PubliĂ© par la SociĂ©tĂ© des publications du Daily, une association Ă©tudiante de lâUniversitĂ© McGill
Le DĂ©lit est situĂ© en territoire KanienâkehĂĄ:ka non cĂ©dĂ©.
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PubliĂ© par la SociĂ©tĂ© des publications du Daily, une association Ă©tudiante de lâUniversitĂ© McGill
Le DĂ©lit est situĂ© en territoire KanienâkehĂĄ:ka non cĂ©dĂ©.
DOMINIKA GRANDâMAISON | Le dĂlit
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Le projet du Nouveau Vic, entrepris en partie par McGill dans le but de rĂ©nover et de dĂ©velopper lâHĂŽpital Royal Victoria, devait pouvoir accueillir une nouvelle infrastructure permettant la recherche, lâenseignement et lâapprentissage autour de systĂšmes de durabilitĂ© et de politique publique. EntamĂ© en 2014, ce projet dâenvergure reprĂ©sente un investissement dâun peu moins dâun milliard de dollars rĂ©parti entre McGill et le gouvernement du QuĂ©bec.
En mars 2022, le collectif des mĂšres Mohawks (Kanienâkeha:ka Kahnistensera) a dĂ©posĂ© une plainte contre lâUniversitĂ© McGill et les autres acteurs du projet : la SociĂ©tĂ© QuĂ©bĂ©coise des Infrastructures (SQI), lâHĂŽpital Royal Victoria, le Centre Universitaire de SantĂ© de McGill (CUSM), la ville de MontrĂ©al et enfin le procureur gĂ©nĂ©ral du Canada. Dans leurs plaintes, les mĂšres Mohawks ont notamment exposĂ© le fait que le projet du Nouveau Vic prend place sur un espace suspectĂ© de contenir des tombes non marquĂ©es dâenfants autochtones, qui auraient subi les expĂ©riences scientifiques du projet de recherche MK-Ultra au cours des annĂ©es 1950.
Le 27 octobre 2022, la cour supĂ©rieure du QuĂ©bec tranche en faveur des mĂšres Mohawks en ordonnant une injonction temporaire du projet. Cela signe lâarrĂȘt temporaire des travaux, jusquâĂ ce que les parties parviennent Ă un accord en vue dâĂ©claircir la situation concernant la prĂ©sence potentielle de sĂ©pultures non marquĂ©es. La cour supĂ©rieure a sommĂ© les mĂšres Mohawks et les parties prenantes de rĂ©tablir le dialogue afin de sâassurer que le projet demeure le plus respectueux possible dâun esprit de rĂ©conciliation.
Lâentente dâavril 2023
Le 6 avril 2023, aprĂšs plusieurs mois de dialogue, les acteurs du projet du Nouveau Vic et les mĂšres Mohawks sont parvenus Ă une entente. Cette entente met en place un panel dâexperts en archĂ©ologie ayant pour mandat dâ « Ă©valuer et identifier les techniques archĂ©ologiques appropriĂ©es Ă utiliser dans les diffĂ©rentes zones du site pour dĂ©tecter la prĂ©sence de tombes non marquĂ©es ». McGill et la SQI sâengagent Ă se faire guider par les recommandations du panel, mais gardent nĂ©anmoins un certain pouvoir discrĂ©tionnaire. De plus, lâentente stipule quâun ou plusieurs moniteurs culturels pourront ĂȘtre nommĂ©s par les mĂšres Mohawks pour assister Ă lâexĂ©cution
des techniques de recherches archéologiques, dans le but de permettre au collectif de pouvoir superviser les fouilles.
McGill et la SQI se sont Ă©galement engagĂ©s Ă , au cours des six premiers mois, tenir les mĂšres Mohawks informĂ©es de lâavancement des techniques toutes les deux semaines. Enfin, lâarticle 17 Ă©tablit que « si, aprĂšs lâexĂ©cution des techniques, aucune tombe nâest identifiĂ©e dans une zone donnĂ©e, les travaux dâexcavation pourront commencer au fur et Ă mesure, dâune maniĂšre sensible, avec une surveillance appropriĂ©e ». Une fois les recommandations prĂ©liminaires du panel Ă©mises, le 8 mai 2023, les premiĂšres investigations ont pu commencer.
Les fouilles archéologiques
Le 9 juin 2023, trois Ă©quipes de chiens dĂ©tecteurs ont entrepris les premiĂšres recherches sur le site, alertant sur la potentielle localisation de restes humains. NĂ©anmoins, cela ne confirme pas nĂ©cessairement la prĂ©sence de sĂ©pultures selon le panel. Ce dernier a donc prescrit des investigations plus approfondies, notamment une fouille manuelle sur un rayon de 10 mĂštres autour du point dâalerte.
Un mois plus tard, du 10 au 12 juillet, des sondages Ground Penetrating Radar (GPR) ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s dans la zone prioritaire, conformĂ©ment aux recommandations du panel. Au cours de ces recherches, neuf emplacements « potentiels » de tombes non marquĂ©es ont Ă©tĂ© signalĂ©s, et ont donc Ă©tĂ© soumises Ă des investigations approfondies. NĂ©anmoins, il est Ă noter que sur leur site internet, les mĂšres Mohawks contestent ces rĂ©sultats, et jugent que « les bulletins dâinformation de la SQI et de McGill ont induit le public en erreur en lui faisant croire que seules neuf anomalies avaient Ă©tĂ© trouvĂ©es dans le rapport GPR ( tdlr ).»
Le collectif affirme quâ« un nombre bien plus important de cibles âinconnuesâ ont Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©es par lâĂ©quipe [de recherche, ndlr ] GPR, qui suggĂšre âquâil est possible que certaines des cibles inconnues soient des tombes non marquĂ©esâ ». Le panel et les mĂšres Mohawks, malgrĂ© des demandes Ă McGill et Ă la SQI, nâont pas eu accĂšs aux donnĂ©es brutes du GPR. Il ne leur a donc pas Ă©tĂ© permis dâĂ©tudier en dĂ©tail chaque cible inconnue, et seules les neuf signatures ont Ă©tĂ© jugĂ©es comme indiquant potentiellement des tombes anonymes et ont donc fait lâobjet de fouilles archĂ©ologiques.
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Entre-temps, un incident survenu le 25 juillet 2023 a ravivĂ© les tensions entre les parties. Un membre de la sĂ©curitĂ© choisi par la SQI a verbalement agressĂ© les moniteurs culturels reprĂ©sentant les mĂšres Mohawks, un Ă©vĂ©nement condamnĂ© par McGill et la SQI. Ă la suite de cet Ă©pisode, les procĂ©dures de recherche ont Ă©tĂ© mises en pause, jusquâĂ ce quâune compagnie de sĂ©curitĂ© plus adaptĂ©e soit choisie. Les recherches ont ensuite pu reprendre.
« Lâomission de la vĂ©ritĂ© est un mensonge »
Le 28 aoĂ»t dernier, quelques jours aprĂšs la reprise des fouilles, les exĂ©cutifs de lâAssociation des Ătudiants de lâUniversitĂ© McGill (AĂUM) ont envoyĂ© une lettre ouverte Ă la communautĂ© mcgilloise, exigeant davantage de transparence de la part de lâUniversitĂ© Ă propos du projet du Nouveau Vic. La lettre, Ă©crite en collaboration avec les mĂšres Mohawks, accuse lâUniversitĂ© de ne plus ĂȘtre une « source dâinformation fiable », car « lâomission de la vĂ©ritĂ© est un mensonge ». Cette dĂ©claration fait rĂ©fĂ©-
rence Ă des accusations portĂ©es par les mĂšres Mohawks contre McGill dans leur communiquĂ© du 11 aoĂ»t dernier, oĂč elles dĂ©noncent lâattitude de lâUniversitĂ©, qui propage selon elles des « informations trompeuses qui doivent ĂȘtre corrigĂ©es ». En consĂ©quence, dans sa lettre, lâAĂUM appelait les Ă©tudiants Ă se renseigner sur le projet du Nouveau Vic directement auprĂšs des mĂšres Mohawks et des autres Ă©diteurs Mohawks.
InterrogĂ© sur la nature de cette lettre par Le DĂ©lit, Liam Gaither, vice-prĂ©sident des affaires extĂ©rieures de lâAĂUM, nous a confiĂ© : « Je ne pense pas que beaucoup dâĂ©tudiants soient au courant de la situation ou y prĂȘtent attention. [...] Donc, il sâagissait en grande partie dâinformer les Ă©tudiants sur lâĂ©volution de la situation du Royal Vic ainsi que sur lâhistoire de McGill sur un territoire autochtone non cĂ©dĂ©. »
De leur cĂŽtĂ©, Pierre Major, directeur executif du projet du Nouveau Vic, et sa collĂšgue, professeure Angela Campbell, vice-principale exĂ©cutive adjointe de McGill (Ă©quitĂ© et politiques acadĂ©miques), ont dit regretter lâattitude des exĂ©cutifs de lâAĂ-
UM. En entrevue avec Le DĂ©lit, Pre Campbell nous a confiĂ© trouver « la façon par laquelle lâAĂUM a communiquĂ© [...] un peu regrettable. [...] Notre projet, nos dĂ©marches, sont inspirĂ©s dâun engagement vers la vĂ©ritĂ© et la rĂ©conciliation ». De son cĂŽtĂ©, Pierre Major nous a dit que le mieux Ă©tait de « laisser le terrain parler » et que : « La meilleure façon de faire câest de laisser les archĂ©ologues faire leur travail ».
InvitĂ©s par lâadministration mcgilloise pour une rencontre sur le sujet du Nouveau Vic, les exĂ©cutifs de lâAĂUM devraient avoir lâoccasion de discuter avec les responsables du projet cette semaine.
La fin de phase initiale des fouilles
ConformĂ©ment Ă lâentente du mois dâavril, un moniteur culturel choisi par les mĂšres Mohawks Ă©tait prĂ©sent sur le site du Nouveau Vic au moment de lâexĂ©cution des techniques archĂ©ologiques. Le 6 septembre, huit des neuf zones identifiĂ©es comme prĂ©sentant « potentiellement » des restes humains par le GPR avaient Ă©tĂ© fouillĂ©es, mais aucune dĂ©cou-
verte nâavaient encore Ă©tĂ© faite, comme nous lâavait assurĂ© Pierre Major lors dâune entrevue.
PrĂ©sent sur place au moment des fouilles, le moniteur culturel a indiquĂ© plusieurs lacunes dans le processus. Contrairement aux recommandations du panel et aux directives de lâAssociation canadienne dâarchĂ©ologie, les fouilles dans la zone prioritaire auraient Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es sans tamisage de la terre retirĂ©e. En effet, les couches de terre enlevĂ©es auraient dĂ» ĂȘtre passĂ©es au tamis afin de trouver de lâĂ©vidence qui serait passĂ©e inaperçue au moment des fouilles.
Lâalerte des chiens dĂ©pisteurs, indiquant la prĂ©sence potentielle de restes humains, nâa quant Ă elle toujours pas Ă©tĂ© Ă©claircie, malgrĂ© lâachĂšvement des fouilles sur cette zone depuis la semaine derniĂšre. Les fouilles manuelles dans cette zone ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es, tel que recommandĂ© par le panel, dans un pĂ©rimĂštre de 10 mĂštres. Ce pĂ©rimĂštre qui entoure la zone signalĂ©e par les chiens, inclut une partie du pavillon Hersey, situĂ© sur lâavenue des Pins, Ă proximitĂ© de la
jonction avec la rue University. Or, ce pavillon nâa pas fait lâobjet dâune investigation, et lâalerte Ă©mise par les chiens reste inexpliquĂ©e.
