, prêts à embarquer. Rome, qui doit aussi faire face à un afflux sans précédent de demandeurs d’asile (+140 % depuis le début de l’année) et qui assume entièrement le coût de la mission Mare Nostrum, menace l’Union européenne d’ouvrir ses frontières et de laisser s’éparpiller les clandestins sur le continent. Une menace déjà mise à exécution en 2011, l’année du Printemps arabe, par le gouvernement de Silvio Berlusconi, après l’arrivée de dizaines de milliers de harragas tunisiens et égyptiens, qui s’étaient rués sur les îles de Pantelleria et Lampedusa, au lll large de la Sicile. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


LITUANIE UANIE IE PAYS-BAS AS

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IRLANDE

ROYAUME-UNI AUME-UNI

BIÉLORUSSIE

RÉP. TCHÈQUE RÉP

LUXEMBOURG EMBOUR EMBOURG OURG OUR

Flux migratoires interceptés en Méditerranée en 2013

POLOGNE

ALLEMAGNE

BEL UE BELGIQUE

SUISSE

HONGRIE

xx

BULGARIE GARIE

ALBANIE ALB ALBANI ANIE

PORTUGAL PORTUG TUG

GRÈCE TURQUIE TUNISI TUNISIE

Évolution par rapport à 2012

SYRIE

MALTE

IRAK

CHYPRE

4 994

6 838 MAROC MAR SOURCE : FRONTEX

SERBIE

MONTENEGR MONTEN MON TENEGR TENEGRO EGR ESPAGNE

RUSSIE

ROUMANIE

CROATIE CRO ATIE BOS BOSNIE H.

Route migratoire

xx

MOLDAV MOL DAV DAVIE

AUTRICHE AUT FRANCE

Pays de l'Union européenne

Nombre total d'immigrants répertoriés

UKRAINE SLOVAQUIE

40 304

+7% %

ISRAËL AËL

+5%

-33%

+288%

283 28

ALGÉRIE

+63% 3%

dont 25% 5% d'Érythréens et 24% 4% de Syriens

24 799 799 dont 51% de Syriens

LIBYE

ÉGYPTE ARABIE SAOUDITE

dont nt 37% de Marocains Marocains ains

●●● Les statistiques de Frontex, l’agence européenne chargée de la surveillance des frontières extérieures de l’Union, indiquent elles aussi un afflux historique de migrants aux frontières de l’Europe et une forte augmentation des demandes d’asile (354 000 en 2013, en hausse de 30 %). La multiplication des conflits et l’effondrement de plusieurs États du pourtour méditerranéen (Syrie, Irak, Libye), ainsi que la poursuite des flux en provenance d’Afrique subsaharienne expliquent cette inflation vertigineuse. Véritable passoire livrée à des milices « gangstérisées », elles-mêmes impliquées dans la traite des clandestins, la Libye

LA FILIÈRE DES VRAIS FAUX MALIENS C’EST UN BONTUYAU que les migrants se transmettent : une fois sur le sol européen et en cas d’interpellation, mieux vaut prétendre être malien. L’intérêt de ce mensonge ? D’abord, en 2006 et en 2008, le président AmadouToumaniTouré avait refusé de signer un accord de réadmission, tenant tête à son homologue français Nicolas Sarkozy. Ensuite, dans le nord du Mali ou à Bamako, il est aisé de se procurer de faux documents d’identité. Enfin, les Maliens n’ont pas besoin de visa pour se rendre en Algérie ou au Niger. Et puis, en cas de retour forcé, il est plus facile de retenter « l’aventure » depuis le Mali que depuis le N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

Cameroun ou le Bénin… À Sebha, dans le sud de la Libye, de redoutables passeurs libyens prennent le relais de leurs « collègues » toubous, nigériens. Selon ceux qui sévissent à Agadez, au Niger, entre 1000 et 1500 migrants traverseraient illégalement la frontière chaque mois: Maliens, Gambiens, Camerounais, Ivoiriens, Sénégalais, et d’autres, venus d’Asie. À Zouara et dans les autres ports de Tripolitaine, des immigrés maliens, installés de longue date en Libye, fuient le chaos. Et, contre 1000 dollars, remettent leur destin entre les mains de trafiquants sans DOROTHÉE THIÉNOT scrupule. ●

constitue désormais un problème insoluble, à la fois pour ses voisins et pour l’Europe.

Prise de risques maximale et impunité pour les passeurs Au moins 20000 migrants auraient trouvé la mort en tentant la traversée, lors de ces deux dernières décennies, dont au moins 3 000 cette année. Et l’hécatombe n’est pas près de s’arrêter. Car l’immigration clandestine est devenue un commerce organisé et lucratif, les passeurs n’hésitant pas à affréter de gros navires, comme des chalutiers, capables de transporter jusqu’à un millier de passagers (le naufrage de l’un d’eux au large de la Tunisie, le 2 juin 2011, en provenance de Libye, fit plus de 200 morts). Même si, à en croire les statistiques de Frontex, 6 902 passeurs auraient été appréhendés l’an dernier, les gros poissons et les commanditaires échappent systématiquement aux poursuites. Ainsi, l’armateur du chalutier qui sombra le 3 octobre 2013 à Lampedusa (366 morts), originaire de Zouara, en Libye, n’a jamais été inquiété. Ce sentiment d’impunité pousse les passeurs à faire courir tous les risques à leurs « clients ». De même, et c’est l’un des effets pervers de Mare Nostrum, la certitude d’être secourus encourage les clandestins à prendre la mer même lorsque les conditions climatiques ne s’y prêtent pas. En situation de vulnérabilité extrême, ils peuvent également subir les pires atrocités au cours de leur périple, terrestre ou maritime.

Le drame des Érythréens du Sinaï Les Érythréens, qui sont entre 3 000 et 4 000 chaque mois à fuir la dictature d’Issayas Afewerki, JEUNE AFRIQUE


L’événement sont à cet égard des victimes toutes désignées. À l’instar des Éthiopiens, des Soudanais et des Ougandais, une partie d’entre eux avait pour habitude de se diriger vers Israël, pour y travailler ou demander l’asile. Mais depuis quelques années l’État hébreu a considérablement durci sa législation et, en 2012, fermé hermétiquement sa frontière sud. Mis au chômage forcé par la construction d’un mur de séparation étanche, les passeurs bédouins du Sinaï ont eu tôt fait de se reconvertir dans un business plus rentable encore: le kidnapping. « La péninsule est devenue le théâtre d’un monstrueux trafic d’êtres humains », dénonce la journaliste Cécile Allegra, qui a réalisé Voyage en barbarie, un saisissant reportage qui sera diffusé le 18 octobre sur la chaîne française Public Sénat. Les migrants, dont certains sont enlevés au Soudan par des tribus complices, sont séquestrés, enchaînés et sauvagement battus et torturés, au chalumeau et au fer rouge, parfois pendant des mois. Des « séances » retransmises, par Skype ou par téléphone, aux parents ou aux proches des victimes, installés en Europe ou en Amérique. La rançon ? Elle varie entre 10 000 et 50 000 dollars. Une étude belge intitulée « The Human Trafficking Cycle », publiée en 2013,

évalue à 50 000 le nombre d’Érythréens passés par les camps du Sinaï alors qu’ils voulaient gagner l’Europe ou Israël. Dix mille n’en sont jamais revenus. Aux prises avec l’insurrection salafiste, les autorités du Caire laissent faire…

Une responsabilité européenne ?

Kidnappés, ils sont libérés en échange d’une rançon qui peut atteindre 50 000 dollars.

L’Union européenne, qui ne peut pas et ne veut pas accueillir « toute la misère du monde », pour reprendre l’expression de l’ancien Premier ministre français Michel Rocard, se barricade et fait l’autruche. Pourrait-elle agir autrement, privilégier une autre approche, plus humaine ? C’est le souhait de bon nombre d’ONG, à commencer par Amnesty International, qui a publié en juillet une enquête au titre sans équivoque : « Le coût humain de la forteresse Europe ». On y apprend que 2 milliards d’euros ont été dépensés, en six ans, pour renforcer la surveillance des frontières, contre à peine 700 millions pour les réfugiés et les demandeurs d’asile. « Sa politique est criminogène, car elle fait la prospérité des réseaux de passeurs », estiment les auteurs du rapport. Un constat qui reste cruellement d’actualité. l

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La semaine de J.A. Les gens

António Indjai On achève bien les parrains Putschiste récidiviste recherché par la justice américaine pour complicité de narcotrafic, le chef d’état-major de l’armée bissau-guinéenne était devenu trop encombrant.

AFP/STR

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p Le patron des forces armées (ici à Bissau, en mai) a été limogé le 15 septembre.

D

ans les lieux publics de Bissau, on prononçait son nom à voix basse, surtout lorsqu’il s’agissait d’évoquer les nombreux trafics qu’on le soupçonnait de coordonner. De la coupe sauvage de bois au business de la cocaïne, on prêtait au général António Indjai, chef d’état-major de l’armée, un rôle de parrain tropical percevant sa dîme sur chaque cargaison. « L’armée fonctionne de manière collégiale, mais Indjai passait pour le principal organisateur de tous ces trafics », analyse un bon connaisseur du pays. Et nul, pas même dans la classe politique, ne s’aventurait à défier cet officier balante [l’ethnie la plus importante du pays, très représentée dans l’armée], à l’origine de deux putschs. Le 1er avril 2010, il renversait Carlos Gomes Júnior, le Premier ministre, et se débarrassait de José Zamora Induta, le chef d’état-major, dont il était l’adjoint. Trois mois plus tard,

il était nommé à ce poste clé dans un pays où, depuis l’indépendance, armée et pouvoir entretiennent des relations incestueuses. Il est alors déjà dans le collimateur de Washington, l’ambassade des États-Unis à Dakar ayant estimé que les « actes d’insubordination, d’indiscipline et de mutinerie » attribués à Indjai le rendaient « indigne de diriger les forces armées bissau-guinéennes ». IMPUNITÉ. En avril 2012, au lendemain

du premier tour de l’élection présidentielle, Indjai lance ses troupes hors des casernes et interrompt le processus électoral. Carlos Gomes Júnior, le candidat du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), est forcé de s’exiler, et le pays bascule dans une période d’instabilité dont il mettra deux ans à se relever. Dans les coulisses du régime intérimaire d’union nationale, l’influence du général est plus

forte que jamais. Les trafics explosent dans l’impunité la plus totale, et, pendant que des intermédiaires chinois exportent du bois par cargos entiers, les cartels de la cocaïne bénéficient de complicités au sommet des forces armées. Le 3 avril 2013, la Drug Enforcement Agency américaine procède à un coup de filet au large des côtes bissau-guinéennes et arrête le contre-amiral Bubo Na Tchuto, ex-chef d’état-major de la marine. Indjai parvient, lui, à éviter le piège. Depuis, il est recherché par la justice new-yorkaise et placé sous mandat d’arrêt international pour avoir accepté de prendre part à une transaction virtuelle destinée à acheminer de la cocaïne aux États-Unis. Même s’il reçoit le soutien de principe du régime de transition, l’accusation est lourde à porter pour un chef d’armée. PERFUSION. Lors de la double élection

de 2014 (présidentielle et législatives), tous les yeux sont rivés sur lui : va-t-il rééditer un coup de force si le « candidat de l’armée », Nuno Gomes Nabiam, son ami de trente ans, ne parvient pas à s’imposer face au PAIGC ? Et laissera-t-il un président entamer une réforme du secteur de la sécurité, que personne n’a jamais osé mettre en œuvre de peur de mécontenter les casernes ? Dans l’un des pays les plus pauvres du monde, sous perfusion de l’aide internationale, la réputation d’Indjai ne pouvait qu’indisposer partenaires et bailleurs de fonds, et entraver la marge de manœuvre du nouveau gouvernement. Le 15 septembre, Indjai a donc été démis de ses fonctions par le président José Mário Vaz, puis remplacé par le général Biague Nantam, un vétéran de la guerre d’indépendance. « Cela fait longtemps que le départ d’Indjai était en discussion, y compris avec lui, témoigne la même source. Reste à savoir quel type de garanties il a obtenu. » l MEHDI BA

NOMINATIONS

MOHAMED IBN CHAMBAS BNUAO Le Ghanéen a été désigné représentant spécial et chef du bureau des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest (BNUAO). Depuis 2012, il était représentant conjoint de l’Union africaine et des Nations unies pour le Darfour. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

LEONARDO DICAPRIO ONU L’acteur américain, 39 ans, a été nommé « messager de la paix » des Nations unies avec pour priorité la lutte contre le réchauffement climatique. Il a réussi à lever 25 millions de dollars lors d’un gala à Saint-Tropez en juillet. JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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MOHAMED MESSAI

FABRICE COFFRINI/AFP

HICHEM

Ce conseiller juridique au palais de Carthage a été nommé porte-parole de la présidence de la République tunisienne en remplacement d’Adnène Manser, remercié le 18 septembre. Il était auparavant juge au tribunal de Monastir. HASSANE KASSI KOUYATÉ

PATRICK BERGER/ARTCOMART

Michael J. Garcia L’incorruptible

À 51 ans, le metteur en scène et comédien burkinabè a été nommé à la direction du nouvel établissement public de coopération culturelle de la Martinique, appelé à devenir, en 2015, « scène nationale » française.

Le « Monsieur Éthique » de la Fifa a remis son rapport sur le « Qatargate ». Et peut passer au scandale suivant…

contraste, renforcer cette image d’intégrité. Selon The Sunday Times, Joseph Blatter, son président, et les 27 autres membres du comité exécutif (dont le Camerounais Issa Hayatou et l’Algérien Mohamed Raouraoua) avaient « trouvé » dans leurs chambres d’hôtel à São Paulo, durant le Mondial au Brésil, des montres Parmigiani Fleurier à près de 20 000 euros pièce. Une attention délicate, certes, mais que d’aucuns pourraient assimiler à de la corruption… Trois mois plus tard, la Fifa leur a demandé de rendre ces encombrants « cadeaux ». Michael J. Garcia ne peut donc que se féliciter de s’être montré ferme, en juin, face à un autre horloger suisse, Hublot. Dans le cadre de ses activités de sponsor de la Coupe du monde, la marque avait voulu offrir aux mêmes responsables deux montres d’une valeur de 33000 euros chacune. Et avait pris la peine, elle, de demander l’autorisation à celui que l’on surnomme « l’Eliot Ness de la Fifa ». En vain, forcément. l FARID ALILAT JEUNE AFRIQUE

DR DR

JEAN DAMASCÈNE NTAWUKURIRYAYO

PERSONA STARS/ZUMA/VISUAL PRESS

MONTRES. L’actualité tourmentée de la Fifa vient, par

Directeur général de la société Électricité de Guinée (EDG), cet ingénieur diplômé de la faculté d’électrotechnique de l’Institut polytechnique de l’université de Conakry a été nommé secrétaire général du ministère des Mines et de la Géologie. EN BAISSE

Le président du Sénat rwandais, 53 ans, en fonction depuis 2011, a dû démissionner le 17 septembre, après que ses collègues ont lancé une pétition mettant en cause sa gestion et des blocages administratifs. GÉRARD DEPARDIEU L’acteur français, exilé fiscal en Belgique, a avoué dans une interview au magazine So Film avoir abattu deux lions lors d’un voyage en Afrique. Il a plaidé la légitime défense après avoir confessé boire jusqu’à 14 bouteilles de vin par jour. TB JOSHUA

DR

L

e 5 septembre, Michael J. Garcia, président de la chambre d’instruction de la commission d’éthique de la Fifa depuis 2012, a remis son rapport sur les attributions des Coupes du monde 2018 et 2022 à la Russie et au Qatar. Au terme de deux années d’enquête, cet Américain de 53 ans a compilé 200 000 pages de « preuves » qui pourraient bien remettre en question, en particulier, l’organisation du Mondial par le richissime émirat. Ou, à tout le moins, causer de sérieux problèmes aux responsables suspectés de corruption dans le cadre du « Qatargate ». Car si la Fifa est une habituée des scandales, Michael J. Garcia, jugé intraitable et incorruptible, ne les laissera pas passer, qu’on se le dise ! Il n’y a qu’à voir le CV de cet avocat au cabinet Kirkland & Ellis, spécialiste de la lutte contre le terrorisme international, républicain convaincu, père de trois enfants et marié à une agente du FBI : il a été procureur fédéral du district sud de New York, vice-président d’Interpol pour les Amériques, secrétaire adjoint à l’Immigration et aux Douanes dans l’administration de George W. Bush…

NAVA TOURÉ

Le célèbre télévangéliste nigérian, 51 ans, a été mis en cause au lendemain de la mort de 80 de ses fidèles dans l’effondrement de l’un de ses immeubles à Lagos, le 12 septembre. Il affirme être victime d’un complot. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


La semaine de J.A. Décryptage t Campagne d’information du Pnud auprès d’écoliers, à Abidjan, le 15 septembre.

AFP PHOTO/SIA KAMBOU

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Ebola Chronique d’une panique Tandis que le virus se propage, les États du monde entier se mobilisent pour enrayer l’épidémie. À chacun sa méthode : l’imagination aussi, c’est contagieux !

G

uinée, Liberia, Sierra Leone… Dans ces trois pays, l’épidémie d’Ebola est hors de contrôle. Une bonne raison de s’alarmer. De Washington à Lagos, en passant par La Havane, Conakry ou Abidjan, des réactions inattendues, souvent guidées par la panique et, parfois, par la solidarité, se multiplient.

en Sierra Leone, aux côtés d’experts médicaux chinois. Dernière venue dans cette course géopolitico-sanitaire en Afrique de l’Ouest, la France a annoncé la mise sur pied d’un hôpital militaire en Guinée.

États-Unis et Cuba, même combat

Bien que la situation semble sous contrôle, les habitants – les plus fortunés – de Lagos préfèrent éviter les marchés et centres commerciaux bondés. Le site de vente en ligne Jumia a ainsi vu tripler ses commandes depuis la détection du premier cas, en juillet. Sans surprise, cette explosion est tirée par les produits d’hygiène, comme le savon et l’eau de Javel.

Après s’être affrontés en Afrique par rébellions interposées pendant des décennies au cours de la guerre froide, Américains et Cubains vont combattre le virus dans le même camp. Alors que Washington mobilise quelque 3 000 soldats, La Havane a annoncé l’envoi de 165 professionnels de santé (dont 62 médecins). Les ressortissants des deux pays, toujours en froid diplomatiquement, ne devraient toutefois pas se croiser sur le terrain : l’effort américain va se concentrer au Liberia, tandis que les Cubains sont envoyés N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

Explosion du shopping en ligne au Nigeria

Pas de grands raouts en Afrique de l’Ouest La Banque africaine de développement (BAD) proteste contre « les mesures draconiennes non indispensables » prises

pour lutter contre Ebola. Ce qui ne l’empêche pas de réfléchir à un report « de quelques semaines » des célébrations de son cinquantenaire, qui devaient avoir lieu début novembre à Abidjan, notamment en raison de la fermeture de lignes aériennes. La Guinée s’est pour sa part résolue à différer la fête d’anniversaire de l’indépendance, initialement prévue à Mamou (dans la région du Fouta-Djalon) le 2 octobre. Elle devrait avoir lieu en décembre – si la situation s’est suffisamment améliorée d’ici là.

Fini les poignées de main au Sénat kinois En RD Congo, le virus est confiné dans la région reculée de Jera et provient d’une souche différente de celle qui a provoqué l’épidémie ouest-africaine. Mais à Kinshasa, on prend des précautions. Ainsi, Léon Kengo wa Dondo, le président du Sénat, a signé une circulaire demandant à ses membres « d’éviter de se saluer par la main ».

Malte s’isole Joseph Muscat, le Premier ministre de l’île, est apparemment fier de lui. Le 18 septembre, il a déclaré avoir interdit l’accès de ses eaux territoriales à un cargo provenant de Guinée qui se rendait en Ukraine. L’équipage avait demandé à accoster pour soigner l’un de ses membres, victime de symptômes évoquant Ebola. Les maladies provoquant une fièvre sont pourtant nombreuses…

Paris prêt à tout Annoncée le 17 septembre, la première contamination d’une Française – une volontaire de l’ONG Médecins sans frontières – n’a pas pris Paris de court. Rapatriée du Liberia dans un avion médicalisé spécialement affrété, elle a été isolée dans une chambre à pression négative (pour éviter que le virus ne sorte de la pièce), à l’Hôpital d’instruction des armées Bégin, en région parisienne. L’établissement se préparait à cette éventualité depuis des mois. l PIERRE BOISSELET JEUNE AFRIQUE



ILS ONT DIT

La semaine de J.A. Décryptage

« Les conditions de travail sont bonnes, dans un pays parmi les plus riches de la terre. »

Moyen-Orient Les Frères en galère Qui accueillera les leaders de la confrérie islamiste égyptienne ? Le Qatar les a lâchés. In extremis, la Turquie leur tend la main.

NICOLAS BRIQUET-POOL/SIPA

L

TAMIM BEN HAMAD AL THANI Émir du Qatar (répondant aux critiques sur le sort des travailleurs immigrés dans son pays)

« Les États-Unis, via leur ambassadeur en Irak, ont demandé une coopération contre Daesh. J’ai refusé, car les Américains ont les mains souillées. » ALI KHAMENEI Guide suprême de l’Iran

« Les socialistes sont arrivés au pouvoir sans programme, ils sont dans l’improvisation totale comme des acteurs entrés en scène sans texte. » JACQUES ATTALI Essayiste et économiste français, ancien conseiller de François Mitterrand

« Je préfère être peinard. Il y a des gens plus audacieux que moi : ceux-là trouvent l’univers bourgeois déprimant, je le trouve rassurant. Aller du salon à la cuisine, ça me paraît une aventure suffisante pour la journée ! » BENOÎT POELVOORDE Acteur belge

N O 2802

étau se resserre sur les Frères musulmans égyptiens. Le Qatar a récemment prié les leaders de la confrérie qui y avaient trouvé refuge de quitter le pays. « Certaines figures du mouvement ont accepté de le faire », a confirmé, le 13 septembre, Amr Darrag, l’un des cadres du Parti de la liberté et de la justice (organe politique de l’organisation). Ancien ministre de la Coopération internationale sous la présidence de Mohamed Morsi, il a dû faire sa valise, tout comme Mahmoud Hussein, le secrétaire général du mouvement. Sept dirigeants ont déjà quitté le pays. Au total, 70 personnes pourraient être concernées. La proximité du Qatar avec la confrérie s’était renforcée après la destitution du président Morsi, en juillet 2013. L’influent cheikh Youssef al-Qaradawi aurait alors joué un rôle clé dans l’élaboration d’une politique d’asile favorable à ses « Frères ». Un soutien ostensible aujourd’hui devenu trop lourd à assumer, le petit émirat gazier du Golfe subissant de fortes pressions de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. Ces deux grands voisins, comme leur allié égyptien, classent les Frères musulmans parmi les organisations terroristes et accusent le Qatar de menacer leur sécurité. Au début de l’année, les trois pays ont rappelé leur ambassadeur à Doha. Récemment, une délégation des puissants États du Conseil de coopération du Golfe s’y est rendue pour exiger des Qataris qu’ils prennent leurs distances avec la confrérie islamiste, condition préalable à la fin de la crise.

BENAROCH/SIPA

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ASILE. L’axe Riyad-Abou Dhabi-Le Caire a également fait pression sur le Royaume-Uni, où les Frères possèdent des bureaux, dans le quartier londonien de Cricklewood. Afin d’éviter que les évincés de Doha ne s’y retrouvent, les trois pays arabes ont saisi les services britanniques, leur soumettant des preuves de l’implication de l’organisation dans des activités criminelles et terroristes. C’est face à leur insistance qu’en avril le Premier ministre David Cameron aurait chargé Sir John Jenkins, ambassadeur du Royaume-Uni à Riyad, de mener l’enquête. Selon le Daily Telegraph, son rapport conclut en effet qu’« une partie de l’activité du mouvement s’apparente à de la complicité avec des groupes armés et des extrémistes au Moyen-Orient et ailleurs ». Dans la tourmente, les militants islamistes pourraient trouver refuge dans la Turquie de Recep Tayyip Erdogan. Le 15 septembre, dans l’avion qui le ramenait d’un voyage officiel à Doha, le président a affirmé devant les journalistes que les demandes d’asile des Frères musulmans seraient examinées et, « à condition qu’il n’y ait aucun obstacle à leur entrée », accordées. Le jour même, Amr Darrag YOUSSEF AÏT AKDIM débarquait en Turquie. l JEUNE AFRIQUE


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La semaine de J.A. Décryptage

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Portfolio

JALAL MORCHIDI/ANADOLU AGENCY

Réchauffement climatique : les lieux menacés en Afrique

Carte Interactive

Les pays africains francophones qui participent à des opérations de maintien de la paix dans le monde

p Manifestation de militants des droits de l’homme à Rabat, le 11 octobre 2013.

Peine de mort Une lueur au bout du couloir Au Maghreb, des centaines de détenus croupissent dans les prisons, attendant une hypothétique exécution. À moins que le parti des abolitionnistes ne l’emporte. Rendez-vous à Tunis fin septembre.

L DR

Vidéo

X-Maleya, trio de musiciens camerounais : « On est comme des frères, on réussit ensemble »

Diaporama Maroc médiéval, Maroc contemporain: deux expos à Paris

UN ÉVÉNEMENT UNIQUE À L’INSTITUT DU MONDE ARABE

LE MAROC CONTEMPORAIN

15 OCTOBRE 2014 25 JANVIER 2015

En lien avec l’exposition « Le Maroc médiéval » au Louvre.

Manifestation réalisée grâce à la collaboration de la Fondation nationale des musées du Royaume du Maroc

N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

1, rue des Fossés Saint-Bernard Place Mohammed V 75005 Paris billetterie IMA-FNAC imarabe.org

a conférence régionale d’Ensemble contre la peine de mort (ECPM) se tiendra à Tunis les 26 et 27 septembre. L’événement, qui vise à fédérer les militants abolitionnistes d’une dizaine de pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, se déroulera en présence des ministres tunisiens de la Justice et des Affaires étrangères, Hafedh Ben Salah et Mongi Hamdi, et verra la participation de Driss El Yazami, le président du Conseil national marocain des droits de l’homme, et de la députée Khadija Rouissi, coordinatrice du Réseau des parlementaires marocains contre la peine de mort, qui compte près de 200 membres. Le monde arabe reste, avec l’Asie du Sud, l’un des derniers bastions de la peine de mort, et l’une des régions où les abolitionnistes ont le plus de difficultés à faire entendre leur voix. Seule la République de Djibouti a formellement aboli la peine capitale. AVANCÉES. L’Afrique du Nord se singula-

rise néanmoins. Les dernières exécutions remontent à 1991 (en Tunisie) et à 1993 (au Maroc et en Algérie). En dépit de ce « moratoire de fait », plusieurs centaines de condamnés à mort croupissent dans

les prisons algériennes, 115 au Maroc et une dizaine en Tunisie. C’est dans ce dernier pays, et depuis la révolution, que les avancées sont les plus significatives. En janvier 2012, le président Moncef Marzouki, abolitionniste déclaré, a commué les peines de 122 condamnés à mort, et le droit de visite familial a été rétabli. En décembre de la même année, une équipe d’ECPM a été autorisée à pénétrer dans cinq prisons tunisiennes. L’enquête a donné lieu à la publication du Syndrome de Siliana (Cérès, juin 2013), dont la version arabe sera présentée lors de cette conférence. Le débat sur l’abolition a néanmoins tourné court à la Constituante, sous la pression d’Ennahdha. Et des injustices criantes demeurent. La Coalition nationale tunisienne contre la peine de mort souhaite profiter de l’occasion et de la présence des autorités pour les alerter sur le cas dramatique d’un ex-condamné à mort de 33 ans, Maher Manai, jugé en 2004, qui purge actuellement une peine de réclusion à perpétuité en dépit de forts doutes sur sa culpabilité. Obtenir la révision de son procès serait une première victoire symbolique pour le mouvement abolitionniste tunisien… l SAMY GHORBAL JEUNE AFRIQUE


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Démographie Si la Tunisie m’était comptée Exode rural massif, baisse de la natalité, réduction de la taille des familles, boom de l’immobilier… Le recensement va-t-il orienter l’action du prochain gouvernement ?

L

a Tunisie n’est plus ce petit dragon d’Afrique vanté durant les années Ben Ali. En 2011 déjà, le Programme des nations unies pour le développement (Pnud) avait cité deux chiffres chocs : les taux d’analphabétisme (20 %) et de pauvreté (25 %). Aujourd’hui, les résultats du recensement de la population, réalisé en mai (pour un coût de 14 millions d’euros), confirment que le pays n’est pas sur une bonne pente. En matière d’équilibres régionaux d’abord : les campagnes du Nord-Ouest et du Sud se vident au profit des côtes et des grands centres urbains. À elle seule, l’agglomération du Grand Tunis abrite 25 % des 10982754 habitants que compte la Tunisie, soit presque 10 % de plus LE DESSIN DE LA SEMAINE

qu’en 2004. Conséquence de cet exode rural massif, les quartiers populaires situés autour de la capitale sont ceux où la croissance démographique est le plus forte (3,16 % dans le gouvernorat de l’Ariana, 2,25 % dans celui de Ben Arous). CÉLIBATAIRES. En matière de finance-

ment des retraites, le fléchissement des naissances (1,03 % entre 2004 et 2014, contre 1,21 % durant la décennie précédente) devrait aussi poser problème dans l’avenir. Autre point faible, l’éducation : sur les 2 millions d’élèves recensés, 107 000 ont abandonné leurs études en 2013, selon la Fédération tunisienne des droits économiques et sociaux. Par ailleurs, le fait que les femmes soient plus nombreuses que les hommes

(50,2 %, contre 49,8 %) est une donnée largement exploitée par certains partis conservateurs, qui militent pour le mariage des célibataires, à contrecourant d’une tendance de fond : la réduction de la taille des familles (4,05 personnes, contre 5,15 en 1994). Enfin, l’émergence d’une classe moyenne a provoqué un boom de l’immobilier (la Tunisie compte plus de 3,2 millions de logements). Si cette bulle n’a pas explosé jusqu’ici, c’est grâce à la présence de très nombreux résidents étrangers, essentiellement Libyens. Selon Noureddine Zekri, secrétaire d’État au Développement et à la Coopération internationale, toutes ces données seront utiles au prochain gouvernement pour « adapter son programme aux nouvelles priorités du pays dans le cadre d’un nouveau modèle économique ». Gros chantier en perspective. l FRIDA DAHMANI, à Tunis

Mix et Remix • Le Matin Dimanche • Suisse

FRANCE CHANGEMENT D’AIR

LE 18 SEPTEMBRE, lors d’une conférence de presse, le président français, dont la cote de popularité est au plus bas, a reconnu être confronté à « un climat de défiance lourd »… et annoncé avoir donné son accord à des « opérations de protection aérienne » en Irak pour appuyer Bagdad et Washington dans leur lutte contre l’État islamique. Depuis l’intervention au Mali, Hollande le sait: la guerre, il n’y a rien de mieux pour redorer l’image d’un chef d’État. JEUNE AFRIQUE

N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


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Grand angle

L’or pieux

du hajj ISLAM

Début octobre, près de deux millions de pèlerins se rassembleront à La Mecque, en Arabie saoudite. Un devoir religieux devenu une véritable industrie touristique.


n 1435 de l’hégire, 2014 de l’ère contemporaine. Le 13 septembre, tout de blanc vêtus et du troisième âge pour la plupart, 290 Tunisiens ont embrassé leurs proches au terminal 2 de l’aéroport de Tunis-Carthage pour faire le voyage de leur vie, le grand pèlerinage annuel à La Mecque, cinquième pilier de l’islam que tout croyant est tenu de réaliser une fois dans sa vie. Ils sont les premiers des 9 000 Tunisiens qui volent en ce moment vers les lieux saints de l’islam, La Mecque, ville de la Kaaba où Dieu aurait fait chuter la Pierre noire pour montrer à Adam et Ève où Lui dresser un autel, et Médine, la cité où le prophète Mohammed a trouvé l’asile et son dernier repos. Pour chacun, il s’agit d’en revenir pur « comme le jour où sa mère l’a mis au monde », dit le hadith (parole du Prophète)

rapporté par Boukhari. Guidés par des imams, encadrés par des équipes médicales, ils partageront pendant près d’un mois des chambres de cinq à six personnes pour accomplir les différents rites. Car, si certains pèlerins fortunés ont pu louer les services d’agences privées pour prier dans les meilleures conditions, l’essentiel des voyageurs est pris en charge par le ministère tunisien des Affaires religieuses, qui a fixé le 11 août le prix du séjour (visa, vol et hébergement compris) à 7 730 dinars (3 362 euros). Une somme considérable, équivalente à près de deux années de salaire minimum dans ce pays. « Traditionnellement, il s’agissait très souvent de l’épargne de toute une vie, d’autant qu’il est prescrit que la dépense ne prive pas la famille ou le commerce de ses ressources », souligne Omar Saghi, commissaire de l’exposition « Hajj, le pèlerinage à La Mecque » à l’Institut du monde arabe de Paris, et auteur de Paris-La Mecque. lll Sociologie du pèlerinage (PUF, 2010).

q La Grande Mosquée de La Mecque.

ALI AL-ISSA/AFP

A

LAURENT DE SAINT PÉRIER


ANADOLU AGENCY

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« Il incombe aux hommes, – à celui qui en possède les moyens – d’aller, pour Dieu, en pèlerinage à la Maison [La Mecque]. » L’injonction coranique à accomplir le hajj exige d’emblée du pèlerin les moyens physiques, politiques et bien sûr économiques de réaliser ce voyage. À l’époque où le Prophète transcrivait le Message divin, entreprendre ce périple était une longue entreprise qui devait être préparée minutieusement et qui, se faisant à pied, à cheval ou en chameau, pouvait durer des mois – parfois sans retour. « Depuis la modernisation des transports, avec l’arrivée du chemin de fer au XIXe siècle puis de l’aviation au XXe siècle, et avec l’industrialisation du pays par les Saoud, l’organisation et la pratique du hajj se sont progressivement rapprochées lll

p Le mataf, l’esplanade qui entoure la Kaaba, est agrandi pour faciliter le déplacement des croyants.

VOYAGEURS PIGEONNÉS LES AFFAIRES DU HAJJ se chiffrent en milliards de dollars, et l’odeur des billets verts attire bien des rapaces sans foi ni loi qui profitent allègrement de la piété, et souvent de la candeur des candidats au pèlerinage, pour se remplir les poches. Première arnaque, le coup du visa. Le 1er septembre, le gérant d’une agence de Boumerdès, en Algérie, et trois de ses collaborateurs ont été arrêtés pour avoir fait main basse sur l’argent versé par des clients pour obtenir des visas. En octobre 2013, 83 pèlerins tunisiens ont été bloqués à la frontière saoudienne: on leur avait fourni des visas obtenus illégalement en Mauritanie. La publicité mensongère fait aussi des centaines de malheureux. Croyant s’offrir un hajj de rêve, ils se retrouvent parqués dans des conditions déplorables à l’arrivée. Prendre conseil auprès de proches ayant effectué le voyage et auprès de sa mosquée ou se référer aux listes d’opérateurs agréés par les autorités saoudiennes restent les meilleurs moyens d’éviter LAURENT DE SAINT PÉRIER un tel enfer. l N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

de l’industrie touristique », explique Saghi. Via les aéroports de Médine ou Djeddah, les lieux saints ne sont plus qu’à quelques heures de vol de n’importe quel point de la planète et, alors qu’il fallait jadis abandonner ses activités pendant une longue période, il suffit aujourd’hui de poser quelques semaines de congés payés. L’engagement économique personnel ne revêt plus la même importance. OSTENTATOIRE. Certes, le pèlerinage demande

encore une longue préparation. Au Maroc, les candidats au hajj s’inscrivent plus d’un an à l’avance et doivent attendre les tirages au sort pour savoir s’ils partiront, les places étant limitées par le système de quotas qu’impose l’Arabie saoudite à chaque pays. Les chanceux s’acquittent des frais au début de l’année de départ (44 300 dirhams, soit 3 940 euros en 2014 pour le voyage organisé par le ministère marocain des Habous et des Affaires islamiques). De la prise en charge complète des plus indigents – comme au Bangladesh, où le Trésor finance 1 534 des 98 800 pèlerins cette année –, à la négociation par les gouvernements de tarifs de groupe, en passant par des politiques de subvention, les États musulmans cherchent à faciliter financièrement la pieuse obligation. L’Algérie a ainsi décidé, pour la première fois cette année, de subventionner à hauteur de 24 000 dinars (230 euros) le séjour de ses 28 000 pèlerins, sur un forfait de base de 321 000 DA pour vingt jours. Une aide qui vient à point nommé couvrir la hausse de 25 000 DA du prix du package observée par rapport à l’an dernier. À La Mecque, les grands travaux en cours pour agrandir l’enceinte sacrée, moderniser les infrastructures et mettre aux normes internationales JEUNE AFRIQUE


Le business du hajj

Les grands classiques • Eau de Zamzam • Dattes • Encens • Textiles (toile, vêtements, tapis) • Chapelets • Bijoux en or ou en argent • Parfums et khôl

AMR DALSH/REUTERS

Les plus kitsch

le parc hôtelier ont imposé une restriction des quotas accordés et fait grimper les coûts d’hébergement. Une hausse régulière qui fait grincer des dents les humbles aspirants au pèlerinage du monde entier. Les plus aisés n’en ont cure. À Londres, l’agence Elkaadi Tours propose ainsi dixsept jours de hajj au tarif de 8 625 euros par personne en chambre double. À ce prix-là, le dévot bourgeois logera dans un cinq-étoiles, au Rotana de La Mecque et à l’Intercontinental de Médine. Il jouira d’une tente VIP sur le site de Mina, bénéficiera des services d’un guide, d’une voiture climatisée, de buffets royaux, etc. « Une manière de pratiquer le hajj qui fait aussi partie d’un nouveau standing ostentatoire conservateur. Certains pèlerins fortunés le combinent d’ailleurs avec un séjour à Dubaï ou aux Maldives, ou même à Jérusalem, en Israël ! » raconte Saghi. COMPTABLES. Les amis bien placés peuvent

être utiles pour obtenir le précieux visa, le gouvernement et le réseau diplomatique saoudiens en accordant chaque année des milliers à des personnalités locales, en sus des quotas imposés. Pieusement ou de manière intéressée, ces privilégiés les redistribuent à leur clientèle. « Une année, le Premier ministre libanais Saad Hariri en avait reçu 10 000 à lui seul, alors que les quotas nationaux étaient de 3 000 sunnites, 3 000 chiites et 2 000 Palestiniens », rappelle Fadi Sukkari, professeur d’anglais à l’université arabe de Beyrouth. À 44 ans, ce père de cinq filles s’est déjà rendu huit fois à La Mecque pour quatre oumra (petit pèlerinage qui peut s’effectuer tout l l l JEUNE AFRIQUE

• Tapis représentant la Kaaba • Photos encadrées de La Mecque • Horloge en forme de mosquée appelant à la prière à l’heure du réveil • Fioles emplies de terre sainte Et aussi (tout l’argent dépensé à La Mecque étant considéré comme une aumône…) • iPhone 6 • Tablette dernier cri • Collection de DVD

q Salle de surveillance des lieux saints par la police saoudienne.

Objectif sécurité

L

e pèlerinage à La Mecque est un défi logistique, sécuritaire et sanitaire. On attend près de 2 millions de pèlerins autour du 10 Dûl-Hijja, le dixième jour du douzième mois lunaire qui marque l’Aïd al-Adha, la fête commémorant le sacrifice d’Ibrahim (Abraham pour les juifs et les chrétiens). Confronté ces dernières années à des épidémies diverses (sras, H1N1), le ministère saoudien de la Santé a mis en place des mesures de précaution contre Ebola – quarantaine avant le départ, suivi médical jusqu’à l’embarquement et à l’arrivée à Djeddah –, avant même d’écarter les ressortissants des trois pays d’Afrique de l’Ouest les plus touchés par la fièvre (la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia). Grâce à l’appui des plus grands spécialistes mondiaux des parcs d’attraction, l’organisation et la fluidité des déplacements ont été optimisées. Les engorgements et les paniques se sont réduits avec la construction du pont Jamarat, décidée après le désastre de 2006, quand 362 personnes avaient trouvé la mort dans une bousculade autour des stèles représentant le diable que les pèlerins lapident. La sécurité, elle, a été confiée à un centre de commandement et de contrôle qui supervise les efforts de la Garde nationale, de l’armée, de la police et de la protection civile. Cette année, 15 000 sapeurs issus de cette dernière, ainsi que 60 000 militaires, sont mobilisés. S’y ajoutent 2 000 caméras de surveillance et des outils biométriques, dont des cartes à puce permettant de suivre les pèlerins à la trace. Cela limite le nombre de clandestins et les risques d’attentat. Depuis la prise d’otages de 1979 et la répression de manifestants iraniens en 1987 (qui avait provoqué entre 400 et 2 000 morts, selon les sources), le terrorisme est la première hantise du royaume, qui entend sauvegarder son prestige aux yeux des « invités de Dieu ». l YOUSSEF AÏT AKDIM

REUTERS/AHMED JADALLAH

Souvenirs, souvenirs…

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N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


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Grand angle Islam au long de l’année) et quatre hajj. Il a refait cette année une demande de visa. Selon Saghi, il pourrait faire partie de ces nouveaux « pèlerins-comptables qui se font du pèlerinage une conception périodique, rompant par là avec le hajj classique des “vieux”. Ils ont la cinquantaine et appartiennent aux classes moyennes islamisées qui s’intègrent à la société moderne et touristique tout en restant conservateurs ». En 2001 et 2011, Sukkari a eu la chance d’être invité par des amis propriétaires d’agences de voyages : « Hôtel cinq-étoiles, buffets gargantuesques… J’ai pris 9 kilos en vingt et un jours ! » Ses deux autres hajj, il les a réalisés pour accompagner son épouse en 2010 et sa sœur en 2013, les femmes devant être accompagnées par un mahram – leur époux ou un parent avec lequel elles ne peuvent se marier. À 2 500 euros par personne via l’agence à laquelle son père avait eu recours, les conditions étaient beaucoup plus spartiates. « Nous étions quatre dans une chambre et mon épouse partageait la sienne avec deux autres femmes », se souvient-il. Ses cinq filles attendent leur tour avec impatience, « mais cela coûterait une fortune », regrette Fadi Sukkari.

lll

Ebola n’ébranle pas la foi Malgré la fièvre qui sévit dans la région, nombreux sont les Ouest-Africains à emprunter la route de La Mecque. Reportage dans la capitale sénégalaise.

Près de 2 millions de musulmans sont attendus cette année

GLOBALISATION. De toute la planète, l’or pieux

afflue pour gonfler les réserves financières de l’Arabie saoudite, gardienne des lieux saints et grande ordonnatrice du pèlerinage. Le royaume est certes le deuxième exportateur mondial de pétrole, mais le chômage y est important, et les autorités ont tout intérêt à voir se développer une industrie touristique qui emploie près de 8 % de la population active. Cette année, les 1,98 million de pèlerins prévus pour le seul hajj devraient rapporter 8,5 milliards de dollars (6,5 milliards d’euros environ), estime la chambre de commerce de La Mecque, avec une dépense moyenne de 3 500 euros par personne. Une affluence impliquant une adaptation des infrastructures : l’apparence de la ville s’est transformée ces dernières décennies. Le mataf, l’esplanade où se situe la Kaaba, est en travaux pour augmenter sa surface de 400000 m2, la mosquée de Médine est agrandie, les infrastructures de transport sont complétées, le tout pour une facture de 62 milliards de riyals (12,8 milliards d’euros). Un investissement pour l’avenir, le nombre d’aspirants au hajj ne cessant de croître et les 1,8 milliard de musulmans dans le monde représentant un marché potentiel de 63 000 milliards d’euros ! Le pèlerinage se transforme, il n’est plus l’antichambre de la mort qu’il représentait pour les anciens auparavant. Il prend désormais les traits d’un tourisme de masse répondant aux standards internationaux. « La Mecque était déjà un haut lieu de la mondialisation pour la société musulmane, les Saoud l’ont fait entrer dans l’ère globalisée », conclut Omar Saghi. l N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

8,5 milliards de dollars

C’est le montant des recettes qu’escompte le royaume

«

L

orsque ma fille m’a appris qu’elle allait financer mon hajj, j’ai pleuré. » Accomplir le pèlerinage, Moussa Soumaré en avait toujours rêvé. Mais pour ce sexagénaire, père de cinq enfants, le coût était rédhibitoire. En août, sa fille résidant en Suisse lui annonce qu’elle a réuni 3 millions de F CFA (4500 euros) pour qu’il se conforme au cinquième pilier de l’islam. « J’ai comparé les différentes formules proposées », raconte Moussa Soumaré devant sa maison du quartier de Liberté 2, à Dakar, quelques heures avant d’embarquer dans l’un des premiers vols pour Médine, le 16 septembre. Après avoir sondé des pèlerins, il écarte l’idée de partir avec le contingent encadré par l’État. « Certains se sont plaints des conditions proposées parleCommissariatgénéralaupèlerinage,

QUESTIONS À

Koutoub Moustapha Sano Ministre guinéen de la Coopération internationale

« Jusqu’en juillet, l’Arabie était prête à accueillir nos pèlerins » Conakry a accepté l’interdiction faite à ses ressortissants de se rendre à La Mecque. Et espère que les quotas seront augmentés l’an prochain.

L

’annulation de la participation au hajj des ressortissants de pays touchés par l’épidémie d’Ebola concerne surtout la Guinée, où 85 % de la population est musulmane. Fort de sa casquette d’ancien

secrétaire général aux Affaires religieuses, Koutoub Moustapha Sano est l’interlocuteur privilégié des autorités saoudiennes. Jeune Afrique : La Guinée ne participera pas au hajj JEUNE AFRIQUE


SYLVAIN CHERKAOUI/COSMOS

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p Devant le hangar réservé aux croyants sur le départ, aéroport Léopold-Sédar-Senghor, Dakar.

même si sa formule est moins onéreuse. J’ai donc opté pour un opérateur privé fondé par un ancien colonel des douanes devenu imam, qui organisait avant sa retraite le pèlerinage des douaniers. » EN SOLO. Avec le groupement d’intérêt économique (GIE) Labayka, Moussa Soumaré a versé 2,6 millions de F CFA pour un séjour d’un mois en hôtel quatre ou cinq étoiles, avec pension complète, panachant le hajj et la oumra (le petit pèlerinage). La seule démarche qu’il ait eu àaccomplir,c’estsademandedepasseport, obtenu en 72 heures. « Tout le reste a été pris en charge par le GIE. » Au Commissariat général, le compte à rebours touche à sa fin. À deux reprises,

cet organisme dépendant du ministère des Affaires étrangères a dû repousser la date limite d’inscription des personnes désirant se rendre à La Mecque. Cette année, le quota attribué au Sénégal par l’Arabie saoudite est de 10500 pèlerins. Un tiers (3 500) sera convoyé par la mission supervisée par l’État sénégalais – neuf appareils de Sénégal Airlines devaient être affrétés à partir du 19 septembre –, et les deux autres tiers (7 000 personnes) passeront par des voyagistes privés. Pour faciliter les démarches administratives et sanitaires, un guichet unique a été mis en place dans la zone de l’aéroport. Avec un seul mot d’ordre, répété par El Hadj Ahmadou Tidiane Dia, le commissaire général au pèlerinage: aucun pèlerin

cette année. Avez-vous été surpris par la décision saoudienne ? Koutoub Moustapha Sano : Non, car tout au

YOURI LENQUETTE POUR J.A.

long de l’année nous sommes restés en contact étroit avec Riyad. Début avril, les autorités saoudiennes ont décidé de suspendre l’octroi de visas aux ressortissants des trois pays frappés par l’épidémie d’Ebola, dont la Guinée.

