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Afrique subsaharienne Il est clair également que Guillaume Soro n’entend pas se désintéresser d’un dossier qu’il suivait presque heure par heure lorsqu’il était Premier ministre : la refonte de l’armée et le sort des exrebelles. « Je reste là, en back-office », promet-il. Le ministre délégué à la Défense, Paul Koffi Koffi, qu’il avait lui-même choisi, à qui il s’est efforcé de beaucoup déléguer et qui a été reconduit dans le nouveau gouvernement, servira de courroie de transmission. Quant aux Forces nouvelles (FN), dont il est le secrétaire général, il entend, assuret-il, s’en retirer, le poste étant incompatible avec une présidence de l’Assemblée « au-dessus de la mêlée ». Reste qu’il y a de fortes chances pour que ce retrait soit avant tout formel. Le nouveau secrétaire général, qui devrait être connu dans un ou deux mois après une réunion au sommet, ce sera lui et personne d’autre qui l’aura adoubé. Un moment caressée, l’idée de transformer les FN en parti politique est écartée depuis septembre 2011, quand celui qui était encore Premier ministre a décidé de se présenter aux législatives sous l’étiquette du Rassemblement des républicains (RDR), le parti de Ouattara. Une formation dont il se sent proche mais à laquelle il n’a pas – ou pas encore – adhéré, préférant attendre de voir si l’ambitieux projet de fusion organique entre ce parti et celui d’Henri Konan Bédié, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), prend corps. Chez Soro, on l’aura noté, le mot rassemblement revient fréquemment, comme s’il voulait en faire la pierre angulaire de son destin politique. PLAISANTERIE. L’avenir immédiat, c’est aussi

ISSOUF SANOGO/AFP

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AVEC L’ANCIEN PRÉSIDENT GBAGBO, en octobre 2008, à Katiola. C’est après le second tour de la présidentielle, le 28 novembre 2010, qu’il a définitivement rallié le camp de Ouattara.

une urgence : lever au plus vite l’hypothèque de la Cour pénale internationale (CPI), qui a déjà attrapé Laurent Gbagbo dans ses filets et dont les enquêtes rétrospectives s’étendent désormais jusqu’à septembre 2002, date de l’entrée en rébellion d’un certain Guillaume Soro. À la « Rester loyal envers le président, question « Vous senc’est le meilleur moyen tez-vous menacé ? », le nouveau président de préparer mon avenir. » de l’Assemblée nationale répond d’abord sur le ton de la plaisanterie : « Si j’en crois certains, il faudrait incarcérer tous les Ivoiriens, du plus grand au plus petit d’entre eux. Croyez-vous que la prison de Scheveningen contienne assez de cellules VIP? » Puis, il se ravise, redevient sérieux. La CPI, il le sait, a sa propre logique, ses propres mécanismes, sur lesquels nul n’a de prise, et – signe qu’il ne prend pas l’affaire à la légère – Guillaume Soro a fait plancher sa propre équipe de juristes sur « son » dossier. « Je n’ai été ni convoqué ni entendu par la CPI parce qu’il n’y a rien me concernant, dit-il. Je suis serein. C’est Gbagbo qui, en refusant le verdict des urnes, est le seul responsable des événements de 2011. N o 2671 • DU 18 AU 24 MARS 2012

Les FN ne sont entrées dans la guerre que pour y mettre un terme. Ni l’origine ni le niveau des crimes commis ne sont donc comparables. Si certains comzones sont poursuivis par la Cour, ils devront en répondre, mais cela s’arrêtera là. La CPI va juger Jean-Pierre Bemba ; elle n’a pas, que je sache, mis en cause Joseph Kabila. » Et la réouverture éventuelle d’une enquête sur les crimes commis par les rebelles à Bouaké en octobre 2002 et à Korhogo en juin 2004 ? « Des jugements ont été prononcés, des sanctions sont tombées contre les responsables. Je vois mal la Cour remettre cela en question », répond Soro. Serein peut-être mais aussi préoccupé, l’ancien chef de guerre sait que, dans la pire des hypothèses, Alassane Ouattara ne le lâchera pas. On le sent pourtant désireux d’être au plus vite soulagé de ce qui apparaît comme une sourde menace, histoire qu’elle ne vienne pas s’immiscer en travers de son destin. Car tout Abidjan, toute la Côte d’Ivoire en est persuadée: l’Assemblée nationale n’est, pour Soro, qu’une étape sur les marches du Palais. Lui, bien sûr, ne se découvre pas. « Mon seul objectif est de préparer la réélection d’Alassane Ouattara en 2015 », explique-t-il, avant d’ajouter : « Je pense que si je reste loyal, dans le sillon du président, comme j’en ai bien l’intention, c’est le meilleur moyen pour moi de préparer mon avenir. Après tout, il arrive que l’on rencontre sa destinée par le chemin que l’on emprunte pour l’éviter. » DÉPUCELAGE POLITIQUE. Sur ce point, Guillaume

Soro, dont le dépucelage politique est ancien, endosse les habits d’un enfant de chœur, qui ne lui siéent guère. Nul n’ignore en effet qu’il ne fera rien pour éviter ce chemin qui mène au pouvoir suprême, qu’il y pense en se rasant, qu’il s’y prépare,

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