Ă lâheure actuelle, les fouilles actives sur les zones sensibles identifiĂ©es par le panel touchent Ă leur fin. Dans un mail adressĂ© Ă la communautĂ© mcgilloise le 11 septembre dernier, Christopher Manfredi, vice-principal exĂ©cutif et vice-principal aux Ă©tudes de lâUniversitĂ©, a annoncĂ© que « la phase initiale de lâexcavation archĂ©ologique est ainsi terminĂ©e », et quâĂ ce jour « aucune trace de restes humains ni de sĂ©pultures anonymes nâa Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©e pendant cette phase des recherches ». ContactĂ©e par Le DĂ©lit, les mĂšres Mohawks nous ont affirmĂ© « quâelles ne souscrivaient pas Ă lâhypothĂšse que les fouilles initiales seraient terminĂ©es ». Elles vont contester la clĂŽture de la phase initiale des fouilles archĂ©ologiques devant la Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec en urgence cette semaine. x
VINCENT MARAVAL Ăditeur ActualitĂ©s Hugo Vitrac Ăditeur ActualitĂ©s
Ăla rentrĂ©e du semestre dâautomne 2023, lâUniversitĂ© McGill a mis en place pour ses services de restauration un nouveau plan alimentaire intitulĂ© All You Care To Eat (manger Ă volontĂ©) (AYCTE), disponible dans toutes les cafĂ©tĂ©rias. Le plan AYCTE marque dâimportants changements dans la politique alimentaire de McGill, qui fonctionnait prĂ©cĂ©demment avec un rĂ©gime Ă solde dĂ©gressif, le Mandatory Meal Plan (Plan Alimentaire Obligatoire). Les multiples critiques des Ă©lĂšves de McGill vis-Ă -vis ce plan alimentaire sâĂ©taient faites entendre lors de la rĂ©union du 7 mars dernier organisĂ©e par Letâs Eat McGill.
Ce rĂ©gime fonctionnait comme une carte de dĂ©bit, oĂč les Ă©tudiants devaient gĂ©rer leur budget alimentaire. Le rĂ©gime Ă solde dĂ©gressif ne permettait aux Ă©lĂšves de se nourrir que deux fois par jour, en payant 6200 dollars pour lâannĂ©e. Le collectif Letâs Eat McGill soulignait que ce modĂšle Ă©tait
une source dâinsĂ©curitĂ© alimentaire pour plusieurs Ă©tudiants. Benjamin, un Ă©tudiant de troisiĂšme annĂ©e Ă McGill, a confiĂ© au DĂ©lit quâil Ă©tait « obligĂ© de demander Ă (ses) amis de lui payer (ses) repas pour pouvoir manger ».
Le nouveau plan AYCTE permet aux Ă©lĂšves de manger Ă volontĂ©. Comme son prĂ©dĂ©cesseur, le AYCTE coĂ»te 6200 dollars par annĂ©e, et est obligatoire pour les Ă©tudiants de premier cycle logeant en rĂ©sidence, Ă lâexception de Solin Hall. Pour les autres Ă©tudiants souhaitant manger dans les cafĂ©tĂ©rias, ils peuvent payer 9,99 dollars pour le dĂ©jeuner, 12,99 le midi, et 14,99 pour souper, afin de manger Ă volontĂ©. De plus, le plan AYCTE ne permet plus aux Ă©lĂšves de commander Ă emporter, une option communĂ©ment prise par les Ă©tudiants.
Ainsi, ces changements prouvent les nombreux avantages du plan AYCTE, en comparaison Ă son prĂ©dĂ©cesseur, comme lâa soulignĂ© Mathieu Laperle, directeur principal du Logement Ă©tudiant et dâhĂŽtellerie de lâUniversitĂ© McGill, interrogĂ© par Le DĂ©lit
les dĂ©chets : elle « sâinscrit dans la volontĂ© de McGill dâatteindre le zĂ©ro dĂ©chet dâici 2035 ».
De plus, lâobligation des Ă©tudiants de manger sur place permet de dĂ©velopper des connexions dans un but de rĂ©duire leur isolement. Enfin, un avantage majeur du plan AYCTE est de permettre aux Ă©lĂšves de manger Ă volontĂ© pendant la journĂ©e et « son prix fixe permet aux Ă©lĂšves de ne pas se soucier de devoir gĂ©rer leur enveloppe budgĂ©taire », comme nous lâa affirmĂ© Matthieu Laperle. Ainsi, ce nouveau format incite les Ă©lĂšves de premier cycle Ă ne plus sauter de repas comme nous lâa confiĂ© Benjamin : « Cela mâaurait permis de manger Ă ma faim. »
une critique importante du forfait de repas, soulevĂ©e par le collectif Letâs Eat McGill en mars dernier, Ă©tait son caractĂšre obligatoire pour les Ă©tudiants de premier cycle en rĂ©sidence. Le coĂ»t de 6200 dollars par annĂ©e scolaire - soit 775 dollars par mois - reprĂ©sente une dĂ©pense importante pour les Ă©tudiants en rĂ©sidence, cette somme Ă©quivalant presquâau prix dâun loyer montrĂ©alais. Or, cette critique nâa pas Ă©tĂ© retenue par lâUniversitĂ©.
Ce programme est bĂ©nĂ©fique pour la gestion des dĂ©chets au sein des cafĂ©tĂ©rias universitaires. Selon Mathieu Laperle, lâabandon de lâoption Ă emporter permet de rĂ©duire
Les membres de la Société des publications du Daily (SPD), éditrice du McGill Daily et du Délit, sont cordialement invités à son Assemblée générale annuelle :
Le mercredi 4 octobre Ă 18h
Centre Universitaire de McGill 3480 Rue McTavish, Salle 107
Cependant, la mise en place du AYCTE dans lâoptique dâaider les Ă©tudiants avec leur budget ne rĂ©pond pas aux attentes de certains. En effet,
De plus, le collectif soulignait lâinsuffisance dâalternatives aux repas de McGill, comme le collectif Midnight Kitchen, qui offre des repas gratuits une fois par semaine, chose que lâUniversitĂ© McGill ne semble pas prĂȘte Ă offrir. Ainsi, le changement de plan alimentaire de McGill ne rĂ©pond pas aux attentes et demandes formulĂ©es par plusieurs Ă©tudiants, malgrĂ© ses nombreux avantages. x
Nathan philippon ContributeurLâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale Ă©lira le conseil dâadministration du SPD pour lâannĂ©e 2023-2024.
Les membres du conseil de la SPD se rencontrent au moins une fois par mois pour discuter de lâadministration du McGill Daily et du DĂ©lit, et ont lâoccasion de se prononcer sur des dĂ©cisions liĂ©es aux activitĂ©s de la SPD.
Le rapport ïŹnancier annuel et le rapport de lâexperte-comptable sont disponibles au bureau de la SPD et tout membre peut, sur demande, obtenir une copie sans frais.
Questions? chair@dailypublications.org
Le DĂ©lit a rencontrĂ© deux Ă©tudiant·e·s de McGill, Pierre et India, pour quâils·elles nous racontent leur expĂ©rience sur les Ă©changes Ă lâĂ©tranger dans une de nos universitĂ©s partenaires. Pierre est un ancien Ă©tudiant de la promotion de 2022 ayant fait un Ă©change avec lâUniversitĂ© de Hong Kong lors de son baccalaurĂ©at en sciences politiques et de dĂ©veloppement international. India Ă©tudie en sciences politiques et en Ă©tude du Moyen-Orient et du monde islamique, et elle a rĂ©cemment Ă©tĂ© acceptĂ©e pour Ă©tudier Ă lâUniversitĂ© de Bogazici en Turquie au semestre dâhiver prochain.
McGill propose trois types dâopportunitĂ©s Ă lâĂ©tranger : lâĂ©tude de terrain, le stage et les cours. Câest sur ce dernier que nous allons nous concentrer. Les Ă©changes universitaires sont proposĂ©s dans cinq rĂ©gions diffĂ©rentes ; les AmĂ©riques, lâAsie, le Moyen-Orient, lâEurope et lâOcĂ©anie avec plus de 150 universitĂ©s dans 39 pays.
Un processus dâentrĂ©e accessible, mais complexe
Afin de trouver le menu des universitĂ©s disponibles pour les Ă©changes, les Ă©tudiant·e·s doivent aller sur la page « Ătudiant » du logiciel Minerva, puis sur « Menu Dossier des Ă©tudiants » ainsi que « Programme dâĂ©changes/Ă©tudes Ă lâĂ©tranger » - un chemin pĂ©rilleux. Il leur faut ensuite inscrire leurs quatre choix dâuniversitĂ©s parmi lesquels les Ă©tudiant·e·s peuvent postuler et câest selon lâordre des prĂ©fĂ©rences inscrites quâil·elle·s seront sĂ©lectionné·e·s. Les demandes se font gĂ©nĂ©ralement six mois avant le dĂ©but du semestre dâĂ©change, ce qui laisse du temps pour prĂ©parer le dĂ©part. Pour le semestre dâautomne 2024, les demandes se font du 5 dĂ©cembre au 15 janvier 2024.
Cependant, pour beaucoup dâĂ©tudiant·e·s, le processus de sĂ©lection est relativement embĂȘtant et compliquĂ© Ă comprendre, avec un systĂšme dâĂ©quivalence de cours Ă©trangers et un systĂšme de loterie. Ce programme nĂ©cessite aussi une moyenne pondĂ©rĂ©e cumulative (GPA) minimum de 3.0. Pour India, malgrĂ© lâexistence de conseiller·Úre·s disponibles pour rĂ©pondre Ă ses questions, elle se sent « vraiment laissĂ©e toute seule » face Ă la planification de son diplĂŽme, qui sâest complexifiĂ© lorsquâelle a choisi de faire un Ă©change. Ces inquiĂ©tudes concernent princi-
rose chedid | Le dĂlit
palement lâĂ©quivalence entre les cours Ă McGill et ceux proposĂ©s lors de lâĂ©change. De fait, India estime Ă©trange de devoir trouver des cours similaires Ă ceux de McGill, alors que le principe mĂȘme dâaller en Ă©change est de dĂ©couvrir des cours qui nâexistent pas forcĂ©ment Ă McGill. Or, ne pas trouver dâĂ©quivalence de cours lors de cet Ă©change pourrait nĂ©cessiter un semestre supplĂ©mentaire Ă son retour dâĂ©change, afin de finaliser son diplĂŽme et complĂ©ter ses crĂ©dits manquants.
Aubaine pour certain·e·s
MĂȘme si le coĂ»t des billets dâavion vers lâautre bout du monde peut en dĂ©courager certains, les frais de scolaritĂ© des universitĂ©s partenaires sont les mĂȘmes que ceux de McGill, ce qui, pour Pierre - Ă©tudiant payant les frais de rĂ©sident canadien hors QuĂ©bec - Ă©tait « un gros avantage », sans lequel il nâaurait pu Ă©tudier Ă lâUniversitĂ© de Hong Kong. Pour India, qui a
«
dollars amĂ©ricains pour une annĂ©e acadĂ©mique de neuf mois. En comparaison, pour une Ă©tudiante comme India payant les frais canadiens non quĂ©bĂ©cois de 11 426,28 dollars canadiens pour une annĂ©e Ă McGill, câest avantageux. Toutefois, McGill prĂ©vient sur les frais dâhĂ©bergement, de nourriture, de transport local, le coĂ»t du passeport et des visas, des livres et fournitures, et des fonds dâurgence en cas de besoin. Le programme dâĂ©change de McGill offre Ă©galement des opportunitĂ©s de financement comme
Au-delĂ des finances, ces Ă©changes sont des opportunitĂ©s incroyables, Ă la fois pour Pierre et pour India. La vie de Pierre Ă Hong Kong Ă©tait similaire Ă la premiĂšre annĂ©e Ă McGill, oĂč tout le monde se mĂ©lange et oĂč « pour rencontrer des gens, tu nâas pas le choix, tu
universités comme
UCLA qui coûtent habituellement tr Ú s chÚres »
India, étudiante à McGill
plus dans une rĂ©gion logique par rapport Ă ce que tu Ă©tudies » est une opportunitĂ© qui a Ă©normĂ©ment de sens. SĂ©lectionnĂ©e pour aller en Turquie, India a choisi « un endroit central Ă toute lâhistoire et la politique du Moyen-Orient ». De plus, en termes dâexpĂ©rience de vie, « se dire âje dĂ©mĂ©nage pour quatre mois toute seule oĂč je ne connais personneâ, câest aussi un dĂ©fi que je trouve gĂ©nial ». Dâautant plus que les cours suivis dans les universitĂ©s partenaires sont automatiquement classifiĂ©s en option S/U, ce qui selon India, permet de prioritiser lâexpĂ©rience de dĂ©couverte en ayant moins de pression que lorsquâon Ă©tudie Ă McGill.
India, étudiante à McGill
Ă©galement demandĂ© un Ă©change dans lâUniversitĂ© de Californie Ă Los Angeles (University of California Los Angeles, UCLA), « câest financiĂšrement une super opportunité » de pouvoir faire des Ă©changes avec des universitĂ©s comme UCLA, qui coĂ»tent habituellement trĂšs chĂšres - aux alentours de 47 000
des bourses et des prix comme le MIEA (McGill International Experience Award) afin dâaider les Ă©tudiant·e·s. Mais encore une fois, ces bourses sont majoritairement distribuĂ©es en fonction des notes, et sont ainsi moins accessibles aux Ă©tudiant·e·s les plus prĂ©caires.
