Les occupations temporaires dans les bâtiments vacants - Mémoire M2 Architecture

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MANON DECK SABLON

LES OCCUPATIONS TEMPORAIRES DANS LES BÂTIMENTS VACANTS Mémoire master 2 - Janvier 2018 Domaine d’étude et d’approfondissement Situation(s)

S o u s l a d i rec t io n d ’Anne Sistel Membres du Jury : A. Sistel, urbaniste et enseignante, ENSAM K. Mamou, architecte sociologue et enseignante, ENSAM N. Pauli, docteur en génie civil et enseignant, ENSAM C. Bernié Boissard, docteure en géographie et enseignante, Université de Nîmes

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier





sommaire INTRODUCTION

.......................................................................................................... p 7

I. Les conditions de ces occupations temporaires 1.Résorber la vacance immobilière

.............................................. p 11 .............................................. p 13

2.De multiples avantages

.............................................. p 16

3. Une pratique qui s’accentue

.............................................. p 18

II. Renforcement et émergence de nouvelles pratiques 1.L’urbanisme transitoire, de la théorie à la réalité

.............................................. p 21 .............................................. p 23

2.Un mélange d’activité pour des lieux tous différents

.............................................. p 30

3. Ouvrir sur le territoire, et sa population

.............................................. p 35

III. Evolution des acteurs et des modèles juridiques 1.Bienveillance générale : l’effet alternatif

.............................................. p 39 .............................................. p 41

Un cycle de la ville qui produit des délaissés Une vacance immobilière présente mais difficile à appréhender La théorie de l’urbanisme transitoire, acupuncture urbaine et droit à la ville Pour le propriétaire Pour l’image du quartier Pour les personnes ayant un petit budget Mais pas pour les ‘marginaux’, repoussés toujours plus loin L’immobilier est plus cher L’allongement des temps de projet urbain Technologies numérique et effet de mode L’adaptation des acteurs

Le temporaire, une liberté expérimentale au service de futurs projets Utopie concrète, autogestion et collaboration L’économie de l’occupation temporaire, une précarité souvent présente Des « Pépinières créatives » pour accueillir les artistes Une effervescence pour les associations et jeunes entreprises Mixité et solidarité : intégrer du logement d’urgence Des espaces et activités à destination d’un public varié Une mixité du public recherchée Des sites ancrés dans leur territoire Des espaces non marchands ?

Des développeurs de création artistique Des architectes occupants Des néo- agents immobilier

2.Une récupération des pouvoirs publics et des entreprises capitalistes .............................................. p 44 Une occasion d’améliorer l’image des pouvoirs publics ou d’entreprises Un nouveau marché pour les entreprises d’évènementiels La naissance des entreprises du temporaire

3.Une évolution des modèles juridiques

.............................................. p 49

Des contrats et des outils de planification pour permettre l’urbanisme Les normes, toujours un frein aux occupations temporaires Le permis de faire, une loi pour supprimer la loi, bientôt pour les occupations temporaires ?

CONCLUSION

........................................................................................................... p 53

BIBLIOGRAPHIE

........................................................................................................... p 56

ANNEXES

........................................................................................................... p 59



// Introduction //

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introduction « Une chose est sûre : la prochaine révolution sera urbaine. Plus de la moitié de la population mondiale vit désormais dans les villes, un chiffre qui grimpera à deux tiers d’ici à 2050 d’après l’ONU. Logiquement, les luttes sociales se déplacent en même temps que les hommes et les femmes. La revendication du droit à la ville pour tous est donc la condition même de l’émancipation de demain. » Ian Brossat, Comment réinventer le droit à la ville, dans L’Humanité, 2017

CONTEXTE : La réhabilitation de bâtiments désormais sans usages plutôt que leur destruction est déjà rentrée dans les mœurs et dans la fabrique (ou la re-fabrique) de la ville contemporaine. Il reste désormais la question des temps de transition de ces bâtiments, ces temps perdus lors de l’élaboration des nouveaux projets, plus définitifs. On dénombre ainsi de nombreux bâtiments vacants alors qu’il n’y a pas assez de locaux d’activité accessibles pour tous, de logements d’urgence, ou d’espaces de partage et d’émancipation dans la ville1. L’occupation de friches et de bâtiments vides existe bien sûr depuis longtemps, mais dans un cadre illégal. On voit désormais depuis quelques années l’émergence de nombreux projets d’occupation temporaire légalisés et contractualisés. Ces occupations contribuent à renouveler certaines approches et transforment la perception du territoire. Cet « urbanisme temporaire » ou transitoire s’oppose à l’urbanisme dominant planificateur, et figé, qui s’inscrit dans le temps long de la ville. En effet, l’urbanisme temporaire occupe, aménage et fait rayonner un lieu sur une durée réduite allant de quelques semaines ou mois à quelques années. Cependant, on s’aperçoit que ces occupations temporaires, présentées comme profitables de tous les points de vue, cachent aussi des côté plus méconnus et plus discutables. FORMULATION DE LA PROBLÉMATIQUE : L’avantage du temporaire, outre de mettre à profit un endroit non utilisé, est également sa capacité à accueillir les expérimentations. Ces expérimentations sont conduites par des organisateurs de plus en plus professionnalisés. On peut donc se demander comment ces occupations s’organisent et révèlent une autre volonté de faire la ville et d’habiter ensemble. En d’autres termes, quelles nouvelles pratiques se renforcent ou émergent au travers d’occupation temporaire de bâtiments vacants ?

CITRON Paul (urbaniste et co-fondateur de Plateau Urbain), conférence Meet up Urbanisme temporaire – Pavillon de l’Arsenal 2016 1


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// Introduction //

MÉTHODOLOGIE : Mes recherches s’appuient d’une part sur des lectures de livres, d’articles ou de publication de professionnels (urbanistes…) et le visionnage de certaines conférences, mais du fait de ce sujet assez récent, peu de documentation est pour le moment disponible. En effet, beaucoup de publications et synthèses de colloques et de conférences vont bientôt paraître. Je me suis donc plutôt penchée sur une méthode d’analyse reposant sur des visites et des interviews dans l’optique de réaliser des fiches d’études de cas pour pouvoir ainsi les comparer et essayer de mettre en lumière les actions et problématiques autour de sujet. De nombreux projets sont actuellement réalisés sur les occupations temporaires en France et dans le monde, ce n’est donc pas une liste exhaustive mais une sélection de plusieurs sites. L’étude de cas s’est basée sur des projets d’occupation temporaire dans des bâtiments vacants en cours, pour pouvoir m’y rendre personnellement, en France (et principalement à Paris, ville où l’on en compte le plus.) Je me suis restreinte aux projets contractualisés (donc légaux). Le seul échappant à la règle est DOC, mais il est toléré et soutenu par des personnalités du milieu culturel. Ces analyses ont permis de comparer leur mise en place, leur fonctionnement, leur but (évènementiel et/ou espaces de travail…), leur lien avec le territoire, leur économie… Le tableau ci-dessous permet donc de résumer mes recherches et de résumer rapidement les sites étudiés, et des fiches d’’étude pour chacun des cas se trouvent en annexe.


// Introduction //

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Ces occupations temporaires et leur fonctionnement sont intimement liés à leurs gestionnaires et à leurs motivations. Ceux-ci ont également fait l’objet d’une étude approfondie sur leurs modes de gestion et leurs méthodes de travail, également par le biais d’interviews, de visites des sites, et de lectures. Le tableau ci-dessous permet donc de résumer mes recherches et de résumer rapidement les sites étudiés, et des fiches d’’étude pour chacun des cas se trouvent en annexe.

Ainsi, ces méthodes complémentaires permettent de mettre en évidence des aspects différents de ces occupations temporaires et de leur organisation. Certains autres sites ou gestionnaires sont également cités dans mon mémoire bien que je n’en ai pas réalisé une étude approfondie, mais viennent appuyer certains propos, grâce à quelques rapides lectures (articles de presses) que j’ai pu avoir sur eux. MODALITÉ DÉVELOPPEMENT DU MÉMOIRE : La recherche engagée entend donc explorer le champ de la mise en projet des bâtiments vacants afin de mettre en avant leurs qualités en tant que véritables lieux d’expérimentations d’actions urbaines et participatives où la rencontre et les liens sociaux sont au cœur du processus, même si des limites se dessinent. (Partie 2) Cette normalisation des occupations temporaires s’accompagne d’une part de l’évolution de nos modèles juridiques. Elle est suivie d’autre part d’une émergence d’organismes, venant de milieux différents dont celui de l’architecture, qui ont fait de la gestion temporaire des espaces leur centre d’activité. Elle s’accompagne enfin d’une adaptation (ou récupération) de l’Etat et du secteur privé de ces problématiques. (Partie 3) Mais avant tout, il faut comprendre le potentiel de ces espaces, qui en permettant de résorber la vacance immobilière sont intéressants à tout point de vue pour le propriétaire et les usagers. (Partie1)



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LES conditions de ces occupations temporaires Il faut dans un premier temps définir le contexte de l’émergence de ces occupations temporaires.

«La valeur des villes se mesure au nombre de lieux qu’elles réservent à l’improvisation» Siegried Kracauer, Rues de Berlin et d’ailleurs, 1964



// Les conditions des occupations temporaires // Résorber la vacance immobilière

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1. Résorber la vacance immobilière ou l’occasion d’expérimenter

On dénombre malheureusement encore beaucoup d’espaces construits non utilisés alors que ces espaces sont une aubaine pour l’expérimentation.

UN CYCLE DE LA VILLE QUI PRODUIT DES DÉLAISSÉS « Chaque formation urbaine connut une ascension, un apogée, un déclin. Ses fragments et débris serviront ensuite à d’autres formations » Henri Lefèvbre, Le Droit à la Ville, 1968 Ces temps de vacance prennent pourtant une place naturelle dans le ‘cycle de la ville’. En effet, la ville est en constante transformation. La destruction, reconstruction et le changement d’usage (des bâtiments et des espaces en général) prend du temps, et produit donc des espaces délaissés, issues de ce «recyclage urbain»1. Ces espaces vacants sont donc aussi des espaces de transition, qui permettent à la ville de se modifier. Gilles Clément les inclue dans sa définition du « tiers-paysage »2, qui est constitué de tous les délaissés par l’homme : «En secteur urbain, ils correspondent à des terrains en attente d’affectation ou en attente d’exécutions de projets suspendus aux provisionnements budgétaires, aux décisions politiques. » Depuis toujours des gens investissent donc ces espaces qui étaient auparavant cachés et soustraits aux regards. Ces personnes étaient des personnes généralement mises à l’écart du système (squatteurs etc). Ces délaissés étaient plutôt des lieux de transgression des normes. Ces délaissés temporaires, dans un contexte métropolitain actuel, éveillent la curiosité par la flexibilité qu’ils peuvent offrir, loin du ‘tout planifié’ de l’urbanisme d’aujourd’hui. Ces espaces vacants ont donc une place particulière dans l’imaginaire collectif, de transgression, de sortie des codes conventionnels, des normes3… Les espaces vacants actuels, des délaissés issus du cycle de la ville, sont donc aussi une réserve, un potentiel non négligeable pour la ville.

VESCHAMBRE Vincent, «Le Recyclage urbain, entre démolition et patrimonialisation : enjeux d’appropriation symoblique de l’espace», dans Norois, 2005 2 CLEMENT Gilles, Manifeste du Tiers Paysage, 2004 3 NICOLAS-LE-STRAT Nicolas, «Multiplicité interstitielle» dans Multitudes n°31, 2007 1


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// Les conditions des occupations temporaires // Résorber la vacance immobilière

UNE VACANCE IMMOBILIÈRE PRÉSENTE MAIS DIFFICILE À APPRÉHENDER D’après Nadia Arab1, un espace vacant est donc un espace non utilisé, bâti ou non, depuis un certain temps. Ces espaces peuvent être en attente d’un futur usage déjà défini et décidé, ou non. Ces espaces sont difficiles à appréhender car il n’y a pas de banque de données les répertoriant, et leur définition varie selon les territoires et les institutions. Le seul organisme les répertoriant est l’INSEE, or ils ne répertorient que les logements. Ces espaces vacants sont d’une grande diversité, que ce soit par leur taille, leur usage, leurs propriétaires (privés ou publics…), leur état, leur durée d’inoccupation. Leur répartition est également très différente en fonction des territoires. Mais nous savons que beaucoup de bâtiments en France sont vides, que ce soit des logements, des bureaux, des bâtiments publics ou bien des bâtiments industriels… Rien qu’en Ile de France, on trouve plus 3,5 millions de m² de bureaux vacants, dont 800 000 m² inutilisés depuis plus de 5 ans.2 On trouve différentes causes à l’origine de cette vacance.3 Certains propriétaires se sont tout simplement désintéressés de ces biens, certains font de la rétention (en attente d’une augmentation des prix pour pouvoir le revendre plus cher), certains biens se sont dégradés (structure ou état du bâtiment), ou les bâtiments ne sont plus adaptés aux usages pour lesquels ils ont été construits. Cette vacance pose de nombreux problèmes, et affecte notamment le cadre de vie. En effet, des usages informels s’y établissent souvent, comme des squats, de la vente de stupéfiants, des dépôts sauvages d’ordures, ce qui amène les habitants du quartier à ressentir de l’insécurité, et une dégradation omniprésente. Pour éviter ces usages informels, certains propriétaires payent des agences de sécurité, et parfois même vont laisser le chauffage et l’électricité tourner pour éviter la détérioration du bâtiment. Dans un contexte métropolitain (contexte de forte demande de locaux en général), il est assez inacceptable de voir cela, ainsi certains collectifs squattent dans un objectif de manifester, d’interpeler l’opinion publique et politique. Pour résoudre ce problème, il faudrait une volonté politique plus forte, bien que l’on voit apparaitre certaines initiatives, notamment en Ile de France. Il est donc temps de mettre à profit tous ces mètres carrés vacants, que ce soit en leur donnant un nouvel usage définitif qui corresponde aux besoins actuels, qu’en investissant ces bâtiments lors des temps d’attente entre l’ancien et le futur usage

Conférence «Vacance des lieux et urbanisme transitoire : territoires et enjeux », au CAUE 77, 2017 Simon Laisney et Paul Citron (fondateurs de Plateau Urbain), « Ceux qui font : ils redonnent vie à des immeubles vides », dans Le Monde, 2016 3 Yoan Miot, Conférence «Vacance des lieux et urbanisme transitoire : territoires et enjeux », au CAUE 77, 2017 1 2


// Les conditions des occupations temporaires // Résorber la vacance immobilière

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LA THÉORIE DE L’URBANISME TRANSITOIRE, ACUPUNCTURE URBAINE ET DROIT À LA VILLE « A la ville éternelle, pourquoi ne pas opposer des villes éphémères ? » Henri Lefèvbre, Le Droit à la Ville, 1968 L’occupation temporaire de ces espaces vacants et délaissés ramène à l’urbanisme transitoire1, qui est une nouvelle façon d’aménager les territoires. A l’inverse des grands projets d’urbanisme figés, l’urbanisme transitoire se pose comme une alternative pour tester des usages, les adapter : « L’élaboration de la ville de demain suppose également de repérer, de comprendre et d’articuler les usages de l’espace et du temps, et spécialement les usages émergents qui pourraient, demain, devenir centraux ».2 Par ces tests et ces essais, ces lieux deviennent donc le ‘laboratoire de la ville’. Car l’urbanisme est fait pour durer, ne serait-il pas intéressant de tester le « définitif » avant de le mettre en place ? Ces tests peuvent aussi participer à l’élaboration d’une critique accessible à la population, par le fait d’être physiquement présents et donc appréhendables par tous. Ces occupations temporaires sont les lieux qui permettent la transformation de la ville parce qu’elles accueillent momentanément ce que la ville ne sait pas intégrer dans d’autres lieux. L’occupation temporaire renvoie aussi au concept d’acupuncture urbaine3, qui propose de renouveler la ville en profondeur par des projets de petite échelle, de coutures urbaines, plus proche des usages. L’acupuncture urbaine peut se définir par des projets locaux qui doivent avoir une cohérence individuelle et globale. Chaque lieu est singulier, mais s’il est conçu et géré de manière intelligente et respectueuse, il est capable de fonctionner en harmonie avec les autres lieux. Chaque intervention ponctuelle peut être modeste mais donne le lieu à voir sous un jour nouveau. Une autre idée associée, revendiquée par certaines de ces occupations temporaires, est le fait que la ville doit être construite, expérimentée, non plus par uniquement des architectes, des urbanistes, des géographes ou des sociologues, mais aussi par des collectifs, des citoyens. Henri Lefèvbre dans son ouvrage « Le Droit à la ville » disait déjà en 1968 : « Ni l’architecte, ni l’urbaniste, ni le sociologue, ni l’économiste, ni le philosophe ou le politique ne peuvent tirer du néant par décret des formes et des rapports nouveaux. S’il faut préciser, l’architecte, pas plus que le sociologue, n’a les pouvoirs d’un thaumaturge4. Ni l’un ni l’autre ne créent les rapports sociaux. Dans certaines conditions favorables, ils aident des tendances à se formuler. Seule la vie sociale (la praxis) dans sa capacité globale possède de tels pouvoirs. Ou ne les possède pas. Les gens nommés plus hauts peuvent déblayer le chemin : ils peuvent aussi proposer, essayer, préparer des formes. Et aussi (et surtout) inventorier l’expérience acquise, tirer les leçons des échecs, aider l’enfantement du possible. » Ceci rejoint le mouvement situationniste auquel Henri Lefèvbre adhère, qui propose de fonder à nouveau l’espace social en réactivant le lien entre la ville, le désir et la vie à travers un espace approprié par tous, en opposition à l’urbanisme contemporain et aux espaces marchands. Institut d’aménagement et d’urbanisme «L’urbanisme transitoire : aménager autrement», Note rapide n°741 DE CONINCK Frédéric et DEROUBAIX José-Frédéric, Ville éphémère, ville durable: multiplication des formes et des temps urbains, maîtrise des nuisances : nouveaux usages, nouveaux pouvoirs, 2008 3 LERNER Jaime, Acupuncture Urbaine, 2007 4 Thaumaturge : Faiseur de miracles ; magicien (définition du Larousse) 1 2


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// Les conditions des occupations temporaires // De multiples avantages

2. De multiples avantages de l’occupation temporaire Ces occupations temporaires représentent de nombreux avantages, que ce soit pour le propriétaire, la ville et les occupants. Celles-ci sont présentées de façon très synthétique dans «L’urbanisme transitoire, aménager autrement»1, et j’ai donc essayé de les développer de façon un peu plus poussées.

