Catherine Delmas Lett
Au pays des Pantouns
Peintures & Poésies Malaya
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pay u A
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a P s de
un o t n
Delmas-Lett
s
Pantun Sayang a rencontré celle qui signe volontiers l’e xp a tri é e
D
ans une maison rouge, une maison malaise traditionnelle de la côte Est de la Malaisie, là où le parfum chaud de la cire de batik assouplit le temps et avive les mémoires. Et le parcours et le travail de Catherine Delmas, des sables du Qatar à la jungle de la Belle Malaya, a suscité de vifs échos en nous, de notre premier concours sur le thème du batik jusqu’aux chants colorés des artistes malaisiens en passant bien sûr par Henri Fauconnier : des yeux pour regarder, mais aussi des oreilles pour écouter d’autres mondes, une piste qui reste bien alerte, en Pantounie… Georges Voisset
PRÉFACE
09
D
e mon séjour en Malaisie, j’ai retenu une leçon, on peut vivre avec presque rien, mais on ne peut pas vivre sans sa famille ni sans amis, je me retrouve face à d’authentiques fantômes personnels, ombres de mes peurs.
Mes journées vont varier d’un paysage de jungle puis de mer, où animaux sauvages et flore exubérante stimulent ma curiosité.... Peindre ne suffit plus pour m’exprimer, ma plume se lance dans la rédaction de Pantouns, avec un plaisir sensuel. Les mots se mêlent au médium, prennent les couleurs du mélange, fusionnent avec le tableau. Je vis dans un conte, sur une planète ocre et verte d’une odeur sauvage où les animaux se déplacent discrètement, jouent à cache-cache, s’approprient le décor sans crainte. Il me faut de longs mois avant de les voir, et encore d’autres longs mois pour comprendre les risques. Sur un chemin bellement arboré à la sortie d’une large courbe, dans un dernier rayon de soleil, elle scintille à la lumière du soir, celle qui sera mon havre atelier et port d’attache de longues années. La technique des batiks, oeuvre d’art sur étoffe, me fascine, une autre vie s’ouvre devant moi, je vais à la rencontre de ces artistes étonnants. J’ouvre le livre plein d’images et me perds dans des rêves colorés.
VISION D’UN VOYAGE ÉPHÉMÈRE
010
J
’ai voyagé dans le petit désert de dunes, longé la mer au Sud, je me suis enlisée dans le sable, puis après un dîner autour d’un feu, sous une tente de coton blanc, je me suis endormie. J’ai traversé le pays sous le soleil de midi quand aucune ombre ne dessine le relief, marché en ville au bord de l’eau au coucher du soleil et admiré le lever de la lune, ses reflets dans la mer miroir, mélangés aux lumières des tours à peine achevées. Dans mon carnet d’esquisses, j’ai dessiné ses paysages éphémères
VISION D’UN VOYAGE ÉPHÉMÈRE
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Course au clair de lune
CONTRASTE ET TRANSITION
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Entre deux mondes, le ciel et l’eau, le désert et la jungle Lumière blanche brutale Douceur envoûtante aux tonalités étranges Vaste espace, désert de sable et de sel Petite jungle dense et touffue Clarté resplendissante Brumes vaporeuses Nuage de sable Brouillard de pluie Pièces d’un puzzle Capturées par le vent Images éternelles à jamais Gravées dans ma rétine
CONTRASTE ET TRANSITION
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Bruissements d’ailes
TERENGGANU MALAISIE
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Paka
N
ous sommes arrivés sur la côte Est de la Malaisie en juillet 2015. Paka est une petite ville côtière, c’est là que nous avons posé nos valises, et moi mes toiles et mes pinceaux dans une ravissante maison entourée de verdure en bord de mer.
TERENGGANU MALAISIE
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La maison bleu plage de Dungun
TERENGGANU MALAISIE
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E x c u rsi o n s
Les cascades de Chemerong sont un plaisir pour les yeux, l’eau est limpide et fraîche, très agréable dans ce pays chaud et humide, les Malais y pique-niquent le week-end et barbotent à son pied. Le sommet de la cascade est accessible en quelques heures, avec ou sans guide. Le Terengganu, état de Malaisie, se situe sur la côte orientale de la péninsule. Ses paysages encore sauvages, sont magnifiques !
