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Maghreb Moyen-Orient Algérie a accompagné à leur dernière demeure, au cimetière d’El-Alia, dans la banlieue est d’Alger, trois d’entre eux : Ahmed Ben Bella, Chadli Bendjedid et Ali Kafi. La rareté des apparitions publiques de Bouteflika ces dernières années a fait de ces funérailles nationales successives l’occasion pour les Algérois de voir « physiquement » leur président afin de se faire une idée précise de son état de santé. Et, visiblement, il ne va pas très bien. Lors des obsèques d’Ali Kafi, le 17 avril, Abdelaziz Bouteflika avait les traits tirés, le pas hésitant. Son proche entourage, notamment Saïd, son frère cadet et conseiller spécial, se tenait à ses côtés, en état d’alerte permanente. « À deux reprises, le président a eu des vertiges et a failli perdre l’équilibre », raconte un témoin présent à El-Alia. Pourtant, selon ses visiteurs étrangers les plus récents, parmi lesquels les Français Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, ou Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), tous deux longuement reçus, les facultés intellectuelles du président sont intactes, et sa mémoire des faits et des noms est phénoménale. Encore faut-il cependant que l’ouïe de son interlocuteur soit fine, car sa voix est devenue à peine perceptible. Saïd, « vice-roi ». Selon un officier supérieur de la base aérienne de Boufarik (30 km à l’ouest d’Alger), « quand l’agenda présidentiel s’emballe avec l’arrivée annoncée d’un chef d’État ou d’un émissaire étranger prestigieux, le Falcon présidentiel est systématiquement sollicité pour emmener le président en Suisse pour une remise en forme ». Ses accompagnateurs sont toujours les mêmes: les deux frères conseillers, Saïd et Nasser Bouteflika, et le professeur Messaoud Zitouni, spécialiste en oncologie et médecin traitant du président depuis son ulcère hémorragique de novembre 2005. La thérapie que subit le chef de l’État dans une clinique helvétique lui permet alors de faire face aux efforts physiques que nécessite une activité présidentielle soutenue. En revanche, en cas d’événement imprévu, comme la disparition d’Ali Kafi, il y a comme un vent de panique. Abdelaziz Bouteflika quitte rarement la résidence d’État de Zeralda et ne se rend au bureau présidentiel, à El-Mouradia ou à Djenane el-Mufti, où il reçoit ses hôtes étrangers, que lorsque son agenda le commande. Conséquence de la fragilité de son état de santé, il a dû abandonner à contrecœur l’appartement familial qu’il avait continué d’occuper au cours de ses deux premiers mandats et qui est situé au troisième étage d’un immeuble dépourvu d’ascenseur, dans le quartier résidentiel d’El-Biar. Le mal qui ronge Abdelaziz Bouteflika l’affaiblit et contraste avec l’omnipotence de l’institution présidentielle depuis son retour aux affaires. La révision constitutionnelle de novembre 2008 n’était pas seulement destinée n o 2729-2730 • du 28 avril au 11 mai 2013

q Bouteflika s’acquittant de son devoir électoral en compagnie de ses deux frères, Nasser (à g.) et Saïd, lors du scrutin législatif de 2007.

à lever la limitation des mandats, mais aussi à présidentialiser davantage le régime en retirant au Premier ministre son statut de chef du gouvernement au profit du locataire d’El-Mouradia, jetant ainsi aux oubliettes l’exécutif bicéphale en place depuis l’introduction, en 1989, du multipartisme. Mais bien que Bouteflika ait concentré l’essentiel des pouvoirs, son absence n’empêche pas la machine de tourner. Ministres, ambassadeurs en poste à l’étranger ou walis (préfets) continuent de recevoir quotidiennement ses instructions via Mohamed Rougab, son secrétaire particulier. Quant à ses coups de gueule, de plus en plus fréquents, Saïd se charge de les relayer, ce qui conforte sa position de « vice-roi ». Le président s’est par

FAYEZ NURELDINE/AFP

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ailleurs trouvé des jambes à travers Abdelmalek Sellal pour les visites dans le pays profond, qu’il n’est plus en mesure d’accomplir, et un visage, celui d’Abdelkader Bensalah, président du Sénat, pour le représenter à l’étranger. tabou briSé. Selon plusieurs sources concor-

une partie des islamistes et des démocrates appellent le président à rempiler.

dantes, le président aurait été fortement affecté par les récentes révélations sur des scandales financiers impliquant des personnalités de son proche entourage. S’exprimant dans la presse sous le sceau de l’anonymat, un proche conseiller du président affirme que « Bouteflika renonce à un quatrième mandat, non pas à cause de sa maladie, mais parce qu’il se sent trahi par les siens. À cela s’ajoute une forte déception née du mauvais bilan de son troisième mandat. » Ces propos surprenants ont provoqué un tollé à El-Mouradia. « Si j’ai des choses à dire à mon peuple, je ne le ferai pas de cette manière », aurait confié le président à un de ses rares visiteurs du soir. Un cadre retraité d’El-Mouradia qui a travaillé successivement avec jeune afrique


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