3 minute read

Economie et politique L’initiative « Entreprises responsables est irresponsable

L’initiative « Entreprises responsables » est irresponsable

Le 29 novembre prochain, les suisses se prononceront sur l’initiative populaire «Entreprises responsables». Ce texte, s’il part d’une bonne intention, pose de nombreux problèmes d’applicabilité, et menace directement l’emploi, la dynamique économique de notre région et l’image de la Suisse dans le monde.

L’initiative «Entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement» demande à ce que les normes internationalement reconnues en matière de droits humains et les normes environnementales soient appliquées en Suisse comme à l’étranger. Les entreprises ayant un siège statutaire ou leur administration centrale en Suisse (PME comprises) se porteraient ainsi garantes des agissements de leurs filiales et fournisseurs partout dans le monde.

L’INITIATIVE POSE PLUSIEURS PROBLÈMES

La responsabilité automatique, partout dans le monde, même pour des infractions commises par des fournisseurs. Comment être garant des agissements d’entreprises qu’on ne contrôle pas ? Les audits permettent certes d’évaluer la qualité des produits, mais dans de nombreux pays, les clients se heurtent aux limites de ce que leurs fournisseurs veulent bien leur montrer, sans capacités (techniques ou légales) d’investiguer plus loin. Les «normes internationalement reconnues» est un concept flou. Dans le domaine des droits humains, il existe peu de règles internationales, mais beaucoup de recommandations, comme par exemple les principes directeurs de l’ONU. Avec cette approche, l’initiative n’atteindra pas son but tout en générant beaucoup d’incertitudes pour les entreprises. La limite de responsabilité n’est pas clairement définie, et peut théoriquement être infinie. De nouveau, le risque majeur est de créer des zones grises pour les entreprises, qui n’auraient pas toutes les moyens d’investiguer suffisamment pour s’assurer de la conformité aux exigences de « diligence raisonnable ». C’est en premier lieu le cas des PME actives dans des « secteurs à risque » (secteurs qui, d’ailleurs, ne sont pas définis par l’initiative, faisant aussi planer l’incertitude sur cet aspect). La création de deux fors juridiques pour un même litige. Avec l’initiative, la Suisse imposerait au reste du monde une forme d’impérialisme juridique, considérant de fait que la justice de pays tiers n’est pas apte à investiguer et à juger des litiges sur leur propre territoire. C’est juridiquement et diplomatiquement très délicat, avec pour probable effet la création de deux fors juridiques. Donc pour une même infraction, une entreprise suisse pourrait se voir condamnée en Suisse et dans le pays où l’infraction a eu lieu. De manière générale, l’initiative créerait une montagne bureaucratique que la plupart des PME (et même certaines grandes entreprises) ne peuvent tout simplement pas se permettre, avec, pour conséquence, de potentielles délocalisations, faillites, ou restructurations. N’oublions pas que toute l’économie suisse est très dépendante d’une chaîne de valeur complexe et internationale, et que les activités de nombreuses PME suisses sont directement ou indirectement liées à la présence de multinationales dans notre pays. Pour rappel, ces dernières emploient 88000 personnes dans le canton de Vaud et génèrent directement plus de 40 % du PIB cantonal (source : GEM). LE CONTRE-PROJET : LA VOIE VERS LA RESPONSABILITÉ

Un contre-projet indirect (modification du droit de la société anonyme entrant en force automatiquement en cas de refus de l’initiative) permet de clairement définir qui est concerné, et quelles sont les responsabilités et obligations de chacun. Ainsi : • Les grandes sociétés (>500 collaborateurs) devront établir des rapports sur les questions non-financières. • Toutes les entreprises actives dans les minerais provenant de zones de conflits seront soumises à un devoir de diligence et auront l’obligation de fournir des rapports. • Les grandes entreprises auront aussi l’obligation de fournir des rapports concernant le travail des enfants. • Les entreprises resteront responsables des agissements de leurs filiales, mais dans les pays dans lesquels l’infraction a lieu, pas en Suisse (conformité au droit international). • Des amendes sont prévues en cas de violation de l’obligation d’établir des rapports (pas le cas avec l’initiative).

Si l’initiative était acceptée, les quelques entreprises « moutons noirs » délocaliseraient simplement leur siège hors de Suisse, sans effet positif sur l’environnement ou les droits humains. Toutes les autres subiraient par contre une avalanche bureaucratique et beaucoup d’incertitude, avec pour conséquence probable l’abandon de certains marchés jugés trop risqués, laissant ainsi la place libre à d’autres entreprises provenant de pays moins regardants sur les droits humains et l’environnement.

En d’autres termes, la question qui vous sera posée le 29 novembre est : « Souhaitez-vous soulager votre conscience en acceptant l’initiative, au risque de créer une nouvelle crise économique en Suisse, ou préférez-vous faire réellement progresser le respect des droits humains et de l’environnement grâce à un contre-projet applicable ? »