POUR LE PROPRIETAIRE Le propriétaire retire beaucoup d’avantage de ces occupations temporaires : il n’a en effet plus besoin de payer pour sécuriser les locaux, ce qui peut coûter jusqu’à 15 000 euros par mois1 (et qui ont pour but d’éviter les squats illégaux, qui une fois installés sont difficiles à expulser). Les bâtiments ne se détériorent plus car ils sont entretenus, et cela supprime certains frais qui auraient été nécessaires pour les remettre en état (électricité, tuyauteries, toit, murs…). Plus que des avantages financiers, ces occupations temporaires profitent également au propriétaire pour son image : elles occasionnent de la publicité (comme pour la SNCF et ses Sites Artistiques Temporaires2), et peuvent valoriser son bien, s’il compte ensuite le vendre, ou améliorer l’image du futur projet. POUR L’IMAGE DU QUARTIER Il est néfaste pour l’image du quartier d’avoir des bâtiments vides et non entretenus. En effet, cela vient créer des ‘vides’ dans le tissu urbain, sans usages et sans intérêt. Les occupations temporaires permettent au contraire de ramener de la vie dans le quartier, par son activité et l’organisation d’évènements. 3 Cela renforce donc l’attractivité du quartier et cela peut faire de la publicité pour le futur projet auquel le bâtiment sera associé, surtout dans le cas de grands projets urbains.

Institut d’aménagement et d’urbanisme «L’urbanisme transitoire : aménager autrement», Note rapide n°741 http://www.sitesartistiques.sncf.com/fr/challenges/challenge 3 Conférence Meet up Urbanisme temporaire, Pavillon de l’Arsenal, 2016 Illustration inspirée de celle réalisée par Plateau Urbain et disponible sur leur site 1 2


// Les conditions des occupations temporaires // De multiples avantages

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POUR LES PERSONNES AYANT UN PETIT BUDGET Les artistes, associations, ou jeunes entreprises ont souvent des petits budgets et ont du mal à trouver des locaux abordables pour exercer leur activité, particulièrement dans Paris ou les grandes villes. Des locaux dans des occupations temporaires, peu chers, sont donc une opportunité pour pouvoir s’installer. Se retrouver dans des lieux ou d’autres personnes travaillent aussi dans des domaines proches, permet de mutualiser des outils et certains espaces, et ainsi d’économiser. Mais c’est surtout l’occasion de rencontrer d’autres personnes, d’échanger les savoir-faire et les connaissances, et pourquoi pas de faire émerger de nouveaux projets.1 MAIS PAS POUR LES ‘MARGINAUX’, REPOUSSÉS TOUJOURS PLUS LOIN Mais ces bâtiments désaffectés (du moins ceux qui n’étaient pas assez efficacement ‘protégés’) étaient également le dernier refuge, pour les populations précaires et marginalisées. Maintenant bannies de ces interstices dans la ville, ces personnes sont réduites à la rue, puis à l’exil. Chaque morceau de la ville est donc contrôlé, contractualisé, pour pouvoir savoir, surveiller ce qui s’y passe, comme le dénonce la journaliste Juliette Keating2 : « Tout est à sa place, on sait qui et où et qui fait quoi, plus une miette d’espace laissé à la marge, plus de rencontres hasardeuses, plus de coins interlopes. La ville est propre. »

CITRON Paul (fondateur de Plateau Urbain), propos recueillis lors d’une interview réalisée personnellement «Ce que l’on nous fait faire» dans Médiapart, 2017

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// Les conditions des occupations temporaires // Une pratique qui s’accentue

3. Une pratique qui s’accentue Les projets d’occupation temporaire, de bâtiments ou de site extérieur se développent de plus en plus depuis 2010 de façon institutionnelle. On en dénombre aujourd’hui 62 effectués en Ile de France depuis 20121. Nous allons voir dans cette partie pourquoi cette pratique est assez récente et ne s’est pas développée avant.

L’IMMOBILIER EST PLUS CHER Le prix de l’immobilier augmente constamment, en particulier en Île de France, où les prix de vente ont en moyenne été multipliés par trois entre 1996 et 2016. 1 Paris est une ville attractive (pour trouver du travail, pour l’offre culturelle…) et il y a de fait une forte demande qui fait monter les prix du marché. L’accès à la propriété ou à la location est donc de plus en plus compliqué, que ce soit pour se loger ou pour travailler. De plus, les propriétaires et agences de location exigent des garanties importantes (preuve d’une situation stable et salaire suffisant) pour accéder à la location. Ces preuves sont difficiles à fournir pour de jeunes entreprises, associations ou artistes. Beaucoup d’artistes ont aussi besoin d’espaces importants, suivant leurs activités, et ne peuvent financièrement y accéder. L’ALLONGEMENT DES TEMPS DE PROJET URBAIN Ces bâtiments vacants, parfois assez grands, se trouvent souvent impliqués dans des grands projets urbains qui déterminent leur futur usage. La durée moyenne des projets urbains s’est allongée, atteignant 10 à 15 ans pour certains, permet d’améliorer la qualité des futurs projets, mais créé aussi des espaces en attente d’usage. D’après Michaël Silly (fondateur de Ville Hybride)2, cet allongement du temps est causé par trois causes principales. La première, c’est la décentralisation, un changement majeur dans la gouvernance des projets. En effet, on passe d’un acteur ‘tout puissant’ à la fragmentation des instances de pilotage, différents acteurs publics qui ont chacun leurs compétences propres. La seconde cause est le renouvellement urbain. Le fait de reconstruire la ville sur elle-même au lieu de s’étaler entraine plus de complexité : dépolluer, parfois démolir, sur-mesure, utilisateurs qui peuvent être présents et peuvent partir, dialogue avec les propriétaires…Ces deux premiers facteurs ne sont pas totalement nouveaux mais se sont amplifiés récemment. Institut d’aménagement et d’urbanisme «L’urbanisme transitoire : aménager autrement», Note rapide n°741 «Intervention sur la lenteur des projets urbains» dans Ibicity, Michaël Silly est le fondateur de Ville Hybride, « l’articulation fondamentale entre élus, techniciens, investisseurs, habitants, la nécessité d’une démarche trans-disciplinaires propice à la création d’un nouveau modèle urbain» http://villehybride.fr/ 1 2


// Les conditions des occupations temporaires // Une pratique qui s’accentue

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La troisième cause est la montée de la contestation des projets, avec les recours, qui même non fondés ralentissent le projet. Cette contestation peut s’expliquer par le fait que les habitants ne sont parfois pas convaincus par les projets car ceux-ci sont des fois plus motivés par le fait de devenir une ville attractive que de satisfaire aux besoins de ses habitants. TECHNOLOGIES NUMÉRIQUE ET EFFET DE MODE Ces projets, du fait de leur courte temporalité, doivent se monter rapidement. Grâce à internet et aux technologies numériques, la mise en relation d’acteurs est désormais plus facile qu’auparavant. Plateau Urbain et La Belle Friche, deux organismes de gestions de ces occupations temporaires, possèdent par exemple des plateformes en ligne pour recenser les bâtiments vacants pouvant accueillir des projets, et il est possible de proposer des projets d’occupation temporaire. Ces occupations temporaires, qui la plupart accueillent du public (pour des évènements ou autres) et donc dépendent ce celui-ci pour exister, peuvent aussi se faire connaître rapidement grâce à ces moyens, ainsi que par les réseaux sociaux. L’information est plus directe entre le public et les organisateurs, et est plus facilement et massivement relayée. Ces occupations temporaires bénéficient aussi de l’effet de mode de « l’éphémère », qu’on peut observer : des ‘pop-up store’ aux restaurants éphémères, ce concept s’adapte à notre culture de l’instant, à notre société de l’instantanéité et du temps court. L’éphémère s’est ainsi emparé de nos modes de vie, notre quotidien, qui est sans cesse influencé par les flux, les changements rapides, les cycles brefs. Ces occupations prennent souvent place dans des friches industrielles et font appel à la poésie de la friche, qui attire et fascine. Ce sont des lieux qui intriguent dans le contexte actuel de transition (de la fin de l’époque industrielle à une naissance d’une société dont les contours sont encore flous) car on y teste des utopies concrètes.1 L’ADAPTATION DES ACTEURS Nous verrons dans la partie 3 l’émergence de nouveaux acteurs qui permettent une mise en œuvre facilitée de ces occupations en ayant fait de la gestion de ces lieux leur activité principale. Ceux-ci sont très variés, ainsi que leurs motivations (plus ou moins louables) et leurs modèles d’actions. Mais ils ont en commun de mettre en place une réoccupation des espaces vacants, de façon légale et encadrée, soit par l’intermédiation entre propriétaires et futurs occupants, soit en occupant et gérant directement le lieu. Certaines collectivités s’adaptent aussi, en soutenant de façon croissante des initiatives d’urbanisme transitoire et occupation temporaire ouverts sur leur quartier. Elles les soutiennent (et en tirent parti aussi) par le biais de subvention, d’appels à projets2 et par l’organisation de séminaires et rencontres à propos de l’urbanisme temporaire.

»Quels points communs entre les friches d’aujourd’hui et les ruines du romantique ?» dans Ville Hybride, 2017 https://www.iledefrance.fr/aides-regionales-appels-projets/soutien-aux-initiatives-urbanisme-transitoire

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// Les conditions des occupations temporaires // Une pratique qui s’accentue

Les propriétaires privés, séduits par les avantages, accordent de plus en plus leur confiance à ces organisateurs d’occupation temporaire et permettent donc une augmentation de ces projets contractualisés.1 Mais du fait que ces occupations temporaires soient relativement récentes et n’aient pour la plupart pas encore ‘fini leur cycle’ (les bâtiments n’ont pas encore été vidés de leurs occupants), certains propriétaires sont encore assez réticents.

Institut d’aménagement et d’urbanisme «L’urbanisme transitoire : aménager autrement», Note rapide n°741

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Renforcement et émergence de nouvelles pratiques Ces occupations temporaires sont l’occasion de pratiquer d’autres façons de faire la ville, d’expérimenter le vivre ensemble et de créer des lieux différents, mais elles peuvent aussi faire l’objet de motivations capitalistes et de rentabilité.

« Les besoins urbains spécifiques n’auraient-ils pas besoin de lieux qualifiés, lieux de simultanéité et de rencontre, lieux où l’échange ne passerait pas par la valeur d’échange, le commerce et le profit ? Ne serait-ce pas aussi le besoin d’un temps de ces rencontres, de ces échanges » Henri Lefèvbre, Le Droit à la ville, 1968



// Renforcement et émergence de nouvelles pratiques // L’urbanisme transitoire

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1. L’urbanisme transitoire, de la théorie à la réalité

Des limites se dessinent lors de la vérification de la théorie de ‘l’urbanisme transitoire’ et de ce qui en découle par l’analyse d’études de cas.

LE TEMPORAIRE, UNE LIBERTÉ EXPÉRIMENTALE AU SERVICE DE FUTURS PROJETS Le temporaire permet un droit à l’erreur plus important, dans une flexibilité et adaptation permanente du lieu, car ce ne sont jamais des projets figés. C’est ce que qu’exprimait Emma Piau (qui fait partie de l’équipe de La Belle Friche) lors d’une interview réalisée personnellement à propos du site ‘Le Génie d’Alex’ : « Le temporaire permet d’expérimenter sans avoir peur de se tromper, que ce soit des dispositifs architecturaux ou de la programmation. Si ça ne marche pas, on fait autre chose. De plus, ce temps limité pousse aux expérimentations, aux activités, de façon plus intense que s’il n’y avait pas de deadline ». Ces projets temporaires offrent également une plus grande liberté du fait que certaines activités peuvent être plus facilement acceptées par les riverains et les autorités car elles sont justement temporaires : on peut par exemple citer les logements d’urgence des Grands Voisins, ou certaines activités festives sur d’autres lieux : « Ça n’est probablement que parce que ces projets étaient temporaires que leurs déploiements physiques – systèmes sanitaires, architectures originales, afflux de publics… – ont été autorisés par les propriétaires et les autorités» déclare Yes We Camp. Ces expérimentations de fonctions, d’usages, de programmation, sont au service de futurs projets. Mais contrairement à ce que certains écrits laisseraient croire, ces occupations temporaires influent en réalité rarement sur le lieu même de leurs expérimentations, comme nous allons le voir sur les exemples suivants. La Station – Gares des Mines, Paris / Collectif MU Ce lieu fait partie du patrimoine immobilier que la SNCF a mis à disposition dans le cadre des Sites Artistiques Temporaires (décrit plus en profondeur dans la partie III.2.1.) et dont le Collectif Mu a remporté l’appel à projet, pour y développer un laboratoire consacré aux scènes artistiques émergentes (principalement axés sur la musique mais proposant aussi d’autres programmations). Arnaud Idelon (membre du collectif MU), évoque un des buts de ce projet (lors d’une interview réalisée personnellement) en disant « On essaye de créer une zone de respiration, avec autant d’usages qu’il y a de situation ».


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// Renforcement et émergence de nouvelles pratiques // L’urbanisme transitoire

Ce lieu va faire partie d’un projet urbain qui n’est pas encore vraiment défini, mais qui inclura un équipement culturel. Une des options considérées est de le placer à cet endroit-là, dans une certaine continuité de cette occupation temporaire, et même peut-être garder ce projet. Au sein de MU les avis sont partagés : certains ont en effet une volonté de continuer dans cette dynamique d’occupations temporaires, pour l’énergie et l’effervescence liée à ce mode de fonctionnement, alors que d’autres auraient envie de s’ancrer dans un projet plus pérenne. Le collectif MU revendique de toutes façons une certaine légitimité à peser dans le futur projet urbain, à jouer un rôle dans la maitrise d’usage1, estimant qu’ils peuvent être plus fins que certains cabinets ou promoteurs : « Nous on connait les flux, les populations, les temporalités. » Les Grands Voisins, Paris / Plateau Urbain, Aurore, Yes We Camp Implanté dans un ancien hôpital désaffecté (St Vincent de Paul) en plein centre de Paris, ce site a d’abord été repris par l’association Aurore pour y loger des populations en difficulté, puis a été rejoint par Plateau Urbain et Yes We Camp. Ensembles, ils ont créé un lieu alternatif important, comprenant des ateliers d’artistes, des locaux pour des associations et jeunes entreprises œuvrant dans les activités sociales et solidaire, une buvette et cantine solidaire, ainsi que de nombreuses autres activités, évènements et aménagements (dont le camping géré par Yes We Camp). Ce site est devenu un emblème des occupations temporaires (et de l’urbanisme transitoire), par sa taille importante, sa diversité, et sa forte médiatisation. Cette occupation temporaire a surtout été l’occasion, notamment de la part de Plateau Urbain (coopérative d’urbanisme temporaire), de réflexions sur la ville et sur les acteurs à mobiliser pour pouvoir intégrer les thématiques émergentes, de propositions de modèles économiques nouveaux.Le processus devient un enjeu majeur et une amorce de dynamique, au-delà du simple test d’usages. On s’aperçoit cependant que cette occupation temporaire aura une influence limitée sur le projet futur (un éco-quartier), car celui est déjà dessiné. Les seuls ajustements prévus se portent sur la gestion des déchets expérimentée sur les Grands Voisins, et l’ajout de quelques locaux pour des associations. Un futur centre d’accueil a quand même été acté très récemment. De plus, une deuxième phase d’occupation commence cet hiver (en parallèle au début des travaux). Beaucoup d’anciens résidents ont dû quitter leurs locaux et on voit apparaître plus de commerces. C’est donc plutôt l’occupation temporaire qui s’adapte au futur projet et non l’inverse… Et si des ‘ateliers de préfiguration’ sont organisés sur le site, ceux-ci sont plutôt des ateliers visant à expliquer et à faire accepter le nouveau projet que des ateliers prenant en compte les opinions et envies des riverains.