JEUNE AFRIQUE

Comment gérez-vous la déception des pèlerins ?

Il y aura inévitablement des déçus, car c’est un moment important dans la vie d’un musulman. Mais

nonencadréneseraautoriséàpénétrersur le territoire saoudien. « Certains sollicitent les services du Commissariat général afin d’obtenir un visa pour les lieux saints… avant de disparaître et de voyager seuls », rappelle l’officier, non sans menacer de « poursuites judiciaires » les indélicats qui compteraient accomplir le hajj en solo. BONS HÔTELS. Assise sous une tente éri-

gée face au Commissariat général, Anta est venue récupérer son visa. Pour cette fervente musulmane, ce sera le sixième pèlerinage en sept ans. « Il m’a fallu un certain temps avant d’être prête financièrement, confie la quinquagénaire. Mais à présent, ma situation professionnelle me le permet. » Chaque année, Anta l l l

nous avons fait un effort considérable pour sensibiliser toutes les personnes concernées, qui sont près de 10 000. La population comprend qu’il serait égoïste de mettre en danger la santé de millions de pèlerins. Après l’affaire de l’étudiant guinéen au Sénégal [porteur du virus, il s’était rendu à Dakar fin août], nous devons démontrer notre sens des responsabilités. Comment les Saoudiens appréhendent-ils cette situation ?

Nous avons eu affaire à des interlocuteurs

professionnels et respectueux. Jusqu’en juillet, l’Arabie saoudite était prête à accueillir nos pèlerins, à condition que l’OMS [l’Organisation mondiale de la santé] déclare l’épidémie terminée. J’étais encore à Djeddah alors. Nous espérons que le problème sera derrière nous l’an prochain, et que le quota de pèlerins guinéens sera augmenté pour inclure ceux qui ne sont pas partis cette année. Cette mesure exceptionnelle a déjà été prise par le passé. l Propos recueillis par YOUSSEF AÏT AKDIM N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


Grand angle Islam prend ses congés au moment du hajj, et deux de ses amies l’accompagnent. « J’aime La Mecque. Je m’y sens tout près du prophète Mohammed – PSL [paix sur lui]. » Depuis 2008, elle choisit systématiquement la formule étatique. « Je n’ai jamais eu de problème. C’est bien organisé, et on est logé dans de bons hôtels », témoigne-t-elle.

lll

MENUS FRAIS. Cette année, le montant

du forfait demandé par l’État s’élève à 2,45 millions de F CFA. Ce qui inclut notamment un pécule reversé aux pèlep Les plus fortunés accomplissent leur devoir en logeant au Sheraton. rins une fois sur place pour leurs menus frais. Dans le privé, certains forfaits avoisinent ce montant. Mais des formules « Mais pour le moment, je regarde les en Arabie saoudite. « Qui se lève le matin, plus luxueuses peuvent atteindre 5 milautres partir… » va à La Mecque et revient veut devenir un lions de F CFA, voire davantage. Le budget nécessaire au hajj n’a voyagiste privé », ironisait Safiétou Seck cessé de gonfler. En 1978, Ousmane, Aliou Ndiaye, lui, n’aura pas à puiser Diongue, la présidente du Consortium un ami de Moussa Soumaré, avait versé dans ses économies. Un proche haut des organisateurs privés pour le hajj et la placé l’a nommé au sein de la commission 750000 F CFA. Vingt ans plus tard, il s’était oumra (Cophom). Avec l’Union nationale administrative du pèlerinage. À 61 ans, acquitté de 1,7 million de F CFA. Cette des organisateurs privés pour le hajj et ce sera la première fois que année, en comptant les la oumra (Unophom), le Cophom milite cet habitant de Mbour visicadeaux pour ses proches, pour l’assainissement du secteur, où les tera les lieux saints. Il sera Moussa Soumaré estime son nouveaux arrivants sont loin de présenter Chaque année, chargé d’encadrer les pèlebudget global à 4 millions toutes les garanties requises. « Il faut une des voyagistes rins. Pour l’heure, il avoue de F CFA. bonne dose de moralité et d’expérience sans scrupule être dans le flou quant au Pour les voyagistes pripour être un organisateur privé du hajj », déroulement de sa mission. vés, dont le nombre prorappelle la responsable du consortium. À provoquent Ba mb a Sa mb, e n gresse d’année en année, le la demande des autorités saoudiennes, les la colère des pèlerinage est un business revanche, ne partira pas. voyagistes sont soumis cette année à une pèlerins. lucratif. Ce qui pose le proMais il connaît bien les obligation: présenter pour chaque pèlerin démarches pour les avoir blème de l’habilitation et de un triple contrat (transport, logement souvent effectuées pour son père, la compétence des prestataires. Selon et restauration) garantissant leur prise aujourd’hui décédé. Il se rappelle, non le Commissariat général, le nombre de en charge. Une exigence soutenue par sans ironie : « Quand on était jeunes, on demandes d’agrément reçues au 15 avril Mankeur Ndiaye, le ministre des Affaires déplorait ces dépenses. À nos yeux, c’était était de 98, contre 28 en 2013. Chaque étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, du “Regardez-moi ! J’ai de l’argent”. » Une année, des voyagistes sans scrupule proselon qui « le gouvernement ne va pas fois en âge de travailler, Bamba Samb s’est voquentlacolèredespèlerins:retardsdans laisser des gens qui ne sont mus que par mis à économiser pour offrir le voyage les vols de retour, défaut de prestations, l’appât du gain saboter le pèlerinage ». l à sa mère, devenue « hadja » en 1992. avec des Sénégalais livrés à eux-mêmes MEHDI BA, à Dakar

L’AFRIQUE DE L’OUEST DANS LES STARTING-BLOCKS

L

e Mali bénéficie cette année d’un quota de 9000 pèlerins. À la différence du Sénégal, 90 % d’entre eux sont encadrés par des organismes privés, l’État se limitant essentiellement à un rôle de régulation et de contrôle. Les voyagistes ont fixé leur forfait à 2,8 millions de F CFA (4270 euros), tandis que l’offre gouvernementale s’élève à 2,7 millions de F CFA – c’est la plus chère de N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

la sous-région malgré une baisse significative par rapport à 2013 (de 200000 F CFA). Les vols sont répartis entre la saoudienne NAS Air et les compagnies desservant habituellement l’Arabie saoudite comme Royal Air Maroc ou Air France. Au Niger, où un Commissariat à l’organisation du hajj et de la oumra (Coho) a été créé en 2013, la

quasi-totalité des 12700 pèlerins était inscrite au 22 juillet. Ils sont pris en charge par 179 agences, pour un coût moyen de 2,2 millions de F CFA. Quant au Burkina Faso, douze agences agréées y gèrent les 5500 voyageurs. Après avoir réglé leur participation (2 millions de F CFA), ils seront acheminés par NAS Air, une infime minorité empruntant des vols réguliers.

En Côte d’Ivoire enfin, où l’organisation est confiée au Commissariat du hajj (placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur), 5600 pèlerins pourront fouler le sol des lieux saints (4200 constituant le contingent étatique et 1200 dépendant du secteur privé). Cette année, il leur en coûtera 2 millions de F CFA, et les vols affrétés pour l’occasion seront assurés M.B. par Air Côte d’Ivoire. l JEUNE AFRIQUE

REZA/WEBISTAN

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Afrique subsaharienne

CENTRAFRIQUE

À la Séléka, c’est

p À Lioto, dans la région de Bambari, en juin. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

chacun pour soi Elle contrôle encore plus de la moitié du territoire, mais jamais l’ancienne rébellion n’a été aussi divisée. Ses chefs historiques sont contestés. Reste à savoir si les Casques bleus sauront en profiter pour leur faire déposer les armes. VINCENT DUHEM

GORAN TOMASEVIC/REUTERS

I

JEUNE AFRIQUE

Nations unies. Ils ne disposent que de peu de véhicules et sont confrontés à de gros problèmes de mobilité. » Et puis il faut compter avec tous ceux qui ont encore des sympathies pour la Séléka. « Parmi ceux qui ont pris Bangui, rappelle Roland Marchal, chercheur au CNRS et spécialiste de la région, il y a des Centrafricains qui font des affaires dans le sud du Tchad ou du Soudan et qui espèrent qu’un changement de régime leur profitera. Ils ne sont pas visibles sur le terrain et peuvent réapparaître à tout moment. »

ls ont été profondément humiliés par l’arrivée de l’armée française en décembre 2013. Leur chef, l’ancien président Michel Djotodia, a été contraint de quitter le pouvoir un mois plus tard et de s’exiler à Cotonou. Eux ont assisté, impuissants, à l’exode des populations musulmanes. Pourtant, les combattants de la Séléka sont toujours là, avec leurs uniformes et leurs bottes dépareillées. Alors que les Casques bleus de la Minusca ont pris, le 15 septembre, le relais de la force africaine CASSE-TÊTE. Mais la Séléka est toujours très Misca, l’ancienne rébellion contrôle toujours les divisée – peut-être ne l’a-t-elle jamais autant été. trois cinquièmes du territoire centrafricain. Ils Pour ses principaux généraux, l’avenir de cette y règnent en maîtres, contrôlent les principaux coalition hétéroclite est un véritable casse-tête : axes, occupent les bâtiments publics et font main faut-il accélérer sa mue en un parti politique ? basse sur ses ressources. Michel Djotodia, son président, et D’un côté, Surtout, ils font peur. Début Noureddine Adam, son vice-préseptembre, d’importants mouvesident (hier à la tête de la très redoules partisans ments de troupes ont été signalés tée police politique de la Séléka), d’une solution sont-ils des freins à son existence ? dans le triangle Kaga Bandoro-Sidopolitique. De Batangafo (Nord), ainsi qu’à Bambari Ont-ils les moyens de reprendre (Centre), provoquant la panique à Bangui ? Une nouvelle étape de l’autre, ceux Bangui, où courait la rumeur d’une cette lutte d’influence s’est déroulée qui jurent de offensive imminente. Pendant une à Bambari, du 6 au 11 septembre. couper la RCA semaine, Bambari, où près de Réunie en « conclave », la fine fleur de 400 combattants étaient rassemblés, ce que l’ancienne rébellion compte en deux. fut surveillé comme le lait sur le feu de généraux autoproclamés a débattu tandis que les militaires français de l’opération de la stratégie à adopter. Les discussions ont permis Sangaris renforçaient leur dispositif sur la route de dégager deux lignes qui s’opposent, sur fond de menant à Bangui. divisions ethniques. Entre eux, « les relations sont Finalement, rien ne se passa. D’abord parce tendues mais le divorce n’est pas consommé », que la Séléka a beau revendiquer 10000 hommes, affirme une source sécuritaire. Pas encore. elle n’a plus la force de frappe qui lui permit de On retrouve d’abord le général Joseph Zoundeko, prendre Bangui en mars 2013. De combien nommé chef d’état-major en mai, à Ndélé. Il a de combattants dispose-t-elle depuis pris ses quartiers à Bambari. Originaire de vraiment? « Leur nombre est Tringoulou, dans l’extrême Nord-Est, il appartient très difficile à estimer », dit depuis 2006 à l’Union des forces démocratiques prudemment un diplopour le rassemblement (UFDR) de Djotodia. mate européen en Membre de l’ethnie goula, comme l’éphémère poste dans la capitale. maître de Bangui, Zoundeko est aujourd’hui son « Plusieurs milliers », principal relais sur le terrain. La frange qu’ils reconnaît l’armée française, sans représentent est toujours alliée aux combattants plus de précisions. « Sur le terrain, il rungas sur lesquels Noureddine Adam, bien que n’y a pas énormément de troupes, ajoute Aurélien bloqué dans la province de la Vakaga, dans le nord Llorca, coordinateur du groupe d’experts des de la Centrafrique, depuis le début de la saison N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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Afrique subsaharienne Centrafrique

Zones d’influence

250 km

Milices anti-balaka

Birao

CAMEROUN

Ex-Séléka Zones de combat

TCHAD

Garba

Ouanda Djallé

N’Délé

Ouadda Kaouadja Sido Bamingui Batangafo Kaga Bandoro Yangalia Bozoum Yalinga Ippy Bossangoa Baoro

SOUDAN

Bocaranga

Baboua

Sibut Grimari

Bambari

Bakouma

Bossembélé Mingala Damara Kouango Bangassou BANGUI Mobaye Ovango Boda Berberati Mbaïki Nola

Carnot Gamboula Tomon

Djéma

Rafaï Zémio

Obo

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Salo

A.

JUSQU’AU-BOUTISTE. Impossible de savoir ce qu’il pèse (le conclave de Bambari n’a pas consacré la victoire d’un camp sur l’autre), mais une chose est sûre : le trio ZoundekoAdam-Djotodia est aujourd’hui considéré comme l’aile dure de la Séléka, la plus jusqu’au-boutiste. « Les accords que nous avons signés à N’Djamena en janvier et à Brazzaville en juillet n’ont pas été respectés. Donc les choses sont simples, confirme Bachar Fadoul, un très proche de Noureddine Adam. Soit on nous laisse reprendre le pouvoir, soit nous divisons le pays. Nous contrôlons déjà trois préfectures [celles de la Vakaga, de la HauteKotto et de Bamingui-Bangoran]. Il ne nous reste plus qu’à les verrouiller. Tout est prêt, même le drapeau et le gouvernement. » Reste que, si le désir de partition est présent, notamment chez les militaires, une partie de la Séléka ne partage pas l’optimisme de l’aile

Qui contrôle quoi sur le terrain ?

/ J.

des pluies, garde une forte emprise. Djotodia et Adam ont pour le moment réussi à préserver l’alliance entre Rungas et Goulas grâce aux soutiens extérieurs dont ils disposent – tous deux ont toujours, selon plusieurs sources, leurs entrées dans les pays du Golfe et continuent à bénéficier de leurs largesses. Mais rien ne dit que cela durera. De l’autre côté de l’échiquier, le général Ali Darassa se pose en alternative. Chargé de la zone de Bambari depuis le coup d’État de mars 2013, il incarne la branche peule de la Séléka – il fut l’adjoint du Tchadien Baba Laddé avant que celui-ci renonce aux armes pour rejoindre le camp d’Idriss Déby Itno. Darassa est aujourd’hui l’un des hommes forts du mouvement et peut compter sur le soutien du général Mahamat Alkhatim. Petit, la barbe bien fournie, Alkhatim était l’un de ces Tchadiens qui avaient aidé François Bozizé à prendre le pouvoir en 2003. « La communauté internationale ne veut ni de Djotodia ni d’Adam, insiste un proche d’Alkhatim. Le premier est persona non grata en Centrafrique. Le second est sous sanctions de l’ONU. Sans nous, ils ne sont rien. Nous considérons même qu’ils sont un poids plus qu’autre chose. »

ER

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O V. F

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En l’absence de Michel Djotodia, exilé au Bénin, c’est bien lui,

Noureddine Adam, le vrai patron de la Séléka. Il incarne l’aile la plus radicale de l’ex-rébellion.

NI

dure et estime que lancer une nouvelle offensive sur Bangui s’apparenterait à une opération suicide. Alkhatim le premier sait que ses troupes n’ont aucune chance de prendre Bangui si Sangaris s’interpose. À Batangafo, début août, ses hommes, pourtant décrits comme bien entraînés, bien équipés et opérant comme une véritable armée, ont subi de plein fouet la puissance de feu des Rafale français. Et puis Darassa et Alkhatim sont des seigneurs de guerre. La politique ne les intéresse pas. Ce qu’ils veulent, eux, c’est pouvoir nourrir leurs troupes. La lutte d’influence actuelle est également – et surtout, diront certains – une lutte pour le contrôle des richesses (lire encadré). Pendant la petite année passée à la tête du pays, la Séléka a pris le contrôle des trafics les plus lucratifs, et cette prédation a exacerbé les rivalités au sein du mouvement. C’est d’ailleurs pour cette raison que les hommes de Zoundeko et de Darassa se sont violemment affrontés le 26 août à Bambari. « Le problème de la Séléka est alimentaire, conclut un diplomate français. Si certains veulent la partition, c’est uniquement pour sécuriser le contrôle des richesses dans le Nord. » l

DES TRAFICS TRÈS LUCRATIFS

L

es zones contrôlées par la Séléka sont riches en matières premières. Il y a bien sûr le diamant : la Centrafrique est officiellement suspendue du Processus de Kimberley depuis le 23 mai 2013. Mais dans les faits, le trafic perdure, ce qui profite à l’ancienne rébellion dont plusieurs officiers ont, par le N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

passé, exercé dans le commerce des pierres. Selon un rapport des experts des Nations unies datant de juillet, certains chefs rebelles contrôlent une partie des mines et acheminent leur cargaison au Soudan. C’est notamment le cas du général OmarYounous, un ancien acheteur qui détournerait aujourd’hui les pierres

venues de Bria et de SamOuandja, dans le Nord-Est. Vient ensuite l’or. La principale mine de Ndassima, dans la région de Bambari, est aux mains des hommes du général Alkhatim. Et là encore, le circuit est connu : le métal précieux est introduit illégalement au Cameroun par les airs ou par la route après avoir transité par

Bangui, et génère d’importants profits. Enfin, selon toute vraisemblance, il reste peu d’éléphants dans le Nord-Est, limitant de fait le trafic d’ivoire. Mais, toujours selon les experts de l’ONU, c’est aussi la Séléka qui contrôle la vente de viande de certaines espèces de V.D. grandes antilopes. l JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

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SANTÉ

Quand la bêtise est criminelle C’est l’histoire d’un scandale oublié : la Lomidine devait être le remède miracle contre la maladie du sommeil. Mal administrée par les colons, elle fit des dizaines de morts jusque dans les années 1950.

JEUNE AFRIQUE

AFP

N

ovembre 1954, au temps des colonies. Une étrange épidémie de gangrènes gazeuses s’abat sur Yokadouma, ville de l’est du Cameroun. Tous les malades présentent un vilain abcès qui part de la fesse, s’étend au reste du corps, provoquant le gonflement et l’éclatement des tissus atteints. Trois cents cas sont répertoriés, 32 morts comptabilisés au fil des heures. Toutes les personnes concernées ont reçu, quelques heures plus tôt, leur injection annuelle de Lomidine, le remède miracle censé les protéger contre la maladie du sommeil. Le diagnostic ne fait aucun doute : la piqûre a provoqué une infection bactérienne due à une solution souillée. Tout au long des années 1950, des catastrophes similaires se multiplieront, notamment au Gabon, au Congo belge et au Tchad. Dans l’ouvrage qu’il publie le 2 octobre 2014 aux éditions La Découverte, l’historien français Guillaume Lachenal retrace la saga oubliée de ce médicament administré des millions de fois aux Africains dès les années 1940, avant que sa dangerosité soit établie, à la fin des années 1950. En parcourant les rapports sur les campagnes d’injection de Lomidine, Lachenaladécouvertundossierconsacréà l’accident de Yokadouma. Il n’y a, dans cet ensemble de documents, rien qui remette en question l’utilité du produit – tout au plus un instantané de la catastrophe, avec en filigrane le souhait des auteurs d’éteindre l’incendie afin de poursuivre les campagnes à grande échelle. Car, depuis les années 1920, la lutte contre la maladie du sommeil est un enjeu de prestige, voire de propagande pour les pays colonisateurs. Transmise par la mouche tsé-tsé, la trypanosomiase provoque d’importants troubles psychiatriques et neurologiques et, par voie de conséquence, des problèmes économiques, liés à l’absence de

p Prélèvement effectué sur un enfant au Cameroun, en 1933. La lutte contre la trypanosomiase est, à l’époque, un enjeu de prestige pour les pays colonisateurs.

main-d’œuvre. Français, Britanniques, Belges et Allemands n’ont alors qu’une obsession : l’éradiquer. À GRANDE ÉCHELLE. Ce sont des scien-

tifiques de l’École de médecine tropicale de Liverpool et de la firme pharmaceutique May & Baker, l’une des plus importantes du Royaume-Uni, qui mettent au point le remède, en 1937. Précisément à un moment où les découvertes de molécules miracles (les wonder drugs)

contre les maladies infectieuses ont le vent en poupe. Les Britanniques testent la molécule aux confins orientaux de la Sierra Leone. Les Belges, eux, l’essaient au Congo et décident les premiers de l’administrer à titre préventif. On organise des campagnes d’injection à grande échelle. Qu’il soit malade ou pas, chaque individu est concerné dès lors qu’il vit dans des régions où la présence de la maladie est suspectée : c’est le principe de la « lomidinisation ». N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


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Afrique subsaharienne C’est Et c’est bien là que le bât blesse : injecter de la Lomidine à des sujets sains ne présente aucun intérêt. La molécule n’a pas de pouvoir préventif, sa présence dans l’organisme ne dépassant pas deux semaines. Si elle guérit le malade, elle ne protège pas l’individu sain qui en reçoit, mais l’expose au contraire à de graves risques : syncope, arrêt cardiaque, problèmes rénaux… Quand elle ne provoque pas des gangrènes lorsqu’elle n’est pas administrée correctement, comme ce fut le cas à Yokadouma. BÊTISE COLONIALE. Guillaume Lachenal

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e la try Agent re panoso miase sponsa ble la g lossine, aussi ap pelée m ouche ts Concern é-tsé e aujou rd’hui 37 pays du conti nent Nombre de pers onnes m 60 millio enacée s ns Nombre de pers onnes in de 300 0 fectées 00 à 500 000 Nombre de décè s 25 00 0 par an

Lachenal qualifie cette obstination joyeuse de « bêtise coloniale ». Côté français, les principales zones « lomidinisées » se situeront au Cameroun (le pays totalisant le plus grand nombre d’injections : 200 000 personnes en 1952), au Gabon, au Congo, en OubanguiLe traitement n’est pas efficace ? Chari, en Guinée, en Côte C’est à cause du sorcier du coin, d’Ivoire et en Haute-Volta. Les Portugais s’occuperont rétorquent les médecins. de l’Angola. Sur l’ensemble avoir reçu le remède), ils leur trouvent du continent, dix millions d’injections seront effectuées. Seuls les Britanniques, toujours une bonne justification : les infirmiers n’ont pas correctement applipourtant à l’origine du médicament, ne qué le protocole ; les indigènes se sont seront pas convaincus de l’intérêt de rendus coupables de « manœuvres » danla « lomidinisation » préventive et ne gereuses après l’injection ; ils ont réussi l’emploieront pas. Il faudra que des émeutes éclatent pour que les médecins à passer entre les mailles du traitement en faisant tamponner leur carte sans consentent à mettre fin à cette pratique. se faire « lomidiniser », à moins que le La saga de la Lomidine démontre aussi sorcier du coin ne soit intervenu… Les que la médecine de masse a débouché médecins s’acharnent, et les campagnes également sur une médecine de race : deviennent quasi militaires. la seule chose qui compte, pour les décrit l’aveuglement des colons, persuadés de l’efficacité du médicament dans la prévention. Si les médecins butent très vite sur des incohérences (des personnes saines qui développent la maladie après

médecins, c’est de faire baisser les taux de prévalence de la maladie. On convoque un village, un groupement ethnique, alors mêmequeletraitementn’estquetrèsrarement administré de manière préventive aux Européens établis sur le continent. Eux doivent même signer une décharge pour en recevoir une dose ! La Lomidine est toujours commercialisée, sous le nom de Pentacarinat, mais uniquement à titre curatif et toujours dans des centres disposant d’unités de réanimation. D’une certaine manière, les efforts fournis dans les années 1950 ont porté leurs fruits: la maladie a régressé de manière spectaculaire – mais à quel prix! Au Cameroun notamment, pays ravagé dans les années 1920, les cas sont devenus extrêmement rares. Toutefois, la maladie n’a pas été éradiquée : elle a ressurgi en RD Congo dans les années 1970, en Ouganda dans les années 1990. Résultat, elle figure aujourd’hui, selon l’OMS, au nombre des pathologies négligées qui n’intéressent plus grand monde, car ne constituant plus un problème de santé publique à grande échelle. l CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

Le médicament qui devait sauver l’Afrique, de Guillaume Lachenal, éd. La Découverte


Coulisses

Afrique subsaharienne

PHILIMON BULAWAYO/REUTERS

NIGERIA BIENVENUE EN ENFER

Zimbabwe Première de la classe Elle est drôlement douée, Grace Mugabe. Inscrite depuis quelques mois seulement à l’université de Harare, elle a obtenu, le 12 septembre, un doctorat de philosophie (elle fait partie des 3 274 étudiants qui ont été diplômés ce jour-là). Les sceptiques diront sans doute que c’est là une manière d’étoffer le CV de cette femme qui débuta comme secrétaire dans le bureau de Robert Mugabe. Ils souligneront aussi qu’elle s’est récemment lancée en politique, qu’elle espère siéger dans les instances dirigeantes de la Zanu-PF et que tout porte à croire que son président de mari est en train de la préparer à sa succession. Quel mauvais esprit ! l

TCHAD UN PAS EN AVANT, DEUX PAS EN ARRIÈRE

Soudan du Sud Par ici la sortie

Le nouveau code pénal n’avait pas encore été promulgué, le 18 septembre, mais il avait déjà été adopté en Conseil des ministres. La bonne nouvelle, c’est qu’il abolit la peine de mort. La mauvaise, c’est qu’il sanctionne plus fortement l’homosexualité (le précédent code n’était, semble-t-il, pas suffisamment explicite), avec des peines pouvant aller jusqu’à vingt ans de prison. Les associations de défense des droits de l’homme dénoncent une manœuvre électoraliste.

Le 17 septembre, le gouvernement du Soudan du Sud était bien embarrassé. Non, il n’allait pas expulser tous les salariés étrangers, assurait ce jour-là Barnaba Marial Benjamin, le ministre des Affaires étrangères. Non, il n’y avait pas matière à s’inquiéter, ajoutait-il, même si, dans tous les pays du monde, « il existe des lois sur le travail qui réservent certains emplois aux citoyens ». La veille pourtant, une circulaire datée du

JEUNE AFRIQUE

12 septembre sommait toutes les entreprises privées et toutes les ONG du pays de cesser d’employer des étrangers dans un délai d’un mois et de les remplacer par des locaux. Erreur de communication ? Possible. Cleland Leshore, l’ambassadeur kényan en poste à Djouba, a immédiatement affirmé avoir eu l’assurance que la circulaire allait être « annulée ». Le Soudan du Sud n’a plus qu’à rectifier le tir…

L’enfer, au Nigeria, est un monde qu’il est fréquent de côtoyer. Les risques se sont accentués dans le Nord, où sévit Boko Haram, sur les rives polluées du delta du Niger, ou encore – c’est moins connu – dans un grand nombre de geôles du pays. Dans un rapport publié le 18 septembre et intitulé « Bienvenue en enfer », fruit d’une enquête menée pendant sept ans au Nigeria, Amnesty International indique que la torture y est « monnaie courante » et même « institutionnalisée ». Dans tout le pays, des suspects détenus par la police ou par l’armée sont torturés à titre de punition, pour leur arracher des aveux ou simplement des potsde-vin, dénonce l’ONG. Nombreux sont les postes de police à posséder leur propre salle de torture, parfois appelée « le temple » ou « le théâtre ». On y pratique le passage à tabac, l’arrachage d’ongles ou de dents, le viol, l’étranglement ou encore les décharges électriques.

NIGER UN PEU CHER

Pour l’opposition, la pilule a décidément du mal à passer. Le 17 septembre, un groupe de députés a porté plainte devant le tribunal de grande instance de Niamey pour détournement de deniers publics. C’est l’acquisition d’un nouvel avion présidentiel pour 30 millions d’euros qui leur pose problème – l’appareil, acheté d’occasion (il est sorti d’usine en 1998), aurait, selon eux, été surfacturé. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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Afrique subsaharienne

INTERVIEW

Henri Lopes « Les chefs d’État savent qui je suis » Inamovible ambassadeur du Congo en France, écrivain dans l’âme, l’ancien Premier ministre il se rêve maintenant en successeur d’Abdou Diouf à la tête de la Francophonie. Rencontre avec un candidat atypique. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

JEUNE AFRIQUE


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t À Jeune Afrique, le 15 septembre. Il a, explique-t-il, le soutien de « son » président, Denis Sassou Nguesso.

JACQUES TORREGANO POUR J.A.

celui qui est depuis seize ans l’inamovible ambassadeur du Congo en France ne fait pas campagne et s’abstient de tout programme. Son expérience malheureuse de 2002, quand le sommet de Beyrouth lui préféra un certain Abdou Diouf, lui a appris une chose : « Ce sont les chefs d’État qui décident le jour J à la fois de la personne et de la feuille de route qu’elle sera tenue d’appliquer. Tout ce qui se dit avant n’a guère d’importance. » Quant à sa propre notoriété, elle est, assure-til, « acquise »: qu’on ne compte pas sur lui pour entamer, à 77 ans, une tournée d’exhibition. Henri Lopes, il est vrai, est plus que le représentant en France d’un président, le congolais Denis Sassou Nguesso, à qui il doit d’être à nouveau candidat. Il y a l’écrivain de qualité bien sûr, publié chez Présence africaine, au Seuil puis chez Gallimard, auteur de neuf romans (le dixième est prévu pour février 2015), dont certains sont devenus des classiques de la littérature africaine d’expression française enseignée dans les lycées et les universités. Et puis il y a l’homme, dont le parcours est intimement mêlé à l’histoire du Congo.

FRANÇOIS SOUDAN

S

eptuagénaire racé dont l’élégance métissée a depuis longtemps oublié de vieillir, Henri Lopes est un candidat atypique. Alors que ses concurrentspourlesecrétariatgénéral de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) font le tour des capitales, multiplient les conférences de presse et distribuent des plaquettes déclinant leurs mérites, JEUNE AFRIQUE

ROUGE VIF. Né sur l’autre rive, à Kinshasa (alors Léopoldville), un jour de septembre 1937, dans une famille où s’entrecroisent les ascendances belge, française et congolaise, le jeune Henri s’installe à Brazzaville avec sa mère à l’âge où d’autres entrent à l’école primaire. Vingt ans plus tard, le voici étudiant en histoire à Paris, où il fait son apprentissage politique au sein de la mythique Fédération des étudiants d’Afrique noire en France, en pleine fièvre des indépendances. De retour au Congo en 1965, il est tour à tour professeur, directeur de l’enseignement, puis ministre de l’Éducation nationale en 1969, nommé à ce poste par le très progressiste Marien Ngouabi. À l’époque, le Congo est à gauche toute, politiquement rouge vif. On s’appelle camarade, et le marxiste Lopes figure parmi les fondateurs du Parti congolais du travail (PCT). Ministre des Affaires étrangères en

1972, Premier ministre de 1973 à 1975, ministre des Finances de 1977 à 1980 : Lopes est une figure majeure de cette période troublée, chaotique et sanglante (le président Ngouabi, pour qui il conserve une grande affection, sera assassiné) et qui l’expose parfois en première ligne. En 1973, à la suite d’une tentative de putsch manquée l’année précédenteaucoursdelaquelleilfut

Pas la peine de faire campagne, estime-t-il. Le jour J, ce sont les présidents qui décideront. brièvement arrêté, il préside la Cour révolutionnairedejusticechargéede juger les partisans du rebelle Ange Diawara. Plusieurs condamnations à mort par contumace sont prononcées – aucune ne sera exécutée. Un déchirement pour cet « opposant philosophique » à la peine de mort et, aujourd’hui encore, un traumatisme dont l’ombre portée irrigue Le Méridional, titre du manuscrit qu’il vient de remettre à son éditeur parisien. En 1981, Denis Sassou Nguesso le laisse partir pour l’Unesco, loin du marigot congolais. Henri Lopes restera près de deux décennies place Fontenoy, sous la houlette d’Ahmadou Mahtar Mbow puis de Federico Mayor, et finira directeur général adjoint. Quatre de ses romans les plus connus, dont Le Lys et le Flamboyant et Le Pleurer-Rire (« mon best-seller », sourit-il), seront écrits pendant ces années de calme feutré, au cœur du 7e arrondissement de Paris. Proche de Sassou Nguesso – qu’il connaît depuis la fin des années 1960 – pendant la guerre civile de 1997, Lopes est nommé ambassadeur en France en octobre 1998. Après avoir été enseignant, homme politique puis fonctionnaire international, le voici diplomate, sans cesser d’être écrivain. Une cinquième vie dont la longévité tient autant à ses compétences qu’à la phobie de l’instabilité qui est l’une des constantes de son président. La sixième est-elle en vue ? « J’y suis prêt », dit-il. Si certains en doutaient, cet entretien le prouve. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


Afrique subsaharienne Interview JEUNE AFRIQUE : Pourquoi être à nouveau candidat au secrétariat général de l’OIF ? HENRI LOPES : J’ai le défaut de

me sentir encore jeune, de penser que je ne suis pas le même qu’auparavant, et d’estimer que mon âge et mon expérience sont des atouts. En France, Georges Clemenceau n’a-t-il pas pris des décisions importantes à 76 ans ? Nelson Mandela n’a-t-il pas été élu à 77 ans à la tête de l’Afrique du Sud ? Ces exemples sont à méditer. Pour ma part, j’ai deux passions : l’écriture, même si je n’ai pas pu m’y consacrer à plein temps faute de moyens, et la défense de la langue française. Toute ma carrière, j’ai milité pour sa promotion, en particulier en Afrique. D’ailleurs, je crois aujourd’hui que le français est devenu une langue africaine. La francophonie est-elle, selon vous, menacée ?

Oui, et s’il est une région du monde où elle est en péril, c’est bien l’Europe : à Bruxelles par exemple, l’anglais s’impose de plus en plus. De même, l’intelligentsia française ne paraît pas très concernée par la francophonie, et l’OIF suscite souvent des sourires en coin. A contrario, en Afrique, il y a une vraie demande de francophonie. Notre continent est la seule région du monde où le français va prospérer, et ce sur une zone qui s’étend de Nouakchott jusqu’à Brazzaville. C’est bien là que se trouve le réservoir de la francophonie. En Afrique francophone, beaucoup de jeunes, pour qui l’OIF est une institution un brin surannée, se tournent vers l’anglais et les pays anglophones. Comment y remédier ?

Soyons clairs : l’anglais progresse partout, nous ne pouvons pas nous y opposer. Mais cela n’est pas incompatible avec la francophonie. Même le Nigeria, qui est la première puissance économique du continent, se met au français pour pénétrer les marchés qu’il convoite en Afrique de l’Ouest. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

D’une manière générale, je pense que tout Africain doit être bilingue et parler l’anglais, ou du moins en maîtriser les rudiments. Vous dites que les jeunes se détournent de la francophonie ? C’est une chose qu’il nous faut prendre en compte de manière à ce que cette francophonie demeure, à leurs yeux, attrayante, et pour qu’elle soit incontournable pour les États anglophones. Il est vrai que l’OIF est une organisation récente, avec peu de moyens et beaucoup de responsabilités. Il nous faut, ensemble, réfléchir à l’avenir de la francophonie. Quitte à s’inspirer de démarches passées, comme celle de l’Unesco dans les années 1960, qui avait formé des professeurs : elle avait su comprendre et identifier un besoin précis et proposer un plan d’action efficace. C’est un bon exemple à suivre. Quelles seront vos premières actions si vous êtes choisi pour diriger l’OIF ?

Il me semble fondamental de tirer les leçons du passé pour pouvoir agir. Si je suis désigné, je nommerai donc une commission pour faire le bilan de l’état du français dans tous les pays de la francophonie et pour décider de ce qui doit être fait. Il faudra aussi repenser le rôle politique de notre organisation : il n’est pas question de faire de l’OIF une ONU aux petits pieds, ni de reproduire ce qui existe déjà. Qu’est-ce qui ferait de vous un bon secrétaire général ?

De par mon parcours, je pense incarner les trois dimensions qui

JEAN-PIERRE MULLER/AFP

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est bien une organisation internationale, avec ce que cela implique – et sans fausse modestie, j’ai dixhuit années d’expérience de haut niveau à l’Unesco. Tout cela fait que je pense être un candidat crédible, d’autant que j’ai également un solide réseau de connaissances

Il faut repenser le rôle politique de l’OIF. Pas question d’en faire une ONU aux petits pieds. font la spécificité de l’OIF. La première est culturelle et a été mise en avant dès la création de l’organisation, en 1970. La deuxième est politique, et elle est cruciale – le président Abdou Diouf l’a démontré avec brio. Enfin, l’OIF

parmi les chefs d’État et les hauts fonctionnaires du continent. À ceux qui disent qu’il faut désigner un ancien président, je réponds en citant l’exemple de l’ONU : aucun secrétaire général des Nations unies n’a jamais dirigé de pays. JEUNE AFRIQUE


RETROUVEZ les interviews de Michaëlle Jean et Pierre Buyoya, également candidats à la tête de l’OIF

Henri Lopes de l’organisation sont limités et dépendent, comme c’est le cas pour toutes les organisations internationales, de la bonne volonté des bailleurs de fonds. Vous revendiquez de ne pas avoir de programme. Vous ne donnez pas non plus l’impression de faire campagne quand d’autres candidats courtisent les chefs d’État…

Moi aussi, je pourrais être dans la séduction ou faire campagne, mais je connais bien le système et sais comment tout se joue. Il faut rappeler que les deux précédents secrétaires généraux [Boutros Boutros-Ghali et Abdou Diouf ] n’avaient pas non plus fait campagne. Donc, non, je ne vais pas distribuerdeprogramme.Enrevanche, peut-être vais-je préciser mes idées dans un fascicule et le soumettre lors de l’Assemblée générale de l’ONU à la fin du mois, avant que les chefs d’État ne fassent leur choix. N’est-il pas regrettable qu’il n’y ait pas un candidat africain unique ?

Non, cela signifie que les Africains sont devenus démocrates ! En ce qui me concerne, c’est vrai que je n’ai pas fait l’unanimité jusqu’ici. Mais qui, parmi les autres candidats, peuvent le prétendre ? Tous mes concurrents me semblent bons et notre diversité sert la francophonie. Certains candidats insistent, dans leur programme, sur les questions économiques. Pas vous. Pourquoi?

« la dimension économique de la francophonie ».

Tout d’abord, moi, je n’ai pas de programme. Pourquoi ? Parce que ce sont les chefs d’État qui vont se réunir en novembre au Sénégal qui, en plus de choisir le prochain secrétaire général de l’OIF, définiront sa feuille de route. C’est comme ça que cela fonctionne. Quant à la dimension économique que vous mentionnez, c’est bien sûr une priorité, mais ce n’est pas une nouveauté : un partenariat étroit a déjà été noué avec le Forum francophone des affaires. Faut-il faire plus ? C’est aux chefs d’État d’en décider. Et peut-être s’inspirerontils, quand ils se verront à Dakar, du rapport de Jacques Attali sur

L’OIF peut-elle être efficace dans tous ces domaines ? Peut-elle s’occuper à la fois de culture, de politique, d’économie…

JEUNE AFRIQUE

La francophonie est un peu comme le vif-argent dans la main : il bouge, il s’étend à tout un spectre d’activités. Il ne s’arrête pas à ce que vous venez d’énumérer. L’OIF accorde également une place importante au développement durable ; elle pourrait être amenée à s’occuper des questions de santé à cause de l’épidémie d’Ebola et des préoccupations qu’elle suscite chez les présidents africains. Toutefois, c’est vrai, il faudra bien faire des choix : je vous le redis, les moyens

p Avec Abdou Diouf et Jacques Chirac, alors chef de l’État français, en janvier 2006.

Avez-vous sollicité le soutien de chefs d’État du continent ?

Je me suis beaucoup entretenu avec « mon » chef d’État, le président Denis Sassou Nguesso. J’aurais pu solliciter plusieurs de ses homologues, mais, par pudeur, j’attends qu’éventuellement ils se manifestent. Je ne veux pas avoir l’air de mendier leur soutien et, de toute façon, la plupart d’entre eux me connaissent déjà. Qui a eu l’idée de votre candidature : vous ou le président Sassou Nguesso ?

L’idée vient de lui. Il pense lui aussi que je suis l’homme de la situation pour la Francophonie. l Propos recueillis par FRANÇOIS SOUDAN et JOAN TILOUINE N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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Maghreb & Moyen-Orient

LIBYE

L’autre jihadistan Alors que le monde entier a les yeux rivés sur l’État islamique, l’ex-Jamahiriya est progressivement devenue une sorte de hub où les groupes terroristes de la région viennent s’approvisionner en armes et se réorganiser.

C

omme un homme qui, au cœur de la savane, crierait au lion qui approche quand tous ses compagnons auraient les yeux rivés sur l’éléphant qui charge, Jean-Yves Le Drian a une nouvelle fois sonné l’alarme dans une quasi-indifférence, le 17 septembre. Au Caire, où il venait de s’entretenir avec le président Abdel Fattah al-Sissi – et où il a trouvé une oreille attentive –, le ministre français de la N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

RÉMI CARAYOL

Défense a appelé à « une mobilisation globale » afin de « contrer la menace terroriste ». Il n’était pas question, alors, de l’Irak ou de la Syrie, sur lesquels toute l’attention du monde est portée depuis que l’État islamique (EI) a proclamé un califat sur une partie de leur territoire en juin dernier, mais de la Libye, un repère de jihadistes tout aussi inquiétant si l’on se fie à l’analyse que partagent la France et une bonne partie des pays de la sous-région. Voilà plusieurs jours que Le Drian répète la même chose : « Il y a un risque de globalisation du terrorisme avec Daesh [l’État islamique] en Irak et en Syrie mais aussi en raison de la situation en Libye, au Niger et dans le Sahel. Il faut faire quelque chose. » La première salve remonte au 9 septembre, JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient sur l’Assemblée générale de l’ONU, qui se tient à New York en ce moment même, afin de créer « un embryon de feuille de route pour sortir la Libye du chaos ». Pourquoi maintenant ? « Parce qu’intervenir en Irak sans régler le problème libyen ne servirait à rien », indique l’entourage de Le Drian. Parce que le « jihadistan » qu’est devenue la Libye depuis deux ans menace directement le succès des opérations Serval au Mali et Sangaris en Centrafrique, et pourrait ne pas être totalement étranger à l’offensive de Boko Haram au Nigeria. Et enfin parce que les services de renseignements français et américains ont observé « une évolution inquiétante » ces derniers temps.

ABDULLAH DOMA/AFP

MOBILITÉ. À vrai dire, cela fait des mois que les

quand, dans une interview au quotidien français Le Figaro, il a alerté sur « la gravité de la situation en Libye », rappelant ce que l’on sait depuis des mois, à savoir que « le Sud libyen est une sorte de hub où les groupes terroristes viennent s’approvisionner, y compris en armes, et se réorganiser », et a fini par admettre qu’il était urgent « d’agir » dans ce pays « menacé d’être contrôlé par les jihadistes ». Le même jour, à Milan (Italie), loin des regards cette fois, il tenait les mêmes propos devant ses homologues européens. Et les réitérait le 16 septembre aux Émirats arabes unis. Il ne s’agit pas, pour l’heure, de partir en guerre. La France n’en a ni l’intention ni les moyens, et ses alliés traditionnels, États-Unis et RoyaumeUni en tête, ont d’autres préoccupations. Pas de bombardements donc, ni, a fortiori, d’envoi de troupes au sol, jure-t-on à l’Élysée comme à l’Hôtel de Brienne. Pas pour l’instant tout du moins (lire encadré p. 41). « Nous voulons sensibiliser la communauté internationale à l’urgence de traiter la question libyenne », explique-t-on au ministère de la Défense. Paris compte notamment JEUNE AFRIQUE

p Manifestation des partisans d’Ansar al-Charia, le 21 septembre 2012, à Benghazi.

voisins du Sud (Tchad et Niger) s’inquiètent. La présence de centaines, voire de milliers de jihadistes dans le Fezzan comme en Cyrénaïque ne fait plus l’ombre d’un doute. Au sud, dans cette zone grise qu’est le Fezzan, « on ne peut pas dire combien ils sont, c’est très mouvant, mais on sait qu’ils viennent de partout : d’Algérie, du Mali, de Tunisie, d’Égypte et même de Syrie », confie le responsable des services de renseignements d’un pays voisin. On y trouverait des hommes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), d’AlMourabitoune et d’Ansar al-Charia. Certains spécialistes, dont l’Allemand Wolfram Lacher, l’un des rares à se rendre régulièrement sur le terrain, estiment que leur poids est surestimé. « Je ne conteste pas une présence jihadiste dans le Sud. Des acteurs locaux me l’ont confirmé. Mais ils n’y jouent pas un rôle majeur. Leur présence n’est pas permanente et ancrée, elle est mobile et discrète », expliquait-il il y a quelques mois. « Même les sources locales qui confirment leur présence nient le fait que ces groupes pourraient avoir construit des camps d’entraînement ou procéder à des recrutements de locaux », écrivaitil récemment. « Ils s’installent lentement mais sûrement », affirme-t-on, en revanche, à Paris. Leur objectif – pour l’heure – ne semble pas être d’instaurer dans le Fezzan un État islamique ou, pour reprendre un terme en vogue, un califat. « Le contrôle de ce territoire ne les intéresse pas. Ils préfèrent se servir de cette zone comme d’un lieu de transit et de repos, qui leur permet de s’entraîner et de préparer leurs attaques », précise une source militaire française. Pour ce faire, ils auraient acheté plusieurs bâtiments dans les environs d’Ubari, entre les villes de Ghat et de Sebha : des fermes accolées à des terrains de 20 à 30 hectares, qui servaient jadis à l’élevage, et qu’ils auraient payées 80 000 dinars (environ 50 000 euros) rubis sur l’ongle. « Des camps d’entraînement », affirme une source locale. Les moyens d’observation aériens français et américains (drones décollant de Niamey et images N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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Maghreb Moyen-Orient Libye satellites) en ont déjà repéré. « On sait que des katibas [phalanges] ont été créées, on connaît leur nom, et on sait où certaines d’entre elles se trouvent », indique une source nigérienne. Déjà identifiées : les katibas 118 et Magawir. Chacune serait composée d’une centaine d’hommes tout au plus, mais disposerait d’un redoutable matériel de guerre : des pick-up équipés d’armes lourdes (des 12-7, des 14-5…). Mais ces informations sont périssables à très court terme. Comme l’indique un officier français à l’œuvre dans la région, « nous faisons face à une réalité extrêmement mouvante ». Les camps d’entraînement sont temporaires ; les hommes, seulement de passage… Selon plusieurs sources françaises et sahéliennes, certains des principaux chefs des groupes jihadistes se trouveraient dans la zone. Abdelmalek Droukdel, l’émir d’Aqmi, y a été signalé. Mokhtar Belmokhtar, le chef d’Al-Mourabitoune (auteurs des deux derniers attentats d’envergure dans la zone, In Amenas en janvier 2013 et Agadez en mai de la même année), y passerait la plupart de son temps. Des dirigeants d’Ansar al-Charia y auraient également été vus. Pour l’instant, « ils ne participent pas aux conflits locaux qui opposent les Touaregs, les Toubous et les Ouled Souleymane, poursuit le responsable des renseignements d’un pays voisin. Ils ne cherchent

p Patrouille de l’armée nigérienne près d’Ingall, dans le nord du Niger. Cela fait des mois que Niamey mais aussi N’Djamena appellent la communauté internationale à la rescousse.

pas non plus à prendre le contrôle des routes de tous les trafics. Ils se tiennent tranquilles, n’embêtent personne ». Mieux : ils achètent local, paient comptant et commencent à tisser des liens avec les populations et les chefs de tribu. Cette tactique, que l’on pourrait comparer à la doctrine de « l’empreinte légère » chère au président américain Barack Obama, a fait ses preuves dans le Nord-Mali il y a quelques années.