Opportunité unique, qui a pour-
dois aller vers eux ». De plus, pour certain·e·s comme Pierre, faire un Ă©change dans une universitĂ© prestigieuse comme celle de Hong Kong est « une belle ligne sur le CV ». Toutefois, câest Ă©videmment le lieu de cet Ă©change qui lui importait. Vivre en Asie pendant six mois lui ouvre des portes pour ses Ă©tudes de commerce international. Suivant une question sur la facilitĂ© dâintĂ©gration, Pierre prĂ©cise que Hong Kong est « assez spĂ©cial » en termes de culture, mais que McGill offre la possibilitĂ© dâaller dans des rĂ©gions moins lointaines du Canada, qui ont par exemple comme langue nationale officielle lâanglais, facilitant les rencontres pour un·e Ă©tudiant·e anglophone.
Sachant que India Ă©tudie le Moyen-Orient et le monde islamique, elle considĂšre que « partir Ă lâĂ©tranger dans le cadre dâĂ©tudes qui te plaisent et en
Toutefois, pour une universitĂ© comme McGill qui a un institut renommĂ© du Moyen-Orient et du Monde Islamique, proposer uniquement deux destinations au MoyenOrient, soit IsraĂ«l et la Turquie, et aucune en Afrique, est selon India « dommage ». McGill se dĂ©fend en prĂ©cisant quâil sâagit dâune question de sĂ©curitĂ©, Ă©tant donnĂ© quâil est conseillĂ© pour certaines destinations dâ« Ă©viter les voyages non essentiels » ou dâ« Ă©viter tous les voyages ». En discutant de ces restrictions, India a notĂ© que ce nâest pas toujours le cas dans dâautres universitĂ©s montrĂ©alaises, comme Concordia, oĂč sont proposĂ©s des Ă©changes dans des universitĂ©s en Ăgypte, par exemple. Elle dit ne pas comprendre pourquoi McGill, qui est une universitĂ© soit-disant « ouverte dâesprit », priorise des destinations occidentales. Le fait que McGill ne mette pas en avant les connaissances et les universitĂ©s du Moyen-Orient et de lâAfrique est selon elle « comme si les universitĂ©s lĂ bas nâĂ©taient pas assez bonnes pour (McGill, ndlr) ». Au contraire, India trouve que ce qui donne du sens aux Ă©tudes et au parcours professionnel ou scolaire, câest de partir dans un nouvel endroit avec de nouvelles cultures, et de ne pas forcĂ©ment se retrouver dans un cadre anglophone. Ce qui a poussĂ© India a choisir la Turquie câest justement cette quĂȘte de dĂ©paysement du Canada, ce dĂ©sir de dĂ©couvrir autre chose.x
Pour plus dâinformations, visitez le site dâĂ©changes de McGill ou contactez des conseillers du Bureau des Ă©changes internationaux.
margaux thomas Ăditrice ActualitĂ©sopportunitĂ©s Ă lâĂ©tranger.
« Câest financiĂšrement une super opportunitĂ© de pouvoir faire des Ă©changes avec des
Proposer uniquement deux destinations au Moyen-Orient [dont] l âIsraĂ«l et la Turquie, et aucune en Afrique, est [...] dommage »
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Alors que bon nombre dâĂ©tudiant·e·s cherchent Ă Ă©conomiser pendant lâĂ©tĂ©, dâautres dĂ©pendent du salaire dâun emploi Ă mi-temps, effectuĂ© en parallĂšle de leurs cours. Quels que soient les profils, lâemploi Ă mitemps se rĂ©vĂšle ĂȘtre une composante essentielle de la vie Ă©tudiante, que ce soit Ă McGill ou dans dâautres universitĂ©s canadiennes. Une Ă©tude de 2015 du Consortium Canadien de Recherche rĂ©vĂšle que « prĂšs de six Ă©tudiant·e·s de derniĂšre annĂ©e sur dix occupent [âŠ] un emploi, dans 15 % des cas sur le campus. »
Parmi les Ă©tudiant·e·s-travailleur·se·s qui convoitent une expĂ©rience professionnelle formatrice, plusieur·e·s sâorientent vers la position dâauxiliaire dâenseignement ou Teaching Assistant (TA), qui leur
un travail Ă cĂŽtĂ© de leurs Ă©tudes. Ă McGill, le poste prĂ©sente un salaire relativement compĂ©titif, sâĂ©levant Ă plus de 30$ de lâheure,
« En sciences politiques, le salaire sâĂ©levait Ă 32,38$ par heure au semestre dâhiver 2022 et demeurait donc trĂšs avantageux comparativement au salaire minimum »
permet dâacquĂ©rir des compĂ©tences dans le champ dâexpertise oĂč ils·elles souhaitent exercer plus tard. Ce poste, pratiquĂ© en Ă©troite collaboration avec les responsables du cours, permet Ă©galement de mieux sâinitier Ă la pĂ©dagogie dans un contexte dâapprentissage rĂ©el. Lâauxiliariat dâenseignement est-il Ă la hauteur des attentes des personnes qui lâexercent? Le DĂ©lit sâest penchĂ© sur la question en interrogeant divers TAs, ainsi que leur syndicat, afin de comprendre comment sont rĂ©gies leurs conditions de travail.
Entre engagement et compensation financiĂšre
PrĂ©sent dans la majoritĂ© des universitĂ©s canadiennes, lâauxiliariat dâenseignement constitue lâune des voies dâavenir les plus intĂ©ressantes qui sâoffrent aux Ă©tudiant·e·s lorsquâils·elles en viennent Ă chercher
celui-ci pouvant lĂ©gĂšrement diverger entre les dĂ©partements. En sciences politiques, le salaire sâĂ©levait Ă 32,38$ par heure au semestre dâhiver 2022 et demeurait donc trĂšs avantageux comparativement au salaire minimum, qui Ă©tait alors de 13,50$ au QuĂ©bec.
RaphaĂ«l*, qui a exercĂ© Ă maintes reprises le poste dâauxiliaire dâenseignement durant son cursus universitaire, notamment durant son master et son doctorat, confirme que « la compensation financiĂšre pour le travail de TA est fantastique » (tdlr).
Il ajoute cependant que le systĂšme de rĂ©munĂ©ration peut paraĂźtre ambigu Ă certains moments : « Le seul domaine oĂč il y a une sorte de zone grise, je suppose, oĂč cela ne semble pas nĂ©cessairement juste, câest la façon dont lâargent gagnĂ© en tant quâauxiliaire dâenseignement est parfois pris en compte dans lâenveloppe
globale de financement. Vous travaillez, vous gagnez cet argent, mais ensuite câest comme si câĂ©tait pris en compte dans le montant que vous ĂȘtes censĂ©s payer Ă McGill de toute façon. Certains Ă©tudiants pourraient avoir lâimpression que le systĂšme fonctionne de maniĂšre Ă profiter dâeux. »
Ce systĂšme, au sein duquel opĂšrent les TAs, est bien connu de lâAssociation des Ă©tudiant·e·s diplĂŽmé·e·s employé·e·s de McGill (AĂĂDEM). Ce syndicat, fondĂ© en 1993 et reprĂ©sentant plus de 2000 travailleuses et travailleurs, lutte pour les droits des auxiliaires dâenseignement Ă McGill. Leur principale mission : obtenir de meilleures conditions de travail et de meilleurs taux de rĂ©munĂ©ration pour les TAs, ainsi que de meilleurs services pour les Ă©tudiant·e·s.
La convention collective Ă©tablie entre lâAssociation et lâUniversitĂ© McGill, ayant expirĂ© le 31 juillet dernier, doit ĂȘtre renĂ©gociĂ©e au cours de lâautomne 2023. Selon le site web du syndicat, cette convention assure « des pratiques dâembauche justes et transparentes, une prioritĂ© dâembauche, un salaire standard qui augmente avec lâinflation, des congĂ©s sans solde, des protections contre le harcĂšlement et la discrimination au travail, une procĂ©dure de grief
et une formation rĂ©munĂ©rĂ©e. » RaphaĂ«l confie que le rĂŽle de lâassociation est crucial : « Tous les TAs, du simple fait quâils ont un poste, sont techniquement membres de lâAĂĂDEM. Le syndicat [fait] beaucoup pour soutenir les TAs et sâassurer quâils vivent
TA et le responsable du cours. « Le professeur rencontre les TAs au dĂ©but du trimestre, puis Ă la moitiĂ© du trimestre, pour signer ce quâon appelle un formulaire de charge de travail qui contient les dĂ©tails sur la maniĂšre dont les heures vont ĂȘtre rĂ©parties. Il est ensuite recommandĂ© aux TAs de suivre leurs heures afin de sâassurer quâils ne dĂ©passent pas le nombre dâheures fixĂ© pour le trimestre », nous explique RaphaĂ«l.
La convention collective prĂ©voit que « lâaffectation dâune Personne Auxiliaire dâenseignement Ă temps plein comporte au maximum cent quatre-vingts (180) heures de travail par trimestre », ce qui reprĂ©sente « en moyenne douze heures de travail par semaine ». Les instances pour lesquelles les TAs ne sont pas payé·e·s pourraient alors ĂȘtre le rĂ©sultat dâheures supplĂ©mentaires qui nâont pas Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©es par les TAs.
En effet, la dĂ©marche pour faire reconnaĂźtre un surplus dâheures peut se rĂ©vĂ©ler laborieuse, voire
« Le syndicat [fait] beaucoup pour soutenir les TAs et sâassurer quâils vivent une bonne expĂ©rience Ă McGill. Ils sont en quelque sorte un point de contact »
Raphaël*, ancien TA en musique
une bonne expĂ©rience Ă McGill. Ils sont en quelque sorte un point de contact en cas de problĂšme, et ont nĂ©gociĂ© au cours des annĂ©es un trĂšs bon taux horaire pour les TAs. » Mario Roy, prĂ©sident de lâAĂĂDEM, confirme dans une entrevue avec Le DĂ©lit que le syndicat est là « si nĂ©cessaire, pour supporter et faciliter les discussions [entre lâauxiliaire dâenseignement et le responsable du cours] afin de sâassurer que toutes les heures travaillĂ©es soient payĂ©es ».
Comment les TAs gĂšrent-ils leur temps?
La comptabilisation des heures doit normalement ĂȘtre dĂ©terminĂ©e prĂ©alablement entre le
dĂ©courageante pour plus dâun·e. Câest le cas dâEmma*, TA en science politique aux trimestres dâautomne 2021 et 2022 : « Jâai entendu dire quâil serait possible de dĂ©clarer un surplus dâheures en les compilant, si on en avait besoin. Personnellement, je nâen ai jamais fait la demande, parce que mĂȘme si câest quelque chose qui peut ĂȘtre fait, je me sentirais mal Ă lâaise dâaller demander plus dâargent », nous a-t-elle admis.
LâaccĂšs Ă davantage de ressources financiĂšres pour les TAs peut Ă©galement se voir entravĂ© par la nature du rapport entretenu avec la personne responsable du cours, par peur dâobtenir une mauvaise rĂ©action de sa part.
Emma explique que les « professeur·e·s peuvent ĂȘtre des superviseur·e·s de maĂźtrise ou de thĂšse dont tu respectes le travail », et les relations avec eux·lles sâĂ©chelonnent parfois sur plusieurs annĂ©es. Mario Roy Ă©voque Ă©galement que plusieurs TAs « aimeraient parfois solutionner un problĂšme, mais ne sont pas prĂȘts Ă Ă©crire un grief pour maintenir une bonne relation avec leur professeur·e qui est aussi leur superviseur·e ».
Sur le site web de lâAĂĂDEM, il est estimĂ© que « dans certains dĂ©partements, les TAs qui ont des contrats de 45 heures travaillent rĂ©guliĂšrement deux fois leurs heures, ce qui reprĂ©sente prĂšs de 1 500 $ par TA. » Est-ce le rĂ©sultat dâun manque dâorganisation des auxiliaires dâenseignement, ou est-ce plutĂŽt le systĂšme mis en place pour encadrer leur emploi qui ne prend pas suffisamment en compte leur charge de travail rĂ©elle effectuĂ©e au quotidien?