« La « maitrise d’usage » se situe du côté de « l’usage », face à la « maitrise d’ouvrage » (décideurs) et la « maitrise d’œuvre » (techniciens) qui forment les pôles traditionnels des projets architecturaux et urbains », DE CONINCK Frédéric et DEROUBAIX José-Frédéric, Ville éphémère, ville durable: multiplication des formes et des temps urbains, maîtrise des nuisances : nouveaux usages, nouveaux pouvoirs, 2008 1


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Félix Grucker (animateur de dispositifs participatifs au sein de Capa’Cités) amenait une critique de cette occupation temporaire lors d’une interview que j’ai réalisée : « Les Grands Voisins ne re questionnent pas le mode de production de la ville, où les gens ne peuvent plus payer. Cela devient presque un service à un futur éco-quartier, mais qui est comme la ville actuelle, géré par des promoteurs qui vont récupérer cette image, la valeur créé par ce site et ses résidents. » Pour lui, l’enjeu est moins dans les occupations temporaires que dans la production démocratique de la ville, accessible à tous et construite ensemble. La Halle Papin, Aubervilliers / SoukMachines Situé dans une ancienne usine de fabrication de pneus, ce lieu est désormais géré par SoukMachines et accueille des associations, entreprises et surtout des artistes. C’est surtout un espace qui accueille beaucoup d’évènements différents, des concerts aux ‘open barbecue’. D’ici deux ans, ce lieu se transformera en la « Cité de l’éco-habiter », un pôle d’excellence pour l’éco-construction et l’économie verte, qui accueillera des start-up et petites entreprises spécialisées dans ces domaines. On déplore cependant que personne n’ait contacté SoukMachines pour ce futur projet urbain, malgré une présence sur le lieu depuis bientôt deux ans, de multiples expériences et une bonne connaissance du quartier et de ses habitants et usagers. Ces occupations temporaires sont donc l’objet soit d’un usage temporaire, soit d’un usage transitoire. L’usage temporaire fait donc référence à un usage mis en place en attendant le futur projet déjà défini. Cet usage n’a donc pas de lien, pas d’engagement et d’influence avec le futur projet. Il peut éventuellement influer sur de futurs aménagements, mais déconnectés de ce site-là. L’usage transitoire quant à lui fait référence à l’urbanisme transitoire abordé précédemment, aux usages qui marquent une phase de transition. Le mode d’occupation peut ainsi évoluer en stratégie durable, même si les cas étudiés ne montrent qu’une influence limitée. Cependant, ces occupations temporaires ont une influence qui dépasse le lieu et l’espace. Ce n’est plus l’espace qui est important, mais le temps. Ce temps durant lequel on expérimente, on créé des connections qui perdurent ensuite. Lorsque ces occupations temporaires se terminent, tout ce qu’elles ont créé et inventé ne disparait pas dans le néant mais se déplace, se modifie, se recréé de manières différentes ailleurs, toujours en s’inspirant des expériences précédentes et en les améliorant.


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UTOPIE CONCRÈTE, AUTOGESTION ET COLLABORATION « _Utopiste ! _ En effet, je ne prends pas ce mot pour une injure. En effet : puisque je n’entérine pas les contraintes, les normes, les règlements et règles, puisque je mets l’accent sur l’appropriation, puisque je n’accepte pas la « réalité » et que le possible pour moi fait partie du réel, je suis un utopien. Je ne dis pas utopiste, notez le. Utopien, partisan du possible. Qui ne l’est, sauf vous ? » Henri Lefèvbre, Le Droit à la Ville, 1968 Fazette Bordage, (fondatrice de Mains d’œuvres) parle de ces friches culturelles comme des lieux d’utopie concrète1. En effet, nombre de ces lieux, expérimentent aussi jusque dans leur gestion du site (modèle de gouvernance) et la collaboration et interactions que l’on peut trouver entre les résidents et les collectifs. Les liens sociaux et l’appropriation sont également mis en avant, et sont souvent la raison d’autres activités (chantiers participatifs…) Génie d’Alex, Paris / Plateau Urbain, La Belle Friche, YA+K, La Ressourcerie du Spectacle Ce projet a la particularité de se dérouler sur une période très courte, globalement inférieure aux autres projets d’occupations temporaires : le Génie d’Alex a ouvert ses portes en Septembre 2017 et les a fermé le 25 Décembre, et les équipes ont eu peu de temps monter ce projet. Ce lieu n’a donc pas accueilli de locaux de travail, mais a proposé une programmation variée et un espace de restauration et se définit comme « un centre culturel urbain ». Ce temps très court était un défi à relever, et d’après ses gestionnaires, dont Pauline Duclos (membre de Plateau Urbain), que j’ai rencontrée : « la collaboration entre ces différents collectifs a permis de mettre en place le projet beaucoup plus vite et d’avoir une programmation plus importante et plus variée, et cela aurait été presque impossible à faire tout seul ». Le Génie d’Alex montre qu’en s’associant avec d’autres équipes, il est possible d’y arriver là où une seule équipe aurait échoué, grâce à l’intelligence et l’efficacité collective. Les Grands Voisins, Paris / Plateau Urbain, Aurore, Yes We Camp L’équipe de Plateau Urbain fait donc partie des gestionnaires principaux de ce lieu et gèrent les bâtiments et leurs résidents. Ils misent pourtant sur une autogestion et une appropriation de ce lieu par ses résidents, car ils ne veulent pas devenir un simple « Uber de l’immobilier ». Plateau Urbain ne s’occupe pas de l’aménagement intérieur mais donne les outils pour le faire, et ces aménagement sont donc un moyen pour chacun de s’approprier l’espace pour un temps donné, et une occasion de rencontrer les autres en s’aidant mutuellement. Cependant, un fonctionnement et une gestion participative du lieu est également revendiquée, par le biais de réunions collectives, mais certains résidents2 questionnés déplorent que ces moments soient plus des moments de négociations que de décisions collectives, argumentant qu’à la fin seuls Plateau Urbain, Aurore et Yes We Camp prennent vraiment les décisions.

« Les friches culturelles sont des utopies concrètes», dans Libération, 2017, Fazette Bordage est la fondatrice de Mains d’œuvres, une des premières friches culturelles d’Île-de-France 1 Les résidents sont les personnes travaillant sur les lieux, et les habitants sont les personnes qui vivent (logements) sur les lieux. 1


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Cette difficulté de gestion horizontale est peut-être liée à la grande taille du site et donc au grand nombre de résidents (plus de 150 organismes travaillent dans ce lieu). DOC, Paris / Association DOC Ce lieu est différent des autres cas d’études choisis car c’est le seul à n’être pas légal et contractualisé. Il est cependant soutenu par plusieurs personnalités du milieu culturel et est désormais toléré, son expulsion n’ayant pas été appliquée. DOC prend place dans un ancien lycée laissé à l’abandon, récupéré par des artistes cherchant des locaux pour pouvoir travailler, et propose maintenant aussi une programmation variée d’évènements culturels. L’association DOC s’est montée pour pouvoir gérer ce lieu et est constituée des résidents du site (et désormais de trois salariés). On voit donc une autogestion complète du lieu, où chacun participe lors de la mise en place d’évènements, où les décisions sont prises en assemblée générale, où les bâtiments sont entièrement réaménagés par les résidents et où chaque chantier participatif est l’occasion d’un repas, d’une fête, de discuter avec les autres. Bien que DOC ne soit pas le seul site à fonctionner sur un principe d’autogestion vraiment réalisé (on peut aussi citer la Friche Lamartine, La Halle Papin, Shakirail…), peut-être que DOC peut aussi plus aspirer à l’utopie concrète car celui-ci n’est pas légal et peut donc prendre plus de libertés. On retrouve par exemple un club de lecture anarchiste, plus difficile à justifier si un contrat d’occupation est signé avec les institutions, ou si DOC touchait des subventions publiques (ce qui n’est pas le cas, DOC fonctionnant en autonomie totale et grâce à justement une forte mobilisation de ses résidents-gérants.) D’une façon globale, le modèle de gouvernance des projets étudiés montre une grande responsabilisation des acteurs associatifs qui gèrent leurs sites en quasi-totale autonomie. La gestion au quotidien se fait souvent de manière collégiale entre les différents occupants qui co-construisent le projet de manière progressive. Assemblées générales, ateliers thématiques, plusieurs outils sont développés par les occupants pour décider ensemble de la vie du site, de sa programmation et de son évolution en s’appuyant sur l’intelligence collective et la collaboration qui devient une véritable force, même si quelques limites se font sentir.


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L’ÉCONOMIE DE L’OCCUPATION TEMPORAIRE, UNE PRÉCARITÉ SOUVENT PRÉSENTE De la même manière que dans la plupart des occupations temporaires étudiées, les résidents et les collectifs qui gèrent les sites participent tous à la prise de décision, il en est de même avec la réalisation des aménagements et travaux à faire sur les bâtiments occupés. En effet, ceux-ci sont généralement en mauvais état et beaucoup d’aménagements sont à réaliser pour pouvoir y travailler dans de bonnes conditions. Les budgets sont toujours très serrés et l’inventivité ainsi que la participation et la débrouille doivent être au rendez-vous pour réaliser ces projets. De cette économie précaire de certaines occupations temporaires apparaît une autre réalité : c’est souvent par contrainte économique que ce montent ces projets et pas forcément par un choix du temporaire. DOC, Paris / Association DOC Comme décrit précédemment, les résidents ont participé activement au réaménagement de ce lieu. Leur forte implication a permis de rénover le bâtiment qui était fortement endommagé, d’abord pendant 6 premiers mois de travaux avant son ouverture ‘officielle’ en Septembre 2015, puis de façon progressive pour ouvrir de nouveaux espaces (actuellement 3000m² sont utilisés sur les 4000m² totaux du site). Les dépenses réalisées pour les travaux s’élèvent pour le moment à environ 80 000 euros, alors qu’ils estiment que, si les travaux avaient été réalisés par des professionnels, le budget se serait élevé à environ 400 000 euros. Les quelque fois où les résidents ont dû faire appel à des professionnels, ils leur ont demandé de leur apprendre à faire, dans une logique de partage de savoir-faire et d’autonomie. Ces travaux ont été financés grâce à une cotisation des résidents, ainsi que des cotisations d’artistes extérieurs en échange du prêt de salle et de matériel, les bars lors d’évènements et des spectacles à prix libres. DOC ne reçoit aucune subvention et fonctionne en autonomie financière, bien qu’assez précaire. L’investissement important et l’énergie déployée par les résidents dans les travaux et réaménagements du lieu a pour effets que certains s’y attachent vraiment et souhaiteraient une pérennisation de DOC. Shakirail, Paris / Curry Vavart Cette occupation temporaire est implantée dans un bâtiment de la SNCF, qui l’a mis à disposition (en échange d’un loyer) du collectif Curry Vavart, qui gère des lieux dédiés à la création artistique, dans un premier temps illégalement mais qui maintenant se légalise et professionnalise. Les résidents ont également participé au réaménagement du lieu, qui s’est fait avec beaucoup de récupération et peu de moyens. Bien que lié par un bail d’occupation temporaire, aucune date de fin d’occupation n’est prévue (contrairement aux autres projets étudiés) car aucun futur projet pour le bâtiment n’est prévu. Ce contrat ramène donc à une précarité (impossible de se projeter, de savoir s’ils vont devoir partir l’année prochaine ou dans dix ans…), mais une demande d’une occupation plus pérenne leur semble trop risqué et surement pas dans leur moyen : la SNCF risquerait d’augmenter leur loyer, ou de refuser de leur louer car avec un contrat classique


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celle-ci serait obligé de mettre le bâtiment aux normes, ce qui ne l’intéresse pas forcément. Shakirail est donc temporaire parce que c’est un projet précaire économiquement, ce n’est pas choisi, et les résidents préfèreraient s’installer dans un endroit pérenne. Bâtiment Totem Numérique, Montpellier / Montpellier Métropole Méditerranée Montpellier Métropole Méditerranée avait besoin d’un « bâtiment totem du numérique » pour accéder au label « ville numérique », hors le bâtiment définitif ne verra le jour qu’en 2022. L’ancienne mairie de Montpellier délaissée fut donc investie l’an dernier pour répondre à ce besoin immédiat d’héberger de jeunes entreprises du numérique. Cette occupation temporaire gérée par une institution est cependant assez controversée à cause des coûts qu’elle a engendré : plus de 1,7 million d’euro a été nécessaire pour désamianter l’ensemble du bâtiment, et 1 million de plus est prévu pour une rénovation thermique.1 Ce projet questionne la pertinence de si grosses dépenses pour une occupation temporaire de six ans, même si désormais le maintien de ce bâtiment a été évoqué. 1 On observe donc une différence entre certains projets qui se développent sur un temps court qui agit comme un catalyseur d’énergies et aboutit à des réalisations concrètes rapides et voulues, et d’autres qui sont temporaires juste par obligation. Cela révèle surtout une précarité de nombreux projets, et aussi une dépendance par rapport aux subventions publiques qui peuvent orienter les décisions et les prises de position. Et si ces occupations temporaires peuvent être une opportunité pour justement ces projets ne disposant pas de moyens suffisants, cela peut aussi être une prise de risques juridiques et financiers. En effet, la durée du projet n’est des fois pas suffisante pour équilibrer les dépenses de base, et «une forme de précarité économique semble être le corolaire du transitoire»2 . On pourrait peut-être, dans un budget d’opération d’aménagement, réserver un certain pourcentage à l’occupation temporaire. La pertinence de gros travaux pour un usage sur une durée courte peut aussi être soulevée.

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«Ancienne mairie : l’hôtel French Tech affiche complet» , dans Métropolitain, 2017 Institut d’aménagement et d’urbanisme «L’urbanisme transitoire : aménager autrement», Note rapide n°741


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2. Un mélange d’activité pour des lieux tous différents Chaque lieu est unique, car chaque bâtiment qu’il occupe est unique, et les personnes accueillies à l’intérieur ainsi que la programmation éventuelle qu’il propose. On retrouve cependant plusieurs catégories d’activités récurrentes. Ces sont en général des lieux alternatifs qui comblent un vide, qui répondent à une demande existante, de trouver des lieux différents. Ce sont souvent des espaces culturels plus accessibles à tous car hors des institutions habituelles. On peut définir la plupart comme des tiers lieux, dont ‘Le manifeste des Tiers-Lieux’ écrit par Movilab1 résume comme « des biens communs révélés, délimités, entretenus par et avec un collectif […] des interfaces ouvertes et indépendantes permettant l’interconnexion ainsi que le partage des biens et des savoirs […] un cadre de confiance ou des individus hétérogènes se réunissent pour travailler et explorer des solutions dans une posture de coworking […] ». Ces tiers lieux, ces espaces où vivre, travailler, (résister ?), épousent une dynamique déjà ancienne parmi les artistes et dans le mouvement des squats, mais se mélangent aussi avec le courant des incubateurs et plateformes de coworking.

DES « PÉPINIÈRES CRÉATIVES » POUR LES ARTISTES La majorité des occupations temporaires observées ont été créés dans le but de favoriser la création artistique et sa diffusion. Ces lieux accueillent donc des locaux pour les artistes pour leur permettre d’y travailler, et parfois des espaces de diffusion culturelle. Le fait de rassembler tous ces artistes en un seul endroit permet déjà de mutualiser les équipements, moyens humains, entraide et matériels de productions, mais d’être véritablement une « pépinière créative » et de faire aussi émerger de nouveaux projets et créations par la rencontre de ces différents artistes. La Halle Papin, Aubervilliers / SoukMachines Cette occupation temporaire accueille (pour la majorité de ses résidents) des artistes ou des personnes travaillant dans des domaines créatifs (designers, architectes…) en proposant des locaux à faible coûts. Une certaine effervescence artistique et créative y règne, et les résidents ont toujours l’occasion d’échanger entre eux. Le lieu est ouvert au public qui peut y rentrer et rencontrer les résidents.

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«Le Manifeste des Tiers Lieux», dans Movilab, 2017


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Friche Lamartine, Lyon / Association Friche Lamartine Les artistes de la Friche Lamartine se sont vus proposé ce lieu (une ancienne bonneterie inutilisée depuis quelques années) par la ville de Lyon après avoir dû quitter un autre bâtiment affecté à un nouvel usage. Cette occupation temporaire est un lieu de création artistique pluridisciplinaire, constitués d’espaces investis par les artistes pour y travailler. La Friche Lamartine n’est pas ouverte au public, hormis très ponctuellement lors de portes ouvertes ou sur rendez-vous. Cela ne fait juste pas partie de leur priorité, le lieu se définissant comme « avant tout un lieu d’ateliers où les artistes cherchent, expérimentent », et ouvrir aux publics demanderait de s’adapter à certaines normes et également un effort de la part des résidents (être toujours ‘prêt’ à recevoir du public n’est pas forcément évident). L’accueil de visiteurs et l’organisation d’évènements n’est pas toujours présent sur ces lieux. Il faut donc distinguer les objectifs de création et de diffusion. Mêler ces deux objectifs peut avoir des intérêts particuliers, mais n’est pas automatique et n’influe pas sur la réussite du lieu. UNE EFFERVESCENCE POUR LES ASSOCIATIONS, ARTISANS ET LES JEUNES ENTREPRISES D’autres types d’occupants que l’on peut trouver dans les occupations temporaires sont les associations, les artisans et les jeunes entreprises. Comme les artistes, leurs budgets ne sont souvent pas suffisants pour envisager une location de locaux plus pérennes. Pour les jeunes entreprises et artisans, cette solution leur permet aussi un droit à l’erreur : si leur activité ne fonctionne pas, ceux-ci ne se sont pas engagés sur une durée trop longue, et n’ont pas trop investi dans les locaux. Cette concentration leur permet aussi une rencontre, une mutualisation des équipements et des savoirs, et une dynamique de travail souvent appréciée. Les Grands Voisins, Paris / Plateau Urbain, Aurore, Yes We Camp Sur le site des Grands Voisins, c’est très concrètement un projet social qui est visé : celui de permettre à de petites structures et aux moyens limités (artistes, associations, artisans, entreprises de l’économie sociale et solidaire) d’occuper des locaux bons marchés en pleine ville pour y héberger leurs activités et ainsi, soutenir la création au sens le plus large possible. Les entreprises choisies sont toutes dans le domaine d’innovations écologiques, ou à portée sociale et solidaire. Bâtiment Totem Numérique, Montpellier / Montpellier Métropole Méditerranée Ce site accueille lui des start-up du numérique, qui ne sont pas vraiment à visée sociale, solidaire ou écologique. Même si l’objectif annoncé est de créer un lieu favorisant la rencontre entre ces entreprises, on peut s’apercevoir en le visitant et en rencontrant quelques résidents que ce n’est pas forcément le cas : un badge ferme l’accès de chaque étage (et chaque étage s’ouvre avec un badge différent) et le seul espace commun est très peu investi ; le seul moment où les personnes se rencontrent sont l’ascenseur et les couloirs. Cette occupation temporaire est un peu le contre-exemple de ce que l’on trouve en général (et pas qu’aux Grands Voisins). On peut surement l’expliquer par le fait qu’il est géré par