La mer, vous tente, l’île de Tenggol au large de Kuala Dungun vient d’être aménagée. Ces fonds marins regorgent de poissons. Juste un tuba et des lunettes
TERENGGANU MALAISIE
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Le voyage des amoureux
TERENGGANU MALAISIE
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Au
q u o ti d i e n Pasar*
K
uala Dungun au Nord de Paka, jouit d’une baie remarquable, avec de splendides levers du soleil sur la mer de Chine. C’est à Dungun que je fais mon marché, j’y découvre quantité et variétés de poissons et crustacés. Les fruits et légumes sont cultivés par les maraîchers locaux, vous n’y trouverez que des produits de saison. En bord de mer, les paillotes se côtoient, elles proposent une nourriture locale à des prix très raisonnables. Le batik fait partie de la culture du pays, il diffère du batik indonésien par un style plus épuré et des motifs couvrant de plus grandes surfaces de tissu. Nous habitons une maison malaisienne, construite il y a une vingtaine d’années, dans la tradition locale, plafonds et sols en bois sombres, avec un confort presque « moderne ».
* Pasar Le marché
TERENGGANU MALAISIE
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Gouache réalisé en mars 2020 lors du confinement en Malaisie. La maison du peintre
JUNGLE DE LA BELLE MALAYA*
020
Le
te mp s
d’une
si e ste
M
es gardes du corps dorment l’oreille attentive… Le temps fuit doucement, le danger sommeille, la mer à l’est, la forêt au nord, la montagne au sud, à l’ouest c’est une plantation. Panorama avenant aux douces couleurs chaudes, de verts tendres et affables, rien de brutal… Piège de torpeur, guet-apens pour néophyte ! Les cachettes sont nombreuses dans ce décor bucolique, facile de se fondre, mélanger formes et couleurs, racine d’arbre trompeuse, corps de varan, liane de branche négligemment suspendue, petit serpent vert-jaune l’oeil les perçoit difficilement juste un battement une oscillation peut l’avertir, mes gardiens savent d’où vient la menace. Au pays des Pantouns tout s’harmonise à merveille, quantité d’oiseaux nichent dans les feuillages, ils ne sont pas redoutables Là commence mon histoire, dans cette étendue naturelle, équilibre d’un monde… Mon monde. Signé mes gardiens
* British Malaya, au temps de la colonisation britannique
Au pays des Pantouns
JUNGLE DE LA BELLE *MALAYA
CHARME ET SOBRIÉTÉ
022
Le
J
chant
des
co uleurs
e suis tombée sous le charme discret des maisons en bois peint de Malaisie, à l’ombre de cocotiers aux troncs filiformes, qui structurent et rythment l’espace dans sa verticalité, sur fond d’horizon alterné de plaines et montagnes. Un voile de brume chargé d’humidité flotte sur les cimes, la gamme des verts s’étend des jaunes aux turquoises jusqu’à saturation. C’est dans cet écrin que je les découvre, simples et belles dans leur habit de couleurs. (rouge, bleu, vert, jaune, mauve)
CHARME ET SOBRIÉTÉ
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Chaude lumière d’un soir d’été
CHARME ET SOBRIÉTÉ
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La
d a n se
des
âmes
Maison rouge Dans un écrin un diamant Au clair matin, clin d’oeil à la lune En habit rouge Sur onde de tempête indigo Adorable et intemporelle Refuge discret Des ombres fantomatiques Rôdent autour Charme et sobriété « La danse des âmes »
CHARME ET SOBRIÉTÉ
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Histoires de Pantouns
CHARME ET SOBRIÉTÉ
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Au
gré
du
ve n t
Pokok mangga ou mempelam Pelam*
À
l’ombre d’un manguier, d’un bleu céleste, érodé par les moussons, sa silhouette dans la pénombre, ondoyait au gré du feuillage porté par la brise, ...le soleil au zénith.
Au loin, un halo de brume, jetait une clarté diffuse sur la mer, d’où les vagues ondulaient, puis s’étiraient en un mouvement perpétuel.