Lâencadrement de lâemploi concerne Ă©galement le processus dâembauche par lequel doivent passer les TAs avant leur entrĂ©e en poste. Ce processus fait lâobjet dâun clivage, alors quâil est dĂ©crit comme « opaque » par Emma mais comme « transparent » du cĂŽtĂ© de Louise*, ayant occupĂ© le poste de TA en dĂ©veloppement international et en sciences politiques. Sur le plan syndical, lâAĂĂDEM revendique pour sa part
pas de poste au cours de votre premier semestre, mais au cours de vos deuxiÚme et troisiÚme années dans
travail demandé, que ce soit superviser des laboratoires, corriger des examens, ou encore effectuer
peut se rĂ©vĂ©ler pour certain·e·s ĂȘtre un obstacle dans lâaccomplissement de leur propre carriĂšre acadĂ©mique : « La façon dont le cours Ă©tait montĂ© [...] jâai trouvĂ© ça trĂšs stressant [...] parce que je suis en position dâautoritĂ©, mais jâapprends en mĂȘme temps que les Ă©tudiantes et Ă©tudiants qui suivent le cours », nous a dĂ©clarĂ© Emma.
viennent Ă mon bureau avec lâair dâĂȘtre prĂȘts Ă se battre. Je leur dis alors : âDâaccord, parle-moi de ça. Asseyons-nous et discutons, car ce nâest pas toi contre moi ou moi contre toi. Câest nous contre la note. Parle-moi donc un peu de ton point de vue. Quâest-ce que jâai manquĂ©?â »
LâĂ©quilibre rĂ©side alors entre lâautoritĂ© et lâĂ©coute : le poste devient une formation accĂ©lĂ©rĂ©e qui peut servir dans plusieurs domaines, surtout si lâĂ©lĂšve compte sâorienter vers lâenseignement.
Le fait dâĂȘtre TA peut ĂȘtre envisagĂ© comme une expĂ©rience humaine qui change, dans une certaine mesure, le cours dâune vie. Louise, dans un tĂ©moignage plein dâĂ©motions, montre que sa vie actuelle a Ă©tĂ© en partie forgĂ©e par son poste dâauxiliaire dâenseignement : « Jâai eu tellement dâexpĂ©riences positives, et je suis presque gĂȘnĂ©e dâĂȘtre si positive, si Ă©motive. Mais jâai vraiment adorĂ© nouer des liens. Jâai plusieurs Ă©tudiants qui sont restĂ©s en contact avec moi aprĂšs avoir obtenu leur diplĂŽme. »
une plus grande clartĂ© dans la dĂ©termination des critĂšres dâembauche. « On a lâimpression que des fois, il peut y avoir du favoritisme envers certains·es candidats·es au lieu de suivre lâordre des prioritĂ©s », nous explique Mario Roy.
Le processus dâembauche fonctionne selon un systĂšme de bassins prioritaires Ă©tabli en fonction de lâannĂ©e du candidat Ă la maĂźtrise ou au doctorat. RaphaĂ«l explique que « vous nâobtiendrez probablement
le programme, vous aurez beaucoup plus de chances dâobtenir un poste ». Par souci de transparence lâUnitĂ© dâembauche est toutefois mandatĂ©e dans lâarticle 13 de la convention collective de transmettre au dĂ©lĂ©guĂ©
du mentorat. Comment les auxiliaires dâenseignement apprĂ©hendent-ils·elles eux·elles-mĂȘmes leur propre expĂ©rience dans le milieu enseignant?
Relations TA-étudiants : un apprentissage mutuel?
Le poste dâauxiliaire dâenseignement permet de travailler dans le domaine dâintĂ©rĂȘt de lâĂ©tudiant·e, tout en lui permettant de dĂ©velopper de nouvelles capacitĂ©s organisationnelles. Alors que certain·e·s considĂšrent cette expĂ©rience comme profondĂ©ment enrichissante sur les plans humains et pĂ©dagogiques, dâautres lâont davantage vĂ©cue comme un poids au quotidien.
Du cĂŽtĂ© de RaphaĂ«l et Louise, lâexpĂ©rience se rĂ©vĂšle majoritairement positive. Chacun confie quâĂȘtre TA est une expĂ©rience qui peut aider dans leur propre orientation, aider Ă mieux connaĂźtre leurs champs dâintĂ©rĂȘt. Louise explique : « Je me suis juste inscrite pour ĂȘtre TA parce que câest ce que tout le monde fait. Mais jâai dĂ©couvert que jâavais une passion pour lâĂ©ducation. En fait, je travaille maintenant hors du campus en mĂȘme temps dâĂȘtre tutrice parce que jâaime tellement enseigner. Jâai dĂ©couvert cela, et jâai vraiment apprĂ©ciĂ© chaque partie de lâexpĂ©rience dâenseignement. Jâai orientĂ© ma thĂšse de recherche sur les implications politiques de lâĂ©ducation en raison de cela. »
RaphaĂ«l estime vouloir donner en retour Ă ses TAs ce quâil a appris en faisant lui-mĂȘme lâexpĂ©rience de ce poste. « Jâessaie de mâassurer que mes TAs comprennent quâil sâagit dâune occasion pour eux dâacquĂ©rir de lâexpĂ©rience, de se sentir Ă lâaise pour contribuer aux cours et pour interagir avec les Ă©tudiants. Je veux quâils tirent le meilleur parti de cette opportunitĂ©. »
LâUniversitĂ© McGill en fait-elle assez pour assurer aux TAs de meilleures conditions de travail et pour sâassurer que leur cheminement se dĂ©roule sans embĂ»che? Ou est-ce plutĂŽt le fruit des annĂ©es de combat de lâAĂĂDEM? Louise offre certains Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse :
syndical une « liste de toutes les personnes candidates du bassin prioritaire [...] qui nâont pas obtenu dâaffectation de Personne Auxiliaire dâenseignement » et de « fournir, sâil y a lieu, des prĂ©cisions sur le processus de sĂ©lection ».
Ă cela sâajoutent des facteurs dâembauche variables selon les besoins spĂ©cifiques de chaque facultĂ©, chaque cohorte et chaque cours. En effet, les types de poste de TA peuvent varier selon la nature du
Les TAs doivent adopter une mĂ©thodologie rigoureuse afin de corriger un grand nombre de copies ainsi quâorganiser et animer des confĂ©rences. Ces aspects organisationnels du poste sont vĂ©cus diffĂ©remment selon les profils. Emma explique : « HonnĂȘtement, jâai trouvĂ© ça tellement formateur. [...] Jâai vraiment appris Ă mâapproprier des sujets, des lectures complexes, pour pouvoir les expliquer et en discuter. Ăa mâa vraiment ouvert des portes. Câest comme si jâavais suivi un cours, jâai Ă©tĂ© payĂ©e pour le suivre. Câest vraiment un avantage, je trouve. »
Elle nâomet pas pour autant la charge mentale importante au quotidien. Ainsi, ĂȘtre TA
Enseigner en tant quâĂ©tudiant·e permet de dĂ©velopper des compĂ©tences dans le rapport Ă lâapprentissage. Louise explique quâelle a Ă©tabli une mĂ©thodologie stricte, et un systĂšme de notation poussĂ© qui a suscitĂ© quelques protestations de la part dâĂ©tudiant·e·s insatisfait·e·s: « La chose la plus importante en termes de compĂ©tences transfĂ©rables est en quelque sorte de nĂ©gocier les attentes. Surtout en ce qui concerne les notes, parce quâon mâa accusĂ© dâĂȘtre une correctrice trĂšs sĂ©vĂšre, trĂšs exigeante. [...] Il mâest arrivĂ© que des Ă©tudiants
« Je pense que mon opinion pourrait ĂȘtre un peu impopulaire. [...]
Jâai Ă©tĂ© surprise au cours des deux derniers semestres par ce que jâai entendu de la part de mes collĂšgues TAs au sujet des exigences ou de la charge de travail qui reste, Ă mon avis, incroyablement juste. » Elle admet tout de mĂȘme que « câest grĂące au syndicat que nous bĂ©nĂ©ficions dâune situation aussi favorable Ă lâheure actuelle. Nous sommes incroyablement bien payĂ©s par rapport Ă tout ce que nous pourrions faire dâautre ». *PrĂ©noms fictifs x
« La façon dont le cours Ă©tait montĂ©, [...] jâai trouvĂ© ça trĂšs stressant [...] parce que je suis en position dâautorité »Emma*, ancienne TA en sciences politiques Jade lĂȘ | Le dĂlit
« Jâai eu tellement dâexpĂ©riences positives [...]. Jâai vraiment adorĂ© nouer des liens »Louise*, anciennne TA Jade lĂȘ | Le dĂlit
Lors de la derniĂšre retraite du Cabinet fĂ©dĂ©ral de Justin Trudeau, tenue du 21 au 23 aoĂ»t dernier Ă Charlottetown, nous avons reçu une nouvelle proposition du Parti LibĂ©ral dans le dossier de la crise du logement. Le ministre fĂ©dĂ©ral du Logement, de lâInfrastructure et des CollectivitĂ©s, Sean Fraser, a proposĂ© dâinstaurer une limite sur les admissions dâĂ©tudiant·e·s Ă©tranger·Úre·s aux niveaux postsecondaires, ce qui permettrait Ă son avis dâallĂ©ger la crise qui sĂ©vit actuellement Ă travers le pays dans le milieu locatif. Cette proposition a su retentir au sein des sphĂšres gouvernementale et universitaire, et crĂ©e Ă prĂ©sent un tollĂ© au sein des deux milieux, qui jugent quâune telle proposition pourrait engendrer plus de consĂ©quences indĂ©sirables que de bĂ©nĂ©fices. La question est donc la suivante: lâimposition dâun plafond sur les admissions dâĂ©tudiant·e·s Ă©tranger·Úre·s au Canada a-t-elle rĂ©ellement le potentiel de remĂ©dier Ă la crise du marchĂ© du logement?
La crise du logement est un phĂ©nomĂšne qui sâest intensifiĂ© au cours des vingt derniĂšres annĂ©es et qui se traduit par « une pĂ©nurie de logements locatifs et la surenchĂšre immobiliĂšre, les coĂ»ts des loyers qui explosent, les ârĂ©novictionsâ, et [de plus en plus de] (ndlr) locataires victimes de fraude », selon la dĂ©finition du Devoir. Ces vingt derniĂšres annĂ©es, plusieurs mĂ©tropoles canadiennes ont connu une montĂ©e fulgurante des prix des loyers : durant cette mĂȘme pĂ©riode, le nombre dâĂ©tudiant·e·s Ă©tranger·Úre·s aurait lui aussi crĂ» de façon importante, atteignant une hausse de 325 pourcents entre 2001 et 2021, selon Statistique Canada.
Actuellement, il nâexiste pas de limite sur les admissions universitaires dâĂ©tudiant·e·s internationaux·ales. NĂ©anmoins, sachant que la plupart dâentre eux·elles vivent en location, le gouvernement a choisi de dĂ©signer comme boucs Ă©missaires les Ă©tudiant·e·s Ă©tranger·Úre·s, en associant leur nombre plus important Ă la crise du logement actuelle. Selon les analystes du marchĂ© locatif, il faudrait tripler les nouvelles constructions au cours des sept prochaines annĂ©es afin de compenser notre retard et assurer des logements plus abordables dans les grandes mĂ© -
tropoles canadiennes. Opposition chez les Libéraux
Depuis lâannonce du ministre Fraser, plusieurs ministres ont soulevĂ© leur rĂ©ticence vis-Ă -vis de la mise en place dâun maximum dâadmissions universitaires dâĂ©tudiant·e·s Ă©tranger·Úre·s. Câest le cas du ministre de lâInnovation, des Sciences et de lâIndustrie, François-Philippe Champagne, qui juge que limiter lâentrĂ©e de nouveaux·elles arrivant·e·s serait problĂ©matique puisque cela freinerait lâacquisition de nouveaux talents via lâaccueil dâĂ©tudiant·e·s Ă©tranger·Úre·s. Il juge que ces migrant·e·s Ă©duqué·e·s reprĂ©sentent un groupe de nouveaux·elles arrivants·es trĂšs convoitĂ© dans le milieu de lâemploi, mais croit aussi que le Canada se doit de sâassurer dâavoir les infrastructures nĂ©cessaires pour les accueillir de façon durable. Pour sa part, la vice-premiĂšre ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, juge que la solution serait plutĂŽt la construction de nouveaux logements locatifs. Finalement, le
gouvernement gagne du temps prĂ©cieux qui lui permettra de trouver une solution rĂ©ellement viable pour potentiellement rĂ©gler la crise du logement. Actuellement, il existe peu de lĂ©gislation sur les loyers, ce qui fait quâils sont uniquement soumis Ă la dominance de lâoffre et de la demande, alors quâils pourraient faire lâobjet de limitation sur les hausses de loyers annuellement imposĂ©es aux locataires. Câest notamment ce que QuĂ©bec Solidaire a proposĂ© Ă lâĂ©chelle provinciale, avec son projet de registre des loyers, une option peu coĂ»teuse qui permettrait Ă tous·tes dâavoir accĂšs au loyer payĂ© pour nâimporte quelle unitĂ© sur le marchĂ©.