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une institution, Montpellier Métropole Méditerranée, qui s’inscrit plus dans une logique de compétitivité et de rentabilité que de bienveillance et de collaboration. C’est donc globalement une opportunité pour développer son activité qui se présente pour les associations, artisans et particulièrement les jeunes entreprises. MIXITÉ ET SOLIDARITÉ : INTÉGRER DU LOGEMENT D’URGENCE Très peu des occupations temporaires accueillent du logement. En effet, le temporaire est peu compatible avec celui-ci. Pourtant, surtout dans les grandes villes, il y a une forte demande de logement, et beaucoup de personnes qui ne peuvent y accéder au vu des loyers trop élevés. Ces bâtiments vacants pourraient donc être une solution, du moins de façon temporaire, de répondre à cette problématique. Les Grands Voisins, Paris / Plateau Urbain, Aurore, Yes We Camp On trouve aux Grands Voisins (le seul site étudié à le proposer), des logements d’urgence gérées par Aurore. Aurore est une association qui gère d’autres lieux de logements d’urgences dans Paris, et qui avait besoin de plus d’espaces pour accueillir toutes leurs demandes et fut le premier gestionnaire de ce site, avant que Plateau Urbain et Yes We Camp ne les rejoigne et ne propose d’autres activités. Intégrer du logement d’urgence dans les occupations temporaire est plutôt pertinent car les habitants n’ont de toute façon pas vocation à y rester. C’est un passage, un chemin vers la réinsertion et l’intérêt d’avoir ces logements d’urgence ici, autre que de répondre à cette demande de logements, est que la mixité des fonctions et des usagers de ce lieu peut ainsi être vecteur d’inclusion et de solidarité. Cette solidarité se manifeste par des dispositifs précis, comme par exemple ‘Premières Heures’, qui épaule un organisme résident pour lui permettre d’employer à temps partiel quelques habitants du site. Une monnaie interne ‘TrocShop’ a également été mise en place, qui permet à n’importe quel occupant du site de gagner des points en faisant des actions d’intérêt général (ménages, permanences, entretiens…) et peut ensuite les dépenser pour des objets de première nécessité (vêtements, tickets de métro, consommations à la cantine du site...) auprès de certains prestataires des Grands Voisins. Une ouverture pour les rencontres, et la mixité est ainsi donnée. On peut cependant souligner qu’une cafétéria et maison commune a été réservée aux habitants (des logements d’urgence), suite à des remarques sur le fait que certains ne se sentent pas particulièrement à l’aise au milieu des résidents (personnes travaillant sur le site mais n’y habitant pas) et visiteurs extérieurs. Cependant, les avis de ces habitants divergent : si certains affirment que les Grands Voisins leur ont donné un logement et un travail (comme préparer et vendre des plats), d’autres disent se sentir abandonnés…1 On peut penser que, comme toutes les associations d’aides

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«Les Grands Voisins, l’esquisse du renouveau», dans Medium, 2017


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aux personnes en situation précaires, l’association Aurore souffre quelques fois d’un manque de moyens et peine à remplir toutes ses missions. Il n’en reste pas moins que ce lieu reste globalement une aubaine pour les personnes en situation difficile. Intégrer du logement dans ces occupations temporaires reste toutefois extrêmement compliqué à mettre en place et les propriétaires restent frileux sur ce sujet. Il est en effet plus difficile d’expulser des personnes logeant sur place (droit au logement, trêves hivernales) que des personnes travaillant simplement sur les lieux. Le collectif Curry Vavart, qui a commencé son activité (mettre à disposition des locaux d’artistes) de façon illégale, organisait au début des espaces de logement, mais a dû arrêter pour pouvoir légaliser sa démarche et signer des baux d’occupation précaire. Le logement temporaire et d’urgence ne résout bien sûr pas le problème du manque de logements abordables en général, et nous verrons dans la partie 3 que certaines entreprises capitalistes commencent à développer un marché du logement temporaire, avec des méthodes assez controversées. DES ESPACES ET ACTIVITÉS À DESTINATION D’UN PUBLIC EXTÉRIEUR VARIÉ La plupart des sites analysés possèdent des espaces extérieurs et sont accessibles au public, même hors des évènements organisés. Ces occupations temporaires donnent donc accès à des espaces jusqu’ici clos (car non utilisés et fermés au public). Au-delà des espaces extérieurs, on trouve souvent des parties accessibles ou à destination d’un public extérieur comme des cafétérias, ou des évènements comme des vernissages, débats, concerts, ateliers… Il y a une forte volonté de la part des gestionnaires de faire de ces lieux de culture également des lieux de vie, où la convivialité est très importante. Les Grands Voisins, Paris / Plateau Urbain, Aurore, Yes We Camp Par la grande taille du site (3,4 hectares), il y a forcément de nombreux espaces extérieurs. Ces espaces, ainsi que la cantine/buvette et le camping, sont gérés par Yes We Camp. Ces espaces sont accessibles par tous, et ne nécessitent pas de consommer pour s’installer sur les nombreux mobiliers dessinés et construits par le collectif d’architecte Yes We Camp, et sont l’occasion de rencontres et d’une multitude d’usages (on y trouve des terrains de jeux de ballons, des balançoires…). La cantine solidaire (La Lingerie) est aussi dédiée à tous et est, d’après Gauthier Oddo (membre de Yes We Camp que j’ai interviewé) : « un des dispositifs d’interface entre des publics variés ». En effet, elle permet à tous d’y venir grâce à par exemple des consommations suspendues1 pour permettre à certains de manger ou boire gratuitement en fonction des dépôts précédents, ou bien à l’accès à des boissons ou repas en échange d’un certain temps d’aide (ranger, servir, laver) à la cantine.

Les consommations suspendues s’appuient sur la possibilité d’acheter des repas, desserts ou cafés sans les consommer. Ces éléments sont ajoutés au stock des aliments/boissons suspendu-e-s, et ensuite disponibles gratuitement et sans condition pour n’importe quel consommateur en faisant la demande. 1


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// Renforcement et émergence de nouvelles pratiques // Un mélange d’activités

De nombreux évènements se déroulent tout au long de l’année : on y trouve des vernissages, des conférences ou débats sur des sujets variés, des ateliers… Un tableau, qui se trouve dans La Lingerie, propose à n’importe qui (habitant, résident, ou personne de l’extérieur !) de marquer l’atelier qu’il souhaite organiser (réparer un vélo, apprendre à coudre) pour transmettre ses savoirs faire à ses voisins, au sens large ! Génie d’Alex, Paris / Plateau Urbain, La Belle Friche, YA+K, La Ressourcerie du Spectacle Ce lieu propose également de nombreux évènements. Les différentes équipes qui collaborent proposent une programmation très variée qui draine un public très différent. Le but était de casser l’image du ‘lieu branché’ (le bâtiment a abrité pendant dix ans la discothèque le Showcase) avec des petits prix pour la restauration, et des activités de jour comme de nuit accessibles à tous. Le Génie d’Alex propose donc des concerts, des ateliers divers, des projections, des jeux, du yoga… (dont une partie gratuite), et met en avant une certaine solidarité : on y trouve par exemple des soirées ou l’entrée payante est reversée à des associations de soutien aux réfugiés, ou bien des récoltes solidaires (collecte de vêtements, nourriture…) On retrouve pour beaucoup d’occupations temporaires une véritable volonté d’accueillir du public extérieur, avec une certaine mixité. Ce thème est plus amplement développé dans la partie suivante.


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3. ouvrir sur le territoire, et sa population La plupart des lieux, même gérés par des collectifs non issus du milieu architectural ou urbanistique, revendiquent tous un fort rapport à leur territoire, à leur quartier, et composent avec lui, de différentes manières, en proposant des espaces non marchands. De même, tous les sites (à part ceux non ouverts au public comme la Friche Lamartine), visent un public très large. En effet, tout le monde ne va pas dans des lieux culturels trop classiques car certaines personnes ne s’y sentent pas ‘à leur place’, et les occupations temporaires illégales (squat) ne sont pas forcément accessibles par tous non plus.

UNE MIXITÉ DU PUBLIC RECHERCHÉE D’une manière générale, toutes les personnes que j’ai interviewées mettent l’accent sur le fait que ces évènements et ces activités permettent bien sûr d’échanger des savoirs faire ou de diffuser certaines créations artistiques et musicales, mais surtout de créer du lien social, favoriser les rencontres, sans exclure certaines parties de la population en mixant les différents publics. Différents dispositifs sont donc déployés par ces collectifs, bien que certaines critiques subsistent. La Station – Gares des Mines, Paris / Collectif MU Dans ce lieu qui promeut la diffusion artistique et musicale à destination d’un public varié, on observe différents dispositifs, différentes programmation. Cela amène des publics totalement différents, qui une fois venu sur le site une première fois grâce à ces évènements, pourront plus facilement y retourner pour découvrir d’autres choses. On y trouve donc des concerts, mais aussi des projections en plein air à prix libres, des ateliers à destinations des enfants et des adolescents, ou encore des ‘open barbecue’ (chacun peut ramener sa nourriture pour les faire cuire sur les barbecues mis à disposition). La Station s’est beaucoup inspirée de la Halle Papin (géré par SoukMachines), il serait en effet dommage de ne pas ‘suivre’ les projets et dispositifs qui marchent ! La Halle Papin, Aubervilliers / SoukMachines En plus des locaux destinés à des artistes, associations ou personnes travaillant en général dans le milieu créatif, La Halle Papin accueille de nombreux évènements, raison première de l’existence du collectif SoukMachines. Des soirées pluridisciplinaires, avec une programmation éclectique pour attirer des publics différents qui peuvent se rencontrer.


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// Renforcement et émergence de nouvelles pratiques // Ouvrir sur le territoire

Yoann Till-Dimet (membre et fondateur de SoukMachines) décrit leur activité : « On créé des ponts, des passerelles et on considère la fête comme un vecteur de lien social ». D’autres dispositifs, décrits précédemment (car La Station s’est inspirée de beaucoup d’entre eux) sont également mis en place, et ajustés en fonction de ce qui marche ou non. Bien que la mixité sociale est en réalité difficile à créer, il est intéressant de toujours laisser les portes ouvertes et ne pas enfermer certaines catégories sociales entre elles, et surtout de ne pas exclure certaines parties de la population de certains lieux. DES SITES ANCRÉS DANS LEUR TERRITOIRE Souvent accusés de créer une gentrification, ces sites drainent un public extérieur venant d’un peu partout, et souvent plus aisé que la population des quartiers d’implantation. Ces sites ne sont pas pour autant déconnectés de leur territoire et la plupart souhaite conserver un lien fort avec leur quartier. DOC, Paris / Association DOC Cette occupation temporaire (à durée indéterminée mais tolérée pour le moment), essaye de préserver sa relation avec le voisinage en prêtant une attention particulière aux nuisances sonores par exemple. Ils proposent une offre culturelle peu présente dans ce quartier (19e arrondissement) et travaillent souvent en lien avec d’autres associations du quartier pour organiser divers évènements. DOC prête également de façon ponctuelle des locaux aux associations locales qui en ont besoin. Shakirail, Paris / Curry Vavart Shakirail, espace de travail artistique temporaire, ne peut malheureusement pas accueillir officiellement trop de public dans ces locaux à cause de normes (normes ERP), même s’il est facile d’y rentrer et de rencontrer les résidents. Pour venir à la rencontrer des habitants du quartier et promouvoir la diffusion artistique et le partage des connaissances et des savoirs faire, les résidents du Shakirail organisent donc des évènements et ateliers ‘hors les murs’ dans l’espace public. Que ce soit en amenant les habitants du quartier dans les lieux ou en partant à leur rencontre dans les espaces publics, ces occupations temporaires permettent donc d’animer le quartier en prenant véritablement part à la vie de celui-ci et en se mettant aussi à son service. DES ESPACES NON-MARCHAND ? Une critique que l’on peut entendre de ces lieux, est qu’ils remplacent des squats qui sont sans aucune contrainte de rentabilité (personne ne se verse un salaire). Ces gestionnaires quant à eux, ont besoin de rentabiliser un minimum leur activité, car les subventions ne suffisent pas. C’est donc en général grâce à la cotisation des résidents, les buvettes et certains évènements payants que ceux-ci font vivre le lieu et les personnes qui s’en occupent.


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Bien que revendiquant d’être ‘des espaces non marchands’, ces lieux entrent donc forcément dans des logiques de rentabilité. Les Grands Voisins, Paris / Plateau Urbain, Aurore, Yes We Camp Dans ce lieu, le prix de la bière sur place suscite beaucoup de critiques. A la Lingerie (la cantine et buvette), la pinte de bière coûte 4,5 euros et le café 1,5 euros. Des prix qui font que les habitants (les personnes logeant dans les logements d’urgence gérés par Aurore) ou des personnes n’ayant très peu de moyens, désertent souvent les lieux. Mais Yes We Camp, le collectif d’architectes qui gère et aménage les espaces extérieurs et s’occupe de la programmation et de La Lingerie, a besoin de payer ses sept salariés, et compte donc sur cette cantine/buvette. Et Aurore Rapin (membre de Yes We Camp) se défend dans une interview faite par Politis1 : « Vendre de la bière pas chère, ce n’est pas du militantisme. Et la recette de La Lingerie nous permet de financer une quinzaine d’activités ouvertes et gratuites chaque semaine. Si tous les bistrots de Paris fonctionnaient comme nous, avec des salaires bas et l’intégralité des recettes réinvesties dans le commun, la ville n’aurait pas la même gueule ! » On peut certes constater une certaine recherche de rentabilité mais il est difficile de les blâmer pour cela, si on considère que toute personne travaillant mérite un salaire, et que ces personnes œuvrent globalement pour le bien commun. Mais nous verrons dans la prochaine partie que certains organismes ont effectivement plus une vision d’entreprise capitaliste que de solidarité et de partage.

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«Rendez vous au centre non commercial», dans Politis, 2017



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Evolution des acteurs et des modèles juridiques Il existe un lien très fort entre les sites et leurs gestionnaires : c’est impossible de parler de l’un sans l’autre. Les nouveaux lieux créés par ces occupations temporaires dépendent forcément des motivations de leurs gestionnaires. Si certains acteurs sont animés par une certaine bienveillance, ce n’est pas le cas de tous. Avec la contractualisation de ces lieux, les acteurs se sont donc adaptés, les modèles juridiques ont évolués et de nouveaux métiers sont donc nés : l’animateur et l’intermédiaire. Ces acteurs ont dû développer des savoir-faire spécifiques ; centraliser l’information, faciliter les rencontres entre propriétaires et occupants potentiels, pour massifier le processus et rassurer les différentes parties. Les espaces vacants n’ont évidemment pas attendu qu’il y ait des acteurs pour être occupés (occupations illégales…) mais nous allons nous pencher sur les acteurs qui émergent pour réactiver les espaces vacants dans un cadre légal. Ceci n’est pas une liste exhaustive mais des exemples variés qui permettent de comprendre les différents types d’acteurs que l’on peut trouver.

« Il faut retrouver l’envie de faire de la politique, l’envie d’être architecte, l’envie de travailler. » Patrick Bouchain, Le Permis de Faire, dans Tracés, 2017



// Evolution des acteurs et des modèles juridiques // Bienveillance générale

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1. Bienveillance générale : l’effet alternatif Dans cette première partie sont présentés ceux qui s’inscrivent dans une logique de bienveillance générale et sont issus des milieux alternatifs culturels ou des théoriciens de la ville et de l’espace. On remarque que dans différents cas, ceux-ci s’associent pour une plus grande efficacité, et s’inspirent mutuellement, dans une logique de collaboration plutôt que de compétition. La création et les objectifs, les missions de ces acteurs sont présentés plus précisément en annexes, il s’agit ici de résumer les grandes catégories que l’on peut retrouver.

DES DÉVELOPPEURS DE CRÉATION ARTISTIQUE On peut définir certains collectifs qui gèrent des occupations temporaires comme des développeurs de création artistique, dans une optique de promotion de l’art et de la culture. En se penchant (par des recherches et des interviews) sur la création et les objectifs de ceuxci, on se rend compte que le temporaire n’est pas quelque chose qui est recherché, mais plutôt subi, à cause du manque de moyens financiers. En effet, leurs objectifs principaux sont d’ouvrir des lieux de travail pour des artistes (et personnes travaillant dans les milieux créatifs) et/ou de diffuser cette création artistique en animant le site par une programmation variée. Une forte volonté de s’ouvrir sur le territoire et de faire vivre le quartier est généralement revendiquée. Ces collectifs s’organisent en association (loi 1901) et dépendent pour la plupart de subventions publiques. Les personnes faisant vivre ces associations sont bénévoles ou salariées, et bien que pluridisciplinaire ces associations comprennent surtout des personnes issues du milieu culturel et artistique. Leur gestion est en général assez horizontale et chacun s’investit pour faire vivre l’association et le lieu. On distingue des associations qui se sont créés pour ouvrir plusieurs sites, certaines de façon illégales dans un premier temps, comme Curry Vavart et SoukMachines, ou directement de façon légale comme le Collectif MU. D’autres se sont créées pour gérer un lieu en particulier et dépendent de celui-ci (et portent le même nom), comme l’Association DOC et l’Association Friche Lamartine. Il est difficile de définir cette catégorie de façon plus précise car aucune de ces organisations n’a exactement les mêmes fonctionnements, objectifs et missions.


