
ÉPISODE 1
Askor - PlanèteImpériale - Académiemilitaire
Submergé des senteurs puissantes et musquées de toute une flopée d'adolescents en plein effort, le gymnase bouillonnait d'activité. Les effluves de transpiration et d'hormones juvéniles agressèrent Piotr d'Aldébaran dès qu'il pénétra sur les lieux. Il grimaça avant d'examiner attentivement les jeunes gens. Son regard anthracite s'arrêta sur un jeune homme occupé à soulever d'énormes poids. Piotr hésita avant de s'avancer vers son camarade qui s'immobilisa. Il le laissa approcher, tout en essuyant son front couvert de sueur.
Piotr ? Quelle surprise des plus inattendues, ôte-moi d'un doute, tu ne devais pas t'entraîner ce matin ?
Je cherche Alexir.
Je l'évite le plus possible. D'ailleurs, si tu avais deux sous de bon sens, tu ne le fréquenterais pas non plus.
— Es-tu certain de ne pas l'avoir aperçu ?
Tu es tellement imprudent, vraiment, je crois que...
— Je connais ton opinion Fenril, et je m'en moque, contente-toi de répondre avec franchise à ma question.


Il fixa son interlocuteur droit dans les yeux. Celui-ci comprit qu'il n'était
pas question de contrarier l'un des deux meilleurs élèves de l'académie.
Il est possible que je l'aie vaguement vu tout à l'heure, je crois qu'il se dirigeait vers les thermes.
Satisfait, Piotr remercia son condisciple. Fenril suivit la silhouette élancée certes, mais musclée de l'héritier d'Aldébaran. Il se détourna.
Totalement inconscient, pensa-t-il et retourna à ses exercices.
L'animation des thermes ne surprit pas l'arrivant. Tout comme dans le gymnase, les odeurs corporelles des jeunes gens flottaient dans l'air.
À ses exhalaisons, s'ajoutaient celle du chlore. Piotr, cette fois, n'y attacha aucune importance. Il venait de repérer son meilleur ami.
Alexir, debout près du bassin principal, se distinguait des autres. Moins grand que Piotr, mais tout aussi athlétique, ses particularités physiques attiraient l'attention, en premier lieu, sa surprenante chevelure tricolore.
Parfois, Piotr se demandait, quelle mystérieuse mixture biologique avait pu produire ce résultat étrange et harmonieux. Toujours est-il que le brun, le blond et le roux se mêlaient avec une parfaite synergie.
C'était du plus bel effet. Il eut un léger frémissement intérieur, avant-

coureur d'un désir qu'il n'avait jamais voulu exprimer de façon claire à son camarade. Ses yeux gris étincelèrent. Il souriait en s'avançant vers le jeune prince de Naourk qui pivotait dans sa direction. Sans pouvoir sans empêcher, Piotr plongea son regard dans les prunelles ambre de son ami. Malgré lui, il laissa filtrer un peu du désir qu'il ressentait à cet instant.
Voyons, Piotr... lui reprocha Alexir sur un ton doux.
Désolé...
Mais Alexir n'était pas dupe.
Tu n'es pas désolé.
Piotr haussa les épaules sans répondre. Dès que je vois un corps de rêvetelqueletien,j'aidumalàmedominer, pensa-t-il.
Alexir jeta sa serviette sur ses épaules.
Tu voulais me voir ?
Oui, nous devons discuter. C'est urgent.
L'héritier de Naourk hocha la tête .
D'accord, va m'attendre à la sortie. Nous irons flâner dans le parc.
Piotr acquiesça. Alexir s'éloigna sans un mot, se hâtant déjà vers les vestiaires. Il ne pensait déjà plus au désir entrevu dans les prunelles grises de l'héritier d'Aldébaran.
Les deux amis se promenaient sous les arbres centenaires du parc. Le soleil brillait dans un ciel azuréen, l'air était chaud, mais l'ombrage de la canopée les préservaient. Ils marchèrent plusieurs minutes sans se parler.
— Je t'écoute.
Piotr cilla. Il réalisa que comme à l'habitude, l'héritier de Naourk avait été droit au but. Il fit donc de même.
Le trône a menacé ma maison de sanction si mon père continuait à tolérer notre amitié. Celuici m'a donc appelé. Il m'a ordonné de cesser de te fréquenter.
Alexir s'arrêta.


Il n'est évidemment pas question…
Son ami l'interrompit brusquement : Le mien me rappelle sur Naourk. Je pars ce soir.
Piotr sursauta avant de s'exclamer : C'est un non-sens, à huit jours
des examens ? Tu ne peux pas partir maintenant !
Alexir haussa les épaules avec fatalisme : Il était écrit qu'un étudiant
conçu et né dans un laboratoire de génétique ne créerait pas de précédent dans cette académie.
Ses yeux d'ambre étaient tristes, résignés. Piotr le remarqua. Il s'exclama sur un ton presque accusateur : Tu t'y attendais.
L'héritier de Naourk ne nia pas. Piotr osa demander : Pourquoi ce rappel ?
Alexir révéla : Mon père a été exclu du conseil gouvernemental impérial.
Là, Piotr en resta sans voix.
Alexir reprit : Bien sûr, derrière cette exclusion, se dissimule l'éminence grise de sa majesté, Hector d'Arios. Il n'a pas aimé que mon père ne le soutienne pas lors des dernières rencontres sénatoriales. Même si son projet de loi visant à modifier la constitution impériale a été voté.
Piotr objecta : L'opposition idéologique qui caractérise ta maison et celle d'Arios n'est pas nouvelle. Pourquoi une action aussi brutale maintenant envers ton père ?
Je suppose que cette sanction rapide est en rapport avec les examens proches. Lord d'Arios veut empêcher ma participation et par la même éviter que je sois diplômé. Reste à savoir s'il s'arrêtera là.
Piotr, la gorge serrée, ne savait pas quoi répondr e. Ils quittèrent le couvert des arbres pour arriver en vue des bâtiments du haras. Alexir
reprit :
Ceci dit, et même si je pars bientôt, je suis certain que nous nous reverrons.
— Je l'espère bien. J'ose croire que mon père ne m'empêchera pas de me rendre sur Naourk pour te rendre visite. Même s'il le fait, eh bien, je passerai outre.
Alexir ne répondit pas. À la place, il consulta sa montre. Il était presque
midi. Il proposa : Nous déjeunons ensemble ?
Piotr ne refusa pas. Ils rebroussèrent chemin en poursuivant leur
discussion, mais cette fois, sur des sujets beaucoup plus légers. Un nuage passa devant le soleil en assombrissant les lieux, tel un funeste présage.