Autrement dit, avec cette proposition lĂ©gislative, le Cabinet fĂ©dĂ©ral ne fait que repousser lâimpĂ©ratif de lĂ©gifĂ©rer sur la question de la crise du logement. Ainsi, ils·elles
responsabilitĂ© - et les Ă©tudiant·e·squi continueront de voir leur loyer augmenter annuellement - avec le gouvernement. Selon un sondage menĂ© par Abacus Data au cours du mois dâaoĂ»t dernier, si une Ă©lection fĂ©dĂ©rale Ă©tait tenue aujourdâhui et que seulement la GĂ©nĂ©ration Z et les MillĂ©niaux pouvaient voter, le Parti LibĂ©ral serait relĂ©guĂ© Ă la seconde opposition fĂ©dĂ©rale. Le Parti LibĂ©ral a donc intĂ©rĂȘt Ă maintenir son emprise sur les plus Ăągé·e·s, sachant que les jeunes Canadien·ne·s ne supporteraient pas le parti au pouvoir. Ainsi, considĂ©rant que les Canadien·ne·s de moins de 35 ans ont moins de chance dâĂȘtre propriĂ©taires, le parti a intĂ©rĂȘt dâĂ©viter les sanctions auprĂšs des propriĂ©taires et Ă trouver un coupable chez les jeunes.
Les étudiant·e·s étranger·Úre·s rapportent au Canada
donc questionner le ministre Fraser Ă savoir sâil pense aujourdâhui que le blĂąme quâil place sur les Ă©tudiant·e·s Ă©tranger·Úre·s est juste, alors quâil y a moins dâun an, il les remerciait de leur contribution Ă lâĂ©conomie canadienne.
DerniÚres pensées
ministre de la SĂ©curitĂ© publique, des Institutions dĂ©mocratiques et des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, a soulevĂ© que rĂ©duire les nouveaux objectifs dâadmission en immigration serait une « solution simpliste », qui ne rĂ©glerait probablement pas lâentiĂšretĂ© du problĂšme de la crise du logement.
Solution Ă long terme ou remĂšde miracle?
Quand le ministre Sean Fraser a soulevĂ© cette idĂ©e, pensait-il rĂ©ellement Ă rĂ©gler le problĂšme de la crise du logement, ou sâattaquait-il de façon superficielle aux critiques rĂ©pĂ©tĂ©es visant lâinaction libĂ©rale dans ce secteur? Il me semble raisonnable dâassumer que les LibĂ©raux savaient ce quâils·elles faisaient en lançant une telle proposition : en recentrant le discours sur les Ă©tudiant·e·s Ă©tranger·Úre·s, le
dĂ©tournent lâattention dâun groupe quâils·elles dĂ©sirent Ă©pargner de la responsabilitĂ© pour la crise du logement : les propriĂ©taires. Ceux·celles-ci sont connu·e·s pour user frĂ©quemment de leur pouvoir Ă lâexcĂšs en imposant des hausses de loyer abusives. En effet, certain·e·s ont tendance Ă profiter du manque dâĂ©ducation des locataires sur leurs droits locatifs afin de faire plus dâargent. Par expĂ©rience, jâai vu plus dâun·e propriĂ©taire tenter dâimposer des mesures illĂ©gales Ă des locataires, comme des dĂ©pĂŽts de sĂ©curitĂ©, des frais liĂ©s au bail qui devraient ĂȘtre couverts par le locateur, ainsi que des pratiques dâĂ©viction.
Dans le contexte dâune limitation des Ă©tudiant·e·s internationaux·ales, il est intĂ©ressant dâanalyser les relations de ceux·elles qui y gagneraient - les propriĂ©taires qui se voient Ă©pargner de toute
Toutefois, malgrĂ© les efforts du gouvernement visant Ă discrĂ©diter les jeunes Ă©tudiant·e·s internationaux·ales, ceux·celles-ci reprĂ©sentent des atouts importants au Canada. En date de 2018, il Ă©tait estimĂ© que les Ă©tudiant·e·s internationaux·ales contribuaient Ă environ 21.6 milliards de dollars du PIB national, et que leur prĂ©sence au Canada incitait la crĂ©ation de prĂšs de 170 000 emplois pour la classe moyenne. Il est Ă©galement non nĂ©gligeable de rappeler que leurs frais de scolaritĂ© sont jusquâĂ cinq fois plus Ă©levĂ©s que ceux des rĂ©sident·e·s permanent·e·s. Il est donc Ă©vident quâil serait nĂ©faste pour la pĂ©rennitĂ© Ă©conomique et sociale de limiter le nombre dâĂ©tudiant·e·s Ă©tranger·e·s au Canada.
De plus, considĂ©rant la pĂ©nurie de main-dâĆuvre qui sĂ©vit actuellement au pays, il ne serait pas judicieux pour le gouvernement fĂ©dĂ©ral de limiter le nombre dâĂ©tudiant·e·s Ă©tranger·Úre·s, puisque ceux·celles-ci reprĂ©sentent un atout important au milieu de lâemploi canadien. Câest Sean Fraser qui avait annoncĂ© en octobre 2022 que la limite de 20 heures de travail hebdomadaire qui sâappliquait aux Ă©tudiant·e·s internationaux·ales pendant leurs sessions dâĂ©tudes Ă©tait levĂ©e afin dâallĂ©ger le plein dâemploi. On peut
Finalement, peut-on rĂ©ellement tenir les Ă©tudiant·e·s Ă©tranger·Úre·s responsables de la flambĂ©e abusive des prix dans le milieu locatif? PeutĂȘtre est-ce un peu simpliste de ma part, mais si jâai retenu une chose de mes cours dâĂ©conomie, câest que malgrĂ© une hausse de la demande, et la hausse des prix consĂ©quente, il restera toujours du ressort des propriĂ©taires - et du gouvernement - de dĂ©cider des prix du marchĂ©. Une part du problĂšme rĂ©side donc dans le manque dâintĂ©rĂȘt du gouvernement de lĂ©gifĂ©rer et de freiner la cupiditĂ© des investisseur·euse·s immobilier·Úre·s, qui voient le marchĂ© de la location comme un moyen simple dâextorquer de lâargent aux moins fortuné·e·s. Dans la mĂȘme veine, on ne devrait pas permettre au marchĂ© locatif, qui est de lâordre des biens essentiels, de servir de terrain de jeux pour la spĂ©culation immobiliĂšre.
Cynique? Peut-ĂȘtre. Ceci Ă©tant dit, je pense quâil est trĂšs improbable que les propriĂ©taires changent volontairement leurs pratiques, en demandant des loyers simplement dictĂ©s par leurs besoins financiers et non par ce quâils·elles croient possible dâobtenir de locataires dĂ©sespĂ©ré·e·s. Si on choisit de plafonner les admissions dâĂ©tudiant·e·s internationaux·ales, ce ne devrait pas ĂȘtre pour remĂ©dier Ă la crise du logement, mais plutĂŽt pour sâassurer que tous·tes les Ă©tudiant·e·s admis·e·s bĂ©nĂ©ficient dâinfrastructures adĂ©quates et adaptĂ©es Ă leur besoin les plus essentiels. La ministre provinciale de lâHabitation France-Ălaine Duranceau suggĂšre une solution des plus intĂ©ressantes : « Que [les jeunes] (ndlr) investissent en immobilier! » Si seulement câĂ©tait si simple, nous serions tous propriĂ©taires.e.s.x
Est-ce une solution durable au problĂšme de la crise du logement?
« Selon les analystes du marché locatif, il faudrait tripler les nouvelles constructions au cours des sept prochaines années afin de compenser notre retard »
JEANNE MARENGĂRE Ăditrice Opinion
Des centaines de clubs
Quand je suis arrivĂ©e Ă McGill, lâimmense variĂ©tĂ© de clubs et dâopportunitĂ©s mâa complĂštement dĂ©boussolĂ©e. Je voulais explorer les possibilitĂ©s, mais face Ă leur abondance, jâĂ©tais paralysĂ©e. Et il y a de quoi lâĂȘtre, lâAssociation Ătudiante de lâUniversitĂ© McGill (AĂUM) gĂšre plus de 230 clubs, couvrant des sujets aux antipodes et proposant Ă diffĂ©rentes communautĂ©s de se retrouver, et dâ affirmer leur prĂ©sence sur le campus. Par oĂč commencer⊠Probablement par la SoirĂ©e des ActivitĂ©s (Activities Night) qui aura lieu ce mercredi 13 et jeudi 14 septembre de 15h Ă 20h, qui permet de littĂ©ralement sillonner entre les clubs, qui font valoir leur identitĂ© et vous convaincront peut-ĂȘtre de les rejoindre.
Le but lorsque lâon sâengage est avant tout de trouver sa place, au sein dâune communautĂ© qui nous reprĂ©sente et nous permet de dĂ©velopper des compĂ©tences en fonction de nos centres dâintĂ©rĂȘts. Certains clubs Ă McGill sont organisĂ©s et dĂ©veloppĂ©s dâune façon impressionnante, y appartenir donne de vraies responsabilitĂ©s qui sâinscrivent dans le concret. Les confĂ©rences McGill Model United Nations Assembly (McMun) ou Secondary Schoolsâ United Nations Symposium (SSUNS) accueillent par exemple chaque annĂ©e des milliers dâĂ©tudiantes et Ă©tudiants de toute lâAmĂ©rique du Nord. Ils·elles viennent participer Ă ces simulations des Nations unies rĂ©putĂ©es, et elles sont entiĂšrement organisĂ©es et dirigĂ©es par des Ă©tudiant·e·s de lâUniversitĂ© McGill. Les enjeux sont grands, alors ces expĂ©riences apportent des apprentissages uniques que lâon ne trouverait jamais dans les livres.
Il y a aussi les clubs qui reprĂ©sentent des communautĂ©s marginalisĂ©es, des minoritĂ©s ethniques, gĂ©ographiques ou religieuses, et qui peuvent crĂ©er un rĂ©el sentiment dâ appartenance au sein dâune universitĂ© si grouillante dâĂ©tudiant·e·s
rose chedid | Le dĂlit
quâelle en devient impersonnelle. Faire partie dâun club peut permettre de complĂ©ter des enseignements, mais aussi dâaider Ă trouver une communautĂ© au sein de laquelle on se sent exister. Il ne faut pas hĂ©siter Ă essayer, mais ne pas non plus se perdre en surchargeant son emploi du temps.
Comment Ă©viter de sâĂ©crouler sous le poids des impĂ©ratifs? Le DĂ©lit a rencontrĂ© Lucille Applegate, une Ă©tudiante en troisiĂšme annĂ©e trĂšs impliquĂ©e depuis sa premiĂšre annĂ©e dans de nombreux clubs qui lui ont donnĂ© de belles responsabilitĂ©s, et enseignĂ© beaucoup. Elle nous parlera aussi des difficultĂ©s quâelle a rencontrĂ©, et du cheminement qui lâamĂšne Ă trouver le bon Ă©quilibre.
Une étudiante (trÚs) impliquée
Depuis sa premiĂšre annĂ©e, Lucille est trĂšs impliquĂ©e au sein de nombreux clubs, et occupe des positions Ă responsabilitĂ©s qui lui demandent du temps. Elle a commencĂ© en devenant vice prĂ©sidente des Affaires externes du First Year Council de lâAĂUM, dĂšs son arrivĂ©e Ă lâUniversitĂ©. DĂšs la session dâhiver de sa premiĂšre annĂ©e, elle a fait partie de lâĂ©quipe de dĂ©lĂ©gation de simulation des Nations unies de
lâuniversitĂ©, qui se rĂ©unit tous les samedis matin et demande beaucoup de travail en dehors de ces rĂ©unions. Puis, durant cette mĂȘme session, elle fut dĂ©signĂ©e pour organiser les Ă©vĂ©nements qui ont lieu durant la confĂ©rence SSUNS pour des milliers dâĂ©tudiant·e·s du secondaire pendant quatre jours en novembre. Lucille choisit ses engagements en fonction de deux critĂšres : elle veut « relever des dĂ©fis et rencontrer de nouvelles personnes, qui lui ressemblent et qui lâinspirent ». Pour ces raisons, elle a Ă©galement dĂ©cidĂ© dâĂȘtre coordinatrice de la logistique du Frosh de la FacultĂ© des arts cette annĂ©e, qui fut « avec mon expĂ©rience Ă SSUNS, mon engagement prĂ©fĂ©rĂ©, car incroyablement gratifiante ».