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// Evolution des acteurs et des modèles juridiques // Bienveillance générale

DES ARCHITECTES OCCUPANTS On trouve également des architectes occupants. La seule structure étudiée est Yes We Camp mais il me semble intéressant de citer aussi Bellastock. Cette association a réalisé une occupation temporaire, le long du canal de l’Ourcq à Bobigny. Mais à la différence de Yes We Camp, l’occupation temporaire n’est pas leur seul objectif et activité, car Bellastock est plutôt orienté sur des problématiques de réemploi. Les personnes travaillant au sein de ces collectifs sont des architectes qui travaillent sur la problématique des espaces vacants, en concevant, construisant et animant ces espaces en transition. Ils voient ces occupations temporaires comme un véritable laboratoire de la ville et du vivre ensemble où des recherches et expérimentations peuvent être menées. Ils réinventent le métier d’architecte en proposant non plus uniquement de dessiner et d’organiser des espaces mais aussi en les gérant, les faisant évoluer, et en définissant la programmation. Cette gestion et évolution se fait en habitant véritablement sur les lieux, dans la lignée de pensée situationniste, et en adaptant continuellement les espaces, les aménagements, la programmation, aux besoins et aux retours qu’ils reçoivent. Cette pratique prend à contrepied la critique couramment adressée aux architectes, à savoir qu’ils ne construisent pas eux-mêmes ce qu’ils conçoivent, et qu’ils ne l’habitent pas non plus. DES INTERMÉDIAIRES IMMOBILIERS Même s’ils se posent sur certains projets comme gestionnaire, on peut définir ces organismes comme des intermédiaires, entre les propriétaires et les occupants/résidents du lieu. Ces structures se sont créés dans l’optique de répondre à la problématique des espaces vacants et d’y apporter une solution concrète. Les personnes composant les équipes sont issues du milieu de l’urbanisme pour Plateau Urbain (bien que désormais d’autres personnes aux compétences variées les aient rejoints pour répondre à des tâches assez précises) Ce sont, avec les architectes occupants, plutôt des théoriciens de la ville amenant toute une réflexion et la diffusant : on ne compte plus les interventions, interviews, articles de Plateau Urbain à propos de l’urbanisme transitoire. C’est aussi dans une portée sociale et bienveillante que s’effectue leur travail : permettre à tous (artistes, associations, entreprises de l’économie sociale et solidaire) l’accès à des locaux pour y héberger leurs activités et ainsi, soutenir la création au sens le plus large possible. Par exemple, Plateau Urbain ne se fait pas payer par les résidents car leur redevance couvre juste les charges du bâtiment, mais par les propriétaires. Il existe également une volonté de gestion horizontale et Plateau Urbain a débuté sous forme d’association puis se développe sous forme de coopérative depuis 2017. La Belle Friche s’inscrit aussi dans cette catégorie mais pousse plus loin les projets en participant véritablement à leur aménagement pour de nombreux projets. En effet, les membres de la Belle Friche sont des architectes, et le fait d’aménager et de faire évoluer cet aménagement en plus du travail d’intermédiaire les positionnent au croisement des intermédiaires immobiliers et des architectes occupants. L’outil développé par ces deux exemples pour faciliter leur travail est une plateforme en


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ligne où les propriétaires proposent leurs bâtiments vacants et où les porteurs de projets proposent leurs projets.


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// Evolution des acteurs et des modèles juridiques // Une récupération

2. Une récupération des pouvoirs publics et des entreprises Tous les acteurs ne sont malheureusement pas aussi bienveillants, et on assiste à une récupération des occupations temporaires à des fins de publicité de la part de certaines institutions et entreprises. Certaines entreprises y voient aussi un nouveau marché qui s’ouvre et n’hésite pas à en tirer parti, en créant une marchandisation des espaces vacants.

UNE OCCASION D’AMÉLIORER L’IMAGE DES POUVOIRS PUBLICS OU D’ENTREPRISES Une volonté de soutien de la part des pouvoirs publics, ou même des initiatives d’urbanisme transitoire par le biais d’occupation temporaire sont remarquées. Les mairies et autres institutions sont forcées de reconnaître l’attractivité de ces espaces, au moment même où les centres villes se désertifient à cause du développement des centres commerciaux. Ce soutien permet d’assurer « une fluidité dans le traitement des demandes administratives, notamment en ce qui concerne l’ouverture au public. »1 Par exemple, l’Ile de France a désormais un programme de soutien régional à l’urbanisme transitoire.1 Ce programme sélectionne des projets à qui ils accordent des budgets. Depuis 2016, 25 projets d’urbanisme transitoire (bâtiments ou terrains) ont reçu le soutien de la région (pour un total de 2,6 M). La région Ile de France affirme vouloir « renforcer son rôle incubateur de nouvelles pratiques ». Une ombre au tableau cependant : ces appels à projet sont destinés aux communes, aménageurs publics et privés, et associations œuvrant dans le champ économique, avec une prime aux structures autofinancées. Anastasia Kozlow (animatrice du Jardin d’Alice, un collectif d’artistes, interviewée par Politis)2 déclare : « Le Grand Paris exige qu’on dépose un dossier avec une banque et un promoteur. C’est une machine de guerre qui est en train de tout écraser ». C’est donc les grosses structures qu’encouragent ces appels à projets. On peut néanmoins souligner que dans le cas de la Friche Lamartine, la ville de Lyon a trouvé un lieu pour les résidents (auparavant installés dans la friche Henri RVI, qui avait commencé comme un squat illégal puis avait été légalisé) qu’il a mis à leur disposition et a même réalisé les travaux pour aménager le bâtiment.

Institut d’aménagement et d’urbanisme «L’urbanisme transitoire : aménager autrement», Note rapide n°741 https://www.iledefrance.fr/aides-regionales-appels-projets/soutien-aux-initiatives-urbanisme-transitoire 3 «Rendez vous au centre non commercial», dans Politis, 2017 1 2


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La SNCF est également un acteur important de l’urbanisme transitoire. En effet la SNCF est le deuxième plus grand propriétaire foncier après l’Etat (avec 12 millions de m² !)1 et possède un grand nombre de friches. SNCF Immobilier a été créé afin de gérer ce patrimoine, qui a lancé le projet ‘Site Artistique Temporaire’. Ce projet consiste à mettre ‘à disposition’ des bâtiments inutilisés à des porteurs de projets pour une durée temporaire. Si SNCF Immobilier déclare que leur intérêt « n’est pas financier », on trouve sur leur site internet que la première priorité de SNCF Immobilier est d’ « accroître les performances économiques du Groupe via l’optimisation de sa facture immobilière ». En effet, ce projet de Sites Artistiques Temporaires leur permet d’exploiter des lieux pour le moment déficitaires d’un point de vue économique (car inutilisés) et de se servir des expérimentations menées pour savoir comment utiliser leur immobilier vacant. Ce sont souvent des sites qui s’inscrivent dans un futur projet urbain plus global, et ces occupations temporaires leur permet d’embellir un bien immobilier, le valoriser et leur faire de la publicité (cela leur donne une image moderne et un côté ‘arty’) pour pouvoir le vendre ou le louer ensuite au meilleur prix. Ces avantages se font sans leur coûter un centime : ce sont aux porteurs de projets de se débrouiller pour réaménager les bâtiments et les mettre aux normes… Et leur rapportent même de l’argent de façon directe, en effet SNCF Immobilier prend 10% des recettes générées par ces projets d’occupation temporaire en échange du prêt de bâtiments.2 Contrairement à Paris, qui donne un peu plus de liberté aux collectifs pour gérer des lieux et aménager la ville (même si cette liberté et ses motivations peuvent être critiquées), on peut voir que la ville de Montpellier oppose un contrôle omniprésent. Il n’existe pas vraiment de lieux culturels alternatifs (à part quelques cafés associatifs ou toute petite salle d’exposition…). La seule occupation temporaire (Le Bâtiment Totem du Numérique) est gérée par la ville (qui n’a pas voulu répondre à mes questions) et ne s’inscrit pas vraiment dans les objectifs des autres lieux étudiés, gérés par des collectifs. Les quelque tentatives de créer de nouveaux lieux dans des bâtiments vacants ont toutes essuyé un refus de la ville de coopérer, même quand aucun projet n’est prévu sur ces sites : on peut citer Lutopia 003 dans les anciennes archives de la ville et La Soucoupe dans l’ancien musée d’Agropolis. S’il est intéressant que les aménageurs et collectivités intègrent désormais les occupations temporaires en amont dans la stratégie d’aménagement (pilotage d’appels à projets, encadrement technique et financier, adaptation de la programmation urbaine, réalisations de travaux préparatoires, et surtout des budgets dédiés pour aider ces projets à fonctionner…), il serait dommage qu’ils viennent gâcher ces expérimentations et ces nouveaux lieus de vie par des contraintes économique de rentabilité et de compétition. De plus, on peut voir que ces projets permettent de redorer l’image des institutions en laissant ces quelques libertés temporaires alors que les politiques urbaines restent les mêmes ; avant tout tournées vers les investisseurs et les classes supérieures qu’elles cherchent à attirer, dans une logique de croissance économique plutôt que de réduction des inégalités.

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http://www.sncf.com/fr/actualite/SNCF-immobilier Interview personnelle réalisée avec le Collectif MU


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// Evolution des acteurs et des modèles juridiques // Une récupération

« Mais les communes incitent aussi les habitants à gérer eux-mêmes les dernières parcelles en attente d’être bétonnées et livrées aux propriétaires […] Budget participatif, habitat participatif, démocratie participative où seuls participent les citoyens dont il n’y a rien à craindre du choix raisonnable de la couleur des pots de fleurs et de celui de l’emplacement du boulodrome là où la mairie l’a déjà acté, concours d’occupation des friches remportés par des associations aussi inoffensives que peu actives, domestication des associations et collectifs contestataires : la paix sociale a un prix, assez bon marché […] Pendant ce temps-là, le libéralisme continue son travail de sape… » 1 UN NOUVEAU MARCHÉ POUR LES AGENCES D’ÉVÈNEMENTIELS Certains organismes assument quant à eux une logique marchande, utilisent l’esthétique de la friche et surfent sur cette tendance pour monter un business. On retrouve aussi une occasion de rentabiliser un espace avant un futur projet et une tentative de faire mieux accepter celui-ci des riverains. Sur ses bâtiments vacants, SNCF Immobilier privilégie ainsi des logiques uniquement festives qui produisent plus de recettes, au détriment de pratiques artistiques plus confidentielles. On peut notamment citer Grand Train géré par Ground Countrol, pour en faire un lieu festif recevant du public. On y trouve notamment des boutiques, des restaurants, et il est possible de louer les lieux pour y organiser des évènements privés.2 On peut voir ici que Ground Countrol et la SNCF surfe sur cet effet de mode mais à des fins commerciales. Dans le cas du 88 Rue de Ménil Montant, géré par La Bellevilloise, on assiste à une occasion d’exploiter un espace (unqiuement extérieur cette fois-ci) en attendant les travaux pour un futur projet (qui appartiendra en partie à La Bellevilloise aussi), et faire accepter celui-ci par les riverains qui sont pour le moment assez révoltés. Il faut en effet considérer l’histoire de ce lieu, qui a accueilli de 1999 à 2014 La Miroiterie, un squat culturel devenu emblématique grâce à sa salle de concert (plus de 5000 groupes sont passés sur la scène), sa galerie, ses ateliers pour artistes, et en avait fait un lieu alternatif autogéré ouvert à tous et participant activement à la vie du quartier, loin des impératifs commerciaux.3 Le rachat des murs a été mal vécu car cela a amputé le quartier d’une importante part de son activité culturelle et sociale, alors que les occupants de La Miroiterie, même après avoir demandé de l’aide à la Mairie, n’ont toujours pas été relogés (leur indépendance et leur esprit punk semble donc poser problème). La Bellevilloise a donc repris ce lieu, d’abord pendant une occupation éphémère et estivale lors de l’été 2017 mais bientôt comme une extension de son activité d’origine (bar, restaurant et salle de concerts), dans une volonté d’en faire un lieu lucratif. Michel Ktu, un ancien occupant de la Miroiterie, déclare ainsi : « La Bellevilloise, c’est une pompe à fric. Les riverains et les commerçants ne sont pas du tout contents de ce qu’il s’y passe. Ils se font du pognon sur le dos des artistes et du public, ils ne participent pas à la vie du quartier. Nous, on a toujours fait ça gratuitement, sans subventions, avec les tripes. » *. «Ce que l’on nous fait faire» dans Médiapart, 2017 http://www.groundcontrolparis.com/ 3 «Que va devenir le squat historique du quartier de ménil montant», dans Télérama, 2016 1 2


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Cette occupation temporaire est donc un moyen de faire accepter le futur projet en proposant un lieu pour le moment gratuit et ouvert à tous et en récupérant l’esthétique de squat et de Do It Yourself avec des palettes et autres matériaux de récupération.1 On s’aperçoit avec ces exemples que certaines occupations temporaires sont loin des logiques de bienveillance, de bien commun et d’espaces non marchands évoqués précédemment. On assiste à une normalisation de ces friches et occupations temporaires qui mènent à une commercialisation. LA NAISSANCE DES ENTREPRISES DU TEMPORAIRE Certaines entreprises commencent à s’emparer de la problématique des espaces vacants, notamment dans le domaine du logement, un marché prometteur au vu des demandes pour accéder à du logement abordable. L’exemple le plus représentatif est l’entreprise Camelot, née aux Pays-Bas mais qui se développe désormais dans toute l’Europe, et en France depuis 2010. Camelot génère désormais un chiffre d’affaires de plusieurs dizaine de millions d’euros. Elle propose aux propriétaires des solutions d’occupations temporaires rentables et avantageuses, en louant les espaces à des occupants sélectionnés, des personnes solvables et sans enfants, et surtout en imposant certaines règles. En effet, les droits des occupants sont différents d’un bail de logement classique. Les lieux ne sont évidemment pas autogérés et Camelot gère tous les biens immobiliers elle-même. Cette entreprise est assez controversée à cause d’abus qui ont été révélés. En effet, même si ces contrats temporaires proposent des avantages importants par rapport au marché du logement, comme l’accessibilité financière, la rapidité d’accès et des surfaces assez importantes, les personnes louent ici car il n’existe pas beaucoup d’alternative pour se loger de façon abordable dans les grandes villes. Ce non-choix engendre des rapports de force inégaux, et beaucoup de locataires subissent ces abus. Ils sont donc contraints d’obéir à toutes les volontés des agences et des propriétaires, qui ignorent parfois les dysfonctionnements des locaux et qui les rendent parfois indignes et dangereux. Les locataires doivent entretenir eux-mêmes les lieux. Un occupant interrogé par Le Comptoir2 témoigne : «L’agence nous a proposé de rester environ trois semaines, […] pour améliorer l’espace avant de revendre l’appartement. Ils nous ont dit : “Vous pouvez occuper cet appartement mais vous devez le nettoyer intégralement, le rendre plus agréable, vivable. » Des règles strictes sont imposées, il est par exemple interdit d’avoir des animaux de compagnies ou d’organiser des fêtes chez soi, et il faut prévenir si on veut inviter quelqu’un. Les résidents dénoncent souvent une violation de la vie privée (avec des inspections non annoncées), et une insécurité liée à la nature du contrat (il y a seulement quatorze jours de préavis !). Les résidents sont surveillés (avec les inspections) et sont intimidés, avec des avertissements pouvant mener à des expulsions, si jamais les ‘règles’ ne sont pas respectées.

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«Urbanisme transitoire : les friches évènementielles» dans Urbavengers, 2017 «Crise du logement : découvrez les agences anti-squat», dans Le Comptoir, 2016


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// Evolution des acteurs et des modèles juridiques // Une récupération

Bien que l’accès à un logement soit un droit censé être reconnu par la France (et tous les pays Européens), on voit que certaines entreprises n’hésitent pas à tirer profit de ce besoin et de la précarité des gens.


// Evolution des acteurs et des modèles juridiques // Une révolution des modèles juridiques

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3. Une évolution des modèles juridiques Si les pratiques dites alternatives sont de plus en plus mises en avant (et ont fait l’objet ces dernières années de multiples expositions, ouvrages et colloques), sa mise en place au quotidien n’en finit pas de se heurter à des situations d’impasse et de blocage, à cause des lois, des normes et de l’administration française qui laissent peu d’espace à l’expérimentation. Celles-ci sont nécessaires pour limiter les abus en tout genre, mais peuvent être un frein aux occupations temporaires. On remarque cependant une évolution de celles-ci dans l’optique de mieux accompagner l’urbanisme transitoire ainsi qu’une intelligence globale du projet ou de la construction.