Trafics à ciel ouvert Tripoli Misrata

TUNISIE

Mer Méditerranée

Benghazi

Tripolitaine

Ubari

ARC JIHADISTE. La présence jihadiste est plus Tobrouk

Sidi Fredj

Syrte Ghadamès

Djebel Lakhdar Derna

Ajdabiya

Cyrénaïque ÉGYPTE

Sebha

Fezzan

ALGÉRIE

Passage Salvador NIGER

TCHAD

300 km

Armes Drogue Contrebande Bases jihadistes présumées N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

SOUDAN

SOURCES : UNITED STATES INSTITUTE OF PEACE, J.A.

Al-Koufrah

perceptible encore sur les côtes de la Cyrénaïque, à Derna et à Benghazi notamment, que les services occidentaux estiment être les vrais lieux de décision. Mais aussi plus au sud, le long de la frontière avec l’Égypte, où l’on trouve plusieurs camps d’entraînement. Là, confirme Wolfram Lacher, « la mobilisation des jihadistes est forte et leur présence ouverte ». Entre ces deux « zones grises », qui échappent totalement au contrôle de ce qui reste de l’armée libyenne et des milices « loyalistes » – comme, du reste, une bonne partie du pays, dont la capitale Tripoli –, les passerelles sont nombreuses. « Ils se déplacent d’une région à l’autre sans problème aucun », indique-t-on à Niamey. Les routes qu’ils utilisent sont les mêmes qui servent aux trafics d’armes, de drogue et d’êtres humains. La frontière entre jihadistes et trafiquants est d’ailleurs loin d’être étanche. De même, ce qu’un officier français qualifie d’« autoroute jihadiste » ne s’arrête pas aux frontières de la Libye. C’est bien ce qui inquiète les autorités françaises et les voisins immédiats. « Les liens entre les différents groupes jihadistes ne sont pas tous avérés, mais le risque est grand qu’une coordination voie le jour », confie-t-on dans l’entourage de Le Drian. Le 16 septembre, JEUNE AFRIQUE


L’autre jihadistan

Faut-il intervenir? Si une opération militaire n’est pas du tout d’actualité, certains, notamment la France, s’y préparent déjà.

ISSOUF SANOGO/AFP

L

rompant avec leur position de défiance à l’égard de l’EI, deux groupes affiliés à Al-Qaïda (Aqmi et Al-Qaïda au Yémen) ont appelé les jihadistes de la région à s’unir contre l’ennemi commun. De même que l’EI a enjoint à ses combattants libyens de rentrer au pays pour se battre aux côtés d’Ansar al-Charia. La France craint qu’un arc jihadiste ne voie le jour sur une zone s’étendant de l’Irak au Nigeria en passant par la Syrie, le Sinaï égyptien, la Somalie et leSahel,etquedesconnexionssedéveloppententre l’EI, les filiales d’Al-Qaïda (Aqmi, les Shebab, Ansar al-Charia) et les groupes « non affiliés » comme Al-Mourabitoune, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), qui sévit au Mali, et Boko Haram. S’il n’est pas avéré que les hommes d’Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram, bénéficient du soutien de leurs « frères d’armes » qui sévissent plus au nord, plusieurs spécialistes lient leurs récentes victoires militaires dans l’État de Borno au chaos libyen. « On sait que les armes dont dispose Boko Haram viennent du Soudan et de Libye et qu’elles transitent par le Niger et surtout par le Tchad », affirme-t-on à Paris. La France appréhende aussi des répercussions en Centrafrique. « Pour l’instant, rien ne prouve que les éléments de la Séléka ont des liens avec les groupes jihadistes, mais Boko Haram et les Shebab ne sont pas loin. Il faut casser d’éventuelles connexions », indique une source militaire. Si une intervention devait être menée en Libye, son premier objectif serait donc de cloisonner tous ces groupes et de contenir leur pouvoir de nuisance. « Ça, c’est le plus simple », indique un officier français. Le retour à l’ordre constitutionnel en Libye et l’extinction des volontés jihadistes, « c’est une autre histoire ». l JEUNE AFRIQUE

entourage de JeanYves Le Drian ne cesse de le répéter : « Le temps n’est pas venu de lancer une opération militaire en Libye. Il y a plusieurs dynamiques à construire : politique, régionale et internationale, militaire. Pour l’instant, nous tentons de convaincre la communauté internationale de s’emparer de la question. » Deux certitudes : les militaires français pensent qu’il faudra bien intervenir un jour et se préparent en conséquence, même si l’on assure à Paris qu’il n’existe pour l’heure aucun plan d’attaque ; et la France, si elle doit intervenir, ne le fera pas seule. Elle n’en a ni l’intention ni les moyens, malgré le dispositif Barkhane qui quadrille le Sahel et qui disposera, à terme, de plusieurs bases près de la frontière libyenne (à Madama, au Niger ; à Zouar et à Faya, au Tchad).

SUIVI. Les États-Unis (qui disposeront bientôt d’une base de drones à Dirkou, au Niger, à 400 km de la Libye) et le RoyaumeUni, les deux pays les mieux renseignés dans la région, sont conscients des enjeux. Mais ils ont une autre priorité : l’État islamique (EI). En Europe, les Italiens sont également inquiets. « Ils savent que la vague d’immigration qu’ils subissent depuis quelques mois est directement liée au chaos libyen », indique-t-on à Paris (lire « L’événement » pp. 8-10). Les pays de la sous-région, qui craignent (ou subissent déjà) les répercussions

du chaos libyen, sont plus va-t-en-guerre. Cela fait des mois que le Niger et le Tchad appellent de leurs vœux une intervention, à condition qu’elle soit cette fois suivie d’un « service après-vente » et qu’elle ne soit pas simplement un remake de l’opération Harmattan, qui, en 2011, s’était conclue par la chute de Kadhafi. C’est aussi l’avis de la France : « On ne fera pas comme Harmattan, mais comme Serval, avec un suivi du processus politique. » Si en Tunisie les avis divergent, l’Égypte et les Émirats arabes unis, eux, sont tout disposés à agir. Voilà des mois que Le Caire et Abou Dhabi soutiennent vraisemblablement le général Haftar dans sa lutte contre les islamistes en Cyrénaïque, y compris par des raids aériens. Reste l’Algérie, qui enverrait régulièrement des forces spéciales en Libye (comme les États-Unis et la France). Si elle redoute de voir son voisin tomber entre les mains des jihadistes, elle craint tout autant que ces derniers, en cas d’intervention, se replient sur son territoire. Pour l’heure, les militaires algériens ne veulent pas d’une guerre. Quant aux Libyens, ils se disent, par la voix de leur ancien chef de la diplomatie Mohamed Abdelaziz et de leur Parlement, « fermement opposés » à des opérations étrangères sur leur sol. Du côté des diplomates chargés du dossier libyen, on soutient l’initiative de l’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye, Bernardino León, qui prône une solution politique. l R.C. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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Maghreb Moyen-Orient TUNISIE

Menzel Bouzaiane la rebelle À l’avant-garde de la contestation en décembre 2010, les habitants de cette petite localité du Centre n’ont guère récolté les fruits de leur lutte. Mais ils ne désarment pas. Reportage.

E

n plein centre de la Tunisie, à 70 km au sud de Sidi Bouzid, berceau de la révolution, se trouve la petite commune de Menzel Bouzaiane. Avec ses 6 000 habitants, la localité s’est peu à peu imposée comme le symbole de la résistance des idéaux révolutionnaires face à la tentation autoritaire du régime à l’approche des élections. La ville où est tombé, en décembre 2010, le premier martyr de la révolution subit aujourd’hui de plein fouet la répression qui frappe l’ensemble des mouvements sociaux dans le pays. Ici, le combat pour la justice sociale et la dignité engagé il y a bientôt quatre ans est loin d’être terminé. Vendredi 24 décembre 2010, Menzel Bouzaiane est en état de siège. Environ 1 800 policiers y ont été déployés afin de prévenir toute velléité d’insurrection, alors que, à quelques kilomètres au nord, Sidi Bouzid s’est soulevé peu après la tentative d’immolation par le feu du jeune Mohamed Tarek Bouazizi, qui décédera le 4 janvier. Après l’échec des négociations entre les habitants et les forces de l’ordre, qui refusent de se replier, des rumeurs commencent à courir: « Ils vont tout simplement raser la ville, la brûler et la réduire à néant. » En fin d’après-midi, le soulèvement commence. Le poste de la garde nationale et ses véhicules sont incendiés. Un premier manifestant tombe sous les balles de la police, suivi bientôt d’un deuxième, qui succombera à ses blessures à l’hôpital. Les policiers se replient enfin. La rébellion gagne progressivement le pays, puis la capitale, où les jeunes s’empressent de rejoindre les manifestations qui feront chuter, le 14 janvier 2011, le régime Ben Ali. D E V O I R D E M É M O I R E . Encore

aujourd’hui, les jeunes de Menzel Bouzaiane ressassent à l’envi le film de la révolution. Safouane Bouaziz, une figure de la contestation locale, raconte à qui veut l’entendre le déroulement de ces folles journées de décembre. « C’est important de se souvenir, de répéter la vérité contre ceux qui voudraient modifier l’Histoire, N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

explique-t-il. Les jeunes de la révolution, c’est nous ! » De son côté, Jamel, 33 ans, s’est improvisé archiviste des protestations. Ce photographe et militant garde précieusement chez lui les vidéos et les photos des événements du 24 décembre. Assis devant son ordinateur personnel, il revit l’histoire et, sous le regard de son jeune fils, se souvient « du sifflement des balles et du sang des martyrs ». Depuis, les habitants de Menzel Bouzaiane ne cessent de tirer la sonnette d’alarme. Alors que la Tunisie s’enfonçait petit à petit dans les méandres institutionnels de la transition, la situation sociale et économique dans les Tunis régions intérieures n’a en effet pas ALGÉRIE Sidi Bouzid vraiment changé. Touchée par un chôMer Menzel Bouzaiane Méditerranée mage endémique et une précarité granTUNISIE dissante, la jeunesse, qui fut à l’origine de p Graffitis l’étincelle révoluLIBYE réclamant tionnaire, a du mal à des emplois se reconnaître dans 150 km et prônant les tractations polil’insoumission. ticiennes à l’œuvre dans la capitale. Aujourd’hui, à Menzel Depuis que le gouverneur de la ville a été Bouzaiane, le climat insurrectionnel est « dégagé », le blocage du phosphate est l’un toujours palpable. Rejaillissant régulièdes derniers moyens pour les habitants de rement, la colère s’exprime par soubrefaire valoir leurs droits. Si cela entrave son sauts, comme le 25 juillet 2013 quand, travail, Tahar, chef de gare originaire de après l’annonce de l’assassinat du député Gafsa, comprend leur colère : « Bien sûr, Mohamed Brahmi, le poste de police a été ça perturbe le trafic. Mais la situation n’est brûlé pour la troisième fois. Mais la révolte pas tenable, les gens d’ici ont le droit de s’exprime aussi de manière plus pacifique, protester pour leur dignité. » dans les nombreux tags et pochoirs qui Cette protestation quasi permanente ornent les murs de la ville. n’est évidemment pas du goût des autoriLorsque le train du phosphate entre tés, qui aimeraient tourner une fois pour en gare et qu’il soulève sur son chemin toutes la page de la révolution. D’où la loi des nuages de poussière jaune, Menzel d’amnistie du 2 juin 2014 pour les auteurs Bouzaiane prend de faux airs de décor de violences liées aux actes révolutionnaires entre le 17 décembre 2010 – date de western. Quatre fois par jour, le train traverse la ville de part en part pour relier de l’immolation par le feu de Bouazizi – et les mines de Gafsa, à l’ouest, au port de le 28 février 2011. Safouane Bouaziz aura bientôt 31 ans. Le jour de son anniverSfax, sur la côte est. Parfois, ce ballet fersaire, il est appelé à comparaître pour la roviaire est interrompu par des protesénième fois devant le tribunal de grande tataires qui maintiennent le train à quai. JEUNE AFRIQUE


LIONEL BARAILLÉ

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instance de Sidi Bouzid. Comme douze autres jeunes de Menzel Bouzaiane, il est accusé pêle-mêle d’atteinte au drapeau, de menace contre fonctionnaire, mais aussi de l’incendie du poste de la garde nationale et d’entrave à la circulation d’un train de marchandises. Jugés pour des faits remontant à un peu moins d’un an, ces jeunes ne sont pas protégés par la loi d’amnistie. Pour beaucoup, celle-ci tend à circonscrire la révolution à une période limitée et concourt à clore les débats autour des questions de justice sociale et d’égalité. Et à criminaliser les mouvements sociaux. « Ce sont tous les mouvements révolutionnaires tunisiens, actuels et futurs, qu’il faut arrêter de criminaliser », plaide Safouane, qui voit dans la succession de procès autant « d’indices du retour de la dictature ». Pour lui, il ne fait aucun doute que le verdict sera en grande partie conditionné par les résultats des élections d’octobre et novembre prochains. « Si les islamistes passent, pour moi c’est la prison assurée », affirme-t-il. JEUNE AFRIQUE

Dans l’attente de son jugement, il reste libre de circuler dans le pays. Un moindre mal pour ce jeune homme qui a dû se cacher plus d’un an et demi dans sa ville pour échapper à la police.

cafés, seuls lieux de réunion et de divertissement de la localité. Saloua Chnenni, 31 ans, est coordinatrice à Radio MB, une radio locale qui émet sans autorisation depuis le 24 décembre 2013. « On a choisi cette AUTOGESTION. En attendant, la petite date symbolique pour lancer la première émission », explique-t-elle. Diffusant sur localité a appris à ne plus compter ni sur internet et sur la bande FM à partir d’un la police ni sur le gouvernement pour petit émetteur bricolé, Radio MB donne gérer ses affaires. « Depuis un an et demi la parole aux citoyens et propose quotidiennement Le blocage des trains du des émissions sur les réaphosphate est l’un des derniers lités locales. « Nous étions trois bénévoles au départ. moyens de se faire entendre. Maintenant, nous sommes douze, dont 90 % de jeunes femmes », que les forces de l’ordre ont quitté la ville, il n’y a eu aucun problème », explique un se félicite la coordinatrice. Dans l’ancien habitant. Sur les murs du bureau de poste, local de l’ex-parti au pouvoir transformé en face du bâtiment désaffecté de la garde en maison de jeunes, on diffuse désormais nationale, des inscriptions appellent les des documentaires sur la réappropriation citoyens à ne plus payer leurs factures desusinesenArgentine.L’idéefaitsonchemin. À la sortie du village, un tag en noir le d’eau et d’électricité. Un certain nombre d’initiatives ont également vu le jour pour confirme: « Autogestion? Pourquoi pas. » l donner aux jeunes une alternative aux THOMAS ANCONA LÉGER, envoyé spécial N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


Maghreb Moyen-Orient JAMAL BENOMAR

Militant un jour, militant toujours quittant le royaume à bord d’une patera. Il n’y est retourné que tardivement, toujours pour des affaires privées. En réalité, pour l’administration onusienne, Benomar est un sujet de Sa Majesté britannique. « C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles on ne l’a pas vu venir. Il n’est pas candidat au poste de secrétaire général », confie une source onusienne. Une tradition non écrite veut en effet que le secrétaire général ne soit pas un ressortissant de l’un des pays membres permanents du Conseil de sécurité.

Des rangs de l’extrême gauche marocaine au monde feutré de l’ONU en passant par Amnesty, l’envoyé spécial de Ban Ki-moon au Yémen n’a jamais transigé avec ses convictions.

À

57 ans, Jamal Benomar n’est pas près de prendre sa retraite internationale. « Tu es ma dernière chance de réussir une mission onusienne », lui aurait soufflé Ban Ki-moon, qui voudrait terminer son second mandat sur un succès diplomatique dans un pays arabe. Depuis avril 2011, Benomar coordonne les efforts de l’ONU pour éviter que le Yémen ne sombre dans le chaos. D’abord conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU pour ce pays pauvre de la péninsule Arabique, où un soulèvement populaire a poussé au départ le président Ali Abdallah Saleh, il a ensuite été nommé envoyé spécial, en août 2012, avec rang de secrétaire général adjoint. Dans le monde feutré de l’ONU où les ambitions sont nombreuses et les postes très convoités, ce Rifain originaire de Nador détonne à plus d’un titre. Véritable workaholic (drogué du travail) selon un collaborateur, il a réussi à tenir la conférence du dialogue national (mars 2013-janvier 2014) tout en prêtant l’oreille à toutes les factions. Il

s’est imposé comme l’homme de bonne volonté, discret mais efficace, enchaînant les journées de seize heures, loin de la moyenne onusienne. « C’est un politique qui sait parler aux politiques. Le Yémen est un panier de crabes, lui, avec sa “poker face”, reste au-dessus de la mêlée », résume un journaliste sur place. Il est aussi le dernier survivant de la génération des émissaires onusiens APPELS DU PIED. « Benomar n’est pas dans les pays du Printemps arabe. Le fâché avec le Maroc, explique l’un de ses proches, il est très attaché à son pays. » Il Libanais Tarek Mitri vient de rendre y est revenu en 2005 pour l’enterrement son tablier en Libye, la Syrie a usé deux diplomates d’expérience : l’ancien secréde sa mère et il y retourne régulièrement taire général Kofi Annan et l’Algérien Lakhdar Brahimi. L’administration onusienne Et, contrairement à ceux-là, le considère comme un sujet et à d’autres – le Tunisien Kamel Morjane, l’Égyptien de Sa Majesté britannique. Boutros Boutros-Ghali –, Benomar n’a pas atterri à l’ONU après pour des vacances. Deux séminaires de une carrière diplomatique. Il n’a jamais son équipe de Sanaa se sont d’ailleurs travaillé pour le gouvernement marotenus à Skhirat, non loin du palais préféré de Hassan II. Mais il n’a pas soldé cain. Ancien militant d’extrême gauche, « prisonnier de conscience » adopté par ses comptes avec le Makhzen. Expert en Amnesty, il s’est exilé en février 1985, justice transitionnelle, il n’a pas touché l’indemnisation de l’Instance Équité et Réconciliation (IER), présidée par son ancien camarade Driss Benzekri. Sa position a été constante: pour tourner la page, l’État marocain doit présenter ses excuses aux victimes des années de plomb. Le contentieux est ancien. En 1994, il est directeur au Haut-Commissariat aux droits de l’homme, à Genève, quand il se retrouve nez à nez avec le commissaire Kaddour Yousfi, venu présenter le rapport du Maroc sur la torture. « Pendant huit mois, à Derb Moulay Cherif, Yousfi m’a torturé », rapporte Benomar dans les colonnes du magazine TelQuel. Même s’il ne travaille pas sur le dossier marocain, le Rifain ne peut laisser passer l’affront. Les délégations sont alertées, un sit-in organisé devant le palais Wilson. Pour Rabat, c’est un désastre en matière d’image. Depuis le nouveau règne, le Makhzen a multiplié les appels du pied à l’endroit de Benomar, qui résiste. Le Rifain est rebelle. l p Sortant d’une réunion avec des « sit-ineurs » yéménites prodémocratie, LUKE SOMERS/DEMOTIX/CORBIS

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le 23 février 2012, à Sanaa.

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YOUSSEF AÏT AKDIM JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Maghreb & Moyen-Orient

AFP

QATAR SALE PERFORMANCE

Égypte Alaa bonheur ! C’est un soulagement certain mais provisoire. Après des mois d’emprisonnement, le célèbre militant égyptien Alaa Abdel Fattah (photo) a finalement été libéré par la justice, le 15 septembre, contre le paiement d’une caution de 5 000 livres (environ 540 euros). Mais il reste poursuivi pour rébellion. Il avait été condamné par contumace à quinze ans de prison lors d’un procès entaché, selon sa défense, d’irrégularités. Le juge qui a prononcé la libération conditionnelle s’est dessaisi de l’affaire, sans que l’on sache s’il a ou non subi des pressions. La sœur d’Alaa, Sana, qui est également en prison depuis le 21 juin pour avoir dénoncé la nouvelle loi sur les manifestations, a entamé quant à elle une grève de la faim. Depuis la prise du pouvoir par le maréchal Sissi, en juillet 2013, et avant même son élection à la présidence de la République, les services de sécurité ont adopté une politique de répression systématique contre les dissidents et les opposants, y compris les jeunes révolutionnaires. l

DUBAÏ CHAMPAGNE HALAL

Toujours aussi excentriques, les Dubaïotes ont inventé un champagne 100 % halal. Derrière cette innovation, l’entreprise Lootah Premium Foods, qui fabrique le noble breuvage selon la méthode traditionnelle, mais en en retirant l’alcool grâce à une distillation sous vide pour le remplacer par des feuilles d’or alimentaires. La bouteille contenant l’équivalent de 24 carats, son prix à l’unité s’élève à une centaine d’euros. JEUNE AFRIQUE

États-Unis-Iran Alliés honteux Washington et Téhéran ont beau se défendre de toute alliance contre l’État islamique (EI), il en va tout autrement sur le terrain. Ainsi apprend-on que la ville d’Armeli, dans le nord de l’Irak, a été, le 31 août, libérée du siège jihadiste par l’armée irakienne et des miliciens chiites étroitement liés à l’Iran grâce à des… bombardements

américains. Nombre d’experts font état d’échanges d’informations et d’un minimum de coordination entre ces alliés honteux, soucieux, côté américain, de ménager les susceptibilités saoudiennes et israéliennes et, côté iranien, de ne pas donner l’impression de collaborer avec le « Grand Satan ».

Selon une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Qatar est le deuxième pays le plus pollué de la planète, juste derrière le Pakistan. En cause, l’industrialisation effrénée, la multiplication de grands travaux, la densification de la circulation automobile, ainsi que l’augmentation substantielle (+ 11,4 %) du trafic aérien à l’aéroport international Hamad de Doha. L’enquête a été conduite dans 91 pays et couvre la période 2008-2013.

ISRAËL NATIONALITÉ : ARAMÉENNE

Le ministre israélien de l’Intérieur, Gideon Saar, a annoncé le 17 septembre que les citoyens chrétiens qui le désirent pourront désormais se prévaloir de la nationalité araméenne sur leur carte d’identité et autres documents officiels, à la condition d’en parler couramment la langue. Formulée en février par un certain nombre de chrétiens, cette revendication avait reçu le soutien du Likoud, le parti du Premier ministre, Benyamin Netanyahou. Jusque-là, les citoyens de l’État hébreu étaient subdivisés en quatre catégories « nationales » : les Juifs, les Druzes, les Arabes et les Bédouins. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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Europe, Amériques, Asie

BRÉSIL

Et si c’était elle? Pour certains, elle est une « Obama brésilienne ». Pour d’autres, une « Lula en jupon ». À l’issue du scrutin du 5 octobre, Marina Silva, désormais en tête dans les sondages, a de bonnes chances de devenir la première femme noire à présider le pays.

RAHABI KA,

P

à Rio de Janeiro

our Dilma Rousseff, la partie arrivant troisième avec près de 20 % des sufsemblait gagnée d’avance : rien frages. Elle apparaît aujourd’hui en position de ni personne ne l’empêcherait force face à une présidente affaiblie par quatre d’être réélue à la présidence du ans de pouvoir. Si les sondages de l’institut Brésil, le 5 octobre. Et puis, le Datafolha disent vrai, elle l’emporterait avec 13 août, Eduardo Campos, son 47 % des voix, contre 41 % à Rousseff. adversaire socialiste, a trouvé la mort dans un accident d’avion. A priori, pas de quoi bou« TELENOVELA ». Comment expliquer son leverser la donne électorale. Le gouverneur irrésistible ascension ? La vie de Silva resdu Pernambouc n’arrivait qu’en troisième semble à une telenovela. Née en 1958 dans position dans les sondages l’État d’Acre, en Amazonie, elle avec 8 % des intentions de passe son enfance à récolter Née dans une vote. Loin derrière Rousseff le latex dans des plantations famille pauvre, et Aécio Neves, le candidat d’hévéas, sans jamais mettre elle ne va de la droite. Campos a alors les pieds à l’école. Et elle n’est jamais à l’école. été remplacé par son adjointe, pas épargnée par les maladies : Marina Silva, 56 ans, qui n’avait malaria, hépatite… De cette À 16 ans, elle rejoint le PS qu’à la dernière période, elle conserve une apprend à lire. minute, faute d’avoir pu récolsanté fragile et une volonté de Son ascension ter les cinq cents signatures fer. Ce n’est qu’à 16 ans qu’elle indispensables à la création apprend à lire et à écrire chez commence. de son propre parti, le Rede les sœurs de la Congrégation Sustentabilidad (« réseau durable »). des esclaves de Marie, ce qui ne l’empêchera Contre toute attente, l’entrée en jeu de l’écopas de décrocher une licence d’histoire. logiste a immédiatement rebattu les cartes. À l’université, elle se forge une conscience Première victime : le sénateur Aécio Neves, politique, rejoint le Parti révolutionnaire comdu Parti de la social-démocratie (PSBD), vite muniste et milite pour la préservation de la irrémédiablement distancé dans les sondages. forêt amazonienne au côté de Chico Mendes, À l’évidence, les Brésiliens soutiennent le un militant écologiste qui sera ultérieurement combat de Marina Silva pour la défense de (1988) assassiné par des propriétaires terriens. l’environnement, ils raffolent de ses discours Avec lui, elle crée le premier syndicat de l’État aux accents parfois messianiques… Candidate d’Acre, adhère en 1985 au Parti des travailleurs du Parti des Verts lors de la présidentielle (PT), où elle rencontre un certain Luiz Inácio de 2010, celle-ci avait déjà fait sensation en Lula da Silva, et poursuit son ascension l l l N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

BIO EXPRESS

1958

Naissance dans l’État d’Acre, en Amazonie

1985

Rejoint le Parti des travailleurs

1988

Conseillère municipale de Rio Branco

1990

Députée de l’Acre

1994

Sénatrice

2003-2008

Ministre de l’Écologie

2010

Candidate à la présidentielle (Parti des Verts)

2013

Rejoint le Parti socialiste brésilien

Août 2014 Candidate à la présidentielle

JEUNE AFRIQUE


ERALDO PERES/AP/SIPA

t La candidate socialiste en campagne à Brasília, le 14 septembre.


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Europe, Amériques, Asie Brésil l l l au pas de charge : conseillère municipale, députée, sénatrice à 36 ans… En 2003, Lula la nomme ministre de l’Écologie.

DÉFORESTATION. En trois ans, elle réussit à faire

reculer de 57 % le rythme de la déforestation en Amazonie et fait emprisonner près de sept cents personnes pour crimes environnementaux. Mais en 2008, elle claque la porte du gouvernement : elle n’est plus en phase avec la politique de Lula concernant notamment les OGM, les barrages hydroélectriques et les hydrocarbures. « Les conditions politiques qui permettraient de placer l’environnement au cœur des politiques publiques » n’existent plus, estime-t-elle. Sa démission renforce son image d’intégrité. Un atout dans un pays – l’un des plus inégalitaires de la planète – où les scandales de corruption sont légion, comme en témoigne la récente affaire Petrobras. Sa vie et son parcours fascinent ses compatriotes. À ceux qui l’accusent de vouloir supprimer la bolsa família, une aide instaurée par Lula pour aider les familles les plus pauvres, elle rétorque, la gorge serrée : « Je sais ce que c’est que d’avoir faim. Pour nous nourrir avec mes huit frères et sœurs, ma mère n’avait souvent qu’un œuf, de la farine et du sel. Celle qui a vécu ça ne mettra jamais fin à la bolsa família. Ce n’est pas un discours, c’est l’histoire d’une vie. » Silva peut-elle vraiment l’emporter ? Indiscutablement, elle incarne un possible renouveau politique et paraît capable de séduire les indécis et les habitués du vote blanc. « Elle est vue comme une alternative par beaucoup d’électeurs fatigués de la bipolarisation de la vie politique entre le PT et le PSBD, qui dure depuis 1994 »,

explique le politologue Rafael Cortez, du cabinet Tendencias, à São Paulo. Selon le quotidien O Globo, le rejet des partis n’a jamais été aussi fort : 66 % des électeurs ne se reconnaîtraient dans aucun d’entre eux. Pour nombre de déçus du PT, elle incarne une troisième voie. Elle a même été l’un des rares responsables politiques à sortir renforcés du mouvement social de juin 2013. Avant les manifestations, elle était créditée de 16 % d’opinions favorables, contre 51 % pour Dilma. Après, sa côte a grimpé (26 %), quand celle de sa rivale dégringolait (35 %). Rousseff concentre aujourd’hui ses attaques sur les contradictions du programme de Silva, qui, il est vrai ne manquent pas. Dans une première version de son programme, elle se déclarait favorable au mariage gay. Vingt-quatre heures plus Elle a une image tard, sous la pression des chréde femme intègre. tiens évangéliques, elle faisait Un atout dans un pays machine arrière…

miné par la corruption.

AU NOM DE L’ESPRIT SAINT AU BRÉSIL, LA RELIGION finit toujours par rattraper les hommes politiques. Tous les candidats à la présidentielle courtisent donc assidûment les pentecôtistes, obédience évangélique accordant une importance particulière au Saint-Esprit. De manière générale, les évangéliques ne cessent de gagner du terrain dans le plus grand pays catholique du monde. Ils représentent 22 % de la population, contre 6,6 % il y a trente ans. En politique, ils comptent 73 députés sur 513, et 3 sénateurs sur 81. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

Elle-même fervente évangélique, Marina Silva séduit les électeurs conservateurs, qui voient en elle un rempart contre l’avortement et le mariage gay. Lors de la présidentielle de 2010, ses propos en faveur de l’avortement avaient pénalisé Dilma Rousseff, qui, pour regagner la confiance d’une partie de l’électorat, avait dû multiplier les visites dans les lieux de culte. En son temps, même Lula avait bénéficié du fait que son adjoint, José Alencar, était un proche de l’Église évangélique. l R.K.

MÉLANGE. « Marina tient un

double et même un triple discours, estime encore Cortez. Très à gauche en matière sociale, très libérale en économie – elle est par exemple favorable à l’autonomie de la Banque centrale – et le tout mélangé à des préoccupations écologiques. » Elle envisage par exemple d’arrêter l’exploitation pétrolière offshore, ce qui, selon ses détracteurs, se traduirait par un énorme manque à gagner et nuirait aux investissements dans les domaines de la santé et de l’éducation. Son programme prévoit aussi de réduire les dépenses publiques de 33 milliards d’euros et d’instaurer une union douanière avec les États-Unis, au risque de faire retomber le Brésil dans une dépendance à l’égard de la superpuissance américaine dont il a eu tant de mal à s’affranchir. Rousseff accuse donc son adversaire de vouloir livrer le pays aux banquiers et la compare volontiers à Fernando Collor de Mello et à Jânio Quadros, deux anciens présidents qui ne purent achever leurs mandats. Silva réplique qu’elle n’a aucune leçon à recevoir d’un gouvernement qui, selon elle, a laissé galoper l’inflation et plongé le pays dans la récession. Et elle dénonce une campagne de calomnies et de mensonges visant à la détruire. « Ils m’agressent, se plaint-elle. Je suis fille de pauvres, noire et évangélique, c’est pour ça que l’on ne me respecte pas et que je suis victime de préjugés. » À en croire Rafael Cortez, le fait qu’elle soit pauvre et noire n’est nullement un obstacle insurmontable : « On disait que le Brésil n’élirait jamais un président qui n’a pas fait d’études ; or Lula a été élu. On disait que le Brésil n’élirait jamais une femme ; or Dilma a été élue. On peut donc estimer que Marina Silva a les chances de l’être aussi. » l JEUNE AFRIQUE


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BNP Paribas

• Albert ESSIEN, CEO, Ecobank Transnational Incorporated (ETI) • Eric FOREST, CEO, Enternext-Groupe Euronext • Paul DERREUMAUX, Fondateur, Bank of Africa group • Pascal AGBOYIBOR, Avocat Associé, Orrick, Herrington & Sutcliffe • Gabriel FAL, Président du Conseil d’administration, BRVM - DC/BR • Edoh Kossi AMENOUNVE, CEO, BRVM - DC/BR

* La Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) est une bourse électronique parfaitement intégrée commune à 8 pays de l’Afrique de l’Ouest : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo

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Europe, Amériques, Asie EUROPE DU NORD

Marée brune Les élections du 14 septembre en Allemagne et en Suède ont été marquées par une spectaculaire poussée des partis populistes, xénophobes et antieuropéens.

ANDERS WIKLUND/AP/SIPA

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Le succès des Démocrates de Suède est largement dû aux déclarations du Premier ministre conservateur, qui, en août, a annoncé à ses concitoyens qu’ils allaient devoir se serrer la ceinture pour accueillir davantage de réfugiés étrangers ! Le programme anti-immigration de Jimmie Akesson, le leader des SD, s’en est trouvé légitimé aux yeux de tous ceux qui ne veulent pas d’une telle générosité. On notera que leurs succès électoraux s’accompagnent d’une réorientation stratégique des partis populistes. Comme Marine Le Pen, la présidente du Front national français, ils jouent la carte de la respectabilité et abandonnent leurs habituelles provocations verbales. Hormis quelques débordements antimusulmans, qu’il a d’ailleurs sanctionnés, Akesson est parvenu à gommer le passé néonazi de sa formation. Il jure désormais vouloir conserver l’État providence à la suédoise ! Très antieuro à ses débuts, l’AfD s’est, de la même façon, muée en parti conservateur, nationaliste et défenseur de la famille. « Notre partenaire naturel, estime Bernd Lucke, n’est pas du tout la CDU. Je m’imagine mieux travailler avec les sociaux-démocrates. » National et socialiste ? DOS À DOS. Comme les autres extrêmes

droites européennes, SD et AfD profitent de la crise économique et de la montée du chômage, qui exaspèrent les électeurs. l’AfD « prend des électeurs à tous les parLes partis de gauche et de droite qui se tis », y compris à Die Linke, la gauche succèdent au pouvoir menant à peu près radicale, et aux néonazis du NPD. les mêmes politiques – sans grand succès À sa création, en 2012, l’AfD n’était pour l’instant –, ils ont beau jeu de les qu’un parti eurosceptique regroupant renvoyer dos à dos. « Ni droite ni gauche », des chefs d’entreprise comme Hans-Olaf leur maître mot, fait mouche en ces temps Henkel, l’ancien patron d’IBM Allemagne, de désaveu de la classe politique. et des anciens de la CDU. Il a séduit Les contre-feux mis en place par les formations traditionnelles ne brillent pas par leur oriL’AfD séduit les électeurs des ginalité. Merkel a promis des Länder de l’Est, exaspérés par renforts de police à la fron« les Polonais voleurs de voitures ». tière polonaise et repoussé avec indignation toute idée nombre d’électeurs des Länder de l’Est, d’alliance avec l’AfD. En Suède, tous les exaspérés par les « Polonais voleurs de partis jurent que jamais ils ne travailleront voitures ». Mais aujourd’hui, c’est un peu avec le SD. Même Stefan Löfven, le futur la pagaille dans ses rangs. L’une de ses Premier ministre, qui cherche pourtant vedettes, l’éditeur de presse Alexander désespérément à bâtir une coalition, s’y Gauland, est un chaud partisan de est engagé. Vladimir Poutine : il juge « absurdes » les Combiendetempscesrésolutionsrésissanctions européennes contre la Russie. teront-elles à la capacité de nuisance Mais l’économiste Bernd Lucke, le patron électorale des populistes xénophobes et du parti, condamne l’action de Moscou antieuropéens ? l en Ukraine… ALAIN FAUJAS

p Jimmie Akesson, leader des Démocrates de Suède, après son succès électoral.

A

lternative pour l’Allemagne (AfD), le parti anti-immigration, qui n’avait obtenu que 4,7 % des voix aux législatives de septembre 2013 puis 7 % aux européennes du printemps dernier, fait son entrée dans les Parlements régionaux de Thuringe, avec 10,6 % des suffrages, et du Brandebourg, avec 12,2 %. Plus au nord, les très extrémistes Démocrates de Suède (SD) doublent quant à eux leurs résultats antérieurs aux législatives et deviennent le troisième parti du pays avec 12,9 % des voix, score qui chasse les conservateurs du pouvoir et empêche les sociaux-démocrates d’obtenir une majorité absolue. En Allemagne, l’AfD a surtout pris des voix à la CDU, profitant de la déception que la ligne centriste d’Angela Merkel (abandon du nucléaire, quotas féminins dans les entreprises, salaire minimum) a suscitée dans les rangs des durs de la démocratie chrétienne. Mais pas seulement. Comme l’a souligné la chancelière, N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

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mal classé en Europe pour les accidents du travail. Et le troisième dans le monde, derrière la Chine et le Mexique. Que ces capitalistes islamistes qualifient les victimes de « martyrs » ajoute à la colère des Affairisme, corruption, mépris des règles de sécurité… syndicats, des opposants et de quiconque Les accidents du travail se multiplient : 1 200 morts depuis le début a un cœur et du bon sens. Pour eux, la de l’année. Et les responsables ne sont presque jamais punis. volonté de Dieu n’a rien à voir dans ces drames parfaitement évitables: il s’agit de anecdotefaitlebuzzenTurquie. publics atteignent des sommets. Ainsi le crimes cautionnés par l’État, et dont les Faruk Çelik, le ministre du Toki, organisme placé sous l’autorité du responsables ne sont jamais punis. Les Travail, rend visite à son oncle Premier ministre, fut cité dans le scanpropriétaires de la mine de Soma viennent hospitalisé. Par la fenêtre de la dale qui, en décembre 2013, éclaboussa ainsi de se voir attribuer la construcchambre, il avise un chantier. Horreur ! Erdogan et son fils Bilal. De manière génétion d’une centrale électrique – de ces Les ouvriers travaillent sans protection. centrales qui, comme les gratte-ciel qui rale, les entreprises sacrifient la sécurité défigurent Istanbul ou les supermarLe ministre téléphone à des inspecteurs pour livrer leurs immeubles plus tôt que du travail, qui accourent et ferment le site. prévu et maximiser leurs gains. chés érigés sur des sites archéologiques, « Si son oncle n’était pas tombé malade, causent d’immenses dommages à l’enviEt que dire de l’envers du décor ! s’il n’avait pas regardé par la fenêtre, ronnement. Car Erdogan a la folie des Visitant le chantier de Mecidiyeköy, où etc., peut-être y aurait-il encore eu des les ouvriers sont logés dans un sous-sol chantiers pharaoniques: pour « son » troimorts », résume Ahmet Hakan, du journal sième aéroport d’Istanbul, Hürriyet, mi-ironique, mi-indigné. plus de 6 000 hectares de Les propriétaires de la mine de forêt et tout un écosystème Depuis le drame de la mine de Soma, Soma – 301 morts, en mai – vont en mai (301 morts), l’incurie du gouverneseront détruits. ment suscite l’exaspération. Alors que les Face à ce « modèle » de construire une centrale électrique ! normes de sécurité les plus élémentaires développement, où la vie avaient été bafouées par la société exploiinfesté de rats et sans système de vend’un homme ne compte pas et où la tante, Recep Tayyip Erdogan, Premier tilation, Arzu Çerkezoglu, la secrétaire cupidité se niche sous la bigoterie, la ministre à l’époque, n’avait rien trouvé générale du syndicat Disk, a dénoncé des société civile se mobilise, y compris dans de mieux que d’invoquer les « risques conditions de vie dignes d’« un camp de des villages reculés. Des habitants, des du métier » et des accidents similaires concentration ». Et quand ces hommes associations portent des affaires devant survenus au Royaume-Uni en 1862 ou en deuil ont manifesté le 7 septembre, la justice. Un phénomène nouveau qui en France en 1906 ! montre que, depuis le mouvement contesla police les a violemment repoussés. Le 6 septembre, la mort de dix ouvriers Aujourd’hui, la « nouvelle Turquie » tataire de Gezi (mai-juin 2013), les yeux sur le chantier d’un immeuble de luxe que vantent Erdogan et Ahmet Davutoglu, se dessillent. l dans le quartier de Mecidiyeköy, à son Premier ministre, est le pays le plus JOSÉPHINE DEDET Istanbul, a ravivé la colère. Leur ascenq Le 7 septembre à Istanbul, après la mort de dix ouvriers sur un chantier. seur est tombé du 32e étage. On le savait cassé depuis des semaines, mais la société Torunlar avait fait la sourde oreille. En avril, un jeune de 19 ans s’était tué au même endroit, dans les mêmes circonstances. Torunlar, dont les profits ont crû de 900 % cette année, avait écopé d’une amende ridicule. TURQUIE

Permis de tuer

L

COLLUSION. Quelque 1 200 ouvriers ont

JEUNE AFRIQUE

SENER YILMAZ ASLAN/LE JOURNAL/SIPA

perdu la vie depuis le début de l’année et plus de 12 000 depuis 2002, date de l’arrivée au pouvoir de l’AKP. Certes, malversations et infractions aux règles de sécurité existaient auparavant. Mais la responsabilité du gouvernement, qui a bâti ses succès électoraux sur l’essor économique du pays, est écrasante. Le BTP notamment se trouve au centre d’un dispositif où la corruption, le mépris de la vie humaine et de l’environnement, la collusion entre les entreprises privées (dont beaucoup financent l’AKP) et les pouvoirs N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

p « Je ne veux pas être un de ces apparatchiks que je dénonce », soutient le militant.

Dominique Sopo La sentinelle À la tête de SOS racisme, cet engagé aux origines togolaises ne mâche pas ses mots quand il évoque le président Hollande… et ses homologues du continent.

L

a formule avait sonné comme une insulte. « La petite main », avait titré le quotidien français Libération. C’était en 2003. Dominique Sopo, 26 ans, venait de prendre le relais du médiatique Malek Boutih à la tête de SOS Racisme, et le quotidien français s’amusait de la quantité de questions qu’il avait fallu lui poser pour lui extirper ses notes – excellentes – à l’agrégation de sciences économiques et sociales. Onze ans après, Dominique Sopo feint de ne pas en avoir pris ombrage, mais ne cherche pas plus d’une seconde le nom de la journaliste qui l’avait affublé de l’image pas très sexy « d’étudiant modèle en mocassins ». Depuis, Sopo a bien grandi. Dix années à la tête de SOS Racisme l’ont aguerri. En 2012, après l’élection de François Hollande, il a rendu son tablier. « Avec le départ de Sarkozy, c’est un cycle politique qui se refermait, explique-t-il. J’étais

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fatigué. Le militantisme dans une structure comme la nôtre, c’est quelque chose d’éprouvant. On subit énormément de pressions et d’attaques personnelles. Il faut une carapace assez épaisse. » En juin dernier, après deux années de pause durant lesquelles il est retourné enseigner l’économie dans un lycée parisien (« Il est important d’avoir un vrai métier, je ne veux pas être un de ces apparatchiks que je dénonce »), il finit par reprendre du service. A-t-il hésité? « Bien sûr. La première fois, toute la difficulté est de trouver sa marque. Mais quand on revient, il faut être sûr d’avoir encore l’envie et l’énergie suffisantes pour faire le job. » Ce qui l’a convaincu de rempiler, c’est « l’état de la scène politique au lendemain des élections européennes du mois de mai ». La gauche, martèle cet ancien militant du Mouvement des jeunes socialistes

(MJS) toujours encarté au PS, porte une lourde responsabilité dans « le délitement de la société française »: « C’est quand même affligeant cette manière dont le gouvernement a tourné le dos à la mise en place d’une dynamique de l’égalité. » Est-il déçu? « C’est bien plus que cela, vitupère-il en énumérant les promesses non tenues de François Hollande en matière de droit des étrangers. J’éprouve de la colère contre quelque chose qui est de l’ordre de la trahison. » Le racisme, pourtant, il ne l’a pas connu – enfin pas personnellement. Lui qui s’emporte contre l’injustice faite aux autres estime qu’il n’a « vraiment pas de quoi se plaindre ». « Grandir dans une cité pavillonnaire plutôt que dans les “quartiers” et avoir de bonnes notes à l’école, ça protège », résume-t-il. Il y a bien eu ce vigile du Prisunic de Valenciennes qu’enfant le petit Dominique et ses cousins – métis, comme lui – s’amusaient à faire tourner en bourrique « juste parce qu’ils savaient qu’il allait les suivre ». Mais non, il a beau chercher, il ne trouve rien de bien méchant. Pour son père, un Moba originaire du nord JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie duTogo, arrivé en France en 1966, « ça été plus compliqué. Il était agent de maîtrise chez Peugeot Citroën et il a eu une évolution de carrière assez plate. Quand j’étais môme, je me rendais bien compte aussi qu’il ne supportait pas la manière dont, systématiquement, les policiers le tutoyaient ». Étrange, d’ailleurs, ce concours de circonstances qui a mené le jeune Sanlaguidja à s’installer à moins de cinquante kilomètres de Lille.Adolescent, il étudiait la mécanique au Centre d’apprentissage de Dapaong, près de la frontière avec le Burkina. À l’époque, seuls les deux meilleurs élèves obtenaient une bourse pour le lycée technique catholique de Valenciennes. Sanlaguidja, arrivé troisième, n’aurait pas été du voyage si le deuxième n’avait pas succombé à la tuberculose quelques semaines avant le départ. Il s’appelait Dominique, c’était son meilleur ami. Des années plus tard, Sopo dit n’avoir qu’un lien assez distant avec le pays de son père. Il y est allé, bien sûr, et plusieurs fois. Il n’a pas oublié le choc de la découverte de Lomé, en 1984. Il se souvient des interminables voyages en voiture jusqu’à la région des Savanes, de la rencontre avec la famille restée au pays. Il y a aussi « ces oncles, ces tantes et ces cousins que l’on a, pour certains, plaisir à voir », mais sa vie, comme celle de son frère et de sa sœur, comme celle de ses parents, du reste (sa mère, institutrice, est maire de la petite commune de La Sentinelle, près de Valenciennes), est en France. De la vie politique duTogo, il admet d’ailleurs ne pas savoir grand-chose. Il connaît bien mieux le Cameroun, pour avoir présidé le comité de soutien à Michel Thierry Atangana. Il faut le voir s’enflammer contre l’opération Épervier et raconter les « procès guignolesques » qui ont valu dix-sept années de prison à celui qui est devenu son ami. Il faut l’écouter fustiger l’avidité de certains ministres et l’entendre railler « ces vieux de 70 ans qui n’ont qu’une hâte, prendre la place de celui qui en a plus de 80 ». Dans son bureau de l’avenue de Flandre (Paris), Sopo enchaîne cigarettes, superlatifs et coups de gueule. Vraiment, on a du mal à croire qu’il ait un jour pu être décrit comme peu causant. l ANNE KAPPÈS-GRANGÉ Photo : VINCENT FOURNIER/J.A. JEUNE AFRIQUE

CORÉE DU NORD

Casse-pipe évangélique Des Églises américaines ont implanté en Mandchourie, près de la frontière, des réseaux de prosélytes chargés d’apporter la parole de Dieu à leurs anciens compatriotes. Au péril de leur vie.