Le bon équilibre
Faire partie dâautant de clubs tout en poursuivant des Ă©tudes Ă lâUniversitĂ© McGill peut ĂȘtre compliquĂ© Ă gĂ©rer, logistiquement, mais aussi mentalement. Lorsque lâon sâengage dans un club, il nâest jamais possible dâĂȘtre complĂštement conscient·e du temps que cela va prendre, dâautant plus pendant la premiĂšre annĂ©e, alors que tout est dĂ©couverte. Lucille nous confie quâil est dĂ©jĂ arrivĂ© que « mes engagements prennent le dessus sur mes Ă©tudes et que cela ait un effet sur mes notes ». Il a toujours Ă©tĂ© important pour elle de ne pas laisser tomber les gens avec qui elle travaille, car contrairement au cours, dans un club, si lâon ne remplit pas sa
part, le travail retombe souvent sur quelquâun dâautre. Elle considĂšre dâailleurs le sens des responsabilitĂ©s que cela lui a donnĂ© comme le plus grand enseignement que ses engagements lui ont apportĂ©. Avec le temps, elle a appris que les Ă©tudes et la santĂ© mentale sont les vraies prioritĂ©s. Lorsque cela devient trop, « il ne faut pas hĂ©siter Ă communiquer avec les autres membres du club, car nous
Faire partie du DĂ©lit est Ă©galement une expĂ©rience particuliĂšre qui donne de nombreuses responsabilitĂ©s et demande beaucoup de temps. En effet, le journal paraĂźt toutes les semaines et assume le rĂŽle dâĂȘtre la premiĂšre plateforme dâinformations francophones sur le campus de McGill, les Ă©ditrices et Ă©diteurs doivent ainsi toujours assumer leur part de travail. Nous avons de ce fait demandĂ© Ă notre rĂ©dacteur en chef depuis la session dâhiver 2023, LĂ©onard Smith pourquoi et comment il occupait cette position si importante pour notre fonctionnement, Ă cĂŽtĂ© de ses Ă©tudes. Il dit considĂ©rer le DĂ©lit comme un apprentissage Ă part entiĂšre et unique, que les Ă©tudes ou la vie professionnelle ne permettraient jamais. Il prĂ©cise : « Je considĂšre le DĂ©lit comme un processus au sein duquel on est amenĂ© Ă ĂȘtre en constant apprentissage. Câest une expĂ©rience unique en son genre de travailler dans une association Ă but non lucratif mais qui a tout de mĂȘme les moyens de diffusion Ă sa disposition pour rejoindre le lectorat chaque semaine. »
sommes tous·tes des étudiant·e·s avant tout ». Finalement, il faut savoir prendre des pauses et prendre soin de soi.
AprĂšs sâĂȘtre essayĂ©e Ă de nombreux clubs et engagements diffĂ©rents, Lucille nous a donnĂ© un conseil pour celles et ceux qui veulent sâimpliquer dans un club. Elle mâa rĂ©pondu : « Osez vous lancer. Le but nâest pas de tout savoir avant dâessayer, les clubs sont lĂ pour nous apprendre, et ils sont parfois des rĂ©vĂ©lations. » Lucille a appris le sens du devoir envers les autres et envers elle-mĂȘme, mais aussi lâorganisation. En construisant des projets avec dâautres, elle a pu vivre lâesprit de communautĂ©, qui peut parfois ĂȘtre difficile Ă trouver au sein dâune si grande universitĂ©.
Concernant la nature mĂȘme de notre club, qui nous forme au mĂ©tier de journaliste par le fait mĂȘme de la pratique et de lâentraide, il ajoute : « Cela nous amĂšne Ă nous confronter Ă une diversitĂ© de propositions, que ce soit de la part des membres de lâĂ©quipe ou des contributeur·rices en réévaluant et en questionnant constamment nos propres opinions. Le DĂ©lit est un endroit propice au partage et Ă lâentraide. On exerce notre esprit critique au quotidien, et il nây a pas de formations similaires pour les journalistes en devenir Ă McGill. »
Faire partie de clubs est une expĂ©rience unique qui vient complĂ©ter lâenseignement universitaire dâune façon plus personnelle, qui nous ressemble. x
« Je voulais explorer les possibilitĂ©s, mais face Ă lâabondance jâĂ©tais paralysĂ©e »
« Faire partie du Délit est également une expérience particuliÚre qui donne de nombreuses responsabilités et demande beaucoup de temps »
diri(gente) féminine aufeminin@delitfrancais.com
Dans ma volontĂ© de donner une plus grande visibilitĂ© aux films rĂ©alisĂ©s par des femmes, en rĂ©ponse aux barriĂšres financiĂšres et sociales encore trop importantes auxquelles celles-ci sont soumises, je suis allĂ©e voir le premier film de Tina Satter, sorti au moi dâaoĂ»t : Reality
Le film sâinscrit dâune façon quelque peu dĂ©routante dans la rĂ©alitĂ©, Ă©tant entiĂšrement basĂ© sur lâenregistrement dâune heure et vingt minutes de lâinterrogatoire dâune AmĂ©ricaine des plus normales, nommĂ©e Reality. Le titre rĂ©fĂšre Ă lâhistoire de cette femme ayant rĂ©ellement existĂ© , et qui sâest vue interrogĂ©e par le Bureau fĂ©dĂ©ral dâenquĂȘte amĂ©ricain (FBI), le samedi 3 juin 2017, avant de voir sa maison ĂȘtre fouillĂ©e de fond en comble. Tout semble anodin : elle possĂšde des animaux de compagnie, habite dans un petit pavillon, donne des cours de yoga, et les agents du FBI sâassurent sans aucune agressivitĂ© de son confort. NĂ©anmoins, ils sont lĂ pour lâinterroger.
semble particuliĂšrement les intĂ©resser. La fiction nâa parfois rien besoin dâinventer, la rĂ©alitĂ© Ă©tant si surprenante. En un peu plus dâune heure, sans une once dâhostilitĂ© , les deux agents par -
« Tout semble anodin : elle possĂšde des animaux de compagnie, habite dans un petit pavillon, donne des cours de yoga, et les agents du FBI sâassurent sans aucune agressivitĂ© de son confort. NĂ©anmoins, ils sont lĂ pour lâinterroger »
Reality Winner ne donne pas seulement des cours de yoga, comme on le dĂ©couvre au fil de lâinterrogatoire. Ă 25 ans, elle est vĂ©tĂ©rante de lâUS Air Force et est maintenant linguiste pratiquant le farsi et le pachto (langues parlĂ©es notamment en Iran et au Pakistan). Elle travaille ainsi pour Pluribus International Corporation , une entreprise sous-traitante pour lâAgence Nationale de SĂ©curitĂ© (NSA) amĂ©ricaine. Tandis que les intentions des agents semblent des plus honnĂȘtes, ils finissent tout de mĂȘme par lui soutirer plusieurs informations cruciales. Le travail quâelle occupe lui donne accĂšs Ă des documents classĂ©s « secret dĂ©fense », un sujet qui
viennent Ă faire avouer Ă Reality ce pourquoi elle sera ensuite arrĂȘtĂ©e. Elle a imprimĂ© et sorti de son lieu de travail de façon illĂ©gale un rapport quâelle a volontairement recherchĂ©, pour ensuite lâenvoyer aux reporters du journal The Intercept , risquant ainsi sa carriĂšre, mais sâexposant surtout Ă de lourdes rĂ©percussions lĂ©gales, parfaitement consciente des consĂ©quences qui pouvaient sâensuivre.
2017 : les enquĂȘtes sur lâĂ©lection de Trump
En 2017, les journalistes amĂ©ricain·e·s dĂ©libĂšrent sur les plateaux tĂ©lĂ©visĂ©s au sujet dâenquĂȘtes inachevĂ©es, lancĂ©es notamment par le procureur Robert Muller. Des doutes
autour des Ă©lections prĂ©sidentielles de 2016 naissent dans une sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine qui se polarise : la dĂ©mocratie est remise en question. LâĂ©lection du prĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump aurait Ă©tĂ© truquĂ©e (prĂ©sumĂ©ment en sa faveur) en raison dâune supposĂ©e ingĂ©rence russe. Donald Trump a dâailleurs tentĂ© de rĂ©utiliser cet argumentaire en son avantage, ce qui est relativement trĂšs contradictoire.
Dans ce contexte, Reality Winner vit une terrible frustration : elle a accĂšs Ă des documents qui pourraient fournir des rĂ©ponses, des rĂ©ponses quâelle estime essentielles pour ses compatriotes amĂ©ricains. Alors, elle fait ce que notre conscience nous pousse irrĂ©pressiblement Ă faire face Ă une rĂ©alitĂ© lĂ©gale nationale injuste : elle devient hors-la-loi au nom de la justice amĂ©ricaine. Les documents confidentiels quâelle envoie Ă The Intercept attestait de lâingĂ©rence russe dans lâĂ©lection de Donald Trump en 2016. Plus prĂ©cisĂ©ment, ils prouvaient la tentative de pirates informatiques russes de contrefaire un fournisseur de machines de votes. Des informations essentielles, qui pouvaient remettre en question la valeur de la dĂ©mocratie amĂ©ricaine, des informations auxquelles le public nâaurait pas eu accĂšs sans lâaction courageuse dâune individue, qui sacrifia sa libertĂ© pour demeurer fidĂšle Ă ses idĂ©aux. Le geste posĂ© par Reality la condamne Ă cinq ans et trois mois de prison en 2018. Ce
au dĂ©pourvu et manipulent ses rĂ©ponses jusquâĂ ce quâelle offre une confession. Les agents empruntent des airs dignes de confiance, pour finalement imposer leur domination et lui faire comprendre quâelle nâa en rĂ©alitĂ© aucun pouvoir sur la situation, quâils savent dĂ©jĂ tout. Ils veulent simplement comprendre la motivation derriĂšre ses actes. Du moins câest ce quâils prĂ©tendent.
faisant, elle devient la premiĂšre personne inculpĂ©e au motif de lâEspionnage Act de 1917. Les nombreuses pĂ©titions et la demande de grĂące au PrĂ©sident nâauront servi Ă rien, mais elle est libĂ©rĂ©e de façon anticipĂ©e pour bonne conduite en 2021. Elle demeure nĂ©anmoins en centre de rĂ©insertion pendant un moment.
Les contre-plongĂ©es de la camĂ©ra, les ralentis et les gros plans explicitent Ă©galement la position dans laquelle Reality se trouve vraiment. Elle est une femme, seule, plutĂŽt petite, incertaine, face Ă deux hommes imposants physiquement, sĂ»rs dâeux et armĂ©s. Elle est une individue sans pouvoir dans la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine, une femme manipulĂ©e par deux hommes qui la dominent en tout point. Sa vulnĂ©rabilitĂ© semble irrĂ©elle. Ătait-elle donc vouĂ©e Ă perdre en dĂ©voilant ces documents? Rien ne pouvait apparemment la protĂ©ger.