* l’arbre manguier Pokok mangga ou mempelam *Pelam Le manguier dans le terengganu Le fruit Buah
CHARME ET SOBRIÉTÉ
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À l’ombre du manguier
PARADIS DES ANIMAUX
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L’ i m p e r c e p t i b l e
gre n o u i l l e
Katak ou Kodok*
N
ature sauvage... Imprévisible… Extraordinaire… La vie… Imperturbable, elle ne bouge pas La brume s’étire laisse place au soleil… Paralysée, elle écoute… Et d’un élan disparaît dans l’ombre, son empreinte derrière elle !
* Katak la grenouille Kodok pour les anciens
Un autre monde
PARADIS DES ANIMAUX
PARADIS DES ANIMAUX
030
L’ é c u r e u i l
n o i se tte
et
la
noix
de
coco
Kelapa dan tupai*
J
e l’entends rouler sur ma terrasse, ce doit être le vent. Comment le vent peut-il pousser une si lourde charge. Elle roule pourtant, et même change de direction quelque chose de bizarre. Les esprits, probablement, ils m’ont parlé d’eux, ils sont souvent présents dans les vieilles maisons de Malaya. Dois-je croire leurs histoires, la raison est autre. Attentive à nouveau, mon regard s’accroche à cette grosse boule de bois qu’ils appellent *kelapa (ou *nyor dans le Terengganu) son avancée est très irrégulière, soudain elle file dans la pente, poursuivie par un animal trois fois plus petit qu’elle. Je ris de ma frayeur, c’est un *tupai (écureuil noir) acharné à l’ouvrage, il n’a pas vu ma présence et celle de Noisette ! Ce sont les fantômes du jardin, étoiles filantes, en habit noir, malicieux petits êtres au doux trémolo.
* Kelapa ou nyor la noix de coco Tupai l’écureuil
Fantômes
PARADIS DES ANIMAUX
La vie les surprend parfois en pleine action, leur mouvement suspendu à l’infini. Podeck le jardinier confirme, cette vie terminée au pied d’un Jasmin parfumé, il reposera là, sa tête en direction de La Mecque Signé, le chat Noisette et l’écureuil malicieux L’écureuil noisette et la noix de coco
PARADIS DES ANIMAUX
032
Te rre u r
n o c tu rn e
Un bruit dans la nuit Froissement de feuilles Seule dans la pénombre Portes verrouillées Un chant d’oiseaux Le trille d’une cigale
Sens en alerte
Un intervalle ... Silence étouffant
Minute heure Un siècle, une seconde
* Ramboutan arbre à fruit tropical d’Asie appelé aussi litchi chevelu
Un son sec Un coeur s’emballe Bat la cadence Ils grognent, crient, sautent Dévalisent le ramboutan* Alors, s’évaporent dans l’ombre D’un rideau de branches Au voilage de feuilles Signé les singes malicieux
« Un bruit dans la nuit »
PARADIS DES ANIMAUX
PARADIS DES ANIMAUX
034 O i se a u x
des
é to i l e s
Burung layang-layang*
Une lumière apparaît. Branche après branche Arbre après arbre Le dernier tombe
Un grand vide s’installe, Une étendue ensoleillée s’ouvre devant moi J’avais une forêt J’ai une plaine Vue sur fleuve
Le soleil tourne, arrive l’heure entre chien et loup Un bruit haut dans le ciel, une poussière d’essaim vibre
* Burung layang-layang oiseau hirondelle burung layang cerf-volant
Descend gonfle
PARADIS DES ANIMAUX
Je dirige mon regard vers les étoiles Mon coeur s’arrête, se serre Ils tournent cherchent… Cherchent encore… Retournent , plongent Un désespoir s’abat sur eux… Nous savons que tout est perdu. C’était leur demeure, leurs petits, leurs vies !