S

ix années de travaux forcés certaines Églises américaines et suddans un camp de travail coréennes, les missionnaires évangépour avoir, selon l’Agence liques ont créé en Mandchourie des centrale de presse nordréseaux très organisés permettant aux coréenne (KCNA), « commis des actes Nord-Coréens de fuir vers la Corée du Sud. Comme ils ne peuvent euxhostiles en pénétrant sur le territoire mêmes pénétrer en Corée du Nord sous le déguisement d’un touriste ». pour diffuser directement la bonne À l’annonce de sa condamnation, le parole, ils utilisent ces fugitifs sou14 septembre, Matthew Miller, un vent fragiles psychologiquement, jeune Américain de 24 ans, n’a pas à qui ils assurent un soutien logisbronché. Son crime ? Le 10 avril, à tique et financier en échange d’une son arrivée à Pyongyang, il a déchiré conversion au christianisme. À leur son passeport et son visa de touarrivée en Chine, lesdits fugitifs sont riste. « Je demande l’asile politique et souhaite prendre la nationalité entièrement pris en charge par ces nord-coréenne », aurait-il déclaré aux réseaux et soumis à un endoctrineautorités. Les motifs du jeune homme ment fondé sur l’étude de la Bible à restent assez largement obscurs : très haute dose. Les plus zélés de ces pourquoi renoncer à une vie conforconvertis de fraîche date sont alors renvoyés en Corée du table en Californie pour En échange Nord afin d’apporter la une autre qui l’aurait été parole de Dieu à leurs assurément beaucoup de leur moins en Corée du conversion au anciens compatriotes. Au péril de leur vie, bien Nord ? Coup de folie ? christianisme, sûr. Naïveté ? B I B L E . Sa condam-

les fugitifs reçoivent un soutien logistique et financier.

nation porte à trois le nombre d’Américains aujourd’hui accusés de crimes par le régime de Pyongyang. Les deux autres se nomment Jeffrey Fowle et Kenneth Bae. Le premier, arrêté en mai pour avoir laissé une bible dans les toilettes d’un hôtel de Chongjin, est en attente de son procès. Le second, guide touristique et missionnaire évangélique, purge une peine de quinze ans de travaux forcés, lui aussi pour « actes hostiles ». Point commun entre ces deux hommes : leur volonté d’évangéliser la Corée du Nord, qui, tout en garantissant officiellement la liberté de culte, condamne férocement tout prosélytisme religieux. Il est vrai que les pratiques des groupes évangéliques à la frontière avec la Chine sont plus que discutables. Soutenus financièrement par

DRÔLE DE JEU. Difficile

toutefois d’extrapoler sur les raisons qui ont conduit Matthew Miller à faire ce qu’il a fait. Dans une interview exceptionnelle à la chaîne CNN, il est resté muet sur ses motivations, se contentant de reconnaître son « crime » et de demander aux autorités de son pays d’intervenir directement en sa faveur. C’est d’ailleurs ce qu’espèrent les autorités nord-coréennes. C’est déjà presque une tradition. En 2009, c’est à la suite de l’intervention de Bill Clinton que les journalistes Euna Lee et Laura Ling furent libérées. Un an plus tard, Jimmy Carter s’envola pour la Corée du Nord et en revint peu après en compagnie d’Aijalon Gomes, un professeur d’anglais condamné à huit ans de travaux forcés. Une façon pour Pyongyang de montrer qui mène le jeu l JULIETTE MORILLOT N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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Coulisses

Europe, Amériques, Asie

France Tour de passe-passe à l’Assemblée

CHINE-INDE BUSINESS FIRST

C’est sous le signe de la coopération économique qu’a été placée la récente (17-19 septembre) visite en Inde du président chinois, Xi Jinping – la première depuis l’arrivée aux affaires à New Delhi, en mai, de Narendra Modi. Évitant soigneusement les sujets qui fâchent, notamment le contentieux territorial dans la région de l’Arunachal Pradesh, les deux hommes se sont bornés à conclure des contrats. La Chine s’est ainsi engagée à financer partiellement deux zones industrielles situées l’une dans le Gujarat, l’autre près de Bombay. L’opération pourrait rapporter à l’Inde jusqu’à 4,6 milliards d’euros dans un délai de dix ans. Une manne bienvenue puisque la balance commerciale de ce pays accuse un déficit abyssal de 40 milliards de dollars.

Ferme sur la forme, louvoyant sur le fond. Ayant sollicité pour la seconde fois en cinq mois la confiance de l’Assemblée nationale, Manuel Valls est monté au front le 16 septembre pour convaincre… sa propre majorité du bien-fondé de sa politique économique d’inspiration sociale-démocrate. On sait que quelques dizaines de députés socialistes « frondeurs » la jugent, à tort ou à raison, exagérément favorable au patronat… Tout en réaffirmant avec une conviction parfois proche de la véhémence l’urgence des réformes et du « pacte de responsabilité » annoncé en janvier par le président de la République – neuf mois après, leur mise en œuvre n’a pourtant toujours pas commencé –, le Premier ministre s’est surtout employé à distribuer des aumônes aux plus défavorisés. Moyennant quoi la confiance lui a été accordée à une majorité relative (269 voix, contre 244), 31 frondeurs présumés, 17 écologistes et 3 chevènementistes se réfugiant dans l’abstention. Tout ça pour ça ? l Le mot

Foutu

« Ce sera foutu pour le gouvernement si la situation de la France ne s’inverse pas d’ici trois à six mois. » S’il faut en croire le quotidien Le Monde, c’est la confidence passablement désabusée que Manuel Valls aurait faite récemment à plusieurs interlocuteurs. Le Premier ministre a ultérieurement démenti avec indignation avoir tenu de tels propos, mais est-on obligé de le croire ?

Espace Taxi ! En ces temps de tensions russoaméricaines sur fond de crise ukrainienne, la Nasa, désireuse de ne plus dépendre des Soyouz pour assurer la desserte de la Station spatiale internationale (ISS), s’est résolue à faire construire par des sociétés privées les premiers vaisseaux spatiaux américains habités. C’est ce qu’a annoncé Charles Bolden, le patron de l’agence, le 16 septembre au centre spatial Kennedy, en Floride. Au terme u La maquette du futur vaisseau spatial américain que construiront les firmes Boeing et SpaceX. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

d’un appel d’offres, les groupes Boeing et SpaceX ont décroché la timbale. Montant estimé du contrat : 6,8 milliards de dollars

(5,2 milliards d’euros). Les futurs taxis de l’espace devraient entrer en service en 2017. Six missions à destination de l’ISS sont prévues.

VENEZUELA AU DIABLE LA PLANÈTE !

JAE C. HONG/AP PHOTO

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Dans le cadre du dernier remaniement de son gouvernement, début septembre, le président, Nicolás Maduro, a froidement décidé de supprimer le ministère de l’Environnement et de le transformer en un improbable secrétariat d’État à l’Écosocialisme (également appelé « socialisme vert »). Le Venezuela étant confronté à de gravissimes problèmes environnementaux, les écologistes ont quelques raisons de s’inquiéter. Ils dénoncent l’absence de contrôle dans l’exploitation du pétrole et du minerai de fer. Et le laxisme du gouvernement face au réchauffement climatique. JEUNE AFRIQUE


LE PLUS

de Jeune Afrique

PANORAMA IBK, après la baraka, les tracas

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INTERVIEW Moussa Mara, Premier ministre SÉCURITÉ Engagez-vous, rengagez-vous… ENTREPRENEURIAT Des patrons novateurs

Mélis-mélos maliens

GOUHIER NICOLAS/ABACA

En septembre 2013, Ibrahim Boubacar Keïta héritait d’un pays en lambeaux. Un an plus tard, le chantier des urgences est plus que jamais ouvert.

JEUNE AFRIQUE

N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


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de Jeune Afrique

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PANORAMA IBK, après la baraka, les tracas INTERVIEW Moussa Mara, Premier ministre SÉCURITÉ Engagez-vous, rengagez-vous… ENTREPRENEURIAT Pas de repos pour les braves

Mélis-mélos maliens

Prélude François Soudan

« Un peuple, un but, une foi »

I

BRAHIM BOUBACAR KEÏTA est le Mauritanie – dont les présidents premier à le dire : il n’a pas connu ont parié contre lui lors de l’élection d’état de grâce. Héritant d’un pays de 2013. en lambeaux, de caisses vides et d’une accumulation d’urgences, il Son deuxième tort est de ne pas avoir su s’expliquer ni communiquer, ne pouvait, il est vrai, s’attendre à à temps et suffisamment, à propos autre chose. Sa stature gaullienne d’homme providentiel élu, si ce n’est de quelques affaires emblématiques plébiscité, autour d’une dynamique – achat d’un nouvel avion présidentiel, de reconquête à la fois territoriale et contrat d’armement, travaux de rénopsychologique de la fierté malienne vation du palais… – dont le caractère ne pouvait que se heurter rapideà la fois improvisé et dissimulé a fait ment au principe de réalité. Un an bondir les bailleurs de fonds, mais qui relèvent avant tout de la nécessité plus tard, c’est chose faite : le lien très fort qui unissait le lointain desd’agir vite (pour les achats militaires) cendant de Soundiata Keïta à son peuple s’est banalisé, certains diront La stature gaullienne effiloché, et l’heure est d’homme providentiel d’IBK aux lendemains qui ne pouvait que se heurter déchantent. rapidement au principe de réalité. Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau et d’une certaine naïveté. Dès qu’il du bain, à l’instar du réquisitoire s’agit de milliards, la rumeur s’emballe. dressé par un opposant comme Or, en l’espèce, aucun abus de biens Tiébilé Dramé, dont les propos (implacables) sont à l’exacte démesociaux, détournement de fonds ou sure du poids électoral (marginal) ? enrichissement personnel n’a été Certes pas. constaté, encore moins démontré.

La première erreur d’Ibrahim Boubacar Keïta est sans doute d’avoir laissé croire que le Mali allait pouvoir recouvrer son Nord face à des groupes armés volatils et criminogènes, alors que ni son administration ni son armée – comme l’a démontré l’humiliation de Kidal, en mai – n’en avaient les moyens. Ce nationaliste, ce patriote est donc contraint de mener sa mission de récupération de l’indépendance nationale en s’appuyant sur la multidépendance. Un paradoxe qui l’oblige à un jeu permanent d’équilibre entre des puissances extérieures – France, Algérie – aux intérêts souvent contradictoires et des voisins – Burkina, Sénégal, JEUNE AFRIQUE

Troisième faille enfin : la famille. IBK, dont la conquête du pouvoir a aussi été une histoire familiale tant le soutien des siens lui a été précieux et déterminant, est un homme d’État sentimental qui doit se garder des tentations du népotisme. Le fait que l’un de ses fils soit député et deux de ses parents ministres n’est pas en soi un problème tant que leurs compétences sont reconnues. Mais le sujet est ultrasensible et il se sait attendu au tournant. Un an après, le Mali n’a donc que partiellement retrouvé le sens de sa devise nationale : un peuple, un but, une foi. À tout le moins a-t-il à sa tête un chef, sans qui les trois mots qui précèdent ne sont qu’illusion. l N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

PANORAMA IBK, après la baraka, les tracas p. 58 INTERVIEW Moussa Mara, Premier ministre

p. 62

POLITIQUE Allô, l’opposition ?

p. 64

TRIBUNE Tiébilé Dramé, président du Parti pour la renaissance nationale (Parena) p. 65 SÉCURITÉ Engagez-vous, rengagez-vous…

p. 66

DIALOGUE Questions à Zahabi Ould Sidi Mohamed, ministre de la Réconciliation p. 68 ANALYSE Une économie entre suspense et morosité p. 69

AGROALIMENTAIRE Malô fait le plein de vitamines p. 70 ENTREPRENEURIAT Des patrons novateurs p. 72


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Le Plus de Jeune Afrique

MALI

q Ibrahim Boubacar Keïta à l’aéroport de Bamako, le 30 juin.

IBK, après la

les tracas


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baraka

RÉMI CARAYOL

L

e 4 septembre 2013, lors de sa prestation de serment à Bamako, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) promettait aux Maliens des jours meilleurs. Mais, au parterre de notables et de diplomates réjouis par son élection – un plébiscite: 77,6 % des suffrages –, il lançait aussi un avertissement : « Rien de grand ne peut réussir sans sacrifices. » Le nouveau président savait que la mission pour laquelle les Maliens l’avaient élu était titanesque et que le pays dont il héritait était exsangue. Avait-il pour autant mesuré l’ampleur du désastre ? « Il faut croire que non », persifle un diplomate européen qui se désole de voir le pays « stagner ». Le même assurait pourtant, au lendemain de l’élection, qu’IBK était « l’homme de la situation ». L’État était alors considéré comme failli. Son armée s’était fourvoyée tant dans le Nord, face aux groupes insurrectionnels ou jihadistes, que dans le Sud, après le putsch d’un quarteron de sous-officiers. Son administration, corrompue, s’était désagrégée sur une bonne partie du territoire. Ses communautés déchirées… Quant aux caisses de l’État, « elles étaient vides », explique-t-on depuis des mois au palais de Koulouba. « Il nous a fallu tout reconstruire, repartir de zéro dans tous les domaines, argumente un proche collaborateur d’IBK. Pendant les cinq premiers mois, nous n’avons pas pu nous consacrer à autre chose qu’à remettre les choses en place. »

DAOU BAKARY EMMANUEL

Certains louent sa lutte anticorruption et sa fermeté à l’égard des anciens putschistes. D’autres déplorent l’aggravation de la situation sécuritaire dans le Nord et son indécision. Mais au bout d’un an de pouvoir, c’est sûr : l’état de grâce est fini.

SUCCÈS. Pas facile, dans ce contexte, de satisfaire aux engagements de campagne. IBK n’a pas été élu pour son programme (que peu d’électeurs connaissaient), mais pour sa promesse de rendre au Mali « son honneur » et « sa fierté ». Il s’y est attelé, en premier lieu en organisant les législatives dans la foulée de son élection, fin 2013. Un succès salué par la communauté des observateurs « Il nous a fallu repartir – en dépit d’un fort taux d’abstention (60 %) et de simulacres de votes en de zéro dans certaines contrées du Nord –, qui a tous les donné au président une majorité confortable à l’Assemblée nationale, domaines », où l’alliance qui le soutient compte explique aujourd’hui 126 députés sur 147. l’un de ses Dans la même logique de « retour collaborateurs. à l’ordre », IBK s’est fixé pour priorité le rétablissement de l’État de droit et a déclaré 2014 « année de lutte contre la corruption ». Sous la houlette de Mohamed Ali Bathily, le garde des Sceaux, le pouvoir s’est (timidement) attaqué à la corruption. Des enquêtes ont été diligentées, des hommes d’affaires et des fonctionnaires ont été placés en détention, la justice elle-même n’a pas échappé au coup de balai : plusieurs juges considérés comme corrompus ont été suspendus et incarcérés. « Personne n’est au-dessus de la loi, pas même vous », répète IBK à ses collaborateurs. Pour donner corps à ce qui est un leitmotiv chez le président, les députés ont adopté, en mai, un projet de loi sur l’enrichissement illicite qui doit renforcer l’arsenal de la lutte contre la délinquance financière. De son côté, Boubou N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


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Le Plus de J.A. Mélis-mélos maliens Cissé, le ministre des Mines, a procédé, en août, à l’annulation de près de 130 titres miniers concédés par les régimes précédents. La guerre à l’impunité, déclarée par le président, a frappé au-delà de ce que l’on pouvait imaginer. Présenté par ses adversaires comme « le candidat de la junte » pendant la campagne, IBK n’a pas hésité à se débarrasser de l’encombrant capitaine Amadou Haya Sanogo (promu général aux dernières heures de la transition) et de ses proches. Le 27 novembre 2013, deux mois après avoir été « délogé » de son fief de Kati, Sanogo est inculpé pour « complicité d’enlèvement » et écroué dans le cadre de l’enquête sur la disparition d’une vingtaine de bérets rouges en avril 2012. Depuis, il croupit en prison, comme une bonne dizaine de ses camarades qui ont fait la loi au Mali durant la transition. CLAQUES. Après avoir « nettoyé les écuries d’Au-

gias », comme il le dit lui-même, IBK a lancé le vaste chantier de la reconstruction de l’armée (lire p. 66). Mais celle-ci sera longue, et le chef de l’État ne pourra disposer, pour la mener, de l’un de ses collaborateurs les plus expérimentés : le ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga, contraint à la démission après la débâcle de Kidal du 21 mai. Quelle claque, que cette bataille de Kidal! Claque militaire: des dizaines de soldats (officiellement une cinquantaine) ont perdu la vie dans les combats contre les groupes insurrectionnels touaregs, et les autres ont fui, laissant derrière eux leur matériel et l’honneur de leur armée. Claque politique, qui a provoqué la démission de Maïga et les critiques de l’opposition vis-à-vis du Premier ministre tout juste nommé, Moussa Mara, accusé d’avoir mis le feu aux poudres en se rendant dans le fief des Ifoghas, le 17 mai. Claque diplomatique enfin. La veille de l’assaut, le président avait assuré à ses interlocuteurs étrangers qu’il n’y aurait pas de combats. « Ce qui s’est passé à Kidal résume la présidence IBK, juge un membre du premier gouvernement dirigé par Oumar Tatam Ly. Un président qui ne manque pasde bonne volonté, mais qui est dépassé, tant par les événements que par son entourage, qui n’a pas un projet clair pour son pays et qui, finalement, tâtonne. » C’est aussi ce que dénonce l’opposition. « Ce président semble n’avoir aucune feuille de route », se désolait le perdant du second tour de la présidentielle, Soumaïla Cissé, au lendemain du limogeage du Premier ministre Tatam Ly, sept mois seulement après sa nomination. Cette indécision a été particulièrement frappante concernant la situation dans le Nord. Alors qu’il disposait de soixante jours pour entamer les négociations, selon l’accord de Ouagadougou signé avant son élection entre le gouvernement de transition et les groupes rebelles, IBK a longtemps traîné les pieds. « Il aura fallu la défaite de Kidal pour qu’il se décide enfin à négocier, mais il était N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

Des hauts et des bas

2013 4 septembre Investiture d’IBK 24 nov. et 15 décembre Élections législatives 27 novembre Arrestation et inculpation d’Amadou Haya Sanogo, auteur du putsch de 2012

2014 13 et 14 février Arrestation et inculpation de Yamoussa Camara (exministre de la Défense), Sidi Touré (ex-directeur général de la Sécurité), Amadou Konaré (exnuméro 2 de la junte) et Tahirou Mariko (ex-aide de camp de Sanogo) 27 mars Le Parlement crée une Haute Cour de justice 5 avril Moussa Mara est nommé Premier ministre, succédant à Oumar Tatam Ly 21 mai Débâcle de l’armée à Kidal, puis signature d’un cessez-le-feu le 24 mai 18 juin Le FMI suspend les crédits qu’il devait verser au pays, suivi, le 25 juin, par la Banque mondiale 24 juillet Signature d’une feuille de route à l’issue de la première phase de négociations du dialogue inclusif intermalien à Alger 1er septembre Reprise du dialogue. Objectif : aboutir à des résolutions en séance plénière, du 7 au 9 octobre

alors en position de faiblesse », peste un officier. Pendant ce temps, la situation sécuritaire s’est aggravée dans le Nord, où une partie du territoire reconquis en 2013, avec l’aide des troupes françaises et africaines, a été à nouveau abandonnée aux rebelles et aux jihadistes. Même à Paris, où l’on se réjouissait de sa victoire en août 2013, on déchante. « On a l’impression qu’il est arrivé à ses fins en se faisant élire et que, depuis, il se repose sur ses lauriers », déplore un diplomate. De fait, les réformes d’envergure se font attendre, même si le gouvernement en annonce pour les prochains mois, dont celle, très attendue, touchant à l’organisation territoriale (lire pp. 62-63), et une autre sur le statut de l’opposition. GROGNE. La première des cinq années du mandat

d’IBK a également été entachée de multiples scandales qui ont mis à mal ses discours de campagne. Il a d’abord été taxé de népotisme. « Ce n’est plus “le Mali d’abord”, c’est “la famille d’abord”! » dénonce l’opposition, en référence au slogan de campagne du président. Plusieurs de ses ministres et collaborateurs sont en effet issus de sa famille ou de sa belle-famille. Son fils, Karim, s’est fait élire (contre l’avis d’IBK) à la tête de la très stratégique commission Défense de l’Assemblée nationale, où il siège pour la première fois et qui a pour président… son beau-père, Issaka Sidibé. Le chef de l’État a ensuite fait la une des journaux pour ses liens d’amitié avec l’homme d’affaires corse Michel Tomi, mis en examen en France en juin. Les juges lui reprochent notamment d’avoir été trop généreux avec IBK avant son élection et d’avoir ensuite joué les intermédiaires dans des contrats troubles: la formation de la garde présidentielle et l’achat d’un avion présidentiel pour 20 milliards de F CFA (30,5 millions d’euros). Cette acquisition avait d’ailleurs valu au Mali bien des critiques. Le Fondsmonétaire international(FMI),quis’intéresse également de près à l’achat de matériel militaire effectué fin 2013 par le ministère de la Défense (un curieux contrat dans lequel les intermédiaires sont multiples), a marqué son mécontentement, le 15 mai, en repoussant de plusieurs mois sa mission de revue, ce qui a eu pour conséquence le gel d’une partie des programmes d’appui budgétaire depuis la mi-juin. Dans ce contexte, le Parti pour la renaissance nationale (Parena), de Tiébilé Dramé (lire p. 65), l’opposant le plus virulent, a beau jeu d’évoquer un « immense gâchis ». « Douze mois après son élection, l’immense espérance suscitée à l’intérieur et à l’extérieur du Mali s’est transformée en une profonde déception », estime ce parti. Les Maliens, pour l’heure, semblent faire preuve d’une plus grande patience. Mais, déjà, la grogne sociale menace le gouvernement, qui, fin août, a dû faire face à sa première grève générale des travailleurs. l JEUNE AFRIQUE



Le Plus de J.A. INTERVIEW

Moussa Mara « Pas de prime à l’impunité » Les priorités du Premier ministre ? La réforme territoriale, la reprise de l’aide du FMI et les négociations avec les groupes armés. Un domaine où il joue la carte de la fermeté.

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inistredel’Urbanismeetdes Politiques de la ville dans le gouvernement d’Oumar Tatam Ly, son prédécesseur, Moussa Mara, 39 ans, président du parti Yéléma (« changement », en bambara), a pris les rênes du gouvernement le 5 avril. Retour de l’État et de la sécurité dans le Nord, refonte territoriale et organisation des premières élections régionales (prévues en avril 2015), relations tendues avec le Fonds monétaire international (FMI)… Le Premier ministre évoque ses dossiers les plus urgents.

au président de région l’autorité de l’exécutif régional, la tutelle administrative, les services, le budget, qui serviront son programme. À lui, ensuite, de trouver les moyens de le mettre en œuvre. Dès janvier 2015, les agences de développement, que nous sommes en train de créer, seront chargées de la coordination et de la mise à disposition des services de l’État pour les huit régions actuellement existantes. Toutes mettent déjà en œuvre un programme de développement. Par ailleurs, avant les élections locales de 2015, nous supprimerons les communes

au profit d’arrondissements : il n’y aura ainsi plus qu’un seul maire à Bamako. Où en est le retour de l’État dans le Nord?

L’armée est à Tessalit, quelques services administratifs locaux fonctionnent de nouveau,souslaprotectiondelaMinusma [la mission de l’ONU], et toutes les distributions de vivres se font dans la ville, où les habitants sont contre « l’Azawad ». Restent des problèmes dans la ville de Kidal, où il n’y a ni eau ni électricité… Notre souhait est que l’État revienne s’y installer naturellement. On peut déjà percevoir des signes encourageants: le HCUA [Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad, lire p. 68], qui occupe les locaux de l’ORTM [l’Office de radiodiffusion-télévision du Mali], a commencé à diffuser des messages en faveur de l’unité nationale. Le Nord reste contrôlé par des groupes armés, toujours plus nombreux à vouloir participer aux négociations. Comment expliquez-vous cela ?

JEUNE AFRIQUE : Le code électoral et celui des collectivités locales ont été modifiés pour préparer la mise en œuvre de votre projet de réforme territoriale. Comment se présente-t-il ? MOUSSA MARA : Nous ne souhaitons

pas créer de collectivités territoriales ethniquement homogènes, mais des régions qui existent déjà dans l’imaginaire des Maliens, comme le Mandé ou le Wassoulou : une vingtaine de régions seront ainsi constituées, 23 ou 24 ce serait l’idéal. Nous sommes partis du constat que, dans le cadre de la politique de décentralisation menée en 1993 et en 1994, un chaînon manquait entre l’État et les communes. La population souhaitait aller au-delà de l’échelon du cercle, qui est une forme de collectivité territoriale héritée de la colonisation et qui, je l’espère, disparaîtra d’ici à deux ou trois ans. Une région, elle, est assez vaste pour se prêter à de grands projets de développement. Elle est suffisamment peuplée pour créer les conditions d’une autonomie et constituer un relais entre les communes et l’État. Aujourd’hui, les élus régionaux manquent de légitimité : ils arrivent à leur poste par cooptation et n’ont pas beaucoup de visibilité. Les candidats aux régionales, eux, pourront mener campagne, ce qui leur conférera une réelle autorité. À terme, la réforme donnera N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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p Le chef du gouvernement dans son bureau à la primature, en mai. JEUNE AFRIQUE


Suivez l’actualité du dialogue intermalien à Alger sur jeuneafrique.com

Le MNLA [Mouvement national pour la libération de l’Azawad] n’a pas les moyens de ses ambitions politiques, médiatiques et militaires. L’État n’a cependant aucune intention d’employer la force ni de marginaliser les uns ou les autres. Si les groupes armés sont toujours plus nombreux, c’est parce que les Imrads et les groupes sédentaires se sont divisés… Chacun veut affirmer son identité pour obtenir quelque chose en retour. Ces vingt dernières années, à chaque accord, des faveurs ont été accordées par le gouvernement, et la population en a conclu qu’il existe une prime aux groupes armés… ce qui suscite des vocations. Soyons fidèles à nos principes républicains : priorité à l’unité nationale, au développement et à la réconciliation. Tous ceux qui attendent des contreparties financières ou des avantages seront déçus : il n’y aura pas de prime à l’impunité. Pensez-vous pouvoir parvenir à un accord ?

Un accord est inéluctable. Les groupes qui n’en voudront pas s’excluront d’euxmêmes. Mais, avant cela, nous voulons que les groupes armés quittent Ménaka, Djebok, Anéfis, Aguelhok et Ber. Et que les forces maliennes et internationales reprennent les villes. Nous avons demandé à la Minusma de nous aider à convaincre les groupes de les quitter, car ces occupations sont contraires aux accords. Mais je reste optimiste. On constate une réelle accalmie sur le terrain, un recul du banditisme. Et les membres des groupes armés, qui sont tous plus ou moins des narcotrafiquants, sentent que le vent tourne. Quels sont les principes sur lesquels l’État ne transigera pas ?

Nous serons inflexibles sur trois points: l’intégrité territoriale, le caractère républicain du pays et la laïcité. Nous allons à Alger [où le dialogue intermalien a repris le 1er septembre] sans a priori. Depuis début août, nos équipes, constituées du

Bio express 2000-2013 Directeur associé du cabinet d’expertise comptable Diarra

Juillet 2007 Se présente aux législatives dans la commune IV de Bamako avec une liste indépendante et met en ballottage la liste du Rassemblement pour le Mali (RPM), conduite par Ibrahim Boubacar Keïta

Avril 2009 Arrive en tête avec sa liste indépendante aux élections communales dans la commune IV de Bamako, dont il est élu maire

Juillet 2010 Crée le parti Yéléma (« changement », en bambara)

Mars 2011 Réélu maire de la commune IV de Bamako

28 juillet 2013 Arrive 5e au premier tour de la présidentielle (1,5 % des suffrages exprimés)

8 septembre 2013 Nommé ministre de l’Urbanisme et des Politiques de la ville

Depuis le 5 avril 2014 Premier ministre JEUNE AFRIQUE

Mélis-mélos maliens chef d’état-major, de quatre ministres et d’experts, travaillent sur différents thèmes. Désormais, il ne s’agira plus d’une négociation : nous allons nous retrouver entre frères maliens, avec, cette fois-ci, la participation de la société civile, afin de définir un ordre nouveau pour la partie nord de notre territoire. En juin, le FMI a décidé de geler son aide au Mali en raison de l’achat, à un coût qu’il juge excessif, d’un avion présidentiel. Vos relations ont-elles repris?

Nous allons tout faire pour nous comprendre. Le FMI est au Mali depuis plus de trente ans et il n’est guère étonnant que des difficultés surgissent au cours d’une si longue relation. Cela étant, nous avons préparé suffisamment d’éléments pour montrer que nous sommes encore « dans les clous ». Alors, oui, il va nous falloir convaincre et expliquer… Pas tant pour les ressources dont nous sommes privés en raison de cette sanction, que pour l’image que nous donnons de nous. Nous ne voulons pas avoir l’air d’un pays où l’on aime vivre au-dessus de ses moyens. Le niveau de fonctionnement de notre État n’a rien à envier aux autres. Quoi qu’il en soit, seules les aides budgétaires globales, c’est-à-dire les ressources sans affectation précise, ont été suspendues. Les aides sectorielles, d’un montant de 63 millions de dollars [environ 47,5 millions d’euros], ont, elles, été maintenues à tous les niveaux: emploi des jeunes, développement rural, etc. L’opposition a déposé une motion de censure en juin et, de leur côté, certains membres du parti présidentiel, le Rassemblement pour le Mali (RPM), dont vous ne faites pas partie, remettent en question votre légitimité à ce poste…

Ce n’est là que la traduction d’un exercice démocratique : une majorité qui travaille, une opposition qui s’oppose… Et on ne peut pas dire que notre opposition soit inactive : tous les jours, elle réclame ma démission ! Nous préparons par ailleurs une réforme de son statut, qui doit être soumise au Parlement. Concernant les tensions supposées au sein du RPM, elles ne me gênent en rien dans mon travail : chaque fois que le gouvernement a eu besoin du soutien de la majorité, il l’a obtenu. C’est l’essentiel. l Propos recueillis à Bamako par DOROTHÉE THIÉNOT N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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Le Plus de J.A.

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POLITIQUE

p Modibo Sidibé (à g.) et Soumaïla Cissé au siège de l’URD, à Bamako, le 16 avril.

Allô, l’opposition? Une réforme est à l’étude pour renforcer son rôle de contre-pouvoir. Ce ne sera pas du luxe, car elle ne compte que vingt et un députés et on ne l’entend guère sur les ondes de la radio d’État.

un an après l’investiture d’IBK, non plus. « J’aurais aimé avoir tort. Mais l’immobilisme conduit au pourrissement. » Et l’artisan de l’accord préliminaire de Ouagadougou, signé le 18 juin 2013 entre le gouvernement de transition et les groupes armés, ne décolère pas en évoquant la politique menée dans le nord du pays : « Cet accord devait être mis en place dans les soixante jours. Nous avions abouti à des avancées essentielles concernant l’intégrité territoriale, la laïcité ou le redéploiement de l’administration malienne. Mais je ne suis même pas sûr qu’un seul ministre l’ait seulement lu ! Avec ce texte, IBK aurait pu coincer communauté internationale et groupes armés, mais il a préféré l’ignorer et verser dans la surenchère verbale, attisant les tensions. Résultat, aujourd’hui, le rapport des forces est défavorable au gouvernement. » STRATÉGIE. En août, le ministre de l’Inté-

rieur a préparé une réforme des statuts de l’opposition (établis en 2000), afin de permettre à cette dernière de jouer un véritable rôle de contre-pouvoir. Un projet de loi a été adopté et sera déposé en our célébrer la première année que 21 députés à l’Assemblée – une force octobre à l’Assemblée pour être examiné d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) de frappe plutôt limitée. Par ailleurs, ses lors de la prochaine session. « C’est inutile, à la tête du Mali, l’opposition leaders rappellent que le pays est en crise tranche Tiébilé Dramé. Qu’ils s’occupent a organisé une manifestation et que nul ne veut revivre les manifestade gérer le pays. Nous n’avons pas besoin à Paris le 6 septembre, puis à Kayes et tions violentes qui ont marqué la transique l’opposition soit reconnue. » à Bamako le 7. L’appel a été lancé par tion. « On ne va pas fragiliser davantage Soumaïla Cissé, lui, voit d’un bon œil six partis, dont l’Union pour la République le camp présidentiel », explique Tiébilé cette réforme pourvu qu’elle soit coret la démocratie (URD) de Soumaïla Cissé, Dramé, en évoquant ses « scrupules répurectement menée : « On fait beaucoup le Parti pour la renaissance nationale blicains » à tirer sur l’ambulance. de choses, mais dans les campagnes, (Parena) de Tiébilé Dramé et les Forces les gens n’ont accès qu’à la radio d’État, alternatives pour le renouveau et l’émer« POURRISSEMENT ». Le président du dont nous sommes absents. Si la loi met gence (Fare) de Modibo Sidibé. Leur Parena n’a cependant pas adouci son en place des quotas pour l’opposition, objectif ? Montrer que face à un exécutif discours. En juin 2013, il avait dénoncé nous pourrons être entendus. » qui a su fédérer la plupart des formations, une présidentielle « à marche forcée » et Le dépôt par l’opposition d’une motion l’opposition n’est pas aphone. retiré sa candidature. L’issue du scrutin de censure contre le Premier ministre, le « Nous ne sommes jamais consultés », ne l’a pas surpris. La gestion du pouvoir, 13 juin, relève justement de cette stratégie déplore Soumaïla Cissé, perdant du visant à se réapproprier un espace de Dans la balance second tour de la présidentielle de 2013 parole. « Nous savions que la motion avec 22,39 % des suffrages. « En un an, serait rejetée, mais nous voulions sur(Sur 147 sièges et 19 partis représentés à nous avons levé le voile sur la mauvaise tout provoquer la discussion… Et cette l’Assemblée nationale) gouvernance, dénoncé l’amateurisme démarche a réussi au-delà de nos espéqui a prévalu lors de la visite de Moussa rances, explique le patron de l’URD. Mara à Kidal [en mai dernier, après Pendant quatre heures, le débat a 21 élus se sont déclarés la débâcle militaire], alerté l’opiété retransmis en direct depuis membres de l’opposition L’exécutif dispose nion sur le népotisme qui règne l’Assemblée. Le budget, les marlors de l’ouverture d’une confortable au sein du gouvernement », chés de gré à gré ou l’achat de de la législature, majorité de 126 députés, souligne le chef de l’URD, qui l’avion présidentiel sont autant en janvier : 17 de l’URD et dont 66 élus du RPM et 16 de 3 pour le Parena se félicite du « dynamisme » de de questions qui ont pu être l’Alliance pour la démocratie (dont 2 ont migré depuis) l’opposition. discutées devant les Maliens. » l au Mali-Parti africain Celle-ci est pourtant loin d’avoir pour la solidarité et la justice DOROTHÉE THIÉNOT, les coudées franches. Elle ne compte (Adema-PASJ, 12 partis) envoyée spéciale à Bamako

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JEUNE AFRIQUE


Mélis-mélos maliens

TRIBUNE

Opinions & éditoriaux

Quand le Mali se relèvera

É TIÉBILÉ DRAMÉ Président du Parti pour la renaissance nationale (Parena)

lu il y a un an avec une majorité confortable et fort d’une sympathie internationale sans précédent, le président Ibrahim Boubacar Keïta avait toutes les cartes en main pour résoudre la crise au Nord et conduire le Mali hors du gouffre où l’avaient plongé la rébellion déclenchée par le MNLA, le coup d’État du capitaine Sanogo et l’occupation jihadiste. Douze mois plus tard, ces cartes ont été perdues les unes après les autres. Si le président avait engagé le dialogue intermalien dans les délais prescrits par l’accord de Ouagadougou (soixante jours après la formation du gouvernement), il se serait donné les moyens de négocier dans des conditions infiniment plus favorables. Or, depuis la défaite de l’armée à Kidal, le 21 mai, le rapport de force sur le terrain nous est défavorable. En outre, la crédibilité extérieure du Mali a fondu comme beurre au soleil. Profitant de cette situation, les groupes du Nord mettent la barre si haut qu’ils donnent l’impression de vouloir sortir des balises posées à Ouagadougou en juin 2013 : respect de l’intégrité territoriale, unité nationale et laïcité de l’État. Cependant, il est encore possible, dans le cadre du Mali actuel, d’apporter des réponses démocratiques appropriées aux questions que soulèvent les dirigeants des groupes du Nord.

qui ont émaillé la première année du quinquennat d’IBK montrent à l’évidence que le retour à la normalité constitutionnelle n’est pas suffisant pour panser les plaies dont souffre le pays. Le Mali n’est pas devenu un pays normal parce qu’on y a tenu, au forceps, une élection présidentielle en juillet et août 2013. D’importantes réformes institutionnelles s’imposent non seulement pour répondre aux demandes des groupes du Nord, mais aussi pour instaurer et consolider les règles de bonne gouvernance, pour réorganiser les relations entre l’État et le citoyen d’une part, entre l’État et les communautés d’autre part. Un nouveau pacte national de paix et de bonne gouvernance devra être proposé aux commu-

La crédibilité extérieure du pays a fondu comme beurre au soleil.

La crise que traverse le Mali est profonde. Elle ne se limite pas à la seule question du Nord. Elle pose des problèmes de gouvernance qui concernent tout le pays. Et les réponses doivent, de ce fait, concerner le pays tout entier. Ne l’oublions pas. Le Mali s’est certes effondré du fait de la rébellion, de la présence des unités d’Aqmi auTimétrine et dans la forêt du Wagadou, du business de la drogue et des otages. Mais aussi à cause, entre autres, de la gangrène de la corruption, de la personnalisation du pouvoir, de la justice, du manque de vitalité et d’autonomie des partis politiques, de la société civile et des institutions républicaines. C’est donc une approche et une thérapie globales qui s’imposent. De ce point de vue, les négociations d’Alger et leur issue souhaitée ne sauraient être qu’une étape du relèvement et de la refondation du Mali. Il faut revoir de manière hardie la gouvernance pratiquée jusqu’ici. Les dérives et les difficultés JEUNE AFRIQUE

nautés du Nord et à l’ensemble des forces vives de la nation, avec la ferme volonté d’installer une nouvelle ère de confiance et de cohésion entre toutes les composantes du Mali. À cet égard, l’élection des gouverneurs de région (de toutes les régions du Mali) par des assemblées régionales (élues à la proportionnelle) sera une réponse démocratique pertinente aux préoccupations de libre administration exprimées par certains de nos compatriotes. Dans le même esprit, pour lutter contre la personnalisation du pouvoir et les dérives de type monarchique, l’élection présidentielle au suffrage universel devra être supprimée au profit d’une élection par le Parlement. Cette réforme permettra à la fois d’équilibrer les pouvoirs entre l’exécutif et le législatif et d’économiser les dizaines de milliards consacrés tous les cinq ans à ce scrutin. La fonction de Premier ministre disparaîtra. Les partis seront encouragés à se regrouper pour constituer des entités plus viables. La refondation de l’armée, la réforme de la justice, la réhabilitation du mérite dans l’administration, le contrôle et l’obligation de rendre compte, la politique de formation et d’emploi, la consolidation de la presse, l’émergence et le renforcement de la conscience citoyenne seront au cœur du nouveau pacte. Osons poser les jalons d’un nouveau départ pour le Mali, qui fera des pas de géant quand il se relèvera. l N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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Le Plus de J.A. Mélis-mélos maliens SÉCURITÉ

Bérets de travers Souffrant d’un cruel manque d’unité, la police et l’armée sont deux grands corps malades. Le gouvernement a engagé une réforme pour les réanimer. Il y a urgence.

pas toujours conformes à la réalité et la bancarisation de chaque fonctionnaire devraient permettre d’éviter que soldes et primes ne soient « sucrées » par des chefs peu scrupuleux. DÉRIVES. La réforme devra aussi rétablir

ISSOUF SANOGO/AFP

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E

p Contrôle de police près de l’aéroport de Bamako.

ffectifs mal recensés, chaîne de commandement aux contours flous, corruption… La réforme des forces de sécurité ne se fera pas en un jour. Ibrahima Diallo, le coordinateur du Groupe pluridisciplinaire de réflexion sur la réforme de la sécurité (GPRRS), inspecteur général au ministère de l’Intérieur, a remis son rapport au gouvernement en juillet. Sonpremierconstatportesurlemanque d’effectifs: avec 3000 gendarmes, autant de policiers et 2000 fonctionnaires chargés de la protection civile, le ratio par rapport à la population (17 millions d’habitants) « est parmi les plus faibles au monde, avec un agent de sécurité pour 3 000 habitants, la moyenne mondiale étant de 1 pour 300 à

400 habitants », indique Ibrahima Diallo. Il faudra donc embaucher de nouveaux éléments, tout en modifiant les méthodes de recrutement et la gestion des ressources humaines. Ce n’est pas un secret, qu’ils soient civils ou militaires, les agents de la force publique sont corruptibles et le resteront tant qu’ils n’auront pas un salaire décent. « Un fonctionnaire qui n’a pas de quoi boucler ses fins de mois peut facilement tomber dans cet engrenage », explique Ibrahima Diallo. Il est donc urgent de revoir la grille des rémunérations et la prise en charge sociale de ces agents. Encore faut-il que primes et salaires soient bien distribués: la clarification de la hiérarchie, l’épuration de listes d’effectifs

l’unité au sein des forces de sécurité. En effet, le conflit entre bérets verts (qui ont formé la junte à l’origine du coup d’État) et bérets rouges (qui constituaient la garde rapprochée de l’ex-président Amadou Toumani Touré) en mars 2012, puis les violences entre syndicats de policiers, en septembre 2012, ont révélé deux choses. De profondes dissensions au sein des forces de sécurité et la nécessité de revoir le rôle des syndicats, outils d’instrumentalisation. « Il faut cesser de privatiser certains corps, trop souvent mis au service de responsables politiques », estime un fonctionnaire international. La mise en œuvre d’une formation adéquatedevraitparailleursmettreuntermeà des dérives fréquemment observées, telles que les arrestations arbitraires, les gardes à vue trop longues ou la prise en charge, par la police ou l’armée, de questions qui sont du ressort de la justice. Il n’est pas rare, par exemple, que les citoyens fassent appel à un policier ou à un gendarme pour obtenir par intimidation le règlement d’une dette. À cet égard, l’articulation entre les fonctions de la police, de l’armée et de la justice gagnerait à être clarifiée. Enfin, les partenaires étrangers se pressent au chevet des forces de sécurité. L’Union européenne et les Nations unies ont mis en place leurs programmes de formation, et des accords bilatéraux avec la France, les États-Unis, le Japon, le Maroc ou l’Espagne complètent le dispositif. l DOROTHÉE THIÉNOT

UN TOIT POUR CHAQUE SOLDAT PARTENAIRE PRIVILÉGIÉ du Mali depuis l’élection d’Ibrahim Boubacar Keïta, le Maroc investit massivement dans le pays. Lors de la visite de Mohammed VI à Bamako en février, au cours de laquelle 17 accords et protocoles ont été signés, N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

le ministère malien de la Défense a approuvé une « convention d’intention » avec le groupe immobilier marocain Alliances. Objectif à terme : fournir un logement à chaque militaire, en fonction de son budget. Un projet qui s’inscrit dans le sillage

du premier programme de logements sociaux pour les militaires, lancé en janvier à Sébénikoro (commune IV de Bamako). Réalisé sur 15 hectares, dans le cadre d’un partenariat publicprivé entre l’État et la Société immobilière et foncière du Mali (Sifma),

chargée de mobiliser les fonds, le projet porte sur 850 logements de type F3 et F4, dont les prix varieront entre 8,5 et 10 millions de F CFA (13 000 et 15 250 euros). Ils devraient être livrés en juin 2016. l CÉCILE MANCIAUX JEUNE AFRIQUE



Le Plus de J.A. RÉCONCILIATION

Liaisons dangereuses Certes, le dialogue intermalien a repris. Mais la puissance militaire et les intentions du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad, proche d’Ansar Eddine, suscitent l’inquiétude.

D

ans le dédale complexe des groupes armés qui sévissent dans le Nord, il en est un, et pas celui auquel on pourrait s’attendre, qui inquiète au plus haut point le gouvernement. « Le vrai problème ne vient pas du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), mais du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) », explique-t-on dans l’entourage de Moussa Mara, le Premier ministre. En effet, comment négocier avec un mouvement armé dont les liens avec le groupe jihadiste Ansar Eddine sont étroits, mais qui compte en son sein deux députés (Mohamed Ag Intalla et Ahmada Ag Bibi) élus sous la bannière du parti

QUESTIONS À

présidentiel, le Rassemblement pour le Mali (RPM) ? La question est d’autant plus sensible que,danslecadredesnégociationsde paix qui ont débuté à Alger en juillet, Bamako envisage de proposer une décentralisation approfondie : les régions du Nord pourraient disposer d’un pouvoir législatif élu au suffrage universel, doté de larges prérogatives. Ce faisant, le gouvernement craint « d’offrir le pouvoir sur un plateau à des gens qui envisagent d’instaurer la charia ». CHARIA. Le HCUA est une émanation du

Mouvement islamique de l’Azawad (MIA), qui avait vu le jour en mai 2013 après un

désaccord entre Iyad Ag Ghaly, le leader d’Ansar Eddine, converti au fondamentalisme salafiste le plus dur, et certains de ses lieutenants, dont Alghabass Ag Intalla, le patron du HCUA. Selon plusieurs sources sécuritaires,ilestmilitairementetfinancièrement le groupe le plus puissant dans la région de Kidal: ses combattants ont joué un rôle crucial dans la défaite de l’armée malienne le 21 mai, et ses dirigeants ont le soutien de l’amenokal, le chef spirituel des Ifoghas, Intallah Ag Attaher. « S’il y a des élections demain, ils les gagneront », affirme un ministre. Or les intentions des leaders du HCUA restent floues. Veulent-ils toujours instaurer la charia ? Ont-ils définitivement coupé les liens avec Iyad Ag Ghaly ? À cette dernière question, plusieurs experts répondent par la négative. « Le HCUA sert encore à blanchir les hommes d’Ansar Eddine », indique une source sécuritaire, qui reconnaît cependant que la plupart des dirigeants du groupe ne cautionnent pas « la dérive islamiste » du chef salafiste. l RÉMI CARAYOL

ZAHABI OULD SIDI MOHAMED

Ministre de la Réconciliation nationale

« Jihadistes et narcotrafiquants, même combat! »

L

ors du remaniement du 11 avril, Zahabi Ould Sidi Mohamed, 56 ans, chef de la diplomatie dans le précédent gouvernement, s’est vu confier le portefeuille ultrasensible de la Réconciliation. Cet Arabe natif de Tombouctou a participé à la rébellion du début des années 1990 au sein du Front islamique arabe de l’Azawad et à la signature des accords de paix de 1992.

JEUNE AFRIQUE: En quoi les négociations entre l’État malien et les groupes rebelles sont-elles différentes de celles menées dans les années 1990 ? ZAHABI OULD SIDI MOHAMED : Il n’y a pas de

problème ethnique ou racial au Mali. Seule la mauvaise gouvernance nous a conduits N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

les coupables répondront de leurs actes devant les Maliens.

FAROUK BATICHE/AFP

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Voir le diaporama interactif « Plongée dans la nébuleuse des groupes armés » sur jeuneafrique.com

là où nous sommes. Les nouvelles autorités ont donc pris des mesures. L’adoption d’une loi contre l’enrichissement illicite pose un premier jalon en direction de la bonne gouvernance. La création de la CommissionVérité, Justice et Réconciliation est un autre geste fort : depuis 1963, les rébellions se sont succédé sans que la justice reconnaisse les souffrances des populations. Cette fois,

Des prisonniers sont libérés dans le cadre des « mesures de confiance » entre l’État et les groupes armés. N’est-ce pas frustrant pour les victimes ?

Je ne crois pas que ces libérations vont empêcher la justice de travailler. Quand la Cour pénale internationale (CPI) commencera son travail, et une fois les accords signés, l’État sera de nouveau présent sur tout le territoire, c’est ce qui compte. Aujourd’hui, les deux tiers du pays ne sont pas sous le contrôle de l’État, et nous n’avons pas les moyens d’intervenir. Ce n’est donc pas une volonté de favoriser l’impunité, mais une mesure tactique.

Comment expliquez-vous l’actuel regain de violence dans le Nord ?

