LVS décembre 2011

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CULTURE MÈRES JUIVES AU PARADIS

Mères Juives au Paradis!* de Natalie David-Weill

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ebecca se réveille au Paradis. Elle est morte et réalise qu’elle va cohabiter, probablement à tout jamais, avec des mères juives célèbres : on y retrouve les mères d’Albert Cohen, des frères Marx, de Marcel Proust et même de Woody Allen et Albert Einstein. Leurs points communs? Elles sont toutes des mères juives par excellence : elles ont protégé leurs fils à outrance, les ont guidé vers leurs destins et les ont accablé d’une présence maternelle qu’on pourrait qualifier d’étouffante. Voici comment débute le roman. Mais qu’a en commun Rebecca avec ces femmes, parfois sévères, parfois rudes, toujours obnubilées par les brillantes carrières de leurs

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>>> Par Joseph Elfassi fils? Rebecca n’était pas une mère juive typique de son vivant : elle acceptait la liaison de son fils Nathan avec une « goy », ne le poussait pas vers une profession particulière et lui laissait son espace. Elle ne ressemblait aucunement à la mère emblématique dans Portonoy’s Complaint de Philip Roth, auteur souvent cité dans le roman : celle-ci était tellement présente qu’elle dérangeait même son fils pendant ses seuls moment d’intimité aux toilettes. Il est étrange d’appeler cet endroit dans lequel Rebecca se retrouve « Paradis ». Le lieu est une immense maison avec jardin, aux chambres multifonction apparemment infinies, dans lesquelles les mères en question s’adonnent à un éternel concours de popularité pour déterminer lequel de leur fils a eu le plus de succès : Louise Cohen rapporte le simple volume de publication de son fils Albert,Amalia Freud se ravit de la création même d’une discipline de son Sigi, Mini Marx se vante des succès cinématographiques de Chico, Gummo, et Groucho. Le roman est une magnifique ressource à citations, mes coups de cœur allant évidemment à Woody Allen, dont la mère bougonne est à

peu près absente : « L’éternité c’est long, surtout vers la fin », « Non seulement D.ieu n’existe pas, mais essayez de trouver un plombier le dimanche » ou encore « Je n’ai pas peur de mourir, je n’ai juste pas envie d’y être quand ça arrive. » En parlant de mort, il semble y avoir une faille scénaristique dans le roman : si toutes ces mères sont bel et bien mortes et au Paradis, ne devraient-elles pas être réunies avec leurs fils bien aimés? Woody Allen est encore vivant, mais tous les autres hommes remarquables qui habitent les cœurs de ces dames sont décédés eux aussi : dans le cas d’un lieu de récompense ultime, ces femmes ne devraient-elles pas être réunies avec leurs fils dont elles vantent constamment la vie et la carrière? Au Paradis, n’a-t-on pas ce qu’on veut? À moins que ces fils, une fois rendus au Paradis, ne veuillent pas être réunis avec leurs mères… spéculations seulement! Bref, Les mères juives ne meurent jamais est un rappel original d’un héritage culturel important qui compte plusieurs similitudes à travers les époques, notamment la présence étouffante et amoureuse des mères juives! *Éditions Robert Laffont


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