Cri
du hornbill
Oisillons étoiles du destin Signé les oiseaux du
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Une
d é sa gré a b l e
re n c o n tre
Ils sont trois petits chatons, nés depuis peu ! Leur mère est malade, c’est avec un biberon taille xxs que je les nourris. Le temps flotte, l’air est humide, je couvre le panier, pour les protéger et m’apprête à rentrer. Avant même de le voir, mon oreille perçoit le glissement léger, sent son souffle, lentement, mon corps se tourne, reste figé, il est énorme, me regarde, j’ai à peine le temps de me mettre à l’abri, qu’il se jette sur la lourde porte en bois ! Je hurle de frayeur, ses coups résonnent avec un bruit sourd, le bois est solide, elle devrait résister à l’attaque ! Soudain, c’est le grand silence, mes chatons ne miaulent plus, prudemment, je m’avance vers la fenêtre, il est là, tourne sa tête avec lenteur à droite, puis à gauche, il ne voit pas derrière la vitre, son corps est inerte, lourd…
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L a mais on d ’A mir ah
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Je tremble, la panique me paralyse, mon cerveau ne répond plus, il est là le téléphone, juste appeler, facile… D’abord, une photo, ma main est sans force, j’y arrive… Voilà clic clac… Il n’a pas bougé, patient, il attend, devant ma porte, animal préhistorique, d’un autre temps, je pense à Jurassic Parc… C’est drôle ! Ils sont là, bâtons en mains, je ne me souviens plus des mots, hurlés dans le téléphone ! Ils sont arrivés vite, ils leur faudra beaucoup de courage pour le déloger de mon paillasson. C’est fini… Ma tête, est vide et le panier aussi, je pleure mes chatons, avalés par ce monstre. Signé l’horrible Varan
PARADIS DES ANIMAUX
Varan & compagnie
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PARADIS DES ANIMAUX
040 Balade Berjalan-jalan dipantai*
Chacune de mes sorties est une aventure. Celle d’aujourd’hui ne déroge pas à la tradition.
J
’emprunte un sentier qui longe la mer houleuse, il sillonne entre de hautes herbes, tantôt s’arrête, bloqué par une branche que j’enjambe avec précaution, et reprend sa forme jusqu’au nouvel obstacle.
Une brise légère chasse l’humidité et incommode moustiques et insectes volants. La balade est agréable, je me détends, avance d’un pas sûr. De longues années me séparent de mes laborieuses vadrouilles en Malaisie. J’aime me sentir libre, hors de danger. Le site est magnifique, l’air est délicieux. L’odeur subtile d’arbres à fruits embaume et m’enivre. Je progresse à grandes enjambées vers la partie plus sauvage du parc, mes craintes redoutées refluent. Un voyant rouge s’allume quelque part dans un coin de mon cerveau. Je perds un peu de mon assurance, ralentis le rythme, m’arrête pour mieux écouter. D’un oeil averti, je fouille la végétation qui m’encercle, rien n’est visible ni audible. Je reprends ma marche d’un pas devenu incertain. Cependant, la voie est libre, pourtant mon instinct me commande de faire demi-tour.
* Berjalan-jalan dipantai balade sur la plage
Flâneries
PARADIS DES ANIMAUX
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Sawa padi rice
PARADIS DES ANIMAUX
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Soudain, mes yeux repèrent une anomalie, le temps qu’il faut à mon cerveau pour analyser ce qu’il voit et c’est l’affolement ! En toute logique je ne risque rien, mais la vue de ce spectacle me répugne, si je poursuis mon trajet, il me sera difficile de les éviter. Un courage que je ne me connais pas force mes jambes à suivre ce chemin, je tente de contourner soigneusement le danger qui le bloque ! Ma curiosité a pris le dessus, je fixe la scène qui se déroule à quelques mètres de moi, le combat qui s’est livré peu de temps avant mon arrivée prend fin. Un énorme python en est le vainqueur, la victime est un varan de belle taille imbriqué dans la bouche distendue du reptile, prisonnier sans espoir de survie, je me demande même s’il vit encore, sa tête et une partie de son corps engloutis dans les entrailles du serpent. Mon regard ahuri capture ces clichés qui déjà, je le sais vont empoisonner mes nuits. Signé le python glouton
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044 Vo l
audacieux
d’un
p ri x
Go nco urt
Fenêtre sur jungle L’auteur : « Je connais les récits d’Henri Fauconnier, bien que le livre commandé quelque temps déjà, a dû être emprunté dans ma boîte aux lettres par quelques singes malicieux. » Georges Voisset : « Eh bien en voilà un épisode bien digne de ce que raconte Henri Fauconnier lui-même, ce vol audacieux d’un prix Goncourt ! Faut-il espérer qu’on en aura un jour un retour poétique, surprise à l’AFP ( Amis des Pantouns Francophone ) » Épisode conté par le singe macaque grand-mâle . Le plaisir mû en impatience, de lire le livre « Malaisie » n’était pas satisfait. Plusieurs semaines que le paquet aurait dû être livré. D’interminables vérifications à la poste locale, suivie de vives discussions, m’apprennent que mon très cher ouvrage était bien arrivé. Mais alors ? Aux dires des voisins, un petit colis cartonné est resté quelques heures sur le poteau qui fait office de boite aux lettres. Sourires béa, ricanements dans mon dos, des explications difficiles à suivre, de mystérieux détails, ce livre d’Henri Fauconnier est une énigme.