Il s’agit de règlements de comptes entre groupes de narcotrafiquants. Sous couvert du combat pour l’Azawad, ces mouvements tentent de prendre le contrôle de ces trafics, quand d’autres ont des revendications réellement politiques. Narcotrafiquants et jihadistes n’ont rien à gagner à un processus DDR [démobilisation, désarmement, réinsertion] : ils ont besoin de leurs armes et de leurs véhicules pour faire leur business et préfèrent que le conflit perdure. Dès qu’il y aura un accord, ils n’auront plus de couverture. l Propos recueillis à Bamako par DOROTHÉE THIÉNOT JEUNE AFRIQUE


Mélis-mélos maliens DÉCRYPTAGE

Opinions & éditoriaux

Alain Faujas

Suspense et morosité

L

enthousiasme qui avait saisi les acteurs économiques maliens après le sommet de Bruxelles, en mai 2013, au cours duquel une aide internationale de 4 milliards de dollars (3,25 milliards d’euros) avait été promise, est retombé comme un soufflé. Bien des chantiers sont à l’arrêt. Les salaires des fonctionnaires semblent ne pas être versés en temps et en heure. L’inquiétude est de retour. Et pour cause : après que le gouvernement a signé des contrats militaires opaques, les institutions de Bretton Woods ont suspendu leur aide budgétaire au mois de juin. Mais c’est le Fonds monétaire international (FMI) qui, en colère, avait cessé de livrer la sienne le premier, ce qui a automatiquement interrompu les versements de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement (BAD), de l’Union européenne, etc.

La raison ? L’achat d’un avion présidentiel pour 40 millions de dollars, sur fonds publics, sans que l’on sache précisément à qui et comment ces sommes ont été payées – un imbroglio qui a provoqué la saisie provisoire de l’appareil par les autorités américaines. Autre affaire ayant suscité le courroux et la méfiance des instances internationales : un énorme contrat d’uniformes et de transports de troupes qui s’élèverait à 150 millions de dollars et pour lequel certains intermédiaires auraient été très généreusement rémunérés. « Nous ne sommes pas habilités à juger de la qualité de ces achats, réalisés sans appel d’offres mais en toute légalité, sous couvert du secret-défense, explique Sébastien C. Dessus, économiste en chef pour le Mali, le Tchad, la Guinée et le Niger à la Banque mondiale. En revanche, les bailleurs ont le droit de s’exprimer sur la validité des procédures budgétaires utilisées et le devoir de s’assurer que les 4 milliards de dollars en question seront bien gérés. »

de F CFA (330 millions de dollars) selon MamadouTiény Konaté, président de la Chambre de commerce et d’industrie. « Les entreprises attendent cet argent, explique-t-il. C’est vital : la conjoncture n’est pas fameuse, le secteur touristique est en berne, les mines d’or tournent au ralenti car le cours du métal précieux est déprimé, et les investissements étrangers ne reviennent pas à la vitesse espérée. Il n’y a que dans l’agriculture que les perspectives sont bonnes. Il faut espérer que le FMI débloque la situation budgétaire et que les négociations d’Alger nous permettent d’amorcer la sécurisation du Nord, ce qui réduira enfin notre risque pays. Je suppose que la reprise sera perceptible à la fin de l’année ou au début de l’an prochain. » La croissance 2014, elle, devrait atteindre 4 % à 6 %. Mais tout dépendra des récoltes, encore difficiles à estimer, la saison des pluies n’étant pas terminée. Le suspense se poursuit… et la morosité perdure. « Cette morosité est normale, estime Hélène N’GarnimGanga, responsable de la BAD à Bamako. On avait trop

L’aide internationale, cruciale pour l’apurement de la dette intérieure, a été suspendue.

Quand seront débloqués les 200 millions de dollars en suspens, cruciaux pour le fonctionnement de l’État ? « Les bailleurs aident le gouvernement à clarifier ses procédures de dépenses. Ce processus est en bonne voie, et les versements pourraient reprendre avant la fin de l’année. » Le problème, c’est que ces 200 millions de dollars devaient permettre d’apurer en grande partie la dette intérieure. C’est-à-dire les impayés de l’État à l’égard des entreprises maliennes, qui représentent 167,5 milliards JEUNE AFRIQUE

misé sur l’aide internationale. Aujourd’hui, c’est le retour à la réalité : ces soutiens sont souvent faits en nature et pas en argent [matériel, formation, etc.] ; il faut aussi faire des appels d’offres pour éviter les abus lors de la construction d’un barrage ou d’une route, ce qui prend du temps. D’autant que nous ne nous contentons pas de construire des infrastructures permettant, comme à Kouliloro, d’irriguer des milliers d’hectares supplémentaires. Nous nous assurons aussi que les paysans profiteront de cette eau, qu’ils parviendront à écouler leurs nouvelles productions en se regroupant et qu’ils en vivront mieux. Certes, il s’agit de projets d’infrastructures, mais ce sont aussi des projets sociaux. La nécessité de réussir une croissance ”inclusive” au profit du plus grand nombre exclut d’agir à la va-vite. Il faut rester optimiste. » Le ciel est tout de même bien sombre. Le président, qui a reçu pour mandat de mener à bien la réconciliation nationale et de combattre la corruption, se hâte lentement sur ces deux dossiers, afin de n’irriter ni son électorat, qui se défie du Nord, ni les caciques, qui ont installé tout un système de prébendes. La résolution de ces problèmes de gouvernance sera déterminante pour que l’optimisme revienne enfin au Mali. l N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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TANYA BINDRA POUR J.A.

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p Salif et Mohamed Niang, dans leur usine de Bamako. AGROALIMENTAIRE

Malô fait le plein de vitamines L’entreprise créée il y a deux ans par les frères Niang produit du riz enrichi en micronutriments. Une première en Afrique, sur un marché en pleine croissance.

C

est juste après les émeutes de la faim de 2008 qu’une vision innovante de l’agroalimentaire a germé dans l’esprit de Salif et de Mohamed Niang (30 ans et 26 ans), qui achevaient alors leurs études aux États-Unis. Cette année-là, les prix des produits de base, en particulier ceux des céréales, flambent. Pour prévenir le risque de crise alimentaire, le gouvernement de Modibo Sidibé lance l’Initiative riz. Beaucoup d’argent dépensé pour des résultats décevants: en subventionnant les engrais,lepaysdoublesaproductionenun an, mais, faute d’infrastructures suffisantes pour la transformation et le stockage, une grande partie de la récolte périt. Toujours étudiants, les frères Niang remportent différents concours et les 130 000 dollars (environ 100 000 euros) grâce auxquels, de retour au Mali en 2011, ils lancent Malô (« riz », en bambara), la première entreprise du continent à

produire du riz local fortifié, c’est-à-dire enrichi en micronutriments (fer, vitamines A, B9, B12, etc.), ce qui permet donc d’éviter les carences. PARADOXE. L’objectif des frères Niang ?

Contribuer à résoudre le paradoxe malien. Le pays produit en effet assez de riz (davantage que la Thaïlande, par exemple) pour être autosuffisant. Pourtant, il en importe massivement. Les deux frères souhaitent par ailleurs que les riziculteurs ne soient plus la proie des spéculateurs et soient assurés de revenus fixes. « Certains importateurs stockent leur riz en Côte d’Ivoire et en font venir, du jour au lendemain, des dizaines de milliers de tonnes qui inondent le marché, explique Salif Niang. Nous ne voulons pas nous inscrire dans cette logique. » Pour alimenter leur usine, les Niang se rapprochent d’une coopérative de cultivateurs de Niono, au sein de l’Office du

Niger. Ils les rémunèrent selon un prix fixe, tenant compte des coûts de production et supérieur aux tarifs pratiqués dans la zone. « Il ne s’agit pas de concurrencer les paysans dans leur travail de culture, précise Salif Niang, mais d’intervenir après la récolte, sur les étapes qu’ils ne peuvent assurer. » Séchage, stockage, blanchiment, broyage et enrichissement du riz, conditionnement (en sacs de 10 kg ou de 25 kg), commercialisation, distribution… Ça, c’est le travail de Malô. En 2012, pendant la phase pilote, l’entreprise est parvenue à vendre 10 tonnes de riz fortifié sur le marché local, commercialisé sous la marque Malô. Tout a été fait pour conserver à ce produit l’aspect et la saveur du riz classique. Certes, il est vendu plus cher, mais Salif Niang ne doute pas que les Maliens s’y habitueront rapidement. Le potentiel est là, puisque la consommation nationale annuelle de riz est estimée à 63 kg par personne. Et Malô est en passe d’achever la construction d’une nouvelle usine à Bamako, qui permettra de quadrupler la production (de 1 000 à 4 000 t par an). BIODIVERSITÉ. Prochaine étape: produire

les vitamines au Mali plutôt que les importer. Un projet que les deux entrepreneurs espèrentpouvoirrapidementréalisergrâce au retour des investisseurs dans le pays. À moyen terme, ils comptent aussi exporter leurs produits, ce qui permettra à la fois de développer leurs activités et de maintenir la biodiversité des céréales locales. « Soumis à des pressions financières, les paysansabandonnentlaculturedevariétés locales, comme le riz rose de Tombouctou, le sorgho et le mil traditionnels, pourtant bien plus nutritifs, au profit du riz hybride, moins riche mais plus facile à cultiver, déplore Salif Niang. Nous voulons changer cela. » Et le jeune patron entend bien faire découvrir la qualité du riz malien « que personne ne connaît à l’étranger » en exportant ses produits « rares, biologiques et à haute valeur ajoutée » sur les marchés américain et européen. l DOROTHÉE THIÉNOT



Le Plus de J.A. ENTREPRENEURIAT

Pas de repos pour les braves Technologies, énergie, banque… Dans de nombreux secteurs, la reprise est au rendezvous. Trois patrons novateurs le prouvent.

Aliou Yattassaye 37 ans, fondateur et directeur deYattassaye Technology Company (Yattco) e 15 avril, Aliou Yattassaye lançait le premier smartphone malien, YUV Smart (Yattassaye Universal Smart), en partenariat avec Orange Mali, ce groupe ayant mis son réseau de distribution à la disposition de son entreprise, Yattco, pour la commercialisation de cet appareil, vendu 46 000 F CFA (70 euros) avec un forfait internet de 100 mégaoctets par mois. « Que cet opérateur me fasse confiance, c’est déjà une promotion », reconnaît le jeune patron. Fin 2014, Yattco mettra sur le marché une tablette numérique et un PC, en partenariat avec Microsoft, et ses produits seront distribués au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Niger. Diplôme de l’École supérieure de gestion et de commerce international de Paris en poche, Aliou Yattassaye rentre au Mali. À Bamako, après s’être lancé dans le négoce des cartes de rappel, il veut d’abord étendre son activité à l’agroalimentaire et aux cosmétiques. Mais face à la concurrence du commerce informel, il doit rapidement déposer les armes. Il en tirera une leçon : « Ici, pour pouvoir travailler, il faut savoir innover. » Il opte ensuite pour les télécoms. Avec plus de 3 millions d’abonnés au mobile et 20 millions de puces en circulation, le Mali constitue un marché prometteur. Jonglant avec les décalages horaires pour répondre à ses partenaires chinois et américains, l’entrepreneur met les bouchées doubles. « Pour l’instant, j’ai l’énergie nécessaire », assure-t-il. Son prochain défi : ouvrir une usine d’assemblage. l DOROTHÉE THIÉNOT N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

TANYA BINDRA POUR J.A.

L

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Coumba Sidibé Touré 41 ans, directrice générale d’Ecobank Mali

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ommée directrice générale d’Ecobank Mali en mai 2013, Coumba Sidibé Touré s’emploie à développer les points de distribution et l’offre de produits pour renforcer la croissance de la filiale qui, malgré la crise, affiche un bilan total de plus de 364 milliards de F CFA (près de 555 millions d’euros), en progression de 16 % par rapport 2012. Elle veille aussi à accompagner la relance économique du pays, notamment à travers l’émission de bons (Ecobank Mali a injecté 198 milliards de F CFA de crédit dans l’économie en 2013), le financement des PME-PMI et de l’habitat. En décembre 2013, Coumba Sidibé Touré a ainsi signé une convention de partenariat avec Shelter Afrique et la Société immobilière et foncière du Mali pour le financement, à hauteur de 10 milliards de F CFA,

d’un programme de 600 logements sociaux à Kati Sananfara (à 20 km de Bamako). Après une maîtrise en sciences de gestion et un diplôme d’ingénieur en banque, finance et assurance à la Sorbonne, à Paris, Coumba Sidibé Touré rejoint en 1998 Ecobank, qui ouvrait sa filiale au Mali, au département crédit et marketing du groupe. Elle a alors 25 ans. La jeune femme y gravit peu à peu les échelons. En 2009, elle est envoyée à Cotonou, à la direction des opérations et de la technologie d’Ecobank Bénin. Puis, en 2011, à Douala, en tant que directrice générale de la filiale du groupe pour le Cameroun et pour la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, et directrice générale adjointe du conseil d’administration. l D.T. JEUNE AFRIQUE


Mélis-mélos maliens

Yacouba Sy 34 ans, PDG de SY & Co et DG de Foutagaz Iteri

V

ente de pièces détachées et de cartes téléphoniques, transport… Après s’est frotté à bon nombre de secteurs, Yacouba Sy a trouvé sa voie. « Je cherchais à placer mes fonds dans un secteur d’avenir », explique-t-il. Celui de l’énergie s’est imposé. En 2007, il lance Foutagaz. De l’importation au stockage en passant par le remplissage de bouteilles de gaz, la société s’occupe de tout et, depuis 2010, s’est lancée dans la production. Depuis 2013, Yacouba Sy a diversifié les activités de son holding à travers les filiales maliennes de deux sociétés ivoiriennes : dans les dérivés du pétrole, avec la société Synergy, et dans le BTP, l’adduction d’eau et l’électrification, via la société ICA. Ces trois dernières années, le prix du gaz, importé de Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Ghana ou du Niger et soumis à des droits de douane, a

dépassé celui pratiqué dans les pays voisins. « C’est vrai qu’on n’a pas eu de chance à cause de la crise », reconnaît Yacouba Sy, qui n’en continue pas moins d’investir. Pour l’extension des capacités de production, de stockage et l’acquisition de nouveaux équipements, il engage cette année près de 2 milliards de F CFA (3 millions d’euros), dont 30 % d’apport personnel. Sa société est aujourd’hui présente dans les grandes villes. Mais l’entrepreneur a pour ambition de s’implanter « plus loin dans le pays », là où de nombreux foyers utilisent toujours le charbon de bois. « À environ 10 000 F CFA la bouteille de gaz vide, peu de foyers ruraux ont les moyens de s’en procurer », regrette-t-il, espérant que, pour y remédier, « l’État subventionnera l’acquisition de bouteilles en milieu rural ». l D.T.

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Le Plus de J.A. Mélis-mélos maliens CINÉMA

Sissoko qui pleure, Sissoko qui rit le manque de vision et de leadership des dirigeants actuels, un secteur éducatif en déshérence, une jeunesse sacrifiée… De quoi faire renaître en lui le jeune militant qui manifestait pour exiger le dans les médias. Mon travail, c’est d’esdépart du général Moussa Traoré. sayer d’officialiser la réalité. » Pourtant, il sait qu’il a eu plus de Ses études en France ont donné à chance que la jeunesse malienne d’auSissoko le goût de la contestation : « Dans jourd’hui. « Sous le premier régime les années 1960, il existait un grand élan [de Modibo Keïta], explique Sissoko, commun de solidarité avec l’école était gratuite, les les peuples opprimés. J’ai enseignants étaient perAvant-première compris que le cinéma formants, la culture et l’échange valorisés. Le était la voie à suivre pour En attendant la sortie, coup d’État de Moussa défendre cet idéal de jusfin 2014, de son prochain Traoré en 1968 a tout tice sur le continent. » long-métrage, Soba, balayé. » Rappelant que Si, pour lui, création et le réalisateur Souleymane Cissé a présenté le président Ibrahim politique vont de pair, son en avant-première, Boubacar Keïta (IBK), élection, en mai 2013, au aux Rencontres lors de son investiture poste de secrétaire génécinématographiques il y a un an, a salué ce ral de la Fédération panade Hergla (Tunisie), « grand démocrate » fricaine des cinéastes fin août, la version finale qu’aurait été le général, (Fepaci), basée à Nairobi, du film documentaire il s’indigne : « Le peuple lui impose désormais un O Sembène, hommage n’a pas élu IBK pour se devoir de réserve. Et de au réalisateur sénégalais faire insulter. » quitter la présidence de disparu en 2007 Mais Sissoko ne veut son parti, la Solidarité africaine pour la démocrapas pour autant ruer dans tie et l’indépendance (Sadi), les brancards. D’ailleurs, la ainsi que son pays : « Ce n’était pas le Sadi fait toujours partie de la majorité meilleur moment, reconnaît-il. Mais présidentielle. Et s’il est sûr d’une chose mes pairs m’ont choisi. » en ces temps troublés, c’est qu’« il faut Méthodiquement et mezza voce, faire front commun ». l Sissoko expose les motifs de sa colère : DOROTHÉE THIÉNOT

Dans Rapt à Bamako, le réalisateur (et ex-ministre de la Culture) dénonce les maux qui rongent le continent. Mais lance aussi un message d’optimisme à la jeunesse.

Q

uatorze ans après la sortie de , Cheick Oumar Sissoko, 68 ans, ancien ministre de la Culture (2002-2007), renoue avec ses premières amours. Dans les locaux du Centre national de la cinématographie du Mali (CNCM), il achève le montage de son nouveau long-métrage, Rapt à Bamako. Tourné fin 2013, il sera présenté en février 2015 au Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco). Pour le produire, Sissoko n’a reçu aucune aide extérieure : derrière les murs décrépits du CNCM, on trouve suffisamment de talents et de matériel pour travailler de manière autonome. C’est la première fois qu’il tourne en numérique. « Ancien » du septième art, il regrette un peu le « rapport affectif » à la pellicule, le risque que constituait chaque tournage, la mémoire des plans que l’exercice imposait. ALLÉGORIE. Rapt à Bamako est tiré d’un

roman policier éponyme pour enfants d’Alpha Mandé Diarra et Marie-Florence Ehret (paru en 2000 aux éditions Le Figuier et en 2011 chez Édicef ). Ce récit naïf a fourni à Sissoko le prétexte qu’il attendait pour évoquer la corruption des élites, les meurtres sacrificiels des albinos ou le conflit de générations que traverse, selon lui, le continent. Le réalisateur malien y voit une allégorie de la réalité africaine, mais aussi un message d’optimisme adressé à la jeunesse : les jeunes héros, aidés par une grand-mère « gardienne de la mémoire et des traditions », prennent leur avenir en main contre l’avis de leurs aînés, « préoccupés par leurs priorités personnelles, sans ambition pour leur pays », raconte-t-il. Pour Sissoko, la réalisation est d’abord un moyen d’« élever les consciences ». S’il s’est tourné vers le cinéma après avoir fréquenté l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris, c’est pour des raisons politiques : « L’image est capitale pour montrer que l’Afrique n’est pas que le terrain des guerres, de la famine comme cela transparaît hélas N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

q Au Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou, en mars 2013.

AHMED OUOBA/AFP

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JEUNE AFRIQUE


Un nouveau rendez-vous avec l’histoire Des origines à nos jours…

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La vie de nos lointains ancêtres

La légende d’adzo mbôgha

L

a légende d’adzo mbôgha raconte l’étrange rencontre entre les Pygmées et les Fangs. Il y a bien longtemps, vers le VIIIe siècle avant J.-C., des peuples bantous sont arrivés du Nord, du Nigeria et du Cameroun actuels. S’ils ont une même langue, leurs origines et leurs chemins pour venir diffèrent. Certains comme les Sékès, les Bengas, les Kwélés, les Kélès et les Fangs entrent par le nord et le nord-est. D’autres, font un détour par le bassin du Congo pour pénétrer par l’est et par le sud. C’est le cas des Ngwèmyènès, des Gisirs, des Punus, des Nzèbis, des Kotas, des Obambas, des Sangus, des Tékés ou Tyos, des Lumbus, des Vilis…

arbre (adzo) qui leur barrait la route et qu’ils ne pouvaient pas contourner. Pendant cette halte forcée, un homme de petite taille, un Pygmée, est venu leur rendre visite à plusieurs reprises. À chaque fois, il retournait chez lui en passant à travers un petit trou pratiqué dans le tronc du grand arbre. Un jour, il a invité les Fangs à le suivre et ces derniers ont pu alors continuer leur chemin.

Les nouveaux arrivants sont bien accueillis par les Pygmées, les premiers habitants du pays. Selon la légende, les Fangs, lors de leur migration, se sont trouvés devant un immense

Cette histoire illustre l’arrivée des Fangs, originaires des régions de savanes, dans la forêt symbolisée par le grand arbre. Dans ce nouveau milieu, les Pygmées leur servent de guides et leur enseignent nombre d’usages très utiles pour s’adapter à la vie en forêt. Très vite, un important troc se développe entre eux. Habiles chasseurs, les Pygmées fournissent essentiellement du gibier aux Bantous. En contrepartie, ces derniers, qui pratiquent l’agriculture agriculture et sont d’excellents métallurgistes, leur donnent des légumes, des fruits et des objets en fer. Ces échanges influencent peu à peu leurs modes de vie. En effet, bien avant le XVe siècle, de nombreux groupes de Pygmées sont devenus semisédentaires et se sont attachés à des familles bantoues vis-à-vis desquelles ils ont vécu dans un état de servage.

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Économie

MAROC

Au royaume des

champions


TRIBUNE

DÉCIDEURS

Secrétaire exécutif de la CEA

DG de Biopharma

Carlos Lopes

BOURSE

Francis Nana Djomou

Le tunisien Délice Holding assume son goût du risque

Pris sous l’aile de la monarchie dès les années 2000, les fleurons du pays sont capables de rivaliser avec les plus grandes multinationales, sur leur marché comme à l’étranger. Et aujourd’hui, c’est le roi lui-même qui les conduit à la conquête de l’Afrique. Quitte à transiger avec la libre concurrence… MEHDI MICHBAL,

à Casablanca

I

nvisible sur la carte du business africain au début des années 2000, le Maroc a réussi en peu de temps à imposer ses entreprises dans les grands deals qui se jouent en Afrique subsaharienne. Ses banques, ses compagnies d’assurances, ses opérateurs télécoms, ses sociétés de construction, ses cabinets de consulting… raflent désormais tout sur leur passage, rivalisant avec le vieux leader du continent, l’Afrique du Sud. Une politique d’expansion menée par le secteur privé chérifien et appuyée au sommet de l’État. Attijariwafa Bank, BMCE, Maroc Télécom ou encore Addoha sont ainsi devenus pour le Maroc ce que sont les chaebols (dont les plus célèbres sont Samsung et Hyundai) pour la Corée du Sud et les firmes du CAC 40 pour la France : des champions qui portent le développement de leur pays et assurent son rayonnement à l’international.

p De g. à dr. : Abdeslam Ahizoune (patron de MarocTélécom), Moulay Hafid Elalamy (ex-Saham), Mohamed El Kettani (Attijariwafa Bank), Anas Sefrioui (Addoha) et Othman Benjelloun (BMCE).

SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

NOUVELLE GÉNÉRATION. « Le cas des entreprises

marocaines représente aujourd’hui un modèle sur le continent. Doté de ressources naturelles limitées, le royaume fait partie des rares pays africains qui ont réussi à bâtir des groupes privés solides, au savoir-faire reconnu. C’est ce que le pays essaie d’exporter aujourd’hui. En dehors de l’Afrique du Sud, il n’y a pas de modèle équivalent », estime l’avocat d’affaires Hicham Naciri, qui a travaillé sur la quasi-majorité des deals marocains en Afrique subsaharienne. Ces succès sont le résultat de la montée d’une nouvelle génération de décideurs aux affaires, à commencer par Mohammed VI, dont le thème de mémoire d’études à la faculté des sciences économiques et juridiques de Rabat était : « L’Union arabo-africaine et la stratégie du royaume du Maroc en matière de relations internationales ». « Au début de son règne, la bourgeoisie attendait des signaux, N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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Entreprises marchés

d’Attijariwafa Bank, a, le premier, utilisé le terme de « champion national » pour justifier sa volonté de créer un mastodonte bancaire capable de rivaliser avec les concurrents à capitaux étrangers et, plus tard, d’élargir son influence à l’international. En rachetant en 2003, via la banque royale BCM, Wafa Bank à la famille Kettani puis en réalisant ensuite la plus grande fusion de l’histoire du paysage bancaire marocain, il a donné naissance à un nouvel ensemble, baptisé Attijariwafa Bank. Ce groupe – qui compte dans son giron des filiales leaders dans l’assurance, le crédit à la consommation, le leasing, l’intermédiation boursière et la banque d’affaires – devient en l’espace de quelques mois le premier groupe bancaire du Maghreb. Un succès qui donnera de la légitimité à cette nouvelle doctrine de règne et sur lequel l’ancien patron d’Attijari s’appuiera pour refaçonner le paysage des affaires. « Attijariwafa Bank [ aujourd’hui présent dans douze pays subsahariens] est devenu un acteur déterminant dans toutes les grandes opérations qui ont marqué la scène des affaires depuis 2004 », explique Karim Tazi. C’est d’ailleurs Oudghiri qui sera derrière l’émergence d’un champion national dans le très stratégique secteur des hydrocarbures, alors contrôlé par l l l

Pays d’implantation

Attijariwafa Bank • 11 pays couverts : Mauritanie, Sénégal, Gabon, Côte d’Ivoire, Mali, Guinée-Bissau, Togo, Niger, Congo, Cameroun, Burkina Faso

Saham

• Capitalisation boursière : 68,5 milliards de dirhams

• 16 pays couverts: Mali, Sénégal, Guinée, Côte d’Ivoire, Bénin, Niger, Gabon, Ghana, Burkina Faso, Togo, Cameroun, Congo, Angola, Kenya, Madagascar, Maurice

• PNB consolidé 2013 : 18 milliards de dirhams • Part de l’Afrique subsaharienne dans le PNB : 25 % • Concurrent africain : Standard Bank (Afrique du Sud)

• Chiffre d’affaires agrégé : 9,2 milliards de dirhams en 2013 • Part de l’Afrique subsaharienne dans le CA : 43 % • Concurrent africain : Sanlam (Afrique du Sud)

Maroc Télécom • 4 pays couverts : Mali, Mauritanie, Gabon, Burkina Faso • Capitalisation boursière : 99,3 milliards de dirhams • Chiffre d’affaires consolidé : 28 milliards de dirhams • Part de l’Afrique subsaharienne dans le CA : 27 % • Concurrent africain : MTN (Afrique du Sud)

Conseiller de Mohammed VI et patron de Siger, holding de la famille royale, Mounir Majidi voit son influence dans les affaires dépasser le spectre de sa puissante filiale SNI (Société nationale d’investissement). Fervent défenseur des intérêts nationaux face aux capitaux étrangers, il a été le porte-drapeau de la transformation du monde des affaires marocain, qui a donné naissance à de grands groupes nationaux. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

HASSAN BOUHEMMOU PDG DE LA SNI Ingénieur financier, le patron de la SNI a été coopté par le secrétaire particulier du roi, Mounir Majidi, en 2002, pour mettre de l’ordre dans les affaires royales. Son influence s’exprimera via la création de « champions nationaux », entreprises chargées de faire face aux turbulences de la mondialisation et de contrer la montée en puissance des capitaux étrangers. Une méthode critiquée par certains pour avoir créé un sentiment de prédation économique.

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ONA/SNI

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ILS METTENT EN ŒUVRE LA STRATÉGIE DU ROI

MOUNIR MAJIDI SECRÉTAIRE PARTICULIER DU ROI

SOURCE : SAHAM

MASTODONTE. Khalid Oudghiri, l’ancien patron

Cinq géants désormais à la conquête de l’Afrique subsaharienne

SOURCE : MAROC TÉLÉCOM

de la visibilité pour investir, sortir de l’attentisme qui a caractérisé la fin de règne de Hassan II. Le roi leur en a donné en s’appuyant sur ses propres affaires, avec l’idée de créer une locomotive qui tire le secteur privé marocain et la croissance du pays. Cette locomotive, c’était l’ONA », explique Karim Tazi, le patron de Richbond, la première entreprise marocaine d’ameublement, qui rappelle que la naissance d’Attijariwafa Bank a été le premier exemple grandeur nature de cette nouvelle politique royale.

SOURCE : ATW

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KHALID OUDGHIRI ANCIEN PDG D’ATTIJARIWAFA BANK L’ex-patron du plus grand groupe bancaire marocain a été le premier à faire passer le concept du « champion national » de la théorie à la pratique, en orchestrant la fusion entre la Banque commerciale du Maroc (BCM) et Wafabank. Le mastodonte Attijariwafa Bank, né de cette opération, a participé à toutes les grandes opérations capitalistiques des dix dernières années au Maghreb et en Afrique subsaharienne. JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés ÉDITO

Opinions & éditoriaux

BMCE Bank • 13 pays couverts : Burkina Faso, Burundi, RD Congo, Côte d’Ivoire, Djibouti, Ghana, Kenya, Madagascar, Mali, Niger, Sénégal, Tanzanie, Ouganda

Stéphane Ballong

Un exemple à suivre?

• PNB consolidé 2013 : 10 milliards de dirhams

A

U JAPON, on les appelle keiretsu, et en Corée du Sud, chaebol. Dans le monde, ils sont connus sous les noms de Mitsubishi, de Mitsui (japonais), de Hyundai et de Samsung (sud-coréens). Bâtis au cours des années glorieuses qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, ils sont devenus des leaders mondiaux dans leurs secteurs et génèrent une grande partie du PIB de leurs pays respectifs. Ces superstructures existent aussi en Europe, sous le nom de Konzern enAllemagne (BASF et Bayer), mais aussi en Asie, en Chine ou en Inde…

• Capitalisation boursière : 37,5 milliards de dirhams • Concurrent africain : Standard Bank (Afrique du Sud)

SOURCE : BMCE BANK

• Part de l’Afrique subsaharienne dans le PNB (2013) : 42 %

Addoha • 10 pays couverts : Tchad, Guinée, Ghana, Côte d’Ivoire, Cameroun, Congo-Brazzaville, Gabon, Mali, Niger, Burkina Faso • Chiffre d’affaires consolidé: 9,4 milliards de dirhams

• Capitalisation boursière : 17 milliards de dirhams • Concurrent africain : The Arab Contractors (Égypte)

DR

ABDELLATIF JOUAHRI GOUVERNEUR DE BANK AL-MAGHRIB Nommé gouverneur de la banque centrale en 2003, Abdellatif Jouahri a été un artisan de la mutation du paysage bancaire marocain. Il a veillé à l’assainissement d’entités publiques comme la BCP (Banque centrale populaire) et a fortement encouragé le regroupement d’acteurs privés. Consolidées, les banques peuvent étendre leur influence en Afrique et entraîner dans leur sillage les entreprises nationales. JEUNE AFRIQUE

SOURCE : ADDOHA

• Part de l’Afrique subsaharienne dans le CA : 10 %

En Afrique, la croissance soutenue depuis plus d’une décennie est propice à la création d’entreprises performantes dans leurs différents domaines d’activité, capables de représenter leur économie nationale et de rayonner sur les plans régional, continental et mondial. Même si l’épidémie d’Ebola vient mettre à rude épreuve les progrès réalisés dans certains pays subsahariens (lire tribune p. 83), de manière générale, le continent est toujours considéré comme un marché frontière par une grande majorité d’investisseurs. Et les perspectives de croissance demeurent bonnes, voire très bonnes, pour la plupart des ses économies. Mais l’embellie reste malheureusement fragile, comme en Zambie, au Mali ou au Ghana, le pays aux trois richesses (or, cacao, pétrole), qui a dû faire appel, le mois

dernier, au Fonds monétaire international (FMI) pour remettre son économie sur les rails. D’où cette question: comment le continent peut-il s’inspirer de ce qu’ont construit les pays d’Asie du Sud-Est pour transformer cette belle conjoncture en quelque chose de plus durable? Quelles stratégies doivent mettre en œuvre les pays africains pour passer du statut de nation émergente à celui de puissance économique ? Bref, comment peuvent-ils bâtir un secteur privé solide, créateur de richesses et d’emplois? Certains pays, comme l’Afrique du Sud (avec Standard Bank ou encore MTN) ou le Nigeria dans une moindre

Le continent pourrait s’inspirer des grands groupes asiatiques. mesure (avec le groupe Dangote), parviennent à exporter des succès nationaux hors de leurs frontières. Cette semaine, Jeune Afrique s’est penché sur le cas du Maroc. En une décennie, les entreprises du royaume, comme le réseau bancaire BCP ou le promoteur immobilier Alliance, ont réussi à s’imposer dans près d’une vingtaine de pays subsahariens (notamment francophones). Nous avons passé au crible les politiques qui ont permis l’émergence de ces champions nationaux. Elles sont loin d’être parfaites, mais servent déjà d’exemple à d’autres pays du continent. l N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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Entreprises marchés INTERVIEW

Zouhair Ait Benhamou Économiste et chercheur marocain

« Les retombées sont minimes pour les Marocains »

L

es champions nationaux servent-ils vraiment le Maroc ? Pour le chercheur de l’université Paris-X Nanterre, leurs activités sur le marché local et à l’étranger n’ont pas toujours bénéficié à l’économie nationale. JEUNE AFRIQUE: Dans l’une de vos publications, vous contredisez Khalid Oudghiri, l’ancien patron d’Attijariwafa Bank, qui soutenait en 2005 que la politique des champions nationaux est un mythe… ZOUHAIR AIT BENHAMOU : Je

pense que cette politique existe bel et bien, mais qu’elle est officieuse. Il n’y a qu’à observer les choix qui ont guidé le développement de secteurs comme les télécoms ou les banques pour s’en rendre compte. Parexemple,ladécisiondeprivatiser Maroc Télécom en un seul bloc en le cédant à Vivendi relevait d’un choix politique. Le Maroc avait certes besoin de liquidités, mais il était possible d’obtenir des sommes équivalentes en créant deux ou trois opérateurs. La logique derrière le maintien du quasi-monopole est celle du champion national: l’effet de taille permet de concentrer les ressources pour mieux les utiliser. Lemêmeraisonnementtientpourle secteurfinancier,oùl’autorisationde créer des banques a été très régulée. Les Marocains se sont-ils inspirés de modèles déjà existants ?

Les pro-champions nationaux citeraient le Japon d’après-guerre, avec le rôle prépondérant du ministère de l’Industrie et sa relation avec les gros conglomérats, ou encore la Corée du Sud, avec les chaebols N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

de grandes compagnies internationales, en faisant pression sur la famille Amhal, surendettée, pour qu’elle se dessaisisse de Somepi au profit du groupe Akwa – de la famille Akhannouch –, aujourd’hui leader national des produits pétroliers. C’est aussi grâce au financement d’Attijariwafa que Moulay Hafid Elalamy (à l’époque président du groupe Saham, aujourd’hui ministre du Commerce et de l’Industrie) a pu racheter la compagnie d’assurances CNIA, pour 500 millions de dirhams (près de 45 millions d’euros). Une étape décisive dans l’émergence de Saham Assurances, devenu aujourd’hui le premier assureur du continent avec une présence dans dix-sept pays.

lll

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[conglomérats d’entreprises]. Sauf que la comparaison s’arrête là. Nos champions se sont concentrés sur le marché national, alors qu’une telle politique ne génère de bienfaits que si son activité est orientée en majorité vers l’international. Vous expliquez que cette politique n’a pas produit l’effet escompté en matière de compétitivité…

On dit que le champion national a vocation à investir dans la création de valeur. Mais on confond « retour sur investissement » et « valeur produite ». L’encours bancaire est par exemple dominé par les crédits immobiliers, parce que les banques trouvent que c’est plus rentable et moins risqué qu’une activité industrielle. L’erreur serait de penser que le champion national penche vers les activités à forte valeur ajoutée. C’est le contraire qui s’est produit au Maroc. Pourquoi investir dans l’industrie manufacturière lorsqu’on peut rentabiliser en construisant des complexes immobiliers ? Cette politique a-t-elle au moins favorisé l’émergence de groupes portant les ambitions régionales, voire continentales, du Maroc ?

Oui, mais la comparaison avec les chaebols coréens est trompeuse. L’implantation d’un groupe immobilier en Afrique subsaharienne génère certes des activités et la croissance des revenus financiers, mais les retombées sur le marché local sont minimes. À moins qu’elle ne s’accompagne de l’expatriation d’une main-d’œuvre marocaine, je ne vois pas comment cette expansion peut bénéficier à tous. l Propos recueillis par M.M.

GRANDS CHANTIERS. Dans les secteurs de l’im-

mobilier ou des télécoms, cette stratégie royale a pris d’autres formes. En facilitant l’accès au foncier et en décrétant une batterie d’incitations fiscales (au coût avoisinant une trentaine de milliards de dirhams tous les ans), les pouvoirs publics favorisent la naissance de promoteurs géants, comme Addoha, d’Anas Sefrioui, ou le groupe Alliances, de Mohamed Nafakh Alami Lazrak. Des groupes cotés en Bourse, qui participent à tous les grands chantiers du règne de Mohammed VI : la lutte contre l’habitat insalubre, mais aussi la construction de mégacomplexes touristiques pour accompagner la fameuse stratégie « Vision 2010 », dont l’objectif était d’atteindre 10 millions de touristes. « Les promoteurs marocains ont acquis une impressionnante expérience chez eux, qu’ils exportent actuellement en Afrique, ainsi que leur savoir-faire », explique Hicham Naciri. Idem dans les télécoms, où le Maroc a eu recours à une libéralisation maîtrisée pour permettre à son opérateur historique de tenir le coup au moment de l’ouverture du marché. Privatisé en 2001, Maroc Télécom a en effet profité d’un état de grâce de quelques années pour asseoir son leadership (lire interview ci-contre). Bien que critiquée lors de sa mise en place, cette méthode a permis à l’opérateur dirigé par Abdeslam Ahizoune d’avoir une longueur d’avance sur ses concurrents et d’atteindre une taille suffisante pour partir à la conquête du sud du Sahara. « La politique des champions nationaux se fait toujours au détriment de la libre concurrence. Mais c’est un passage quasi inévitable pour un pays qui veut consolider son économie et la mettre sur les rails de l’internationalisation, estime un homme d’affaires casablancais. Si les Coréens et les Japonais sont devenus les superpuissances économiques que l’on connaît, c’est en grande partie grâce à leurs géants industriels, qui ont longtemps été protégés et soutenus par les pouvoirs publics. » Concentrations, libéralisation maîtrisée et politiques sectorielles sont donc les instruments clés de cette politique des champions nationaux, qui a permis aux firmes marocaines de contrer le poids JEUNE AFRIQUE


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LOFT ABIDJAN. Le roi du Maroc

use en effet de tout son poids diplomatique et symbolique pour ouvrir la voie à ses « poulains » au sud du Sahara. Dans ses tournées africaines, Abidjan 16-17 mars 2015 devenues de plus en plus régulières, Mohammed VI ne voyage jamais sans Les stratégies de création ses « champions nationaux », resde champions panafricains sorts incontournables de la nouvelle font partie des thèmes stratégie africaine du royaume. Et le monarque suit de très près leur majeurs du avancée. Ainsi, après sa dernière AFRICA CEO FORUM tournée, en mars, du Mali au Gabon 2015 en passant par la Guinée et la Côte www.theafricaceoforum.com d’Ivoire, Mohammed VI a demandé à son Conseil des ministres de créer un comité Afrique chargé de suivre les projets engagés sur le continent. Celui-ci se réunit depuis tous les premiers mercredis de chaque mois dans le bâtiment en verre du ministère des Affaires étrangères, à Rabat. Une sorte de comité de direction présidé par le diplomate en chef du royaume, Salaheddine Mezouar, et qui compte une bonne brochette de ministres ainsi qu’une dizaine d’hommes d’affaires marocains déjà installés en Afrique ou qui s’apprêtent à le faire. Parmi eux, Mohamed El Kettani, d’Attijariwafa Bank ; Mostafa Terrab, d’OCP ; Mohamed Hassan Bensalah, du groupe Holmarcom; Saïd Alj, de Sanam Holding ; Othman Benjelloun, de FinanceCom ; Abdeslam Ahizoune, de Maroc Télécom ; Saïd Ibrahimi, de Casablanca Finance City Authority… Bref, toute la bande du Loft Abidjan, ce restaurant de l’hôtel Sofitel où les hommes d’affaires marocains avaient leurs habitudes en mars, quand la tournée royale les avait menés dans la capitale ivoirienne. « Nous effectuons un suivi des projets engagés, statuons sur les blocages et faisons le point sur ce qui a été réalisé le mois précédent. Le rapport du comité est ensuite transmis au roi », confie Moulay Hafid Elalamy. Une attention que les champions lui rendent bien… l JEUNE AFRIQUE

Retrouvez sur

economie.jeuneafrique.com toute l’actualité économique et financière du continent Cette semaine, à la une :

Finance QNB devient le premier actionnaire d’Ecobank Côte d’Ivoire Mitsubishi investit dans un champ pétrolier offshore Égypte 8,5 milliards de dollars mobilisés pour le canal de Suez Télécoms Orange et BOA partenaires dans la banque mobile

Le portrait de la semaine

Amadou Hama Maïga Directeur de l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement, au Burkina 2IE

grandissant des multinationales sur le marché local, et plus tard de rayonner à l’international. « On ne peut pas jouer en Ligue des champions si on n’est pas champion chez soi. La création de groupes solides financièrement était une condition préalable nécessaire à l’expansion en Afrique, qui est notre espace naturel de développement », explique Moulay Hafid Elalamy. Et l’État marocain ne se contente pas d’insuffler des dynamiques, il effectue un suivi régulier de l’avancée de ses entrepreneurs sur le continent. « L’État n’accorde pas d’avantages spécifiques aux entreprises désirant s’installer en Afrique, mais leurs dossiers sont généralement traités avec bienveillance », précise le ministre du Commerce et de l’Industrie. Pas de faveurs directes comme en Turquie, mais de la prévenance et de l’accompagnement.

N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


Entreprises marchés

VINCENT FOURNIER/J.A.

Eau & électricité

Nouvelle ère pour Finagestion

C

est dans la discrétion que Finagestion a changé de nom il y a quelques semaines. Désormais baptisé Eranove (des mots latins « aera » pour ère et « novus » pour neuf), le holding de tête des compagnies d’électricité et d’eau en Côte d’Ivoire et au Sénégal (CIE, Ciprel, SDE) ne veut plus être perçu comme un véhicule financier. D’où un « nom qui colle à l’ambition de développement régional d’un groupe, à une vision », selon les termes d’un dirigeant, et un logo inspiré de motifs africains. Pour fêter cela, Eranove, qui a signé en début d’année des protocoles d’accord avec les gouvernements camerounais (centrale de Limbe de 400 MW) et ivoirien (projet hydroélectrique de Tiboto, 243 MW), aurait, selon nos informations (non

TOTAL L’EXPLORATION CHANGE DE TÊTE

en personne qui en assure la présidence. Il sera épaulé par trois viceprésidents : Bruno Koné, ministre de la Poste et des TIC, Ibrahim Savané, président de la Haute Autorité de la communication, et Affoussiata BambaLamine, ministre de la Communication. Abidjan doit désormais conduire ce dossier tambour battant s’il veut respecter la date limite pour l’adoption de la TNT, fixée au mois de juin 2015 pour les pays africains. Pour l’heure, l’appel à candidature pour attribuer la maîtrise d’œuvre du chantier de construction de l’infrastructure n’a pas encore été passé. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

Nommé directeur exploration de Total en 2011, Marc Blaizot s’apprête à quitter ses fonctions. Il sera remplacé en fin d’année par Kevin McLachlan, auparavant vice-présidentexploration de la compagnie américaine Murphy Oil. Cette succession s’opère alors que la pression se fait plus forte sur les équipes chargées de mettre au jour de nouvelles réserves d’hydrocarbures. L’enjeu est particulièrement fort en Afrique, où le groupe français tarde à annoncer des découvertes majeures. EUROFIND BOULEVERSEMENTS AU SOMMET

Le groupe industriel Eurofind, notamment actif en Côte d’Ivoire,

DR

CÔTE D’IVOIRE LA PRIMATURE AUX MANETTES DE LA TNT Initialement placé sous la coupe du ministère de la Communication, le comité ivoirien de migration vers la télévision numérique terrestre (TNT) change de tutelle. C’est désormais le Premier ministre, Daniel Kablan Duncan (photo),

Les indiscrets

confirmées par Eranove et Bamako), décroché sur appel d’offres le contrat du barrage de Kenié au Mali. Marc Albérola, patron d’Eranove, devrait signer la convention dans les prochaines semaines. l

prépare une réorganisation de son management après le décès, il y a quelques mois, de son fondateur, Moustapha Khalil. Selon nos informations, c’est sa fille, Souad Khalil, désormais présidente du groupe, qui mène ce chantier. Les Brasseries ivoiriennes (photo), l’une des filiales du groupe, ont déjà connu un changement de direction. Moussa Bouali, son directeur général, a en

effet été rétrogradé au poste de directeur commercial, avant de quitter ses fonctions. Quant à Adham El Khalil, l’actuel président Afrique du groupe et ex-époux de Souad, il devrait lui aussi voir ses prérogatives réduites. Toutefois, Emmanuel Hurtado, le bras droit de l’exprésident Moustapha Khalil, demeure le puissant PDG des Brasseries ivoiriennes.

OLIVIER POUR J.A.

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JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés

TRIBUNE

Opinions & éditoriaux

Ebola: l’Afrique doit se battre

E CARLOS LOPES Secrétaire général adjoint de l’ONU et secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique

n mars dernier, lorsque les autorités guinéennes ont annoncé les premiers tests positifs au virus en Afrique de l’Ouest, la nouvelle a été accueillie avec surprise par la communauté scientifique, mais n’a guère suscité de réactions. Après tout, Ebola, qui avait fait moins de 2 000 victimes depuis sa découverte en 1976 àYambuku, en RD Congo, n’était jamais apparu en dehors de la région des Grands Lacs et n’avait jamais été perçu comme une menace pour un pays tout entier. À chaque nouvelle épidémie, soit à treize reprises, le virus a été stoppé. Mais pas cette fois-ci. Il est important de comprendre pourquoi et de tirer les leçons des dysfonctionnements qui ont conduit à cette situation d’urgence. Il est vrai que les systèmes de santé des pays touchés sont défaillants et que l’information circule mal. Nous pouvons aussi regretter la vétusté de nos infrastructures de santé, faute d’investissements, notamment dans les zones rurales reculées, sans oublier l’énorme pénurie de personnel médical pour contrer toute pandémie. Les Africains ont le droit de s’indigner quand seulement 1 % de la recherche pharmaceutique au monde est consacré aux maladies qui touchent le continent. Aujourd’hui, Ebola est présent dans sept pays d’Afrique ; le cap des 2 000 morts a été passé et l’Organisation mondiale de la santé estime que 20 000 autres personnes pourraient être touchées. Rien, absolument rien dans la gestion actuelle de la situation ne pourra empêcher que, demain, la moitié des pays africains soient atteints à leur tour.

raison d’une combinaison de facteurs. Parmi ceux-ci : une réduction significative de l’exploitation minière, la perturbation des cycles agricoles avec des incidences directes sur les récoltes à venir, la restriction des échanges intérieurs et transfrontaliers, la réduction sensible des voyages aériens, le report des investissements déjà négociés ou prévisibles, une réorientation radicale des fonds publics pour lutter contre l’épidémie, des incidences sur l’espace budgétaire et, enfin, l’impossibilité de poursuivre les réformes engagées. Et les conséquences économiques s’accompagnent souvent de conséquences sociales. D’autant que les hausses de prix des denrées alimentaires et les perturbations ou fermetures qui frappent les marchés locaux menacent des modes de consommation déjà fragiles. Les Africains ne parviendront à gagner le combat que s’ils réagissent face à la propagation de la maladie. Certes, les vaccins peuvent et doivent jouer leur rôle, mais à ce stade, ils ne sont pas l’élément central de notre réponse. Le sérum obtenu à partir des survivants d’Ebola est déjà considéré comme

Seul 1 % de la recherche pharmaceutique est consacré aux maladies qui touchent le continent.

