L'echo de l'etroit chemin n° 22

Page 51

Du moins, est-ce ainsi que je l’ai compris… et je me suis senti plongée dans un univers post-cataclysmique, après une énième pollution, une ère mondialo-numérisée à l’extrême avec ses interdits comme le liseron, la fleur de Chiyo… Au hameau, pas d’enfant. Il est toujours extrêmement angoissant d’imaginer un monde sans enfant : soit que les humains n’aient pas le droit d’en mettre au monde, soit qu’il leur est devenu impossible de procréer, soit qu’ils choisissent de ne pas enfanter par peur de l’avenir. Mais, laissons-là mes élucubrations personnelles ; Le roman d’isabel n’a rien d’apocalyptique. Au contraire. Un (une) Ange viendra, la patineuse qui gravera d’autres lignes au destin à la surface de la mare gelée. Elle sera aussi initiatrice en haïkus et laissera une petite fille Kire — le kireji du haïku, ce silence, cette respiration, cette pause qui permet de faire un pas de côté, un saut de pensée qui apportera un souffle autre au poème. Il y aura aussi le mystère de cette fleur, ce liseron, apparu, telle la vérité au fond du puits. Et l’époustouflante découverte de la dernière page, propre à iriser nos cœurs d’espérance… Puis le geste salvateur de Chiyo débranchant l’ordinateur, terminal d’un obscur web-araignée régissant nos instants de soi-disant civilisés. Je l’ai juste débranché, dit-elle. Oui, juste… un geste simple que chacun d’entre nous peut accomplir. Pour en finir avec les asservissements.

Comme si l’ordinateur avait réponse à tout, comme s’il avait commandé la marche des saisons, les floraisons, la vie de la mare ! L’écrivain a toujours un rôle d’éveilleur. Avec cette fleur de Chiyo, c’est dans le non-dit, dans l’effleurement des vérités essentielles, que le roman fait surgir de notre intériorité tout un fourmillement d’émotions, un bouillonnement de questionnements, de réflexions. Il suffit de peu de mots… comme dans le haïku et chaque poème de Chiyo-Ni joue sa partie de catalyseur.

Laisse de mer Tout ce que je ramasse Est vivant

(Chiyo-Ni)

Ah ! Les haïkus, il faudrait les citer tous ! Et aussi les phrases d’isabel qui sonnent claires et fortes et vraies car puisées à notre commune âme de terriens. J’aurais l’impression de trahir l’auteure si je ne disais ce qui me paraît essentiel dans cet ouvrage : l’amour du monde tel qu’il se présente, la capacité d’observer — sens épanouis — la chute d’une feuille, les arabesques d’un patin sur la glace, le héron, et la peau de l’eau…

Ce qui se devine, ce que l’on ignore, est un monde à respecter.

22


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.