DES CONTRATS ET DES OUTILS DE PLANIFICATION POUR PERMETTRE L’URBANISME TRANSITOIRE Toutes les occupations temporaires étudiées sont liées par des Conventions d’Occupation Précaires avec le propriétaire des lieux. Cette COP a été créée pour faciliter ces occupations temporaires, ainsi que d’autres évolutions du droit qui s’adaptent au concept de l’urbanisme transitoire. La convention d’occupation précaire a été définie par la loi n° 2014-626 en juin 2014, et déroge au bail commercial qui est assez protecteur des locataires, et dont la durée minimum est de 9 ans. Elle diffère également du bail dérogatoire qui ne peut excéder trois ans (et n’a pas de durée minimale) mais qui, si à l’expiration du bail le propriétaire n’envoie pas de congé à l’occupant, se transforme en bail commercial classique.1 La convention d’occupation précaire permet dans certaines circonstances de louer des locaux pour une durée inférieure à 9 ans. Les parties doivent apporter la preuve d’un motif légitime de précarité, comme une attente de démolition ou de futur projet. La convention est susceptible de prendre fin à tout moment, c’est-à-dire que la durée est incertaine. Cette précarité justifie que le montant de la redevance soit plus modeste qu’un loyer normal. Les évolutions récentes du droit à l’urbanisme ont également permis de développer des outils compatibles avec l’urbanisme transitoire. Le décret du 28 décembre 2015 modernise le PLU2 et offre désormais la possibilité de créer des secteurs sans règlements dans lesquels des orientations d’aménagements et de programmation (OAP) sont définies. Cela introduit

«Les conventions d’occupation précaire», analyse juridique en ligne sur le site de l’Agence Nationale pour l’information sur le Logement 2 Institut d’aménagement et d’urbanisme «L’urbanisme transitoire : aménager autrement», Note rapide n°741 1


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// Evolution des acteurs et des modèles juridiques // Une révolution des modèles juridiques

une souplesse dans la conception du cadre de planification, qui pourrait faciliter l’urbanisme transitoire. Ces OAP doivent permettre un projet d’aménagement et de développement durable. On voit donc une volonté des institutions de faire évoluer les règlements et lois pour s’ouvrir à ces nouvelles pratiques. LES NORMES, TOUJOURS UN FREIN AUX OCCUPATIONS TEMPORAIRES « Les normes qui s’appliquent à la construction aujourd’hui sont plutôt faites pour éviter les dérives que pour répondre de façon adéquate. Malheureusement, la réglementation nous empêche dans certains cas d’optimiser les réponses ; nous avons besoin de faire sauter les gardefous quand nous ne sommes pas fous. » Julien Bellair, Le Permis de Faire, dans Tracés, 2017 En étudiant des différentes occupations temporaires et en parlant avec les collectifs qui les gèrent, on s’aperçoit que les normes constituent une gêne pour la mise en place de ces projets. Elles les contraignent à certains choix, comme La Friche Lamartine qui a décidé de ne pas recevoir du publicen partie à cause des normes ERP qui auraient été trop coûteuses à mettre en place. Certaines occupations temporaires qui ont été un véritable succès auprès des visiteurs comme du territoire, auraient été impossibles à réaliser si la réglementation sur les établissements recevant du public avait été totalement appliquée… Ces normes ERP et l’impossibilité de leur application totale pour certaines occupations temporaires (principalement d’un point de vue économique) amènent certains collectifs à prendre des risques au regard de la loi. Comme le propose les urbanistes Cécile Diguet et Pauline Zeiger dans la publication L’Urbanisme Transitoire ; Aménager Autrement1, il serait intéressant de mener une réflexion sur l’évolution du cadre légal : « Le but serait notamment de pouvoir proposer un format d’ERP (équipement recevant du public) temporaire assoupli, plus simple à mettre en œuvre dans les contraintes financières et temporelles de ces projets. » LE PERMIS DE FAIRE, UNE LOI POUR SUPPRIMER LA LOI, BIENTÔT POUR LES OCCUPATIONS TEMPORAIRES ? Une nouvelle loi française (l’article 88 de la Loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine) vient justement d’être créée pour

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Institut d’aménagement et d’urbanisme «L’urbanisme transitoire : aménager autrement», Note rapide n°741 «Le Permis de Faire», dans Tracés, 2017


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Elle prévoit la possibilité, à titre expérimental et pendant 7 ans, pour les acteurs de la construction à contourner certaines règles, à condition d’en remplir les objectifs par d’autres moyens : « ils peuvent, pour la réalisation d’équipements publics et de logements sociaux, déroger à certaines règles en vigueur en matière de construction dès lors que leur sont substitués des résultats à atteindre similaires aux objectifs sous-jacents auxdites règles. » Cette loi a été inspirée par Patrick Bouchain (lorsqu’il a travaillé avec Fleur Pellerin alors ministre de la culture et de la communication), mais il n’est pas totalement satisfait de la forme qu’a prise cette loi : « Le permis de faire, ce n’est pas qu’un article de loi et des dispositions réglementaires. C’est un esprit, une philosophie qui existe déjà à certains égards, et que nous risquons de perdre. Le risque avec cette loi et ses décrets d’application, c’est qu’elle ne fasse l’objet que d’un usage très spécialisé, que chacun vienne chercher des solutions simples à un problème particulier. Le risque, c’est une approche techniciste de la loi. Moi, au contraire, je veux plus de matière grise, pour rendre possible une réflexion globale. J’ai envie d’une loi vivante, qui serait confrontée à la vie et mise en application comme une jurisprudence pour des cas à venir. Une loi qui ferait école, qui changerait les mentalités. »1 « Assouplir le cadre réglementaire français, célèbre au-delà de nos frontières pour sa rigidité, était devenu une nécessité pour ouvrir la voie à des projets urbains moins contraints et standardisés, faisant la part belle à de nouveaux usages. » déclare Paul Citron, fondateur de Plateau Urbain. On déplore cependant que ces dispositions soient inscrites au Code de la construction, et donc excluent de fait tout ce qui ne relève pas de la construction neuve. « Une inscription au Code de l’Urbanisme de dispositions équivalentes, permettant d’intervenir de manière simplifiée sur le patrimoine bâti existant, pourrait ouvrir beaucoup plus aisément la voie à quantité d’usages innovants, notamment au sein de locaux vacants, ce que le carcan normatif complique pour l’heure fortement. » 1 Même si cette loi semble intéressante (surtout si elle s’ouvre à la réhabilitation), sa mise en œuvre par une machinerie administrative complexe risque de décourager les plus motivés : éligibilité de l’expérimentation et demande de dérogations techniques spécifiques instruites par les ministres, évaluation du dispositif par les ministres pouvant conduire à des propositions de simplification des réglementations et des normes… Sa mise en place a eu au moins le mérite de rassembler et de faire parler les acteurs et institutions autour de ces problématiques.

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«Le Permis de Faire», dans Tracés, 2017



// Conclusion //

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Conclusion « Et l’utopie n’est pas une chimère, elle n’est pas inatteignable. Elle sert à combler le fossé entre ce qui est dit et ce qu’il est possible de faire » Patrick Bouchain, Permis de Faire, dans Tracés, 2017

Ces occupations temporaires ont montré que régénérer le sens du collectif et la mise en place d’utopies concrètes n’ont jamais été autant d’actualité, et sont porteuses d’une véritable volonté d’œuvrer pour le bien commun. Celles-ci comportent de nombreux avantages, pour les propriétaires comme pour le territoire et les occupants. La valorisation de ce type de projets pourrait encourager les administrations à identifier les situations de sous-exploitations de locaux et les propriétaires à minimiser au maximum les bâtiments vides. Une occupation temporaire, dans l’idéal commencerait alors à s’envisager au même moment que le déménagement du précédent occupant, ce qui permettrait de réduire les dégradations liées à l’abandon d’un bâtiment et de fluidifier le transfert du site de l’occupant sur le départ vers l’occupant temporaire. Il est cependant important de trouver l’équilibre entre la pérennisation de certains usages et le développement du projet prévu quand celui-ci est déjà décidé. Il est également essentiel d’optimiser les expériences, qui sont parfois peu prises en compte, pour influencer sur des futurs aménagements. Ces nouvelles pratiques sont également une opportunité pour les jeunes professionnels de l’urbanisme et de l’architecture qui se confrontent à un marché de l’emploi saturé qui leur offre peu de perspectives. C’est donc une voie alternative qui leur offre la possibilité d’exprimer leur originalité et leurs propositions innovantes face aux défis urbains actuels. Cependant, le fait de remplacer des squats artistiques par des occupations temporaires légalisées et contrôlées relance aussi le débat sur les ‘ville musée’, où les seules expressions artistiques tolérées sont celles institutionnalisées ou financée comme de la publicité. De plus, on peut voir une certaine récupération d’entreprises qui transforment ces espaces vacants en espaces marchands en surfant sur l’effet de mode. Mais ces occupations temporaires révèlent surtout un dysfonctionnement en termes d’accès à des locaux ou sites adaptés, et abordables par tous. Comme l’exprime Patrick Bouchain dans la revue Tracés à propos du logement d’urgence «Si on ne fait travailler les architectes que sur l’habitat d’urgence, on a des camps et des tentes, rien de plus. », il est peut-être important de travailler sur une manière démocratique de faire la ville, plutôt que de trouver des solutions « temporaires » à des problèmes qui n’en sont pas. A Patrick Bouchain de rajouter que « Nous devons mêler l’urgence, le court et le long, éventuellement le profit et le non profit, la valeur et la non-valeur. Ces dents creuses, ces maisons murées, ces rezde-chaussée fermés sont une forme d’abandon, qui pourrait devenir un don, fait à quelqu’un qui remettrait la vie. Peut-être qu’aujourd’hui l’inactivité, le chômage, la migration sont de nouvelles données qui pourraient trouver leur place dans ces vides »


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// Conclusion //

Pour lutter contre les logiques marchandes, certains porteurs de projet aimeraient donc acquérir leurs murs, pour que ces espaces puissent s’inscrire comme des lieux de respiration et de résistance indépendants. On peut également se demander si l’énergie collective déployée lors de projets sur une courte durée peut se maintenir sur des temps plus longs, et si le temporaire n’est pas indispensable pour la réalisation de tels projets à haute valeur humaine. L’initiative «Foresta, émergence collective d’un parc métropolitain »1 que Yes We Camp lance prochainement à Marseille fait d’ailleurs le pari que l’énergie collective et la liberté de proposition pourront exister dans un temps plus long...

«avec une itération prévue aujourd’hui sur neuf ans et sans perspective de basculement vers d’autres usages, visant en conséquence, en parallèle du projet d’usages, un équilibre économique immobilier satisfaisant pour les propriétaire.» (http://parcforesta.org/) 1



// Bibliographie //

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bibliographie LIVRES LEFEVBRE Henri, Le Droit à la ville, 1968 CLEMENT Gilles, Manifeste du Tiers Paysage, 2004 DE CONINCK Frédéric et DEROUBAIX José-Frédéric, Ville éphémère, ville durable: multiplication des formes et des temps urbains, maîtrise des nuisances : nouveaux usages, nouveaux pouvoirs, 2008 BEY Hakim - Zone Autonome Temporaire, 1991 ARTICLES DE PRESSE NICOLAS-LE-STRAT Nicolas, «Multiplicité interstitielle» dans Multitudes n°31, 2007 VESCHAMBRE Vincent, «Le Recyclage urbain, entre démolition et patrimonialisation : enjeux d’appropriation symoblique de l’espace», dans Norois, 2005 «Le Permis de Faire», dans Tracés, 2017 «Le Manifeste des Tiers Lieux», dans Movilab, 2017 http://movilab.org/index.php?title=Le_manifeste_des_Tiers_Lieux «Ceux qui font : ils redonnent vie à des immeubles vides», dans Le Monde, 2016 http://www.lemonde.fr/festival/visuel/2016/07/08/ceuxquifont-redonner-vie-a-des-immeubles-vides-entoute-legalite_4966276_4415198.html «Ce que l’on nous fait faire» dans Médiapart, 2017 https://blogs.mediapart.fr/juliette-keating/blog/240817/ce-que-lon-nous-fait-faire «Intervention sur la lenteur des projets urbains» dans Ibicity http://www.ibicity.fr/blog/?post/Plus-vite-%21-intervention-sur-la-lenteur-des-projets-urbains2 «Quels points communs entre les friches d’aujourd’hui et les ruines du romantique ?» dans Ville Hybride, 2017 http://villehybride.fr/2017/10/18/quont-de-commun-gout-friches-industrielles-aujourdhui-ruines-a-lage-romantisme/ «Les friches culturelles sont des utopies concrètes», dans Libération, 2017 www.actualiteparis.fr/2017/10/15/les-friches-culturelles-sont-des-utopies-concretes/ «Les Grands Voisins, l’esquisse du renouveau», dans Medium, 2017 https://medium.com/wsflab-2016/les-grands-voisins-lesquisse-du-renouveau-779ff2fbbb3d «Rendez vous au centre non commercial», dans Politis, 2017 https://www.politis.fr/articles/2017/12/rendez-vous-au-centre-non-commercial-38110/ «Urbanisme transitoire : les friches évènementielles» dans Urbavengers, 2017 https://urbavengers.wordpress.com/2017/10/17/urbanisme-transitoire-les-friches-evenementielles/ «Crise du logement : découvrez les agences anti-squat», dans Le Comptoir, 2016


// Bibliographie //

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PUBLICATIONS DIGUET Cécile Diguet, ZEIGER Pauline, COCQUIERE Alexandra «L’urbanisme transitoire : aménager autrement», Institut d’aménagement et d’urbanisme - Ile de France Note rapide n°741 BOUCHAIN, Patrick, «La forêt des délaissés», p.21, dans NATURE & PAYSAGE, «Les délaissés temporaires», CAUE Loir-et-Cher, 2009 PAIROT Clément, MOREAU Emilie, «La ville autrement», Atelier Parisien d’Urbanisme, 2017 CONFERENCES «Vacance des lieux et urbanisme transitoire : territoires et enjeux », au CAUE 77, 2017 http://www.caue77.fr/pages/galerie-videos/conferences-eavt/ «Meet up Urbanisme temporaire», Pavillon de l’Arsenal, 2016 http://www.pavillon-arsenal.com/fr/visites-activites/10827-meet-up-urbanisme-temporaire.html TRAVAUX ETUDIANTS PAPIN Olivier, Interphases urbaines : vers un urbanisme de l’entre-deux, Mémoire master 2, 2016 CUARTERO Lucy Cuartero, L’urbanisme temporaire comme catalyseur d’un projet urbain durable, Mémoire M2, 2015 VAILLANT Céline Vaillant, Emergences autour de l’occupation temporaire de lieux inutilisés, Mémoire M2, 2017



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annexes Cette partie annexe a pour but de rassembler les descriptions générales des projets et organismes de gestions étudiés dans les différents chapitres. Les objectifs sont de donner aux lecteurs du mémoire une connaissance approfondie des projets et organismes évoqués.

Ces annexes ont été réalisées grâces à des lectures ou recherches sur les sites de ces projets et organismes, mais surtout grâce à des interviews des gestionnaires et résidents de ces lieux. Je tiens à remercier ces différentes personnes pour m’avoir accordé de leur temps : - Arnaud Idelon - membre du Collectif Mu - Elodie Lombard - salariée de Curr y Vavart - Rafaela Lopez - présidente de DOC - Félix Grucker - animateur de sispositifs participatifs chez Capa’Cités - Maud Lechevallier - salariée de Friche Lamartine - Emma Piau - free lance à La Belle Friche - Pauline Duclos - salariée de Plateau Urbain - Paul Citron - fondateur de Plateau Urbain - Yoann Til-Dilmet - fondateur de Souk Machine - Gauthier Oddo - membre de Yes We Camp -



// Annexes // Sites étudiés

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Les Sites Etudies Les sites étudiés se situent tous en France, et principalement en Île de France car c’est là que se trouvent le plus grand nombre. Chaque fiche précise les gestionnaires, la localisation, l’état du bâtiment existant, les dates et chiffres clés, les activités, et le déroulement de l’occupation temporaire.


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// Annexes // Sites étudiés

la halle papin

Avant

Gestionnaires

La Halle Papin servait auparavant d’usine de fabrication de pneus et d’outillages mécaniques. Afin d’optimiser la transition entre cette ancienne activité et la future (cité de l’éco-habiter), L’Etablissement Public Territorial Est Ensemble Grand Paris a sollicité SoukMachine pour animer le lieu.

La Halle Papin est gérée par SoukMachine, que ce soit pour la gestion des résidents ou l’oganisation d’évènements.

Pendant SoukMachine a donc investi le lieu dès Avril 2016, puis entièrement repensé et aménagé le lieu, afin de laisser s’installer des artistes, artisans, jeunes entreprises à faibles coûts. En plus de ces espaces de travail, la Halle et son espace extérieur accueillent aussi divers évènements, pour faire de cet endroit un important lieu de la vie culturelle locale. Le but est d’ouvrir ce lieu sur le territoire, et d’y amener un public varié avec des programmations éclectiques.On y trouve donc des concerts, mais également d’autres évènements comme des projections, des open barbecue, des ‘bouffes mondaines’...

Bâtiment Ce bâtiment, avec comme atout un grand espace extérieur, était utilisé par une usine de fabrication de pneus et d’outillages mécaniques. Il est situé au NordEst de Paris, à Pantin. Son état était assez mauvais. Il n’y avait plus d’eau, plus d’électricité, et le toit était en mauvais état.

Chiffres - Clés 2500 m² - d’espaces intérieurs 1500 m² - d’espaces extérieurs 82 résidents - travaillant dans les locaux 6 à 10 E/m²/mois - de cotisation pour les structures 50 000 euros - budget investi dans l’adaptation des locaux à l’occupation temporaire 20000 - public par an 3 - évènements par semaine

Dates - Clés Après Ce lieu se transformera d’ici deux ans en «La Cité de l’Eco-Habiter», un pôle d’excellence pour l’éco-construction et l’économie verte, qui accueillera des startups et petites entreprises spécialisées dans ces domaines. On peut cependant déplorer que le projet La Halle Papin n’a pour l’instant pas d’influence sur le projet futur, en effet SoukMachine n’a pas été consulté, sur les apports que pouvaient avoir cette expérimentation, d’espace et d’usage.

Mars 2016 - L’Etablissement Public Territorial Est Ensemble Grand Paris donne la gestion du lieu à SoukMachine Avril 2016 - travaux de rénovation et de sécurisation de la plupart des bâtiments Juin 2016 - les premiers évènements Fin 2018 - fermeture du lieu pour construction de La Cité de l’éco-construction

Activités Locaux pour artistes, associations, artisans Salles de concert


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// Annexes // Sites étudiés

La Station - Gare des mines

Avant

Gestionnaires

Le bâtiment était une gare à charbon, puis a accueilli le club créole semi-clandestin Balafon. La SNCF a mis ce bâtiment à disposition dans le cadre des Sites Artistiques Temporaires, et le collectif Mu a remporté l’appel à projet.

La Station - Gare des Mines est géré par le collectif MU, un bureau de production artistique spécialisé dans les domaines de l’art sonore, de la musique et des nouveaux médias.