Et l’épidémie aura des conséquences économiques importantes. Influencés par le vent de panique soulevé par les médias, qui parlent de mesures de quarantaine, de fermeture des frontières et de quartiers bouclés, les investisseurs cessent de traiter avec des pays entiers. La Commission économique pour l’Afrique des Nations unies (CEA) prévoit une réduction de plusieurs points de croissance du PIB en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone, en JEUNE AFRIQUE

la solution la plus efficace dans l’immédiat pour les victimes, mais il nécessite des moyens et des capacités considérables. Nous avons d’abord besoin d’installations, de matériel. Et il nous faut mettre l’accent sur le confinement, la prévention et la préparation. Alors que les Nations unies estiment qu’il faudrait aujourd’hui disposer de près de 1 milliard de dollars (plus de 770 millions d’euros) pour espérer vaincre Ebola, le monde n’a pas tiré les enseignements des connaissances accumulées sur les maladies infectieuses au fil des épidémies. Ebola n’est que le dernier épisode de l’hystérie qui accable périodiquement le continent. Cette fois-ci, au lieu d’y succomber, les Africains doivent se battre. l N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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Décideurs CAMEROUN

Francis Nana Djomou met un pied dans les plats Avec une bonne dose d’assurance acquise au fil de ses succès dans l’industrie cosmétique, le fondateur de Biopharma se lance dans l’agroalimentaire. Un secteur qu’il pense largement sous-exploité.

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«

n ne peut entrep re n d re sa n s ambition », pose Francis Nana Djomou, 56 ans, patron des laboratoires Biopharma. Fixant son interlocuteur du regard, derrière ses fines lunettes rectangulaires, il semble vouloir l’envoûter. Poussé par cette envie de réussir, il s’est attaqué au monopole du géant helvétique Nestlé sur le marché camerounais des bouillons alimentaires, qui pèse près de 40 milliards de F CFA (environ 61 millions d’euros). Avec FooDis, sa nouvelle entreprise, il s’est allié à l’espagnol Gallina Blanca, dans un partenariat technique et commercial pour distribuer et importer ces produits. Depuis novembre, il a ainsi relancé le cube Jumbo, qui figure désormais sur les étals des commerçants aux côtés de Maggi. « C’est un marché très effervescent. Nous avons donc décidé, après étude, d’en conquérir quelques parts », avance l’homme d’affaires d’une voix à peine audible. Après s’être imposé comme leadersurlemarchécamerounaisdela cosmétique, dont le chiffre d’affaires global s’élève à plus de 150 milliards de F CFA annuels, le directeur général de Biopharma – une trentaine de marques, plus de 80 références – veut donc faire de l’agroalimentaire son prochain terrain de chasse. Francis Nana Djomou prévoit de miser 15 milliards de F CFA sur les cinq prochaines années. Bientôt, il produira localement ses propres bouillons alimentaires, dans une N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

Patron en série

1958

Naissance le 30 mai à Édéa (Cameroun)

1997

Création de Load Informatique (importation et distribution de matériel) et de Network Computer International (maintenance)

1999

Fondation de Cameroon ParaPharmatex (importation et distribution de produits cosmétiques et parapharmaceutiques)

2001

Lancement des laboratoires Biopharma (production et distribution de produits cosmétiques)

2013

Création de FooDis (fabrication de bouillons culinaires)

FERNAND KUISSU

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p L’homme d’affaires est originaire de Bangou, en pays bamiléké.

usine qui devrait démarrer ses activités d’ici quelques semaines dans la banlieue ouest de Douala. À la clé, assure-t-il, « la création d’un millier d’emplois ». Et l’homme d’affaires, natif de Bangou en pays bamiléké, ne compte pas s’arrêter là. Le secteur agroalimentaire représente pour lui une « niche de croissance peu exploitée en dépit du potentiel démographique du continent et de l’abondance de terres arables ». Il prépare aussi le lancement d’Elim Beverage, un projet de plus de 9 milliards de F CFA qui se spécialisera, avec l’appui d’un autre partenaire ibérique (dont il refuse pour l’instant de communiquer le

nom), dans la production de jus de fruits. « Nous explorons toutes les opportunités de diversification. Grâce à la loi sur les incitations à l’investissement de 2013, les conditions se sont considérablement améliorées au Cameroun », explique l’industriel. NON ENCARTÉ. Déjà grand exportateur, vers plus de 20 pays du continent, avec Biopharma, ce fils de gendarme compte aller aussi loin avec ses nouveaux produits. Convaincu de la capacité du Cameroun et des États africains à développer un véritable tissu industriel, il affiche clairement son opposition à l’accord de partenariat JEUNE AFRIQUE


Décideurs économique (APE) avec l’Union européenne, récemment ratifié par le Parlement camerounais, qui préconise une ouverture des marchés du continent. « Il nous réduira à l’état de consommateurs, se désole-t-il. Nous aurions dû travailler à l’amélioration des facteurs de compétitivité tels que les coûts de l’électricité, du téléphone, etc., au lieu de nous précipiter vers cette ratification. » Du jeune entrepreneur qu’il était au début des années 1990 au grand patron exprimant aujourd’hui librement son opinion sur les choix des dirigeants de son pays, faisant figure d’exception dans le milieu des affaires camerounaises car non encarté au RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais, parti au pouvoir), que de chemin parcouru ! Tout commence en 1993. Master en management et gestion des entreprises et DESS en communication des échanges de la Sorbonne en poche, Francis Nana Djomou fait son retour dans un Cameroun en plein marasme économique. Faute d’avoir trouvé un emploi, il se lance dans la distribution et la maintenance informatique. Ses affaires marchent plutôt bien, mais le jeune chef d’entreprise doit composer avec des départs récurrents au sein de ses effectifs. « Mes ingénieurs avaient tendance à partir au bout d’une année pour monterleurpropreboîte.Jetrouvais

cela décourageant de reprendre à chaque fois le processus », avoue-t-il. Nana Djomou se tourne alors vers l’importation de cosmétiques et représente localement des marques comme Pierre Fabre, Vegebom et Continental – des produits trop onéreux pour la majeure partie des Camerounais.

Opposé à l’accord de partenariat avec l’UE, il défend l’émergence d’un tissu industriel africain. Élevé par un oncle commerçant, « trésorier » de sa famille dès l’âge de 10 ans, il perçoit la brèche et s’y engouffre en créant les laboratoires Biopharma. Avec des prix à la portée de toutes les bourses – entre 1 000 et 2 500 F CFA – et une communication soutenue, la réussite est au rendez-vous. Le groupe Biopharma, un investissement de plus de 30 milliards de F CFA et près de 500 employés, est désormais le leader du marché camerounais de la dermo-cosmétique avec plus de 20 % de parts de marché. CONDESCENDANCE. « L’apport fondamental de Francis a été de nousconvaincrequenouspouvions rivaliser avec les multinationales sur un marché aussi concurrentiel », admet Michel Nkenfack, qui dirige les laboratoires camerounais Lincloe et préside l’Association

nationale des promoteurs des produits cosmétiques (Anaproc). L’ambitieux Camerounais a bien sûr rencontré quelques écueils. L’année dernière, une pétition a par exemple été lancée sur internet contre une publicité de l’un de ses produits, accusée de faire l’apologie de la peau blanche. Réponse du grand patron, un brin condescendant : « Nous avons accueilli cette campagne avec humour, et elle n’a pas affecté notre activité. Car les gens ne savent pas de quoi ils parlent. » Il faut dire que le succès lui donne des ailes. Une filiale de Biopharma devrait ouvrir prochainement en Côte d’Ivoire, avec pour objectif de renforcer les positions du groupe en Afrique de l’Ouest. Et deux autres antennes, au Nigeria ainsi qu’à Pointe-Noire (Congo) – pour conquérir la RD Congo, l’Angola et même l’Afrique australe –, sont déjà dans les tuyaux. Écrira-t-il la suite de sa success-story dans l’agroalimentaire ? Francis Nana Djomou n’en doute pas une seconde. Dans son entreprise, il pourra compter pour cela sur Yvette, son épouse, contaminée elle aussi par le virus des affaires. Selon un proche, monsieur serait derrière les entreprises de sa femme – Cecec (microfinance) et Sodirex (distribution des cosmétiques). Mais dans les affaires du couple, très en vue à Douala, l’opinion de madame compte énormément. l OMER MBADI, à Yaoundé

YVES NANIQUE EC AIR Ce Français né en Côte d’Ivoire est nommé directeur commercial d’Equatorial Congo Airlines. Il bénéficie d’une trentaine d’années d’expérience dans le secteur aérien, notamment au sein de la défunte compagnie Air Afrique. JEUNE AFRIQUE

LAURENCE VAN PROOIJEN DELOITTE Le cabinet d’audit et de conseil vient de nommer cette experte au poste de directeur partenariat public-privé pour l’Afrique francophone. Basée auTogo, elle participera notamment à l’évaluation de projets régionaux et nationaux.

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DELOITTE

RAUZIER RIVIERE/ECAIR

ON EN PARLE

BILL HIGGS OPHIR ENERGY Docteur en géologie, diplômé de l’université du pays de Galles, cet ancien vice-président de Chevron en Arabie saoudite occupe désormais le poste de directeur général de la société pétrolière et gazière britannique. N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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Finance t Parmi ses filiales, la Centrale laitière du Cap-Bon.

HICHEM

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BOURSE

Le tunisien Délice Holding assume son goût du risque Le groupe laitier s’apprête à introduire 15 % de son capital sur la place locale dans un contexte économique morose. Qu’importe : selon ses dirigeants, deux ans après sa restructuration, c’est le bon moment.

À

la Bourse de Tunis, c’est sans doute l’une des plus grandes opérations de l’année qui se prépare. Délice Holding, le leader local de la production de lait et de yaourts, fondé et contrôlé par Mohamed Meddeb, a reçu fin août l’aval du Conseil des marchés financiers pour ouvrir 15 % de son capital (notamment à des investisseurs institutionnels) sur le marché principal de Tunis. La clôture des souscriptions est fixée à la fin de ce mois de septembre, et la cotation effective au 16 octobre. La taille de l’opération, qui se situera entre 114 millions et 127 millions de dinars (entre 50 et 55 millions d’euros), n’est pas totalement arrêtée, car cette introduction s’effectue via la technique dite d’offre à prix ouvert (OPO), une première en Tunisie. Les investisseurs effectuent leurs ordres d’achat à partir d’une fourchette de prix préétablie (ici, entre 13,84 et 15,48 dinars l’action). « Le prix définitif sera déterminé par le

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marché, en fonction des différents ordres effectués. Il était temps de lancer cette technique en Tunisie [utilisée au Maroc depuis 2004 et la plus courante en Europe], qui est destinée principalement aux grandes capitalisations », souligne Jihene Ben Fadhel, directrice corporate de Mac Sa, l’intermédiaire en charge de l’introduction en Bourse. INCERTITUDES. Une première, qui se déroule toutefois dans un contexte marqué par les incertitudes. En effet, des élections sont prévues à la fin de l’année et la situation économique est morose, marquée par un ralentissement de la croissance du PIB (seulement 2,2 % au premier semestre). Mais pour les dirigeants de Délice Holding, pas de raison de s’inquiéter : « La clôture de l’opération ne sera pas un problème. La résistance d’un groupe s’observe dans les moments difficiles. Depuis la révolution, nous avons connu un taux de croissance à deux chiffres », insiste Boubaker

Le groupe détient 8 entreprises, dont : Socoges (Société de commerce et de gestion), à 49,62 % (avec Danone, 50 %) Stial (Société tunisienne des industries alimentaires), à 43,01 % (avec Danone, 50 %) Compagnie fromagère, à 31,01 % (avec Bongrain, 42,5 %)

Mehri, directeur général adjoint de Délice Holding. Le chiffre d’affaires consolidé du groupe a en effet augmenté de 11,6 % par an en moyenne entre 2011 (année de la révolution) et 2013, pour atteindre 529,8 millions de dinars. Reste que la place boursière de Tunis est atone et peu liquide. « Les échanges sur le marché se sont effondrés et ne dépassent pas les 2 millions de dinars par jour. Ce manque de liquidités constituera notre première source d’inquiétude, lorsque l’opération sera clôturée », soutient ainsi Kais Kriaa, directeur de la recherche au sein du cabinet indépendant AlphaMena. L’entrée en Bourse de Délice Holding, qui emploie environ 3 000 personnes, est-elle dans ces conditions un pari risqué? « Les actionnaires actuels du groupe ont choisi le bon timing, car les titres s’échangent à des niveaux élevés dans le secteur agroalimentaire. Pour eux, c’est le moment opportun de vendre », estime Kais Kriaa. En réalité, cette opération est la dernière étape de la restructuration du groupe, lancée en 2012. Mohamed Meddeb avait décidé de rassembler les huit entreprises distinctes qu’il détient – dont deux avec le géant Danone et une avec le fromager Bongrain (lire ci-contre) – au sein d’une société mère née en 2013, Délice Holding. « Il était temps de restructurer nos activités, JEUNE AFRIQUE


Baromètre

« La ressource va se raréfier » LES PRIX DU DIAMANT taillé stagnent et accusent même une baisse durant le deuxième semestre 2014. Depuis le 1er août, ils ont encore perdu entre 0,5 % et 1 %, les diamantaires disposant d’un trop grand stock de pierres et de trop peu de liquidités. À l’inverse, le diamant brut, lui, est en hausse depuis juillet, ce qui réduit les marges bénéficiaires des fabricants. Une tendance qui devrait se poursuivre, comme l’a confirmé début septembre le leader du secteur, le sud-africain De Beers, en prévoyant à partir de 2017 une insuffisance de la production mondiale face à la demande américaine et asiatique – notamment indienne et chinoise –, en très forte hausse depuis trois ans.

À partir de cette année-là, le nombre de carats mis sur le marché ne devrait progresser que de 5,2 % par an en moyenne, alors que les besoins du marché augmenteront de 11 % chaque année, selon Goldman Sachs. La ressource va se raréfier. Aucune découverte importante n’a eu lieu depuis dix ans, et les mines à ciel ouvert exploitées depuis longtemps arrivent en fin de vie. Les producteurs vont donc devoir décider s’ils ferment certains gisements ou s’ils se lancent dans l’exploitation souterraine, au prix d’investissements plus lourds qui ne manqueront pas de peser sur les cours. C’est la question que se pose déjà De Beers (qui pèse un tiers

DR

EXONÉRATION. Outre les aspects managériaux et organisationnels, cette entrée en Bourse de Délice Holding, moins de deux ans après sa création, va aussi permettre aux actionnaires de bénéficier de mesures fiscales avantageuses, notamment l’exonération d’impôts sur les plus-values. En clair, la revalorisation des actifs du groupe effectuée l’an dernier et la cession des 15 % de son capital en Bourse ne seront pas imposées. Mais au-delà de la bonne affaire, l’opération devrait aussi permettre de financer au moins 10 % du programme d’investissements de 289 millions de dinars prévu par le groupe entre 2014 et 2018, dont le but est d’augmenter les capacités locales de production. « Nous estimons que le groupe dispose de fondamentaux solides, caractérisés notamment par ses avantages concurrentiels et son ambitieux programme d’investissements, qui lui permettront de maintenir sa position de leader sur certains segments comme le lait et les yaourts », affirme Haifa Belghith, analyste financière chez Amen Invest. Seul bémol de ces belles perspectives, la valorisation du groupe, qui se situe entre 760 et 850 millions de dinars, semble élevée par rapport au reste du marché. « Selon nous, cela pourrait réduire la marge de progression du titre en Bourse », analyse Kais Kriaa. Cependant, « elle peut se justifier par le caractère défensif du titre. En effet, les ventes des produits de grande consommation sont peu sensibles à la conjoncture économique », rappelle Haifa Belghith. l

DIAMANT

Eddy Vleeschdrager Expert indépendant

du marché mondial) sur son gisement de Venetia, lequel doit produire encore 4 millions de carats par an avant que ses réserves ne s’épuisent. Même question pour ses sites de Kimberley et Cullinan. De son côté, le Botswana a bien identifié deux nouveaux gisements dans le nord-est du pays, mais il faut encore attendre les résultats des échantillons pour connaître leur rentabilité exacte. » l

Cours du diamant brut sur le marché d’Anvers (en dollars/carat) 155

150

145

140

135 Sept. 2013

Déc. 2013

Mars 2014

Juin 2014

Sept. 2014

SOURCE : POLISHEDPRICES.COM

car nous avions atteint une taille critique », explique Boubaker Mehri. Et d’ajouter: « L’introduction en Bourse va nous permettre d’accroître notre notoriété, de partager les fruits de notre croissance, d’améliorer notre gouvernance et notre transparence. L’arrivée de nouveaux actionnaires nous apportera également une nouvelle dynamique, afin de pérenniser la success-story. »

Finance

RYADH BENLAHRECH JEUNE AFRIQUE

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Dossier

Agro-industrie

MINOTIERS

Vos moulins vont Opérateurs historiques ou sociétés fraîchement débarquées, tous veulent dominer le marché de la farine en Afrique subsaharienne. N’en battez plus ! L’offre dépasse déjà largement la demande. CHRISTELLE MAROT

S

ur fond d’instabilité des cours mondiaux du blé, les minotiers s’apprêtent à livrer bataille. Au Sénégal, le marché est bousculé ces derniers mois par un nouvel arrivant : la société familiale Sedima, dirigée par Babacar Ngom. Jusqu’alors spécialisée dans l’aviculture, elle a investi près de 6 milliards de F CFA (environ 9 millions d’euros) dans un moulin flambant neuf d’une capacité de 200 tonnes de farine par jour. Elle vient ainsi concurrencer le leader, les Grands Moulins de Dakar (groupe Mimran), mais aussi l’entreprise sénégalaise Nouvelle Minoterie africaine (NMA Sanders), l’usine turque FKS et les moulins français Sentenac. Sedima produit du son de blé pour nourrir ses volailles et propose des farines de diverses qualités aux boulangers et consommateurs sénégalais. Sur le continent, la plupart des grains sont importés d’Europe, accessoirement d’Argentine et des États-Unis. L’entreprise a elle choisi le blé français, pour son fort taux en protéines. « Nous sommes une entreprise sénégalaise et cela joue beaucoup pour les consommateurs, assure Samb Abibou, directeur général adjoint de Sedima. La farine a une forte valeur sociale, le pain est l’aliment du pauvre et les Sénégalais se sont rendu compte que les entreprises étrangères ont encaissé de grosses marges dans le passé, autour de 20 %. À la Sedima, avec toute la responsabilité sociale que nous portons, nous sommes satisfaits de fixer la nôtre à 5 %. » Depuis un an et demi, le prix de la farine est homologué par l’État sénégalais. De 20 000 F CFA en 2013, le sac de 50 kilogrammes est passé à 18 000 F CFA au premier trimestre 2014. La Sedima savoure son succès. « Au bout de six mois, nous tournons à plein régime. Nous pensons déjà à l’extension pour passer à 500 tonnes de N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

JEUNE AFRIQUE


MAURICE

Le sucre retombe sur ses cannes

CÔTE D’IVOIRE

Coup de mou pour l’hévéa

GABON

Investir à tout-va, le va-tout de Siat

trop vite

MAROC

La machine de guerre Koutoubia

farine par jour courant 2015, ce qui nécessitera 5 milliards d’investissements supplémentaires », indique Samb Abibou. La Sedima vise le marché sous-régional de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), notamment le Mali, le Burkina Faso, le Bénin ou encore la Guinée-Bissau. Avec ce nouveau poids lourd, la capacité de production tourne désormais autour de 2 500 tonnes par jour au Sénégal. Reste que la demande, elle, ne dépasse pas les 1 600 t. Certains acteurs devraient donc quitter la scène dans les prochains mois… « DANS LE MUR ». D’autant qu’un sixième opé-

rateur est entré en jeu ces dernières semaines : le singapourien Olam. Également attendu sur le marché camerounais de la farine, le groupe agroindustriel annonce une capacité de 500 t par jour au Sénégal. En 2013, il a bénéficié d’un prêt de 80 millions de dollars (plus de 58 millions d’euros) de la Banque africaine de développement (BAD) pour ses activités de transformation de blé et de production d’huile de palme en Afrique. Une l l l

p Les Moulins du Sahel, à Bamako. JEUNE AFRIQUE

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.

L’AIM-UEMOA, LOBBY DES MEUNIERS AFIN DE FAIRE face à la concurrence sur le marché international et pour améliorer la compétitivité des minoteries de la sous-région, l’Association des industries meunières de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (AIM-UEMOA), créée en avril 2013, propose d’instaurer un mécanisme de surveillance des marchés, d’introduire des mesures protectrices, de baisser les taxes, notamment celles

sur les intrants dans le cadre de l’enrichissement de la farine et de ses produits dérivés. L’AIMUEMOA est présidée par le milliardaire sénégalais Ameth Amar, à la tête de la Nouvelle Minoterie africaine (NMA Sanders). L’association met en garde contre les importations illégales de farine venant de France, d’Égypte, de Turquie et qui mettraient en danger des minoteries ouest-africaines, notamment en Guinée, au Mali et C.M. au Niger. l

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Dossier Agro-industrie faveur qui interpelle Ameth Amar, patron de Le Sénégal en surproduction NMA Sanders, également à la tête de l’Associa(en tonnes par jour) tion des industries meunières ouest-africaines (AIM) de l’UEMOA : « Nous ne comprenons pas Production la logique d’un tel financement accordé à un des meuniers groupe étranger. Il n’y a pas eu d’études 2 500 de marché ! Dans la sous-région, que ce soit au Mali, en Côte d’Ivoire ou au Burkina Faso, il y a déjà trop de moulins, les marchés sont en surcapacité. Nous allons droit dans le mur ! » Depuis quelques mois, le président de l’AIM plaide pour Consommation une régulation du marché auprès nationale des instances de l’UEMOA. 1 200 Ameth Amar est particulièrement inquiet pour son entreprise. Avec 300 employés, NMA Sanders réalise aujourd’hui 15 milliards de F CFA de chiffre d’affaires au Sénégal et produit 42 000 t de farine par an. « Forcément, Grands Moulins 1 050 cette situation va peser sur l’activité et sur de Dakar les prix. Il faut permettre aux industriels 500 Olam locaux de tenir, s’inquiète-t-il. De notre 350 FKS côté, nous nous sommes déjà diversifiés en fabriquant des pâtes alimentaires, de Nlle Minoterie 200 africaine la nourriture pour le bétail et la volaille. » lll

PRIX CASSÉS. Malgré un contexte socio-

Sedima

200

Sentenac

n.c.

politique difficile, le Malien Houd Baby a décidé, lui, de faire des Moulins du Sahel un leader régional. Après le Mali, le Niger et le Burkina Faso, le groupe vise le Bénin, la GuinéeBissau et la Côte d’Ivoire. Ce dernier marché est dominé par les Grands Moulins d’Abidjan (GMA, groupe Mimran), avec une capacité de production de plus de 1 000 t de farine de blé par jour, suivis par les Moulins modernes de Côte d’Ivoire (MMCI, groupe Carré d’or) ou encore les Moulins de Côte d’Ivoire (LMCI). Au Cameroun, où la consommation de farine s’élève à 18 kg par tête et par an, le marché est également très concurrentiel et en surcapacité. Il

est dominé par la Société des grands moulins du Cameroun (SGMC), filiale du français Somdiaa. Avec 10 000 t de farine par mois, la SGMC détient 25 % des parts de marché. L’arrivée d’Olam portera à 9 le nombre de minotiers. Une situation qui ne semble pas émouvoir Sébastien Vilgrain, directeur des minoteries du groupe Somdiaa: « Nous nous concentrons sur des niches. Nous essayons de nous différencier, de répondre aux attentes du marché en lançant des farines spéciales, en faisant évoluer les gammes vers le haut. Depuis que nous avons procédé à l’extension de notre moulin portuaire il y a deux ans pour accroître nos capacités de stockage, nous sommes en progression constante. » Accusée de casser les prix, la SGMC se défend. « Nous avons une politique très ouverte. Nous sommes là pour gagner de l’argent, mais quand les prix baissent, nous faisons en sorte que la farine suive. Car si vous pratiquez des tarifs trop élevés par rapport au cours du blé, il y aura des importations non officielles via le Nigeria, le Tchad », affirme Sébastien Vilgrain. Au Gabon voisin, où la consommation de farine par tête atteint 55 kg par an, Somdiaa, via la Société meunière et avicole (SMAG), est le seul minotier, avec une capacité d’écrasement de 340 t par jour. Le pain est aujourd’hui l’aliment le moins cher du pays, subventionné par l’État, qui en fixe les prix afin de les maintenir au plus bas. Les habitudes alimentaires en sont bouleversées, au point qu’il devient difficile de trouver du manioc ou du mil. « Ce n’est pas très bon pour la concurrence. Nous essayons de convaincre l’État de libéraliser les prix, d’ouvrir le secteur. Cette situation empêche de développer de nouvelles gammes de farine », explique Sébastien Vilgrain. En parallèle, Somdiaa reste attentif aux possibilités de rachat ou de fusion avec des moulins portuaires pour progresser sur la côte ouest de l’Afrique. l

AU NIGERIA, TIGER BRANDS NE RUGIT PLUS

A

u Nigeria, le sud-africain Tiger Brands, qui a pris en 2012 une participation majoritaire dans Dangote Flour Mills (DFM), enregistre de piètres résultats, bien que le marché soit perçu comme l’un des plus prometteurs d’Afrique. Depuis son rachat, la filiale nigériane plombe les résultats de sa maison mère. À la fin du mois de mars, les bénéfices semestriels du

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groupe sud-africain ont plongé de 57 % à cause de DFM. Mais pour Peter Matlare, directeur général de Tiger Brands, cela ne constitue pas un motif de désinvestissement : « Nous continuons de penser que le Nigeria est central dans nos ambitions d’expansion à long terme. Un plan d’action va être mis en place afin d’améliorer les

performances de DFM. La réduction des charges fixes et l’arrêt momentané de certains moulins figurent parmi les mesures envisagées. Il s’agit aussi de reconstruire l’image de marque de certains produits, affectée par des problèmes de qualité et d’inefficacité internes. » Selon le département américain de l’agriculture

(USDA), les minoteries du Nigeria ont une capacité de 8 millions de tonnes de blé et n’utilisent que la moitié de celle-ci. Outre DFM, le secteur de la minoterie est dominé par Flour Mills of Nigeria et BUA. Officieusement, le Nigeria exporte 450 000 tonnes de farine de blé et de produits dérivés vers les pays voisins. l C.M. JEUNE AFRIQUE



Dossier Agro-industrie INTERVIEW

Venkataramani Srivathsan

Directeur d’Olam pour l’Afrique et le Moyen-Orient

« L’essentiel est d’identifier les maillons les plus rentables » Négociant d’anacarde au Nigeria hier, cultivateur de palmiers au Gabon aujourd’hui, fabricant de sauce tomate au Ghana demain… Et la liste est loin d’être exhaustive ! Présent dans 25 pays africains, le groupe singapourien Olam poursuit sa diversification.

O

riginaire du Nigeria où elle a commencé ses opérations en 1989 en exportant des noix de cajou, la maison de négoce Olam est devenue en un peu plus de deux décennies l’un des acteurs les plus importants au monde dans le secteur des matières premières agricoles. Présente dans 65 pays, la compagnie basée et cotée à Singapour a développé une véritable stratégie depuis 2013 pour renforcer ses positions en Afrique, où elle est aujourd’hui présente dans le négoce, la production et la transformation. Âgé de 49 ans, Venkataramani Srivathsan est l’un des principaux initiateurs de ce virage africain. Expert-comptable de formation, il est entré en 1994 chez Olam, où il a d’abord exercé plusieurs fonctions opérationnelles sur le continent avant de devenir directeur exécutif pour l’Afrique et le Moyen-Orient.

riz, le conditionnement de fruits et légumes ou le broyage de cacao. Les opportunités ne manquent pas, en particulier en Afrique de l’Ouest. Comme la minoterie au Sénégal ?

En e f f e t. Nou s étions déjà présents dans cette filière au Nigeria et au Ghana, et nous sommes en train d’investir au Cameroun pour démarrer la production l’an prochain.

JEUNE AFRIQUE : Quelle place tient l’Afrique dans les activités d’Olam ? VENKATARAMANI SRIVATHSAN:

Nous sommes aujourd’hui présents dans 25 pays africains, qui ensemble assurent 20 % de nos approvisionnements et représentent 25 % des bénéfices du groupe. Et ces chiffres devraient continuer à augmenter significativement, car nous prévoyons d’effectuer d’importants investissements dans les cinq prochaines années. Principalement en nous renforçant dans des filières comme la production d’huile de palme, de N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

OLAM

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C’est un secteur très sensible, sur lequel nous pensons disposer de l’expertise nécessaire pour faire la différence aussi bien en matière d’approvisionnement des moulins que concernant la maîtrise de la distribution. Nous suivons donc cette filière de très près. Est-il aujourd’hui plus facile d’investir en Afrique que par le passé ?

Tous les indicateurs sont au vert. Le continent va voir sa population croître de manière très impressionnante, et de larges superficies de terre arable sont encore disponibles. Même s’il reste de nombreux obstacles en matière d’infrastructures ou de sécurité, nous avons le sentiment qu’il existe aujourd’hui une véritable prise de conscience pour résoudre ce type de problèmes. Cela nous rend très optimistes. Nous sommes persuadés que certains pays comme le Nigeria ou l’Éthiopie vont jouer un rôle de plus en plus important sur la scène économique mondiale. On l’oublie souvent, mais Olam est né en Afrique. Quel a été le modèle de développement suivi par la compagnie depuis vingtcinq ans ? JEUNE AFRIQUE


93

Olam a en effet été créé au Nigeria. C’était à l’origine un business lancé par le groupe familial indien Kewalram Chanrai, établi dans le pays et à travers la sousrégion depuis plus de cent ans. Le mandat initial d’Olam était surtout de fournir les matières premières – anacarde, cacao, coton – aux autres filiales du groupe. La compagnie a ensuite commencé à travailler pour d’autres clients, avant de se diversifier dans l’agroindustrie lors des diverses vagues de privatisation de ce secteur en Afrique. Tout cela à un moment où la demande en produits agricoles était en forte augmentation. Olam a ensuite été introduit à la Bourse de Singapour en 1995 et, depuis, la compagnie n’a cessé de grandir et

de se développer pour gagner sa place parmi les grandes maisons de négoce. Simple négociant à l’origine, Olam est devenu au fil des années producteur, transformateur et même transporteur. Pourquoi cette stratégie d’intégration ?

Je dirais que c’est un mode de croissance naturel et logique pour les négociants qui ont des ambitions mondiales et qui souhaitent conserver une position dominante sur leurs filières. Spéculer sur les prix en achetant et vendant de gros volumes de matières agricoles ne nous intéresse pas. Pour Olam, le plus important est de maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur, de l’achat de productions

aux petits paysans à l’approvisionnement des plus grands groupes industriels de la planète, en essayant toujours d’être le plus compétitif possible. L’essentiel est d’identifier les maillons les plus rentables pour se concentrer dessus. Dans le blé par exemple, les opérations de transformation ou de distribution présentent un intérêt économique, mais pas le conditionnement. À nous de bien sélectionner nos activités. Est-ce la stratégie que vous appliquez au Gabon ?

Les pouvoirs publics de ce pays se sont lancés ces dernières années dans un large programme de diversification et d’industrialisation de l’économie. Ils l l l


Dossier Agro-industrie Un géant mondial des matières premières agricoles

9 300

c’est… employés

3 millions

de petits producteurs

2,95 millions d’hectares cultivés

1,3 milliard €

d’investissements

En Afrique l l l ont décidé de créer une zone économique spéciale [ZES], que nous avons rapidement identifiée comme une occasion unique à saisir puisqu’elle permet de rayonner sur toute la sous-région. Nous sommes devenus partenaires du gouvernement à hauteur de 40 % et nous sommes convaincus que ce projet va être un puissant levier de croissance pour le pays. La ZES a déjà permis d’attirer en deux ans près de 2 milliards de dollars [environ 1,5 milliard d’euros] d’investissements directs étrangers. Cela étant dit, nous regardons d’autres projets similaires dans d’autres pays, mais pas en tant qu’investisseurs car ce n’est pas notre cœur de métier.

13 800 11,3 milliards € 353 millions € clients

de chiffre d’affaires*

de bénéfices après impôts*

Au niveau mondial

ouvrait le pays et cherchait des investisseurs. Ce n’est pas un marché aussi important que le Nigeria, mais il est situé au cœur du continent, entre l’Afrique de l’Ouest et le marché sud-africain, qui peuvent être tous deux des clients potentiels pour nos produits agricoles et nos engrais. C’est également une région idéale pour cultiver l’hévéa et le palmier à huile, avec des conditions très proches de celles de la Malaisie. Tout cela rend le Gabon très intéressant aux yeux d’Olam.

gouvernements sont des acteurs incontournables et indispensables, par les politiques agricoles qu’ils mettent en place et par les projets d’équipements qu’ils décident. Nous sommes donc habitués à collaborer avec eux et, sur ce point, les relations ne sont pas très différentes en Asie et en Afrique. L’important est de travailler ensemble le mieux possible pour relever les difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

Olam est présent en Asie et en Afrique depuis plus de vingt ans. Ces marchés ont-ils des points communs ?

Est-ce difficile pour Olam de trouver en Afrique les terres dont la compagnie a besoin pour ses projets de production ?

Nous étions encore en phase d’exploration au Gabon sur ce secteur. Cela ne veut pas dire que la filière bois ne nous intéresse pas. Nous prévoyons de nous impliquer davantage au Congo, où nous enregistrons d’excellents résultats. Au Gabon, par contre, nous préférons rester concentrés sur les produits agricoles comme l’hévéa et l’huile de palme.

Le principal problème auquel nous sommes confrontés dans les pays émergents en général concerne le manque d’infrastructures de transport et d’installations de stockage. Et sur ce point, l’Afrique est loin derrière la majorité des pays d’Asie. Les réalités culturelles sont également très différentes, et c’est un facteur dont il faut tenir compte lorsqu’il s’agit de travailler avec les populations locales ou de former la maind’œuvre nécessaire sur place. Et là aussi, l’Afrique a encore un long chemin à faire par rapport à l’Asie.

Pourquoi cette relation particulière avec le Gabon ?

Et les rapports avec les pouvoirs publics, sont-ils différents ?

Nous sommes arrivés en 1999, à un moment où le gouvernement

Dans l’agro-industrie, quel q ue s o i t l e c o ntinent, l es

Ce qui est sûr, c’est que le continent regorge de terres arables à valoriser. Mais les législations foncières sont encore souvent inadaptées aux standards internationaux. Cela étant, Olam ne désire pas toujours être propriétaire. Ce qui nous intéresse, c’est d’être capables de valoriser la terre dans un objectif de production. Et nous avons appris en Afrique que ce n’est pas parce que le gouvernement vous accorde une concession que vous allez pouvoir travailler comme vous l’entendez. Il faut d’abord obtenir l’autorisation des populations locales, sinon vous ne pouvez rien faire. Ce n’est pas qu’une question de propriété ou d’utilisation de la terre, mais davantage de droit à l’utiliser.

Et la foresterie ? Vous venez d’annoncer que vous sortiez du secteur au Gabon…

* À FIN JUIN 2014

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Vous développez donc des relations spéciales avec les communautés, notamment en direction des petits paysans ?

Que pensez-vous du processus d’industrialisation en cours sur le continent ?

Pour nous, la transformation locale reste une niche à explorer, mais pour l’instant seulement dans les pays d’Afrique de l’Ouest où nous sommes présents. Dans cette région, nous comptons bien développer nos capacités de production, par exemple dans la sauce tomate au Nigeria ou au Ghana. Cette étape d’industrialisation dans les pays émergents est rendue difficile par la quasi-absence d’infrastructures de qualité. Le secteur privé a également un rôle important à jouer. Notamment en formant la main-d’œuvre aux exigences d’une chaîne de production locale, comme nous l’avons fait dans nos usines d’anacarde en Côte d’Ivoire. La transformation crée de la valeur ajoutée et des métiers mieux qualifiés. Il faut arrêter d’exporter des produits agricoles d’Afrique pour les transformer en Asie avant de les vendre en Europe. l Propos recueillis par OLIVIER CASLIN JEUNE AFRIQUE

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Ce qui est sûr, c’est que le continent regorge de terres arables à valoriser.

1 RENCONTRES ERES

Nous travaillons avec plus de 3 millions de fermiers en Afrique. Notre engagement social est très fort et va bien au-delà du cadre du business. Avec nous, ils ont accès aux meilleures pratiques agronomiques, aux meilleures semences. Ils améliorent leurs rendements, peuvent obtenir des microcrédits pour s’équiper. Nous leur garantissons l’accès au marché international, nous construisons des routes pour désenclaver les régions rurales. Depuis sa création, Olam a tissé un lien très solide avec ses petits producteurs. C’est aujourd’hui notre principale force.


Dossier Agro-industrie

MAURICE ALBRAY

96

p Le groupe Omnicane a réalisé un chiffre d’affaires de 96 millions d’euros en 2013. MAURICE

Le sucre retombe sur ses cannes Malgré la perte de son accès privilégié au marché européen en 2009, le secteur est parvenu à rester viable. Notamment en passant d’une économie de plantation à une industrie de transformation.

P

as un nuage à l’horizon. Le ciel d’azur se reflète dans l’asphalte noir fraîchement étalé sur la chaussée. Des deux côtés de celleci, un mur de végétation ferme le paysage. Les plumeaux scintillent sous le soleil de juillet, la canne est mûre. Dans quelques jours, la récolte va démarrer et une noria de poids lourds martyrisera cette départementale tirée entre la côte et l’autoroute qui monte vers le nord en direction de Port Louis, la capitale de Maurice. Dans les champs, les premières coupeuses mécaniques aux vis sans fin aussi pointues qu’une défense d’éléphant s’activent déjà. À mesure que l’on s’éloigne du chantier, l’odeur de goudron chaud laisse progressivement la place à celle, plus acidulée, de la canne. Et les papilles frétillent quand se profile l’usine sucrière du lieu-dit La Baraque, la dernière encore en activité sur les sept établies dans la partie méridionale de l’île jusqu’en 2006. Avant le séisme. « Cette

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de se conformer aux règles de la concurrence, Bruxelles met fin au protocole le 30 septembre 2009. « Le lendemain, les revenus de la filière chutaient de 36 % », se souvient Gérard Chasteau de Balyon. CRISTAUX BLANCS. Heureusement,

année-là, le protocole sucre que l’on croyait éternel à Maurice a commencé à être démantelé par l’Union européenne [UE] », soupire Gérard Chasteau de Balyon, directeur de la stratégiechezOmnicane,lepropriétaire des lieux. Après avoir bénéficié pendant trente ans d’un accès préférentiel au marché européen avec prix et quotas garantis, les barons du sucre mauricien doivent brutalement revoir le modèle économique hérité de la colonisation britannique, au début du XIXe siècle. Seul produit d’exportation de l’île, l’or roux est alors écoulé exclusivement au Royaume-Uni. « À l’état brut uniquement, puisque Londres nous a interdit jusqu’en 1923 de raffiner nous-mêmes notre sucre », rappelle François Audibert, le directeur des opérations d’Omnicane. Puis en direction de l’UE, dans le cadre des conventions et accords qu’elle a passés depuis 1975 avec des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Sommé dès 2003 par l’Organisationmondialeducommerce(OMC)

1923 C’est la date à laquelle l’île a été autorisée par Londres à raffiner elle-même sa production

l’industrie sucrière mauricienne n’avait pas attendu d’être placée devantlefaitaccomplipours’inventer un nouveau destin. Depuis 2001, avec l’aide du gouvernement, elle a constamment réduit la voilure et s’est surtout engagée sur la voie de la valorisation de sa production. À l’heure de l’indépendance, en 1968, le sucre représente un tiers du PIB et 45 % de la valeur des exportations. Il mobilise près de 85 % des terres arables et fournit un emploi à un Mauricien sur trois. Le secteur compte dix-sept usines, qui produisent plus de 575 000 tonnes de sucre roux chaque année. Quarante-six ans plus tard, l’économie nationale suit presque un régime sans sucre, puisqu’il contribue à moins de 2 % de la richesse nationale. S’il est encore cultivé sur près de 30 % des terres agricoles, « il perd chaque année 1 200 ha », constate François Audibert. Et dans la foulée des fermetures d’usine, ramenées à quatre aujourd’hui par les regroupements successifs d’opérateurs, le nombre d’emplois JEUNE AFRIQUE


gazeuses. « Notre objectif est d’ata fondu comme neige au soleil, passant de 60 000 en 2004 à moins teindre le zéro déchet », assure Rajiv de 20 000 actuellement. Ramlugon, le responsable environAvec 420 000 t annuelles pronemental du groupe, qui conduit duites en moyenne, les volumes sous le regard protecteur du dieu ont évidemment diminué. Mais Ganesh, posé sur le tableau de bord. dorénavant, Maurice exporte les trois quarts de sa production sous CLUSTER. L’usine modèle a forteforme de petits cristaux blancs rafment impressionné le président finés pour satisfaire les marchés ghanéen John Dramani Mahama, betteraviers du Nord. Une opération en visite sur l’île en décembre 2013. rentable: ces derniers mois, chaque Au point que le chef d’État a déblotonne rapporte 770 euros, contre qué, en mai, 40 000 ha de terres 530 euros sous le protocole sucre. vierges dans le nord du Ghana « Avec la fluctuation des cours pour qu’Omnicane y reproduise mondiaux, il est difficile de savoir son cluster industriel et relance la si le secteur gagne plus d’argent culture de canne à sucre, comme qu’auparavant, mais sans le virage il l’a fait au Kenya. Le groupe, qui pris il y a vingt ans, nos revenus a réalisé un chiffre d’affaires de seraientcertainementtrèsinférieurs 96 millions d’euros en 2013, a aussi aujourd’hui », affirme Jean-Noël d’importants projets dans son pays. Humbert, le président du Syndicat Puisque les surfaces en canne se sont réduites, les resdes sucres mauriciens Chaque (MSS), qui définit les ponsables d’Omnicane sommes reversées veulent reconvertir tonne aux producteurs. Et 400 ha situés près de rapporte ce d’autant plus que l’aéroport international 770 euros, la filière rentabilise dans l’immobilier commercial et résidentiel. sa ressource au maxicontre 530 mum, allant jusqu’à sous l’ancien UnHolidayInnaouvert réutiliser les résidus de enmarsetlespremières protocole. canne pour produire routes quadrillent déjà de l’énergie électrique le sol labouré. ou du bioéthanol. « Nous sommes Si les sucriers mauriciens ont su passés d’une économie de plantarenouveler leur modèle, la réalité tion à une industrie de transformaest plus cruelle pour les dizaines de tion », résume Jean-Noël Humbert. milliers d’ouvriers agricoles mis sur Le site de La Baraque illustre cette le carreau en 2001. Malgré le plan révolution. Sur 10 ha, Omnicane a de départ volontaire à la retraite bâti en bordure de champ un com(Voluntary Retirement Scheme, plexeuniqueenAfrique,etpeut-être VRS) proposé par le gouvernement au monde. Derrière l’usine d’oriet financé à hauteur de 150 milgine, une raffinerie construite en lions d’euros par l’UE, beaucoup se 2009exportechaqueannée180000t retrouvent en difficulté. Après avoir de sucre. Elle est alimentée par une hésité, Samba Kawlowtee a accepté centrale thermique qui recycle plus les deux mois de salaire par année d’ancienneté et les 300 m2 de terre de 400000 t de bagasse (fibres de la canne) par an pour produire toute (dans la plaine de Rivière Dragon) l’électricité nécessaire sur place, proposés. « Ils auraient bien trouvé tout en revendant ses excédents au un moyen de me virer », lâche cette réseau national. Et a été inaugurée femme de 55 ans. Mais après avoir début juillet une distillerie destinée marié sa fille et acheté un ordinaà transformer en bioéthanol les teur à son fils, il lui reste à peine de 45000 t de mélasse par an produites quoi rembourser sa maison. Son lors des opérations de raffinage. cas est loin d’être isolé. Parmi les Bien décidé à tout recycler, « l’usi15000 bénéficiaires du VRS, un sur nier » réutilise jusqu’aux cendres deux avoue vivre plus difficilement pour en extraire des composants aujourd’hui que lorsqu’il travaillait employés dans les ciments, les pour un usinier. l engrais et même les boissons OLIVIER CASLIN, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE

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Dossier Agro-industrie à l’exportation, les producteurs ivoiriens ont pris l’habitude de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier : cacaotiers, palmiers à huile et hévéas se partagent leurs parcelles. Parmi ces cultures, l’hévéa, qui réclame relativement peu d’intrants et d’entretien, est un placement de long terme, la récolte s’étalant sur une vingtaine d’années.

CÔTE D’IVOIRE

Coup de mou pour l’hévéa Alors que le cours du caoutchouc ne cesse de baisser depuis trois ans, les producteurs font le dos rond en attendant des jours meilleurs. Et demandent au gouvernement de moins taxer leur activité.

PRESSION. « Si la filière est à la

OLIVIER POUR J.A.

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I

p Cette culture offre encore des revenus supérieurs à celle du cacao.

«

l faut accepter la faiblesse actuelle du cours et attendre que ça passe », lâche, résigné, un professionnel du secteur de l’hévéa. Car après une augmentation quasi ininterrompue (à l’exception de l’année 2009) du prix moyen du caoutchouc naturel payé aux producteurs ivoiriens entre 2004 et 2011 (il est passé de 217 à 766 F CFA le kilo), celui-ci n’a depuis cessé de baisser. En 2013, il se situait à 445 F CFA (0,68 euro). Cause principale: le ralentissement de la demande des fabricants de pneus. Cette chute du prix a beaucoup pesé sur les résultats des producteurs ivoiriens. La Société internationale de plantations d’hévéas (SIPH), leader ouest-africain du caoutchouc naturel et filiale de Sifca, a ainsi vu son chiffre d’affaires passer de 422,3 millions d’euros en 2011, au plus fort de la hausse, à 365,1 millions d’euros en 2013, pour une perte nette de

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36,2 millions d’euros. À la Bourse de Paris, mi-août, l’action de la SIPH a frôlé les 30 euros, son plus faible niveau depuis 2009. Après avoir été planté à tour de bras à la fin des années 2000, l’hévéa risque-t-il donc de voir les petits producteurs abandonner cette culture, privant ainsi les industriels de matière première ? C’est peu probable pour trois raisons. Premièrement : malgré la baisse spectaculaire enregistrée depuis 2011, les cours restent aujourd’hui proches du niveau observé en 2007-2008, et l’hévéa offre encore des revenus supérieurs à la culture du cacao, observe l’agroéconomiste Frédéric Varlet. Deuxièmement: la consommation mondiale de caoutchouc naturel devrait continuer d’augmenter. Elle est passée de 10,7 millions de tonnes en 2010 à 11,2 millions en 2013, selon le rapport « Cyclope » sur les matières premières. Troisièmement : coutumiers des aléas des cultures destinées

420 000 hectares C’est la surface en hévéas cultivée en Côte d’Ivoire, mais seuls 180 000 ha sont en production. Il faut attendre sept ans avant de réaliser la première récolte SOURCE : ECOBANK

peine, c’est moins à cause de la chute des cours que de la taxe de 5 % imposée en 2012 sur nos chiffres d’affaires par le gouvernement », explique Koffi Koffi, responsable financier de l’Ivoirienne d’hévéa. Entre 2012 et 2014, cette fiscalité a apporté 34 milliards de F CFA à l’État. Conséquence : si les investissements dans la production de plants se poursuivent, ceux destinés a améliorer les unités de transformation sont suspendus ou rééchelonnés. Depuis que Bertrand Vignes, directeur général de Sifca, le premier employeur privé du pays, a tapé du poing sur la table, le gouvernement ivoirien semble enfin porter de l’attention aux revendications des professionnels de l’hévéa. Début août, la taxe de 5 % a été nivelée : maintenue pour un cours supérieur à 1 600 F CFA le kilo, elle varie désormais entre 2,5 % et 3,5 % pour un cours compris entre 1 000 et 1 600 F CFA le kilo. Mais pour les opérateurs, la taxe doit être totalement abandonnée. Pour mettre la pression sur Abidjan, ils ont interrompu depuis janvier 2014 leurs cotisations au Fonds de développement de l’hévéa. Lancé en 2010, celui-ci vise à porter la production de caoutchouc du pays à 600 000 tonnes en 2020, notamment en subventionnant le coût des plants. Grâce à ce fonds, 70000 nouveaux hectares d’hévéas ont été plantés en trois ans. Pas certain que l’objectif de 200 000 prévu d’ici à 2020 soit atteint, laissent entendre les industriels. Le gouvernement, qui a repris cet objectif dans sa communication sur « l’émergence du pays », est averti. l JOËL ASSOKO JEUNE AFRIQUE



Dossier Agro-industrie

p L’entreprise cultive 6 500 hectares de palmiers à huile. GABON

Investir à tout-va, le va-tout de Siat Acquisition d’une nouvelle plantation d’hévéas, recrutement de milliers d’employés… En dépit d’un résultat déficitaire en 2013, la société joue la carte du long terme.