Ce film et cette histoire mâont menĂ©e Ă me poser de nombreuses questions. Les individu·e·s peuvent-ils·elles jamais contrer un Ătat ou une institution sans le soutien de la population? Et si câest le cas, nâest-il alors pas le rĂŽle des journalistes, des artistes et des
« Des informations essentielles, qui pouvaient remettre en question la nature de la dĂ©mocratie amĂ©ricaine, des informations auxquelles le public nâaurait pas eu accĂšs sans lâaction courageuse dâune individue, qui sacrifia sa libertĂ© pour demeurer fidĂšle Ă ses idĂ©aux »
Le film de Tina Satter ne se contente pas de relayer lâhistoire trop peu connue dâune femme qui sâest sacrifiĂ©e au nom de la vĂ©ritĂ©, il rĂ©vĂ©le Ă©galement une rĂ©alitĂ© plus subtile. Lâart permet dâexposer une vision, un parti pris, dans le cas du documentaire, ou ici du docudrama . La rĂ©alisatrice utilise des effets stylistiques pour rĂ©vĂ©ler la perversitĂ© des mĂ©thodes utilisĂ©es par le FBI, qui prennent Reality
mĂ©dias, que de rĂ©vĂ©ler leur histoire au public? Les reporters de The Intercept nâauraient-ils·elles pas dĂ» faire plus pour protĂ©ger Reality ou pour mieux relayer sa version des faits? Ont-ils·elles aussi Ă©tĂ© victimes de pression gouvernementales? Et nâest-ce pas la responsabilitĂ© de la population, notre responsabilitĂ©, que de se battre pour la protection des lanceurs et lanceuses dâalerte? En ce qui me concerne, câest pour cela que jâĂ©cris cet article, car maintenant que je connais lâhistoire de Reality, il me semble quâil est de mon devoir de la diffuser Ă mon Ă©chelle.x
Le 29 aoĂ»t, Le DĂ©lit sâest rendu en avant-premiĂšre au vernissage de la 16 e Ă©dition de lâexposition World Press Photo 2023. DĂ©signĂ©e par le New York Times comme « le plus important Ă©vĂ©nement en photojournalisme », lâexposition est prolongĂ©e de deux semaines cette annĂ©e et sera ouverte au public du 30 aoĂ»t au 15 octobre au MarchĂ© Bonsecours Ă MontrĂ©al.
La Fondation World Press Photo, basĂ©e aux Pays-Bas, est une organisation Ă but non lucratif, engagĂ©e pour la libertĂ© de la presse. Celle-ci est inscrite dans La DĂ©claration Universelle des Droits de lâHomme comme le droit « de recevoir et de rĂ©pandre, sans considĂ©ration de frontiĂšres, les informations et les idĂ©es par quelque moyen dâexpression que ce soit. » Cette libertĂ© fondamentale reprĂ©sente un enjeu considĂ©rable pour les photojournalistes, qui sont souvent menacĂ©s lorsquâils se rendent sur le terrain dans certains pays moins dĂ©mocratiques. Par ailleurs, elle ne cesse de reculer
dĂ©placent avec leur troupeau, mais parce que les animaux pĂ©rissent lors des grandes sĂ©cheresses, ils sont contraints dâabandonner leur mode de vie et de se sĂ©dentariser dans des camps, oĂč ils deviennent des rĂ©fugiĂ©s climatiques. Lâimage
fait un grand barrage sur le Nil, ce qui amoindrit lâeau au Soudan et en Ăgypte. Je me dis quâil y a un truc qui se passe et jây vais. AprĂšs, cela peut changer : on a une idĂ©e entre-temps et quand on est sur le terrain, soit câest diffĂ©rent, soit ça change.
LD : Ciblez-vous particuliÚrement des pays en développement?
voyager, Ă prendre lâavion, mĂȘme si jâessaie de me limiter Ă deux vols par an. Mais si pendant mon voyage, je veux changer de pays, je mâimpose de prendre le bus, ce qui est bien parce que lâon rencontre beaucoup plus de gens par les transports en commun quâen avion. Une mĂ©thode lente, mais qui sâoppose justement Ă la mondialisation, qui veut que tout soit rapide. Câest un choix. Pas beaucoup de photojournalistes font comme moi. Dâautres prĂ©fĂšrent voyager au grĂ© des commandes, ou alors se baser dans un mĂȘme pays pendant longtemps, câest un autre modĂšle. Moi jâai mon modĂšle Ă moi. Tu nâas pas dâappartement ; ta vie est un sac Ă dos.
LD : Quand vous faites vos photos, vous sentez-vous plus artiste ou journaliste?
JF : Journaliste.
LD : Ne culpabilisez-vous pas parfois quand vous ĂȘtes sur place et comparez votre sort au leur?
dans le monde depuis 2012, dâaprĂšs un rĂ©cent rapport de lâUNESCO.
La Fondation World Press Photo propose un concours annuel aux photographes et photojournalistes internationaux, dont les Ćuvres sont ensuite exposĂ©es, quâelles soient gagnantes ou non, pour mettre en lumiĂšre des enjeux sociĂ©taux souvent dissimulĂ©s par certains gouvernements. Le DĂ©lit a eu lâoccasion de rĂ©aliser une brĂšve entrevue avec le laurĂ©at de lâĂ©dition 2023, Jonathan Fontaine.
Depuis 2013, ce photojournaliste français parcourt le monde pour rĂ©aliser des reportages photographiques. Cette annĂ©e, il a reçu le premier prix pour sa sĂ©rie de photographies intitulĂ©e Lâultime voyage du nomade, dans laquelle il expose les consĂ©quences du rĂ©chauffement climatique sur le nomadisme pastoral, en dĂ©clin dans la corne africaine. Ces nomades se
gagnante reprĂ©sente Samira, jeune fille de seize ans, observant lâun de ces camps de rĂ©fugiĂ©s, situĂ© en Ăthiopie.
Le Délit (LD) : Comment choisissez-vous vos destinations quand vous partez faire vos reportages?
Jonathan Fontaine (JF) : Il y a plusieurs facteurs. Parfois, je connais un petit peu le pays et le sujet que jâai envie de rĂ©aliser. Ăa mâarrive dâaller dans un pays que je ne connais pas et dây trouver le reportage Ă faire. Donc, la destination nâest pas toujours commandĂ©e ou prĂ©vue. Je voyage non-stop depuis dix ans. Je suis constamment Ă la recherche de ce que je peux faire et Ă la dĂ©couverte de nouveaux pays. Avant tout, je suis voyageur, photographe, et journaliste. Un exemple : lâĂthiopie
JF : Oui, je ne fais pas beaucoup le Canada (rires) . Ce qui mâintĂ©resse dans mon travail, câest plutĂŽt lâimpact que la vie humaine, lâĂ©conomie humaine, a sur les gens. Cela passe par la dĂ©forestation, le changement climatique. Câest pour cela que souvent, les pays les plus touchĂ©s restent en Afrique, en AmĂ©rique du Sud, et dans des parties de lâAsie. Donc, câest sĂ»r que je ne choisis pas les Ătats-Unis. De toute façon, jâaime bien dĂ©couvrir des cultures diffĂ©rentes de la mienne. On apprend toujours. Moi, jâai une culture occidentale. Quand on est dans une forĂȘt avec des gens qui sont nomades, il y a un dĂ©calage. Mais les gens, ils vivent comme ça et ils sont heureux, ou malheureux de ne plus vivre comme cela. Quand certains profitent des avions et dâune Ă©conomie riche, dâautres en souffrentâŠ
JF : Non, câest ma motivation. Câest parce que je viens de pays aisĂ©s que je me dis que câest un devoir dâaller documenter ce savoir pour le ramener et changer les choses Ă ma maniĂšre. Cela amĂšne beaucoup plus dâattention Ă ces injustices, alors câest vrai que si je pouvais gagner tous les ans, cela mâaiderait!
LD : Jâai lu que vous vous dĂ©placez Ă vĂ©lo pour rĂ©aliser vos reportages, nâest-ce pas trop difficile parfois?
JF : Ăa câest nouveau. Je commence Ă explorer de nouvelles façons de voyager. Et le vĂ©lo,
LD : Vous donnez la prioritĂ© au message plutĂŽt quâĂ la beautĂ© artistique?
JF : Câest ça. Disons que je privilĂ©gie le cĂŽté⊠intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. Le journaliste rapporte la rĂ©alitĂ© Ă la presse internationale. Je me considĂšre donc juste comme un rapporteur. Je rapporte les informations, et aprĂšs, câest la politique qui doit faire la suite. Clairement, câest un grand dĂ©bat, parce que les gens me disent : « Mais si, tu es un artiste! » Si on me perçoit comme artiste, dâaccord, mais moi je me sens plutĂŽt photographe-journaliste, documentariste. Mais, il y a diffĂ©rents types de photographes.
jâaime beaucoup. Donc relier les chemins par la terre, cela permet de croiser des villages, faire des rencontres, et dĂ©niche des histoires. Câest comme faire un documentaire. On trouve quelque chose et on reste vivre avec les gens. Je suis encore en train dâexplorer ce mode de dĂ©placement. Pour lâinstant je ne vois pas ça comme une façon de faire, parce que je continue Ă
Certains sont plus artistiques, contemporains. Moi, lâart, jâaime quand il est engagĂ©.
Vous pouvez aller voir lâexposition World Press Photo au MarchĂ© Bonsecours jusquâau 15 octobre pour y dĂ©couvrir les photographies de Jonathan Fontaine, et de bien dâautres artistes engagĂ©s Ă travers la planĂšte.x
la photographie alerte sur la fin dâun mode de vie Entrevue avec Jonathan Fontaine, laurĂ©at du concours World Press Photo 2023.AdĂle doat Ăditrice Culture
« Tu nâas pas dâappartement ; ta vie est un sac Ă dos »
« Moi, lâart, jâaime quand il est engagĂ© »
Câest dans lâambiance intimiste de la salle de la Grande Licorne, au théùtre La Licorne, que Guylaine Tremblay nous livre un solo bouleversant. Elle y incarne une professeure de littĂ©rature Ă MontrĂ©al chez qui une maladie dĂ©gĂ©nĂ©rative va progressivement altĂ©rer les capacitĂ©s physiques et mentales. Deux moments de sa vie se rĂ©pondent tout au long de la piĂšce : ses Ă©tĂ©s en Provence quâelle passe accompagnĂ©e de ses amis, et sa solitude dans un centre dâhĂ©bergement de soins de longue durĂ©e (CHSLD).
Une piĂšce qui se joue sur deux tableaux
La piĂšce dure 1h40 sans entracte. Le dĂ©cor est minimaliste : une table, des oranges, des fleurs et un Ă©cran. Une toile presque vierge qui laisse toute la place Ă lâactrice pour nous faire passer des cigales de la Provence au silence du CHSLD. Le jeu de contraste des lumiĂšres oranges et bleues nous accompagne Ă©galement dans les transitions entre ces deux moments de vie.
Le texte a Ă©tĂ© conçu spĂ©cifiquement pour lâactrice par Steve Gagnon. Il y dĂ©peint une « femme rare » Ă laquelle peuvent sâidentifier toutes les femmes. Câest un personnage extrĂȘmement vivant, on sâattache Ă son caractĂšre franc et plein dâhumour. Elle prend de la place, danse la salsa,
parlera de son amour pour ceux qui lâentourent jusquâĂ ce que la maladie la rende aphone. Ce quâelle redoute dans sa maladie, câest la dĂ©pendance aux autres, elle qui nous avoue ne jamais avoir appris Ă ĂȘtre fragile. Mais câest cette vulnĂ©rabilitĂ© qui va
Une vĂ©ritable lettre dâamour aux autres et Ă la vie
Câest une piĂšce qui parle dâamour, et, en cette qualitĂ©, qui met en lumiĂšre les relations interpersonnelles qui entourent la protagoniste. On est touchĂ©s par lâaffection quâelle porte Ă sa fille alors que la protagoniste nous confie quâelle a Ă©tĂ© dure avec elle afin quâelle ne soit pas « une victime ». Elle parle de leur dĂ©calage dans leurs façons diffĂ©rentes de voir la vie, puis de leur Ă©loignement. Pourtant, au CHSLD, les fleurs de sa fille sont les seules
se montrer vulnĂ©rable dans sa relation avec lui â câest le dernier Ă qui elle lui annonce sa maladie â elle exprime au CHSLD toute la tendresse quâelle lui porte. Ses derniĂšres paroles contemplent la beautĂ© des moments quâils ont vĂ©cu ensemble.