PARADIS DES ANIMAUX
Fenêtre sur jungle
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Le chapardeur Et soudain, deux yeux brillent à travers la sombre jungle. Ils surveillent l’homme qui s’éloigne, d’autres viennes et enfin le moment attendu est là. L’animal s’élance hors de l’abri et d’un geste habile s’empare du colis. Il tourne la tête, au loin, arrive une femme pas comme les autres. Elle le fixe et fait immédiatement demi-tour, songeur… Il s’évapore dans l’ombre de la jungle. Un petit comité mélange de jeunes et de vieux, l‘attendent. Curieux, ils guettent, l’ouverture de ce mystérieux emballage de carton. Les petits sautillent, de la joie dans leurs mouvements, un bonheur pour les vieux, tous aiment les surprises. Grand Mâle s’acharne sur les scotchs qui cèdent sans grande résistance. Il en sort quelque chose qui ressemble à un livre. Les petits sont déçus, ni nourriture ni jouets… Juste du papier, rien que du papier. Grand mâle s’interroge. Une idée germe, passe, flotte devant ses yeux puis se fixe dans son cerveau. Ce livre contient certainement un trésor, il a fait le tour du monde avant d’atterrir sur cet insignifiant poteau, c’est écrit là sur le timbre, il vient de France. Grand mâle décide de lire le livre à la colonie de macaques. Il prépare sa voix de ténor et après un puissant raclement de gorge le silence s’impose. Des oreilles tendues attendent de connaître les secrets de « Malaisie » .
PARADIS DES ANIMAUX
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Le planteur Lescale, héros du livre vient de France, son ami Rolain l’a persuadé des beautés de la belle Malaya. C’est dans les tranchées pendant la grande guerre qu’ils se sont connus. La guerre terminée, des images dans les yeux, Lescale s’installe en Malaisie et finit par retrouver son ami Rolain. La lecture du livre passionne les petits singes, Grand mâle raconte avec ardeur et verve les descriptions de la Jungle, tous reconnaissent leur forêt avec ses plantations et ses petits bungalows sur pilotis, toujours invisibles. Des variétés de plantes et fleurs exotiques toutes plus belles composent ces jardins aux multiples verts. Lescale ignorait les splendeurs de la jungle. Les petits étaient fiers d’être de ce pays si bellement décrit dans cet étrange livre. Ils étaient sous le charme de cet auteur venu d’ailleurs conter leur histoire. De cette première nuit dans la jungle, tous découvraient ce que pourtant, ils connaissaient eux animaux des arbres. « Le reveil de la jungle, au moment où la lueur de la lune montante commence à s’y infiltrer. C’est fait de frôlements et cela monte comme une marée qui froisse le sable. On sent que s’agitent partout d’innombrables êtres furtifs. C’est un tumulte sans bruit. Mais parfois cela se précise. Ainsi, pendant longtemps, deux appels clairs, comme des abois brefs, se répondirent. C’était un couple de panthères qui chassaient ensemble, mais je l’ignorais alors et essayais vainement de déchiffrer cette étrange musique. » Les petits singes prirent peur à la lecture de ce couple de panthères, et s’empressèrent de grimper le plus haut possible à la cime de la canopée, trop haut pour une panthère. Grand mâle dû les calmer, ce n’est qu’une histoire, les panthères sont rares de nos jours, même le père de Grand mâle n’en avait jamais croisé de son vivant !