Pendant La Station - Gare des Mines est un laboratoire convivial et festif consacré aux scènes artistiques émergentes, géré par le Collectif MU, qui définissent cet espace comme un tiers lieu culturel. Durant deux saisons seul l’extérieur du bâtiment a été exploité pour organiser des soirées estivales, en collaboration avec Le Point Ephemere. Avec une occupation planifiée de seulement six mois, ce n’était pas rentable de réaménager l’intérieur. Mais avec une prolongation du bail deux salles intérieures ont été aménagées, permettant au collectif MU de continuer son activité toute l’année. La programmation est variée et en lien avec son territoire, pour un public divers. Il y a donc des concerts mais aussi des projections en plein air à prix libres, open barbecue, ateliers à destination des enfants et adolescents... Un des avantages est de pouvoir utiliser plusieurs espaces distincts à différents moments du jour, de la nuit ou de la semaine. On y trouve donc aussi une station de radio, un studio de répétition et un atelier d’artistes.

Bâtiment Ce lieu, une ancienne gare à charbon, est situé au croisement de Paris, Saint Denis et Aubervilliers. Il était en mauvais état, presque laissé à l’abandon, avec les fenêtres murées...

Chiffres - Clés 2 - salles intérieures, dont une au sous sol 600 - m² d’espaces intérieurs 6 organismes - travaillant dans les locaux, prétés grâcieusement par le collectif MU 10% des recettes - que le collectif Mu doit officiellement verser à la sncf en échange du prêt du lieu 250 000 euros - budget investi dans l’adaptation des locaux à l’occupation temporaire 70 000 - spectateurs depuis l’ouverture 400 - personnes (capacité pour les salles intérieures) 300 - évènements depuis l’ouverture

Dates - Clés Après Ce bâtiment se trouve sur le lieu d’un ambitieux programme d’aménagement urbain qui prévoit la construction d’un quartier intercommunal, mais il n’y a pour le moment pas de projet précis pour ce site. Le programme d’aménagement contient cependant un bâtiment culturel, et certains membres du collectif y voient l’occasion de péréniser leur activité, alors que d’autres préfèrent rester dans une dynamique du temporaire, sur d’autres sites.

Mai 2016 - Mu commence l’occupation extérieure Juin à Octobre 2017 - Travaux (séquencés) du bâtiment 13 Octobre 2017 - Ouverture des salles intérieures Fin 2018 - Fin du bail, mais espèrent le renouveler

Activités Locaux de travail (ateliers, studio, station de radio) Salle de concerts


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// Annexes // Sites étudiés

lE SHAKIRAIL

Avant Le bâtiment est un ancien vestiaire et centre de formation appartenant à la SNCF. Le collectif Curry Vavart recherchait un nouveau lieu pour accueillir les résidents expulsés d’un précédent lieu (occupé illégalement), et une des personnes du collectif travaillait à la SNCF et a donc mis les deux organismes en relation.

Gestionnaires Le Shakirail est géré par le collectif Curry Vavart

Bâtiment Ce lieu consituté de deux bâtiments de 800 à 600 m² est situé dans le 18e à Paris.

Pendant Le Shakirail est donc un espace mis à disposition par la SNCF en échange d’une redevance de 3000 euros par an, lié par une convention d’occupation temporable à renouveller tous les ans. C’est un espace de travail artistique temporaire composé d’ateliers partagés, de salle de répétition de danse et de théatre... C’est un lieu qui permet de mutualiser les outils équipements, et les savoirs de chacun. L’aménagement s’est fait avec peu de moyens, beaucoup de récupérations et chacun a mis la main à la pate. Il n’est malheureusement pas officiellement ouvert au public à cause d’un problème de norme et de sécurité. Il est cependant facile de venir visiter les locaux et de rencontrer les résidents.

Chiffres - Clés 1400 m² - d’espaces intérieurs 50-100E/mois - de cotisation pour les structures

Dates - Clés Février 2011 - Le collectif Curry Vavart signe une convention d’occupation temporaire avec la SNCF

Après Il n’y a pour l’instant pas de projet de réhabilitation connu, et pas de date de fin d’occupation temporaire prévue. La pérennisation est cependant compliquée à envisager, l’achat étant impossible à cause du manque de moyens financiers, et la demande de changement de contrat de location est risquée (refus etc...)

Activités Ateliers pour artistes Salles de répétitions et de danse


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// Annexes // Sites étudiés

La friche lamartine

Avant

Gestionnaires

Le bâtiment était une bonneterie mais n’était plus utilisé depuis quelques années. Les artistes l’occupant désormais étaient eux dans un autre lieu, la friche RVI, qu’ils ont du quitter car le bâtiment a été affecté à un autre usage. La ville de Lyon a mis ce lieu à disposition de ces artistes, en réalisant les travaux et sans demander de loyer.

La Friche Lamartine est gérée par ses occupants qui se sont constitués en association (du même nom) pour pouvoir signer les conventions. Cette association est également gérée par deux employés.

Pendant La Friche Lamartine est un lieu de recherches et de création artistique et culturel pluridisciplinaire. Elle est constitutée d’une cinquantaine d’espaces réinvestis par des artistes pour y travailler. L’expérimentation artistique y est favorisée grâce à la proximité des ateliers et à la mutualisation de savoirs, compétences et matériels, qui tissent des liens entre les résidents et influent sur leurs productions artistiques. Ces artistes construisent aussi un vivre ensemble en s’appuyant sur des valeurs partagées telles que l’entraide et la convivialité. Ce lieu n’est par contre pas ouvert au public, à part pour quelques journées portes ouvertes ou à l’occasion d’un festival organisé une fois par an mais se déroulant à l’extérieur, sur le terrain de foot voisin.

Après Le bâtiment de la Friche Lamartine sera à terme démoli pour un projet d’agrandissement de terrain de football voisin (dans le cadre d’un aménagement urbain plus important). Une solution de relogement de l’ensemble de l’association Lamartine a été discutée avec la Ville de Lyon, qui leur ont proposés deux sites (car plus petits). Le départ et installation dans les nouveaux lieux se fera en mars 2019. Cette prochaine installation se fera encore sous la forme d’une occupation temporaire mais à plus grande échelle, entre 10 et 15 ans.

Bâtiment Ce bâtiment est situé dans le 3e arrondissement de Lyon, en plein centre ville. Il est composé de 3 grands plateaux qu’il a fallu aménager et remettre aux normes. Ces travaux ont été pris en charge par la Ville de Lyon.

Chiffres - Clés 3000 m² - d’espaces intérieurs 700 artistes - dans les lieux de façon temporaire 250 artistes - permanents travaillant dans les locaux 3,5E/m²/trimestre - de cotisation pour les structures 200 000E - budget investi dans l’adaptation des locaux à l’occupation temporaire par la ville de Lyon 1 festival - par an

Dates - Clés 2010 - Les artistes investissent les lieux tout en continuant à l’aménager 2014 - La convention d’occupation temporaire est prolongée au dela des 4 ans initalement prévus 2019 - Les artistes de la Friche Lamartine déménageront dans leurs nouveaux locaux et le bâtiment sera détruit

Activités Ateliers pour artistes (avec espaces d’outils mutualisés)


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// Annexes // Sites étudiés

d o c

Avant

Gestionnaires

Le bâtiment était auparavant un ancien lycée professionnel, inutilisé depuis de nombreuses années. En mars 2015, deux personnes issues des beaux-arts et des milieux du squat, commencent à occuper ces locaux vides. Ils sont ensuite rejoints par d’autres personnes, une centaine au mois de Juillet. Mais trois mois après l’ouverture, la Région, propriétaire du bâtiment saisit la justice, et une expulsion est ordonnée. Heureusement, un soutien de plusieurs personnalités du milieu culturel se met en place et l’expulsion est abandonnée (grâce à d’autres facteurs également).

L’association DOC s’est formée pour pouvoir gérer ce lieu. L’association réunit une soixantaine de personnes et est gérée de manière horizontale par ses membres.

Bâtiment Ce lieu est situé dans le XIX arrondissement de Paris. Son état était mauvais, le lieu s’étant dégradé après avoir été abandonné durant environ quinze ans.

Pendant En plus des ateliers d’artistes et espaces avec de nombreux outils et machines à leur disposition, DOC propose une programmation variée et engagée : des concerts pointus, un club de lecture anarchiste, un ciné-club, un festival de moyens-métrages, un autre dédié au spectacle vivant ainsi que des expositions. Tous les évènements sont à prix libre, et cette mixité de programmes permet d’amener un public assez varié. DOC travaille également avec les associations du quartier pour créer un lieu qui s’intègre et dynamise son environnement. Ce lieu est totalement géré par ses occupants, qui adhèrent tous à l’association, et qui gouvernent de façon horizontale (organisation régulière d’assemblées générales...) Ce sont également les occupants qui ont réalisé tous les travaux pour aménager ce lieu.

Après Le bâtiment n’est pour l’instant destiné à aucun futur projet, et il n’est pas forcément question de contractualiser cette occupation. La question de la durée de ce lieu se pose donc. Au sein de DOC, les avis sont partagés : après autant d’investisement dans l’aménagement du lieu, certains occupants souhaiteraient rester, mais d’autres aiment créer et ‘ouvrir’ des lieux et aiment cette énergie que procurent les projets éphémères.

Chiffres - Clés 3000 m² - d’espaces intérieurs (sur les 5000 totals) 90 personnes - travaillant dans les locaux 5E/m²/mois - de cotisation 80 000 euros - budget investi dans la rénovation des locaux (contre 300000 ou 400000 si ils n’avaient pas été réalisés par les occupants) 1 ou 2 - évènements par semaine

Dates - Clés Mars 2015 - Début de l’occupation (squat)et début des travaux Juillet 2015 - D’autres personnes les rejoignent Septembre 2015 - Fin de la première vague de travaux et ouverture du lieu au public Hiver 2015 - La Région les attaque en justice, gagne et un expulsion est demandée Printemps 2016 - L’expulsion est annulée et l’occupation temporaire est tolérée, pendant un temps indéterminé

Activités Ateliers pour artistes (avec espaces d’outils mutalisés) Espaces de spectacles


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// Annexes // Sites étudiés

Le genie d’alex

Avant

Gestionnaires

Le bâtiment servait à l’origine d’hangar pour bateaux. Il fut ensuite renommé pour avoir acceuilli la discothèque le Showcase durant 10 ans, avant que celui ci ne ferme début 2017. La ville de Paris organise un appel à projets, puis élit celui-ci au conseil de Paris dans la foulée.

Le Génie d’Alex est géré par la collaboration de plusieurs structures : Plateau Urbain - gestionnaire principal du lieu et programmation des soirées La Belle Friche - animation évènementielle diurne YA+K - aménagement en continu (ateliers...) La Ressourcerie du Spectacle - régie spectacle

Bâtiment Pendant Le Génie d’Alex est une occupation particulière car le délai est vraiment très court. Le but était de démontrer qu’en s’associant avec d’autres organismes il était possible de relever ce défi, ce qui aurait été difficile avec seulement une structure de gestion. Le Génie d’Alex ne contient pas de locaux utilisés par des résidents, mais est un lieu réservé à l’évènementiel de toutes sortes. Le but est de mixer les programmations et les publics, le lieu souhaite casser l’image du lieu branché avec des petits prix et surtout des activités de nuit comme de jour accessibles à tous. L’aménagement de ce lieu, gérée par le collectif d’architectes YA+K, se fait en continu, par le biais d’ateliers ouverts, pour s’adapter au fur à mesure aux besoins.

Après Ce lieu, qui a été intégré à l’appel à projets Réinventer la Seine sera aménagé pour accueillir un autre club : le Cabaret Electro, géré par l’équipe Noctis. Le cadre sera refait, à commencer par le plafond qui sera recouvert d’une oeuvre digitale et lumineuse en forme de vague et constituée de LED, conçue par l’agence 1024 Architecture. Le lieu ne vivra cependant pas uniquement la nuit mais aussi le jour, avec de la danse, des ateliers, des expositions, de la restauration...

Ce lieu de 1000 m² est situé sous les arcades d’un des plus beaux ponts parisiens : le pont Alexandre III. Le monument est classé aux monuments historiques. Son état était mauvais, le bâtiment ayant subi une crue en 2016...

Chiffres - Clés 1000 m² - d’espaces intérieurs 2 - terrasses extérieures, situées face à la Tour Eiffel 4 organismes - associés pour faire vivre ce lieu 1 - redevance symbolique payée à la ville de Paris 70 000 E - budget investi dans l’adaptation des locaux à l’occupation temporaire 300 à 1000 - personnes par évènement 3 - jours d’évènement en moyenne par semaine

Dates - Clés 25 Février 2017 - Le Showcase ferme ses portes ? 2017 - La ville de Paris cède la gestion du lieu à Plateau Urbain, qui fait appel à d’autres collaborateurs. 1 Mai 2017 - Remise des clés et début des travaux Septembre - Ouverture du lieu au public, avec deux mois de retard... 7 Septembre 2017 - Inauguration du lieu 25 Décembre 2017 - Le lieu ferme ses portes 2018 - Début des travaux pour devenir le Cabaret Electro dans le cadre des projets Réinventer la Seine

Activités Ce lieu ne sert qu’à organiser des évènements et activités diverses


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// Annexes // Sites étudiés

les grands voisins

Avant

Gestionnaires

L’hôpital Saint Vincent de Paul était un hôpital de l’AP-HP. Il était depuis fin 2011 en grande partie désaffecté, puis utilisé progressivement comme centre d’hébergement par l’association Aurore, et fut enfin rejoint par Plateau Urbain et Yes We Camp en 2014.

Le projet ‘Les Grands Voisins’ est géré par la collaboration de trois principales structures : Plateau Urbain gère les locaux loués, Aurore l’hébergement d’urgence, Yes We Camp le camping, la restauration et les espaces extérieurs.

Pendant Le projet ‘Les Grands Voisins’ devient l’un des plus gros sites temporaires d’Europe, et est très médiatisé. C’est aussi une première du fait qu’il accueille des hébergements d’urgence. On y retrouve aussi un camping, un centre de recyclage, un espace de restauration, des salles d’expositions, des locaux pour start-up, associations, artistes... que des évènements vont venir animer toute l’année. Ce lieu a pour ambition d’être une fabrique des biens communs, d’encourager l’économie circulaire, en s’appuyant sur la solidarité et revendique une fabrique de l’espace plus démocratique sur une période temporaire.

Après La convention qui les lie à la ville prendra fin à la fin de l’année 2017. Il a cependant été annoncé récement qu’une seconde phase d’occupation temporaire aura lieu pendant le début des travaux. Le site se transformera à terme en éco quartier, avec des logements. L’occupation temporaire des Grands Voisins a légèrement influé sur le futur projet, qui accueillera plus d‘activités que prévues au départ. Les organismes travaillant dans les locaux cherchent de nouveaux locaux, des fois en groupe avec d’autres organismes rencontrés aux Grands Voisins, car c’est plus facile et rentable de s’allier pour louer de grandes surfaces. Certains vont être intégrés dans de futures occupations menées par Plateau Urbain, et d’autres étaient des tests et l’expérience n’est pas amenée à continuer, ils vont donc naturellement se dissoudre, ou se modifier.

Bâtiment Le site de 3,4 hectares servait à l’hopital Saint Vincent de Paul et est situé à Paris, 14e arrondissement, centre ville dans un quartier habitations + activités. Son état était bien.

Chiffres - Clés 3,4 hectares - au coeur de Paris 1000 personnes - accueillies chaque jour 600 personnes - hébergées 150 organismes - travaillant dans les locaux 100 places - de camping (seul intramuros !) 20000 m² - de locaux (12000 de résidence) 200E/m²/an - de loyer pour les structures 10000 euros - budget investi dans l’adaptation des locaux à l’occupation temporaire

Dates - Clés Printemps 2012 - un des bâtiments de l’ancien hôpital est confié à l’association «Aurore» qui gère un premier centre d’hébergement d’urgence dans ce bâtiment. Octobre 2014 - AP-HP cède la gestion de la quasi-totalité du lieu à la structure solidaire . Eté 2015 - travaux de rénovation et de sécurisation de la plupart des bâtiments 0ctobre 2015 - ouverture officielle du site au public. Décembre 2017 - deuxième phase d’occupation temporaire pendant la construction de l’écoquartier 2022 - Transformation finale du site en écoquartier.

Activités

Logements d’urgence Locaux pour artistes, associations, jeunes entreprises Espace de restaurations / bar Campning / showroom / potagers / salles...


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// Annexes // Sites étudiés

batiment totem

Avant

Gestionnaires

Le bâtiment, a été construit en 19675 pour être l’hotel de ville de Montpellier, jusqu’à sa désaffection en 2011 quand les services de la ville déménagèrent pour des locaux plus grands. De son côté Montpellier Méditerranée Métropole avait besoin d’un bâtiment «Totem du numérique» rapidement pour pouvoir avoir le label «numérique».

Cet exemple est singulier puisqu’il est géré par une institution : Montpellier Mediterranée Métropole

Pendant

Ce lieu consituté de deux bâtiments de 800 à 600 m² est situé au centre ville de Montpellier. Son état était assez bon, mais le bâtiment contenaitde l’amiante qu’il a fallut enlever. Sa thermique est également à revoir.

L’installation d’acteurs du numérique dans l’ex-hôtel de ville est couvert par une convention d’occupation temporaire de 6 ans, qui met le bâtiment municipal à disposition de la métropole. Des locaux sont mis à disposition de jeunes entreprises du numérique, et un espace animation French Tech est installé au rez de chaussée. Ce projet est défini comme un lieu précurseur, adapté aux nouvelles formes de travail et aux rencontres, aux échanges, à la collaboration entre acteurs de la French Tech et plus largement, mais fait face à de nombreuses controverses. En effet, le budget pour pour câbler, aménager les plateaux de bureaux et signaler le bâtiment Totem a couté 1,7 M d’euros, et une rénovation thermique va être nécessaire, et coûtera 1M d’euros de plus. Contrairement à la plupart des projets étudiés, celui ci n’a pas spécialement une portée sociale, mais plus une portée d’image pour la ville etc. C’est un espace assez fermé, sécurisé par des accès controlés par des badges. Les occupants ont donc du mal à se rencontrer, n’ayant pas un badge ouvrant tous els epsaces, et l’espace commun du rez de chaussée n’est pas vraiment utilisé.