Cette piĂšce participe Ă la mission du théùtre La Licorne, soit de crĂ©er un lien avec le public Ă travers un Ă©change, de voir « lâautre comme rĂ©vĂ©lateur de nous-mĂȘme », tel que lâexprime le directeur artistique et gĂ©nĂ©ral du théùtre, Philippe Lambert.
exprime Ă voix haute ses opinions. FĂ©ministe, elle nâhĂ©site pas Ă traiter ses amis de misogynes sâils nâont pas un comportement appropriĂ© envers les femmes. DerriĂšre son franc-parler, la protagoniste a une grande pudeur dans lâexpression de son affection. Câest au CHSLD quâelle se fait un devoir dâaller jusquâau bout de ce quâelle a vĂ©cu avec ses proches pour quâil nây ait « rien Ă regretter ». Elle
lui permettre de sâouvrir et dâexprimer son amour sincĂšrement. Le contraste entre les scĂšnes se dĂ©roulant en Provence et celles qui se passent dans le CHSLD est ainsi dâautant plus marquĂ© quâil met en scĂšne la protagoniste sous deux aspects opposĂ©s : dâun cĂŽtĂ©, son impermĂ©abilitĂ© dans sa force joyeuse, de lâautre, sa sensibilitĂ© touchante lors de sa maladie.
quâelle accepte dans sa chambre, et quand elle Ă©voque son absence dans son monologue, câest pour dire quâelles sâaiment « de la bonne maniĂšre ».
On y parle aussi de sa relation avec ses amis, quâelle part rejoindre chaque Ă©tĂ©, de lâaffection quâils se portent malgrĂ© leurs dĂ©saccords et lâĂ©volution de leurs relations. Enfin, on y voit son amour pour Arthur, son compagnon. Elle qui a eu tant de mal Ă
On le voit lors des soirs de reprĂ©sentation. La lumiĂšre sâallume, Guylaine Tremblay commence Ă parler, et la magie sâopĂšre. La salle rit, la salle sâĂ©meut. Un Ă©change a lieu entre lâactrice et les spectateurs. En nous invitant à « continuer Ă parler fort », elle tĂ©moigne de la nĂ©cessitĂ© de prendre de la place, de ne pas se taire, car on « bĂątit avec la parole ». Les Ă©tĂ©s souterrains est une piĂšce nĂ©cessaire dans son injonction Ă vivre. x
Hidden Paradise, piĂšce imaginĂ©e par Alix Dufresne et Marc BĂ©land, a Ă©tĂ© jouĂ©e, dansĂ©e, criĂ©e, plusieurs fois dĂ©jĂ , au Canada, en Belgique et en France. Son texte est le verbatim dâune entrevue radiophonique dâAlain Deneault accordĂ©e en fĂ©vrier 2015 Ă MarieFrance Bazzo au sujet des paradis fiscaux. Elle fait son retour au Prospero pour quelques dates seulement. Câest un message qui doit ĂȘtre Ă©coutĂ©, compris, et mis en action.
Mettre en scÚne une « escroquerie légalisée »
Philosophe, professeur dâuniversitĂ© et essayiste, Alain Deneault, lâauteur de lâessai Paradis Fiscaux : la filiĂšre canadienne (2014) dĂ©nonce depuis prĂšs de deux dĂ©cennies le coĂ»t social de lâĂ©vasion fiscale, soit la pratique qui consiste au dĂ©tournement dĂ©libĂ©rĂ© de la loi fiscale par des entreprises et des citoyens souhaitant « payer moins dâimpĂŽts ». Lors de lâentrevue, le
philosophe dĂ©nonce avec passion et Ă©loquence ce quâil qualifie « dâescroquerie lĂ©galisĂ©e ».
Lâactrice, Alix Dufresne, et lâacteur, FrĂ©dĂ©ric Boivin, entrent sur une scĂšne nue. Ils dĂ©roulent un tapis, allument une radio quâils ont fait rouler jusquâau centre de la scĂšne et restent silencieux tandis que lâaudience Ă©coute lâentrevue, peuplĂ©e des questions en apparence anodines de MarieFrance Bazzo : « Quâapprend-on de nouveau sur la maniĂšre dont les banques contribuent Ă lâĂ©vasion fiscale? », et des rĂ©ponses tranchantes, alarmantes, sortant de la bouche radiophonique du philosophe Deneault.
Nous entendons lâentrevue une premiĂšre fois. La deuxiĂšme fois, Dufresne et Boivin incarnent Bazzo et Deneault, reprenant
jusquâau moindre tic de langage, Ă la moindre hĂ©sitation, et se prĂȘtent Ă une danse Ă©trange qui nâaffecte en rien leur performance vocale. Les troisiĂšme, quatriĂšme, cinquiĂšme, sixiĂšme fois tordent de plus en plus le texte, et les corps, eux aussi, se prĂȘtent Ă des torsions de plus en plus dĂ©routantes, presque inquiĂ©tantes. Les lumiĂšres sâĂ©teignent graduellement dans la salle. Une intensitĂ© dâabord drĂŽle, puis de plus en plus dĂ©rangeante, dĂ©coule lentement de lâabsurditĂ© de ces paroles rĂ©pĂ©tĂ©es tant de fois, de ces rĂ©alitĂ©s odieuses que nous connaissons, que nous entendons, et qui pourtant ne parviennent pas Ă Ă©branler le cours des choses : les ultra-riches dissimulent leurs fortunes et les banques en tirent profit. Cette rĂ©pĂ©tition, comme un martĂšlement du message aux oreilles et aux yeux de lâauditoire, rend compte de lâimportance quâil soit.
« Cela nâest pas un problĂšme lointain, rĂ©servĂ© aux plus aisĂ©s. LâĂ©vasion fiscale est un problĂšme qui nous touche au quotidien. [...] En temps de politiques dâaustĂ©ritĂ©, on nous
Ă la fin, lâentrevue joue au ralenti â on entend la moindre subtilitĂ© de lâenregistrement sonore, ça grince, ça agresse lâoreille â les acteurs font de la synchronisation labiale et le texte a perdu toute signification. Lâeffet est absurde, effrayant et gĂ©nial : ce spectacle, oĂč texte et corps sont littĂ©ralement matĂ©riau, matiĂšre plastique Ă façonner, Ă tendre et Ă compresser, pointe Ă merveille vers la troublante rĂ©alitĂ© des paradis fiscaux.
dit que nous avons un problĂšme de dĂ©penses, mais [...] câest un problĂšme de revenus. Lâargent qui est dĂ©tournĂ© chaque annĂ©e reprĂ©sente une dette sociale non payĂ©e par les plus fortunĂ©s, ceux-lĂ mĂȘmes qui ont utilisĂ© les fonds des contribuables via les financements gouvernementaux pour dĂ©marrer leurs entreprises. »
Hidden Paradise aura eu lâingĂ©niositĂ© de transfĂ©rer ce message radiophonique, depuis la sphĂšre de lâinformation, vers un registre artistique, pour dâautres audiences. Avant la piĂšce, Philippe Cyr et Vincent de Repentigny, codirecteurs gĂ©nĂ©raux du Théùtre Prospero, appellent Ă cĂ©lĂ©brer les reprises, Ă faire jouer plus longtemps les bons spectacles. Ici, non seulement sâagit-il dâun bon spectacle quâil a Ă©tĂ© judicieux de vouloir refaire, mais câest Ă©galement un message Ă transmettre impĂ©rativement. Câest un appel Ă lâaction quâil faut crier sur tous les toits. x
« La lumiĂšre sâallume, Guylaine Tremblay commence Ă parler, et la magie sâopĂšre »
rose chedid | Le dĂlit
« Une intensitĂ© dâabord drĂŽle, puis de plus en plus dĂ©rangeante, dĂ©coule lentement de lâabsurdité »david ospina MĂ©lina Nantel & FLorence lavoie Contributrices
Hidden Paradise au Théùtre Prospero : dĂ©noncer lâĂ©vasion fiscale.
Juliette elie
Ăditrice Culture
Les Inuits sont dĂ©pendants de la chasse aux phoques pour se nourrir et pour obtenir un revenu en vendant des produits dĂ©rivĂ©s du phoque Ă lâEurope. Les manifestations europĂ©ennes contre cette pratique ont donc Ă©tĂ© dĂ©vastatrices pour la culture et lâĂ©conomie inuites. En 2007, alors que les campagnes et manifestations nuisent plus que jamais Ă cette communautĂ©, lâavocate, militante et designer Aaju Peter fait le voyage du Nunavut aux Pays-Bas avec son fils Aggu pour dĂ©fendre le mode de vie traditionnel de son peuple. Aaju Peter a par la suite figurĂ© dans le documentaire Angry Inuk (2016) dâAlethea Arnaquq-Baril, avant de produire son propre documentaire, intitulĂ© Deux fois colonisĂ©e, en collaboration avec la rĂ©alisatrice danoise Lin Alluna.
Deux fois se décoloniser
Pour conserver le mode de vie inuit et ses traditions, Aaju propose dâappliquer un processus de dĂ©colonisation. Ainsi, la conservation de la culture peut contribuer Ă protĂ©ger la santĂ© mentale des membres de la communautĂ©, qui rĂ©cupĂšrent un sentiment dâidentitĂ©. Pour ce faire,
juliette elie
Ăditrice Culture
il faut selon elle commencer par modifier notre langage, plus prĂ©cisĂ©ment notre maniĂšre dâaborder les consĂ©quences de la discrimination vĂ©cue par la nation inuite, en essayant plutĂŽt de trouver des solutions pour en contrer les effets. Ă cette fin, le documentaire dâAaju et de Lin se rĂ©approprie lâhistoire des Inuits. Pendant ces 90 minutes qui condensent 7 an-
dont elle fait preuve aprĂšs le suicide de son fils. Lâengagement dâAaju et ses dĂ©fis personnels agissent comme une porte dâentrĂ©e pour comprendre les enjeux politiques, culturels et les traumatismes intergĂ©nĂ©rationnels qui affectent la communautĂ© inuite entiĂšre, ainsi que les communautĂ©s autochtones du monde.
clĂ©ment veysset | Le dĂlit
le nĂ©gatif en quelque chose dâextraordinaire », explique-t-elle. En six mois, Aaju a rĂ©parĂ© son cĆur et son Ăąme afin de reprendre son travail avec plus dâambition que jamais. Tout au long du documentaire, elle envoie un message qui peut donner de la force Ă tous : afin de rester « parmi les vivants », il faut se servir des Ă©preuves que lâon traverse pour mieux se propulser dans sa mission, peu importe ce quâelle est.
montages vidĂ©os reprĂ©sentant la jeunesse dâAaju, qui permettent une proximitĂ© sans intrusivitĂ©, le spectateur est amenĂ© Ă sâattacher Ă la narratrice et Ă mieux comprendre sa cause. La musique traditionnelle inuit, avec ses tambours et ses chants de gorge, accompagne les images, et permet au spectateur de concevoir lâimportance et lâampleur du dĂ©fi dâAaju, soit conserver et faire valoir la culture inuite.
nĂ©es mouvementĂ©es, on suit Aaju dans ses rĂ©flexions, ses batailles juridiques avec les pays colonisateurs (le Danemark et le Canada) et ses voyages entre Iqaluit, le siĂšge de lâONU aux Ătats-Unis, Copenhague, et Nanortalik (un village au Groenland oĂč elle a passĂ© une partie de son enfance). Les spectateurs sont surtout tĂ©moins de son deuil et de la rĂ©silience
Commencer par la fin
« Je suis anĂ©antie », dit Aaju Ă lâĂ©quipe de production alors quâelle sâouvre Ă propos du suicide de son fils. Cet Ă©vĂ©nement traumatique lâa figĂ©e. Puis, aprĂšs une longue pĂ©riode de deuil, elle sâest rĂ©veillĂ©e. Sa mission est devenue claire. « En acceptant ce qui sâest passĂ©, je peux transformer
Le documentaire offre une perspective intime de la vie dâAaju. Les scĂšnes de joie, de danse, de chant ou de rires sont souvent suivies directement de scĂšnes plus sombres et douloureuses. Ce contraste met en lumiĂšre les hauts et les bas quâAaju ressent lors de sa lutte engagĂ©e pour les droits des communautĂ©s autochtones et pendant le deuil de son fils Aggu. GrĂące Ă des plans chargĂ©s dâĂ©motions et des
Vers la fin du documentaire, on voit Aaju qui met la touche finale au premier brouillon de sa rĂ©daction. En sous-titre Ă Deux fois colonisĂ©e, elle ajoute : Est-il possible de changer le monde et de panser ses blessures en mĂȘme temps? Câest la question centrale du documentaire, Ă laquelle je pense que dans le cas dâAaju, on peut rĂ©pondre « oui », mĂȘme si dĂ©coloniser les maniĂšres de penser et guĂ©rir sont deux procĂ©dĂ©s qui sâĂ©tendent dans le temps, sans aboutissement dĂ©finitif. x
« Afin de rester âparmi les vivantsâ, il faut se servir des Ă©preuves que lâon traverse pour mieux se propulser dans sa mission, peu importe ce quâelle est »