LVS Décembre 2016

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CULTURE JUIVE ET ISRAÉLIENNE

Michal Govrin, Sur le vif

« Quand je suis partie faire des études à Paris, j'étais essentiellement israélienne. J'en suis revenue juive.  » Michal Govrin, Amour sur le rivage

C’était le début des fougueux combats civiques menés par des Sépharades victimes de discriminations sociales. C’est ce qu’on a appelé la « révolte du Second Israël ». Dans les années 50 et 60, la condition des Sépharades d’Israël fut très ardue. Ce n’est que quelques décennies plus tard que l’establishment politique ashkénaze reconnaîtra publiquement les énormes erreurs qu’il a commises au chapitre de l’accueil et de l’intégration des Sépharades originaires des pays arabes. Le personnage de Nissim est à l’image de tous ces valeureux maires de petites villes du sud d’Israël, majoritairement peuplées de Sépharades, qui ont gravi un à un les échelons sociaux et politiques grâce à leur labeur acharné. Plusieurs d’entre eux ont transformé des cités déshéritées en des villes très dynamiques qui doivent leur prospérité à l’industrie de la haute technologie que ces maires déterminés ont attirée dans leur terroir. Mais, dans l’Histoire moderne d’Israël, le Séphardisme n’a pas toujours été synonyme d’« échecs ». Les Sépharades n’ont pas été les seuls citoyens discriminés dans l’État d’Israël naissant. Les survivants de la Shoah qui sont arrivés en Israël après la Seconde Guerre mondiale ont aussi connu leur lot de difficultés sociales et de discriminations. Les Sépharades des villes du sud du pays ont démontré au fil des années leur grande capacité de résilience. Ils ont aussi grandement contribué au développement social et économique d’Israël. Les écrivains israéliens sont-ils encore aujourd’hui des « phares éclaireurs » de la société israélienne ? Les écrivains israéliens, qui, en l’espace de six décennies – un laps de temps très court dans le curseur de l'Histoire –, se sont frayés une place très honorable sur la scène littéraire mondiale, ont deux grands privilèges : écrire dans une langue merveilleuse, l’hébreu, qui n’arrête pas de renaître et de se réinventer, et pouvoir raconter, dans des récits exceptionnels, l’Histoire très mouvementée de leur pays par le biais de la « petite histoire » – avec un petit « h » –, c’est-à-dire en relatant des parcours de vie très singuliers. C’est ce qui confère à la littérature israélienne sa spécificité et son universalité. La littérature israélienne contribue aussi à écrire le récit national d’Israël. Celui-ci n’est pas l’apanage exclusif des politiciens. À travers leurs visions, souvent très contrastées, de leur pays, les écrivains israéliens proposent d’autres possibilités de récits, de nouvelles manières d’explorer les réalités sociohistoriques, politiques et identitaires qui ont cours en Israël. La majorité des écrivains israéliens ont revisité l’éternel conflit israélo-palestinien par le truchement de personnages qui nous rappellent que nous sommes trop enclins à regarder ce contentieux sous la stricte lorgnette du présent en oubliant la dimension dramatique de l’Histoire.

Comment envisagez-vous l’avenir d’Israël? En dépit du fait que les Israéliens vivent à l’ombre d’une menace constante, ils ont appris au fil d’épreuves existentielles souvent funestes à relever un grand défi : savoir vivre le présent comme si de rien n’était. Je suis optimiste en ce qui a trait à l’avenir d’Israël. Mon père est arrivé en Eretz Israël en 1921. Il devait sécher les marécages dans la vallée d’Israël. Quand je me promène dans cet endroit aux paysages magnifiques et majestueux, je me dis : « c’est incroyable ce que nous avons réalisé ces cent dernières années ». J’espère que les générations futures pourront en faire autant. Israël est une aventure humaine unique et inouïe. C’est un laboratoire humain bouillonnant, où des ethnies provenant des quatre coins du monde ont appris à cohabiter. À une époque où l’heure est à la coexistence et au dialogue interculturels, le modèle sociétal israélien devrait être une référence pour toutes les autres nations du monde. Votre optimisme semble inébranlable ? Quand les Israéliens ne réfléchissent pas d’une manière égocentrique et bornée et regardent les défis auxquels ils sont confrontés avec lucidité, c’est l’optimisme juif qui revient au galop. C’est vrai que cet optimisme ne nous est pas d’une grande aide le lendemain d’un attentat terroriste sanglant. Mais, tout au long de l’Histoire juive, peuple d’Israël a toujours rimé avec espoir. Il ne faut jamais perdre l’espoir. C’est la magistrale leçon de vie que nos parents et grands-parents nous ont léguée. Perdre l’espoir, c’est trahir le rêve caressé par nos aïeux pendant plusieurs millénaires. L’Histoire juive nous rappelle constamment que le peuple juif est toujours dans une trajectoire, dans un projet, encore inachevé. D’après la Kabbale, le monde a été créé et brisé en même temps. C’est notre devoir d’aider Dieu à reconstruire un monde qui n’est pas encore achevé. C’est la pensée la plus juive possible. La création de l’État d’Israël, c’est l’achèvement de l’Histoire et aussi le début d’une nouvelle Histoire porteuse de grandes promesses.

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