Après Montpellier Méditerranée Métrople prévoit la construction d’un bâtiment neuf dans le quartier de la future gare TGV de la Mogère, à l’Est de Montpellier, à l’horizon 2020. L’avenir du bâtiment totem actuel n’est pas fixé, mais il a récemment été évoqué de le garder pour le même usage, qui ne serait donc plus temporaire.

Bâtiment

Chiffres - Clés 3600 m² - d’espaces intérieurs destinés aux entreprises 1 - espace d’animation ‘French Tech’ au rez de chaussée 90E/m²/an - de loyer pour les structures 1,7 M euros - budget investi dans l’adaptation des locaux à l’occupation temporaire par la mairie

Dates - Clés 2011 - Le bâtiment est inoccupé suite au déménagement de l’hôtel de ville Début 2016 - Les entreprises s’installent dans le bâtiment 2022 - Fin de l’occupation initialement prévue

Activités Locaux pour jeunes entreprises Un espace d’animation French Tech



// Annexes // Organismes étudiés

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Les organismes Etudies Les sites étudiés sont liés à leurs gestionnaires. Ceux-ci peuvent en gérer un à la fois, ou ont été créé pour ce lieu, ou encore gèrent plusiseurs lieux à la fois. Chaque fiche précise la création de ces gestionnaires, leur équipe, leur statut, leurs missions, leur financement et les projets qu’ils ont réalisé.


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// Annexes // Organismes étudiés

souk machines « Des lieux de vie ouverts sur le territoire » Création

Equipe

SoukMachines a été crée en 2004 par Yoan Tilmet et deux autres co-fondateurs, durant leurs études (en médiation culturelle et direction de projets culturels). Le concept était tout d’abord d’organiser des évènements (souvent musicaux) dans des lieux atypiques, puis cela s’est progressivement transformé en réelle occupation temporaire de bâtiments inoccupés. La volonté de SoukMachines est de mettre à disposition des espaces de travail à faibles couts, et d’animer ces espaces avec des évènements éphémères assez variés. Cette programmation éclectique et pluridisciplinaire permet d’attirer des publics différents. Ils considèrent la fête comme vecteur de lien social.

Yoan Dimet - Co-fondateur et directeur artisitique Pauline Semo - Direction Aura Burzynski - Administration Pauline Demarest - Communication Clément Coudray - Programmation artistique Agathe Bouvachon - Graphisme et design culinaire Magali Wehrung - Scénographie et design culinaire Sylvie Desbois - Accueil du public Anne-Sophie Levet - Médiation Culturelle Daphné Honigman - Production et Communication Amine Somai - Régisseur

Missions Exploration et démarchage Des propriétaires des bâtiments et lieux inoccupés.

5 salariés + service civique + stagiaires

Statut SoukMachines est une association loi 1901.

Financement

Aménagement Aménagement des espaces, suivi des travaux de réhabilitation et mise aux normes.

Le financement se fait grâce aux Participations Aux Frais (PAF) des résidents, ainsi que par les évènements. Ils bénéficient également de subvention, de par leur statut associatif.

Gestion des résidents Missions de gestion du site, et accompagnement de l’installation des résidents.

Projets réalisés

Animations Organisation d’évènements variés pour faire vivre le site et ramener un public varié.

Différents lieux ayant accueilli des évènements : Le 6B, La Fonderie, Labo Suzy, Gare aux Gorilles, La Miroiterie, La Petite Rockette... Machines Urbaines : En association avec Plateaux Urbains, une série d’expoisition collective temporaire dans différents lieux. Le Pavillon du Dr Pierre - première occupation temporaire


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// Annexes // Organismes étudiés

collectif mu « Créer une zone de respiration » Création

Equipe

Ce collectif a été fondé il y a plus de dix ans par trois personnes travaillant au Fresnoy (établissement de formation artistique audiovisuelle de haut niveau). Issues de milieux diverses, elles étaient rassemblées par leur passion par leur musique et ont décidé de se consacrer à ce collectif pour monter des lieux de diffusion d’expérimentation sonore et artistique. Une thématique importante est le dialogue avec le territoire, par le biais d’actions culturelles avec les habitants du quartier, et interaction avec le territoire par des interventions ou autre dispositif artistique dans l’espace public. Le collectif essaye de créer grâce à leurs lieux une zone de respiration dans la ville, avec autant d’usages qu’il y a de situations.

Olivier Le Gal, Producteur, co-fondateur David Georges-François, producteur, co-fondateur Eric Daviron, programmateur musique Vincent Voillat, Directeur Artistique, artiste plasticien Valentin Toqué, Chargé de production Luce Lenoir, Coordination des actions culturelles Anthonin Legrand, Assistant production Rodolphe Alexis, Directeur de la Création SoundWays et Artiste associé Arnaud Idelon, Chargé de projet SoundWays Léa Boissel, Régie Générale Emmanuel Sabroux, Régisseur Général, Ingénieur du Son, Régisseur de Site Juliette Décarsin, Administratrice de production Jennifer Ribière, Assistante à l’administration Thomas Carteron, Chargé de communication et développement Clémentine Laronze, Assistante à la communication

Missions

Statut

Aménagement des espaces Superivision de ces travaux, laissés à des professionnels Gestion Gestion du lieu, et invitations d’artistes en résidence par exemple Animations Principale activité : production d’évènements sur le lieu et hors les murs, pour promouvoir la musique et l’art, en lien avec son territoire

Collectif MU est une association loi 1901.

Financement Le Collectif Mu se finance grâce aux recettes dégagées par les évènements organisés (billetterie quand ceux ci sont payant, buvette, qui représente 60% du modèle économique. Ils bénéficient également de différentes subvention, par exemple pour l’aménagement des lieux, ou pour des projets hors les murs...

Projets réalisés La Station - Gare des Mines - occupation Le Garage MU - lieu pérein


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// Annexes // Organismes étudiés

curry vavart « Développer des espaces de vie » Création

Equipe

Ce collectif pluridisciplinaire a été fondé en 2006. Constatant à Paris le manque d’espace de travail disponible et abordable pour la jeune création et les associations, des gens issus du milieu artistique ont monté ce collectif (destinés aussi à leur propre activité). Ce fut d’abord fait de manière illégale en squattant, puis désormais de manière légale en ayant trouvé des partenaires accordant leur confiance au projet. Curry Vavart a donc pour but de développer la création d’espaces de travail artistiques temporaires mutualisés et des espaces de convivialité, installés dans des bâtiments désaffectés destinés à être réhabiliter à court ou long terme.

Curry Vavart regroupe environ 60 membres actifs bénévoles et 4300 adhérents, dont 2 salariées, s’occupant des projets artistiques et supervisant la gestion des lieux (surtout de manière juridique etc)

Missions

Financement

Exploration et démarchage Des propriétaires des bâtiments et lieux inoccupés. Aménagement Espaces sécurisés, aménagés et équipés en lieux de vie et lieux de travail. Gestion et accompagnement Organiser l’auto-gestion des usagers du bâtiment, pour une vraie appropriation. Assistance logistique au développement de la jeune création Animations hors les murs Production d’évènements avec les artistes membres hors les murs, pour animer la vie de quartier

Statut Curry Vavart est une association loi 1901.

Curry Vavart se finance grâce à la participation aux frais des résidents des différents lieux, des artistes ou compagnies utilisant de façon ponctuelle les locaux, et d’aides (de l’état) pour certains projets.

Projets réalisés Le Shakirail - occupation Le Marchal - occupation La Villa Belleville - occupation Les Meubles - occupation Le Théatre de Verre - occupation Albin Michel - occupation Le Boeuf3 - occupation Le Gros Bélec - occupation (illégale) Pixérécourt - occupation


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// Annexes // Organismes étudiés

Friche lamartine « Les artistes doivent s’approprier les lieux » Création

Equipe

L’association de la Friche Lamartine a été créée par les artistes occupants. Ces artistes ont du se constituer en association pour pouvoir signer une convention d’occupation temporaire avec la ville de Lyon. C’est donc une autogestion du lieu par les résidents. Deux employées ont été embauchées ensuite pour pouvoir assurer une partie de la charge de travail à plein temps, même si les résident restent très actifs sur la gestion de leur lieu de travail. Quatre assemblées générales ont lieu par an et un collège décisionnel est élu pour prendre les autres décisions. Le temporaire n’est pour eux pas un avantage et ils préfèreraient avoir un lieu plus pérein. Un autre enjeu est de répondre aux attentes de différents publics, avec des activités diverses et une attention portée au budget de celles ci (certaines sont donc gratuites ou à prix libres....)

Tous les artistes résidents font partie de l’association et donc prennent par à la gestion de la Friche Lamartine. Mais seulement deux personnes sont employées et s’occupent à plein temps de la gestion : Maud Lechevalier - coordination et administration Julie Chapelle - animation vie associative et comunication

Missions

Chaque artiste ayant des locaux dans le bâtiment côtise à l’association (75% du budget). Lors des quelques évènements organisés (le festival annuel et journées portes ouvertes), l’argent gagné par la buvette/snack est également reversé au fonctionnement de l’association, et la Friche Lamartine bénéficie également de subventions.

Négociation Pour avoir des lieux pour les artistes Mise à disposition d’atelier Permanent et temporaire

Gestion du lieu Gestion de la vie quotidienne Organisation d’évènements ponctuels Organisation d’un festival annuel et de portes ouvertes

Statut La Friche Lamartine est une association loi 1901.

Financement

Projets réalisés L’association La Friche Lamartine est liée au site et à ses résidents, et n’a pas donc pas d’autre projet. C’est une continuité des occupations faites par ces artistes : prédémment à la friche Henri RVI prochainement dans deux nouveaux lieux


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// Annexes // Organismes étudiés

do c « Des locaux pour artistes abordables » Création

Equipe

L’association DOC (loi 1901) a été créée par les artistes occupants, pour gérer ce lieu. C’est donc une autogestion du lieu par les résidents.Trois employé(e)s ont été embauchés ensuite pour pouvoir assurer une partie de la charge de travail à plein temps, même si les résident restent très actifs sur la gestion de leur lieu de travail. La gouvernance du lieu (et donc de l’association ) est horizontale, et une assemblée générale a lieu chaque mois. Au sujet du temporaires les avis sont partagés : après autant d’investisement dans l’aménagement du lieu, certains occupants souhaiteraient rester, mais d’autres aiment créer et ‘ouvrir’ des lieux et aiment cette énergie que procurent les projets éphémères

Tous les artistes résidents font partie de l’association et donc prennent part à la gestion de DOC. Mais seulement trois personnes sont employées et s’occupent à plein temps de la gestion : Un(e) chargé de communication Un(e) chargé de développement Un(e) chargé de l’administration

Statut DOC est une association loi 1901.

Missions Juridique Se défendre contre l’expulsion Mise à disposition d’atelier Permanent et temporaire

Financement Chaque artiste ayant des locaux dans le bâtiment côtise à l’association, en fonction du nombre de m² qu’il utilise. Lors des évènements organisés (spectacles, vernissages...), l’argent gagné par la buvette/snack sert au fonctionnement de l’association. DOC ne bénéficie pas de subventions.

Gestion du lieu Gestion de la vie quotidienne Organisation d’évènements Organisation spectacles, concerts, expositions...

Projets réalisés L’association DOC est liée au site et à ses résidents, et n’a pas donc pas d’autre projet.


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// Annexes // Organismes étudiés

plateau urbain « Résorber la vancance - Servir la création » Création

Equipe

Plateau urbain a été créé en Juillet 2013 par Simon Laisney, après avoir fait des études d’urbanisme. L’idée lui est venue d’un constat simple : il existe en Île-de-France 4 millions de m² de bureaux vacants.. Souvent, ces espaces sont en reconversion, en attente d’un nouveau locataire, d’être transformés ou détruits. Dans le même temps, des centaines d’associations, de jeunes entreprises ou d’artistes rencontrent des difficultés pour trouver des locaux. Le but de Plateau Urbain est de faciliter l’accès à des bureaux vacants ou autres lieux à bas coût pour le milieu culturel et associatif, qui ont du mal à trouver des lieux, en signant des baux précaires à tarifs réduits qui permettent au propriétaire et au locataire de ne pas s’engager sur une longue durée.

Simon Laisney - Directeur général fondateur (montage de projets)- et Paul Citron - Directeur du développement - sont les fondateurs de Plateau urbain et sont désormais entourés d’une équipe pluridisciplinaire.

Missions

Démarchage Des propriétaires des bâtiments non utilisés. Maintenant certains viennent par eux-même proposer leurs bâtiments, particulièrement pas le biais d’une plateforme en ligne. Etudes De faisabilité et d’opportunités. Montage des projets Appel à candidatures, s’occuper de leurs diffusions, monter les modèles économiques et juridiques. Suivi des chantiers de réhabilitation Gestion et accompagnementEtre là au quotidien pour organiser l’auto-gestion des usagers du bâtiment, en s’appuyant sur la commnauté pour une vraie appropriation.

Statut Plateau urbain s’est développé d’abord en tant qu’association et s’est transformé depuis 2017 en société coopérative.

Financement Ce ne sont pas les locataires qui assurent un salaire à l’équipe de Plateau Urbain, car ceux-ci ne payent que le montant des charges. Ce sont les propriétaires qui payent, pour qu’ils s’occupent de leurs bâtiments. Une partie du revenu vient aussi de la location, plus commerciale, de certains espaces pour des évènements.

Projets réalisés Les Grands Voisins - occupation avant chantier - avec l’association Aurore et yes We Camp Les Petites Serres - occupation avant chantier - avec l’association Aurore Le Python - occupation avant rénovation - avec l’association Le Python Le Wonder Liebert - occupation avant rénovation - assistance du Collectif le Wonder L’Openbach - occupation avant chantier - avec le Collectif Labolic


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// Annexes // Organismes étudiés

la belle friche « Les fabricantes d’éphémère » Création

Equipe

La Belle Friche a été crée en 2016 par Aude Masboungi et Victoria Campion, deux architectes de formation. Elles étaient passionnées par les méthodes contemporaines d’occuper les espaces inoccupés, friche et délaissés en attente de projet. Le but de La Belle Friche est de transformer ces temps morts en temps vivant en aidant des porteurs de projets temporaires et d’évènements à s’installer dans ces lieux, et ainsi de pallier au gâchis d’espace et de temps dans la ville. Mais en plus d’être une plateforme de mise en relation, l’équipe de la Belle Friche est également de proposer une offre de services dans le domaine de l’architecture, de l’urbanisme et de l’évènementiel.

Aude Masboungi - (architecte) Directrice générale Victoria Campion - (architecte) Directectrice générale Emma Piau - (free lance) Gestion de projets et communication

Missions Exploration et démarchage Des propriétaires des bâtiments et lieux inoccupés. Maintenant certains viennent par eux-même proposer leurs bâtiments Etudes De faisabilité et d’opportunités, en fonction de l’état des lieux et de leur localisation. Proposition d’une activité/économie qui correspond. Création et aménagement Assistement du développement créatif, aménagement des espaces... Gestion et accompagnement Projet clé en main : accompagnement du processus de réalisation, et mission de gestion du site. Communication et animations Communication et organisation d’évènements qui vont faire vivre le site

Statut La Belle Friche est une SARL.

Financement Chaque projet possède un financement différent.

Projets réalisés Le Génie d’Alex - occupation avant rénovation - avec Plateau Urbain et YA+K Le Riviera bar éphémère 75011 Paris Cirque Zavata 92240 Malakoff Montévrain FMR - occupation avant travaux - maison de l’écoquartier


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// Annexes // Organismes étudiés

yes we camp « Réanchanter des espaces en transition » Création

Equipe

Yes We Camp a été créé en 2013 par des personnes rassemblées autour d’un projet (Yes we camp 2013). Le but était d’offrir un espace accueillant et expérimenter un micro village, ouvert aux envies expérimentales. Cela a créé une équipe soudée, qui agit désormais avec les habitants et les acteurs locaux pour concevoir, construire et animer les espaces vacants ou en transition, à travers les équipements temporaires, innovants et extraordinaires. Ils considèrent ces occupations temporaires comme un laboratoire du vivre ensemble, pour susciter une attitude collective nouvelle, plus généreuse et émancipatrice de la ville classique. Le but est de créer des échanges, trouver des prétextes pour que les gens se croisent.Faire vivre les projets, c’est d’abord habiter sur les lieux, afin d’assurer une présence quotidienne, qui bouscule les habitudes et provoque les rencontres.

Aujourd’hui, l’équipe permanente regroupe une vingtaine de personnes basées à Marseille et à Paris qui partagent la même envie de contribuer au monde contemporain, mais aux aux profils variés, venant du monde de l’architecture, administration communication ou bien plus technique.

Missions Exploration et démarchage Des propriétaires des bâtiments et lieux inoccupés. Aménagement Aménagement des espaces, suivi des travaux de réhabilitation et mise aux normes. Gestion des résidents Missions de gestion du site, et accompagnement de l’installation des résidents. Animations Organisation d’évènements variés pour faire vivre le site et ramener un public varié, du quartier et de Paris.

Statut Yes We Camp est une association.

Financement Le financement de Yes We Camp se fait grâce à l’organisation d’évènements (même si beaucoup sont gratuits), grâce à des subventions, mais principalement grâce à leur activité de restauration/buvette qu’ils ont mis en place sur tous les sites.

Projets réalisés Camping Marseille - Un camping avec des hébergements innovants, infrastructure sanitaire écologique, résidences d’artistes, ateliers quotidiens... Chez Albert - Ouverture au public d’une friche pour en faire un lieu de promenade et de récréation, avec des installations collectives ont été décidées avec eux Les Grands Voisins - occupation avant rénovation Gestion du camping et du site, avec la coordination des évènements venant animer ce site + Création d’évènements : L’escale, Le plein de soupe, Douche solaire et pétanque, Le beau bout des Cévennes...


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