L

année 2013 aura été difficile pour Siat Gabon. La filiale de la Société d’investissement pour l’agriculture tropicale – groupe propriété de l’homme d’affaires belge Pierre Vandebeeck – a perdu 8 millions d’euros, et son chiffre d’affaires, de 51,8 millions d’euros, a encore reculé de 15 % en un an. Siat Gabon avait pourtant connu jusqu’en 2011 une progression constante de ses revenus. Ils avaient alors atteint leur plus haut niveau – 72,7 millions d’euros. Mais avec la crise du secteur automobile, la demande mondiale s’est effondrée. L’hévéaculturereprésentant80%du chiffred’affairesdugroupe,c’esttout sonéquilibrequis’esttrouvéébranlé. À cela s’ajoute la situation « structurellement déficitaire » de la branche huile de palme – dont la quasi-totalité de la production est destinée au marché gabonais –, explique un analyste financier. L’oléagineux de Siat Gabon ne résiste pas à la concurrence des huiles de table importées d’Asie, moins chères grâce à des coûts de production bas. En outre, l’entreprise dénonce des pratiques frauduleuses de la part des sociétés asiatiques lors de leur passage aux N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

douanes. En 2012, Siat a même dû arrêter l’activité de son usine de Lambaréné pendant trois mois et a mis au chômage 250 employés. Et pour compliquer la situation, Siat devra bientôt compter avec un rival de taille au Gabon, le singapourien Olam. Le groupe, adossé au fond souverain Temasek, qui dispose d’une puissance de feu financière sans commune mesure avec celle de Siat, a commencé, en 2012, à développer des plantations. Il possède déjà 50 000 ha destinés à l’huile de palme (dont une partie plantée) et s’est lancé dans l’hévéa, avec 28 000 ha, pour un investissement de 183 millions d’euros. PARADOXE. « Notre situation

dépend fortement des marchés internationaux, mais nous savons qu’à moyen et long terme cela va remonter », assure Jean-Michel Ndoutoume Obame, responsable de la communication chez Siat Gabon, rappelant que le retour sur investissement se fait de toute façon à quinze, vingt ans dans le « planting ». « La situation de Siat Gabon n’est pas si préoccupante tant qu’elle ne dure pas », estime l’analyste. « En revanche, ce qui risque de poser problème, c’est le

DR

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financement, car le planting est très consommateur de liquidités. » En effet, c’est là le paradoxe. L’entreprise, malgré ses mauvais résultats, a décidé de poursuivre ses investissements à bon train dans l’hévéaculture, le palmier à huile et l’élevage. En avril dernier, Siat Gabon a même racheté une ancienne concession d’hévéas de 10 000 ha abandonnée dans le Moyen-Ogooué (centre du pays) pour 175 millions de F CFA (266 000 euros) – dont la moitié sera consacrée aux pépinières et à la plantation. La société compte exploiter20000haauGabond’icidix ans, contre 15 000 ha aujourd’hui. Dans le secteur du palmier à huile, un ambitieux programme a également été lancé pour planter de nouveaux arbres sur 6 000 ha à Bindo, dans la région de Makouké, ce qui permettra un quasi-doublement de la surface actuelle. Plus de 6 000 employés seront recrutés dans les différents sites et des efforts sont menés pour améliorer la productivité des usines de transformation (caoutchouc, huile, savon). La société, créée en 2004 via l’acquisition des sociétés publiques Agrogabon (huile de palme), Hévégab (caoutchouc naturel) et du ranch Nyanga (élevage de bovins),s’estaussiengagéeàinvestir 315 milliards de F CFA dans le cadre d’une nouvelle convention fiscale et douanière signée en juillet avec l’État pour les dix ans à venir.

L’oléagineux du groupe belge ne résiste pas à la concurrence des huiles de table importées d’Asie. Reste que l’entreprise ne dispose pas aujourd’hui des liquidités nécessaires pour assurer ses investissements. Afin de trouver les financementsdontelleabesoin,elle pourrait éventuellement se tourner vers des bailleurs de fonds, comme elle l’a déjà fait avec la Banque africaine de développement, ou bien chercher à nouer un partenariat. Pourquoi pas avec son futur concurrent ? l ÉLISE ESTEBAN, à Libreville JEUNE AFRIQUE



Dossier Agro-industrie MAROC

La machine de guerre Koutoubia Avec 75 % de part de marché, c’est le leader incontesté de la transformation de viande au royaume. Il s’attaque maintenant à l’export.

L

histoire de Koutoubia, c’est aussi celle de son PDG, Haj Tahar Bimezzagh, 45 ans, un boucher devenu le roi de la charcuterie au Maroc. À 12 ans, ce natif de Tafraout, une petite bourgade du Souss, gère déjà deux boucheries aux côtés de son père, à Casablanca. À 20 ans, il rachète une petite usine de transformation de viande de volaille à Mohammedia. Son nom: Koutoubia, en référence à la grande mosquée de Marrakech. Pourtant, à cette époque, la firme, fondée en 1985 par le Franco-Marocain Mohamed Belghiti Khennoussi, peine à survivre. Ses produits, concurrencés par la charcuterie de contrebande venant d’Espagne, ont du mal à décoller. Mais à la fin des années 1990, un scandale mettant en cause la mortadelle espagnole éclate : avec plus d’une centaine de cas d’intoxication, la panique gagne le pays.L’Étatamorcealorsunegrande campagne d’assainissement afin d’éradiquer contrebandiers et petits

KOUTOUBIA

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producteurs peu regardants sur l’hygiène. Pour Tahar Bimezzagh, c’estlemomentoujamaisd’émerger et, très vite, Koutoubia se retrouve seul ou presque sur ce marché à haut potentiel. Misant tout sur la qualité, le patron modernise ses outils de production, certifie ses process industriels et enclenche une vaste opération d’intégration de la chaîne de valeur.

p Tahar Bimezzagh (au centre) emploie aujourd’hui 2 500 salariés, alors qu’ils n’étaient que dix en 1995.

TRAÇABILITÉ. Les résultats ne se font pas attendre. L’entreprise, qui employait à peine dix personnes en 1995, est entrée en moins de dix ans dans le classement des 500 plus grandes entreprises du royaume. Aujourd’hui, elle emploie plus de 2 500 personnes, draine un chiffre d’affaires annuel de 2,3 milliards de dirhams (200 millions d’euros) et possède pas moins de huit filiales. Élevage, abattage, transformation, distribution… Koutoubia est

AU CŒUR DE L’INNOVATION HAJ TAHAR BIMEZZAGH sait que les goûts et les habitudes de consommation sont en perpétuelle évolution. Pour avoir toujours un temps d’avance sur les tendances du marché, il s’est doté, dès 2004, d’un institut de recherche baptisé l’Espace de N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

recherche et de formation pour l’alimentation (Erfa). Ouvert aux universitaires des écoles nationales d’agronomie, le « labo Koutoubia » est connu pour ses études en microbiologie. On y teste aussi de nouvelles recettes, des procédés de fabrication

inédits et on y forme des personnes qualifiées pour les métiers de l’agroalimentaire. « L’innovation est au cœur de notre métier. Nous consacrons d’ailleurs 2,5 % de notre chiffre d’affaires à l’Erfa », explique un haut cadre M.B. de la firme. l

incontournable dans l’univers de la viande et de la charcuterie. « En plus des unités industrielles, nous disposons de 40 fermes d’élevage et de 450 camions pour la distribution. Nous avons aussi développé nos propres points de vente, où nos clients peuvent trouver tous nos produits. Cette intégration est essentiellepourassurerlatraçabilité du produit. C’est ce qui nous permet de garantir une certaine qualité », expliqueunprochecollaborateurdu PDG. En appliquant ce modèle de développement, Tahar Bimezzagh a créé une véritable machine de guerre, leader du secteur de la transformation des viandes, avec 75 % de part de marché. Sa réussite a poussé l’entrepreneur marocain à cibler de nouveaux marchés. Koutoubia réalise ainsi 10 % de son chiffre d’affaires à l’export. Grâce à son label halal et aux nombreuses certifications qualité dont il dispose, il a ainsi pu partir à la conquête des pays du Moyen-Orient (Émirats arabes unis, Arabie saoudite, Syrie et Irak), de la Turquie et de certains États africains (Mauritanie, Sénégal, les trois Guinées, Bénin, Gabon, Mali, Côte d’Ivoire, Gambie et Congo). « Ce succès, nous le devons surtout à nos ressources humaines », insiste leconseillerdeceluiqu’onappellele Roi du Casher, en référence au nom donné à la charcuterie au Maroc. l MEHDI MICHBAL, à Casablanca JEUNE AFRIQUE


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Culture & médias

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CINÉMA

E Avec Get on Up, le réalisateur Tate Taylor tente l’impossible : raconter la vie du Soul Brother Number One. En dépit d’une interprétation convaincante due à Chadwick Boseman, le film pèche parfois par son côté compil d’anecdotes. NICOLAS MICHEL

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n une phrase, Chadwick Boseman va à l’essentiel : « James Brown était un précurseur, il a vécu mille vies en une seule, et nous n’avons pas encore saisi le quart de ce qu’il nous a transmis. » Quand il a été engagé par Tate Taylor pour se glisser dans le groove du Godfather of Soul, l’acteur de 32 ans savait donc pertinemment qu’il s’attaquait à un K2 artistique, fût-ilaccompagnédanssonascensionparlesmânes du Stone Mick Jagger (producteur) et épaulé dans son mashed potato survolté par une production à 30 millions de dollars. Un biopic du Soul Brother Number One ? Vous êtes sérieux ? Pressenti, Spike Lee himself aurait été écarté pour des questions de droits – et de budget. C’est donc le réalisateur du pâle Couleur des sentiments qui s’est pris les pieds dans le camel walk avec Get on Up, projeté sur les écrans français à partir du 24 septembre. À l’impossible nul n’est tenu : James Brown s’écoute, James Brown se danse, James Brown se vit, mais James Brown ne se raconte pas en deux heures et dix-huit minutes. Ses soixante-treize années d’existence craquent sous toutes les coutures, le phénomène culturel transfigurant le roman social, le show débordant de la scène pour contaminer la sphère politique et se perdre souvent dans le moite inconfort de la rubrique « faits divers ». JEUNE AFRIQUE


MARIO ROMANO-ALDO LIVERANI/MASTERPHOTO/LFI/ABACAPRESS.COM

C’est d’ailleurs par là que Tate Taylor a choisi de commencer Get on Up, avec ce 24 septembre 1988 qui vit un James Brown défoncé au PCP débarquer arme au poing dans un séminaire d’assureurs sous prétexte que ses toilettes privées avaient été utilisées sans son autorisation. Le film enchaîne sur la course-poursuite qui s’ensuivit, James Brown quittant Augusta et la Géorgie pour rejoindre la Caroline du Sud à 160 km/h. Quand Mr Dynamite jeta l’éponge, sa camionnette accusait 23 impacts de balles. Face aux flics, il dansa en chantant « Georgia on My Mind ». L’incartade, qui n’était ni la première ni la dernière, lui valut une condamnation à six ans de prison au State Park Correctional Center de Columbia (Caroline du Sud). Il en fera plus de deux.

p Premier biopic consacré au Godfather of Soul (à dr., en 2004 à Milan) incarné par un sosie bluffant (à g.).

BOUFFI. Ainsi procède Tate Taylor, multipliant

flash-back, anecdotes et scènes de concert dans l’espoir d’atteindre par la furie saccadée de saynètes survitaminées l’âme même de la soul. MC de ce déferlement, Chadwick Boseman donne le meilleur de lui-même, jouant des perruques et des costumes pour se glisser jusqu’à la sueur dans la peau de Mister Brown. Danseur respectable maîtrisant le play-back en virtuose, il parvient avec un indéniable talent à donner le change, soutenu par une bande-son évidemment intense – et ce JEUNE AFRIQUE

Get on Up, deTateTaylor (sortie en France le 24 septembre)

jusqu’aux dernières années, quand le maître bouffi de drogue et samplé sans vergogne par toute la génération hip-hop continuait de se donner à fond sur scène, à 70 balais. Et pourtant, Chadwick Boseman ne parvient pas tout à fait à sauver Get on Up de son lent enlisement dans un flot de chromos sépia accolés les uns aux autres comme les pièces d’un puzzle. Certes, tout ou presque y est : l’enfance dans les bois, abandonné par sa mère à la furie d’un père violent ; le boulot de rabatteur pour rameuter des soldats au bordel de sa tante ; les « battles royale », au cours desquelles il combat à l’aveugle, une main attachée dans le dos, pour un public essentiellement blanc ; les sermons enflammés psalmodiés façon transe par le bishop Daddy Grace ; les premiers coups tordus et la prison, où il devient « Music Box » ; la rencontre décisive avec Bobby Byrd et l’inéluctable ascension vers la gloire de celui qui sait qu’une bonne étoile veille sur lui – mort-né, il ne doit la vie qu’à l’air insufflé dans ses poumons par sa tante, in extremis. Il y a tout ça, et il y a le reste aussi : les concerts, les violences, les femmes, les amendes infligées aux musiciens, les hauts et les bas dans l’Amérique d’avant Martin Luther King Jr et dans celle d’après Martin Luther King Jr. Les fans savent, etplusieursbiographiesexistentquipermettentd’en apprendre encore plus – dont celle, monumentale N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


Culture médias et superbement illustrée, de Philippe Manœuvre, parue aux éditions du Chêne en 2007. En prenant le risque de la quasi-exhaustivité, Tate Taylor survole plus qu’il n’approfondit, résume plus qu’il ne donne à sentir, prêtant souvent le flanc à un cinéma-Wikipédia terne, pour ne pas dire fade. Rapidement évacuées, les scènes à dimension politique simplifient ainsi à outrance les rapports pour le moins compliqués que James Brown entretint tout au long de sa vie avec la cause africaine-américaine. Bien entendu, le film insiste sur le concert du 5 avril 1968, à Boston, qui suit l’assassinat de Martin Luther King Jr, et sur le rôle pacificateur que Brown joua ce jour-là en affrontant son propre public. Mais de la March Against Fear de 1966 aux côtés de Stokely Carmichael au soutien apporté au démocrate Hubert Humphrey qui lui valut le surnom de Sold Brother Number One dans les rangs des Black Panthers, le spectateur ne saura pas grand-chose. CONTRADICTIONS. Entre « Say It Loud, I’m Black

and I’m Proud » et son engagement en faveur du républicain Richard Nixon en 1972 qui lui valut un autre surnom infamant (James Brown-Nixon’s Clown), entre ses concerts au Vietnam pour réconforter les soldats noirs et son amitié pour le notoirement raciste sénateur de Caroline du Sud Strom Thurmond, il y a comme un embrouillamini de contradictions qui auraient sans doute mérité d’être creusé. Si Get on Up demeure malgré tout une sympathique introduction au riche univers du Hardest Working Man in Show Business, certains oublis – ou ellipses – pourront fâcher les aficionados. Les mélomanes regretteront ainsi que le choix de l’anecdote ait pris le pas sur l’itinéraire même du musicien, de ses premiers groupes aux révolutions rythmiques qu’il opéra, dans les années 1970 notamment. Les Africains, bien sûr, regretteront que les tournées du Soul Brother sur le continent soient totalement passées sous silence. Dans son livre, Philippe Manœuvre raconte comment, en 1968, James Brown découvre l’Afrique: après avoir

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p L’acteur Chadwick Boseman, danseur respectable maîtrisant le playback en virtuose.

Toute sa vie, il entretient des rapports pour le moins compliqués avec la cause africaineaméricaine.

mis le feu au stade de Dakar, il se recueille à Gorée d’où il rapportera « une lourde chaîne d’esclave, qu’il gardera chez lui, l’exhibant aux journalistes de passage comme son plus précieux trésor ». L’histoire se poursuit, dans les années 1970, au Cameroun, au Togo, au Zaïre. Crime de lèse-majesté, Get on Up fait l’impasse sur le concert « The Rumble in the Jungle » organisé par Don King en marge du combat du siècle opposant Muhammad Ali à George Foreman. « James est dans sa phase “Dead on the Super Heavy Funk”, écrit Manœuvre. James ne chante plus : il sacre, ahane, s’exprime par cris gutturaux, onomatopées… C’est une locomotive humaine, gare au train de marchandises derrière ! Son groupe met le stade KO, littéralement. Repérant soudain Ali au milieu de la fosse, James plonge dans la masse… Confusion, folie, émeute, messe noire. » Et un peu plus tard, et un peu moins noble, il y aura aussi le Gabon où, pour 160000 dollars et un aller-retour d’un Boeing d’Air Gabon entre le Texas et Libreville, le jeune président Omar Bongo s’offre le beat du Godfather… Aujourd’hui, pour retrouver l’âme du grand frère parti un jour de Noël, en 2006, cela coûte un peu moins cher. Il ne faut qu’un simple diamant: celui que l’on pose délicatement sur une galette de vinyle. l

Sélection CD et DVD

Foundations of Funk. A Brand New Bag: 1964-1969, double CD (Polydor, 1996) N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

Funk Power. 1970: A Brand New Thing, CD (Polydor, 1998)

Make It Funky. The Big Payback: 1970-1975, double CD (Polydor, 1998)

I Got the Feelin’: James Brown in the ’60s, coffret 3 DVD (Shout Factory, 2008) JEUNE AFRIQUE


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EXPOSITION

L’art de la com Comment défendre la cause de l’Azawad en Europe ? Le porte-parole du MNLA a eu l’idée d’organiser un événement invitant musiciens, calligraphes, activistes, historiens… Projet culturel ou propagande ?

FLEUR BLEUE. Pour ce projet, artistes,

historiens, associations de défense des peuples autochtones et avocats donnent leur point de vue sur ce pays rêvé dont l’avenir – aussi bien de la terre que de ses habitants – est en cours de négociation. Des artistes, activistes de la cause du MNLA, participent également, à l’instar du groupe Tinariwen ou du calligraphe Mazou Ibrahim Touré. Vidéastes, designers et plasticiens néerlandais ont, sous la direction de Jonas Staal, le binôme batave de Moussa, « fait en sorte que JEUNE AFRIQUE

JONAS STAAL

M

oussa Ag Assarid est un jeune homme plein de ressources. Afin de promouvoir la cause pour laquelle il s’est engagé depuis 2011, le porte-parole du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) n’hésite pas à aller là où on ne l’attend pas. Dernière audace ? Jouer la carte de l’art. Jusqu’au 9 octobre, il présente à Utrecht, aux Pays-Bas, sa vision de l’Azawad au sein de la « New World Embassy ». Un « projet [qui] se veut au carrefour de l’art, de la théorie et de l’activisme en proposant une ambassade temporaire, forme d’espace extraterritorial de représentation, de négociation et d’échanges internationaux ». Et qui mêle expositions, projections, rencontres… « C’est une idée assez osée », prévient Moussa Ag Assarid, qui s’est proclamé « représentant diplomatique » plutôt qu’artiste, même s’il est l’auteur de quelques photographies et de deux livres autobiographiques (Y a pas d’embouteillage dans le désert ! et Enfants des sables, publiés aux éditions Presses de la renaissance). Dans cette « ambassade » de l’Azawad, tous les symboles de l’État sont représentés… pour de faux : « On a créé une carte d’identité et un passeport et on a affiché la déclaration d’indépendance de 2012 », explique-t-il.

p Moussa Ag Assarid partage son temps entre le Mali et la France, où il vit.

l’on puisse voir l’expression des gens de l’Azawad » : en d’autres termes, de mieux faire connaître ce peuple. Une démarche qui s’adresse davantage aux Occidentaux qu’aux « frères d’armes » de Kidal, qui, reconnaît Moussa Ag Assarid, « ne comprennent rien à la démarche. C’est trop loin pour eux ». Mais l’exposition tombe à point nommé : quand Assarid joue avec le concept d’État de l’Azawad, les groupes armés, eux, tentent à Alger d’aboutir à un accord de paix avec le gouvernement malien. D’indépendance, il n’est plus question depuis décembre 2012. Mais, entre le possible et le fantasme, Assarid sait qu’il y a un monde au sein duquel il faut louvoyer, et qu’il faut parfois réviser ses rêves à la baisse. Passer du sable de l’Azawad aux galeries d’Utrecht, Bruxelles ou Berlin – où sera présentée l’exposition –, c’est un jeu

d’enfant pour l’équilibriste Assarid, arrivé à l’âge de 22 ans en France avec un visa touristique. Animateur dans des Club Med, comédien ou encore intervenant pour le groupe Total sur les questions de communication interculturelle, celui qui s’est depuis installé à Poitiers sait s’adapter. Une chose est sûre, affirme-t-il, il reviendra à Kidal « pour y passer [s]a retraite », et alors, « les habitants de l’Azawad auront des hôpitaux, de l’eau, et leur liberté ». Dans son cocon, un peu fleur bleue, il rêve encore de son grand projet. Qu’importe si cela peut sembler, à tout le moins, naïf: Moussa Ag Assarid veut croire que son art et sa « répercussion internationale » peuvent aider à changer les choses. l DOROTHÉE THIÉNOT

« New World Embassy », jusqu’au 9 octobre, Lange Nieuwstraat 4, NL-3512 PH Utrecht (Pays-Bas) N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014


Culture médias LITTÉRATURE

Ousmane Diarra « Les jihadistes instrumentalisent la pureté de l’enfant » Dans son troisième roman, La Route des clameurs, le conteur malien revient sur la terreur qui s’est abattue sur son pays. Et dissèque comment la folie s’est emparée des hommes.

I

l en est resté traumatisé. Éreinté par des nuits sans sommeil. Bouleversé d’avoirvusonpayssombrerauxmains des fous de Dieu. Dans son troisième roman, La Route des clameurs, l’écrivain malien Ousmane Diarra revient sur la terreur jihadiste qui a menacé les siens début 2013. Une tragédie venue des sables du Nord-Malilorsquedescolonnesd’hommes surarmés et déterminés transportaient avec eux la haine et l’intolérance vers une capitale terrorisée. Sur leur chemin, ces êtres sombres et violents anéantissent un islam de paix et ses mausolées, décapitent traditions séculaires et autres croyances, prêchant brutalement une obéissance au Coran rigoriste et intransigeante, sinon réinterprétée. La terreur engendre une folie collective dirigée dans ce roman bouleversant par un calife inculte et assoiffé de pouvoir. Elle transforme des enfants en tueurs de « mécréants », détruit un peuple et assèche l’inspiration des artistes. Face à son emprise, un garçon et son père, peintre éclairé, qui a bien connu celui qui s’est proclamé calife et qui doit désormais l’affronter. Conteuretbibliothécaireàl’Institutfrançais de Bamako, Ousmane Diarra, 54 ans, a vécu cette sinistre période. Animiste, adorateur des cultures et de sa nation, « le vieux lézard » est resté obsédé par les souffrances de ce Mali en proie à des barbares qui hantaient villes et villages. Alors, dans sa maison de Bamako, entouré de ses enfants, le griot s’est mis à écrire. Comme pour adoucir sa plume et trouver la paix, il confie la narration au fils du peintre, qui, avec une naïveté teintée de lucidité, nous guidedepuisl’atelierauxtoilesasséchéeset aux tableaux sombres jusqu’aux mystères dont se drapent ces terroristes qu’il est contraint de rejoindre. JEUNE AFRIQUE: Dans quelles conditions avez-vous écrit ce livre? OUSMANE DIARRA: Dans la douleur. J’y

ai mis tout mon cœur et usé de ma plume enguised’armepourmebattreàmafaçon, celle d’un écrivain, d’un conteur. J’étais N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

avec des mots et des perceptions qu’un adulte n’aurait pu exprimer de la sorte.

alors bien avancé sur un autre livre qui explorait la tradition bambara à travers l’histoire d’un « petit mari » de 8 ans qui s’amourache d’une adolescente. Mais j’en ai interrompu la rédaction quand les jihadistes ont envahi les deux tiers du territoire malien, menaçant Bamako, et installé une situationchaotiquedanstoutlepaysdepuis le Nord. Nous étions menacés de mort en tant que nation. « Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle… », disait Victor Hugo. Le Mali brûlait, et j’ai donc écrit La Route des clameurs entre juillet et octobre 2013.

Chez les jihadistes aussi on retrouve des « gamins imams à la barbichette de bouc nain » au service du calife intronisé par le groupe terroriste des Morbidonne.

Ces gamins sont des victimes abusées par les jihadistes, qui instrumentalisent la pureté de l’enfant, la transforment en férocité aveugle. Moi, le conteur, j’enseigne aux enfants l’art de vivre. Eux, ils exploitent l’innocence et apprennent l’art de mourir. Je me suis plongé contre mon gré dans les nébuleuses terroristes, car elles ont été mon ennemi et celui du Mali. Elles ont hanté mes nuits et obscurci mes jours. Dans mon livre, je leur ai donné un nom que j’ai inventé: les Morbidonne. Il s’agit

Quelles ont été vos sources d’inspiration?

D’abord le terrorisme et cet impérialisme religieux pratiqué depuis trop longtemps par des puissances arabes qui subventionnent ce fanatisme, construisent desmosquéesplutôtquedesbibliothèques et des lieux de culture au Mali. Moi, le conteur, l’amoureux de l’imaginaire, voilà que j’ai été obligé de m’inspirer du réel, de la souffrance vécue par le Mali. Déjà dans Vieux Lézard, j’évoquais l’arrivée de jihadistes ainsi qu’un coup d’État réalisé par un capitaine [en référence au putsch du capitaine Amadou Haya Sanogo de mars 2012]. Mais, au-delà, j’ai pensé à mon maître Yambo Ouologuem, qui, dans Le Devoir de violence, paru en 1968, avait déjà tout dit et dénoncé cette intolérance, cette hypocrisie et cette violence. Nous avons la même démarche littéraire, et il continue de m’inspirer. Face à cette menace si proche, je ne pouvais pas ne pas m’engager et écrire. Pourquoi avoir confié la narration à un enfant?

J’aime beaucoup les enfants – j’en ai d’ailleurs huit – et je suis attaché à leur pureté. Ma tête était alors envahie par les rythmesd’untambourdeguerrebambara, et j’ai écrit La Route des clameurs sur cette cadencemartiale.C’estunlivretrèsparticulierpourmoi,etj’aitentéd’userdelapoésie et de cette naïveté doublée d’une douceur propresàl’enfantpourcontercettebrutalité

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.

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JEUNE AFRIQUE


Culture médias d’une contraction de « morbide », « mort ». Bi veut dire « qui », en bambara. Donc on peut traduire « Morbidonne » par « qui donne la mort ». Y a-t-il un peu de vous dans ce personnage principal, le peintre dont les tableaux pleins de lumière s’obscurcissent sous l’emprise de ces jihadistes?

Franchement oui, je me suis mis à la place du peintre. Les jihadistes ne sont pas arrivés à Bamako en armes. Mais il y en a un peu partout au Mali qui distillent l’intolérance et l’extrémisme. Donc en tant qu’artiste et libre-penseur, tout comme le peintre,j’auraisétéhumilié,persécuté…J’ai imaginé ce peintre dans une ville envahie par des jihadistes comme si moi j’étais subitement contraint de changer ma pensée et mes écrits sous la férule de barbares ignorants. Autrefois, ses tableaux étaient éclatantsdelumièreetdebeauté.Puisilsse sontassombrissouslacoupedesjihadistes, et il ne peignait plus l’espoir mais des nuits sans étoiles, un monde à craindre. Et le calife des Morbidonne, Mabu Maba, dit Fieffé Ranson Kattar Ibn Ahmad Almorbidonne?

C’est l’ancien camarade de classe du peintre et celui qui enrôlera ses enfants, alloue une maison à sa femme, et ravagera son imagination… Mais il ne réussira pas à lui ôter ni son honneur ni sa résistance, à lui le peintre qui finit esseulé. J’ai moimêmedesconnaissancesquisontdevenues fanatiques. Cela m’atteint et me désole. Vous savez, j’ai grandi dans une contrée

calife se nomme Mabu Maba, c’est-à-dire « menteur », « imposteur ». Tout comme le calife de l’État islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, c’est un faux calife, sans légitimité ni crédibilité autre que la force et la manipulation de la religion. À aucun moment, dans ce livre, vous n’évoquez les Touaregs?

Face à la menace islamiste, je devais m’engager et écrire. ouverte d’esprit et animiste. Dans mon village natal de Bassala, ce sont les valeurs humanistes et respectueuses transmises par la tradition animiste que l’on pratique, en paix. Avant de changer mon prénom en Ousmane, je m’appelais Bassakoro, ce qui signifie « vieux lézard ». J’ai énormément souffert des moqueries et des insultes et j’ai changé de prénom. Aujourd’hui, dans ma région, tous les villages, hormis Bassala, se sontconvertisàl’islamet,aufuretàmesure qu’on approche de la ville, je ressens une certaine intolérance, un fanatisme plus ou moins prononcé. Dans mon livre, le

C’est pour éviter toute récupération et instrumentalisation à des fins de division. J’admire la culture touarègue et, comme ne cessait de le répéter le grand écrivain Moussa Konaté aujourd’hui décédé, les Touaregs sont des Maliens. Pour moi, le MNLAnereprésentepastouslesTouaregs, contrairement à ce qui est souvent dit dans les médias français. Le nord du Mali est également habitépard’autres populations. Mais je ne voulais pas entrer dans ce débat. Comment avez-vous vécu ce que vous qualifiez d’« invasion »?

J’étais terrorisé et je ne dormais plus. Lorsque j’étais en résidence d’écrivain en Suisse, je n’arrêtais pas de parler du Mali à mes camarades. J’étais hanté par mon pays, qui est comme mon corps. Je sentais une partie de ce corps disparaître, se recroqueviller, souffrir, comme violé. C’était dur. J’aime mon pays passionnément, toutes ses cultures, et je suis attaché à la liberté. La beauté du tapis vient de la multiplicité de ses couleurs, comme on dit. Et la puissance du Mali vient de toutes ses différences. Or, je voyais des fous détruire ces différences, les patrimoines de ces cultures séculaires, des mausolées à Tombouctou… Ils allaient tout casser dans le pays, déterminés à écraser et à détruire une nation avec toutes ses cultures. l Propos recueillis par JOAN TILOUINE

p Le bibliothécaire de l’Institut français de Bamako (le 1er août). JEUNE AFRIQUE

La Route des clameurs, d’Ousmane Diarra, éd. Gallimard, 172 pages, 17,50 euros N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

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Culture médias

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DESIGN

Ousmane Mbaye, l’homme de fer Son matériau de prédilection ? Le métal, sous toutes ses formes. Le Sénégalais fête ses dix ans de création. L’occasion de revenir sur cette figure de la création contemporaine du continent.

C

est un garçon déterminé, au physique imposant avec une tête bien faite sur des épaules carrées, prêt à foncer là où on ne l’attend pas, à frapper le métal sans relâche et à abattre un travail titanesque. Quitte aussi à devoir encaisser les coups durs parce que, justement, il s’est aventuré sur des chemins qui ne lui étaient pas destinés. À bientôt 39 ans, Ousmane Mbaye peut se retourner, non sans une certaine fierté, sur la décennie qui vient de s’écouler. Jusqu’au 6 octobre, il fête ses dix ans de création au Centquatre, un événement lancé lors de la Paris Design Week. Pour l’occasion, celui qui se qualifie facilement de « sale gosse » ne s’est pas plié à l’exercice rituel – et parfois lénifiant – de l’exposition. Ou plutôt, il en a profité pour proposer quelque chose de vivant. Il y a bien quelques chaises enfermées derrière

de magnifiques vitrines aseptisées comme les affectionnent les musées. Mais il y a surtout un mobilier haut en couleurs qui s’est installé un peu partout dans les locaux de cette énorme bâtisse du XIXe siècle rénovée de manière très contemporaine pour devenir un lieu culturel qui soit aussi un lieu de vie. Un mobilier en métal qui se fond et se confond si bien avec la verrière qui relie les différents bâtiments et les poutres en métal apparentes que l’on se plairait à voir ces bancs à l’esthétique ronde et épurée demeurer à terme dans la cour, où les passants et les enfants du quartierontprisleursaises,quisereposant, qui tentant de nouveaux pas de deux, qui déambulant… COULEURS. De larges fauteuils carrés

offrent ici ou là une confortable assise à qui veut, avant les spectacles. Tables, chaises

et commodes façonnées à partir de fûts d’essence aux couleurs vives ont envahi le Café caché, presque sans que le consommateur n’y prenne garde. Et lorsqu’il s’en aperçoit, ce dernier ne peut s’empêcher d’aller ouvrir les portes, regarder à l’intérieur, caresser de la main la surface du meuble repéré en s’interrogeant sur le matériauemployé.Carc’estlàtoutelaforce du designer sénégalais: travailler le métal tant et si bien que l’on ne sait plus à quel matériau l’on a affaire. « Certaines patines de métal ressemblent à de la céramique, reconnaît Ousmane Mbaye. Je joue avec la matière et les couleurs. » Longtemps présenté comme un designer africain autodidacte spécialiste de la récup, Ousmane Mbaye profite de cet anniversaire pour rectifier, et répète inlassablement que son travail ne se résume pas à la récup. Qu’on se le dise ! En effet,

VINCENT FOURNIER/J.A.

u L’ancien frigoriste au milieu de ses « Fauteuils organik » (fer et métal brut, 2014), le 11 septembre, au Centquatre.

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JEUNE AFRIQUE


tout occidentale ; ce qui n’a pas manqué d’interroger le designer sénégalais. Pourquoi les Africains, notamment ceux qui dépensent des fortunes pour de rutilants bolides ou de luxueux 4×4 tape-àl’œil, n’achètent-ils pas local lorsqu’il s’agit de meubler leurs résidences cossues ? Il est vrai qu’entre les Ivoiriens Issa Diabaté et Vincent Niamien, le Malien Cheick Diallo,lesSénégalaisBibiSecketOusmane Mbaye, ou encore le Marocain Hicham Lahlou, les talents ne manquent pas. « En

Repères 2005 Première exposition, dans le cadre de « Regards sur cour », à Gorée 2006 Biennale internationale du design de Saint-Étienne 2008 Biennale de l’art africain contemporain, Dak’Art 2009 « Manières de vivre, relectures », lors du festival panafricain d’Alger 2010 Salon international du design de Francfort 2010-2011 Participe à l’exposition « Global African Project » au MAD Museum de New York 2014 « Ousmane Mbaye, dix ans dits en design », jusqu’au 6 octobre au Centquatre, 5 rue Curial, à Paris JEUNE AFRIQUE

p Meuble de cuisine, tube galvanisé et tôle en acier (2008-2009).

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d’un design africain: « Il y a des designers africains. C’est tout ce qui compte. Je peux posermesobjetsicioulà,personnenepeut savoird’oùilsproviennent.Etqu’importent les catégories, les définitions que certains avancent. Artisanat ? Design ? L’un ne va pas sans l’autre. Les chaises que vous voyez autour de nous, explique-t-il assis sur l’un de ses bancs autour d’une table basse illuminée par un frais soleil inondant la cour extérieure du Centquatre, ont toutes exactement les mêmes dimensions. Tous les produits que je réalise peuvent être reproduits en milliers d’exemplaires. » Toujours installé dans l’atelier dakarois de son père, là où ce dernier le forma aux métiers manuels quand, adolescent, il décida de quitter les bancs de l’école, et où il fit ses débuts, le designer emploie aujourd’hui près de quinze personnes à qui il transmet ce qu’il appelle son « savoir-

réfléchissant,j’airéaliséqueleproblèmene venait pas des Africains, mais de moi. Sur le continent, la clientèle est très exigeante: elle regarde le confort, les lignes. Alors que la clientèle occidentale l’est beaucoup moins puisque pour elle c’est de la récup. Pour vendre en Afrique, il m’a fallu mener beaucoup de recherches et m’améliorer. » Résultat : sur le continent, ses créations s’achètent davantage qu’auparavant. « Vingt à trente pour cent de mes clients sont aujourd’hui africains, contre 5 % il y a encore deux ans. Auparavant, l’art africain était inaccessible sur le continent. Ce n’est pas parce que les Africains n’ont pas les moyens de l’acheter, mais parce que nous manquons de visibilité. C’est à nous artistes p Rangement « 5 portes Gorée » de changer ça. Et de parvenir à (2010). toucher d’autres personnes que celles qui viennent aux vernissages. Nous devons apprendre à connaître fer ». « Je n’ai pas reçu de formation artisnotre marché et à nous faire connaître tique ou de design, mais je ne suis pas aussi. Au début, je pensais que tout passait pour autant un autodidacte, martèle-t-il. par l’Europe, et j’ai dépensé beaucoup J’ai appris différentes techniques auprès d’argent et d’énergie pour participer à de divers artisans. Je les ai transformées. » des événements dédiés comme le salon parisien Maison & Objet. Mais si j’avais BONHEUR. Ce qui anime aujourd’hui fait le quart de ces efforts en Afrique, je comme hier ce fort caractère : se réaliser serais beaucoup plus connu. Aujourd’hui, à travers ses créations et surtout ne pas je veux me développer au Sénégal, dans se laisser dicter par d’autres ce qu’il doit la sous-région. Je prépare une grande accomplir. « Tout ce que je fais vient du exposition pour la fin de l’année à la galerie cœur. Je n’ai pas besoin de tracer un plan Arts pluriels d’Abidjan, où l’on peut déjà sur un papier, et encore moins en 3D grâce acheter mes articles dans une boutique à un ordinateur. J’aime travailler lamatière: de la Zone 4, Lueurs et Matières. Et ce tôle, acier galvanisé, bois également… La sera bientôt le cas également à Dakar. » conjuguer avec la couleur pour aller vers Pas besoin non plus de s’inventer un le beau. J’affectionne particulièrement le style africain pour séduire sur le contimétal, car c’est un matériau qui ne triche nent : « Mon influence ? On va dire que pas. La moindre maladresse se repère tout je suis mégalo : c’est moi ! affirme-t-il de suite. Mais il n’y a pas de difficultés dans un grand éclat de rire. Si je savais spécifiques. Je le maîtrise de A à Z parce ce qui m’inspire, je le regarderais et ne que les contraintes, j’en fais mes alliées. Le plus dur pour moi reste les petites pièces, ferais plus rien. Ce qui est important, ce mais ça va venir. Le plus important, c’est sont les rencontres que nous réalisons, de me faire plaisir : le bonheur, ce n’est ce que la vie nous donne. On n’est plus pas ce que tu cherches mais ce que tu dans la confrontation Afrique-Occident. as », philosophe cet hédoniste enjoué. l Aujourd’hui, avec la mondialisation, on est cosmopolites. » Inutile donc de parler SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

OUSMANE MBAYE

LUEURS. Du coup : sa clientèle est avant

OU SM AN

celui qui fut frigoriste pendant plus de quinze ans explique : « Cela a joué contre moi, car on ne parlait que de cet aspect de mes créations et l’on ne regardait pas les formes. Je n’ai pas envie que la récup soit un ghetto artistique dans lequel on enferme les pays en voie de développement. Si j’ai commencé par ça, c’est parce que cela me fournissait un matériau disponible et accessible facilement. » Un créneau vanté par les Occidentaux – tendance bobos en mal d’exotisme. Et qui fit connaître Ousmane Mbaye sur la scène internationale du design, de New York à Tokyo en passant par Paris.

E M BAYE

Culture médias


Culture médias En vue

n n n Décevant

ESSAI

n n n Réussi

n n n Excellent

q L’acteur Gaspard Ulliel dans le rôle-titre.

L’Algérie revisitée IL NE FAUT PAS SE FIER AU TITRE de cet ouvrage signé par un spécialiste du Qatar et un analyste du Maghreb. Plutôt qu’un essai sur l’Algérie d’aujourd’hui, il revisite son histoire tumultueuse, de l’antique Numidie des Berbères à nos jours, en passant par les invasions arabes, la régence d’Alger des Ottomans ou la colonisation française. L e s e nt re t i e n s avec l’ex-ministre Abdelaziz Ziari et l’écrivain Boualem Sansal, publiés en annexe, offrent en revanche deux L’Algérie visions opposées aujourd’hui, de de ce pays qui Mehdi Lazar et Sidia échappé aux Mohammed Nehad, éd. Michalon, soubresauts du 304 pages, 19 euros Printemps arabe. l nnn

n n n Pourquoi pas

DR

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CINÉMA

L’art d’Yves Saint Laurent BERTRAND BONELLO a su éviter les pièges d’un film trop exhaustif sur la vie d’un personnage célèbre en se concentrant sur la partie la plus créative mais peut-être aussi la plus dramatique de l’existence du couturier Yves Saint Laurent (1967-1976) et en tentant une approche plus artistique que biographique de son sujet. En faisant apparaître au passage l’influence sur son style des origines algériennes de Saint Laurent, qui a vécu son enfance et son adolescence à Oran. Et le rôle majeur de sa découverte du Maroc – et plus précisément de Marrakech – dans la passion qu’il porta finalement, lui longtemps l’homme du noir et blanc, à la couleur. l RENAUD DE ROCHEBRUNE

FARID ALILAT

Saint Laurent, de Bertrand Bonello (sortie à paris le 24 septembre)

LES SONS DE LA SEMAINE

PHOTOGRAPHIE À découvrir sur

Du rock indé en provenance de Beyrouth, du hip-hop sud-africain, de l’éthio-jazz… Bienvenue dans notre tour d’horizon musical hebdomadaire !

En cinq ans et désormais trois albums, le groupe libanais multiconfessionnel (sunnite, chrétien, chiite) Mashrou’Leila, « le projet d’une nuit », s’est fait un petit nom sur la scène underground beyrouthine et plus largement au Moyen-Orient. Les cinq compères – qui se sont rencontrés alors qu’ils étaient étudiants en architecture à l’université américaine de Beyrouth –

naviguent entre un rock lascif aux mélodies travaillées et une pop indé léchée qui n’est parfois pas sans rappeler celle de Metronomy (sur « Lil Watan »). La voix de Hamed Sinno brise quant à elle avec poésie les tabous que peuvent être, dans la région, le mariage, l’homosexualité où encore la politique. Un vent d’air frais qui soufflera sur la scène parisienne de la Gaîté lyrique le 10 octobre prochain. (Raasük, Pias).

Et aussi… La scène hip-hop sud-africaine n’en finit pas de livrer ses

pépites, à l’instar de Sabza, rappeur (originaire du Swaziland), avec son clip « Destiny » ; tandis que les Français d’Akalé Wubé proclament toujours avec brio leur amour pour l’éthio-jazz dans leur dernier clip, « Gab’s Trap », extrait de leur nouvel album, Sost (Clapson/L’Autre Distribution). l JEAN-SÉBASTIEN JOSSET

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nnn

Femmes, je vous aime MALHEUREUSEMENT, la liberté de la presse est un combat de tous les jours, comme la mort de Camille Lepage en Centrafrique et celle de James Foley en Syrie l’ont tragiquement rappelé. Pour soutenir Reporters sans frontières dans cette tâche ingrate, il est possible d’acheter l’habituel album 100 Photos pour la liberté de la presse. Sans pour autant sombrer dans la déprime : consacré au photographe allemand né en Pologne Peter Lindbergh, cette livraison offre une vaste collection de superbes photos d’artistes femmes, en un noir et blanc qui rend bien mieux hommage à leur beauté que les photos de mode photoshopées 100 photos pour la liberté de la presse à outrance. l REPORTERS SANS FRONTIÈRES

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Peter Lindbergh, 100 photos pour la liberté de la presse, Reporters sans frontières, 150 pages, 9,90 euros nnn JEUNE AFRIQUE


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Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

Diriger et innover dans la santé internationale

Inspecteur général, Genève Le Fonds mondial est à la recherche d’un Inspecteur général. Sous l’autorité du Conseil d’administration, par l’intermédiaire du Comité d’audit et d’éthique, l’Inspecteur général est essentiel pour permettre au Fonds mondial de mener à bien sa mission. À la tête de l’une des deux unités administratives du Fonds mondial (l’autre étant le Secrétariat dirigé par le Directeur exécutif), l’Inspecteur général est chargé de réaliser des audits et des enquêtes indépendants et objectifs. Cela comprend une garantie indépendante et objective sur la conception, la qualité de la mise en ouvre et de l'efficacité des contrôles et des processus en place pour gérer les principaux risques. Il mène ses activités dans un environnement dynamique et en pleine évolution. Du reste, l’identification et l’atténuation des risques futurs constituent un élément majeur de cette fonction. Principale source de financement des programmes de prévention, de traitement et de prise en charge pour les personnes touchées par le VIH et le sida, la tuberculose et le paludisme, ou exposées à un risque important de contracter ces maladies, le Fonds mondial collecte et investit près de 4 milliards de dollars US par an en faveur de programmes dirigés par des maîtres d’œuvre dans plus de 140 pays et régions du monde. À ce jour, il a investi plus 30 milliards de dollars US à l’appui de tels programmes en appliquant les principes fondamentaux du partenariat, de l’appropriation par les pays et du financement en fonction des résultats. Travaillant depuis le siège de Genève, en Suisse, le personnel du Fonds mondial est issu de milieux professionnels variés et représente plus de 100 pays différents. Tous les employés ont en commun la volonté de venir à bout de ces épidémies. Le candidat retenu pour les fonctions d’Inspecteur général aura une vaste expérience de la direction d’activités d’audit et d’enquête au sein d’organisations internationales complexes. Il sera capable d’assumer des relations au niveau du Conseil d’administration. Il apportera de solides compétences de gestionnaire et aura fait ses preuves en matière de création et de développement d’équipes. Le nouvel Inspecteur général associera indépendance, diplomatie et idée claire des objectifs à atteindre, ce qui lui permettra d’entretenir des rapports essentiels et constructifs avec le Secrétariat. Communicateur hors pair, l’Inspecteur général se montrera à l’aise et efficace dans un environnement multiculturel. Le Fonds mondial a décidé de confier à Russell Reynolds Associates le soin de l’aider dans le cadre de cet appel à candidature. Pour plus de renseignements à propos de ce poste et pour obtenir des précisions quant aux qualifications, aux exigences, aux conditions et aux modalités de dépôt des candidatures, veuillez consulter le site web: www.rraresponses.com La date limite pour le dépôt des candidatures est fixée au 9 octobre 2014. Toute personne ayant les qualifications requises est invitée à déposer sa candidature, quels que soient son sexe, son orientation sexuelle, son identité de genre ou son statut sérologique vis-à-vis du VIH. Le Conseil d’administration du Fonds mondial s’engage résolument en faveur de la diversité.