PARADIS DES ANIMAUX
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Bukit Sampah La lecture repris, c’était au tour du tapir venu la nuit reniflé sous le bungalow, voir si on n’a pas oublié quelques morceaux de savon… C’est un gourmet. Les petits singes n’ont pas peur du tapir, il est trop lourd pour les attraper. Ils découvrirent que les écureuils tricolores, leurs compagnons d’arbres aiment les peaux de banane, et qu’une bande de singes comme eux piaulait dans les branches. Ils étaient ravis d’être cités dans ce livre.
La plantation de Lescale se situait à Bukit Sampah la colline poubelle ! Explosion de rire chez les guenuches (bébé singe) ahhhh ces étrangers ne savent pas les noms d’ici pour être aussi naïf ! Choisir un tel lieu ! Grand mâle dû à nouveau calmer ses auditeurs. Un passage du livre restera dans la mémoire de chacun, l’émotion à fleurs de peau. C’était ce moment où rien ne laisse deviner l’approche du matin. « Et soudain une petite brise qui semble sortir du sol frôle les feuilles avec le bruit d’un rideau qui se lève. Et aussitôt voici le « Te-te-goh », l’oiseau des crépuscules, qui sème dans l’air ses trois notes claires… Te ! Te goooh… « »D’autres oiseaux, peu à peu, interviennent. Manifestions timides, on se siffle, on s’appelle. Puis les ritournelles se précisent. Chaque instrument a son refrain préféré. Bientôt les rythmes se mêlent, l’orchestre au complet vibre et module, orchestre léger de xylophones, fifres et pipeaux, et parfois un petit tour de crécelle, un coup sur un tambourin…Mais tout ce babil naïf et un peu désordonné des oiseaux n’est que prélude. Des voix plus sonores se détachent des cimes lointaines. Le son est flûté, mais plein et souple, comme d’une flûte qui aurait le calibre d’un tuyau d’orgue et possèderait toutes les ressources de glissement, du grave à l’aigu, du violoncelle. Un chœur nombreux s’organise. À mesure que croît la lumière et que les brouillards du matin s’évaporent, un long crescendo d’interrogation de plus en plus hautes, rapides, passionnées, s’élève. Et quand le soleil jaillit enfin des montagnes, cela s’épanouit en une longue acclamation. »
PARADIS DES ANIMAUX
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Bukit Samba
PARADIS DES ANIMAUX
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« C’est l’hymne grandiose des singes gibbons »
…Stupeur dans l’assemblée ! Après une si belle description des musiciens, cette fin au sujet des gibbons planta une pointe de jalousie dans le cœur des macaques. Pourquoi avoir cité le gibbon leur ennemi !… Ils décident unanimement de railler ce passage du livre pour le remplacer par : « l’hymne grandiose du singe macaque « Satisfait la lecture reprend « La jungle vibrera des trilles lents des cigales ».
Ils grincent tous des dents. Les cigales encore elles, vedettes des touristes, elles tiennent l’orchestre tant que le soleil brille, égoïste qu’elles sont. Décidément, ils préfèrent les grenouilles qui entrent en scène à la prière du soir, la saison des pluies venues. Il pleut beaucoup en Malaisie. Ce sont des pluies courtes et chaudes, qui estompent la jungle, dans un mélange audacieux de couleurs d’outremer et de Véronèse, qu’une touche gris de paynes rehausse.
PARADIS DES ANIMAUX
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Gouache réalisé en mars 2020 lors du confinement en Malaisie.
Rivière d’outremer au véronèse
PARADIS DES ANIMAUX
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Toutes ces représentations de leur habitat sont douces à entendre, mais grand mâle stoppe sa lecture. D’un regard grave, il annonce à la communauté de singe, ce livre ne nous appartient pas, nous devons le rendre à cette dame de la maison au bout du chemin. Les singes sont déçus, heureusement leur mémoire est bonne, le livre Malaisie y restera gravé. Grand mâle l’ouvrage sous le bras, prend le chemin de la maison en lisière de jungle, le cœur gros, résolu de faire connaissance avec cette étrange femme aperçu de loin, qu’un mystère enveloppe. Il longe la clôture, la franchit, et d’un bond atterri sur le toit de cette immense demeure. Quel étrange endroit !… Pleins de fenêtres et de portes. Les pièces sont dans une pénombre improbable, seule le studio est traversé d’un rayon de soleil, l’air est chargée d’odeurs de térébenthine, d’huile de lin, une agréable musique berce l’espace, un temps suspendu, les pales du ventilateur au plafond brassent l’air, la poussière sautille joyeusement dans la lumière du soir. Une femme est assise sur une marche, ce n’est pas la dame du chemin, … Elle me voit, fait un signe de la main dans ma direction. Une forme floue apparaît en arrière-plan, elle est là, tranquille, pinceau à la main, l’étrangère. Grand mâle, découvre d’un seul regard, le monde enfermé de celle qui par rêve d’évasion, dessine la vie de la terre. FIN
Vol audacieux d’un prix Goncour t
LE BATIK
054 Le
p a rfu m
de
la
c i re
Artistes de l’ombre Artisans des couleurs Peintres et poètes Tous le sont* Le principe du batik consiste à dessiner sur le tissu le motif final à reproduire. Un plaisir inattendu m’attend dans cette région du monde, je découvre l’art du batik et ses artistes inconnus, artisans d’un autre âge, personnages fantastiques. Dans une chaleur oppressante, aux odeurs acides ! Des tissus colorés flottent, horizontal vertical superposé. Un peu de nature envahit cet atelier sans murs… *atau yang lain bayang-bayang... tukang warna... Pelukis penyair... semua adalah... J’ai commencé par un travail de recherche sur les animaux dans le batik et plus particulièrement sur les batiks du sud-est asiatique, l’Indonésie, la Malaisie… Installée à l’orée d’une petite jungle sur la côte Est de la Malaisie, je constate en étant si près de la nature à quel point les animaux envahissent notre quotidien ! L’importance du détail, le choix du motif, la profusion d’images nouvelles, prétexte au thème des animaux dans la nature, entrée insolite, pour raconter mon histoire. Mes oeuvres picturales s’associent à des récits d’hier. J’apprends un peu de cette technique ancestrale, dans ces dessins aux larges aplats de couleurs d’une modernité étonnante.
* Tjanting à la main... J’avance sur le batik
*Récipient en métal pour peindre avec de la cire liquide
« Notre planète »
LE BATIK
LE BATIK
056 C ré a ti o n Froissement de feuilles Ombres fantomatiques Voile de silence Douceur envoûtante Trille des cigales Cri du calao
Seule, pinceau à la main J’avance sur la toile
LE BATIK
Tr ill e nt d e s c i ga l e s
Lumière jaune Variations de couleurs Aux tonalités étranges
Gouache réalisé en mars 2020 lors du confinement en Malaisie.
Ritournelles
Re me rc i e me n ts
Je remercie chaleureusement, mes amis malais, Saridi et Podeck les jardiniers, Wanhusin le peintre, Ayu vétérinaire dans l’âme et plus particulièrement Lily ma confidente et traductrice et bien d’autres encore, qui m’aident quotidiennement dans mes recherches et compréhension du monde qui est le leur. Sans eux ce livre n’existerait pas.