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Manifestation d’intérêt

NOM DU PAYS : RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE L’INTITULÉ DE LA MISSION DU CONSULTANT : RECRUTEMENT D’UN AGENT COMPTABLE CENTRAL DU TRÉSOR FINANCEMENT : BUDGET DE L’ÉTAT.

Le Gouvernement de la République Centrafricaine a l’intention d’utiliser une partie de ses fonds propres pour effectuer les paiements au titre du contrat suivant : Recrutement d’un Agent Comptable Central du Trésor. Les services de consultant (« Services ») consistent à ce que l’Agent Comptable Central du Trésor dirige l’Agence Comptable Centrale du Trésor (ACCT) qui est un poste comptable supérieur et principal de l’Etat. Il est placé sous l’autorité et le contrôle du Directeur Général du Trésor et de la Comptabilité Publique (DGTCP). En sa qualité de comptable public (supérieur et principal) de l’Etat, il est chargé : ➢ de la gestion de l’intégralité de la trésorerie et du porteteuille de l’Etat ; ➢ de la mise en application de la nomenclature et du plan comptable de l’Etat ; ➢ de la centralisation des opérations de recettes et de dépenses de l’Etat ; ➢ de l’exécution comptable des comptes spéciaux du Trésor, des comptes hors budget et des budgets des organismes et établissements publics dont la gestion est confiée au Trésor Public ; ➢ de la gestion de la dette publique ; ➢ de la production de la balance mensuelle et annuelle des comptes de l’Etat ; ➢ de la production des situations périodiques d’exécutions des lois de finances ; ➢ de la production du Compte Général de l’Administration des finances ; ➢ de la production de données nécessaires à la préparation de la loi de réglement ; ➢ de la mise en état d’examen des comptes de gestion des comptables principaux ; ➢ de la représentation du Trésor Public auprès de la Banque Centrale. Profil recherché : Formation : Bac + 5 maîtrise en sciences économiques ou en droit (Option : Trésor et/ou Budget) ou tout autre diplôme équivalent. Expérience professionnelle : 10 ans d’expériences professionnelles à un haut niveau de l’administration centrale du Trésor et avoir été soit comptable public principal soit comptable public centralisateur. Expérience spécifique : Seront considérés comme des atouts : - le fait d’avoir occupé des responsabilités similaires en Afrique subsaharienne ; - le fait d’avoir une bonne connaissance du cadre harmonisé de gestion des finances publiques de la CEMAC et ou de l’UEMOA ; - le fait d’être titulaire d’un diplôme d’administration financière : Option Trésor La mission se déroulera et Bangui (République Centrafricaine) pour une durée d’un an renouvelable quatre (04) fois. Le renouvellement est conditionné par l’obtention de résultats sur la base de la lettre de mission annuelle qui lui sera confiée par le Ministre des Finances et du Budget et le DGTCP. La Cellule chargée du Suivi des Réformes Economiques et Financières (CS-REF) invite les consultants individuels (« Consultants ») admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir les informations démontrant qu’ils possèdent les qualifications requises et une expérience pertinente pour l’exécution des Services. Les critères pour l’établissement de la liste restreinte sont : le nombre d’année d’expérience professionnelle à la DGTCP, le niveau d’étude, et l’expérience dans le domaine des finances publiques en général et du Trésor Public en particulier. Il est porté à l’attention des Consultants que les dispositions de l’article 17 du « Code de Marchés Publics et Délégations de Service Public en République Centrafricaine relatives au conflit d’intérêt sont applicables. Un Consultant sera sélectionné selon la méthode de comparaison des curricula vitae (CV) telle que décrite dans les Directives de Consultants. Les Consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l’adresse ci-dessous et aux heures suivantes : de 9 heures à 15 heures (heure locale). Les manifestations d’intérêt écrites doivent être déposées à l’adresse ci-dessous en personne, par courrier ou par courrier électronique au plus tard le 15 octobre 2014 à 10 heures, avec la mention : RECRUTEMENT D’UN AGENT COMPTABLE CENTRAL DU TRÉSOR EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE. A l’adresse suivante ; Cellule chargée du Suivi des Réformes Economiques et Financières / Ministère des Finances et du Budget. Monsieur Gervais Magloire DOUNGOUPOU, Coordonnateur de la Cellule chargée du Suivi des Réformes Economiques et Financières (CS-REF), sis aux Bâtiments de l’Ex. CAADE au Ministère des Finances et du Budget. B.P. 1014 Bangui. Tél. : 00 236 75 04 61 05 E-mail : gm_doungoupou@yahoo.fr avec copie à celestinbrahim@yahoo.fr Le coodonnateur de la CS-REF Gervais Magloire DOUNGOUPOU

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JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

MINISTÈRE DES FINANCES ET DU BUDGET

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RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE Unité - Dignité - Travail

DIRECTION DE CABINET Bangui, le l2 Sept. 2014 CELLULE CHARGÉE DU SUIVI DES RÉFORMES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES (CS-REF)

SOLLICITATION À MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT N° 002/MFB/RCA NOM DU PAYS : RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE L’INTITULÉ DE LA MISSION DU CONSULTANT : RECRUTEMENT D'UN FONDÉ DE POUVOIR À L'AGENCE COMPTABLE CENTRALE DU TRÉSOR. FINANCEMENT : BUDGET DE L’ÉTAT.

Le coodonnateur de la CS-REF Gervais Magloire DOUNGOUPOU JEUNE AFRIQUE

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Manifestation d’intérêt

Le Gouvernement de la République Centrafricaine a l’intention d’utiliser une partie de ses fonds propres pour effectuer les paiements au titre du contrat suivant : Recrutement d’un Fondé de pouvoir à l’Agence Comptable Centrale du Trésor (ACCT). Les services de consultant (« Services ») consistent à ce que le fondé de pouvoirs seconde l’Agent Comptable Central du Trésor dans l’exécution de ses tâches. Principal collaborateur de l’Agent Comptable Central, il assiste l’Agent dans ses fonctions, il en assure l’intérim en cas d’absence ou dempêchement de celui-ci. Il dispose d’une délégation de signature pour tous les actes à lui délégués par l’ACCT selon la procédure requise en RCA. ll a vocation à contribuer aux travaux de fiabilisation, de modernisation des procédures et aux objectifs d’amélioration de la qualité comptable. ll sera responsable de la production de la balance des comptes et de la qualité comptable. Il convient de rappeler les attributions de l’ACCT. L’ACCT est chargé : ➢ de la gestion de l’integralité de la trésorerie et du portefeuille de l’Etat ; ➢ de la mise en application de la nomenclature et du plan comptable de l’Etat ; ➢ de la centralisation des opérations de recettes et de dépenses de l’Etat ; ➢ de l’exécution comptable des comptes spéciaux du Trésor, des comptes hors budget et des budgets des organismes et établissements publics dont la gestion est confiée au Trésor Public ; ➢ de la gestion de la dette publique ; ➢ de la production de la balance des comptes de l’Etat ; ➢ de la production des situations périodiques d’exécutions des lois de finances ; ➢ de la production du Compte Général de l’Administration des Finances ; ➢ de la production de données nécessaires à la préparation de la loi de réglement ; ➢ de la mise en état d’examen des comptes de gestion des comptables principaux ; ➢ de la représentation du Trésor Public auprès de la Banque Centrale. Profil recherché : Formation : Bac + 5 maîtrise en sciences économiques ou en droit (Option Trésor et/ou Budget) ou tout autre diplôme équivalent. Expérience professionnelle : au moins 05 ans d’expériences professionnelles à un haut niveau de l’administration centrale du Trésor (DGTCP) et avoir été soit comptable principal soit comptable centralisateur. Expérience spécifique : Seront considérés comme des atouts : - le fait d’avoir occupé des responsabilités similaires en Afrique subsaharienne ; - le fait d’avoir une bonne connaissance du cadre harmonisé de gestion des finances publiques de la CEMAC et ou de l’UEMOA ; - le fait d’être titulaire d’un diplôme de l’administration financière ; Option Trésor. La mission se déroulera à Bangui (République Centrafricaine) pour une durée d’un an renouvelable quatre (04) fois. Le renouvellement est conditionné par l’obtention de résultats sur la base de la lettre de mission annuelle qui lui sera confiée par le Ministre des Finances et du Budget, le DGTCP et l’ACCT à sa prise de fonction. La Cellule chargée du Suivi des Réformes Economiques et Financières (CS-REF) invite les consultants individuels (« Consultants ») admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir les informations démontrant qu’ils possèdent les qualifications requises et une expérience pertinente pour l’exécution des Services. Les critères pour l’établissement de la liste restreinte sont : le nombre d’année d’expérience professionnelle à la DGTCP, le niveau d’étude, et l’expérience dans le domaine des finances publiques en général et du Trésor en particulier. ll est porté à l’attention des Consultants que les dispositions de l’article 17 du « Code de Marchés Publics et Délégations de Service Public en République Centrafricaine », relatives au conflit d’intérêt sont applicables. Un Consultant sera sélectionné selon la méthode de comparaison des curricula vitae (CV). Les Consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l’adresse ci-dessous et aux heures suivantes : de 9 heures à 15 heures (heure locale). Les manifestations d’intérêt écrites doivent être déposées à l’adresse ci-dessous en personne, par courrier ou par courrier électronique au plus tard le 15 octobre 2014 à 10 heures, avec la mention : RECRUTEMENT D’UN FONDÉ DE POUVOIRS À L’AGENCE COMPTABLE CENTRALE DU TRÉSOR EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE. A l’adresse suivante : Cellule chargée du Suivi des Réformes Economiques et Financières / Ministère des Finances et du Budget. Monsieur Gervais Magloire DOUNGOUPOU, Coordonnateur de la Cellule chargée du Suivi des Réformes Economiques et Financières (CS-REF), sis aux Bâtiments de l’Ex. CAADE au Ministère des Finances et du Budget. B.P. 1014 Bangui. Tél. : 00 236 75 04 61 05 E-mail : gm_doungoupou@yahoo.fr avec copie à celestinbrahim@yahoo.fr


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Annonces classées RÉPUBLIQUE DU MALI

Projet d’Alimentation en Eau Potable de la ville de Bamako à partir de la localité de Kabala SERVICE DE CONSULTANTS - Crédit IDA N° 5317 ML

Avis de manifestation d’intérêt N° 011/14/DAMG/ATD

Manifestation d’intérêt

Sollicitation de manifestation d’intérêt n° 01l/14/DAMG/ATD pour les prestations d’audit financier et comptable devant couvrir les exercices 2014, 2015, 2016 de la SOMAPEP-SA et du Projet d’Alimentation en Eau Potable de la ville de Bamako à partir de la localité de Kabala 1. Le Gouvernement de la République du Mali à reçu un crédit de l’Association Internationale de Développement (UDA), et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ce crédit pour effectuer les paiements au titre du contrat suivant « Audit financier et comptable de la SOMAPEP-SA et du Projet d’Alimentation en Eau Potable de la ville de Bamako à partir de la localité de Kabala pour les exercices 2014, 2015 et 2016 ». 2. Le projet est conjointement financé par un Crédit de l’Association Internationale de Développement (IDA) d’un montant d’US $ 80 millions, le Fonds Africain de Développement pour un montant en unité de compte (UC) de 50 millions, la Banque Européenne d’Investissement (BEI) pour un montant de 50 millions d’Euros, l’Agence Française pour le Développement (AFD) pour un montant de 39 millions d’Euros, L’Union Européenne (UE) pour un montant de 18 millions d’Euros, la Banque Islamique de Développement pour un montant de 25,850 millions d’Euros et la coopération Italienne pour un montant 11 millions d’Euros. 3. L’objectif vise par le projet est la couverture des besoins en eau potable de la ville de Bamako jusqu’à l’horizon 2030, par la construction d’une nouvelle station de traitement d’eau de 240 000 m3/jour, sur le site de Kabala, à environ 12 Km en amont de Bamako sur la rive droite du fleuve Niger, en deux phases : - Phase 1 : production de 144.000 m3/jour ; - Phase 2 : augmentation de la production avec 96.000 m3/jour supplémentaires pour atteindre 240.000 m3/jour. Les prestations objet de la présente sollicitation de manifestation d’intérêt concernent l’audit financier et comptable du Projet et de la SOMAPEP-SA afin d’exprimer une opinion professionnelle sur la situation financière à la fin de chaque exercice fiscal et s’assurer que les ressources mises à la disposition du Projet sont utilisées aux fins pour lesquelles elles ont été octroyées en vue de l’atteinte de l’objectif de développement du Projet. 4. Les services comprennent : a) la vérification de l’utilisation des ressources conformément aux dispositions des accords de financement ; b) la vérification de la gestion des fonds de la contrepartie nationale (part du budget de l’Etat alloué au projet) avec les dispositions des accords de financement ; c) la vérification du processus de passation de marchés pour les acquisitions des biens et services conformément aux dispositions des accords de financement ; d) la vérification de l’exhaustivité de l’enregistrement des différentes opérations relatives au Projet ; e) la vérification de la gestion des Comptes Désignés conformément aux dispositions des accords de financement ; f) la vérification de la performance financière globale du Projet ; g) la vérification de l’exactitude de la valeur des actifs immobilisés du projet ainsi que le droit de propriété du Projet ou des bénéficiaires sur ces actifs en conformité avec les accords de financement ;

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h) la vérification des remboursements des dépenses inéligibles identifiées lors de l’audit au Compte Désigné. 5. Le Ministère de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement par délégation à la Société Malienne de Patrimoine de l’Eau Potable invite les firmes de consultants (« Consultants ») admissibles à manifester leurs intérêts à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent fournir les informations démontrant qu’ils possèdent les qualifications requises et une expérience pertinente pour l’exécution des Services. Les principaux critères pour l’établissement de la liste restreinte sont les suivants : (i) Critère 1 : Expérience générale : « Etre un cabinet d’audit et d’expertise comptable faisant profession habituelle et régulière de réviser les comptes (expérience confirmée par le nombre de mission d’audit), appartenant à un ordre comptable reconnu par l’IFAC, la FIDEF. (ii) Critère 2 : Expérience spécifique : « avoir une expérience confirmée en audit financier de comptes de projets similaires financés par des bailleurs. L’expérience similaire des projets sous financement de l’IDA sera un atout. 6. La langue de soumission des dossiers est le français. 7. Il est porté à l’attention des Consultants que les dispositions du paragraphe 1.9 des « Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale dans le cadre des Prêts de la BIRD et des Crédits et Dons de l’AID » édition de Janvier 2011 (« Directives de Consultants »), relatives aux règles de la Banque mondiale en matière de conflit d’intérêts sont applicables. 8. Les Consultants peuvent s’associer avec d’autres firmes pour renforcer leurs compétences respectives en la forme d’un groupement solidaire ou d’un accord de sous-traitant. Un consultant sera sélectionné selon la méthode [Sélection Fondée sur la Qualité et le Coût] telle que décrite dans les Directives de Consultants. 9. Les Consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous et aux heures suivantes, de 08 heures à 16 heures locales : SOMAPEP s.a, Siège Social Bamako, Quartier Magnambougou Faso Kanu, Tél. +(223) 20 22 00 26/ +223 66 75 80 31 BP - 1528 FAX +(223) 20 22 02 00 10. Les manifestations d’intérêt écrites doivent être déposées à l’adresse ci-dessous en personne, par courrier, par facsimile ou par courrier électronique au plus tard le 06/11/2014 à 15 heures locales précises, avec la mention « Manifestation pour les prestations d’audit financier et comptable devant couvrir les exercices 2014, 2015 et 2016 de la SOMAPEP-SA et du Projet d’Alimentation en Eau Potable de la ville de Bamako à partir de la localité de Kabala". Le Président Directeur Général Adama Tiémoko DIARRA Chevalier de l’Ordre National

JEUNE AFRIQUE


Annonces classées MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE

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RÉPUBLIQUE DU MALI UN PEUPLE - UN BUT - UNE FOI

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 01/MEN-DFM-DAMP/14 FOURNITURE ET LIVRAISON SUR SITES DES MALLES PÉDAGOGIQUES EN TROIS LOTS. 1. Le Ministre de l’Education Nationale invite, par le présent Appel d’Offres, les soumissionnaires éligibles selon les dispositions de l’article 18 du Décret n° 08-485/P-RM du 11 août 2008, modifié, portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public à présenter leurs offres sous pli fermé, pour la fourniture et livraison sur sites des malles pédagogiques en trois lots comme suit : Lot 1 : Fourniture et livraison de mille (1.000) malles pédagogiques dans les écoles de la région de Sikasso ; Lot 2 : Fourniture et livraison de cinq cents (500) malles pédagogiques dans les écoles de la région de Mopti ; Lot 3 : Fourniture et livraison de cinq cents (500) malles pédagogiques dans les écoles de la région de Tombouctou. Un même soumissionnaire peut postuler et prétendre à un ou à l’ensemble des lots. 2. Le Ministère de l’Education Nationale a obtenu de la Coopération Suisse (ref. 7F-03614.04.01) le financement pour la réalisation du certaines activités. Une partie de ces sommes accordées au titre de ce financement sera utilisée pour effectuer les paiements prévus dans le cadre de l’exécution du marché pour la fourniture et livraison sur sites des malles pédagogiques. 3. Les fournitures dans le cadre de ce marché sont à livrer dans un délai maximum de quatre vingt dix (90) jours, à compter de la date de notification au Titulaire du marché. 4. Les soumissionnaires intéressés à concourir peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner les Dossiers d’Appel d’Offres dans les bureaux de : la Direction des Finances et du Matériel, Division Approvisionnement et Marchés Publics, sise à Hamdallaye ACI 2000, face à l’ex Flamboyant,Tel : 20 29 59 80, Fax : 20 29 59 81, Bamako. 5. Le Dossier d’Appel d’Offres pourra être acheté par les candidats,sur demande au service mentionné ci-dessus et moyennant paiement en espèces d’un montant non remboursable de cent mille (100.000) F CFA. 6. Les clauses des Instructions aux soumissionnaires et celles du Cahier des Clauses Administratives Générales sont les clauses du Dossier Type d’Appel d’Offres ; Passation des Marchés de Fournitures, Août 2009, publié par la Direction Générale des Marchés Publics et des Délégations de service Public. 7. Toutes les offres doivent être déposées à l’adresse indiquée ci-dessus au plus tard le 08 novembre 2014 à 09 h 30 mn et être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant au moins égal à 10.000.000 F CFA pour le lot 1, 5.000.000 F CFA pour le lot 2 et 5.000.000 F CFA pour le lot 3. Toutefois, les offres peuvent être reçues en salle avant l’arrêt du registre. 8. Les offres demeureront valides pour une durée de 90 jours. à partir de la date d’ouverture des plis fixée au 08 novembre 2014. 9. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents à l’ouverture, le 08 novembre 2014 à 09 h 30 mn, dans les locaux de la Direction des Finances et du Matériel du Ministre de l’Education Nationale, sis Hamdallaye ACI 2000, face à l’ex Flamboyant, Bamako. P/le Ministre P.O, Le Secrétaire Général, Souleymane GOUNDIAM, Chevalier de l’Ordre National

RÉPUBLIQUE DU CONGO MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE FORESTIÈRE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

PROJET FORÊT ET DIVERSIFICATION ÉCONOMIQUE (PFDE) AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 001/MEFDD-CAB/PFDE/AOI/F/2014 1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu un crédit de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour contribuer au financement du Projet « Forêt et Diversification Economique (PFDE) et a l’intention d’utiliser une partie de ce crédit pour effectuer des paiements au titre du Marché de fourniture de bateaux motorisés. 2. L’Unité de Coordination du Projet Forêt et Diversification Economique (PFDE) sollicite des offres fermées de la part de soumissionnaires éligibles et répondant aux qualifications requises pour fournir les 30 bateaux motorisés et 150 gilets de sauvetage regroupés en lot unique. 3. La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres international (AOI) tel que définit dans les « Directives : passation des marchés financés par les Prêts de la BIRD et les Crédits de l‘IDA » édition 2011, et ouvert à tous les soumissionnaires de pays éligibles tels que définis dans les Directives. 4. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir des informations auprès de l’Unité de Coordination du PFDE, sise Quartier OCH, case J-142/V Moungali III-SOPROGI, Brazzaville B.P : 14564, Courriel : pfdecongo2011@yahoo.com Le Dossier d’appel d’offres peut être consulté pendant les heures ouvrables de 8 heures à 16 heure de Brazzaville à l’adresse ci-dessus mentionnée. 5. Les exigences en matière de qualifications sont : i) capacité technique et expérience pertinente ii) capacité à assurer le service après-vente. Aucune marge de préférence applicable à certaines fournitures fabriquées localement ne sera octroyée aux soumissionnaires. Voir le document d’Appel d’offres pour les informations détaillées. 6. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir gratuitement un dossier d’Appel d’offres complet en Français à l’adresse mentionnée ci-dessous. Le document d’Appel d’offres sera adressé par courrier express à tout soumissionnaire qui en exprime la demande et les frais d’expédition sont à sa charge. 7. Les offres devront être soumises à l’adresse du PFDE ci-dessous au plus tard le 04/ 11/2014 à 14 heures, heure locale de Brazzaville. La soumission des offres par voie électronique ne sera pas autorisée. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des soumissionnaires présents en personne ou à distance à l’adresse du PFDE mentionnée ci-dessous le 04/11/2014 à 14 heures 30 minutes. Les offres doivent comprendre une garantie de l’offre, pour un montant de 3,5 Millions FCFA. 8. L’adresse à laquelle il est fait référence ci-dessus est : Projet Forêt et Diversification Economique (PFDE) Quartier OCH, case J-142/V Moungali III-SOPROGI, Brazzaville - République du Congo. Brazaville, le 18 septembre 2014 Le Coordonnateur adjoint du PFDE Jacques OSSISSOU JEUNE AFRIQUE

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Appel d’offres

FINANCEMENT IDA- CRÉDIT N° 5121-CG


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Annonces classées RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO - MINISTÈRE DES RESSOURCES HYDRAULIQUES ET ÉLECTRICITÉ - SOCIÉTÉ NATIONALE D’ÉLECTRICITÉ (SNEL) sarl

PROJET DE DÉVELOPPEMENT DES MARCHÉS D’ÉLECTRICITÉ POUR LA CONSOMMATION DOMESTIQUE ET À L’EXPORT (PMEDE) Financement IDA H2960 – DRC - DAOI n°020/PMEDE/SNEL/DG/CDP/DPM/GKW/2014/MF La fourniture d’instruments de mesures géodésiques de précision, la fourniture et mise en place sur et aux abords des ouvrages de la matérialisation.

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL 1. Le présent avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis général de passation des marchés du projet PMEDE paru le 12 avril 2007 dans Dg Market et dans la presse locale ainsi que le 14 septembre 2008 dans Jeune Afrique, dans Dg Market et dans les journaux locaux. 2. La République Démocratique du Congo a obtenu un financement de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour financer le Projet de Développement des Marchés d’Electricité pour la consommation Domestique et à l’Export (PMEDE). Elle se propose d’utiliser une partie du montant de ce financement pour effectuer les paiements autorisés au titre du marché. 3. La Coordination des Projets SNEL (CDP), pour le compte de la Société Nationale d’Electricité (SNEL), invite les candidats admis à concourir, entreprises ou groupements d’entreprises, à soumettre leurs offres sous pli scellé pour les fournitures et services connexes concernés. Les fournitures concernées sont les suivantes : La fourniture d’instruments de mesures géodésiques de précision, la fourniture et mise en place sur et aux abords des ouvrages de la matérialisation. 4. La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres International (AOI) tel que défini dans les « Directives : passation des marchés financés par les Prêts de la BIRD et les Crédits de l‘IDA » (Edition mai 2004, révisée en octobre 2006 et janvier 2011). Le DAO type de la Banque Mondiale est « Passation des Marchés de Fournitures ». Il est ouvert à tous les candidats originaires des pays membres de la Banque mondiale et remplissant les conditions stipulées dans les Directives. 5. Les candidats répondant aux critères de participation et qui le souhaitent peuvent obtenir tout renseignement complémentaire auprès de la Coordination des Projets de la SNEL sarl (CDP/SNEL) et prendre connaissance des documents d’appel d’offres à l’adresse reprise ci-dessous, de 9h à 16h (heures locales, TU+1). 6. Les soumissionnaires intéressés peuvent acheter un jeu complet du dossier d’appel d’offres à l’adresse mentionnée ci-dessus sur présentation d’une demande écrite et moyennant paiement d’un montant non remboursable de deux cent dollars américains (200 $US). Le paiement sera effectué par versement d’espèces au compte n° 00101 0130403 37, intitulé SNEL VENTE DAO auprès de la Banque Commerciale du Congo (BCDC) /

Kinshasa, code SWIFT : BCDCKI. Le Dossier d’appel d’offres sera envoyé aux soumissionnaires, contre présentation de la preuve de paiement, par courrier. Les frais d’envoi des dossiers aux acheteurs sont en sus et à charge de ces derniers. Les Soumissions devront être déposées à l’adresse ci-dessous au plus tard le mardi 25 novembre 2014 à 15H00’ (heure locale, TU+1) sous pli scellé et doivent être clairement marquées « AOI n°020/PMEDE/SNEL/DG/CDP/DPM/GKW/2014/MF : La fourniture d’instruments de mesures géodésiques de précision. 7. Les dépôts électroniques ne seront pas admis. Les soumissions présentées hors délais seront rejetées. Les offres soumises doivent être assorties d’une garantie de l’offre de : USD 20.000 (dollars américains vingt mille) La garantie de soumission sera une garantie bancaire. Cette garantie de soumission demeurera valide pendant vingt-huit (28) jours au-delà de la date limite initiale de validité des offres, ou de toute nouvelle date limite de validité demandée par l'Acheteur et acceptée par le Soumissionnaire, conformément aux dispositions de la Clause 20.2 des IS. La période de validité initiale des offres est de cent vingt (120) jours. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui décident d’assister à la séance d’ouverture qui aura lieu le mardi 25 novembre 2014 à 15H30’ à l’adresse ci-dessous : La Coordination des Projets (CDP) _ Direction Générale de la SNEL Avenue de la Justice n°2381 - Quartier Socimat - Kinshasa / Gombe République Démocratique du Congo Tél : (00243) 81 7005428 ; (00243) 81 0040030 ; (00243) 813761128 E-mail : cdp.snel@yahoo.fr / masbumba@yahoo.fr / ilungaclaire@yahoo.fr / gerardkamo70@yahoo.fr Pour Le Coordonnateur des Projets ENDJONGA ESSIMBE Superviseur des Projets de Production

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO - MINISTÈRE DES RESSOURCES HYDRAULIQUES ET ÉLECTRICITÉ - SOCIÉTÉ NATIONALE D’ÉLECTRICITÉ (SNEL) sarl

Appel d’offres

PROJET DE DÉVELOPPEMENT DES MARCHÉS D’ÉLECTRICITÉ POUR LA CONSOMMATION DOMESTIQUE ET À L’EXPORT (PMEDE) Financement IDA H2960 – DRC - DAOI n°021/PMEDE/SNEL/DG/CDP/DPM/GKW/2014/MF La réalisation de forages de reconnaissance et l’installation des instruments d’auscultation sur l’aménagement hydroélectrique du site d’Inga.

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL 1. Le présent avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis général de passation des marchés du projet PMEDE paru le 12 avril 2007 dans Dg Market et dans la presse locale ainsi que le 14 septembre 2008 dans Jeune Afrique, dans Dg Market et dans les journaux locaux. 2. La République Démocratique du Congo a obtenu un financement de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour financer le Projet de Développement des Marchés d’Electricité pour la consommation Domestique et à l’Export (PMEDE). Elle se propose d’utiliser une partie du montant de ce financement pour effectuer les paiements autorisés au titre du marché. 3. La Coordination des Projets SNEL (CDP), pour le compte de la Société Nationale d’Electricité (SNEL), invite les candidats admis à concourir, entreprises ou groupements d’entreprises, à soumettre leurs offres sous pli scellé pour les fournitures et services connexes concernés. Les fournitures concernées sont les suivantes : La réalisation de forages de reconnaissance et l’installation des instruments d’auscultation sur l’aménagement hydroélectrique du site d’Inga. 4. La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres International (AOI) tel que défini dans les « Directives : passation des marchés financés par les Prêts de la BIRD et les Crédits de l‘IDA » (Edition mai 2004, révisée en octobre 2006 et janvier 2011). Le DAO type de la Banque Mondiale est « Passation des Marchés de Fournitures ». Il est ouvert à tous les candidats originaires des pays membres de la Banque mondiale et remplissant les conditions stipulées dans les Directives. 5. Les candidats répondant aux critères de participation et qui le souhaitent peuvent obtenir tout renseignement complémentaire auprès de la Coordination des Projets de la SNEL sarl (CDP/SNEL) et prendre connaissance des documents d’appel d’offres à l’adresse reprise ci-dessous, de 9h à 16h (heures locales, TU+1). 6. Les soumissionnaires intéressés peuvent acheter un jeu complet du dossier d’appel d’offres à l’adresse mentionnée ci-dessus sur présentation d’une demande écrite et moyennant paiement d’un montant non remboursable de trois cent dollars américains (300 $US). Le paiement sera effectué par versement d’espèces au compte n° 00101 0130403 37, intitulé SNEL VENTE DAO auprès de la Banque Commerciale du Congo (BCDC) /

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Kinshasa, code SWIFT : BCDCKI. Le Dossier d’appel d’offres sera envoyé aux soumissionnaires, contre présentation de la preuve de paiement, par courrier. Les frais d’envoi des dossiers aux acheteurs sont en sus et à charge de ces derniers. 7. Les Soumissions devront être déposées à l’adresse ci-dessous au plus tard le mardi 25 novembre 2014 à 15H00’ (heure locale, TU+1) sous pli scellé et doivent être clairement marquées « AOI n°021/PMEDE/SNEL/DG/CDP/DPM/GKW/2014/MF : La réalisation de forages de reconnaissance et l’installation des instruments d’auscultation sur l’aménagement hydroélectrique du site d’Inga). Les dépôts électroniques ne seront pas admis. Les soumissions présentées hors délais seront rejetées. Les offres soumises doivent être assorties d’une garantie de l’offre de : USD 27.000 (dollars américains vingt-sept mille) La garantie de soumission sera une garantie bancaire. Cette garantie de soumission demeurera valide pendant vingt-huit (28) jours au-delà de la date limite initiale de validité des offres, ou de toute nouvelle date limite de validité demandée par l'Acheteur et acceptée par le Soumissionnaire, conformément aux dispositions de la Clause 20.2 des IS. La période de validité initiale des offres est de cent vingt (120) jours. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui décident d’assister à la séance d’ouverture qui aura lieu le mardi 25 novembre 2014 à 15H30’ à l’adresse ci-dessous : La Coordination des Projets (CDP) _ Direction Générale de la SNEL Avenue de la Justice n°2381 - Quartier Socimat - Kinshasa / Gombe République Démocratique du Congo Tél : (00243) 81 7005428 ; (00243) 81 0040030 ; (00243) 813761128 E-mail : cdp.snel@yahoo.fr / masbumba@yahoo.fr / ilungaclaire@yahoo.fr / gerardkamo70@yahoo.fr Pour Le Coordonnateur des Projets ENDJONGA ESSIMBE Superviseur des Projets de Production

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AVIS D’APPEL D’OFFRES OUVERT INTERNATIONAL N°: GIE VIV/FRT 02/2014 Pour l’acquisition et l’installation de matériels d’irrigation par le GIE VIVRE IVOIRE ET ADCVI

Le GIE VIVRE IVOIRE ET l’ADCVI envisagent d’attribuer un marché de fournitures pour l’acquisition et l’installation de matériels d’irrigation. Ce marché est financé par l’Union Européenne dans le cadre du programme FLEX 2008 « Appui au secteur agricole » (10e FED). Le marché est divisé en deux (2) lots : ✓Lot 1 : fourniture et installation de groupes motopompes et de stations de filtration ; ✓Lot 2 : fourniture et installation de tuyauterie et kits de micro irrigation. Le dossier d’appel d’offres ainsi que le détail du présent avis de marché peuvent être obtenus gratuitement au : Siège du GIE VIVRE IVOIRE : Abidjan, Cocody II plateaux, Rue J40, îlot 149, lot 1528 Tél. : 22 41 58 31 De 07 H 30 à 16 H 30 La date limite de remise des offres est fixée au 21 novembre 2014 à 12 H 00. Toute offre reçue après la date limite ne sera pas prise en considération.

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Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

Afrique La fin de la torpeur ? DEPUIS LE DÉBUT du IIIe millénaire, livres et articles de journaux sur l’Afrique ont déserté le camp de l’« afropessimisme ». Se fondant sur des statistiques, ils parlent plutôt du « réveil du continent ». Non sans en souligner l’incidence au niveau de la coopération

internationale, l’Afrique étant un énorme gisement de ressources naturelles. Le continent est donc à l’honneur ; il n’a jamais autant eu la cote. Les grandes nations s’empressent de l’inviter pour « parler amitié et coopération ». On ne compte plus les sommets AfriqueFrance, Afr ique-Chine, Afrique-Amérique et autres

Afrique-Japon. L’Afrique, avec cette « nouvelle ruée vers le continent », qui tient aux 5,6 % de croissance qu’elle a réalisés en 2013, semble s’être mise en marche, prête à se délester de sa torpeur. Et ce n’est pas tout. Si la corruption persiste, si la dictature – de plus en plus déguisée – reste un mode de gouvernement (sauf en

Algérie-Maroc Maudite frontière C’EST AVEC UN GRAND INTÉRÊT que j’ai lu votre NIGERIA ShekAu, le cAlife fOu De bOkO hArAm dossier consacré à la frontière algéro-marocaine, région que je connais pour y avoir consacré un ÉGYPTE reportage en 2012. L’idée d’envoyer un Algérien côté SiSSi Sur tOuS leS frOntS marocain et un Marocain côté algérien était fort FOOTBALL SuppOrterS et ASSASSinS pertinente. Tant à Maghnia ou à Marsa Ben M’Hidi (ex-Port Say, pour les nostalgiques) qu’à Oujda ou à Saïdia, j’ai côtoyé des personnes qui avaient des membres de leurs familles de l’autre côté de cette maudite frontière. J’ai pu mesurer la souffrance de toutes ces familles – représentatives à elles seules ALGÉRIE-MAROC du Maghreb – depuis ce mois d’août 1994, qui restera ancré dans les mémoires de part et d’autre Vingt ans après la fermeture de la frontière commune, de cette frontière. J’ai pu ressentir cette impression de ne pas changer de pays une fois que l’on passe de l’autre côté. À Oujda, par exemple, j’ai pu voir, sur de p J.A. n° 2799, du 31 août nombreux étals, des marques typiquement au 6 septembre 2014. algériennes. Et comment ne pas penser à cet endroit si magique, si mystérieux, mais tout autant dramatique qu’est le quasi-croisement de ces axes routiers de part et d’autre de la frontière avec ces rangées de drapeaux, marocains d’un côté et algériens de l’autre, où Marocains et Algériens se saluent sans jamais pouvoir se toucher. Bien plus qu’une attraction – devenue touristique avec le temps –, ce lieu symbolise, avec le bien nommé lieu-dit Zouj Bghal, les relations tantôt passionnées tantôt orageuses entre Alger et Rabat. De part et d’autre de cette maudite frontière, ils – elles surtout – sont nombreux à en souhaiter la réouverture définitive. Pour beaucoup, il en va non seulement de l’avenir de l’Union du Maghreb arabe, mais aussi et surtout des relations politiques qu’entretiennent depuis les indépendances la République algérienne démocratique et populaire et le royaume du Maroc. À Ahfir (Maroc) comme à Boukanoun (Algérie), beaucoup souhaitent cette ouverture, avec une coopération active entre GGF [gardes-frontières] marocains et algériens dans le cadre de la lutte contre la contrebande, laquelle fait aussi d’énormes ravages entre l’Algérie et la Tunisie, d’El Tarf à El Oued, en passant par l’incontournable Tébessa. Ces pages passionnantes ont permis de découvrir les dessous d’une frontière fermée depuis vingt ans déjà. l Hebdomadaire international indépendant • 54e a!!é" • !o 2799 • d# 31 aoû$ a# 6 s"%$"&'(" 2014

jeuneafrique.com

La déchirure J.A. "s$ a))é %("!d(" )a &"s#(" d" *" gâ*+,s +,s$o(,q#". D’O#jda à O(a!, voyag" "! a's#(d,". ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT

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NOËL BOUSSAHA, journaliste franco-algérien, Annaba, Algérie N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

Afrique du Sud et dans quelques rares autres États), au moins les peuples ont-ils maintenant conscience de leurs propres responsabilités dans la marche politique de leurs pays. Le Printemps arabe n’était pas autre chose que cette volonté affichée des peuples de s’approprier leur destin. l JEAN-JULES LEMA LANDU, journaliste congolais réfugié en France

Extrémisme J.A. en retard ? U N E R É P O N S E au « Post-scriptum » de Fouad Laroui intitulé : « L’extrémisme pire que la cigarette. » (J.A. n° 2799, du 31 août au 6 septembre). Le billet fait mention d’une étude de trois chercheurs concluant que l’intégrisme nuit à la santé. Désolé pour vous, monsieur Laroui, et pour vos trois collègues universitaires : vous êtes en retard de plusieurs siècles. Car le prophète Muhammad (PBUH) avait déjà dit dans un hadith authentique : « Prenez garde à l’extrémisme dans la religion, car ce qui a perdu les gens avant vous, c’est l’extrémisme dans la religion. » l AMIR KHATTABI, Montréal, Canada

OIF Michaëlle Jean, pas au top DANS JEUNE AFRIQUE nº 2801, votre texte d’introduction à l’interview de Michaëlle Jean, candidate au secrétariat général de l’Organisation internationale de la francophonie, donne l’impression que la Canadienne réunit tous les atouts pour occuper le poste. Mais, après une lecture attentive de l’entretien, je m’interroge sur sa JEUNE AFRIQUE


Vous nous

FRANCOPHONIE APRÈS DIOUF, QUI ?

connaissance de l’Afrique. En dehors de l’évocation de ses dix visites d’État sur le continent, au cours desquelles elle a parlé « désir d’émergence, accélération de la croissance, renforcement des capacités de production », elle ne donne pas vraiment l’impression d’avoir un tropisme africain. Cela me semble pourtant utile pour une telle fonction. En tout cas, pour tous les candidats, la tâche s’annonce rude. Il faut dire que l’actuel Abdou Diouf a placé la barre très haut. En ce qui me concerne, à votre titre « Après Diouf, qui ? », je réponds : « Un Africain ! » l MARC DOUBAMGUI, Douala, Cameroun

Cameroun Le silence de la famille Guérandi JE SUIS un fidèle lecteur de Jeune Afrique depuis bientôt vingt ans. Votre article concernant l’ex-putschiste Mbara Guérandi me laisse perplexe (J.A. nº 2801, du 14 au 20 septembre). Bien qu’il soit assez fouillé et précis, il ne donne la parole à aucun des proches de Guérandi, ne serait-ce que pour dénoncer sa disparition. Par ailleurs, brandir cette « capture » aurait été un bon point pour le gouvernement camerounais. Pourquoi ce silence tant du côté de la famille que de celui des autorités camerounaises et burkinabè ? l ALAIN ANGOULA, Yaoundé, Cameroun

Réponse : En dépit de toutes nos tentatives, nous ne sommes pas parvenus à nous entretenir avec des proches du

jeuneafrique.com

Hebdomadaire international indépendant • 54e année • n° 2801 • du 14 au 20 septembre 2014

FRANCE NAJAT VALLAUDBELKACEM, CIBLE ET ICÔNE

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Le fantôme

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L’ancien chef putschiste et bête noire du régime Biya a disparu depuis près de deux ans. Révélations sur une affaire d’État. ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE France 3,50 € • Algérie 200 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1 100 MRO • Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 6 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285

u J.A. n° 2801, du 14 au 20 septembre 2014.

capitaine Guérandi, qui, pour des raisons évidentes de sécurité, préfèrent la discrétion. Cela dit, depuis la publication de notre article, nul n’a pris contact avec notre hebdomadaire pour en démentir la teneur (si ce n’est l’archevêque de Douala, Monseigneur Samuel Kléda, qui nie tout lien de parenté avec le capitaine Guérandi) ni pour affirmer l’avoir récemment rencontré. l LA RÉDACTION

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Fouad Laroui

bby@jeuneafrique.com

Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; courriel : redaction@jeuneafrique.com Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents : Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur de la publication : Marwane Ben Yahmed

Birmingham contre le califat

RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)

C

ETTE HISTOIRE DE CALIFAT proclamé par Iznogoud dans le nord de l’Irak est évidemment tragique, puisqu’on est à la veille de la deuxième ou troisième guerre d’Irak et que des dizaines de milliers d’innocents vont périr – ajoutez à cela les réfugiés chrétiens ou yazidis forcés de quitter des villes où ils étaient chez eux depuis des siècles, ajoutez les assassinats et les décapitations qui nous glacent d’horreur –, mais enfin le calife, sa barbe à poux et sa montre suisse ont aussi un côté grotesque, pour ne pas dire amusant.

Une illustration de ce côté farfelu du califat – on pourrait d’ailleurs faire des deux mots un seul : le califarfelu – nous vient de la bonne ville calviniste de La Haye. On y est confronté à un problème sérieux, celui de jeunes familles d’origine marocaine qui souhaitent s’installer dans le prétendu État islamique proclamé dans la foulée de l’instauration du califarfelu. Cet État islamique a ceci d’intéressant qu’il n’est ni l’un ni l’autre : ni État, ni islamique, de la même façon que le Saint Empire romain germanique n’était ni saint, ni empire, ni romain, ni germanique – la totale, quoi ; et cela ne l’a pas empêché de durer mille ans. Mais on s’égare. Revenons à Rachid, Salima et leurs deux bambins, tous natifs de La Haye, assez peu futés, très ignorants de la marche du monde, mais persuadés par l’imam du coin qu’en bons musulmans ils ne peuvent vivre que dans un État où la charia s’applique ; et où s’applique-t-elle aujourd’hui, mon bon monsieur, ailleurs que dans le califarfelu ? D’où : je vends mes maigres biens et je m’exporte avec femme et enfants vers ce lieu magique. Ce qui me fait rire dans cette histoire, ce n’est pas l’insondable niaiserie de ces écervelés mais la réaction d’un édile de La Haye, appelons-le monsieur Smit, qui a imaginé un plan génial pour dissuader les candidats au tourisme califarfelutique. Au lieu de s’évertuer à leur dire que leur projet de vivre dans l’islamisme et ses provinces n’est pas malin – on ne les convaincra pas –, pourquoi ne pas leur proposer un autre lieu où la charia s’épanouit sans risques pour les études du petit dernier et la santé de toute la famille ? Et monsieur Smit de sortir de son chapeau la bonne ville anglaise de Birmingham. Selon lui, des quartiers entiers de cette ville vivent selon la charia. On y trouve des écoles et des collèges islamiques. On y trouve même une université du nom de « Jamia Islamia Birmingham ». Dans ces quartiers, tous les bouchers sont halal, ainsi que les restaurants, les librairies et les coiffeurs. Et comme il y a peu de chances que Birmingham soit un jour rayé de la carte par l’US Air Force, on peut réellement y faire sa vie et y envisager une retraite paisible bercée par les versets du Coran. Birmingham contre le califarfelu : qui y aurait songé ? J’ai d’abord éclaté de rire puis j’ai compris que nous tenions là quelque chose de constructif, dans le droit fil du pragmatisme et du bon sens qui ont fait la prospérité du pays du gouda : chapeau bas, monsieur Smit ! l N O 2802 • DU 21 AU 27 SEPTEMBRE 2014

Fondateur : Béchir Ben Yahmed, le 17 octobre 1960 à Tunis

JEUNE AFRIQUE

Rédaction en chef : Élise Colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), Laurent Giraud-Coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Secrétariat : Chantal Lossou Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Michael Pauron (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa et Nadia Lamlili (Maghreb & MoyenOrient), Frédéric Maury (Économie), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux avec Olivier Caslin (Le Plus de J.A.), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Élisabeth Castaing, Sabine Clerc, Fabien Mollon Rédaction : Youssef Aït Akdim, Farid Alilat, Mehdi Ba (à Dakar), Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Rémi Carayol, Olivier Caslin, Julien Clémençot, Frida Dahmani (à Tunis), Georges Dougueli, Samy Ghorbal, Christophe Le Bec, Omer Mbadi (à Yaoundé), Mehdi Michbal (à Casablanca), Nicolas Michel, Haby Niakate, Cherif Ouazani, Laurent de Saint Périer, Joan Tilouine ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Renaud de Rochebrune ; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com), avec Fatou Tandiang RÉALISATION Maquette : Marc Trenson (directeur artistique), Christophe Chauvin (infographiste), Stéphanie Creuzé, Julie Eneau, Christian Kasongo, Valérie Olivier ; révision : Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol ; fabrication : Philippe Martin (chef de service) ; service photo : Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled ; documentation : Angéline Veyret avec Sylvie Fournier et Florence Turenne JEUNEAFRIQUE.COM Direction éditoriale : Élise Colette ; chefs d’édition : Pierre-François Naudé, Frédéric Maury (économie) ; rédaction : Joël Assoko, Elena Blum, Vincent Duhem, Jean-Sébastien Josset, Trésor Kibangula, Mathieu Olivier, Benjamin Roger Directeur technique : Julien Hédoux ; studio : Cristina Bautista, Jun Feng et Maxime Pierdet DIFFUSION ET ABONNEMENTS Vente au numéro : Sandra Drouet (responsable adjointe) ; Maty N’Dome (chef de produit) ; abonnements : AMIX, Service abonnements Jeune Afrique, 326, rue du Gros-Moulin, BP 10320, 45200 AMILLY. Tél. : 33 2 38 90 89 53, Fax : 33 2 38 98 41 15, courriel : abonnement-ja@jeuneafrique.com COMMUNICATION ET PUBLICITÉ DIFCOM (AGENCE INTERNATIONALE POUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATION) S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : regie@jeuneafrique.com Président : Danielle Ben Yahmed ; directeur général : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : Christine Duclos ; direction du développement : Florian Serfaty ; secrétariat : Chantal Bouillet ; chef de studio : Chrystel Carrière ; gestion et recouvrement : Pascaline Brémond ; service technique et administratif : Carla de Sousa Direction de la publicité : Laure Nitkowski, avec Catherine Weliachew, Virginie Vatin, Zehia Yahiaoui, Nsona Kamalandua (directrices de clientèle) assistées de Patricia Malhaire ; annonces classées : Fabienne Lefebvre avec Blandine Delporte, Richelle Abihssira, assistées de Sylvie Largillière Chargées de mission : Nisrine Batata, Zine Ben Yahmed, Fatoumata Tandjan REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES MAROC SIFIJA, Nabila Berrada. Centre commercial Paranfa, Aïn Diab, Casablanca. Tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16 TUNISIE SAPCOM, Mourad Larbi (m.larbi@sapcom-jeuneafrique.com) 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis. Tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522 SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT S.C.A. au capital de 15 millions d’euros. Principal actionnaire : Béchir Ben Yahmed Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484 TVA : FR47 784 683 484 000 25 Gérant commandité : Béchir Ben Yahmed Directeur général adjoint : Jean-Baptiste Aubriot ; secrétariat : Dominique Rouillon ; contrôle de gestion : Charlotte Visdeloup ; finances, comptabilité : Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche ; juridique, administration et ressources humaines : Sylvie Vogel, avec Karine Deniau et Adelaïde Grenier Club des actionnaires : Dominique Rouillon IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE : 1016C80822. DÉPÔT LÉGAL : À PARUTION. ISSN 1950-1285.




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