B i o gra p h i e
1962 Naissance à Paris de Catherine et Elisabeth Lett jumelles 1963-1968 Années d’insouciences dans la cristalerie de Valérystal 1979-84 Formation artistique à l’«académie Julian» Paris rue du dragon 1984 Diplôme de ESAG Penninghen 1987 Mariage avec Francois Delmas 2000 Avril 2000 1er expatiation au Qatar qui durera 15 ans 2009 Mars 2009 le «Wakif Art Center» de Doha organise une exposition «Vision d’un voyage éphémère» 2015 Mars 2015, le voyage éphémère se termine,«Poésie du désert» une exposition au milieu du désert clôture quinze années de recherche artistique
2015 En juin 2015 départ pour la Malaisie dans l’état du Terengganu à la lisière de la jungle du «Taman Negara» face à la mer de Chine. 2016 Découverte des pantouns malaisien grâce aux lettres de Malaisie. 2017 Participe à l’exposition «Usung Heroine» qui célèbre le courage des femmes birmane réfugiées en Malaisie. «Tenaganita Tanma NGO Malaysia for the Burmese refugees». . 2018 Pantun Sayang publie quelques-uns de ses poèmes dans sa revue «Pantouns» numéro 22 2021 Janvier 2021 déménagement à Singapour
Table
des
i l l u stra ti o n s
Photo couverture Jackfruit Kerthe House Avril 2018 Huile marouflé sur papier de soie et toile de coton Page d’accueil Farandoles animales à Paka Illustration sur tablette numérique Janvier 2021 Page 7 Photo de l’artiste Malaisie 2018 P a g e 11 Course au clair de lune Mars 2015 huile sur toile Pa g e 13 Bruissements d’ailes Mars 2015 huile sur toile Page 15 Une maison bleu à Dungun Huile marouflé sur papier de soie et toile de coton Mai 2017 P a g e 17 Le voyage des amoureux Encres et feutres dans «livre de mes rêves» Pa g e 19 La maison du peintre Gouache réalisé en mars 2020 lors du confinement en Malaisie. Mars 2020
Page 27 À l’ombre du manguier Huile marouflé sur papier de soie et toile de coton Avril 2019 Page 29 Un autre monde Huile marouflé sur papier de soie et toile de coton Mai 2016 Page 31 Fantômes Dessin à la plume dans «livre de mes rêves» Page 33 Un bruit dans la nuit Gouache dans «livre de mes rêves» Juin 2017
des
Page 25 Histoires de Pantouns Huile marouflé sur papier de soie et toile de coton Juin 2017
Table
Page 23 Chaude lumière d’un soir d’été Huile marouflé sur papier de soie et toile de coton Janvier 2017
i l l u stra ti o n s
Page 21 Au pays des Pantouns Huile marouflé sur papier de soie et toile de coton Mars 2018
Table
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i l l u stra ti o n s
Page 35 Cri Huile marouflé sur papier kraft et toile de coton Mai 2019 Page 37 L a mais on d ’A mir ah Huile marouflé sur papier kraft et toile de coton Juillet 2018 Page 39 Varan & Compagnie» Gouache «livre de mes rêves Septembre 2017 Page 41 Flâneries Huile marouflée sur papier de soie et toile de coton Novembre 2019 Page 42 Sawadi padi rice Dessin à la plume dans «livre de mes rêves» Février 2019 Page 45 Fenêtre sur jungle Huile marouflé sur papier kraft et toile de coton Mai 2020 Page 49 Bukit Samba Dessin aux feutres «Livre de mes rêves»
Page 51 Rivière d’outremer au véronèse Gouache réalisé en mars 2020 lors du confinement en Malaisie.
Page 57 Tr i l l e nt d e s c i g a l e s Huile marouflé sur papier de soie et toile de coton Novembre 2015 Page 58 Ritournelle Gouache réalisé en mars 2020 lors du confinement en Malaisie. Avril 2020
Page 59 Remerciements Page 60 Biographie
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Page 55 Notre planète Huile marouflé sur papier de soie et toile de coton Septembre 2016
Table
Page 53 Vol audacieux d’un prix Goncour t Huile marouflé sur papier de soie et toile de coton Avril 2020
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Mars 2020
D
ans un équilibre précaire, elle tend son cou, l’étire, se contorsionne, trébuche… tombe et recommence !
La brebis aime les mangues. Elle doit partager son butin avec un coq arrogant, une oie hautaine… Et … Moi . L’arbre ploie sous les fruits lourds et juteux. Des branches reposent sur le toit en tôle d’une maison légèrement bancale. Une scène des plus drôles… Une vache noire observe ce manège, indécise pour elle-même.
F a ra n d o l e s
animales
La danse se poursuit, la biquette bat des pattes, les fruits à porter de mâchoires. Elle bêle … Brusquement, une fenêtre s’ouvre, apparaît la silhouette furieuse de mon voisin. Nous sommes en mai 2020, notre seule source alimentaire sont les fruits des arbres. La compétition est rude entre l’homme et l’animal.
CET OUVRAGE A ÉTÉ COMPOSÉ PAR CATHERINE DELMAS LETT ET LES ÉDITIONS PRODIGIEUSES Copyright © 2022 by Catherine Delmas Lett All right reserved. No part of this book may be reproduced in any form without written permission from the publisher.